l'ecole primaire, 15 février 1928

18
47 me Année No 3 15 Février 1928 Dt LA 50eitité d ..... PRIMAIRE paraît 14 fois pendant le cours scolaire Abonnement annuel: Fr. 4.50 Les abonnements se règlent par chèque postal IIc 56 Sion, ou à ce défaut contre remboursement. Tout ce qui concerne la publication doit être adressé directement à M. LOUIS DELALOYE, Secrétaire au Dé· partement de l'Instruction publique à Sion. Les annonces sont reçues exclusivement par PUBLICITAS, Société Anonyme Suisse de Publicité, Sion Rue de Lausanne 4 - Téléphone 2.36

Upload: resonances-mensuel-de-lecole-valaisanne

Post on 02-Apr-2016

224 views

Category:

Documents


1 download

DESCRIPTION

 

TRANSCRIPT

Page 1: L'Ecole primaire, 15 février 1928

Maté iel Scolaire Articles pour Je dessin at la peinture ---------------,--.Tableaux noirs et chevalets, matériel

d'enseignement Catalogue illustré sur demande

Prompte livraison

Prix spéciaux pour achats collectifs

Kaiser $( Co. S. A., Berne Librairie scolaire ~ fondée en 1864 ~ Fabrication de cahiers.

c'est la

MÉTHODE DE VIOLON de

FERDINAND KUECHLER Jugez vous même et demandez gratuitement un spécimen et

les jugements des compétences de la

Maison d'Edition HUC $( Cie, Bâlep

47me Année No 3 15 Février 1928

o~{al\llIJI Dt LA

50eitité 'lalai~aJ]"e d védu~a.fion

-~ ..... · ~L'ECOLE PRIMAIRE

paraît 14 fois pendant le cours scolaire

Abonnement annuel: Fr. 4.50

Les abonnements se règlent par chèque postal IIc 56 Sion, ou à ce défaut contre remboursement.

Tout ce qui concerne la publication doit être adressé directement à M. LOUIS DELALOYE, Secrétaire au Dé·

partement de l'Instruction publique à Sion.

Les annonces sont reçues exclusivement par PUBLICITAS, Société Anonyme Suisse de Publicité, Sion

Rue de Lausanne 4 - Téléphone 2.36

Page 2: L'Ecole primaire, 15 février 1928

_1=======================-

FORMITROL .

L'appréciation d'un instituteur:

« Vous m'avez adressé un tube de pastilles de Formi­trol que j'ai pu utiliser immédiatement. Précisement à cette époque régnait dans la contrée une épidémie de rou­geole qui nécessita la fermeture de trois écoles voisines. J'exigeai sur le champ des parents l'usage des pastilles de Formitrol, si bien qu'aucun cas de maladie ne s'est déclaré dans notre école et pourtant les enfants n'avaient pas interrompu leurs· leçons.

« A quelque temps de là, je constatai un cas de variole. Après quelques jours, un deuxième élève tomba malade, suivi un peu plus tard de ses frère et sœur, que j'ai ·pu préserver de la maladie, ainsi que tous les autres élèves, grâce au Formitrol. »

L'instituteur est certainement le plus exposé aux maladies contagieuses. Les refroidissements le guettent sans cesse. C'est pourquoi un remède con­tre le.s affections catarrhales est pour lui le bienyenu. Ce remède, il le trouvera dans les pastilles de Fm'mi­trol, qui contiennent, comme substance active, 0,01 gr. de formaldéhyde par pastille et qui constitue un excel­lent désinfectant interne.

Echantillon et littérature à disposition des

intéressés.

Dr A. WANDER S. A., BERNE

- -

47me Année No 3 15 Février 1928

Organe de la Société V'alaisanne d'éducation

SOMMAIRE: Notre souscription. - L'Exposition scolaire. - Bureau de pla cement. - De la lecture expressive. - Contribution à l'étude de la n arration. - En glanant. - Leçon de calcul. - Histoire. « NOS PAGES ». - La question sociale: la Profession.

Notre souscription

Mce Fournier, inst., Nendaz V étroz (anonyme) . Ardon (anonyme) . Rouiller Marguerite, Martigny-Com.be Sœurs Institutrices, Champéry .

Vouvry . G. Paschoud, institutrice, Monthey Marie May-Nlaret, Bagnes Personnel Enseignant, N endaz .

. Leytron Ch. Mathys, inst. , Grimisuat A. Jacquier, inst., Daviaz . Gailland Léonce, inst., Bagnes Institutrices, Monthey Ecoles de Saxon .

Report Fr. 220.-5.-

10.-7 .-5.-

10.-10.-5.-5.-

36.40 55.-5.-5.-

10.- . 25.-45.-

Total Fr. 458.40

Au nom de notre cher collègue, nous rem.ercions les géné­reux donateurs et avisons le P. E. que la souscription sera close le 20 courant.

L'exposition scolaire Nous r evenons sur un sujet que dans le dernier numéro de

l'Ecole pl'imail'e nous n'avons qu'effleuré en énumérant, sans les développer, nos motifs d 'opposition aux expositions scolaires.

Nous répondons aujourd'hui à cette question: Est-il néces­saire, utile, d'organiser des expositions scolaires comme on orga­nise des expositions scientifiques, artistiques ou industrielles?

Quand il s'agit de ces dernières, le fait luatériel suffit. Le tableau exposé donne la m.esure juste de l'artiste ou de l'industriel.

L 'objet industriel: meuble, étoffe, produit alim.entaire, etc., vous renseigne sur la valeur du producteur.

Page 3: L'Ecole primaire, 15 février 1928

Au besoin, vous pouvez faire figurer à côté de la production, les instÎ'uments qui y ont servi: les outils, les ateliers, les usines en action, comme cela s'est déjà vu parfois au grand plaisir du visiteur et au grand profit des connaisseurs.

. Par contre, il est plus difficile de juger d 'une science, par ce qUI se révèle aux yeux. Cependant le livre, l'instrument, le procédé d'expérimentation ou de vérification peuvent souvent être saisis et interprétés avec une certaine précision. C'est le cas, par exem­ple, des merveilles de la téléphonie sans fil.

Mais le problème change complètement quand il s 'agit de la représentation matérielle de l'éducation. La chose serait facile s'il n'était question que de représenter l'école au sens concret du mot: le bâtiment av~c son mobilier, ses livres; mais dans l'école enten­due au point de vue pédagogique, on doit considérer le producteur lui-même, le maître; ensuite l'élève, le vrai produit scolaire, vivant et agissant.

Or, il n'est question d'exposer ni l'un ni l'autre, encore moins les rapports qui les unissent et leur influence mutuelle.

Donc, l'objet propre de l'école, son but, c'est-à-dire l'instruc­tion et surtout l'éducation, échappe à toute exhibition publique.

Les quelques essais qu'on a tentés pour montrer la mise en pI~atique d'un procédé ou d'u'ne méthode particulière ne laissent voir que la partie extérieure et superficielle de ce procédé ou de cette méthode.

Il n'y a pas lieu de contester cette insuffisance des exposi­tions scolaires, insuffisance telle que l'inspection un peu profonde d'une école en apprendra toujours beaucoup plus à une personne c?~pétente. sur l'état de J'enseignement dans un pays que l'expo­SItIon scolaIre la plus complète et la mieux entendue.

Une exposition scolaire qui tient à intéi'esser le public doit comprendre plusieurs éléments:

. D'abord ce qui en représente en quelque sorte la partie offi­clelle: doclllnents administratifs, comptes rendus statistiques. C'est la partie des autorités dirigeantes et des associations qui s'occupent d 'enseignement ou d'éducation.

Vient ensuite la partie matérielle: bâtiments scolaires et leurs installat~on~ : mobilier, matériel des exercices de classe, système de ventIlatIon, de chauffage, dépendances scolaires, telles que cours, préaux, jardins , appareils de gymnastique.

Ceci constitue la partie la plus facile à exposer et non la. moins utile.

. ~n troisième lieu, l'outillage de l'enseignement proprement dIt: Journau.x ou r~vues ~édagogiques , livres , manuels , globes , cartes, bulletIns, regIstres dIvers, etc.

Enfin les travaux des maîtres (plans. d étud;s, hO\~'aires ou. emploi du temps, mémoires sur ,~e,s questIOns pedagogIques) et parfois aussi quelques- travaux d eleves. . . Faisons remarquer que les travaux d 'élèves sont la partIe la plus contestée. Aussi prfère-t-on très souvent s 'en absteml'.

De deux choses l'une: ou ces travaux ont été préparés de lon­crue main, avec' l 'idée de faire ou de conserver la réputati?n d'une école; ou ils ont été prélevés à l'improviste, sans avertIssement préalable.

Dans le premier cas, ils donnent fréquem.ment lieu à la fraude, au grand dommage des maîtres honnêtes et Inodestes. .

Dans le second cas , il y a une sorte d 'indiscrétion blessante, car on ne doit pourtant pas confondre une exposition destiné~ au grand public avec une inspection d ' éco~e où il s agit de tenIr le zèle du maître en éveil.

On n'agit point ainsi à l'égard des industriels; on ne va pas un beau jour dans leur atelier ou leur usine prélever tels ou tels produits à exposer sans leur consentelnent.

On les invite à participer à une exposition, In ais ils conser­vent la liberté d 'y répondre affirmativement ou négative'ment et de présenter ce qu'ils, jugent bon.

Il nous seInble qu'à l'égard des écoles, il devrait en être de n1êIne en ce qui concerne les travaux des élèves.

Enfin nous ne voulons pas prolonger davantage notre dis­sertation. Du reste, Alea jacta est) le sort en est jeté.

Une réunion aussi nombreuse que bigarrée représentant les organes directeurs de divers g~nres d ' éc~les de notr~ canton ~ ?é­cidé la participation de l'enseIgnement a la prochaIne expOSItIon de Sierre.

Les amateurs d 'expositions scolaires seront satisfaits et les exposants feront contre Inauvaise fortune bon cœur.

Nous désirons, puisque l'exposition scolaire est décidée qu:~Ile reste simple et pratique. Quant à son résultat, nous avons IIm­pression qu'elle ne fera pas plus parler d 'elle que celle de 1909.

Bureau de placement L'Union du P. E. V. vient de réaliser une première institution

c'onforme aux buts qu 'elle poursuit. C'est la création d'un office de placement. Un essai dans ce sens av~it été tenté, l'an dernier, ~a~s sans D'rand succès. Nous l'avons reprIs cette annee avec plus d actI­vité :t plus de précautions, c est pourquoi nous gardons l'espoir cl'aboutir à un résultat réj ouissant. D'ailleurs, cet office s 'affirme cl~

jour en jour d 'une plus grande nécessité. Les ' demandes d 'emplOI

Page 4: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 68-

affluent. Bon nombre émanent d 'instituteurs chargés de famille et effrayés peut-être par le spectre de la misère planant au-dessus de leur demeure.

Ce n'est plus l'époque où la pénw'ie des membres du corps ensei­gnant obligeait certaines administrations à faire appel à du personnel retraité, voir à des élèves d'école normale. Aujourd'hui, le marasme général, les dispositions de la nouvelle caisse de retraite retiennerit­dans l'enseignement des instituteurs et institutrices qui pourtant ne demanderaient pas mieux que de céder leur place aux jeunes.

Il s 'agit donc pour l 'heure de courir au plus pressé et de dégorger le marché. A cet effet, l'entr'aide entre tous les membres du corps enseignant s 'impose, pour établir l'équilibre entre les offres et les demandes de travail en vue de combattre le chômage. Il est indis­pensable que les instituteurs et les institutrices sans emploi durant le cours scolaire trouvent au moins une occupation durant la bonne saison et qu'on tente de leur ouvrir des horizons nouveaux pour l'ave­nir, même en dehors de leur profession.

Jusqu'à ce jour, l 'Union s 'est adressée par lettres aux usines et fa­briques de la vallée du Rhône, ainsi qu'aux grands propriétaires d'hôtels, dans le but de solliciter des emplois pour instituteurs. Les réponses, dont on devine sans peine le sens négatif, se sont suivies, démontrant l'inefficacité de cette méthode. Dans ces conditions, le Comité a cru devoir annoncer par circulaires aux hôteliers, industriels, entrepreneurs, l'ouverture, au sein de l'Union, d'un bureau de place­ment non seulement pour membres du corps enseignant, mais aussi pour quiconque cherche un emploi. Ce procédé s 'est révélé plus effi­cace. Nous avons obtenu des offres d'employeurs dans la branche hôtellerie et représentation surtout. Il nous en arrive chaque jour encore et nous en glanons qui conviennent aux instituteurs et insti­tutrices. C'est donc un premier pas. Mais alors, que faire des emplois subalternes? Faut-il les négliger? Ce serait une erreur, car dans ces conditions, notre réclame serait bientôt faite et personne ne songerait encore à nous offrir des emplois.

Or nous songeons en ee . moment que l:nieux que n'importe quel placeur nous pourrions servir nos clients. Nous disposons d'un service superbe de renseignements, s'étendant sur tout le Valais romand. Et ce service de renseignements c 'est vous, chers collègues, adhérents ou non à l'Union, qui pourriez l'alimenter. Vous vous trouvez à cette heure disséminés un peu partout dans les vHIes et les villages de la plaine. et de la montagne. Vous avez des amis et des parents in­fluents. Vous ètes en rapport pour la plupart avec les propriétaires d'hôtel, les chefs de chantier, les directeurs d'établissements. Peut-être vous trouvez-vous à la tête d;une commune ou mêlé à son adminis­tration. Quel Champ Superbe d'investigations! Et c'est pourquoi nous vous prions, Messieurs et chers collègues, de fureter un peu partout avec diplomatie et adresse. Déc'Ouvrez les places à repourvoir dans tous les domaines et dans toutes les conditions. Mieux encore, adres-

- 69-

sez-nous l 'état riominatif des chômeurs de votre localité, jeunes gLns ou jeunes filles, fenlmes ou hommes, avec quelques renseignements qui seront pour nous d'une grande utilité. Que chacun apporte son influence au service de cette institution éminemment sociale. Faites que notre voix n8 crie point dans le désert. JI en va du bonheur d e tous. Il y aura pour le grand nombre la .ioie d 'avoir accompli œuvre utile pour ses compatriotes et ses collègu es, et l?oUr d 'autres la satis­faction de trouver un emploi rémun érateur. Vous tous contribuerez à mettre en valeur les ressourees du pays en main-d 'œuvre et à favo­riser l'avancement professionnel des travailleurs indigènes qualifiés.

M.

Les instituteurs d 'une localité ont témoigné leur sympathie à l 'Union par le versement de 25 fI'. Qu'ils en soient chaudement remer­ciés. Notre reconnaissance va également à tous les généreux dona­teurs isolés.

De la lecture expressive Dans les progranlmes de langue matei'nelle, qu:il s ' ~gisse

d 'enseio'nement primaire ou d'enseignement secondalre, fIgure assez sOouvent et pompeusement la diction ou du lTIoins la lec­ture expressive.

Nous voudrions entretenir un instant nos lecteurs d 'un sujet particulièreinent ardu et dont les résulta,ts, au 1)oint ,de vue ensei­gnement, sont loin de répondre aux efforts depenses.

Il en ést d 'une lecture comme de l'exécution d 'un morceau de musique. Suivant la valeur de l'exécutant et,. il faut le dire aussi, de l'instrunlent, c 'est un régal ou un supplice, et malheu­reusement, le supplice est bien plus fr~quent que le régal.

Mal lire ou jouer faux, c'est tout un. Il y a un proverbe italien sur les traducteurs: tradLlttore )

truc/itoJ'e; ce qui signifie: traduire, c'est trahir. ~e mot peut s'~p­pliquer à la plupart des lecteurs; leur lecture n est pas une tr a­duction, c'est une trahison.

Bien lire, donc lire avec expression, c'est tout un art, qui de­mande une longue pratique et l'applicat~on de r~gles, n~mbreuses . Il est aisé de dire que la lecture expressIve conSIste a lue con~me on parle, à y mettre le · ton et les inflexions de l~, conversatIOn. Les qualités d 'une ~onver~ation agr~.ab~e ~'acqUlerent par d,es exercices fréquents, JournalIers, par IimItatlOn en quelque sode instinctive et inconsciente; on emploie le ton naturel sans y penser , conlme un instnuilentiste exercé joue de son instrument sans réfléchir au mécanisme ou aux mouvements des doigts ou des lèvres; de plus, dans la conversa tio.n , l'exp~'ession reste faci~ement naturelle parce qu'elle résulte d'ImpreSSIOns ou de sentIments

Page 5: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 70-

personnels et véritables ; tandis que dans la lecture ou la diction ,. on a parfois bien de la peine à se mettre dans son rôle, comme on dit au théâtre. Comment demander, en effet" que des élèves sentent ce qu'a senti l'autenr d'une page ou d'une scène? Qu'ils: se métamorphosent occasionnellement en hommes d'âge mür, en vieillards? Qu'ils soient, tqur .à tour paysans, lettrés, ,magistrats , 'Souverains, etc. ? Qu 'ils Jassent momentanément abstraction com­plète de leùr j)ersonne ?

Et tant que cette transformation ou transposition ne se réa ­lise point ou insuffisamment, les résultats obtenus · dans la diction ou la lecture expressive, restent luédiocres ou dérisoires.

Bien lire, surtout à' livre ouvert ; déchiffrer, comme disent l.es mu~;iciens, suppose tout un ensemble de qualités distinguées , une grande vivacité d'esprit, une extrême souplesse d'organe et presque de la divination, car l'orateur qui improvise doit songer à la fois à ce qu 'il dit et à ce qu 'il va dire, ainsi le lecteur qui déchiffre doit voir d'un coup d 'œil ce qu'il lit et ce qu 'il va lire. Il doit, pour éviter les hésitations, les surprises , pour ne pas fausser ou détoner, jeter les yeux en avant et éclairer sa marche. De plus , tout en avançant dans la lecture du texte, il doit s 'ef .. forcer d 'en saisir le sens général , les idées particulières, les senti­ments divers dont il devra se pénétrer afin de donner au ton de voix , au rythme, au volume vocal et aux inflexions les modifi­cations convenables. Ajoutons enfin que la connaissance" exacte du sens des mots, de leur relation entre eux, des règles gram ­maticales, des pauses expressives appartient aussi aux conditions indispensables à une lecture réellement expressive.

Or, qui ne voit immédiateme'nt d 'après ce que nous venons de dire, à quelles difficultés énormes, presque insurmontables se heurte l'enseignement de cette branche.

Ce qu 'on. entend le plus souvent par lecture expressive, ce sont quelques inflexions de voix plus ou moins justes, plus ou moins accentuées , qui rompent la monotonie de la lecture appelée quelquefois J'eeto tona; mais ces inflexions deviennent, elles aussi ,. facilement monotones et fatigantes. Qui n 'a entendu ces chutes invariablement les mêmes, parfois lugubres, en ton mineur , à la fin des phrases; chutes qui rappellent ceIles d'un cours d'eau endiguée d'après le système des seuils ou des escaliers.

Du reste, les inflexions, qui consistent dans l'élévation ou l'abaissement de la voix, ne constituent qu'une des formes variées et multiples de la lecture expressive. Graphiquement, on pourrait les comparer au tracé sur la bande de papier des baromètres enregistreurs.

L'art de la lecture expressive demande davantage. Il est .J'ap­plication de toute une série de règles concernant la production de la voix, la respiration, l 'émission des sons, l'articulation, la

-71-

prosodie, les liaisons , la ponctuation expre~sive (différente de la ponctuation grammaticale) , le ton de V.ol~ , le mouvem~nt ou rythme, le volume vocal, la valeur d~s l<;1ee~, e~ d~s sentiments (mots ou expressions de valeur), le, d~blaI, 1 lm Ita tI<;>I1 , ,la trans­position et, enfin, le gest~, dans la dlchon proprement dIte.

L'énumération des exercices prép a ratoires à la diction ou à b lecture expressive et sur lesquels nOll :; . ~e nous étendron~ "pas , puisque nous ne voulons pa~ donner !CI un cours .de, dIctIon , montte le travail long et pénIble qu'exIge un art qUI n est nul­lement du domaine de l'école primaire et dont les résultats , com­me nous le dision::; plus haüt, sont très peu encourageants même .avec des ·élèves de l'enseignement secondaire.

L'application de ces i'ègles ser,ait de tou~e rigueur dans la récitation de la poésie qui , par ses nmes, ses pIeds et son rythme, est une vréritable musique, que l'on dénature et l'on profane par la Inanière dont on récite ' les vers. Il serait préférable de ne pas donner de poésies à réciter plutôt que de l~s ~a~sser, réc.iter mal , avec des non-sens hilarants. Mieux vaudraIt faIfe etudIer de la prose.

Nous nous souvenons avoir entendu un jour débiter quel­ques fables sur une scène .de théât~'ei, le SUl~plice fut tel q,ue S,I nous l'avions osé, nous aUrIons expedle les dIseurs de la scene cl

coups de bâton. Mais ils n'étaient pas les seuls coupables , peut­,ê tre ne l'étaient-ils point du tout.

Et maintenant, nous demandons la permission de passer à une petite applicatiün ou de donner un exemple po.u~ rendre plus tangibles les difficultés d'un art que d 'aucuns ?onsId~rent comme relativement facile. Nous le prendrons parmI les fables de La Fontaine, qu'en raison de leur genre simple et familier , ont pro­'pose aux débutants dans la diction.

Choisissons-en une au hasard: Les unimaux malades de la peste.

Les animaux malades de la peste.

Un mal qui répand la terreur, Mal que le Ciel en sa fureur

Inventa pour punir les crimes de la terre, La peste (puisqu'il faut l 'appeler par son nom) , Capable d 'enrichir en un jour l 'Achéron,

Faisait aux animaux la guerre.

Ce début, qui annonce une catastrophe épouvantahl~,. qui éveille une crainte religieuse, se dit sur un ton grave, mysteneux et d'un ,mouvement lent. On doit avoir l'illusion d'~ntendre que~­qu'un qui parle sous le coup d 'une ém?tion très VIve, .~'une ;,~­rit able angois~e. - Devant le 4e vers , Il faut, une cer~ame hesl-

Page 6: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 72-

tation pour indiquer qu'on a peur de prononcer le nom de peste - le 5e vers demande à être récité plus ,rapidement, car il exprime les effets terribles et surtout rapides du fléau. - Les IllOts de valeur sont: mal, répand, terreur, fureur, inventa (effort), peste, enrichir, en ,un jour.

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frapp és: On n 'en voyait point d'occupés

A chercher le soutien d'une mourante · vie; Nul mets n 'excitait leur envie; Ni loups ni renards n'épiaient La douce et l'innocente proie; Les tourterelles se fuyaient: Plus d'amour, partant plus de joiê.

Changelllent de ton au début de ce groupe de vers. Au ton grave succède, après une pause suffisante, le ton de la touchante ou plaintive élégie, de la compassion à la pensée de certaines ,ictimes douces et innocentes. Le Inouvement général est lent; les pauses doivent être suffisamlnent longues aux points-virgules -la voix va en s'affaiblissant graduellement dans les 2e ' et 3e vers du groupe: tout doit exprimer le dégoüt de la vie, l'épuisen1ent causé par la maladie. Mots de valeur: tous, point, nul, ni, douce et innocente, plus d'amour, plus de joie.

Le lion tint conseil, et dit: Mes chers amis, Je crois que le Cie] a permis Pour nos péchés cette infortune. Que le IJlus coupable de nous

Se sacrifie aux traits du céleste courroux; Peut-être il obtiendra , la guérison commune. L 'histoire nous apprend qu 'en de tels accidents,

On fait de pareils dévouements.

. Pause très. complète avant le ' discours du lion. La première partIe de ce cbscours exige aussi un ton grave, un nlouveinent leI?t, car la situation du règne animal est grave, et il est néces­saIre de prendre des mesures importantes: aux grands m~ux , le~ grands remèdes. Il ne faut rien moins qu'une victime expia­tOIre, donc un sacrifice héroïque comparable à celui d 'un Curtius ou d'un Regu.h~s. - Mots de valeur: chers, Ciel, péchés, cou­pable, se sacnfIe, peut-être, on fait de pareils dévouements.

Ne nous flattons clonc point, voyons sans indulgence L état cle notre conscience.

Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons, J'ai dévoré force moutons. Que m 'avaient-ils fait? Nulle offense;

Même il m 'est arrivé quelqùefois de manger Le berger.

- 73-

Je me dévouerai donc, s 'il le faut: mais je pense Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsI que moi; Car on doit souhaiter, selon toute justice,

Que le plus coupable péris~e .

Passage du ton grave, au ton familier, ·car il s'agit d'encou­Tager les sujets à un examen de conscience sérieux et à une confession franche. L 'aveu du lion revêt une forme singulière­ment délurée, presque éhontée; il sait fort bien qu'il n'a rien à craindre des suites de sa franchise; des flatteurs sutgiront pour l'excuser, l'innocenter et trouver même qu'il a bien agi. Il faudra accentuer les deux derniers vers de ce groupe et en ralentir le mou­vement, parce que le lion estimera avoir rendu service à ses sujets en les débarrassant du berger, leur ennemi. Cet acte de charité couvrira la multitude de ses crimes. Dans les 4 derniers vers, on ralentira quelque peu le mouvement et on en scandera mêm.e certains passages; le lion fait nettement entendre qu'un autre que lui devra s'immoler pour le salut public.

Mots de valeur: nè nous flattons donc point, sans indulgence, pour nloi, force, nulle offense, même manger le berger, ~'il le faut, mais, bon, chacun, souhaite, selon toute justice, le plus coupable.

Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roi; Vos scrupules font voir trop de délicatesse. Eh bien! manger moutons, canaille, sotte espè'ce, Est-ce un péché? Non, non. Vous leur fîtes, seignew"

En les croquant, beaucoup cl'honneur; Et quant au berger, l'on peut dire Qu'il était digne de tous maux,

Etant de ces gens-là qui sur les animaux Se font un chimérique empire .

Le renard emploie un ton flatteur, câlin; il met un certain empressement à justifier son maître; aussi les pauses doivent­elles être courtes, même aux points-virgules. Accélérer le rythme dans le 3e vers qui contient une énumération. Les deux non. se disent très vite, sans pause; le second plus fort que le premIer. Dans les 4 derniers vers, le ton se fait méprisant quand il est question du berger. Le mouvement général de ce passage est ra­pide pour signifier qu'il n'y a pas lieu d'attachel: de l'i~portaI?~e aux fautes du lion, que ce sont de légères peccadIlles qm ne men-tent pas qu'on s'y arrête.

Mots de valeur: trop bon roi, trop de délicatesse, eh bien, Inoutons, canaille, sotte espèce, péché, non, non, beaucoup d'hon­neur, tous maux, gens-là, chimérique empire.

Ainsi dit le renard; et flatteurs d'applaudir. On n'osa trop approfondir .

Page 7: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 74-

Du tigre, ni de 'l'ours, ni des autres puissances Les moins pardonnables offenses;

Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins, Au dire 'de chacun, étaient des petits saints,

Tout ce l)assage se dit sur le ton du récit dans le médiuln de la . voix. Mots de :aleiu:: trop approfondir, tigre, ours, autres plllssances, les mOIns pardonnable~, tous les gens , querelleurs simples mâtins, petits saints. '

L 'âne vint à son tou!', et dit: J 'ai souvenance Qu'en un pré de moines passant

La faim, l'occasion, l'herbe tel~dre, et, j~ pense~ Quelque diable aussi me poussant,

Je tondis de ce pré la largeur , de ma langue; Je n'en avais nul droit puisqu'il faut parler net.

Ce discours demande un ton suffoqué par l'émotion la dou­l~ur d'avoir péché, aussi conviendrait-il d'y mêler des interrup­h~ns et des sanglots dans la voix. Le pre:ll1ier hmistiche du pre­mIer vers lentement, lourdement récité pour rendre la balourdise du baudet. Pause légère après moines pour éviter un non-sens -hâteI: ,le ryth~e dans l'énuération du 3e vers, ralentir à partir de : Je pense. Le 5e vers, d'une voix légère, diminuée, pour mar­q~er la légèreté du vol comnîis. Mots de valenr : pré de moines (cIrconstance atténuante), fainî, occasion, herbe tendre diable (arguments justificatifs) largeur de ma langue, nul droit, parler net.

A ces mots, on cria haro sur le baudet. Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue Qu'il fallait dévouer ce maudÙ animal ' Ce pelé, c'e galeux, d 'où venait tOl~t le~r mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l'herbe d 'autrui! Quel crime abominable!

Rien que la mort n 'était capable, D'expier son forfait. On le lui fit bien voir.

Tçmt ceci sur le ton qu récit, mais a,vec Hf!. peu de vie pour marquer d'ab~l:d ~a ,satisfaction de l'assemblée d 'avoir enfin trouvé yn .bou~ éD}issaire et leur empressement à l'i~moler. Ironique IndIgnatIon dans les 5e, 6e, 7 e et.la moitié du 8e vers. - On le lU,i fi~ biel!-' voir' sur un ton affinnatif. M~ts de valeur: haro, Ina~ldIt anlI~al,. pelé, galeux, tout le mal, manger l'herbe d'au­tl'lll, qu~l cnme abominable, rien que la mort, capable.

'; La ,moralité, enfin" s'exprime ;~ur un , ton d'ens~ign~ment, d un mouvement posé. ',' ,

D~hS }~étude 'de la diction du morcea,u en ' qué'stion, nous avons Indlqué' le ton de voix, le niüùvement et les Inots de valeur ;

- 75-

nous n'avons presque · ri~n dit des pauses expressives, encore moins des inflexions que nous aürions pu signaler par des signes .conventionnels, de petites flèches dirigées en haut, en bas, hori­zontalement suivant les changenîents dans l!l hauteur de la voix.

Rappelons, à ce sujet, qqe les membres de phrase explicatifs, .s'énoncent toujours d'un ton Vlus bqs et d'un mouvement rapide.

En ce qui concerne l'imitation, nous ferons remarquer qu'il ,serait ridicule de vouloir imiter la voix ou le cri des animaux; néanmoins la voix changera quelque peu suivant que c'est le lion , le renard ou l'âne qui parle. Le discours du renard prendrait du relief s'il était prononcé d'une voix aigre, glapissante; celui dl!. lion, d'une voix grosse et grave. Ainsi dans la fable: Le meunier, :son fils et l'âne, on peut très aisément imiter la voix de la jeune fille; dans celle de Ja Mort et le mourant, la voix tremblante et affaiblie du vieillard, etc.

Une chose qu'il ne faut absolument pas négliger, c'est la pro­nonciation, dans les vers, de toutes les syllabes, même des muettes , !excepté quand celles-ci fUrInent les I~imes féminines ou quand l'e Inuet se trouve dans l'intérieur d'un vers devant un mot qui com­Inence par une voyelle ou une h muette. Encore est-il agréable d'entendre très légèrement la syllat>e muette à la fin d'un vers.

Nous croyons en avoir dit assez pour montrer qu'on ne doit pas abuser trop facilement du terme de diction ou de lecture e.xpressive. Le devoir de J'école primaire est avant tout d'exiger des élèves une prononciation correcte) nette et distincte. Dans un article, nous indiquerons les moyens de corriger l'accent local, si 'fréquent dans nos localités valaisanne.

Contribution à l'étude de ' la narration Le moine dormeur.

Il y a peu de temps, vivait à la Part-Dieu un Père que le plus invincible penchant au sommeil contrariait étrangement. Avec la nîeilleure volonté du monde, il ne pouvait s'éveiller à onze heures pour aller chanter matines. Or la nature qui l'avait fait si dor­neur, l'avait fait aussi très bon mécanicien. Sans études, sans notions aucune's de mathématiques, à force de réflecion et de tra­vail, il avait fabriqué une horloge parfaite. Il ajouta d'abord à la sonnerie, en forme de réveille-matin, un rud~ carillon qui fut in­suffisant, et bientôt aux angles et au milieu du petit chapiteau qui couronnait le cadran, un merle, un coq et un tambour. A l'heure dite, tout cela faisait tapage. Pendant quelques nuits, les choses allèrent bien; mais au bout d'un certain temps, quand venait onze heures, le ,carillon , carillonnait, le merle sifflait, le coq chantait, le tambour batt~it..: et le moine ronfla,it.

Page 8: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 76-

Un autre se serait découragé. Le Père, invoquant son geme, n1achina bien vite un serpent qui, placé sous sa tête vena it tou­jours lui siffler dans l'oreille: « Il est temps, levez-vous! » Le serpent fut plus habile que le n1erle , le coq, le tambour et le ca­rillon, lesquels n 'en faisaient pas n10ins d'ailleurs un petit tinta ­marre supplémentaÏTe.

C'était merveille et le chartreux ne manquait jamais de s'éveiller. Hélas 1 au milieu de sa joie, il fit une triste découverte: il ne s'était cru que dormeur; il se reconnut paresseux. Tout éveiIJé qu'il fût, il hésitait à quitter sa dure couchette; il perdait bien une lninute à savourer la douceur de se sentir au lit, referm.ant un œil et jouant à dormir. Cela demandait r éfornle. Le religieux se trouvait coupable, et le lnécanicien se sentait humilié; le diahle avait trop l'air de narguer l'un et l 'autre; il fallait reprendre le dessus.

Aussitôt, une lourde planche est disposée au-dessus du lit, de telle sorte qu'elle tomhe rudement sur les pieds du paresseux, dix secondes après 1 averti ssement charitable du serpent: plus d 'une fois, le pau\ re Père se rendit au chœur boiteux et meurtri. Eh bien 1 le croirait-on? Soit que le serpent etH perdu son fausset, que la planche avec le temps füt devenue lTIoins pesante, le vieil­lard plus dormeur; soit que ses jan1bes se fussent endurcies ou qu'il eût pris la criminelle habitude de les retirer avant que le châ­tÎlnent tombât, il ne tarda pas à sentir la nécessité d 'une autre invention , et tous les soirs , avant de se coucher, il se lie au bras une corde, qui, à l'heure fatale , se tend sans crier gare et le jette à bas du lit.

Il en était là. Dieu sait quels nouveaux projets somnicides il roulait dans sa tête, lorsqu'il se sentit endormir pour toujours . Endormir 1 oh 1 non; le fervent chrétien n'en jugea pas de la sorte, et malgré son petit péché de paresse, plein de confiance en Celui qui pardonne: « Ah! s'écria-t-il en mourant, je m 'éveille enfin! » Ce fut son dernier mot.

Louis Veuillot.

Analyse littéraire.

1. L'auteur. - Louis V-euillot (1813-1883). Le premier des journalistes' catholiques français . Fils d 'ouvrier, autodidacte, il n e s'en range pas moins, d'après Jules Len1aître, « dans la demi-dou­zaine des très grands prosateurs du XIXe siècle »; « il est même, rectifie le P. Longhaye, le premier et l'un des plus grands de la littérature française tout entière. » Il reste, avant tout, l'illustre et incomparable journaliste de l'Univers: ses principaux articles ont été recueillis en dix-sept volumes de Mélanges. Epistolier, il se range à côté de Joseph de Maistre et de MIne de Sévio'né. Ro-111ancier, historien, satirique, il écrivit entre autres ol~vrages: ROI?e et Lorette, où il raconte sa conversion, les Pèlerinages d e Suzsse, Corbin et d'Aube~ourt, l'Honnête femme, les Libres-Pen-

- 77-

seul's, les Pal'fUn1S de RODJ.e, les Odeul's de Paris, Çà et là ... Fils dévoué de l'Eglis'e, « ce diable d jhomme eut toujours pour lui le Pape et la Gralnmaire ». Cela explique la conspiration du silence qui se fait autour de son nom; car « dans ce dur monde, on gagne, du moins de temps en temps , à être du côté des plus forts; et Veuillot, catholique, fut de l'autre ». (J Lemaître.) Cet ostracisme suffirait à le désigner à l 'enthousiaste adlniration des jeunes ca­tholiques .

2. Situation. - Les Pèlerinages de Suisse furent écrits par Veuillot six lnois après sa conversion (1838). « On peut y consta­ter les progrès rapides de cette âme sous l 'influence de la foi; on croirait lire l 'œuvre d'un catholique vieilli dans la piété . En même tenlps, son talent s'affern1.it; la certitude de posséder la vérité et de se sentir l'âlne bonne transfonnent l 'écri vain. » (Halflants). C'est d'un point de vue bien particulier, bien or iginal qu 'il observe cette Suisse si vantée: le point de vue religieux. Le protes tan­tism.e et les protestants , les touristes cosnlopolltes, les monuments de l'antique civilisation chrétienne, la foi robuste des catholiques y inspirent lnaintes pages merveilleuses. Notre extrait est em­prunté à un chapitre intitulé « Au Couvent » et où il parle de la Chartreuse et de ses filiales parmi lesquelles la « Part-Dieu » dont la fondation reulOnte è 1307. (A suivre.)

\7 ~~=::~E=N~~~=A=N=T==:

~~ L'Enfance ~ , Il est un âge h eureux où le cœur est paisible) Où, comme protégé pal' un ange invisible, Au Inilieu des périls, cm milieu des douleurs, On passe sans connaître et la crainte et les pleurs. Cal' Dieu donne à la vie une aube fortunée Conl1ne il m et le printemps au matin de l'année. Beau telnps qui m 'a .dé.tà dit le suprême adieu! Quoi! passé pour .tamais 1 ... rendez-le nIOi, mon Dieu! Rendez-moi de n10n fr,ont les grâces enfantines, L'éclat de mes regards aussi purs que le ciel, 1\1 es longs cheveux flottants, mes lèvres purpurines, Où brillait la candeur d'un sourire éternel. .. Ah! .i' entends une voix qui Ine parle clans l'âme: « Enfant, ne sens-tu pas que le ciel te réclame P Pourquoi sur cette terre arrêtant ton amour,

. Ferais-tu ton repos où tu ne vis qu'un .tour? L'oiseau bâtit à peine un nid dans le feuillage, Car il sait que l'hiver le chasse du bocage; Sa tente de printelnps s'é lève au bord des eaux,

Page 9: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 78 -

SymbAole de nos Ï-ours légers comme les flots. Nos ames sont ici comme des hirondelles' Pour s'envoler au ciel, Dieu leur donnera ~les ailes.

P. REYNIER.

<ll~ Le perroquet ~ Vn gros p~l:roq~:t gris, échappé de sa cage,

- , mt s etablir dans un bocage' Et la, prenant l; ton de nos faux cOl~naissellrs, Jugeant tout, blamant tOLlt d'un air de suffisance Au chant du rassi l'Z ' d ' , , gno, z troLlvOlt es longueurs,

, Cntzquait surtout sa cadence, Le [mot , selon lui, ne SClU'ait 'pas chanter; Lr:L faubvette cmrait fait quelque chose peut-être Sz de onne heure il eût été son maître

, Et qu,' elle . eût voulu profiter. Enfm" ClLlCU:Z OzsecLU n'avait l'art de lui plaire.'

PEt, dl es qu'zls commençaient leurs ,'aL/euses chansons

ar G es coups l ' . , , Ce szfflet l'épandant à leurs sons , Le pe1'l'oquet les faisait taire. '

~?sses ~el t~mlt, d'affronts, tous les oiseaux du bois

Vzennen . u.z clzre Un jour.' Mais parlez donc, beau sil'e ous quz szff ez t . ' S l t OUJours, faites qu'on vous admire.' ans (OU e V?US avez une bl'illante voix,

Dazgnez chanter pOUl' nous instruire. Le pe1'l'oquet dans l'embarras

Se gratte un peu la t/t f" l ' . , '. e e, et znzt par eur dll'e.' M esszeuJ's Je szffle b' " , zen, mOlS Je ne chante pas,

FLORIAN.

, • Le singe et l'âne œm Connazssez-vous le sz'ng Cl Il t Z' t' t e ? es G zuer zssan V Z Pour un instant.

ous e voyez grimper, sauter, faire sans cesse ~u~lque tour de souplesse.

ms se moquer des gens

M ' 'z t t,Et s'amusel' à leul's dépens;

CIlS z es l'es pel'ver t Z At' Z f . P

s e se p CH a ma Cllrc, CLUvre In 't' E e zer, que celui de farcew'

L,A t fauvl'e es prit, celui de bateleur!' L a~e un 10l~f' le lui dit, quoique si bonne bête,

eQn e~nen bl z marchait, chargé d'un lourd fardeau. Reg:'d:~osaefrol·t? dit l'apt~'e; oh! la superbe tête!

L'" gure et son JaZz museau! » ane en passant .' dT' Tout railler vil 1 epon .' «. U sazs tout contrefaire,

, moqueur; mms tu n'es bon à bien,

79 -

Qu'à grimacer. Da moins si tu savais te taire J .•• POUl' moi, je suis utile. A.dieu. Mon savoir faire

Vaut bien Le tien. »

Le BAILLY.

~ ùa précipitation ~

«Avant la fin du jour je veux êtl'e à Pal'Îs, » Dit lln jellne fat. Ses chevaux, hors d' haleine, Etaient tout en sueur, « Que vous avez de peine,

Pauvres chevaux, quand vous êtes conduits Pal' de tels étourdis J »

Dit tout haut lln passant. - « Holà! bonhomme, écoute.' Arriverai-je avant la nuit? - Sans dOllte ,

Si vous allez Inodél'ément; Sinon, vous cOllcherez en route. - Vilain, tu fais l'impertinent J

Tiens ... » Et notre fiel' personnage Lui donne de son fouet à trnvel'S le visage.

Content de ce beau fait, Il l'epl'end sa course rapide.

Il vole comme un trait; Mais tout à coup l'ess ieu perfide

Cl'ie et se rompt.., Monsieur tombe dans le fossé. Monsieur n'arriva pas, pour s'être trop pres·sé.

Le BAILLY.

Leçon de calcul Le Décamètre

Matériel intuitif. - Mètres: canne, pliant, roulant. Un rou­leau de ficelle, Quelques bâtonnets. Le Décamètre ruban, La chaîne d 'arpenteur.

LEÇON Montrant un mètre. Qu'est-ce que le mètre? - Notion donnée ultérieurement,

Le mètre est un objet qui sert à mesurer les longueurs. - Com­bien de sortes de mètres connaissez-vous? - Mètre pliant, mètre canne, Inètre rouleau.

Emile, prenez le m.ètre canne, Le maître présente une boule de ficelle, deux élèves sont in­

vités à en prendre 10 mèh!es . Entre deux mètres consécutifs un autre élève attache un bâtonnet:.

Page 10: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 80-

Les autres élèves comp'tent 1 m., 2 ... , Hl mètres. A ce m.oment, le maître conduira ses élèves à la cour ou au

préau.

Bien tendre la ficelle. Que 1l1.esure cette ficelle? - 10 mè­tres. - Comment appelle-t-on 10 mètres? - 10 mètr~s s'appel­lent une dizaine de mètres. Que mesure donc cette flcelle ? Cette ficelle mesure une dizaine de m.ètres.

Sur le sol de la cour ou du préau, au moyen de cette ficelle, mesurer une longueur de 10 mètres et tracer à la craie une ligne de toute cette longueur. Les petits bâtonnets attachés à la ficel.le serviront à séparer sur cette longue ligne les mètres par un traIt.

Que meSlu:e cette ligne? - Cette ligne mesure une dizaine de mètres.

Une longueur d 'une dizaine de mètres se nomme lin Déea-lnètre.

Déca veut dire dix. Le Décamètre est une longueur de 10 mètres. Répétitions individuelles et simultanées de ces différentes

notions.

Voici une longue chaîne qui sert à mesurer les distances sur le terrain. Voyez, elle est formée de morceaux de gros fil Ile f.er coupés de même longueur et réunis deux à deux par de petIts anneaux.

Comptons le~ n1.orceaux de fil de fer: 1, ~, 3, 4, 5., Voici u~ anneau: est-il semblable aux autres? - Non, Il est dore. - OUI, mes amis , cet anneau est en cuivre.

Prenez le mètre, mesurez la distance depuis le comm.ence­ment de la chaîne jusqu'à cet anneau en cuivre. Combien'y a-t-il? - 1 mètre. - Y a-t-il encore d'autres anneaux en clllvre? -Quelle longueu~' y a-t-il entre deux anneaux en cuivre? - Il y a 1 Inètre. - Combien la chaîne a-t-elle de mètres?

Les ·chahions extrêmes sont disposés de manière à former deux poignées par lesquelles on tient la chaîne tendue au-dessus du sol.

Puisque cette chaîne a 10 m. de longueur conllnent pourra-t~ on l'appeler? - Décamètre. - Cette chaîne. se nomme aUSSI chaîn~arpenteur; elle sert à mesurer les terrams, les routes, etc. Comment appelle-t-on cet objet? - Pourquoi la chaîne d'arpen­teur est-elle en fer?

Voici un long ruban. Mesurez-le ... à 10 m. Ce ruban de 10 m. se nomme Décamètre ruban. Pourquoi ?

Mesurage de la longueur du bâtiment des classes, du m.ur de. la cour, du préau, etc., au moyen de ces deux objets. . . .

- 81-

Rentrer en classe; t'aire donner à nouveau la définition du Décamètre: Le Décamère est une longueur de 10 Illètres.

Voici comment on écrit Décamètre: Décan1.ètre ou Dn1.. Exercice oral préparatoire à l'exercice écrit.

Si j'ai 8 mètres de ficelle, combien ln'en manque-t-il pour avoir 1 Dm. ? - Il nlanque 2 m. pour avoir 1 Dm. : 8 m. + 2 m. =1 Dm.

De n1.ên1.e au llloyen de petits problèmes obtenir la solution des exercices suivants, que les élèves feront ensuite par écrit en application de la leçon sur le Décamètre.

() m. + ..... = 1 Dln. 1 Dm. = 8 m. + ..... m. 1m.+ ..... = =6m. + ..... m. 4m.+ ..... = » . =4m. + ..... m. 9m.+ .. .. . = =21Tl. + ..... m. 2m.+ ..... = = 9 m. + ..... 111 ..

5m.+ ...... = =71Tl. + ..... m. 7m.+ ..... = =5m. + ..... rh. 3m.+ ..... = =lm. + ..... m. 8m.+ ..... = = 3 m. + ..... 111.

2e Leçon, donnée préférablement dans la cour.

Faire luesurer sur le sol un Décamètre et en demander de nouveau la définition.

Ensuite faire mesurer la longueur de la cour; au fur et à lll.esure que les élèves ont mesuré un Dm., faire un trait sur le sol.

Inviter un élève à courir la distance d'un Dm.; un second -élève la distance de 3 Décamètres.

Qui a couru le plus loin? - ..... a couru 3 Dm. - Combien de Dm. en plus? - 2 Dm. en plus. - Combien Jules et Louis ont-ils couru de Dm. ensemble? - 1 Dm. + 3 Dm. = 4 Dm.

Exercices préparatoires devant servir à solutionner les cal­culs du tableau noir.

Quand nous mesurons la longueur d'une dizaine de mètres, qu 'avons-nous? - Nous avons 1 Dm. 10 m. = Dm. Dire '1 di­zaine de mètres est égal à 1 Dm.

Quand nous mesurons 3 dizaines de m., qu'avons-nous? -Nous avons 3 Dm.

Si nous mesurons 60, 20, 80, 70, 90, 40, 50 de m. (Jire 6, 2, 8, .. . dizaines de mètres), qu'avons-nous?

Exercice inverse. Si nous mesurons 4 Dm., combien de dizai­nes de m. avons-nous? - Nous avons 4 dizaines de m. Et ainsi pour· : 3,5, 7,9, 2, 6, 8 Dm.

Page 11: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 82-

Addition. - Ce m.ur mesure combien de Décamètres? -Ce nllU mesure 4 Dm.

Et ce nllu-Ià, combien Illesure-t-il ? - 5 Dm. - Combien de Dnl. nlesurent-ils ensemble? - Ces murs Inesurent ensemble 4 Dm. + 5 Dm. = 9 Din.

De 'nlême pour 3' Dm. + 5 Dm.; 7 Dm. + 2 Dm.; 1 Din. + 8 Dm.; 3 Din. + 6 Dm ... ; etc.

Soustraction. - Ce nllu'-là a une longueur de 7 Dnl. et celui­ci a une longueur de 5 Dm.; quel est le mur le plus long? De combien est-il plus long? Si Jules a couru une longueur de 9 Dm. et André une longueur de 6 Dm., qui a couru la plus grande lon­gueur? Combien Jules a-t-il couru de Dm. en plus?

De même pour 8 Dm. - 3 Dm.; 5 Dm. - 2 Dm.; 7 Dm. - 4 Dm. , etc. .

Tous ces exercices ont servi à préparer la solution du travail siuvant, nlis au tableau noir et qi.li, à la rentrée et classe sera fait oraleinent et ensuite par écrit.

30 m. = ... Dm. 5 Dm. = ... m 70 m. = .. , Dm. 3 Dm. = 20 Ill. = ... Dm. 8 Dnl. = 60 nl. = .... D.m. 1 Dm! = 90 m. = .. , Dln. 7 Dm. = 10 m. = ... Dm. 2 Dm. = 40 ln. = .. . Dm. 6 Dm. = 80 ln. = ... Dm. 9 Dm. = 50m. = ... Dm. 4 DIU. =

Histoire

4 Dm. + 2 Dm. = 8 Dill. - 3 Dm. = 6 Dm. + 3 Dm. = 6 Dm. - 4 Dm. = 3 Dm. + 3 Dm. = 4 Dm. - 2 Dm-:' = 5 Dm. + 5 Dm. = 9 Dm. - 5 Dm. = 2 Dm. + 6 Dm. = 5 Dm. - 2 Dm. = 7 Dm. + 2 Dm. = 7 Dm. - 4 Dm. = 4 Dm. + 4 Dm. = 3 Dm. - 2 Dm. = 1 Dill. + 8 Dm. = 6 Dm. - 3 Dm. = 5 Dill. + 4 Dm. = 7 Dm. - 3 Dnl. =

Le {Irallle du château de la Soie (1375) Non loin de Conthey, sur la rive opposée de la Morge, le

voyageur aperçoit la Soie, petit plateau aux pentes à pic, arides et désolées, couronné de quelques pans de mur, pauvres restes d'une forteresse, qui a joué un certain rôle dans l 'histoire du Valais médiéval.

La vue, dont on jouit de la Soie, sur la vallée du Rhône et les géants glacés qui l'enserrent, est une des plus belles qu'offre notre cher pays à l'admiration des étrangers. Le site semblait comme prédestiné pour une résidence d'été. Les évêques de Sion y entretenaient un châtelain, un sautier, qui percevait les rede­vances à Savièse, un portier et quelques soldats. C'est dans les murs de ce castel, que se passa le di'ame sanglant dont nous allons dire quelquès nlots.

- 83-

. V;rs. le mili~:lx du ' qu::,-torzième siè~le, le siège épiscopal de SlOn etaIt occupe par GUIchard Tavelh, originaire de Genève prélat d 'une rare énergie pour la défense de ses droits, et dont l~ règ~e n'était qu'une ~on,gu~ et p~nible lutte: L'évêque fut parti­cuherement en butte a 1 ammosIte de la noblesse valaisanne ani­Inosité sans cesse entretenue par l'esprit turbulent des sir~s de la Tour.

Puissants, possédant des terres en Valais, dans l'Oberland et en Savoie, les de la Tour s'étaient ruinés par de longues guerres, par une vie de faste et de prodigalité. Antoine, chef de la famille , sous l'épiscopat de Guichard Tavelli, chercha par tous les moyens à relever le prestige de sa maison. Ne pouvant rien contre la ville de Berne, que son père, Pierre de la Tour, avait combattue à Laupen en 1339, et à laquelle il avait dû abandonner plusieurs fiefs dans la vallée de la Kander, Antoine jeta ses regards sur le territoire épiscopal, avec le secret espoir d 'arriver facilement ù bout de la résistance que pOln ait lui oppos~r l'évêque.

Les sires de la Tour possédaient de nombreux territoires dans la vallée du Rhône; ils avaient des châteaux à Granges, à Ayent et à Conthey. Leur résidence principale se trouvait à Nie­dergesteln (Bas-Châtillon), près de Rarogne. Là se voyait leur castel, vrai nid d'aigle, perché sur un rocher inaccessible et dont il reste encore quelques vestiges. Le village et sa dépendance, la ,allée de Lôtschen, appartenaient en propre aux de la Tour. Vers le milieu du quatorzième siècle s'élevèrent des difficultés entre l'évêque de Sion et Antoine, par rapport à quelques fiefs de la vallée de St-Nicolas, pour lesquels le sire de la Tour avait refusé de prêter hommage. La guerre commença, guerre terri­ble, guerre cruelle, où tout fut pillé, brûlé pàr le rebelle et ses alliés de la Gruyète et de l'Oberland. Guichard, lui-même, dut subir toute espèce d'avanies, mais il ne perdit pas courage; fina­lement, grâce à l'intervention énergique d 'Amédée VI de Savoie, Antoine renonça à ses prétentions et prêta le serment de fidé­lité à son suzerain. Mais cette soumission n'était qu'apparente; le chevalier-brigand, caractère violent, vindicatif , incapable d 'ou­blier ce qu'il croyait être une injure à sa personne et ~t sa maison , fut irrité de la sentence portée par le comte Amédée de Savoie, il jura de se venger à la première occasion favorable.

Ce jour de malheur ne tarda pas à arriver . L'évêque Guichard Tavelli avait une prédilection spéciale

pour le château de la Soie. Souvent, il y passait des semaines en­tières, surtout pendant la belle saison. Le coup d'œil féérique sur la vallée du Rhône, la fraîcheur délicieuse ·des soirées d'été, l'éloi­gnement de Sion, où les bourgeois se montraient souvent récalci­trants, tout cela portait l 'évêque à faire du vieux manoir sa rési­dence favorite. D'autre part, la forteresse paraissait sûre, :\ l'abri d 'un coup de lllain. Aussi, se fiant par trop aux pentes inacces-

Page 12: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 84-

sibles de sa dem.eure, Guichard a\ ait-il négligé de se tenir sur ses gardes, ne se doutant pas que les IIlOntagnards graviraient fa­cilement les versants abrupts de la Soie, surtout si leur entre­prise se trouvait favorisée par la trahison de quelques-uns des soldats auxquels 1 évêque avait confié la garde du chàtean. C'est ce qui arriva .

Un jour, si nous en croyons la tradition, pendant que le vé­néré Prélat et son chapelain récitaient ensemble les heures cano­niales, dans une petite cour, située en face du village de Ch:1n­dolin, des soudards, à la solde du sire de la Tour, introduits dans la forteresse par un traître, pénétrèrent dans l'enclos où se trou­vait l'évêque et se jetèrent sur lui et sur son chapelain . . « Ql~e me voulez-vous? delnanda le vieillard. - Te punir de tes trahisons. - Je n'ai trahi personne, je sais ce qui vous amène, je connais la main coupable qui vous dirige dans votre criminelle entreprise, je sens que Dieu a fixé le terme de m.on existence, Inais sachez-le bien, votre maître qui a conçu et dirigé l'attentat qui m'ôte la vie, sera dans les siècles à venir un objet d'exécration, la colère divine vengera lnon sang sur sa tête; comm.e Caïn, il errera sur la terre étrangère et mourra, le dernier d'une race lnaudite ... »

Interdits un n10lnent, les assassins hésitèrent, mais la crainte que leur inspirait Antoine de la Tour l'elnporta et ils précipitèrent l'infortuné et son chapelain dans le gouffre ...

On raconte qu'une jeune bergère se trouvait dans les en\ i­rons du château. L'arrivée, et surtout le départ précipité de gens à mine sinistre, éveillèrent son attention, elle soupçonna aussilôt que quelque chose d'insolite avait dû se passer au fortin . N '?sant pas y entrer, elle alla à Granois avertir le sautier. Counr au château, forcer la porte du côté du village, fut l'affaire de quel­ques minutes. Mais c'est en vain que les villageois pénètrent par­tout, ils ne rencontrent pas un être vivant, les gardes s'étaient enfuis . Mais l'évêque?

Ils devinent l'horrible vérité, quand, dans le jardinet du châ­teau, ils voient que tout est piétiné, broyé sous les pieds des assas­sins. Un regard jeté dans l'abÎlne .confirme ce à c~uoi .. ils n'avaien,t osé penser sans frén1ir . L 'évêque et son ch;;tpelaIn fIdèle sont la au pied de la paroi rochesue, fracassés, écrasés, méconnaissables. Dépeindre ce qui se passe en ce moment dans l'âme des rud~s n10ntagnards, serait chose difficile, sinon impossible; un senh­n1ent cependant dom.ine tous les autres, celui de faire payer chè­rement au meurtrier son monstrueux forfait.

Le syndic de Savièse . envoya sur le champ un messager au bourgmestre de Sion pour l'aviser de ce qui venai.t de .se pa~ser. Celui-ci convoqua l'assemblée des notables et hu communlqlla l'affreuse nouvelle. Sur le champ, des courriers se rendirent dans le Haut-Valais, prévenir les chefs des dixains et les inviter à pren-

- 85-

dre part à l'expédition proj~tée contre les domaines du chevalier­félon. .

Jamais préparatifs de guerre ne furent fait savec autant de rapidité, tous les hommes valides accoururent; les griefs anciens qui s'étaient élevés entre les dixains, châtouilleux à l'endroit d~ leurs prérogatives et l'évêque, jaloux de ses droits souverains, furent oubliés: une seule pensée les unit tous, bourgeois des vil­les et montagnards des vallées, celle de venger leur pasteur et dé­barrasser le pays d'une famille détestée ...

Les terres du lneurtrier sont envahies, le château de Granges est pris d'assaut et ruiné. De là, les vainqueurs se dirigent sur Ayent . Antoine dé la Tour essaye en vain de les arrêter dans la plaine de St-Léonard. Il a con\ oqué ses vassaux et .ses J lliés, il veut tenter une dernière fois la fortune et tenir tête à la ven­geance du peuple valaisan. Avec leurs bannières flottantes, leurs casques étincelants, leur poitrine bardée de fer, les chevaliers pré­sentent un aspect superbe et redoutable. Un terrible combat s'en­Jage, mais c'est en vain que les partisans de l'assassin essayent de rompré les rangs de leurs adversaires. Ceux-ci serrés les uns con­lre les autres et a rmés de leurs terribles massues garIlics de poin­Les de fer, opposent à leurs assauts une lTI1Uaille impénétrable. Bientôt un nombre considérable de nobles chevaliers succombent sous les coups des n10ntagnards, leurs rangs s éclaircissent, leurs bannières restent entre les n1ains de leurs vainqueurs. Enfin, après une lutte acharnée, Antoine et ses partisans cherchent leur salut dans une fuite désordonnée. Les vainqueurs escaladent alors les hauteurs qui dOlninent la gorge sauvage de la Lienne, s'en1parent du repaire du chevalier-brigand, puis se dir~gent sur Conthey, par GrÏlnisuat et Savièse, et mettent le feu à la demeure que le sire de la Tour possédait au Bourg, à quelques pas du châ­teau du Comte Rouge, Amédée VI de Savoie.

Antoine de la Tour essaya d'exciter contre les Valaisans son beau-frère, le baron Thuring de Brandis , noble seigneur de l'Em­mental. Celui-ci passa le Rawil avec l'intention de surprendre Sion. Avertis par des alnis fidèles, la capitale et les villages envi­ronnants purent se préparer, se poster en embuscade au-dessus du village d'Ayent et tomber à l'improviste sur l'envahisseur. Le chef de l'expédition tomba entre les n1ains des vainqueur; conduit à Sion, il paya de sa tête son dévouement à une cause lnauvaise.

Le sire de la Tour comprit enfin que sa n1aison était irré­n1édiablelnent perdue; il se retira chez sa fille unique, mariée à un noble Français de la région du Jura. C'est là que s'éteignit la branche aînée d'une antique et puissante maison, d'une famille toujours en révolte contre le pouvoir épiscopal, toujours en guerre contre les communautés naissantes, en qui elle devinait l'ennemi qui devait la nÜner.

Page 13: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 86-

.~ Nos Pages ~.G) 19~ COURRIER DES INSTITUTRICES ~

=========================== SOMMAIRE: Crépusculé. - Le Gué. Pensée. Hygiène.

Récompense.

~ Crépuscule E3'--

Le soir tiède est ver/l.l. .. le clocher ~les vieux âges, Immobile., et rêveul' dans le couchant pourpré, Voit bleuir devant lui les lointains paysages Que l'-onlbre de velours efface pal' degrés.

Et de la brume où sont enfouis les villages, Il voit venir un chœur d' hirondelles volages, Qui l'entol.lre en chantant de son vol affairé) Tandis que lentement s'éteint ,le jour doré.

Ainsi les souvenirs de nos belles années, Hirondelles du soir pal' la brise an1Cnées) Des brumes dl.l passé viennent fondre , sur nous ...

Souvenirs! souvenirs! Oiseaux toujours fidèles, Mon jeune front s'est senti fl'ôlé pal' vos ailes! Eh! quoi! de mon pas'sé, déjà revenez-vous? ...

O. d. M.

ùe Gué La rivière court sous lés aulnes avec de peureux airs de fuite.

Elle reflète au bout du bois les tremblantes petites lampes d 'or des cytises. Ailleurs, le ciel lui fait des taches bleues; mais près des bords, dans les bas-fonds où boivent les racines des arbres, elle est toute

'noire, toute calme, comme un beau miroir ténébreux.

Il ne faut pas que tu te penches sur cette rive: l'eau attire les petits enfants trop curirieux. Elle les emporte dans un berceau froid que n'ont jamais bercé les mères, et les chansons qu'elle leur chante ne r~ssemblent pas à celles que j'invente 'pour toi.

. , . Ecoute, .le sais un endroit où l'eau p~rfide e,st impuis$ante, cla,ire,

transparente, ~lllimée, elle ressemble à une plaque de verre et court _sur des cailloux dorés. Enfant, j'ai baigné mes pieds nus à ce gué

- 87-

limpide qui jase. Je sais que , tu peux le franchir sans risque, et qu'en­ses creux les plus ' profonds le courant frais posera à peine des bra­celets de cristal à tes chevilles .

... Avanee, n 'aie pas peur, ma main 'te guide. Ton orteil rose est comme une fleur arrachée aux rives, et qui pour retourner vers la branche maternelle remonterait au fil cie l 'eau. Parfois, l'éclair de nacre d 'un poisson, ou le saut brusque d 'une rainette de jade te font rire; tu déranges les hirondelles, qui dérivent en crochets brusques au milieu de la courbe de leur vol. Les libellules, étonnées, regardent cet être charmant s 'évadant de lombre des aulnes et s'avançant en plein soleil, toute la joie de l'aube aux lèvres... .

Marche, et si quelque pierre te blesse, .le te prendrai toute mouil­lée entre mes bras ...

L 'autre rive est pleine de joncs, droits comme' de petites lances;­une menthe vélue et parfumée faufile ses touffes jusqu'au bord de l 'eau pour y mirer ses pâles verdures et voir zigzaguer les mouche­rons. Lorsque ses fleurs microscopiques se fanent, elles tombent dans le courant avec- une langueur dédaigneuse et se laissent emporter, noncnalantes ou r ésignées comme des princesses d 'Orient sur leur litière de bois rare. '

Ici, nous retrouvons l 'ombre et les aulnes légers dont les jeunes feuilles minces blondissent au reflet du soleil. Ici, nous retrouvons le chemin tranquille, les champs ennoblis du labeur des hommes. C'est la route bientôt, la route semblable à toutes celles dont l'huma­nité a sillonné la terre, et où se traînent nos douleurs, et où bondis­sent nos allégresses ...

Jeune vie aux pieds impatients, lorsque tu parcourras la plaine, Lu rencontreras quelquefois de belles rivières qui te barreront le che­min. L'eau coulera, fraîche et profonde, reflétant les fleurs et les cieux, toute noire au-dessus des gouffres, rose à l'aube, empourprée 1 e soir.

Ne te penche pas sur les rives: le vertige monte pnrfois de ees \'emous harmonieux, qui défont et refont sans cesse un filet de blonde lumière. L 'eau t 'emportera là où vont les rameaux fanés et les co­rolles mortes; rien ne te suivrait là-bas, non, rien ... pas même les chansons de ta mère !. .. C'est pour cela que .le veux ' te guider vers le gué choisi pour toi. Ici, rien ne te menace, le courant est doux et ses eaux sont pures. Tu t'avances en plein soleil, les yeux confiants~

sur tes lèvres resplendira toute la beauté de la vie.

Alors, tu t 'égayeras des moindres choses, ton rir'e sera la chanson aérienne que brode le rythme de l'eau. Moi, je ser~i là, vigilante, . épiant les moindres frissons ... Et si quelque mal t 'effleure, avec quelle ~âte, avec quel geste .le te prendrai tout'e tremblante pour t'emporter ' vers la rive, entre mes bras '! ...

M. BARRERE-AFFRE.

Page 14: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 88-

Pensées Le niveau de notre âme est trop bas sur la terre, Il faut monter encore, il faut montel; toujours; Monter comme l'oiseau qui cherche la lumière, Monter comme l'encens, monter comme le lierre, Jusqu 'aux plus hauts créneaux des tours.

E. MANUEL.

~ésumé d'un cours d'hygiène 1927.

Pharmacie de la maison Lysoform 15 0100 avec eau bouillie. Lysol 1 %, 200 grammes. Iode dans une petite fiole bouchée à l'émeri. Acide salycilique. (Cuire 2 nlinutes 1 cuillerée à soupe pour

1 litre d'eau.) Kirsch ou cognac. Alcool pur ou eau de Calogne. 1 paqùet de coton hydrophile. 1 paquet de gaze stérilisée. Leucoplaste ou sparablanc. Tafetas anglais :

1 bande de 10 mètres de long sur 8 cm. de large; 1 bande de 6 mètres de long sur 4 cm. de large; 1 bande de 4 rnètres de long sur 2 cm. 1/2 de large.

Vaseline boriquée. Vaseline camphrée. Pommade camphrée. Amoniaque anisée. Bicarbonate de soude. Sel de Carlsbad. Huile de ricin. Camomille. Tilleul. Farine de lin. Farine de moutarde. Huile mentholée. Eucalyptus. Cristaux de menthol. Liniment oMo-calcaire. Dermenthol, poudre cicatrisante. Cartouche à pansement. Stupéfiant: aspirine, quinine. Eau de Goulard.

Usage de ces différents nmèdes.

'Le lysoiarm s'emploie comme désinfectant à la dose de 15 gram-

-m-mes par litre d 'eau que l'Oli a · fait pl'ealablement bouillir. Son odeur est moins désagréable que celle du lysoI.

Le lysol est un désinfectant plus sûr que le lysoform et peut s'em­ployer à la dose de 10 grammes par litre d'eau bouillie ou non.

Cependant, le roi des désinfectants est l'iode. On doit se servir de l'iode pour la désinfection des plaies dont on ignQre la, profondeur, et aussi des plaies routières, très souvent dangereuses. L'iode doit être contenu clans un flacon à bouchon de verre, pour évit~r l'évaporfi.tion, qui rendrait la teinture restante à pourcentage trop élevé, et dont on n 'oserait plus se servir sans y faire ajouter de l'alcool par un phar­macien.

Une couche de teinture d 'iode après les ventouses sèches, contre les froids, donne aussi d ' exc~llents résultats. Il faut cependant éviter d 'en recouvrir une trop grande surface à la fois. Cela pourrait causer une intoxication peut-être mortelle. Ainsi, un Jour on badigeonne le dos, le jour suivant, la poitrine, etc.

Les pastilles iodées font disparaître les petits goîtres. On peut aussi mettre des cristaux d 'iode dans une bouteille à large col. La déboucher pendant la nuit et aspirer ces émanations. Il faut avoir soin d'enlever jJagues . et bijoux, parce que lïode attaque les métaux.

r;,e pas avaler l'iode. Il fait beaucoup travailler les reins. 'Acide salycilique. L'acide salycilique sert à faire un gargarisme

contre angine, maux de cou. C'est un excellent préservatif. Voici com­ment on le prépare. Faire bouillir un litre d 'eau, y a.iouter 1 gramme (1 cuillerée à soupe) d'acide salycilique et laisser cuire 2 minutes.

(A suivre.)

Récompense Nous apprenons que la Société Suisse des Hôteliers vient de

décerner à notre sympathique collègue, Mlle IdCl Aubert) institu­trice cl ChClmoson) un diplôme et une lTIOntre en or en récom­pense de ses 20 années de service - saisons d'été si nous ne fai­Sons erreur - au Grand Hôtel Bel-Oiseau à Finhaut.

Nos sincères félicitations.

La question sociale

La Profession VII.

OUI OU NON

« Or la vie tout entière d 'un homme dépend de deux ou tmis oui et de deux ou trois non, prononcés de seize à vingt ans. Oui ou non, veux-tu de ce travail, de cette position ... , de ce maître, de cette al­bance, de cette profession, de cette vie? Vous répondez et tout est dit.

Page 15: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 90-

'Carrière fixe, peut-être insupportable; travail fixé, peut-être impra ­ticable; foyer fixé, peut-être intolérable. C'est dit, c'est fait; ce ser a

jusqu'au dernier jour. » (Mgr BAUNARD.)

L'heure de ce oui ou de ce non, pour beaucoup d 'entre vous , sonnera assez vite, avant lnêm,e vos seize ans. Ce sera alors le moment de choisir 'le métier, la profession que vous exercerez toute votre vie.

NECESSITE DES PROFESSIONS

La division des Tâches. - L'hOll-une se trouve dans l'impos­sibilité _ surtout dans notre société moderne où les besoins sont devenus si nombreux et si variés -, de se procurer, par ses pro­pres moyens- tout ce qui lui est nécessaire pour vivre d'une v~e normale. ,Vous conlprenez bien que le même homme ne peut pas exécuter les travaux du charpentier, du métallurgiste, du culti­vateur et du tisserand, tout en faisant les études nécessaires pour être ingénieur ou médecin. Il recourt donc aux a~ltres pour ,1~lH 'demander certains services , en échange desquels Il leur en rend à son tour.

De là résulte une division des tâches, qui remonte bien haut dans l'histoire de l'homme, mais qui n'a cessé de s'accroître à lnesure que les besoins ont grandi, que les moyens de production et de fabrication se sont perfectionnés et que la société s'est mieux organisée.

Assumer une de ces tâches, utiles au bien commun , c est exercer une profession ou un métier.

Il y a des professions très variées. - Par exemple, on peut distinguer, sans que la déliluitation soit tOl~j?UrS bien nette - les professions manuelles ou métierS (mécamcI.en,. labo~lreur, ~)lan­chisseuse couturière, etc., etc.) - les professIOns zndustnelles , co~uneJ'ciales (lnarchand, fabricant) - les carrières libérales (médecin, ingénieur) - les fonctions publi.que.s, direct~ment ré­munérées par l'Etat (employé des postes, InstItuteur, .luge). On peut rattacher aux carrières libérales, mais en l,es mett.ant à p~rt cependant, certaines fonctions de dévouement ou, par .hbre choIX , par vocation supérieure, on consacre sa vie au serVIce du pro­chain (malades, pauvres, orphelins, etc.) et plus encore cette fonction sacrée qui est celle du prêtre, ministre de Dieu pour le bien des âmes.

Dans chaque profession , l'activité de l'homme trou\ e' à s em­ployer de façon . très diverse. Dans les usines, le corps a plus d.e part que l'esprit, dans d'autres, c'est l'inverse; de plus tel travaIl répond à telle aptitude particulière et ne saurait aussi bien conve­nir à tous. Tel qui fait un excellent marin ferait un nlédiocre. fennier. '

- 91

Les grandes divisions que nbus vel10ns d 'indiquer se subdivisent encor~, permett~nt ' des SPéci~lisati6ns plus restreintes. C'est ainsi que parmI les travaIlleurs du bOIS, nous trouvons: le charpentier, le m e-, nuisier, l'ébéniste, le tourneur, etc.

VALEUR ET DIGNITE DE LA PROFESSION

Ce qui fait la valeur et la dignité de la Profession c'est: L son' utilité sociale; 2. les liens de solidarité qu'elle cl:ée entre ses membres.

L'U tUilé sociale.

. . Tous. pour tdus. - Pour comprendre l'utilité sociale' des prù­tessIOns, Il faut nous rappeler que la vie de la société est un continuel échange de travail et que les besoins de la société ont donné naissance aux professions qui les satisfont.

Car ni le vigneron , ni le brasseur ne t'ravaille pour satisfaire ses besoins personnels; il ne fait pas du vin s'il aime le vin ; de la bière s'il aime la bière; et une couturière ne fait pas seulement les robes dont elle a besoin pour se vêtir. - Ils tendent « à pro­duire ce qui satisfait les besoins des autres aussi bien que les l,eurs, quelquefois ceux des autres et non les leurs; le forgeron fabriqu~ de~ charrues dont il ne se servira pas. Il est vrai qu'il mange le pain qu'elles contribuent à produire. Mais son voisin, le coiffeur, serait incapable de se couper lui-même convenablement les cheveux », et plus loin « voici un ouvrier qui fabrique des ba-gues dont il n 'ornera jamais ses doigts ». '

Chacun de nous travaille , pour vi, r e, sans doute; et c'est pourquoi notre travail a ainsi un aspect un peu égoïste, si l'on peut dire; mais il n'est pas utile qu'à nous-mêmes; il l'est égale­ment aux autres. Toute profession , en effet, répond à quelque be­soin de la Société et lui rend service de quelque façon. Mais , dès qu'une profession, au lieu de subvenir à un ,rai besoin et de rendre un vrai service, abuse et devient nuisible, par exemple, en entretenant l'alcoolisme, elle cesse d 'être une véritable profession; elle n'est plus que l'exploitation d ' un faux besoin humain ou d'une passion coupable.

. . Degrés d'utilité sociale des Professions. - Toutes les pro­fesslOns ne sont pas également utiles à la société. Plus un besoin est général et important, plus la profession qui y pourvoit est in­dispensable au bon fonctionnement de la société. A ce titre, un boulanger est plus utile à la société qu'un pêcheur de perles fines ou un tondeur de ~hiens de salon, parce que l 'on peut se passer de perles et de clllens de salon, et non de pairi. Ces perles et ces chiens satisfont au luxe de quelques-uns, le pain à une néces­sité de tous.

Page 16: L'Ecole primaire, 15 février 1928

92

Ne nous arrêtons pas trop à cette première règle pour juger l 'importance sociale d 'une profession; complétons-la et corrigeons-la immédiatement par une autre, sinon nous donnerions la supériorité définitive au boulanger sur le médecin ou l'instituteur, sous prétexte que l'on a toujours besoin de manger, tandis que l'on n 'est pas ma­Lade tous les jours et que, si l'on peut vivre sans savoir lire, on ne saurait le fajre sans manger. Vous sentez bien qu 'il y a là une erreur de jugement.

Aussi faut-il ajouter: Plus un besoin est élevé) c'est-à-dire est ressenti par la partie la plus noble et la moins animale de nous­mêmes, le cœur et la raison, plus la profession qui le satisfait est utile socialement) puisqu'elle contribue à grandir l'homme dans ce qu'il ~ de meilleur.

Nous comprenons ainsi que l'artiste, le poète qui mettent du beau dans la vie, l'écrivain qui sème les idées justes et généreuses, le savant qui découvre les secrets de la nature, le prêtre surtout, qui aide l'homme à s'élever jusqu'à Dieu, ont droit à une estime et à une reconnaissance spéciale de notre part. En leur donnant cette estime et cette reconnaissance, du coup on ne l'abaisse pas les autres professions , ni, bien entendu, on ne regarde pas avec dédain leurs membres parce qu'ils ont des occupations plus luatérielles. Non, on ne fait que comparer les professions entre elles, au point de vue de leur importance et du genre de service qu'elles rendent.

Et ceci reste toujours vrai: Quoi qu 'il fasse, travailleur des mains ou du cerveau, celui qui travaille en C'onscience, et qui rend ahlsi de vrais services aux autres hommes, avec toutes ses forces et tout son talent, celui-là est digne du premier rang, devant Dieu 'tout au moins. « Il n 'y a pas de sot métier, il n'y a que de sottes o'ens.»

La Solidarité llrofessionnelle.

Le groupement professionnel. - Nous avons constaté que l'homme est fait pour vivre en société ': nous avons constaté éga­lement, au sein de cette vaste Société qui comprend tous les hom­mes, l'existence d'autres groupements, plus ou moins restreints. Le premier de ces groupem.ents est la Famille. Nous avons YU

aussi que du groupement des famines, puis des trihus, étaient sortis les peu pIes et la Pa trie.

La Profession est une sorte de groupement intermédiaire en­tre la Famille et la Patrie, moins indispensable, n1.oins uni , moins fort que ces deux-là: il comprend tous les individus qui se livrent au même travail. Entre les membres d'une même profession existent:

1. Comml.lI1cLLzté des intérêts. - C'est le même travail qui fait vivre tous les membres de la profession plus ou moins aisément, suivant le degré de prospérité de cette profession, et les rend, en conséquence, solidaires.

- 93-

Ainsi par exemple, il y a qu~lqLles années, la soie ne se portait plus; il en résu1tàit un chômage général dans toute l 'industrie de la soie. La misère atteignit tous les travailleurs de la soierie. Les fabri­cants alors s'entendirent avec les directeurs des grandes maisons de couture qui remirent la soie à la mode. La profession revint en hon­neur et du m ême coup, ses membre. ' retrouvèrent l 'a isance perdue.

2. Communauté des lwbitudes. - Celle-ci naît de l'exercice de la n1.êIUe vie professionnelle. Pour tous les meI'nbres d 'une mê­me profession, la vie est réglée à peu près sur le même modèle: en gros, Inême apprentissage; même conditions générales du tra­vail; l11.êmes risques de santé, de chômage; mêmes aptitudes spé­ciales; parfois , comn1.e jadis dans l'ancienne France, même cos­tume.

Les couturières ont le même genre de vie, toutes a, ec sur­menage, les veillées à certains 'mois de l 'année et puis le chô­Inage en Inorte saison. Dans certains métiers, comme ceux de médecins, mineurs, cheminots, marins, mênies dangers, mêmes n1.aladies, mêmes fatigues naissant de l 'exercice du même métier.

Aussi la Profession noue-t-elle des liens bien forts comme des liens d'une parenté spéciale entre les individus. Elle consti­tue vraiment la famille du Tl'ClUail .

Du teJnps où la profession était sérieusement organisée, à l'épo­que des corporations, comme nous le verrons un peu plus tard, les m embres d 'une même corporation - ou profession - avaient les uns l)Our les autres un véritable dévouement, prêtant assistance aux veu­ves et aux orphelins et se rendant toutes sortes de bons offices. Sou­ha.itons que cet esprit de fa.mille renaisse, c-omme le désirent et le cherchent de nos jours les vrais syndicats; la condition du travailleur en . era adoucie.

LE CHOIX DE LA PROFESSION

Importance de ce choix. - On ne choisit pas sa famille, pas da vantage sa patrie: ce sont des sociétés que nous impose notre naissance. Il n'en est pas de même de la Profession. On la choisit. Assez souvent, le choix est indiqué à l'avance par la profession du père ou de la mère; l'enfant leur succède, continue leurs trJ.­ditions de travail, de probité, de sérieux, se form'e auprès d'eux bénéficie de leur bon renom, et c'est chose excellente. Mais, sou­vent, il faut choisir une autre carrière: ce choix ,a influer sur notre destinée; notre bonheur peut en dépendre, ainsi que l 'emploi utile de notre vie pour notre famille et pour ' la société. Il importe donc de ne se déterminer qu'après examen et sériez.zse réflexion. Il faut consulter ses goûts et encore plus ses aptitudes.

Si vous êtes nés à la campagne et que vous ayez passé vos premières années dans l'air salubre des champs, apprenant tous les jours, de vos parents, à aimer et à soigner comme eux cette terre nourricière, ne songez pas à abandonner la noble profession

Page 17: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 94-

agricole, dure patfois, mais si libre, si attachante pour qui s'y donne avec courage et si utile au pays. Ne désertez pas. Restez si c'.est possible, sur l'héritage pater~el, où vous vivrez indépendal~ts , bIen portants, dans la grande paIX de la campagne.

. S.i vous .. êtes particulièreluent dOllés pour l 'étude et que la sItuatIOn de vos parents vous permette <Je suivre ce goût luarqué, e~ prolongeant vos années de classe, vous pouVez chercher votre voie dans l'enseignement ou dans les , carrières administratives commerciales; etc. Mais si le travail intellectuel vous est pénible et qué votre adresse Hlanuelle soit remarquable, n 'hésitez pas: soyez menuisier ou serrurier - nlodiste ou couturière, etc.

Quand vous entendez parler d' « orientation professionnelle » pour les jeunes gens et jeunes filles, c'est cela qu'on veut dire: orienter, c ~ est-à-dire diriger chacun vers le choix de la profession où il réussira le mieux, gr ace aux qualités et aux aptitudes que l'on a constatées chez lui; et, au contraire, le détourner de la profession où il ne pourra jamais bien réussir , par exemple, le métier d'horloger, de typographe ou de dentellière, s'il a de mau­vais yeux.

Les Illauvais choix. - Ce serait folie que de quitter la terre, d'abandonner la profession de cultivateur, parce qu'elle salit les mains et les habits, parce qu'on la croit moins distingU'ée et qu'elle prive des anlusements et des agréments de la ville, si beaux de loin, si coûteux en revanche, et dont on ne jouit guère quand il faut vivre à l'étroit dans un appartement minuscule et sans air. Ce serait folie encore de prendre tel ou tel métier parce qu'il est plus « chic» qu'un autre et de dédaigner l'atelier ou le chantier pour devenir employé de bureau, instituteur ou « dactylo », né­gligeant ainsi un dori naturel qui, développé, pourrait au con­traire permettre d'exceller dans le métier que ces aptitudes natu­relles désignent; d'autant plus que, fort souvent, ces carrières sont déjà encombrées. Vous ferez toujours mal et sans goût les choses pour lesquelles vous n'avez pas de dispositions naturelles; le tra· vail vous pèsera et vous traînerez l'ennui et le dégoût du métier toute votre vie.

Mais on peut changer de méti er, me direz-vous. Evidemment, cela se peut, mais sachez bien qu'on ne fait bien et avec plaisir que ce que l'on a appris à fond, que les choses où l 'on excelle. Et pour passer maître, il faut avoir été apprenti... et on n 'a pas le temps de faire plusieurs apprentissages. Vous connaissez le proverbe: « Pierre qui roule, n 'amasse pas mousse». Qui roule de métier en métier, ne fait pas fortune. En effet, en toute justice, c'est l'ouvrier qui excelle dans son métier, qui doit recevoir le plus haut salaire. Qui change souvent de profession, se condamne à des salaires d'apprenti et de manœuvre.

De plus, il faut reconnaître une reelle supériorité aux Iuétiers qui supposent un apprentissage. Il est évident qu'u,n travail, que

- 95-

du premier coup tout le monde peut faire, demande peu d'adresse aucI~n ~pprentissage,. et n,e. p~'ésente, d'autre intérêt que celui dl~ salaIre a gagner; malS preCIsement a cause de cela, ce travail est généralement assez mÇlI payé. En conséquence, les parents rie doi­vent pas hésiter, dans l'intérêt bien compris de leurs enfants à leur aSSurer un apprentissage sérieux et assez long, même s:ils doivent se priver pour cela du petit secours que pourraient leur apporter les premiers salaires de leurs enfants, plaçés très tôt dans le preluier métier venu.

CONCLUSION

Ne perdez pas de vue que.Ie métier ou la profession - quels qu'ils soient - ne sont par uniquement des nloyens de gagner vo­tre vie, une nécessité fâcheuse, pesante, luais encore qu'ils ont une véritable utilité sociale, un rôle de première importance dans le fonctionnement de la Société.

Ayez ['mllour de votre métier; ne cherchez pas à exercer une profession dite supérieure, Illais visez à. être supérieurs clans votre profession, à y exceller. Ce sera le moyen d'être le plllS utile à la société, de gagner le plus agréableluent votre vie et de connaître la joie d'être un « fin ouvrier », joie capable d 'embellir et de charmer toute la vie du travailleur. « C'est l'homme qui honore sa' position et non la position qui honore l'homme. » (Pasteur.)

LECTURE

Le trait suivant, choisi entre mille autres analogues, montre quels succès on peut obtenir en développant des dispositions naturelles par un travail ardent et persévérant.

DENYS PUECH

Dans son enfance, ce sculp~~ur célèbre gardait un e demi-dou­zaine de moutons dans les montagnes de l'Aveyron. Chaque matin, au lever du soleil, il partait avec un sac, que sa mère pendait à son cou et qui contenait un morceau de pain, un peu de fromage et une fiole de mauvais vin. Il ne revenait de la monta.gne que le soir.

Pendant la journée ,il s'asseyait au bord des chemins et s'amu­sa.it à faire des dessins sur la possière. Quand il pleuvait, il pétris­sait la terre humide et combinait des personnages. Le curé de sa paroisse fut un jour frappé de son talent de sculpteur et de modeleur.

Il lui donna une gravure d 'almanach représentant Napoléon tel qu 'on le montre souvent, revêtu de la redingote grise. Denys y tra­vailla longtemps et apporta au bon curé une jolie sculpture sur buis, que l 'artiste a C'Qnservée et montre encore avec fierté à ses amis.

Sa vocation était déclarée. Il déposa sa houlette de berger et partit à quinze ans pour Rodez, où il gagna chez un marbrier 0 fI'. 7:') par jour. Au bout de ' deux a~1nées d'efforts et d'application, il ' avait 800 francs d'économies, grâce à l 'augmentation que lui avait accordée

Page 18: L'Ecole primaire, 15 février 1928

- 96

son patron. Il partit pour Paris où l'on fut émerveillé p ar son goùt et son talent pour la sculpture. A vingt-deux ans il fut admis à l'Ecole des Beaux-Arts et à trente ans, il obtenait le prix de Rome.

RESUME

1. L 'iIupossibilité de se procurer par soi-même tout ce qui est nécessaire pour vivre, a am_ené la division du travail et donné

naissance aux Professions. On distingue généralement: les professions lTlanuell

es ou mé-

tiers, les professions industrielles et commerciales; les carrières libérales; les fonctions publiques . Il faut ajouter (quand il s'agit de vies consacrées libn:~ment et entièrement aux œuvres de dé­vouenlent et de charité) : h~s \ ocations supérieur~s.

2. La dignité de la Profession vient surtout de son utilité sociale . Quiconque travaille, ne travaille pas seulernent par né­cessité pour lui, il rend encore service aux autres. L'utilité sociale d'une profession peut être appréciée grâce aux de.lx règles suivan­tes, qui se corrigent et se complètent l'une l'autre:

a) Plus un besoin · es t général et nécessaire, plus la profession qui le satisfait est utile socialement. (Un boulanger est plus utile

qu'une dentellière .) b) Plus un besoin est élevé, ne fût-il pas éprouvé par tous,

plus la profession qui le satisfait est utile socialement. (Valeur sa· ciale supérieure de l'artiste, du savant, de l'écrivain, du prêtre

surtout.) 3. La profession est un groupement intermédiaire entre la fmuille et la patrie, comprenant tous les individus se livrant au luême travail. Entre eux, existe une cOlumunauté :

CI) d'intérêts, _ c'est la profession qui les fait vivre tous et les

rend solidaires; b) de travail, d'habitudes, - que leur profession comlU

une

rend identiques . . . 4. Le choix de la Profession est une détermination grave qui

exerce une action profonde et continuelle sur toute notre vie. 11 faut donc réfléchir et consulter ses goûts et ses aptitudes .

C'est folie que de choisir un métier parce qu'il est plus « chic » que tel autre. Si on n'est pas doué pour ce métier, on ne fera rien de bon. Au contraire, par la culture des dispositions naturelles , on

parvient à exceller dans le nlétier . 5. ChClnger de Inéticr est désavantageux ... c'est se condanlner

longtemps auX salaires d'apprenti et de manœuvre. Les profes· sions qui supposent un apprentissage sont supérieures et plus in·

téressantes. Pour aimer son Hl_étier, il ne faut pas viser à une profession dite supérie"Lue, nlais viser à être supérieur dans sa profession.

B!~!~~ à-B~!nl~~ale ~U Ualais · Sion COM~T~;:: ~ie~rheJ Martigny, St-Maurice, Monthey

ampéry et Salvan

REPRESENTANTS à ' R't . l zmgen, Lax, Mœre1 Zermatt N endaz Cham " Loèche,

. ,oson, Bagnes, Or si ères.

raPllal ~e ~Ola~iOO : ~r. 7,000,080:-; Réserves: fr_ ·1,225,000:-Carantle Illimitée de l'Etat du Valais

SE CHARGE DE TOUTES L . AUX CONDITIONS LE:

S p~:RATIONS -DE BANQUE, L AVANTAGEUSES

. a Banque Cantonale du Val' , . !eIS?nnel enseignant des cartes de

als ~et ~ la disposition du ~ tImbres -postes suisses 0 . pe ~ es epargnes au moyen

mIe dans les écoles primair! ~~ Introdlure et favoriser l'écono-valeu~'s seront adressées à toutes ~:snto~. Ces cart~s de "différentes en faIre la delnande au S" pelsonnes qUI voudront hie lege central de la Banque à Sion. n

LA DIRECTION.

PIANOS • •

HARMONIUMS Viol?ns et tous Accessoires, Recueils Solfeges, Musique r l' , de chant, instruments de mus,e Igleuse et prOfane, tous de faveur aux mem1

:ue s;nt livrés à des prix

H. Hallenbarter, iiôn i Miniiiiü~gûiliê ~x membres du Corps Enseignant Valaisan

ous voulez vous éviter des d" . ou ~~ec les Autorités local.:!'l,::,~tes avec les Parents de vos ~_.tit'nbmJ'. L une assurance sur ia Remanquez pas de conclure à a prime modique ue sponsabilité Civile, comme

renseii=;::::s~ep~~!e l~~ ::=:~:l~t:::r~o:'_ ~~\t::!:~' ::~~ e a Branche Vie, pour le C t au soussigné, Inspecteur PAN CHA R Dan on du Valais.

- - Bramois