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Les lithophones, instruments préhistoriques janvier 2012 Olympiades de Physique 1/28 Les lithophones, instruments de musique préhistoriques Raphaëlle BARBIER Projet encadré par Laura CASSES Michel FAYE Gwenaël FERRANDO et Sophie De REGUARDATI Aster RABINOVITCH Lucie RONDEAU DU NOYER Céline VAILLANT Avec le soutien actif de Marie PIERRU Lycée Louis Le Grand Olympiades de Physique XIX ème édition

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Les lithophones, instruments préhistoriques janvier 2012

Olympiades de Physique 1/28

Les lithophones,

instruments de musique préhistoriques

Raphaëlle BARBIER Projet encadré par Laura CASSES Michel FAYE Gwenaël FERRANDO et Sophie De REGUARDATI Aster RABINOVITCH Lucie RONDEAU DU NOYER Céline VAILLANT Avec le soutien actif de Marie PIERRU

Lycée Louis Le Grand

Olympiades de Physique

XIXème édition

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Les lithophones, instruments préhistoriques janvier 2012

Olympiades de Physique 2/28

Résumé

Et si certains rondins de pierre conservés au Muséum National d’Histoire Naturelle et considérés comme des outils néolithiques se révélaient être les premiers instruments de musique transportables de notre Histoire ?

A partir de cette hypothèse, nous nous proposons de modéliser ces drôles d’instruments à percussion, les lithophones, et de les étudier expérimentalement afin d’en dégager leurs principales caractéristiques physiques et acoustiques. Nous nous intéresserons également à l’histoire de ces instruments et à l’existence de lithophones naturels, par exemples dans les grottes.

Sommaire

1 L’approche culturelle et historique ................................................................................................ 4

a Les lithophones angulaires ou laminaires ................................................................................... 4

b Les lithophones cylindriques, objet de notre étude ................................................................... 5

c Lithophones et peintures rupestres ........................................................................................... 5

2 L’approche expérimentale .............................................................................................................. 7

a Observations portées sur l’examen du lithophone authentique ................................................ 7

b Principe de l’expérience ............................................................................................................. 8

Enregistrement des sons .................................................................................................................................................. 8

Analyse de Fourier ............................................................................................................................................................ 8

c Dispositif expérimental............................................................................................................. 10

d Etude approfondie des graphes obtenus.................................................................................. 13

Etude du modèle de lithophone : cylindre ....................................................................................................................13

Etude du modèle de lithophone : cylindre ciselé ..........................................................................................................18

Détermination théorique de la vitesse des ondes sonores dans le lithophone ..........................................................22

Détermination par le calcul de la vitesse des ondes transversales ..............................................................................22

e Caractéristiques du lithophone dégagées grâce à cette étude expérimentale ......................... 25

3 Conclusion .................................................................................................................................... 26

4 Bibliographie ................................................................................................................................ 27

a Ouvrages .................................................................................................................................. 27

b Articles...................................................................................................................................... 27

c Sites Internet ............................................................................................................................ 27

5 Remerciements ............................................................................................................................ 28

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Le lithophone est un idiophone (c'est-à-dire un instrument dont le matériau produit lui-même le son lors d'un impact) ; il est majoritairement utilisé dans la musique indienne. Il est composé d’une ou de plusieurs pierres sonores taillées et polies, que l'on frappe avec de petits marteaux de bois pour obtenir un son. En Europe, il est relativement peu répandu, mais il a été utilisé par le compositeur allemand Carl Orff dans certaines de ses œuvres.

Cet instrument nous a intéressés de par son originalité et son histoire. Nous avons donc décidé d’approfondir nos recherches afin d'en savoir plus sur cet instrument et de pouvoir bâtir notre projet d'Olympiades de physique sur celui-ci. De plus, la découverte de la fonction du lithophone étant toute récente, nous avons voulu rencontrer le chercheur qui en était à l'origine.

C'est Sophie Marinucci De Reguardati, professeur agrégée de physique-chimie, qui, par l'intermédiaire de M. Faye notre professeur de physique-chimie, nous a présenté M. Gonthier, maître de conférences en préhistoire et chercheur au Muséum national d'Histoire naturelle du Jardin des Plantes. Celui-ci nous a montré avec enthousiasme sa découverte : les premiers instruments de musique transportables de l’Histoire. M. Gonthier n'est pas le premier à avoir étudié de tels instruments mais c'est lui qui en a découvert la fonction grâce à de nombreuses recherches, qui l'ont notamment emmené à Java et dans d'autres régions du globe.

Nous avons alors demandé l'autorisation au Muséum National d'Histoire Naturelle d'emprunter deux lithophones fabriqués par leurs soins afin de pouvoir mener nos propres études acoustiques. En effet, les véritables lithophones ne doivent pas sortir du musée. Nous en avons obtenu deux différents : l'un est cylindrique tandis que l'autre est coupé, ce qui nous a permis d’approfondir l’étude amorcée lorsque nous nous étions rendus au Muséum, où nous avions pu observer et tester des lithophones authentiques, et il est vrai qu'avec ceux-ci, nous pouvions obtenir une bonne qualité musicale. Les lithophones dont nous avons pu disposer produisent quant à eux un son d'assez bonne qualité, même s'il ne rejoint pas celui des lithophones authentiques.

Par de nombreuses expériences (même si M. Gonthier nous avait déjà donné quelques indices), nous avons essayé d'établir les principales propriétés physiques et acoustiques d'un lithophone. Tout d'abord, nous nous sommes aperçus que le lithophone ne produisait pas de son lorsqu'on ne le plaçait pas sur des coussins spécifiques ou que l'on ne le tenait pas d'une certaine façon. Nous nous sommes ensuite interrogés sur la variation de son et de son amplitude, en fonction du point d’impact avec le lithophone.

Dans une première partie, nous verrons donc tout ce qui est relatif à la découverte du lithophone et à sa fonction. La seconde partie présentera nos études expérimentales ainsi que les graphes que nous avons obtenus par l'analyse de Fourier. Nous pourrons ainsi nous attacher à dégager les caractéristiques physiques principales du lithophone.

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1 L’approche culturelle et historique

Dans les réserves du Muséum nationale d’Histoire naturelle (MNHN) de Paris sont regroupés plusieurs rondins de pierre provenant de pays de la région saharienne (Algérie, Côte-d’Ivoire, Mauritanie, Tchad, Togo). Longtemps, leur usage est resté mystérieux et leur classification a fait débat. Ils étaient en effet rangés dans la catégories des « pilons sahariens » à cause de leur forme préhensible et cylindrique. Cependant, l’ethnologue Marceau Gast, spécialiste des peuples nomades du Sahara, soulignait que leur aspect lisse et intact ainsi que leurs extrémités arrondies ne s’accordaient pas avec l’usage prolongé d’un outil destiné à broyer ou à piler.

En 2004, Erik Gonthier, maître de conférences et chercheur au MNHN émet l’hypothèse que ces « pilons sahariens », datés de la période du Néolithique (8000 à 2500 ans avant notre ère), seraient en fait les premiers instruments de musique transportables connus et propose de les regrouper sous l’appellation de « lithophones cylindriques subsahariens ».

Ces objets pourraient donc se classer dans la catégorie plus large des lithophones, famille d’instruments qui remonte à la Préhistoire et dont on a trouvé des éléments en Afrique, en Asie et en Europe.

Un lithophone se compose d’une ou plusieurs pierres dont la percussion entraîne une résonnance musicale plus ou moins longue. Les pierres sont souvent taillées et polies et peuvent être agencées entre elles pour obtenir un instrument plus complexe.

On pourrait alors distinguer deux groupes de lithophones :

a Les lithophones angulaires ou laminaires

Ces lithophones sont composés de pierres plates disposées en ensemble. Ils ne sont pas transportables et les lieux où ils sont placés sont souvent sacralisés.

On en retrouve par exemple en Asie du Sud-Est, au Vietnam. Dans plusieurs sites archéologiques du pays, des ensembles de lames de phonolithes (pierres sonores) angulaires et taillées ont été découverts. Datés de près de 5.000 ans av J-C, ces ensembles instrumentaux apparaissent comme sacrés pour certaines populations et leur musique était sans doute associée à l’hommage des dieux et à la protection des récoltes.

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En Afrique (Togo, Éthiopie), l’usage du lithophone persiste dans quelques tribus notamment au cours de rites d’initiation. L’ensemble instrumental employé comprend cinq lames plates de taille différentes posées au sol que l’on frappe avec d’autres pierres.

On peut aussi trouver des lithophones suspendus faits de pierres sculptées et polies. Ainsi, en Chine, on retrouve de nombreux instruments de ce type datant d’il y a au moins 2000 ans. Les lames en jade sont souvent taillées en forme d’équerre et suspendues les unes à côté des autres pour former un carillon.

b Les lithophones cylindriques, objet de notre étude

Ces monolithes cylindriques se différencient de la catégorie précédente car ils sont transportables et ne sont jamais découverts regroupés dans un même endroit. Une autre de leurs particularités est de pouvoir émettre deux sons distincts (diphonie). Sculptés et polis, il est probable que le fait de tailler de tels instruments ait été long, de l’ordre de deux ans.

Les lithophones pourraient être la réplique d’un phénomène naturel ; en effet, dans certaines grottes, les stalactites et les stalagmites « jouent » (=entrent en résonnance). M. Gonthier émet l’hypothèse que la présence de peintures dans les grottes serait corrélée à la présence de stalactites qui « jouent ».

c Lithophones et peintures rupestres

Au cours de ses recherches, M. Gonthier a assisté à un concert dans la grotte de Tabuhan sur l'île de Java en Indonésie où les stalactites étaient utilisées comme instruments de musique.

Cependant, en plus de ces colonnes résonnantes, cette grotte présentait aussi des peintures rupestres. Le paléomusicologue a alors tenté d'établir un lien entre les deux particularités de cette grotte.

(Fig 1) peintures rupestres d'une grotte du Sahara, semblant montrer des hommes jouant, l’un sur un luth,

l’autre sur un lithophone

L'espace des grottes, en raison de ses dimensions et de ses formes, propose une acoustique particulière. En effet, les parois en pierre dures et souvent lissées par l'eau absorbent très peu les ondes mécaniques sonores. Au contraire, les parois de grottes renvoient et diffusent ces ondes en créant un phénomène d'écho important, et en modifiant parfois leur fréquence, altérant considérablement la perception par l'homme des sons émis. La diffusion du son à travers tout l'espace trouble la détermination de la source sonore, et les modifications de fréquence influent sur la hauteur de la note perçue par l'oreille humaine.

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Or, par l'étude de la résonance des pierres, certains chercheurs ont remarqué la présence de stalactites ou stalagmites, qui de par leur forme cylindrique naturellement assez régulière, lorsqu'elles sont frappées correctement, entrent en résonance et produisent des sons assimilables à ceux d'une cloche en métal. Par l'analyse du son, on a montré que ces colonnes de pierre n'émettent pas un bruit mais bien un son à hauteur déterminée : il comporte une fondamentale ( correspondant approximativement à une note de la gamme aujourd'hui utilisée) ainsi que des harmoniques ou des partiels.

La hauteur du son émis par chaque colonne dépend de plusieurs facteurs : principalement sa composition et ses dimensions. Ainsi, on peut trouver dans une même grotte plusieurs stalagmites et stalactites qui, émettant des sons de hauteur différente, permettraient d’élaborer une mélodie plus ou moins complexe.

L'étude des lithophones montre que l'homme du Néolithique avait établi la notion d'instrument à percussion. On peut donc également supposer qu'il avait su observer les propriétés des colonnes présentes dans les grottes et ainsi les exploiter dans un but véritablement musical.

On a également observé la présence de peintures rupestres dans les grottes comportant de telles colonnes musicales. Si certaines de ces peintures se rapprochent des peintures habituellement retrouvées, certaines d'entre elles semblent monter des hommes utilisant les lithophones pour créer un son musical. C'est par exemple le cas de grottes de Dordogne en France et de celle de Tabuhan à Java. La présence de grottes comportant à la fois des colonnes résonnantes et des peintures rupestres relatives ou non à la pratique musicale, et ce en deux endroits du globe espacés montre qu'il ne s'agit pas d'un phénomène exceptionnel mais permettrait bel et bien de conclure à une existence passée de véritables représentations « son et lumière », chez des êtres que l'on pensait jusqu'ici étrangers à la pratique musicale.

A partir de cette étude, on peut émettre certaines hypothèses quant à l'idée originale de créer les premiers lithophones. Si les grottes proposent un espace acoustique original et fournissent aux hommes préhistoriques des instruments musicaux, il leur est impossible de déplacer ces derniers. Les hommes préhistoriques étant nomades, la taille de lithophone de dimensions réduites leur aurait permis de se déplacer avec leurs instruments musicaux. Or l'étude du « trajet » parcouru par les lithophones au fil des siècles montre qu'ils ont bel et bien été transportés sur de très longues distances depuis leur lieu de fabrication.

La fabrication des lithophones, comme beaucoup d'autres inventions humaines, semble donc être née d'une envie d’imiter la nature, à savoir ici le son produit par les colonnes résonantes des grottes.

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Photo d’un lithophone préhistorique prise au Museum d’histoire naturelle en

présence d’ Erik Gonthier

2 L’approche expérimentale

a Observations portées sur l’examen du lithophone authentique

Nous avons eu l’occasion de nous rendre au Museum d’Histoire naturelle du Jardin des Plantes, et d’y rencontrer M. Erik Gonthier, chercheur en lithoacoustique. Nous avons ainsi pu examiner un véritable lithophone préhistorique et dégager, à l’oreille, les principales caractéristiques de cet instrument.

Tout d’abord, si l’on frappe dessus quand celui-ci est posé par terre ou tenu dans la main en son milieu, on entend un son meilleur que celui d’une pierre classique non taillée, mais qui s’atténue très rapidement et qui ne nous donne donc pas l’impression d’être en présence d’un instrument de musique.

Pour essayer de faire résonner ce lithophone (ce qui permettrait alors d’obtenir un son beaucoup plus long, voire plus mélodieux), nous l’avons placé sur deux petits coussinets, de telle sorte qu’il soit isolé d’une autre surface. Nous avons alors remarqué que quand ces coussinets étaient placés

au quart et aux trois quarts du lithophone, nous obtenions un son bien plus musical (c’est-à-dire qui a une bonne résonnance et plus agréable à l’oreille).

En laissant les coussinets au quart et aux trois quarts du lithophone, nous avons ensuite remarqué que le lithophone pouvait produire deux notes :

- la première note quand on le frappe verticalement (l’angle entre le point de frappe et l’horizontale étant de 90°). En outre, on remarque ce cette note est la même sur tout le plan vertical.

- la deuxième note, quant à elle, est créée quand on frappe le lithophone horizontalement. Là encore, il s’agit de la même note sur tout le plan horizontal.

On distingue donc deux plans isophoniques principaux : le plan vertical, qu’on appellera plan A, et le plan horizontal qu’on appellera plan B. (voir figure ci-dessous)

Cependant, on constate également que quand on tape entre le plan A et la plan B, on obtient un son qui semble être le mélange des deux notes correspondant aux plans A et B. Ainsi, plus le point de frappe est proche du plan A (c’est-à-dire plus l’angle entre le point de frappe et l’horizontale se rapproche de 90°) plus la note perçue se rapproche de celle du plan A, et inversement.

On a donc, lorsque l’angle entre le point de frappe et l’horizontale est de 45°, un son mélangeant à proportions égales les notes du plan A et B. De même, on obtient la même note sur tout un plan, qu’on appellera plan C. On peut donc remarquer qu’il existe en réalité deux plans C, de part et d’autre du plan A.

Finalement, en frappant sur toute la longueur du lithophone, nous constatons qu’à certains endroits le son est atténué (on remarque que cela coïncide avec les endroits où sont positionnés les coussinets), on appelle ces endroits des nœuds. A d’autres endroits, au contraire, le son est assez fort, on appelle ces endroits des ventres. On constate ainsi la présence de deux nœuds et de trois ventres.

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Nous avons donc établi plusieurs suites d’enregistrements sonores nous permettant d’analyser avec précision ces différents caractères, grâce à des graphes de Fourier.

b Principe de l’expérience

Pour approfondir notre étude, nous avons enregistré les sons de deux modèles de lithophone: un cylindre (qui représente un lithophone qui ne serait pas aplati) et un cylindre coupé (qui représente le lithophone aplati). Nous avons donc pu analyser de manière quantitative les phénomènes que nous avons entendus.

Enregistrement des sons

Pour faire nos analyses de son, il a fallu les enregistrer donc transformer le signal sonore émis par le lithophone en signal électrique.

Cet enregistrement s’est fait simplement grâce à un microphone: les vibrations de l'air qui constituent le son font vibrer la membrane du microphone. Cette membrane est reliée à une bobine métallique qui coulisse autour d'un aimant lorsque la membrane vibre. Il se forme ainsi un courant électrique dans la bobine dont le signal dépend du signal sonore.

Ce signal a été ensuite traduit par le logiciel Regressi en un graphique représentant le signal sonore en fonction du temps, puis en un spectre du son grâce à l'analyse de Fourier.

Analyse de Fourier

Il est possible de décomposer un signal périodique en en une somme de fonctions sinusoïdales selon la relation:

( ) ∑

B0, An et Bn étant les amplitudes ou les coefficients de Fourier de chaque fonction sinusoïdale d'indice n.

L'analyse de Fourier consiste à trouver ces coefficients pour en déduire l'amplitude de chaque fréquence qui compose le son (cette fréquence étant un sinus ou un cosinus).

Cette relation est permise grâce à la propriété d'orthogonalité des sinus et cosinus: l'intégrale d'un sinus et d'un cosinus sur sa période est nulle.

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et :

On montre par la suite que toute intégrale du produit de deux fonctions sinusoïdales distinctes sur une période est nulle. Cette propriété est appelée orthogonalité des sinus et cosinus.

Et

avec n et m différents

Par ce principe, on en déduit les expressions de B0, An et Bn :

∫ ( )

∫ ( )

∫ ( )

L'analyse de Fourier permet ainsi de visualiser les différentes fréquences qui composent le son et leur énergie les unes par rapport aux autres: le fondamental, c'est-à-dire la fréquence la plus basse du son et les harmoniques qui sont des multiples entiers de la fréquence fondamentale. Il arrive qu'un instrument n'ait pas d'harmonique mais des multiples non entiers du fondamental. On les appelle alors des partiels.

Tandis que les harmoniques sont dus à la décomposition spectrale du son d'un instrument, les partiels sont dus au fait qu'un instrument vibre simultanément sur plusieurs fréquences propres. On trouve des partiels chez certaines percussions comme les timbales ou les cloches.

Nous avons ensuite utilisé le logiciel Logicpro pour visualiser ces fréquences perçues en fonction du temps. Ce type d'enregistrement s'appelle un sonogramme et permet de montrer en même temps la fréquence, l'amplitude et la durée des différentes fréquences qui composent le son.

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c Dispositif expérimental

Voici le dispositif utilisé pour effectuer les enregistrements de sons.

Pour avoir des enregistrements de qualité, nous avons donc recherché un micro qui réponde aux caractéristiques suivantes :

- Unidirectionnel ; c’est-à-dire qu’il n’enregistre que le son en provenance de l’endroit vers lequel il est pointé. Ce caractère, indépendant de la puissance de perception du microphone, nous permet néanmoins de limiter au maximum le bruit ambiant qui parasiterait, dans nos enregistrements, le son du lithophone.

- Muni d’une prise jack ou, le cas échéant, équipé d’un adaptateur, pour permettre un

branchement direct avec l’ordinateur utilisé pour l’enregistrement et le traitement des informations sonores. En effet, la puissance de l’enregistrement n’étant pas requise (contrairement à sa pureté), on peut se permettre de négliger quelque peu ce paramètre, dans le but de faciliter le traitement des enregistrements sonores.

Après avoir trouvé un micro correspondant au mieux à ces critères, nous avons mis en place le dispositif d’enregistrement suivant :

Schéma et photographie du dispositif

utilisé pour l’enregistrement des données

sonores

Dispositif d’enregistrement

Lithophone Coussinets

Dispositif de frappe

Potence

Suspensions en ficelle

Extrémité de bois pour la

percussion du lithophone

Lamelle de plomb

servant de lest et de guide

Corps en carton

Rail

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Précisions sur le système de percussion du lithophone :

Afin que la variation de l’amplitude de l’onde maximale ne soit pas due à la variation de la force de frappe du maillet, on met en place un dispositif qui garantit l’égalité de la frappe en tout point du lithophone.

Une lame de carton lestée et munie d’une extrémité en bois est suspendue aux câbles tendus d’une potence. Le chemin de cette lame est guidé par un rail en plomb qu’on introduit dans la fente d’un rectangle en mousse. Cette forme est graduée régulièrement ce qui nous permet de lâcher toujours le dispositif de frappe de la même hauteur.

On utilise le logiciel Regressi, ainsi que son auxiliaire dédié à l’acquisition de données, pour tous nos enregistrements. Ceci nous permet en effet de visualiser les graphes que l’on va étudier (voir 1-c pour l’exploitation) juste après leur enregistrement.

Enregistrement, et sélection de la séquence utile à l’aide des barres bleues dans la

bande supérieure. Dans la bande inférieure s’affiche la séquence qui va être analysée.

Puis en cliquant sur le troisième bouton, on envoie ces données vers le logiciel Regressi, qui saura les traiter pour obtenir un graphe exploitable. Par exemple, pour cet enregistrement, on obtient, par l’analyse à la façon de Fourier, le spectre suivant :

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Exemple de spectre obtenu par la méthode de Fourier

Ce type de graphe sera analysé de manière plus approfondie dans la partie suivante.

Afin d’obtenir des mesures précises pour l’exploitation, on répète plusieurs fois le protocole d’enregistrement et on calcule la moyenne de la série des résultats obtenus.

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d Etude approfondie des graphes obtenus

Etude du modèle de lithophone : cylindre

Pour pouvoir vérifier les propriétés du lithophone, déduites de manière qualitative, nous avons décidé d’utiliser deux modélisations : d’abord nous avons considéré un simple cylindre de pierre puis nous en avons utilisé un deuxième à peu près identique dont une partie a été coupée (il a donc en quelque sorte un côté plat).

Etude de la pierre non taillée (pierre quelconque) :

En tapant sur de la pierre (quelconque), nous obtenons par l’analyse de Fourier le spectre suivant

On peut ainsi remarquer que sur ce spectre, est présent un très grand nombre de fréquences différentes qui n’ont aucun rapport entre elles. Il ne s’agit donc pas d’un son à hauteur déterminée mais de bruit.

D’autre part, en utilisant le logiciel Logicpro, nous obtenons le résultat suivant :

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Olympiades de Physique 14/28

(s)t0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4

s

-100

-50

0

50

100

(s)t0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4

s (10³ )

-20

-10

0

10

20

(s)t0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35 0.4

s (10³ )

-20

-10

0

10

20

On remarque donc que là-encore, le sonogramme obtenu n’est pas celui d’un son musical mais d’un bruit (présence de fréquences différentes n’ayant pas de rapport entre elles).

Dans un premier temps, comparons le son obtenu quand le cylindre est posé par terre, quand on le tient à la main et quand il est posé sur de petits coussins, placés au quart et aux trois quarts du lithophone :

A/ Comparaison pour le graphique obtenu de l’amplitude du signal en fonction du temps :

- Résultats obtenus quand le cylindre est posé par terre :

- Résultats obtenus pour le cylindre tenu à la main :

- Résultats pour le cylindre posé sur les deux coussinets placés au quart et aux trois quarts du lithophone (à la même échelle que le graphique précédent) :

Les trois graphiques étant à la même échelle pour l’axe des abscisses, on observe ainsi que dans les deux premier cas le son s’arrête plus tôt (entre 0,15 et 0,25 s) que dans le dernier cas (entre 0,3 s et 0,4 s).

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Olympiades de Physique 15/28

(kHz)f5 10 15 20

s

0.5

1

1.5

2

2.5

De plu,s on observe que dans le 1er cas l’amplitude du son est extrêmement faible par rapport aux deux autres cas. Il est même impossible de mettre ce graphique à la même échelle que les deux autres (pour l’axe des ordonnées) car sinon il serait complètement plat (on ne verrait qu’une ligne). Ceci vérifie donc une de nos observations, à savoir que quand le lithophone est posé par terre, on obtient un son faible et qui ne dure pas et que lorsque le lithophone est tenu à la main, il produit un son beaucoup plus atténué que quand il est posé sur des coussinets, mais plus important que quand il est posé au sol.

B/ Comparaison des spectres obtenus par l’analyse de Fourier

- Résultats obtenus pour le cylindre posé au sol :

- Résultats obtenus pour le cylindre tenu à la main :

- Résultats pour le cylindre posé sur les deux coussinets :

On remarque tout d’abord que le son produit dans le premier cas se rapproche beaucoup plus du son produit par une pierre classique que ceux produits dans les deux autres cas. En effet, le spectre est composé de différentes fréquences sans relations entre elles. On observe cependant la présence de fréquences qui se retrouvent dans les deux autres graphiques (celles de 2kHz et de 5kHz notamment).

De plus, on constate que dans le second enregistrement, il n’y a présence que d’une fréquence principale. Tandis que dans le second, il y a deux fréquences principales : celle de 2 kHz correspondant au fondamental (pour la définition, voir l’explication de la méthode de Fourier) et celle d’environ 5 kHz correspondant à un partiel (ce n’est en effet pas une harmonique car la

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Olympiades de Physique 16/28

fréquence d’une harmonique doit être égale à n fois la fréquence du fondamentale, avec n un entier naturel ; ce qui n’est pas le cas ici).

Ainsi dans le premier cas, le son ne semble pas très différent de celui d’une pierre. Dans le second cas, le son paraît déjà plus proche que le son obtenu dans le dernier cas. Cependant il est moins riche (présence d’une seule fréquence principale), il nous paraît donc moins musical.

Pour approfondir le résultat obtenu lorsque le lithophone est posé sur les coussinets et améliorer sa précision, nous avons encore une fois eu recours à Logic pro, nous obtenons le sonogramme suivant :

On observe ainsi que la note fondamentale et les partiels commencent au même moment dans le temps, mais que les partiels s’arrêtent plus rapidement. En effet, tandis que le fondamental ne s'arrête pas encore à 0,40s, le premier partiel s'arrête à 1,18s et les partiel supérieurs encore plus tôt (0,06s). Ce phénomène est caractéristique des instruments à percussion.

On peut de plus observer sur ce sonogramme, d’autres partiels qui n’étaient pas visibles sur Regressi. Les fréquences de ces partiels sont d’environ 7,2 kHz et 7,4 kHz. Ceci nous permet donc de constater que le son produit par le cylindre de pierre entier est assez riche.

On peut également constater que la note fondamentale est celle qui a la plus forte intensité (épaisseur du trait relativement importante), et qui dure le plus longtemps.

Nous avons ainsi mis en évidence que le lithophone pouvait produire un son s’il était posé sur des coussinets au quart et aux trois quarts du lithophone ; et que ce son était principalement composé d’une fondamentale (dont la fréquence, l’intensité et la tenue dans le temps étaient relativement importantes) et de partiels, rendant ce son plus riche et musical.

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Les lithophones, instruments préhistoriques janvier 2012

Olympiades de Physique 17/28

Dans un second temps, nous avons alors voulu étudier la variation de ce son en fonction du point de frappe, tout en laissant les coussinets au quart et aux trois quarts du lithophone. Nous avons ainsi fait des enregistrements en frappant sur le lithophone tous les deux centimètres. Nous obtenons le graphe suivant, représentant l’évolution de l’intensité de la fondamentale en fonction de la distance entre l’endroit où nous frappions et l’extrémité gauche du lithophone :

Nous pouvons donc constater qu’il existe des endroits où l’intensité est très faible, qu’on appelle nœuds (ce sont des points d’amplitude vibratoire presque nulle, négligeable devant celle des ventres). Ils sont positionnés à 10 et à 30cm (c’est-à-dire au quart et aux trois quarts du lithophone). A l’inverse, il y a des zones où l’intensité est plutôt élevée, appelées ventres (ce sont des points d’amplitude vibratoire maximale), situés aux deux extrémités et au centre.

Notons que le fait de changer le positionnement des coussinets sous le lithophone ne change en rien la position de ces nœuds et ventres.

D’autre part, nous avons pu remarquer que, quel que soit l’endroit où nous tapons sur le lithophone modélisé, nous obtenons la même note fondamentale que nous avons d’ailleurs pu déterminer à partir de la fréquence : puisque la fréquence est de 2kHz on en a déduit que c’est le Si de la 5e octave (en prenant comme référence le La de la 3e octave à 440Hz). De même nous avons pu déterminer le note correspondant au partiel dont la fréquence est de 5,08 kHz et qui est donc le Mi bémol de la 7e octave. On remarque cependant que ces notes ne sont pas tout à fait justes (manque de précision au niveau de la fréquence).

Pour cela, nous avons utilisé le tableau suivant, donnant la note correspondant à une fréquence :

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Olympiades de Physique 18/28

Cependant, on remarque également que, quels que soient l’endroit et le plan dans lequel nous tapons, nous obtenons toujours la même note. Ce cylindre entier de pierre ne nous a donc pas permis de mettre en évidence la présence des différents plans (A, B et C).

Pour cela, nous allons maintenant faire l’étude d’un cylindre de pierre de mêmes dimensions, mais cette fois-ci coupé dans le sens de la longueur. Cette modélisation se rapproche en effet beaucoup plus des véritables lithophones préhistoriques, car ceux-ci étaient taillés à la main et n’étaient donc pas parfaitement cylindriques.

Etude du modèle de lithophone : cylindre ciselé

Nous avons remarqué que sur cette modélisation on obtient des notes différentes en fonction de l’endroit où l’on tape. On observe d’ailleurs des changements dans la décomposition de Fourier du son émis par cette modélisation par rapport à la première :

Nous avons maintenant deux fréquences principales dont l’amplitude est importante, cela montre que ce nouveau lithophone peut produire deux notes fondamentales différentes, mais néanmoins proches puisque leurs fréquences le sont. On a en effet une première fréquence de 1827Hz et une deuxième de 2116Hz. On remarque aussi que ces fondamentales sont accompagnées chacune d’un partiel dont la fréquence est 2,5 fois supérieure à celle de sa fondamentale : le premier partiel a une fréquence de 4630Hz et le deuxième une fréquence de 5263Hz.

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Les lithophones, instruments préhistoriques janvier 2012

Olympiades de Physique 19/28

Nous pouvons aussi étudier le sonogramme d’un enregistrement obtenu grâce à ce cylindre :

On remarque d’abord que les deux fondamentales, ainsi que leurs partiels, commencent au même moment mais qu’il y en a une qui dure moins longtemps. On constate aussi que la fondamentale qui dure le plus longtemps a une intensité plus forte.

On déduit de ce sonogramme et de la décomposition de Fourier précédente que lorsque l’on frappe sur ce modèle, on obtient un son composé de deux fondamentales en proportions variables.

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Les lithophones, instruments préhistoriques janvier 2012

Olympiades de Physique 20/28

Sachant que la note émise reste la même lorsque l’on frappe sur une même arête du cylindre, nous avons ensuite étudié plus précisément la variation du son en fonction de l’endroit où l’on tape en frappant à des angles différents par rapport à la verticale. Nous avons pu tracer ce graphe représentant l’évolution de l’amplitude des deux fréquences mises en évidence en fonction de l’inclinaison.

On constate que plus l’inclinaison par rapport à la verticale augmente plus l’amplitude de la première fréquence diminue tandis que celle de la seconde fréquence augmente. On peut donc mettre en évidence deux plans traversant le lithophone dans toute sa longueur : un premier plan vertical, ou plan A, dans lequel, lorsque l’on tape, on entend presque seulement la première fréquence et un second plan horizontal, ou plan B, où l’on entend principalement la deuxième fréquence. Enfin, on remarque aussi qu’à un peu plus de 45° les deux fréquences ont une même amplitude : on retrouve alors le plan C dans lequel le son est à la limite entre les sons des plans A et B.

Intéressons-nous d’abord au plan A :

On voit d’abord sur ce graphique que la note correspondant au plan A a une fréquence de 1827Hz puisqu’elle a une très forte amplitude, on peut donc en déduire que c’est le si bémol de la cinquième octave.

On peut en outre calculer la vitesse de cette onde :

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Olympiades de Physique 21/28

Prenons maintenant le plan B :

Contrairement à l’enregistrement précédent c’est maintenant la fréquence de 2116Hz qui a l’amplitude la plus importante, c’est donc cette note que l’on entend lorsque l’on tape sur le lithophone au niveau du plan B, à savoir le Do de la sixième octave.

Pour la vitesse de l’onde on a :

Enfin, un sonogramme que nous avons effectué permet de montrer la présence, en proportions égales, des deux sons au niveau du plan C :

On observe en effet que les deux fréquences sont émises pendant la même durée et avec la même intensité. Il y a donc bien, dans ce plan, un mélange des deux notes correspondant aux plans A et B.

Lorsque l’on s’intéresse aux sons en termes de notes on a pu constater que : le plan A correspond à peu près au Si bémol de la 5e octave tandis que le plan B correspond au Do de la 6e octave. L’intervalle couvert par notre modèle est par conséquent un intervalle légèrement supérieur à la seconde majeure, mais cela est un peu inférieur à ce que nous avait expliqué M. Gonthier à propos des véritables lithophones préhistoriques qui eux peuvent donner des notes séparées par une quarte, voire une quinte. D’autre part, nous avons pu constater que sur ce cylindre coupé, le plan C n’est pas exactement à 45° mais plutôt à 50°. On peut donc remarquer que cette modélisation, bien qu’elle s’en approche, ne possède pas tout à fait les particularités d’un lithophone préhistorique.

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Les lithophones, instruments préhistoriques janvier 2012

Olympiades de Physique 22/28

Détermination théorique de la vitesse des ondes sonores dans le lithophone

Dans ce calcul, on considère que le lithophone est un milieu solide homogène constitué de granite : la vitesse du son est constante. La célérité du son dans un milieu solide est indépendante de l’amplitude des vibrations sonores et de la fréquence des ondes.

On peut dans ces conditions utiliser la relation suivante :

c E

E : module de Young, aussi appelé « module d’élasticité longitudinale ». Il varie d’un milieu à l’autre et il correspond à la constante qui relie la contrainte subie par le matériau et sa déformation.

ρ : masse volumique du milieu de propagation.

On cherche à déterminer la masse volumique du lithophone, pour cela on calcule son volume et on mesure sa masse. On obtient :

m = 3,95 kg, r = 3,25cm , L = 40 cm

V = L .2πr² = 40.10-² . 2 .π . (3,25 .10-²)²

V = 1,3. 10-3 m3

ρ = 3,04 g/cm3 = 3,04.103 kg.m-3

Etant donnée la masse volumique du matériau, on considère qu’il s’agit de basalte, on a donc :

E = 70.109 N.m-2

c = 4,8 . 103 m.s-1

On observe que cette vitesse est très éloignée de la vitesse expérimentale préalablement établie. On en déduit que les ondes sonores étudiées ne sont pas longitudinales mais transversales.

Détermination par le calcul de la vitesse des ondes transversales

Le modèle que nous avons considéré jusqu'ici est un modèle de corde vibrante. Or le lithophone est constitué de pierre, donc ce modèle n'est pas adapté.

Il y a différents type d'ondes qui se propagent dans la pierre lors de l'impact : les ondes de flexion verticales et horizontale, les ondes de torsion et les ondes longitudinales. Comme on frappe la pierre perpendiculairement à sa longueur, les ondes excitées sont les ondes de flexion verticales et horizontale, c'est à dire perpendiculaires à la longueur.

On va considérer le lithophone comme un corps homogène et isotrope de section S, de densité ρ et de module de Young E.

Les vibrations de ce corps vont être traitées par le modèle d'Euler-Bernouilli, unidimensionnel pour une barre isotrope.

Nous allons négliger l'action de du marteau, ainsi que tous les termes d'amortissement (frottement de l'air et amortissement visco-élastique du matériau).

On notera par w l'élongation transversale de la pierre (l'écart par rapport à la position d'équilibre),. Tenant compte des simplifications ci-dessus, l'équation différentielle qui décrit les vibration du lithophone s'écrit :

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Les lithophones, instruments préhistoriques janvier 2012

Olympiades de Physique 23/28

v=√ω cL

4

√I

Sc L=√

E

ρ

∂ ² w

∂ x ²(x=0,t )=0 ∂ ² w

∂ x ²( x=L ,t )=0

∂3w

∂ x3( x=0, t)=0

∂3w

∂ x3( x=L , t)=0

I= π

64d

4=

π

64(6,50×10

−2)

4=8,76×10

−7m

4

C'est une équation linéaire, c.à dire que si w1 et w2 sont des solutions de cette équation, la combinaison linéaire de deux, αw1 + βw2 est également la solution de l'équation.

L'élongation w(x,t) est une fonction du temps de la position x. Elle peut être écrite comme

Dans ce cas elle devient :

La solution générale de cette équation est :

où avec

Tenant compte des conditions aux limites libres aux deux extrémités,

et ce qui traduit le fait que le moment de

flexion est nul

et traduisant que la force de cisaillement est

nulle.

Ceci permet de calculer les fréquences de vibration :

Vérifions donc par le calcul la fréquence que nous obtenons expérimentalement :

On a :

∂ ² w

∂t ²=−

EI

ρS

∂4w

∂ x4

w (x ,t )=Y ( x)eiωt

ω ² Y (x )=EI

ρS

d 4 Y

dx4

Y ( x)=A cosh(ω xv

)+B sinh(ω xv

)+C cos(ω xv

)+D sin(ω xv

)

f n=√EI

ρS

π

8 L ²[3.011²,5², 7²,(2n+1) ²]

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Olympiades de Physique 24/28

et

Précédemment on a calculé ρ = 3,04 g/cm3 et E = 70 GPa

D'où :

On remarque que la fréquence est plus basse que celle trouvée expérimentalement. Cependant, on a pris comme valeur du module de Young une moyenne des modules de Young du basalte. Notre valeur est donc approximative.

Calculons maintenant la vitesse de propagation des ondes transversales dans le lithophone :

La vitesse est donc plus importante que celle déterminée expérimentalement (bien que ce soit dans le même ordre de grandeur). Cependant, on a supposé pour nos calculs que le matériau était homogène, or il pourrait y avoir des irrégularités qui diminueraient la vitesse.

S=πr2=π×(3,25×10

−2)

2=3,32×10

−3

f n=√EI

ρS

π

8 L ²[3.011²]=√

70×109×8,76×10

−7

3,04×103×3,32×10

−3

π

8×(40×10−2

) ²[3.011²]=1,73×10

3Hz

v=√ω×c L

4

√I

S=√2π×1,73×10

3×4,8×10

3 4

√8,76×10

−7

3,32×10−3

=1,05×103m/ s

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Olympiades de Physique 25/28

e Caractéristiques du lithophone dégagées grâce à cette étude expérimentale

Tout d’abord, le lithophone ne peut vraiment « jouer », c’est-à-dire produire un son musical, que lorsqu’il est posé sur deux coussinets, positionnés au quart et aux trois quarts de l’instrument. Ainsi positionné, nous avons pu déterminer la position de nœuds et des ventres et ainsi découvrir le trajet des ondes sonores à l’intérieur du lithophone (voir schéma ci-dessous).

On a donc constaté qu’il existait deux nœuds, situés au quart et aux trois quarts du lithophone et trois ventres situés aux deux extrémités et au centre. Ceci permet donc d’expliquer pourquoi, quand on tient le lithophone à la main ou lorsqu’il est posé par terre, le son est atténué : en effet cela « coupe » en quelque sorte les vibrations au niveau des ventres. Ceci permet également d’expliquer le fait qu’il faut placer les coussinets au quart et aux trois quarts de l’instrument (au niveau des nœuds) pour obtenir un beau son : le lithophone n’est en effet pas en contact avec une autre surface au niveau de ses ventres.

La deuxième caractéristique du lithophone que nous avons pu dégager est que celui-ci peut produire deux notes : l’une quand on frappe à la verticale et l’autre quand on frappe à l’horizontale.

Ceci nous amène donc à distinguer deux plans principaux : le plan A correspondant à la note obtenue quand on frappe à la verticale et le plan B correspondant à la note quand on frappe à l’horizontale(voir schéma ci-dessous). De plus, quand on tape entre les plans A et B, on obtient un son correspondant au mélange des deux notes correspondant à ces deux plans. Ceci nous amène à définir le plan C comme le plan correspondant au son mélangeant à proportions égales les notes correspondant aux plans A et B.

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Olympiades de Physique 26/28

3 Conclusion

Les deux études expérimentales effectuées permettent ainsi de dégager la structure complète d'un lithophone, illustrant les variations de l'amplitude du son en fonction de la longueur ainsi que celles de la fréquence de la fondamentale en fonction du plan frappé.

Nous avons donc montré que le son émis par un lithophone présente les caractéristiques d'un son que l'on pourrait qualifier de "musical" : sa fréquence fondamentale est de hauteur déterminée, intégrable dans les gammes musicales, et comporte des partiels, c'est-à-dire des multiples de sa fréquence fondamentale, contrairement à un bruit.

Notons également que l’observation de plusieurs lithophones différents nous a permis d’établir que, plus la pierre dans laquelle le lithophone est taillé est dense, plus le son est aigu. D’autre part, plus le diamètre est petit, plus le son est grave (contrairement aux cordes des instruments à cordes).

L'étude du son émis par le lithophone confirme donc bien qu'il ne s'agit pas d'une pierre taillée à but ornemental ou défensif mais bien d'un instrument de musique. Cette découverte est importante puisqu'elle remet en cause plusieurs informations sur les débuts de la musique à la préhistoire. Jusque-là, les chercheurs n'avaient attribué à l'Homme préhistorique que tardivement la découverte du concept de mélodie, avec l'utilisation de flûtes en os ou en bois en guise de premiers instruments de musique. Non seulement la datation des lithophones de l'époque Néolithique montre que le sens artistique de l'Homme s'est développé bien plus tôt que nous l'imaginions, mais montre de plus que ce sens était déjà avancé.

En effet, chaque lithophone produisant un couple de notes différent, la combinaison de plusieurs d'entre eux permettrait l'élaboration de mélodies complexes, ou même, avec la présence de joueurs différents, la création de morceaux polyphoniques. De plus, les découvertes effectuées dans les grottes comportant à la fois des colonnes résonnantes et des peintures rupestres montrent que l'homme du Néolithique était également capable d'allier les différentes formes artistiques à sa disposition afin de créer les premières œuvres audiovisuelles.

Cependant il reste de nombreuses incertitudes quant à la datation précise des lithophones et la détermination précise de leurs lieux d'origine (malgré quelques estimations basées sur la pétrographie). Le lithophone constitue donc un sujet de recherche dont les chercheurs n'ont pas encore exploité tous les aspects.

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Olympiades de Physique 27/28

4 Bibliographie

a Ouvrages

The Science of Sound, Thomas D Rossing, Addison Wesley, Boston, 1990

Les instruments de l’orchestre, Jean-Claude Risset, Belin, Paris, 1995

Cours de physique de Berkeley, Tome 3 : Ondes, Franck S. Crawford, Dunod, Paris, 1999

Initiation à l’acoustique, Antonio Fischetti, Belin Sup, Paris, 2003

b Articles

Il y a dix mille ans, en Afrique, l’homme jouait du lithophone, Isabelle Brisson, Le Figaro, n° 18 793, janvier 2005

Des lithophones sahariens au musée de l’homme, Erik Gonthier, Archeologia, n° 418, janvier 2005

Lithoacoustique et lithophones cylindriques subsahariens néolithiques, E. Gonthier, Lettre de l’Académie des Beaux-arts. Institut de France, n°57, été 2009

Analyses lithoacoustiques de concrétions stalactitiques en milieux endokarstiques et périkarstiques à Java Est et en Dordogne, E. Gonthier, I. Gonthier, A. Zikvozic, Tome XII, volume 1 des Archives de l’Univeristé « Valahia » Targoviste, 2010

c Sites Internet

Site du Cnrs consacré l’« Histoire Naturelle de l’Homme Préhistorique » : http://hnhp.cnrs.fr/spip.php?article178

Blog de M. Erik Gonthier : http://erikgonthier.blogspot.com/

Homo musicus palaeolithicus et Palaeoacustica , article de M. Dauvois, paléontologue. : http://www.euskomedia.org/PDFAnlt/munibe/aa/200503225241.pdf

perso.univ-lemans.fr/~jcpascal/cours/ENSIM2Avibration&acoustique-2.pdf

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Olympiades de Physique 28/28

5 Remerciements

Nous remercions tout particulièrement, M. Erik Gonthier, paléogemmologiste au Muséum National d'Histoire Naturelle qui nous a présenté avec passion ses recherches sur les lithophones cylindriques subsahariens et dont les explications et les réponses nous ont permis de mener à bien notre projet

Nous tenons également à remercier le Muséum National d’Histoire Naturelle qui nous a fourni les deux modèles de lithophones nécessaires à notre étude expérimentale, ainsi que deux lithophones authentiques pour notre présentation orale et notre journée au Palais de la découverte.

Nous remercions vivement Vita Ilakovac-Casses, enseignante-chercheuse en physique du solide à Paris 6.

Enfin, un grand merci aux deux professeurs qui nous ont accompagné et soutenus, M. Michel Faye, notre professeur de physique-chimie au Lycée Louis Le Grand, et Mlle Sophie Marinucci De Reguardati, professeur de physique-chimie rattachée au Muséum National d’Histoire Naturelle.