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LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE AU LENDEMAIN DU TRAITÉ DE LISBONNE

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LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE AU LENDEMAIN DU TRAITÉ DE LISBONNE

COLLECTION DE L’UMR DE DROIT COMPARÉ DE PARIS

(UNIVERSITÉ DE PARIS 1 / CNRS - UMR 8103)

VOLUME 28

LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE AU LENDEMAIN DU TRAITÉ DE LISBONNE

Sous la direction de

Geneviève GIUDICELLI-DELAGE et Christine LAZERGES

Société de législation comparée 28 rue Saint Guillaume, 75007 Paris, France

Tél : (33) 1 44 39 86 23 Fax : (33) 1 44 39 86 28

e-mail : [email protected] www.legiscompare.com

Ouvrage publié avec le concours - du Conseil scientifique de l’Université Paris 1

Panthéon-Sorbonne - de la Mission de recherche Droit et Justice

- de l’Association de recherches pénales européennes

Secrétariat de rédaction Sophie GUY

Monique ROBICHON

L’École doctorale de droit comparé et l’UMR de droit comparé de Paris tiennent à remercier Danièle Mayer pour la photographie de

l’une de ses œuvres en couverture de cet ouvrage.

Le Code de propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2° et 3° a), d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constitue donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de propriété intellectuelle.

© Société de législation comparée – 2012 I.S.B.N. 978-2-36517-011-6 I.S.S.N. 1636-905X

Collection de l’UMR de droit comparé de Paris* n°1. Variations autour d’un droit commun. Travaux préparatoires, publié avec

le concours du CNRS, 2001, 157 pages. n°2. Variations autour d’un droit commun. Premières Rencontres de l’UMR de

droit comparé, sous la direction de Mireille DELMAS-MARTY, Horatia MUIR WATT et Hélène RUIZ FABRI, publié avec le concours du CNRS, 2002, 485 pages.

n°3. Clonage humain. Droits et sociétés. Étude franco-chinoise. Volume 1,

Introduction, sous la direction de Mireille DELMAS-MARTY et Naigen ZHANG, 2002, réimpression 2005, 238 pages.

n°4. Procès équitable et enchevêtrement des espaces normatifs. Travaux de

l’Atelier de droit international de l’UMR de droit comparé de Paris, sous la direction de Hélène RUIZ FABRI, 2003, 290 pages.

n°5. L’harmonisation des sanctions pénales en Europe, sous la direction de

Mireille DELMAS-MARTY, Geneviève GIUDICELLI-DELAGE et Élisabeth LAMBERT ABDELGAWAD, 2003, 592 pages.

n°6. Clonage humain. Droits et sociétés. Étude franco-chinoise. Volume 2,

Comparaison, sous la direction de Mireille DELMAS-MARTY et Naigen ZHANG, 2004, 219 pages.

n°7. Les sources du droit international pénal, sous la direction de

Mireille DELMAS-MARTY, Emanuella FRONZA, Élisabeth LAMBERT ABDELGAWALD, 2004, 488 pages.

n°8. Clonage humain. Droits et sociétés. Étude franco-chinoise. Volume 3,

Conclusion, sous la direction de Mireille DELMAS-MARTY et Naigen ZHANG, 2005, 146 pages.

n°9. Mireille Delmas-Marty et les années UMR, 2005, 551 pages. n°10. L’intégration pénale « indirecte ». Interactions entre droit pénal et

coopération judiciaire au sein de l’Union européenne, sous la direction de Geneviève GIUDICELLI-DELAGE et Stefano MANACORDA, 2005, 383 pages.

n°11. Les juridictions pénales internationalisées, (Cambodge, Kosovo, Sierra

Leone, Timor Leste), sous la direction de Hervé ASCENSIO, Élisabeth LAMBERT ABDELGAWAD et Jean-Marc SOREL, 2006, 383 pages.

* Éditeur : Société de législation comparée, 28, rue Saint-Guillaume, 75007 Paris.

www.legiscompare.com

LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE 6

n°12. Les transformations de l’administration de la preuve pénale. Perspectives comparées, sous la direction de Geneviève GIUDICELLI-DELAGE, 2006, 374 pages.

n°13. Impérialisme et droit international en Europe et aux États-Unis, sous la

direction de Emmanuelle JOUANNET et Hélène RUIZ FABRI, 2007, 334 pages. n°14. La clémence saisie par le droit. Amnistie, prescription et grâce en droit

international et comparé, sous la direction de Hélène RUIZ FABRI, Gabriele DELLA MORTE, Élisabeth LAMBERT ABDELGAWAD et Kathia MARTIN-CHENUT, 2007, 645 pages.

n°15. Les chemins de l’harmonisation pénale, sous la direction de Mireille

DELMAS-MARTY, Mark PIETH et Ulrich SIEBER, 2008, 447 pages. n°16. La circulation des concepts juridiques : le droit international de

l’environnement entre mondialisation et fragmentation, sous la direction de Hélène RUIZ FABRI et Lorenzo GRADONI, 2009, 574 pages.

n°17. Actualité du droit public comparé en France et en Allemagne – Actes des

séminaires franco-allemands de droit public comparé (2006-2007), sous la direction de David CAPITANT et Karl-Peter SOMMERMANN, 2009, 222 pages.

n°18. Regards croisés sur l’internationalisation du droit : France – États-Unis,

sous la direction de Mireille DELMAS-MARTY et Stephen BREYER, 2009, 274 pages.

n°19. Cour de Justice et justice pénale en Europe, sous la direction de

Geneviève GIUDICELLI-DELAGE et Stefano MANACORDA, 2010, 323 pages. n°20. Réparer les violations graves et massives des droits de l’homme : la

Cour interaméricaine, pionnière et modèle ?, sous la direction de Élisabeth LAMBERT ABDELGAWAD et Kathia MARTIN-CHENUT, 2010, 334 pages.

n°21. La Convention de l’Unesco sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Premier bilan et défis juridiques, sous la direction de Hélène RUIZ FABRI, 2010, 280 pages.

n°22. Le Parquet et la Prokuratura. Étude comparée France-Russie, sous la

direction de Nadine MARIE-SCHWARTZENBERG, 2010, 171 pages. n°23. Repenser le constitutionnalisme à l’âge de la mondialisation et de la

privatisation, sous la direction de Hélène RUIZ FABRI et Michel ROSENFELD, 2011, 452 pages.

COLLECTION DE L’UMR 7

n°24. Les catégories ethno-raciales à l’ère des biotechnologies. Droit, sciences et médecine face à la diversité humaine, sous la direction de Guillaume CANSELIER et Sonia DESMOULIN-CANSELIER, 2011, 170 pages.

n°25. Le modèle des autorités de régulation indépendantes en France et en Allemagne, sous la direction de Gérard MARCOU et Johannes MASING, 2011, 408 pages.

n°26. Les procédures administratives et le contrôle à la lumière de l’expérience européenne en France et en Russie, sous la direction de Talia Iaroulovna KHABRIEVA et Gérard MARCOU, 2012, 310 pages.

n°27. Les doctrines internationalistes durant les années du communisme réel

en Europe. Internationalist Doctrines During the Years of Real Communism in Europe, sous la direction de Emmanuelle JOUANNET et Iulia MOTOC, 2012, 568 pages.

n°28. Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du Traité de

Lisbonne, sous la direction de Geneviève GIUDICELLI-DELAGE et Christine LAZERGES, 2012, 336 pages.

Table des matières

Les auteurs

13

Avant-propos Geneviève GIUDICELLI-DELAGE et Christine LAZERGES

15

Introduction générale Geneviève GIUDICELLI-DELAGE

17

I

LES PRINCIPES FONDAMENTAUX

Le principe de subsidiarité Michel van de KERCHOVE

Discussion :

Subsidiarité versus efficacité Xavier PIN

27

47

Les principes de nécessité et de proportionnalité Carlo SOTIS

Discussion : Pascal BEAUVAIS

59

79

Le principe de légalité Helmut SATZGER

Discussion : Pour un regard vigilant sur le principe de légalité criminelle après le Traité de Lisbonne Bertrand de LAMY

85

99

LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE 10

II

LE CHAMP NORMATIF : DOMAINES ET MÉTHODES Droit pénal européen et Traité de Lisbonne : le cas de l’harmonisation autonome (article 83.1 TFUE) Luis ARROYO ZAPATERO et Marta MUÑOZ DE MORALES ROMERO

Discussion : Le domaine et les méthodes de l’harmonisation autonome Eliette RUBI-CAVAGNA

Les frontières de l’harmonisation autonome Julie ALIX

113

141

147

L’harmonisation pénale accessoire Alessandro BERNARDI

Discussion : L’harmonisation pénale accessoire : question (s) de méthode - Observations sur l’art et la manière de légiférer pénalement selon l’Union européenne Juliette TRICOT

L’harmonisation pénale accessoire. Éléments de réflexion sur la place du droit pénal au sein de l’Union européenne Emmanuelle GINDRE

153

185

197

La reconnaissance mutuelle Michel MASSÉ

Discussion : Remarques sur le principe de reconnaissance mutuelle en matière pénale David CHILSTEIN

Laurent DESESSARD

205

217

225

L’inéluctable mouvement vers un ministère public européen Jean-Paul JEAN

233

TABLE DES MATIÈRES 11

III

LES INTERACTIONS JURISPRUDENTIELLES

Cour de justice et juridictions constitutionnelles : quelles interactions en droit pénal ? Stefano MANACORDA

Discussion : Cour de Justice et cours constitutionnelles ou le temps complexe du dialogue Laurence BURGORGUE-LARSEN

245

273

Cour de Justice de l’Union européenne et juridictions pénales internes Bernadette AUBERT

Discussion : Raphaële PARIZOT

287

299

Cour de Justice et Cour européenne des droits de l’homme Jean-Pierre MARGUÉNAUD

303

Synthèse Guy CANIVET

313

Conclusion Robert BADINTER

331

LES AUTEURS

Luis ARROYO ZAPATERO, Professeur à l’Université de Castilla La Mancha (Espagne) Julie ALIX, Maître de conférences à l’Université du Maine (France) Bernadette AUBERT, Maître de conférences à l’Université de Poitiers (France) Robert BADINTER, Sénateur, ancien Président du Conseil constitutionnel, ancien Garde des Sceaux (France) Pascal BEAUVAIS, Professeur à l’Université de Poitiers (France) Alessandro BERNARDI, Professeur à l’Université de Ferrare (Italie) Laurence BURGORGUE-LARSEN, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1-Panthéon Sorbonne) (France) Guy CANIVET, membre du Conseil constitutionnel (France) David CHILSTEIN, Professeur à l’Université d’Artois (France) Laurent DESESSARD, Maître de conférences à l’Université de Poitiers (France) Emmanuelle GINDRE, Docteur en droit, Chargée d’enseignement à l’Université de Polynésie française (France) Geneviève GIUDICELLI-DELAGE, Professeur à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1-Panthéon Sorbonne) (France) Jean-Paul JEAN, Avocat général près la Cour d’appel de Paris, Professeur associé à l’Université de Poitiers (France) Michel van de KERCHOVE, Recteur honoraire, Professeur émérite des Facultés universitaires Saint-Louis de Bruxelles (Belgique)

LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE 14

Bertrand de LAMY, Professeur à l’Université de Toulouse 1 Capitole (France) Stefano MANACORDA, Professeur de droit pénal à la seconda Università di Napoli (Italie), Professeur associé aux Universités de Paris 1 et Naples 2, Vice-président de l’Association de recherches pénales européennes (Italie) Jean-Pierre MARGUÉNAUD, Professeur à l’Université de Limoges (France) Michel MASSÉ, Professeur à l’Université de Poitiers (France) Marta MUNOZ DE MORALES ROMERO, Docteur en droit (Espagne) Raphaële PARIZOT, Professeur à l’Université de Poitiers, Vice-présidente de l’Association de recherches pénales européennes (France) Xavier PIN, Professeur à l’Université Jean Moulin, Lyon III (France) Eliette RUBI-CAVAGNA, Maître de conférences à l’Université de Saint-Etienne (France) Helmut SATZGER, Professeur à l’Université Ludwig-Maximilian de Munich (Allemagne) Carlo SOTIS, Professeur à l’Université de Macerata (Italie) Juliette TRICOT, Chargée de cours à l’École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1-Panthéon Sorbonne), Secrétaire générale-adjointe de l’Association de recherches pénales européennes (France)

AVANT-PROPOS

Geneviève GIUDICELLI-DELAGE et Christine LAZERGES L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009 pose à

nouveau, mais de façon renouvelée, la question d’un droit pénal de l’Union européenne. En effet le Traité de Lisbonne bouleverse l’organisation et le fonctionnement de l’Union européenne. Il présente le rapprochement des dispositions pénales des États membres comme un élément fondamental de la construction européenne et accroît de façon considérable le champ de compétence de l’Union européenne pour harmoniser les dispositions pénales : la procédure d’unanimité n’est plus requise et un recours en manquement devant la Cour de Justice est possible. Autant dire que le champ normatif et le rôle de la Cour de Justice vont changer ou ont déjà changé, ce qui, au-delà, appelait une réflexion sur les principes fondamentaux guidant le droit pénal de l’Union européenne. Nous en connaissons un peu plus aujourd’hui du futur prometteur du Traité de Lisbonne, comme le prouve la Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales et au droit de communiquer après l’arrestation (8 juin 2011 (COM 2011) 326 final) pour ne prendre que cet exemple. Le Traité de Lisbonne ouvre bien une ère nouvelle pour le droit pénal de l’Union européenne.

L’UMR de droit comparé de Paris, l’École doctorale de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, l’ARPE, avec le soutien de l’École de droit de la Sorbonne, ont souhaité, à l’aube de l’entrée en vigueur de ce traité, organiser un colloque international sur le présent et le futur du droit pénal de l’Union européenne. Il était tout naturel, notamment, que l’Association de recherches pénales européennes, l’ARPE, participe à l’organisation d’un colloque organisé sur le thème « Le droit pénal de l’Union européenne au lendemain du Traité de Lisbonne ». Tout naturel puisque l’ARPE – qui est l’Équipe accueillie au sein du Collège de France – est aussi rattachée à

LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE 16

l’UMR de droit comparé de Paris, que plusieurs des membres de son équipe de recherche appartiennent à l’École de droit de la Sorbonne, et que, depuis sa création en 1991 et le premier colloque qu’elle a organisé consacré aux perspectives ouvertes en matière pénale par le Traité sur l’Union européenne, sa vocation a toujours été d’analyser, voire d’anticiper, la construction d’un droit pénal européen.

Concernant l’organisation du colloque, nous avions choisi de le faire un an après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne pour nous laisser le temps de prendre du recul sur ce traité, et éventuellement de tirer des conclusions des premières mises en œuvre au plan pénal.

Quant au choix des intervenants, nous avons fait en sorte de mêler des personnes d’horizons différents. À côté d’universitaires, nous avons souhaité la présence de praticiens (avocats, magistrats). Et, parmi les universitaires, nous avons souhaité impliquer un grand nombre de collègues de Paris I, publicistes comme pénalistes, intéressés par le sujet, mais également des collègues venant d’autres universités françaises et étrangères (Allemagne, Belgique, Italie, Royaume-Uni, Pays-Bas).

Cet ouvrage rend compte de la très grande richesse et qualité des interventions. Il est un formidable outil de compréhension du droit pénal de l’Union européenne au lendemain du Traité de Lisbonne.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

Geneviève GIUDICELLI-DELAGE

À voir la floraison de colloques sur le droit pénal de l’Union européenne depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, l’on pourrait croire que ce droit n’est apparu qu’avec ce traité. Il n’en est bien évidemment rien.

Cela fait longtemps, en effet, que la formule lapidaire traditionnelle « le droit pénal reste de la souveraineté des États » a vécu. Cela fait longtemps, en effet, que, de manière plus ou moins ostensible, ou plus ou moins subreptice, la souveraineté pénale des États a été rognée1.

De manière indirecte d’abord, c’est le droit de punir des États qui a été atteint. Une érosion qui a trouvé sa source dans la combinaison de principes pour la plupart découverts par la CJCE (principes d’immédiateté, de primauté, d’effet direct, d’interprétation conforme du droit communautaire, principe de loyauté). Principes non pénaux (mais qui ont investi les champs internes même pénaux), et qui ont conduit, au nom des libertés et polices communautaires, au nom des principes notamment de proportionnalité et de non-discrimination, à des neutralisations d’incriminations et de sanctions internes.

De manière directe, c’est ensuite le droit de ne pas punir des États qui a été atteint. Il l’a été par la mise en œuvre des principes d’assimilation (équivalence) et de non-discrimination impliquant une protection pénale des intérêts communautaires dès lors que, dans les mêmes domaines, les intérêts nationaux en bénéficiaient. Ce droit de ne pas punir a encore été atteint par

                                                            1 V. pour de plus amples développements, « Conclusion », in G. GIUDICELLI-DELAGE et

S. MANACORDA (dir.), Cour de Justice et justice pénale en Europe, coll. « UMR de droit comparé de Paris », vol. 19, Paris, Société de législation comparée, 2010, pp. 305-310 ; G. GIUDICELLI-DELAGE, « Les eaux troubles du droit pénal de l’Union européenne », Arch. phil. droit, t. 53, 2010, pp. 131-145.

LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE 18

l’obligation – prétorienne avant que de devenir normative – de prévoir des « sanctions effectives, proportionnées et dissuasives »2 afin de donner effet utile au droit communautaire. Cette formule, dans sa globalité, emporte une exigence de dissuasion qui peut aller jusqu’à une obligation de punir, une obligation d’abord implicite3, mais devenue par la suite explicite4 avec la décision du 13 septembre 20055. Ce droit de ne pas punir a encore été atteint par les actions d’harmonisation pénale dans des secteurs spécifiques, les décisions-cadres les plus récentes ayant tendu progressivement à détailler les incriminations et à préciser les sanctions6.

Cette deuxième érosion emportait donc qu’au droit de ne pas punir des États se substituait un devoir de punir, c’est-à-dire l’obligation de mettre en œuvre les choix pénaux de l’Union européenne.

Mais ce devoir de punir a fait naître bien des interrogations, voire des critiques, que je pourrais schématiquement résumer ainsi. Le droit pénal de l’Union est le produit d’une évolution complexe dont ne serait pas acquise la transparence (reproche particulièrement relevé par la Cour constitutionnelle allemande)7, cette évolution s’étant partiellement réalisée de manière rampante, subreptice, par l’effet extensif, expansif des compétences européennes, de la jurisprudence de la Cour de Justice – le droit pénal serait en quelque sorte le passager clandestin du droit communautaire.

Une évolution dont ne serait pas non plus acquise la cohérence, la construction d’un droit pénal européen s’étant faite par un empilement de normes aux fondements divers (normes purement communautaires, normes pénales du troisième pilier, normes pénales du premier pilier).

Une évolution dont ne serait pas acquise, peut-être et surtout, la claire légitimation de l’intervention de l’Union au regard d’objectifs où se mêleraient parfois, de façon confuse, instrumentalisation et symbolique, suscitant l’interrogation récurrente, en partie fuyante et pourtant fondamentale, des valeurs, de la fonction que l’Union entend assigner à la sanction pénale, de la place et du rôle du droit pénal dans le projet européen. Se serait construit, de façon sectorielle et fragmentaire, au coup par coup, un

                                                            2 CJCE 21 sept. 1989 (aff. dite du maïs grec), Commission c. République hellénique,

aff. 68/88. 3 Les États restent libres du choix de la nature des sanctions. Mais, premièrement, le droit

pénal n’est pas interdit (du moins tant qu’y recourir ne porte pas atteinte aux libertés et principes communautaires) ; deuxièmement, si seul le droit pénal peut donner effet utile au droit communautaire, il doit y être recouru.

4 Par l’introduction d’un mot dans la formule consacrée : « sanctions pénales effectives, proportionnées et dissuasives ».

5 CJCE, 13 sept. 2005, aff. C-176/03, Commission soutenue par le Parlement c. Conseil ; v. également CJCE, 23 oct. 2007, aff. C-440/05, Commission soutenue par le Parlement c. Conseil.

6 A. BERNARDI, « Le rôle du troisième pilier dans l’européanisation du droit pénal », RSC 2007, p. 714.

7 V. références note 21.

G. GIUDICELLI-DELAGE : INTRODUCTION GÉNÉRALE 19

droit sans réelle politique criminelle, faisant courir le risque d’un droit pénal ne répondant pas aux critères cumulés du juste et de l’utile (risque aggravé par celui d’une possible intégration à sens unique, la construction européenne fonctionnant alors comme un instrument de criminalisation sans retour en arrière)8.

Et, en prolongement de ces interrogations et critiques, le Manifeste sur la politique criminelle européenne9 (œuvre de juristes européens dont certains sont aujourd’hui ici présents) avait pu, en effet, relever, à des degrés divers, des « tendances alarmantes qui ne sauraient être négligées » : celle d’adopter des normes pénales sans que soit poursuivi un clair objectif de protection d’intérêts fondamentaux10, celle de mettre à l’écart le principe d’ultima ratio, celle de ne pas respecter le principe de légalité substantielle11, etc.

Révélateur ou résultat, selon Mitsilegas, d’une certaine banalisation du droit pénal, d’une subordination des concepts de ce dernier aux principes du droit européen, « de sorte que le droit pénal tend à ne devenir rien de plus qu’un autre domaine que l’on pourra utiliser dans le cadre de la poursuite des objectifs de la Communauté »12, disait-il plus précisément. Banalisation – la conception pénale étant ramenée au rang de simple instrument au service de la conception européenne ; ou bien encore certaine sous-estimation des contraintes du droit pénal – celle qui, par exemple, a été le point de départ de la réflexion de l’ouvrage de l’Association de recherches pénales européennes sur l’intégration pénale indirecte13.

Le tableau dressé pourrait être totalement noir s’il n’était immédiatement dit qu’il ne correspond qu’à des tendances (ce qui a permis aux auteurs du Manifeste précité de porter un avis globalement positif sur le droit pénal européen), ou plus encore qu’il ne correspond le plus souvent qu’à des craintes de ce qui pourrait être, mais n’est pas vraiment encore

                                                            8 C. SOTIS, « "Mauvaises pensées et autres" à propos des perspectives de création d’un droit

pénal communautaire », in G. GIUDICELLI-DELAGE et S. MANACORDA (dir.), L’intégration pénale indirecte. Interactions entre droit pénal et coopération judiciaire au sein de l’Union européenne, coll. « UMR de droit comparé de Paris », vol. 10, Paris, Société de législation comparée, 2005, p. 250.

9 « A Manifesto on European Criminal Policy – European Criminal Policy Initiative », Zeitschrift fûr Internationale Strafrechtsdogmatik – www.zis-online.com.

10 C’est-à-dire sans que soit respectée l’exigence d’un objet légitime. Exigence qui supposerait que l’Union ne puisse intervenir en matière pénale que pour protéger des intérêts fondamentaux, à la condition que ces intérêts découlent de sa législation primaire, que les constitutions nationales et les principes de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne soient respectés et que les comportements visés causent un dommage significatif à la société ou aux individus.

11 Par des obligations de pénalisation qui conduisent les États à l’édiction de normes excessivement indéterminées.

12 V. MITSILEGAS, « Constitutional Principles of the European Community and European Criminal Law », European Journal of Law Reform, 2006, n° 8, pp. 301-322.

13 V. référence note 8.

LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE 20

(exercice de vigilance, donc, plus que pessimisme). Des craintes, du moins chez les défenseurs d’une Europe pénale (je laisserai de côté les réflexes souverainistes), me semble-t-il, venues d’une crainte plus générale, à savoir que la jeunesse du processus, la construction par fragments, par empilements de ce droit pénal, son caractère partiellement clandestin, n’aient pas permis à l’Union de prendre la mesure de ce que punir (incriminer, juger, sanctionner) suppose et emporte.

La question est alors : le Traité de Lisbonne lève-t-il cette crainte ? La réponse évidemment n’est guère simple, et dépend de l’angle de vue que l’on adopte.

On peut d’abord constater (premier angle de vue) que le Traité de Lisbonne opère la réception de ce qui était. La continuité est claire. Elle s’affiche dans la rédaction même de l’article 83 TFUE. Le paragraphe premier prolonge les actions d’harmonisation pénale qui avaient auparavant été menées dans le cadre du troisième pilier14. Le paragraphe second confirme la perspective ouverte par la Cour15, dans le cadre du premier pilier, qui avait permis de donner effet utile au droit communautaire par le recours au droit pénal16. Les deux mêmes orientations sont ainsi conservées : celle d’une pénalisation première ou autonome de certains comportements d’une part, celle d’une pénalisation seconde ou accessoire au service de normes de nature extra-pénale d’autre part. Et la continuité s’affiche encore, car la compétence pénale de l’Union, telle qu’affirmée à l’article 83, s’inscrit plus largement dans la constitution d’un espace de liberté, de sécurité et de justice dont la pierre angulaire est la confiance mutuelle entre les États. Et la continuité peut encore se voir dans l’institution du parquet

                                                            14 Art. 83.1 : « Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de directives

conformément à la procédure législative ordinaire, peuvent établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans des domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontière résultant du caractère ou des incidences de ces infractions ou d’un besoin particulier de les combattre sur des bases communes.

« Ces domaines de criminalité sont les suivants : le terrorisme, la traite des êtres humains et l’exploitation sexuelle des femmes et des enfants, le trafic illicite de drogues, le trafic illicite d’armes, le blanchiment d’argent, la corruption, la contrefaçon des moyens de paiement, la criminalité informatique et la criminalité organisée.

« En fonction des développements de la criminalité, le Conseil peut adopter une décision identifiant d’autres domaines de criminalité qui remplissent les critères visés au présent paragraphe. Il statue à l’unanimité, après approbation du Parlement européen ».

15 Une fois encore, donc, se produit la réception par traité d’une « avancée » rampante du droit européen à l’initiative de la Cour.

16 Art. 83.2 : « Lorsque le rapprochement des dispositions législatives et réglementaires des États membres en matière pénale s’avère indispensable pour assurer la mise en œuvre efficace d’une politique de l’Union dans un domaine ayant fait l’objet de mesures d’harmonisation, des directives peuvent établir des règles minimales relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans le domaine concerné. Ces directives sont adoptées selon une procédure législative ordinaire ou spéciale identique à celle utilisée pour l’adoption des mesures d’harmonisation en question, sans préjudice de l’article 76 ».

G. GIUDICELLI-DELAGE : INTRODUCTION GÉNÉRALE 21

européen, qui est l’aboutissement d’un long parcours depuis le Corpus juris. Que ce soit quant aux domaines ou quant aux méthodes, les mêmes chemins semblent devoir être suivis, emportant dès lors le maintien de certaines interrogations17.

Mais le traité n’est pas que réception. Les réformes institutionnelles qu’il comporte (suppression des piliers, modification des procédures d’adoption, etc.) ne peuvent être sans conséquence, de sorte que la continuité est également renouvellement, réévaluation, qu’implique toujours aussi l’écriture d’un nouveau texte (par exemple, à l’égard de la pénalisation accessoire, n’apparaissent pas les limites quant aux sanctions qu’avaient posées la Cour18, et surtout quant au champ de cette pénalisation [qui avait suscité débats19], dès lors qu’il recouvre dorénavant toute politique de l’Union dans un domaine ayant fait l’objet de mesures – extra-pénales – d’harmonisation20. Le champ ouvert aux normes pénales européennes est ainsi potentiellement très vaste, d’autant plus vaste que sont vagues certaines formules, « besoin particulier »21, « politique de l’Union »22, « caractère indispensable du rapprochement »). Mêmes chemins ne veut donc pas nécessairement dire mêmes contenus et mêmes interrogations.

                                                            17 Pour de plus amples développements, v. « Les eaux troubles du droit pénal de l’Union

européenne », op. cit., (supra note 1). 18 CJCE, 23 oct. 2007, op. cit. supra note 5. La Cour avait, en effet, estimé que, s’il était

possible à la Communauté d’imposer aux États le recours à des incriminations pénales par directive, la nature et le niveau des sanctions pénales ne pouvaient être fixés que par des décisions-cadres (instruments du troisième pilier).

19 Débats sur la portée exacte de la décision du 13 septembre 2005 : la possibilité d’imposer par directive le recours au droit pénal était-elle limitée à l’environnement (cas d’espèce de la décision) ou était-elle ouverte à tout « objectif à caractère transversal et fondamental de la Communauté » (termes utilisés par la décision) ? V. L. ARROYO ZAPATERO, M. MUÑOZ DE MORALES ROMERO, in Cour de Justice et justice pénale en Europe, op. cit., p. 53, note 108 (supra note 1).

20 Pour une analyse détaillée du champ de cette pénalisation, v. E. RUBI-CAVAGNA, « Réflexions sur l’harmonisation des incriminations et des sanctions pénales prévue par le Traité de Lisbonne », RSC 2009, p. 501, not. pp. 504-508.

21 Sur la nécessité d’une « interprétation restrictive » de cette formule pour éviter une expansion démesurée du droit pénal européen, « un tel besoin ne pouvant être établi simplement par la formation d’une intention politique, et ne pouvant être séparé du caractère et des incidences de l’infraction », v. la décision de la Cour constitutionnelle allemande du 30 juin 2009 et l’article de F. JESSBERGER et K. KRETSCHMER, « L’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande du 30 juin 2009. Les implications du Traité de Lisbonne sur le droit pénal européen », RSC 2010, pp. 111-117. Adde H. HAENEL, Rapport d’information fait au nom de la Commission des affaires européennes sur l’arrêt rendu le 30 juin 2009 par la Cour constitutionnelle fédérale allemande (Cour de Karlsruhe) au sujet de la loi d’approbation du Traité de Lisbonne, Sénat, Session ordinaire de 2009-2010, n° 119.

22 La simple référence à la « mise en œuvre efficace d’une politique de l’Union » permet de s’interroger sur les politiques visées : faut-il seulement entendre « politiques relevant de compétences partagées », ou faut-il y inclure « les domaines de compétence exclusive de l’Union » ? Sur ces interrogations, E. RUBI-CAVAGNA, op. cit., pp. 507-508 (supra note 20).

LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE 22

On peut ensuite estimer (deuxième angle de vue) que l’affichage d’une compétence pénale de l’Union (en rien comparable avec celle du troisième pilier) change nécessairement les paramètres, obligeant l’Union à penser son droit pénal. Rien dans le traité n’incite directement à une telle opinion. Sauf à dire que, par cohérence interne, l’affichage d’une compétence pénale se devrait d’emporter l’obligation, lorsque, par exemple, des principes peuvent s’entendre dans une acception européenne, mais aussi dans une acception pénale, comme c’est le cas, notamment, des principes de subsidiarité, de nécessité, de proportionnalité, de légalité, de combiner ces deux acceptions, une telle obligation conduisant dès lors à un profond renouvellement23.

À l’appui de cette exigence de cohérence pourrait venir l’ambiance politique ayant entouré l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Simple coïncidence, ou relation de cause à effet, l’affirmation par le traité d’une compétence pénale de l’Union s’est accompagnée d’une intense réflexion politique sur le droit pénal, marquée par un double souci de rationalité et d’humanisme24. Le Programme de Stockholm (« Une Europe ouverte et sûre qui sert et protège les citoyens », programme définissant les priorités en matière de justice pour les années 2010-2014) approuvé le 11 décembre 200925, la Feuille de route des droits procéduraux dans le cadre des procédures pénales (résolution adoptée par le Conseil le 24 novembre 2009)26, le Projet de conclusions du Conseil relatives à des dispositions types permettant d’orienter les travaux menés par le Conseil dans le domaine du droit pénal du 27 novembre 200927 en sont autant de manifestations.

Outre le constat que le Conseil sera, à l’avenir davantage que par le passé, appelé à débattre de dispositions de droit pénal, outre la reconnaissance d’erreurs de parcours (telle celle d’avoir sous-estimé le fait que l’harmonisation pénale devait être le socle de la confiance mutuelle)28, le Conseil se dit conscient que « la difficulté majeure consistera à garantir le respect des libertés fondamentales tout en assurant la sécurité en Europe », et affirme qu’il « est primordial que les mesures répressives et les mesures permettant de préserver les droits de la personne, l’État de droit et les règles relatives à la protection internationale aillent dans le même sens et soient complémentaires », attestant par là même que la vision trop prioritairement sécuritaire des dernières années ne pouvait être maintenue. Le Conseil                                                             

23 Pour de plus amples développements, v. les références citées en note 1. 24 V. S. MANACORDA, « Le droit pénal sous Lisbonne : vers un meilleur équilibre entre

liberté, sécurité et justice ? », RSC 2010, pp. 945-958. 25 Conseil de l’Union européenne, 2 déc. 2009, 17024-09. 26 Conseil de l’Union européenne, 24 nov. 2009, 15434-09 DROIPEN 149 COPEN 220. 27 Conseil de l’Union européenne, 27 nov. 2009 (30.11)16542/2/09 REV 2 JAI 868. 28 V. Remarques conclusives, in L’intégration pénale indirecte, op. cit., pp. 379-381 (supra

note 8).

G. GIUDICELLI-DELAGE : INTRODUCTION GÉNÉRALE 23

affiche également clairement le caractère d’ultima ratio du droit pénal, le nécessaire respect, par le droit de l’Union européenne, des principes de subsidiarité, de proportionnalité, de légalité substantielle dans leur acception pénale, et s’engage dans une réflexion sur la structure des dispositions pénales, sur la responsabilité, sur les sanctions, etc.

En bref s’est opéré un changement politique majeur, qui devrait, si l’annonce est suivie de réalisations, lever l’hypothèque d’une banalisation du droit pénal, et faire pénétrer plus en profondeur les droits fondamentaux dans la construction d’un droit pénal de l’Union et dans la construction d’un espace de liberté, de sécurité et de justice.

Mais c’est aussi dire, si l’on suit la position du Conseil, que le respect des principes qui gouvernent le droit pénal, comme le respect des droits fondamentaux, doit s’imposer à l’Union européenne tout autant qu’il s’impose aux États. Cette affirmation, pour simple qu’elle est, n’en ouvre pas moins un champ immense d’évolutions et questionnements. Par exemple, dire que le principe de la légalité substantielle s’impose à l’Union européenne emporte des conséquences dans la répartition des tâches législatives entre Union et États membres, dans l’ampleur de la marge nationale d’appréciation, dans le ou les auteurs et la teneur des contrôles juridictionnels, etc.29.

On peut enfin (troisième angle de vue), faisant retour au traité, estimer que deux nouveautés fondamentales (même si elles ne peuvent être limitées à la matière pénale) devraient concourir à lever bien des craintes anciennes : la valeur juridique conférée à la Charte des droits fondamentaux, l’adhésion possible de l’Union à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (et l’engagement politique semble au rendez-vous puisque le processus d’adhésion a officiellement débuté le 7 juillet 2010).

On voit bien toutes les garanties que le droit pénal de fond et de forme dans l’Union et de l’Union pourra trouver à sa soumission à ces deux instruments que sont la Charte et la Convention.

On voit bien aussi la formidable chance30 que l’Union a offerte à ses citoyens et justiciables, en acceptant la possibilité que son droit et sa jurisprudence soient placés sous le contrôle externe de la Cour européenne des droits de l’homme.

On voit bien encore l’immense complexité de la construction d’un droit, pénal notamment mais pas exclusivement, qui ne peut être limitée au jeu de hiérarchies normatives ou jurisprudentielles, mais bien au contraire                                                             

29 V. Conclusion, in Cour de Justice et justice pénale en Europe, op. cit. (supra note 1). 30 Même si certaines inquiétudes ne sont pas à écarter. Cf. dans le présent ouvrage,

J.-P. MARGUÉNAUD, « Cour de Justice et Cour européenne des droits de l’homme », infra, pp. 303-312.

LE DROIT PÉNAL DE L’UNION EUROPÉENNE 24

repose sur la combinaison des principes de l’Union avec ceux issus des traditions constitutionnelles des États membres, et ceux issus de la Convention de sauvegarde telle qu’interprétée par la CEDH (comme l’énonce expressément la Charte des droits fondamentaux).

Peut-être alors les choix opérés par le présent ouvrage s’éclairent-ils. L’étude des domaines et méthodes a vocation à montrer l’état actuel et

futur du droit pénal de l’Union européenne, ainsi que les questionnements qu’il ouvre, au regard des dispositions du Traité de Lisbonne.

Mais un état qui est et sera intimement déterminé par les conceptions qui sont ou seront celles retenues de certains principes (c’est pourquoi certains autres principes, que des pénalistes auraient pu attendre, rétroactivité in mitius, non bis in idem, par exemple, ont été écartés).

Mais un état encore qui est ou sera celui que les interactions jurisprudentielles font ou feront naître. Les études précédemment menées par l’ARPE, et en particulier la recherche intitulée Cour de Justice et justice pénale en Europe, nous ont convaincus de ce que la construction de l’Europe pénale est aussi – et parfois, selon les périodes, essentiellement – placée entre les mains des juges (Cour de Justice bien sûr, mais également, et leur rôle ne saurait être minoré, juges internes constitutionnels et répressifs, CEDH demain plus encore), et que les interactions (positives comme négatives, certaines divergences peuvent être saines et fructueuses) de leurs jurisprudences participent de la fabrique du droit pénal dans l’Union et de l’Union ; que dès lors la construction d’un droit pénal qui respecte l’équilibre entre libertés et sécurité, qui allie juste et utile est aussi de leur responsabilité.