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L’EAD : Ethylotest Anti-Démarrage.

Sommaire :

I. L’alcool au volant.

1. La santé publique et les dangers liés à la consommation d’alcool.

a. Consommation, effets indésirables et addiction.

b. L’alcool dans l’organisme.

c. Les conséquences sur la conduite.

2. Cadre légal : seuils d’alcoolémie et sanctions.

a. Historique de la législation.

b. Les règles en vigueur.

Pour les particuliers conducteurs.

Pour les professionnels des transports en commun.

3. La mortalité routière due à l’alcool au volant.

II. L e fonctionnement de l’EAD.

1. En quoi consiste l’éthylotest anti-démarrage ?

2. Aspects techniques et mode d’emploi.

a. Seuils de mesures.

b. Démarrer le véhicule.

c. En cas d’absorption d’alcool.

d. Validation du test.

e. Retests.

3. Fiabilité du dispositif.

a. Homologation du dispositif des fabricants et qualification des installateurs.

b. Vérification du dispositif.

III. Législation en vigueur quant à l’équipement des véhicules par un EAD.

1. Le Transport en Commun de Personnes.

2. La prévention volontaire.

3. La condamnation pénale pour délit d’alcoolémie au volant.

a. La composition pénale.

Cadre légal

Critères d’éligibilité à la composition pénale.

Mise en œuvre de la composition pénale.

b. La mesure de peine complémentaire.

Cadre légal

Non-respect de la sanction

c. Le coût du dispositif EAD.

IV. Expérimentations et résultats mesurés de l’EAD sur l’alcoolémie au volant.

1. L’expérience française : en Haute-Savoie.

a. La mise en place de l’expérimentation.

b. Intérêt de l’alternative à la sanction.

c. Public concerné.

d. Les enseignements de l’expérimentation.

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Du point de vue des participants condamnés.

Du point de vue des autorités.

2. L’EAD dans le monde.

a. Outre-Atlantique.

b. En Europe.

V. Les failles du système.

1. Contourner le système.

a. Les techniques de contournement recensées.

b. Les réponses techniques à ces tentatives de contournement.

2. Défaillances techniques observées.

3. Qu’en est-il de l’application des lois ?

a. La nécessaire collaboration des autorités.

b. L’adhésion obligatoire des forces de l’ordre.

c. Les délais administratifs.

d. Le défaut d’information.

e. Pas d’homologation, pas d’installateur agréé… Donc pas de mise en place du

dispositif judiciaire !

4. Le scepticisme des fabricants d’EAD.

a. Envers l’utilisation de l’outil dans un programme judiciaire.

b. Question de responsabilité.

c. Le monitorage.

5. La formation des condamnés à l’utilisation de l’EAD.

6. Les contraintes économiques et sociales.

a. Le coût du dispositif.

b. Une peine qui ne concerne pas que le condamné.

VI. Conclusion et préconisations de « 40 Millions d’Automobilistes ».

VII. Sources.

1. Textes législatifs relatifs à l’utilisation de l’EAD dans le cadre d’une sanction pénale.

a. La LOPPSI II.

b. Le Code de la Route.

c. Le Code de Procédure Pénale.

Section 2.

Section 3.

d. Le décret relatif aux dispositifs d’EAD.

e. Le décret relatif à la possession obligatoire d’un éthylotest chimique.

f. L’arrêté fixant les règles applicables à l’homologation des EAD et les conditions

d’installation.

g. La circulaire relative à l’application de la LOPPSI II.

h. La circulaire relative à l’agrément des professionnels chargés d’installer les EAD.

i. Circulaire relative au Cahier des Charges.

2. Organismes officiels.

3. Sociétés privées.

4. Dans les médias.

a. La presse.

b. Sur le web.

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I. L’alcool au volant.

1. La santé publique et les dangers liés à la consommation d’alcool.

a. Consommation, effets indésirables et addiction.

L’alcool est un produit psycho-actif, c'est-à-dire qu’il agit sur le fonctionnement du cerveau : il modifie la

conscience et les perceptions, donc aussi les comportements. Consommé à faible de dose, l’alcool

désinhibe ; il procure une sensation de détente, d’euphorie, voire d’excitation. Les réflexes commencent à

diminuer. Consommé à plus forte dose, l’alcool provoque l’ivresse et entraîne une mauvaise coordination des

mouvements, des troubles de l’élocution, une diminution de la vigilance, la somnolence, voire des pertes de

mémoire. Au-delà de ses effets immédiats, l’alcool a des conséquences sur la santé à long terme.

La consommation d’alcool est en baisse depuis une quarantaine d’années en France. Malgré tout, 15% des

adultes consomment de l’alcool tous les jours. A ce niveau de consommation, les risques d’atteintes toxiques

liés à l’alcool sont réels. Certaines maladies sont uniquement attribuables à l’alcool (cirrhose alcoolique,

atteintes neurologiques telles le syndrome de Korsakoff…) ; pour d’autres, l’alcool constitue un facteur de

risque (cancers des voies aérodigestives supérieures, du foie, du sein, maladies cardiovasculaires…).

La dépendance à l’alcool est liée à un usage répété, excessif et compulsif. L’individu perd le contrôle de sa

consommation, devient intolérant aux effets négatifs et présente un syndrome de sevrage quand

l’administration du produit cesse. On estime qu’en France, 10% des adultes sont en difficulté avec l’alcool.

Cette proportion est stable depuis les années 1990. De façon générale, l’addiction à l’alcool est une

maladie chronique et hautement récidivante qui nécessite un suivi médical à vie.

En France, 63 personnes meurent chaque jour à cause de l’alcool. Et parce que sa consommation est souvent

festive et collective, on en oublie les dangers. Si nous nous intéressons dans cette étude aux risques liés à

l’alcool au volant, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit avant tout d’un problème de santé publique, qu’il

convient de combattre dans toutes les sphères sociétales et pas seulement sous l’angle de la sécurité routière.

b. L’alcool dans l’organisme.

Après consommation, l’alcool n’est pas transformé dans le tube digestif comme les nutriments, car ce n’est pas

un produit nécessaire au fonctionnement de l’organisme. Il est absorbé tel quel au niveau de l’intestin grêle et

passe dans le sang. En quelques minutes, il est transporté dans tout l’organisme et dans les organes,

notamment le cerveau.

L’alcool est essentiellement éliminé par le foie (95%). Les 5% restants sont éliminés par les reins (urine), la peau

(sueur), les poumons (air expiré) et la salive. Le passage par la respiration permet d’évaluer, en mesurant la

concentration d’alcool dans l’air expiré, le taux d’éthanol alcoolique dans le sang, ou « alcoolémie ». Ce

dernier reflète la quantité d’alcool présente dans l’ensemble de l’organisme.

L’alcoolémie est la concentration d’alcool dans le sang. Elle s’exprime en grammes d’alcool pur par litre de

sang (g/L) ou par milligrammes d’alcool pur par litre d’air expiré (mg/L). L’alcoolémie varie en fonction de la

quantité d’alcool consommé, mais aussi de la corpulence, du sexe de la personne, de la vitesse de

consommation et du fait d’avoir mangé ou non.

De façon approximative, un verre standard d’alcool fait augmenter l’alcoolémie de 0,10 à 0,15 mg/L d’air

expiré environ. Lorsque l’on consomme une dose d’alcool, l’alcoolémie atteint son maximum environ une heure

après, puis elle commence seulement à baisser. La vitesse moyenne d’élimination de l’alcool est comprise entre

0,5 et 0,7 mg/L par heure. A partir du moment où la baisse débute, il faut donc compter 1h30 à 2h pour

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éliminer chaque verre d’alcool. La vitesse d’élimination est constante, sans pouvoir être augmentée ou

diminuée par un quelconque moyen. D’autre part, il n’existe aucun « truc » pour masquer l’alcool. Les doses

mortelles d’alcool peuvent intervenir à partir de 2 mg/L pour un adulte.

c. Les conséquences sur la conduite.

L’alcool augmente le temps de réaction, diminue les réflexes, la vigilance, la résistance à la fatigue. Il perturbe

la vision, l’estimation des distances et la coordination des mouvements. De plus, son effet désinhibant amène à

sous-évaluer le danger et à prendre des risques (trajectoire en « zigzag », vitesse excessive, dépassement

hasardeux…).

C’est pourquoi il est dangereux de conduire un véhicule, quel qu’il soit, après avoir consommé de l’alcool. Le

risque d’être responsable d’un accident mortel est multiplié par 8 dès le premier verre, et augmente encore

avec la consommation d’alcool. Pour un taux d’alcoolémie compris entre 0,25 et 0,4 mg/L, le risque est encore

multiplié par 6…

2. Cadre légal : seuils d’alcoolémie et sanctions.

a. Historique de la législation.

En 30 ans, la législation concernant la conduite sous l’influence de l’alcool s’est considérablement durcie en

France. L’infraction « conduite sous l’empire d’un état alcoolique » et « conduite en état d’ivresse » est créé en

1958. Le seuil légal d’alcoolémie autorisée est alors de 0,6 mg/L d’air expiré.

En 1970, ce seuil est abaissé à 0,4 et le dépistage devient obligatoire en cas d’accident ou d’infraction

grave. En 1983, les premiers éthylotests (moyens de dépistage par air expiré) apparaissent.

En 1987, un décret prévoit une aggravation des peines principales d’amende et d’emprisonnement pour

conduite sous l’influence de l’alcool. En 1989, le délai pour repasser son permis de conduire en cas de

récidive est porté à 10 ans !

Une contravention est créée en 1994 pour sanctionner la conduite sous l’empire d’un état alcoolique entre

0,35 et 0,4 mg/L. L’année suivante, le seuil légal est abaissé pour atteindre 0,25 mg/L ; la contravention

entraîne alors une perte de 3 points sur le permis de conduire et 6 points pour le délit (au-dessus de 0,4

mg/L). En 1996 enfin, les sanctions encourues en cas d’infraction sont étendues à l’accompagnateur d’un

élève conducteur.

b. Les règles en vigueur.

Depuis 2003, les règles et sanctions s’appliquant à un conducteur coupable de conduite sous l’empire d’un

état alcoolique, conformément à l’article R234 du Code de la Route, sont les suivantes :

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Pour les particuliers conducteurs.

Infraction Type

d’infraction

Amende

maximale

encourue

Perte de

points

Peines maximales et peines complémentaires encourues

0,25 à 0,4mg/L

d’air expiré

Contravention

de 4ème

classe

750€

6 Points

- Immobilisation du véhicule

- Suspension du permis de conduire pour 3 ans au plus

- (Possibilité de « permis blanc »)

Plus de 0,4mg/L d’air

expiré

Ou ivresse manifeste

Délit

4500€

- 2 ans d’emprisonnement

- Suspension du permis pour 3 ans maximum

- Annulation du permis de conduire avec interdiction de le repasser dans un

délai de 3 ans maximum

- Immobilisation et confiscation du véhicule si le contrevenant en est

propriétaire

- Stage de sensibilisation à la sécurité routière aux frais du contrevenant

- Travaux d’Intérêt Général (TIG)

- Jours-amende

- Interdiction de conduire un véhicule non-équipé d’un dispositif EAD

homologué pour une période de 5 ans maximum

Refus de se

soumettre aux tests

de dépistage

En cas d’accident

responsable ayant

atteint à l’intégrité

d’une personne

(blessures graves)

30 000€

(150 000€

en cas de

décès de

la victime)

- Jusqu’à 10 ans d’emprisonnement en cas de décès de la victime

En cas de récidive

de conduite sous

l’empire d’un état

alcoolémie ou

d’ivresse manifeste

9000€

- 4 ans d’emprisonnement

- Immobilisation et confiscation obligatoire du véhicule

- Annulation du permis de conduire de plein droit pour 3 ans maximum

- Interdiction de solliciter un nouveau permis de conduire pour 3 ans au plus

- Interdiction de conduire un véhicule non-équipé d’un dispositif EAD

homologué pour une période de 5 ans maximum

- Inscription de la mention au casier judiciaire

Pour les professionnels des transports en commun.

Les règles et sanctions s’appliquant aux conducteurs de véhicules de transports en commun de personnes sont

les mêmes que pour tout autre conducteur. A l’exception prêt que, depuis 2004, le seuil réglementaire

d’alcoolémie est abaissé à 0,1 mg/L d’air expiré) dans le cadre professionnel.

3. La mortalité routière due à l’alcool au volant.

La consommation d’alcool observée en France a tendance à diminuer depuis les années 1960. Pourtant,

malgré la multiplication des contrôles d’alcoolémie sur les routes par les forces de l’ordre (qui représentent

aujourd’hui 80% de l’ensemble des contrôles), le taux de mortalité routière liée à l’alcool ne baisse pas, depuis

environ 15 ans.

Ainsi, depuis 2006, l’alcool est devenu la première cause de mortalité sur les routes. Il est responsable d’un

accident sur trois. Dans 85% des cas, les responsables sont des « buveurs occasionnels ». Pour la moitié des

cas, le taux d’alcool relevé est élevé (supérieur à 0,75 mg/L). Les conducteurs impliqués sont le plus souvent

des hommes (92%) âgés de 18 à 24 ans (26%), alors qu’ils ne représentent que 9% de la population. Les

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catégories de conducteurs les plus souvent mises en cause dans ce type d’accidents sont en premier lieu les

cyclomotoristes, puis les motocyclistes et les automobilistes. En outre, l’alcool intervient dans 42% des accidents

mortels touchant les jeunes de 18 à 24 ans.

Par ailleurs, l’alcool est présent dans la moitié des accidents survenus le weekend et dans plus de 47% des

accidents mortels nocturnes. Ces accidents ont lieu à 72% sur les routes départementales.

Année Nombre d’accidents

mortels

Taux d’accidents mortels

dus à l’alcool

Nombre de tués dus à

l’alcool au volant

1996 8080 40% 3232

1998 8437 31% 2615

2000 7643 30,8% 2354

2002 7242 30% 2172

2003 5731 30% 1719

2008 4443 28,3% 1245

2010 3992 30,8% 1229

2011 3963 30,8% 1220

2012 3645 31,6% 1151

On notera toutefois que si le taux d’accidents mortels dus à l’alcool est stable depuis 1998, le nombre de

tués dus à l’alcool au volant à l’instar du nombre total de tués sur les routes françaises, toutes causes

confondues diminue chaque année.

II. Le fonctionnement de l’EAD.

1. En quoi consiste l’éthylotest anti-démarrage ?

L’EAD est un instrument de mesure de l’alcool présent dans l’air expiré. Il s’agit d’un éthylotest électronique,

couplé au système de démarrage du véhicule. A ne pas confondre avec le « ballon », qui est un éthylotest

chimique à usage unique et un élément portatif, non relié au véhicule et dont l’usage est uniquement informatif,

voire, dans le meilleur des cas, dissuasif.

Cet outil de prévention intervient dans le cadre de la lutte contre la mortalité routière, en particulier due à la

conduite sous l’influence de l’alcool. L’EAD n’autorise le démarrage du véhicule qu’à la condition que le taux

d’alcool mesuré dans l’haleine du conducteur soit inférieur au seuil préétabli.

2. Aspects techniques et mode d’emploi.

a. Seuils de mesure.

L’EAD est un dispositif d’analyse de l’haleine, qui empêche le démarrage du véhicule dans lequel il est installé ,

en cas d’alcoolémie supérieure au taux légal autorisé, soit à partir d’une concentration d’alcool dans l’air

expiré de 0,25 mg/L pour les particuliers et 0,1 mg/L pour les professionnels conducteurs de transports de

personnes.

b. Démarrer le véhicule.

Pour pouvoir démarrer le véhicule, le conducteur doit à chaque fois souffler dans l’embout de l’appareil. Le

souffle doit être lent, sonore et continu pendant 5 secondes pour que le test d’expiration soit approuvé. De

plus, le débit et le volume de l’air expiré sont analysés pour s’assurer qu’un échantillon correct a été prélevé.

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c. En cas d’absorption d’alcool.

Si la présence d’alcool est détectée lors du premier test, le dispositif proposera au conducteur de faire un

nouvel essai au bout d’une minute. En cas de second test positif, le démarrage du véhicule est bloqué pour

30 minutes. Le conducteur devra patienter avant de pouvoir de nouveau tenter de démarrer son véhicule.

Dans le cas des transports en commun de personnes, le véhicule peut toutefois être démarré – sans qu’il soit

nécessaire de souffler dans l’EAD – au moyen d’une clé détenue par le chauffeur ou par un code détenu par

l’employeur. Tout démarrage sans utilisation de l’EAD est enregistré. Le démarrage manuel du moteur suite à un

souffle positif sur l’EAD, associé au taux d’alcoolémie, constitue une infraction au code de la route.

Cependant, aucune sanction disciplinaire ne peut être engagée sur le seul fondement des résultats de l’EAD.

d. Validation du test.

Une fois le test réussi – l’appareil ayant mesuré un taux d’alcoolémie inférieur au seuil autorisé – le conducteur

dispose d’un délai de 5 minutes pour mettre le moteur en état de marche. Dans le cas où l’arrêt du véhicule est

inférieur à 30 minutes, il est possible de le redémarrer sans utiliser l’EAD.

e. Retests.

Dans le cadre judiciaire, l’EAD peut exiger automatiquement et à intervalles aléatoires (de 45 à 60 minutes)

des tests de confirmation (appelés retests) en cours de route, pour s’assurer que le conducteur n’a pas

consommé d’alcool une fois le véhicule en marche. Un signal sonore retentit à chaque nouvelle demande de

prélèvement d’haleine.

L’EAD n’arrête pas le moteur en cours de route : un délai suffisant est laissé au conducteur afin de garer son

véhicule en toute sécurité pour procéder au test.

3. Fiabilité du dispositif.

L’appareil s’adressant au « grand public » ou aux professionnels fonctionne avec des capteurs de haute

précision obéissant au standard CENELEC EN50436. L’EAD est systématiquement testé après installation pour

s’assurer de son bon fonctionnement.

a. Homologation du dispositif des fabricants et qualification des installateurs.

En vertu de 13 juillet 2012, l’UTAC (Union Technique de l’Automobile, du Cycle et du motocycle) est

l’organisme désigné par le Ministère chargé des Transports pour :

- Effectuer les essais sur les EAD

- Délivrer l’homologation nationale des dispositifs EAD

- Veiller à leurs conditions d’installation dans les véhicules concernés

- Délivrer les qualifications des installateurs et des vérificateurs des dispositifs

C’est le fabriquant du dispositif EAD qui sollicite son homologation auprès de l’UTAC. Il doit fournir à

l’organisme une attestation de conformité et un rapport d’essais réalisés selon les normes NF et ISO en vigueur

et définies par l’arrêté « fixant les règles applicables à l’homologation nationale des dispositifs d’anti-

démarrage par éthylotest électronique ». L’organisme vérifie que le dispositif à homologué rempli le « cahier

des charges techniques des éthylotests anti-démarrage équipant les véhicules à moteur » (circulaire du 28

janvier 2009), et qu’il répond notamment aux normes EN50436-2 (pour les transports en commun de

personnes) et EN50436-1 (pour les EAD installés dans le cadre judiciaire).

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D’autre part, selon le décret 2011-1661 du 28 novembre 2011, c’est le Préfet qui délivre l’agrément aux

installateurs et vérificateurs des dispositifs. Ceux-ci doivent avoir obtenu la qualification de l’UTAC. L'agrément

est valable 5 ans ; il comporte un numéro incluant le millésime et doit faire l'objet d'une publication au recueil

des actes administratifs de la préfecture pour les installateurs d’EAD qui interviennent dans le cadre judiciaire ;

les installateurs et vérificateurs pour le transport en commun de personnes obéissent à la circulaire

n°DEVS0828504C du 28 janvier 2009 modifiée et au Cahier des Charges.

Par la suite, un installateur qualifié et agréé doit procéder au montage du dispositif sur le véhicule. A cette

occasion, il délivre un certificat de montage au détenteur du véhicule, attestant de l’homologation de

l’appareil et de son installation selon les règles définies par la législation.

b. Vérification du dispositif.

La vérification périodique des EAD est obligatoire et doit être effectuée par un vérificateur qualifié par l’UTAC

et agréé par le Préfet. Lorsque la vérification périodique fait apparaître que l’EAD ne satisfait plus aux

exigences techniques imposées, le détenteur est tenu de faire procéder à sa mise en conformité.

III. La législation en vigueur quant à l’équipement des véhicules par un EAD.

1. Le Transport en Commun de Personnes.

Les accidents liés à l’alcool sont rares dans le transport routier de personnes. Cependant, ils suscitent toujours

de vives réactions dans l’opinion publique. Comme par exemple cet accident survenu dans la Loire : le

chauffeur, contrôlé à 0,9 mg/L (huit heures après l’absorption de son dernier verre !), avait perdu le contrôle de

son bus, qui était allé percuter un arbre, ne faisant miraculeusement que 2 blessés légers parmi la trentaine de

passagers (dont 19 collégiens et lycéens).

C’est pourquoi, le 13 février 2008, dans le cadre du renforcement de la lutte contre les risques liés à l’alcool à

volant, le CIRS (Comité Interministériel de Sécurité Routière) a proposé que tous les autocars affectés au

transport en commun d’enfants – c'est-à-dire transportant plus de 9 personnes de moins de 18 ans – soient

équipés d’EAD. Cette mesure a été approuvée par le CNT (Conseil National des Transports) le 9 juin 2009 ;

toutefois, une expérimentation a été jugée nécessaire.

Cette phase expérimentale a débuté en septembre 2009, avec l’équipement en EAD de la flotte de 6

entreprises de transports en commun, soit 300 véhicules. Les résultats apportés sont positifs, tant sur le plan

technique que social et commercial. Ils démontrent cependant l’importance de la formation des conducteurs

et de l’information de la clientèle quant aux objectifs poursuivis.

Parallèlement, le cadre juridique de ce dispositif a été mis en place : il prévoit l’installation obligatoire des EAD

sur tous les autocars et autobus affectés au transport d’enfants, le montage en série sur ce type de véhicules

neufs à partir du 1er janvier 2010. Enfin, l’ensemble des véhicules affectés au transport de personnes (environ

60 000) devront être en conformité avec la loi au 1er septembre 2015.

Rappelons que la conduite d’un véhicule de transport routier de personnes fait l’objet de mesures

d’adaptation dans le Code de la Route : le taux d’alcoolémie autorisé est fixé à 0,1 mg/L de sang au lieu de

0,25 mg/L pour les autres conducteurs. C’est donc bien ce premier chiffre qui constitue le « seuil de

démarrage » du véhicule pour l’EAD.

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2. La prévention volontaire.

Certaines sociétés de transport routier commencent à équiper, de façon spontanée et volontaire, leur flotte

(véhicule de transport de personnes ou de marchandises) d’un EAD, en vue de garantir une plus grande

sécurité à leurs clients et dans le cadre de leur politique de prévention des risques professionnels, pour une

meilleure sécurité au travail de leurs salariés professionnels de la route.

3. La condamnation pénale pour délit d’alcoolémie au volant.

Au-delà de l’aspect préventif pour le transport en commun de personnes, la législation française prévoit un

second cas d’équipement obligatoire d’un véhicule d’un EAD : il s’agit de son volet pénal, en cas d’infraction

constituant le délit d’alcoolémie par un conducteur et en prévention du risque de récidive. La condamnation

pénale à l’EAD trouve alors deux applications : la composition pénale et la mesure de peine complémentaire.

a. La composition pénale.

Cadre légal.

Les articles 71 et 72 de la Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité

Intérieure, adoptée le 14 mars 2011 (dite loi LOPPSI II), renforce la lutte contre la conduite sous l’emprise de

l’alcool (notamment les contrôles et sanctions appliquées en cas de délit), tout en prenant en compte les

impératifs familiaux, sociaux et surtout professionnels de certains usagers de la route coupables de l’infraction.

Selon l’art.41-2 du Code de Procédure Pénale, le Procureur de la République peut proposer une composition

pénale – c'est-à-dire une substitution de peine – à une personne qui reconnaît avoir commis un délit, et a été

puni à titre principal d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale

à 5 ans.

Depuis le 14 mars 2011, cette composition pénale – dans le cadre d’un délit de conduite en état

d’alcoolémie de plus de 0,4 mg/L d’air expiré ou en état d’ivresse manifeste – peut consister (selon l’art. 41-

2.4bis) à suivre un programme de réhabilitation et de sensibilisation comportant l’installation, aux frais du

contrevenant, par un professionnel agréé, d’un EAD homologué, pour une période minimale de 6 mois et

maximale de 3 ans et/ou un stage de sensibilisation à la sécurité routière de 2 jours (art. R15-33-41-1 du

Code de Procédure Pénale).

Critères d’éligibilité à la composition pénale.

Pour pouvoir prétendre à cette composition pénale, il faut être éligible, c'est-à-dire répondre aux critères

d’admissibilité suivants :

- Avoir été contrôlé avec un taux d’alcoolémie compris entre 0,41 et 0,99 mg/L d’air expiré.

- Etre primo-délinquant (c'est-à-dire n’avoir jamais été sanctionné pour ce délit).

- Ne pas avoir été impliqué à l’occasion du délit dans un accident avec une tiers personne.

- Ne pas être alcoolo-dépendant ou dépendant d’autres drogues.

- Satisfaire à la visite médicale de la Commission Médicale Primaire des Permis de Conduire.

Tout conducteur éligible peut bénéficier de cette composition pénale. Après acceptation de son dossier par

le Préfet et le Procureur de la République, le contrevenant se voit notifier son entrée dans la composition. Par

là-même, l’auteur du délit s’engage à faire équiper son véhicule d’un système EAD homologué à ses frais et à

ne pas conduire, pendant la période fixée, un véhicule qui ne soit pas équipé d’un dispositif EAD homologué.

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Mise en œuvre de la composition pénale.

L’exécution de la composition pénale éteint l’action publique : les poursuites pénales à l’encontre du

contrevenant sont annulées.

Lorsque la peine est prononcée, le greffier de la juridiction remet un certificat à la personne concernée, en

échange de son permis de conduire. Ce certificat mentionne la date de la décision juridique, la durée de

l’interdiction de conduire un véhicule non équipé d’un EAD, les références du permis de conduire, ainsi que les

diverses indications qui y sont portées. Le certificat stipule également que son détenteur doit être en mesure

de présenter les documents qui prouvent l’homologation du dispositif et la régularité de son installation.

Lorsque la peine est prononcée en même temps que l’annulation ou la suspension du permis de conduire, le

certificat n’est remis au condamné qu’à l’issue de l’exécution de cette peine.

Cependant, en cas de non-exécution des mesures prévues par la composition pénale, les règles de droit

commun s’appliquent : les poursuites pénales engagées pour les faits qui ont initialement mené à la proposition

de composition pénale sont relancées.

A l'issue de la période fixée de composition pénale, un rapport final est établi, qui précise si le conducteur a

respecté ses engagements et s'il a restitué le matériel en bon état de fonctionnement. Le rapport et une

attestation de participation au stage sont alors adressés au Procureur de la République, qui pourra classer le

dossier sans suite si le conducteur a correctement effectué sa peine. Les poursuites pénales sont alors

définitivement abandonnées.

b. La mesure de peine complémentaire.

Cadre légal.

Depuis l’adoption de la circulaire du 28 mars 2011 relative à l’application de la LOPPSI II en ce qui concerne

l’amélioration de la sécurité intérieure, la personne coupable du délit de conduite sous l’empire d’un état

alcoolique ou en état d’ivresse encourt notamment la peine complémentaire qui consiste en l’interdiction, pour

une durée de 5 ans au plus, de conduire un véhicule qui ne soit pas équipé par un professionnel agréé ou

par construction d’un dispositif homologué d’EAD (art. L234-1 et 2 du Code de la Route).

Cette peine complémentaire peut être imposée aux personnes coupables des infractions suivantes :

- Le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste.

- Le conducteur était sous l’empire d’un état alcoolique caractérisé par une concentration d’alcool

dans l’air expiré égale ou supérieure aux taux fixés par les dispositions législatives ou réglementaires

du Code de la Route.

- Le conducteur a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par le Code de la Route et

destinées à établir l’existence d’un état alcoolique.

- Le conducteur, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, ne s’est pas arrêté et a

tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir.

- Le conducteur en état d’alcoolémie est coupable d’homicide involontaire ou d’atteinte involontaire

à l’intégrité physique d’une personne, ayant entrainé une interruption du temps de travail.

- Récidive d’un des délits susmentionnés.

L’exécution de la peine complémentaire se déroule de la même façon que celle de la composition pénale.

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Non-respect de la sanction.

En cas de non-respect des conditions imposées par la peine complémentaire, des sanctions sont prévues (art.

R234-4 du Code de la Route) :

Infraction Amende maximale

encourue

Perte de points Peines maximales et peins

complémentaires encourues

Non présentation du certificat aux forces

de l’ordre au moment du contrôle

38€

Non présentation du certificat aux forces

de l’ordre à l’issu du délai de 5 jours

750€

Faire souffler un tiers dans l’EAD, dans le but

de démarrer le véhicule

1500€

6 points

- Immobilisation du véhicule

- Confiscation du véhicule

- Suspension du permis de conduire

pour 3 ans au plus

- Obligation de suivre un stage de

sensibilisation à la sécurité routière

- Interdiction de conduire certains

véhicules à moteur, même pour

lesquels il n’est pas exigé de

permis pendant 3 ans au plus

Neutraliser ou détériorer l’EAD

Démarrer manuellement le moteur suite à un

souffle positif dans l’EAD

Utiliser l’EAD dans des conditions

empêchant la mesure exacte de

l’alcoolémie

EN CAS DE RECIDIVE DE L’UNE DE DES

INFRACTIONS SUSMENTIONNEES

3000€

Conduire un véhicule non équipé d’un EAD

homologué

4500€

- 2 ans d’emprisonnement

- Annulation du permis de conduire

- Interdiction de repasser le permis

de conduire pour 3 ans au plus

- Interdiction de conduire certains

véhicules à moteur, même pour

lesquels il n’est pas exigé de

permis pendant 5 ans au plus

- TIG

EN CAS DE RECIVIDE DE L’INFRACTION

SUSMENTIONNEE

- Confiscation obligatoire du

véhicule

- Peines complémentaires relatives à

l’infraction susmentionnée

Toutes les sanctions énumérées sont aussi encourues pour les personnes qui facilitent sciemment, par aide ou

assistance, l’utilisation frauduleuse de l’EAD.

Ces dispositions sont également applicables lorsque les faits ont été commis par une personne ayant accepté

d'exécuter à titre de composition pénale la mesure consistant à faire équiper son véhicule par un professionnel

agréé d’un EAD homologué et à ne pas conduire un véhicule qui ne soit pas équipé d’un EAD pendant la

période fixée.

En cas de perte de la totalité des points de son permis de conduire suite à de nouvelles infractions, le

conducteur doit rendre son certificat au greffe du Tribunal.

c. Le coût du dispositif EAD.

La totalité des coûts générés par l’équipement de son véhicule d’un EAD revient à la charge exclusive du

condamné. Les frais induits sont les suivants :

- Location du dispositif EAD homologué : 130€/mois

ou achat du dispositif EAD homologué : environ 1800€

- Installation / désinstallation par un professionnel qualifié agréé : environ 200€ pour un véhicule moyen.

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- Frais de gestion administrative : 50€

- Visite prématurée suite à un accident ou à une violation (absence de réponse à un retest,

destruction ou détérioration, déconnexion du dispositif, retrait des scellés de sécurité, utilisation non

justifiée du dispositif de démarrage d’urgence…) : 65€

- En cas de location, 800 euros de caution, conservés durant le programme afin de garantir la

restitution de l'appareil.

Soit un équipement et des frais d’entretien d’environ 2000€ (auxquels il faut ajouter éventuellement le coût du

stage obligatoire de sensibilisation à la sécurité routière, qui peut être imposé aussi bien à l’occasion de la

composition pénale que de la mesure de peine complémentaire, à hauteur de 250€).

IV. Expérimentations et résultats mesurés de l’EAD sur l’alcoolémie au volant.

1. L’expérience française : en Haute-Savoie.

a. La mise en place de l’expérimentation.

L’EAD est un objet technique inventé au Canada et son utilisation débute réellement à la fin des années

1980 aux Etats-Unis et au Canada, pour tenter de répondre au problème de la conduite sous l’emprise de

l’alcool, en mettant littéralement hors-circuit les conducteurs imprudents.

Depuis 2004 en France, on s’intéresse à ce dispositif dans le cadre d’une démarche de réhabilitation des

conducteurs buveurs excessifs occasionnels ou alcoolo-dépendants.

En 2003 donc, le Docteur Charles Mercier-Guyon, en sa qualité de Directeur du Comité de Prévention

Routière de Haute-Savoie, pose les bases d’un système innovant (en Haute-Savoie, puis en Isère) consistant

en la mise en place d’un programme alternatif aux poursuites pénales pour les conducteurs incriminés dans la

conduite sous l’emprise de l’alcool. Ce programme comporte deux volets : un stage adapté de sensibilisation

aux effets de l’alcool sur la conduite, d’une durée de deux jours et organisé par la Prévention Routière, et une

période de 6 mois de conduite sous le contrôle d’un système d’éthylotest anti-démarrage installé dans le

véhicule des intéressés.

b. Intérêts de l’alternative à la sanction.

Ce principe d’alternative possible aux poursuites de l’Etat a été retenu par les autorités judiciaires d’Annecy,

au motif de réduire le risque de récidive de conduite sous l’empire d’un été alcoolique, tout en permettant aux

condamnées de continuer à conduire, afin de pouvoir maintenir leur insertion sociale et professionnelle.

L’adhésion à ce programme permet en effet d’alléger les sanctions prises à l’encontre des délinquants

(réduction de la période de suspension du permis de conduire, annulation du retrait de points du permis de

conduire, des peines d’emprisonnement et d’amende, non-mention du délit au casier judiciaire…) et de leur

offrir une seconde chance. Cette sanction, qui se veut pédagogique, constitue donc une réponse technique

et judiciaire au problème de l’alcool au volant, enjeu majeur de sécurité routière.

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c. Public concerné.

Depuis 2006, plus de 250 personnes ayant fait l’objet d’une procédure de condamnation pour conduite sous

l’empire d’un état alcoolique ont participé à ce programme expérimental. Ils ont été sélectionnés selon des

critères socioprofessionnels et à la condition qu’ils ne présentent pas de signe d’alcoolo-dépendance.

d. Les enseignements de l’expérimentation.

Du point de vue des participants condamnés.

Conduire un véhicule équipé d’un EAD n’a rien d’une partie de plaisir ! Premièrement, l’appareil peut provoquer

des situations contrariantes quand il s’agit de partir travailler le matin ou bien de laisser sa place de

stationnement à un autre conducteur qui s’impatiente. Etre obligé d’attendre que l’appareil vous donne le

signal de souffler, puis procéder au démarrage du véhicule si la mesure le permet expose le condamné à bien

des désagréments.

Autres difficultés : le système EAD oblige le conducteur à s'arrêter régulièrement pour être testé par l'éthylotest,

sous peine de déclencher un bruit allant crescendo. D’après les témoignages, il faut aussi avoir de sacrées

capacités d'expiration ! D’autant plus que l'appareil impose que l'on fredonne en soufflant.

D’autre part, inhabituel en France, l’éthylotest est objet de honte : les condamnés se cachent pour souffler

dans l’appareil, surtout dans le cas où leur véhicule équipé sert de moyen de transport dans le cadre de leur

activité professionnelle.

L’utilisation systématique et obligatoire de l’EAD constitue donc une véritable contrainte pour le conducteur,

mais aussi et surtout une « aubaine » pour les contrevenants qui reconnaissent unanimement que, sans cette

mesure alternative, ils se seraient vus retirer leur permis de conduire pour une période plus ou moins longue (en

général de 15 jours à 1 an) et auraient par conséquent risqué de perdre leur emploi. Ils avouent aussi que,

grâce à ce type de mesure, ils ont changé leur comportement face à l’alcool au volant.

Du point de vue des autorités.

Le taux de récidive de conduite sous l’emprise de l’alcool en Haute-Savoie était de 10%. Avec l’installation de

l’EAD dans les véhicules des personnes ayant été condamnées pour alcoolisation délictuelle au volant, on a

constaté une nette réduction du taux de récidive chez les participants (60 à 70%), en comparaison avec les

conducteurs sanctionnés de manière « classique » (suspension de permis, amende, voire emprisonnement) et

ne bénéficiant donc pas de ce programme. Le taux de récidive de conduite sous l’emprise de l’alcool en

Haute-Savoie est ainsi passé sous la barre des 2%.

En outre, les participants au programme ont pu préserver leur insertion sociale et professionnelle grâce à une

suspension de leur droit à la conduite plus courte qu’ordinairement.

En plus de l’efficacité du système EAD, l’étude de Haute-Savoie démontre aussi la nécessité d’intégrer au

programme alternatif des mesures de contrôle et d’accompagnement des « conducteurs à risque », car

l’efficacité du programme diminue une fois l’EAD retiré du véhicule. Actuellement, le décret d’application

n’évoque pas la mise en place d’un tel programme. Cette mesure est laissée à l’appréciation des juridictions

locales.

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2. L’EAD dans le monde.

L’EAD est utilisé selon différentes modalités dans un certains nombres de pays, notamment aux Etats-Unis, au

Canada, en Suède…

a. Outre-Atlantique.

C’est en Amérique du Nord d’abord que le système a été commercialisé pour son utilisation dans le cadre de

mesures judiciaires. Employé depuis plus de 30 ans pour lutter contre la récidive en matière d’alcool au volant,

l’efficacité du système n’est plus à prouver.

Aux Etats-Unis, les juridictions sont même incitées financièrement pour le gouvernement fédéral à prescrire l’EAD

comme alternative à la sanction. Actuellement, plus des deux tiers des états d’Amérique disposent de lois

permettant d’avoir recours au système ; et ce sont près de 200 000 personnes qui sont suivies tous les jours.

Au Canada, ce sont 7 provinces qui appliquent les lois d’alternative à la sanction par l’EAD. Depuis sa mise en

place en 1997, 60 000 personnes ont ainsi participé au programme au Québec.

Les évaluations menées par de nombreuses équipes de recherches ont montré une diminution de 40 à 95% du

taux de récidive d’alcoolisation au volant durant la période d’installation de l’appareil (données relayées en

France par le Docteur Mercier-Guyon). En 2002, l’étude réalisée par une société d’assurance automobile

québécoise montrait une réduction de 80% de la récidive chez les primo-délinquants et de 74% chez les

conducteurs récidivistes, tant que le dispositif était installé.

A l’instar de l’expérience menée en Haute-Savoie, les recherches démontrent également que cette réduction

du taux de récidive et sa consolidation sur la durée dépendent pour beaucoup de la présence d’un

programme de monitorage et d’accompagnement. Celui-ci permet à la fois de s’assurer que le dispositif est

correctement utilisé par le conducteur et que le participant fait l’objet d’un suivi sur le plan de son

comportement et de sa consommation d’alcool.

b. En Europe.

Sur le vieux continent, c'est essentiellement la Suède qui développe cet outil, sous l’impulsion du constructeur

Volvo, qui propose déjà le dispositif en option ou en série sur certains modèles de véhicules depuis 2008.

Dans les années 1990, des assureurs suédois ont initié, avec la Justice, un programme de réhabilitation des

délinquants à l'alcool au volant d'une durée de deux ans, au terme desquelles les conducteurs retrouvaient

leur permis de conduire.

La Commission Européenne, pour sa part, envisage de faire évoluer le dispositif pour une utilisation générale :

la mesure toucherait donc l’ensemble des conducteurs européens, indépendamment d'éventuelles infractions

et donc dans un cadre purement préventif. Des législations ont été adoptées en ce sens en Allemagne,

Belgique, Espagne et Norvège et plus modestement aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en Finlande.

V. Les failles du système.

Comme pour tout nouvel appareil de « haute technologie », le problème d’éventuelles failles du dispositif s’est

rapidement posé. Il est question dans le cas de l’EAD, non seulement de failles touchant l’appareil technique

en lui-même (contournements possibles du système, pannes…), mais également des failles concernant

l’ensemble du dispositif judiciaire autour de la mise en place du système, qui est censé réguler et définir les

conditions de l’utilisation de l’EAD, c'est-à-dire les relations entre les différents acteurs et le contexte du

développement de l’outil à des fins judiciaires.

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1. Contourner le système.

Aucun dispositif n’est infaillible et « au pays de la fraude, l’imagination est sans limite » ! En 20 ans d’expertise,

on a pu constater que certains condamnés rivalisaient d’ingéniosité pour tenter de se défaire de la contrainte

que constitue l’EAD. Et les tentations sont nombreuses : une étude menée aux Etats-Unis dans les années 1990

a révélé que 50% des participants à un programme judiciaire utilisant le dispositif d’EAD avaient tenté de

contourner le système !

a. Les techniques de contournement recensées.

Ces techniques sont les suivantes :

Faire souffler une autre personne lorsque l’on sait avoir dépassé le seuil légal d’alcoolémie et donc ne pas

satisfaire au test de mesure de l’alcoolémie dans l’air expiré et ainsi provoquer le blocage du véhicule.

Utiliser une « pompe à souffle » reproduisant le souffle humain (la même que celle utilisée par les installateurs et

vérificateurs agréés pour s’assurer du bon fonctionnement de l’outil… mais avec un taux d’alcool de 0% !)

Désactiver le dispositif à l’aide de la clé ou du code obligatoirement fourni pour un démarrage en urgence

éventuel.

Déconnecter manuellement l’EAD en débranchant les câbles dans la console de contrôle du véhicule.

Modifier le paramétrage de l’appareil en augmentant les données du taux d’alcoolémie constituant le « seuil

de démarrage » du véhicule ou le délai entre chaque retest.

b. Les réponses techniques à ces tentatives de contournement.

Pour parer à ces possibilités de contournement de l’appareil, les fabricants ont imaginé des réponses

techniques, appelées « dispositifs anti-contournement » conformes au standard EN 50436.

Le capteur électrochimique analyse le souffle émis dans l’embout (composition, pression, durée…) pour

s’assurer qu’il s’agit bien d’un souffle humain et produit par un adulte (le souffle d’un enfant n’est en effet pas

suffisamment puissant pour satisfaire aux critères du capteur).

L’enregistrement des données dans l’appareil permet de garder une trace d’un éventuel démarrage d’urgence

à l’aide de la clé ou du code fourni, mais aussi en cas de déconnexion du dispositif et de tout autre incident

qui pourrait survenir lors de l’utilisation de l’EAD.

L’EAD demande de procéder à des mesures régulières. Lors des retests, ces mesures sont enregistrées dans les

puces électroniques de l’appareil (au nombre de deux, au cas où l’une serait détériorée ou détruite). Elles

permettent notamment de faire état des phases montantes de la courbe d’alcoolémie du conducteur, et

donc de déceler des résultats anormaux le cas échéant. L’objectif de ces retests est aussi de s’assurer que la

personne qui conduit est bien celle qui a soufflé dans l’EAD pour démarrer le véhicule et qu’elle n’a pas

consommé d’alcool en cours de route.

Enfin, pour l’usage préventif de l’EAD dans les transports en commun de personnes, un relevé périodique des

données (tous les 1 mois à 1 mois et demi) est effectué par un professionnel agréé, au moyen d’un logiciel

spécifique, qui transmet simultanément les informations à un serveur, par voie internet. Ce relevé d’information

est encadré par la CNIL.

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2. Les défaillances techniques observées.

Les nombreuses contraintes engendrées par la nécessité d’éviter une utilisation frauduleuse de l’appareil sont

à l’origine de quelques défaillances techniques rapportées par les usagers de l’EAD (notamment les

conducteurs de véhicules de transport en commun de personnes, qui utilisent cet appareil quotidiennement

dans le cadre professionnel).

Parmi ces défaillances techniques, on retient :

L’ultra-sensibilité du capteur électrochimique. « Se rincer la bouche » avec une boisson alcoolisée suffit à

bloquer le démarrage du véhicule, car l’EAD mesure la présence d’alcool dans l’air expiré, et non dans le

sang. Certains conducteurs rapportent même que la dégustation d’un bonbon à la menthe ou anisé

provoque la même réaction de la part de l’EAD que la consommation d’alcool…

Les difficultés d’utilisation dues à l’accessibilité de l’appareil (situé à gauche du volant sur certains modèles de

véhicules), au mode d’emploi très contraignant (souffler pendant un certain temps, en maintenant une certaine

pression et en émettant un souffle sonore…) ou au temps de mise en activité de l’appareil (jusqu’à 15 minutes

pour certains modèles d’EAD).

Les toujours possibles déficiences électriques et électroniques auxquelles est sensible ce type d’appareil

technologique.

3. Qu’en est-il de l’application des lois ?

Depuis l’adoption de la Loi d’Orientation Pour la Performance et la Sécurité Intérieure (LOPPSI II) le 14 mars

2011, et des nombreux décrets d’application, lois, arrêtés et circulaires relatifs à la mise en place des EAD

dans le cadre juridique, l’arsenal législatif est enfin en place.

Pourtant, on constate de façon flagrante un défaut d’application de ces lois sur l’ensemble du territoire

français. La preuve en est que les demandes de composition pénale en faveur du recours à l’EAD ne trouvent

actuellement pas de réponses positives de la part des tribunaux. Diverses contraintes organisationnelles

semblent être à l’origine de ces refus systématiques.

a. La nécessaire collaboration des autorités.

Le Parquet et les Préfectures, principaux acteurs de ce programme, doivent obligatoirement s’entendre pour

assurer le bon déroulement du programme. Il s’agit de créer une articulation entre la Préfecture et le Tribunal

Correctionnel pour rendre compatible la suspension administrative du permis de conduire avec la

condamnation pénale assortie de l’alternative, qui consiste à autoriser un délinquant à conduire un véhicule,

alors que son permis lui a été retiré… Ce qui n’est pas sans provoquer des conflits de compétences à

l’échelle des autorités locales.

b. L’adhésion obligatoire des forces de l’ordre.

La mise en place de ce dispositif demande aussi l’adhésion totale des forces de l’ordre (police et

gendarmerie), qui constituent le premier maillon du système de répression des infractions et de prévention de

la récidive.

La forte implication nécessaire des forces de l'ordre invite à se questionner sur la perception qu’ont leurs

membres du système proposé. En effet, outre la rupture avec des règles d'usage intégrées et devenues

familières, les policiers et gendarmes doivent aussi adhérer à « l'esprit » du programme. Or, ces personnels

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de police pourraient y voir une remise en question de leur fonction répressive, qui consiste à écarter

provisoirement de la route les conducteurs ayant commis le délit de conduite sous l’influence de l’alcool

c. Les délais administratifs.

La suspension du permis de conduire et l’éligibilité au programme alternatif d’EAD impose de satisfaire à la

visite médicale de la Commission Médicale Primaire des Permis de Conduire. Or, pour obtenir une convocation

de cette commission, il faut s’armer de patience : faute de moyens humains et matériels, les délais d’attente

sont de l’ordre de plusieurs mois ! La mise en place de la composition pénale dans ces circonstances semble

compromise, d’autant plus qu’elle nécessite un suivi médical régulier des participants. Il est donc impératif que

les délais d’attente soient réduits au minimum (de l’ordre de quelques jours).

d. Le défaut d’information.

En interrogeant les différents acteurs impliqués (préfectures, tribunaux, forces de l’ordre, public concerné), on

s’aperçoit rapidement que la plupart ne sont pas bien ou pas suffisamment informés de l’évolution des lois du

point de vue de leur chronologie et de leur contenu. On note une tendance à la confusion entre l’éthylotest

anti-démarrage et l’éthylotest chimique (le fameux « ballon ») et une ignorance quant à la date de mise en

application et à la teneur exacte des lois.

En outre, la circulaire du 6 septembre 2012 relative à l’agrément des professionnels chargés d’installer les

dispositifs EAD stipule que « la liste de l’ensemble des agréments délivrés en cours de validité doit être

disponible sur le site internet des préfectures » et qu’il « convient de prévoir la possibilité de remettre cette liste

à toute personne qui en ferait la demande ». A ce jour, on constate pourtant qu’aucune préfecture française

(mises à part celles de l’Ille-et-Vilaine et du Territoire de Belfort) n’a publié de liste sur son site internet…

e. Pas d’homologation, pas d’installateur agréé… Donc pas de mise en place du

dispositif judiciaire !

Et pour cause : les seuls installateurs actuellement agréés pour équiper les véhicules d’un EAD le sont

uniquement pour les véhicules de transport en commun. Pour pouvoir intervenir sur un véhicule particulier dans

le cadre d’une décision de justice, une extension doit leur être accordée. Or, l’agrémentation n’est pas

gratuite ! Elle coûte entre 4 000 et 5 000 € au professionnel qui en fait la demande, et l’extension permettant

à un installateur agréé « TCP » (Transport en Commun de Personnes) d’intervenir sur un véhicule particulier dans

le cadre de la LOPPSI II lui sera facturée 2 000 € environ ! On comprend donc que les installateurs soient

réticents à demander cette extension, d’autant plus que le marché dont dépend ce dispositif est actuellement

très limité.

A ce jour, on ne compte donc en tout et pour tout que 2 installateurs agréés dans le cadre de la LOPPSI II

(l’un en Ille-et-Vilaine et l’autre sur le Territoire de Belfort, ce dernier étant également agréé TCP).

On comprend donc mieux cette allusion de M. Léonard Bernard de La Gâtinais, Procureur Général de

Rennes, lors de son discours prononcé le 9 janvier 2013 : « Aussi, satisfaisons-nous de la mise en œuvre de la

mesure consistant à imposer à un condamné pour ces faits [conduite en état alcoolique délictuel] de ne

conduire que des véhicules disposant d’un dispositif anti-démarrage lié à un éthylotest. Encore faudrait-il que

se développent les installateurs agréés ! »…

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4. Le scepticisme des fabricants d’EAD.

a. Envers l’utilisation de l’outil dans un programme judiciaire.

Les fabricants avaient envisagé un développement de l’EAD en direction des transports collectifs et

d’entreprises, plutôt que pour des usagers particuliers sous le joug d’une décision de Justice. L’idée de voir leur

instrument détourné de l’usage qu’ils lui avaient tout d’abord destiné a eu tendance à dissuader les fabricants

de faire les demandes d’homologation nécessaires à l’installation des dispositifs d’EAD pour une utilisation

dans le cadre judiciaire.

C’est pourquoi on ne compte actuellement que 4 fabricants répondant aux normes européennes et donc

pouvant potentiellement demander une homologation auprès de l’UTAC. Et parmi ceux-ci, un seul a d’ors et

déjà obtenu cette homologation et un autre fabricant est en a fait la demande (elle devrait aboutir en

septembre 2013).

b. Question de responsabilité.

Reste que se pose la question de la responsabilité du fabricant en cas d’accident impliquant un véhicule

équipé de leur appareil. Autrement dit, les fabricants d’EAD redoutent que les éventuelles victimes de

l’accident, ou la Justice, ou encore le conducteur incriminé dans l’accident ne se retournent contre eux, dans le

cas où le conducteur alcoolisé serait parvenu à démarrer son véhicule, malgré une mesure positive d’alcool

dans l’air expiré.

En effet, comment traiter le cas d'un conducteur qui, en cours de programme EAD, blesse ou tue quelqu'un

avec son véhicule doté du système (en incluant la possibilité de la destruction des données enregistrées dans

l’appareil lors de l'accident) ? Quelle sera la posture de son défenseur ? Celle des familles des victimes ? De

l'opinion publique et des responsables politiques, qui pourraient alors se retourner contre l'usage d'un tel

dispositif ?

c. Le monitorage.

Par là-même, les fabricants d’EAD experts de programmes judicaires soulignent l’impérative nécessité d’un

monitorage, pour permettre un véritable contrôle grâce aux mesures effectuées et des éventuels actes de

contournement du dispositif qui pourraient être commis.

Dans l’état actuel des choses, toutes les données relatives à l’utilisation de l’appareil ne sont enregistrées par

celui-ci que pour une durée de 90 jours. Mais leur consultation n’est autorisée qu’en cas d’accident impliquant

le véhicule équipé (sauf pour le cas particulier des TCP). La plupart du temps, ces informations ne sont donc

pas traitées, et rien ne permet de contrôler le comportement du conducteur face à l’éthylotest anti-démarrage.

Or, obliger un justiciable à utiliser un EAD en l’absence de monitorage nuit à la prévention et à la baisse du

taux de récidive. Sans le monitorage, si le conducteur parvient à mettre hors-service le système EAD, rien ne

l’empêche d’utiliser le véhicule, y compris sous l’emprise de l’alcool. Son infraction ne sera décelée qu’en cas

d’accident, au moment du relevé des informations enregistrées.

Il n’est bien évidemment pas envisageable de poster un agent assermenté derrière chaque condamné à

l’EAD… C’est pourquoi les fabricants demandent la mise en place d’un monitorage, qui autoriserait la

consultation des données en temps réel : à l’instant même où la manipulation du dispositif a lieu, le serveur

enregistrerait les mesures effectuées et pourrait émettre une alerte en cas de résultats anormaux ou de

détection d’une manipulation frauduleuse de l’appareil. Le Parquet ou le Délégué du Procureur pourraient

ainsi intervenir et limiter le risque de récidive et d’accidents liés à l’alcool.

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De plus, de l’avis des fabricants, l’utilisation du monitorage ne serait pas contraignante. Le dispositif existe déjà

partiellement pour les entreprises de transport en commun : l’éthylotest anti-démarrage enregistre des

informations horodatées, qui peuvent donc, par recoupement, être rattachées à une personne. Ces

informations sont cryptées dans l’EAD et peuvent être téléchargées sur un ordinateur de l’entreprise, ce qui

permet au chef d’entreprise de connaître l’origine des incidents de démarrage et de savoir si l’EAD a été utilisé

correctement.

La CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) interdit toutefois d’avoir connaissance du

taux d’alcoolémie mesuré. Ces informations confidentielles ne pourraient donc être traitées que par le

Procureur ou son délégué. C'est à eux que reviendrait la lecture du décryptage des données prélevées

dans la centrale de l'EAD.

La principale difficulté réside donc dans la nécessité de gérer le traitement les données transmises, mais il

faut savoir que tous les programmes judiciaires existants dans le monde utilisent le monitorage des

données et le coût de ce traitement est intégré dans le tarif facturé au justiciable. Enfin, l’EAD jouerait

pleinement son rôle de prévention en minimisant les risques de dérives.

5. La formation des condamnés à l’utilisation de l’EAD.

Si le programme alternatif à la sanction mis en place en Haute-Savoie prévoyait une journée dédiée à la

formation à l’usage de l’EAD pour les participants, il n’en est pas de même pour la composition pénale et

la peine complémentaire. La participation à un stage de sensibilisation n’étant pas obligatoire, il revient

aux installateurs des EAD de former les condamnés à l’utilisation de l’appareil.

Or, ces professionnels ne sont pas habitués à intervenir auprès des particuliers. Leur compétence est

d’ordre technique, et non pédagogique. Il n’est donc probablement pas souhaitable, qu’en plus d’une

intervention de 3 à 4 heures sur le véhicule pour l’installation de l’appareil, le professionnel agréé doive se

soucier de la bonne compréhension par l’utilisateur du mode d’emploi du dispositif. D’autant plus que ces

personnes appartiennent à un public cumulant parfois plusieurs difficultés (intégration socioprofessionnelle,

addiction, précarité économique…).

6. Les contraintes économiques et sociales.

Les dernières réticences quant à l’application des lois sur l’obligation d’équiper un véhicule d’un EAD comme

composition pénale ou peine complémentaire sont des arguments économiques et sociaux.

a. Le coût du dispositif.

De l’avis de tous les acteurs impliqués (conducteurs, forces de l’ordre, agents préfectoraux, magistrats...), le

facteur le plus limitant d'un programme EAD est son coût : environ 2000 euros à l’achat ou 130€ par mois

à la location pour une durée de six mois lors de l'expérimentation d'Annecy. D'ailleurs, ce coût élevé

constitue un critère de sélection des conducteurs quant à leur participation au programme (on ne peut

envisager de proposer ce programme qu’à des personnes volontaires et solvables). En ce sens, le

programme concernera difficilement le public pourtant nombreux des personnes sans-emplois ou vivants

avec peu de ressources, et concentrant souvent divers maux, dont la consommation excessive chronique

d'alcool. Le Syndicat de la Magistrature reconnaît lui-même que « cette peine introduit une inégalité des

citoyens devant la Justice ».

Cependant, si le montant de l'opération – intégralement à la charge du conducteur – peut paraître

important, il convient de lui soustraire, d'une part, les gains réalisés en préservant son permis de conduire ;

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ce qui ne peut être qu'important lorsqu'il s'agit de conserver son emploi ! Et d’autre part, le montant de

l'amende judiciaire qui est alors minorée ou supprimée. A ce sujet, il faut noter que les magistrats tiennent

compte des situations financières de chacun et que l'amende judiciaire varie, le plus souvent de 150 à

800 euros environ. Cela signifie que l'évaluation coût-avantages ne se présente pas de la même manière

pour tous.

Par ailleurs, il devient pratiquement « rentable » d'acheter le produit dès lors que la durée du programme

atteint 1 an (et sachant qu’elle peut être prolongée par décision de Justice jusqu’à 5 ans).

b. Une peine qui ne concerne pas que le condamné.

Condamner un conducteur à faire installer et à utiliser systématiquement un système EAD dans son

véhicule, c’est aussi condamner les autres conducteurs potentiels de ce véhicule (conjoint, enfants) à subir

la même peine. Cela pose une question de morale : est-on en droit d’imposer un système contraignant

pour l’ensemble d’une famille, sous prétexte qu’un de ses membres doit être sanctionné pour une faute

dont il est seul responsable ? Et comment peut être accueillie cette peine par l’entourage ? Quel regard

porteront les membres de la famille sur le condamné en aillant chaque jour à subir la condamnation de

leur proche et donc le rappel constant du délit commis ? Quelle rédemption peut-il espérer dans ces

conditions ?

VI. Conclusion et préconisations de « 40 Millions d’Automobilistes ».

L’EAD est un outil apportant une solution technique possible au problème de sécurité routière que constitue

l’alcool au volant.

Les différentes études et expérimentations menées sur l’utilisation de l’EAD dans le cadre judiciaire, comme

composition pénale essentiellement (on parle peu de la peine complémentaire), se sont avérées très positives,

aussi bien Outre-Atlantique qu’en Europe (et plus particulièrement en France, avec le département pilote de

la Haute Savoie).

Mais si les textes de lois donnent aujourd’hui la possibilité de prononcer ces peines dans le but de prévenir la

récidive, rares sont les juristes à les avoir obtenues. La peine complémentaire est sans doute jugée trop sévère

ou trop contraignante pour pouvoir être mise en place de façon raisonnée. Et pour ce qui est de la

composition pénale, le défaut d’information et l’incomplétude du dispositif tel que décrit dans la législation

(absence de suivi obligatoire du conducteur condamné et de contrôle en temps réel des données relevées

par l’appareil) freinent une véritable mise en place du processus.

L’utilisation du dispositif EAD dans le cadre judiciaire est donc un système perfectible. « 40 Millions

d’Automobilistes » pense que, parce que l’éthylotest anti-démarrage est un outil qui permet – s’il est utilisé dans

de bonnes conditions – de réduire le risque de conduite sous l’emprise de l’alcool et donc réduire le nombre

d’accidents liés à l’alcool au volant (qui sont à l’origine encore aujourd’hui, rappelons-le, de 1151 morts), qu’il

est vital de permettre une véritable mise en œuvre de ce dispositif. Dans ce but, « 40 Millions

d’Automobilistes » préconise :

Pour rendre possible une application des mesures de peine complémentaire et de composition pénale par

l’EAD :

- Une campagne promouvant l’agrémentation des professionnels dans le cadre de la LOPPSI II, dans

le but d’accroître le nombre d’installateurs pouvant intervenir sur des véhicules particuliers et donc

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assurer la mise en œuvre des moyens techniques permettant la prononciation des peines à l’EAD et

l’application de ces peines.

Pour une meilleure information du public et une plus grande visibilité des professionnels qualifiés :

- L’application de la circulaire du 6 septembre 2012 relative à l’agrément des professionnels chargés

d’installer les dispositifs d’anti-démarrage par éthylotest électronique, et en particulier l’article III C, qui

stipule que la liste de l’ensemble des agréments délivrés en cours de validité doit être disponible sur

le site internet des préfectures.

Pour une consolidation de l’amélioration des comportements des condamnés face à l’alcool et une réduction

des risques de récidive :

- La complémentation obligatoire du dispositif d’EAD dans le cadre pénal d’un accompagnement des

conducteurs condamnés, à l’issue de la période fixée de peine complémentaire ou de composition

pénale.

Pour l’application effective des peines complémentaires et compositions pénales prévues par le Code de la

Route et le Code de Procédure Pénale, pour ce qui est de la conduite délictuelle sous l’empire d’un état

alcoolique :

- La promotion de la composition pénale qui consiste en « l’interdiction pour un conducteur ayant été

condamné pour conduite sous l’influence de l’alcool, caractérisée par une alcoolémie délictuelle, de

conduire un véhicule qui ne soit pas équipé par un professionnel agréé d’un système d’anti-

démarrage par éthylotest électronique homologué », auprès des tribunaux, préfectures et forces de

l’ordre, de la part du gouvernement, du Ministère de l’Intérieur et de la Délégation à la sécurité et à

la circulation routières.

Pour une surveillance accrue du condamné et une réduction des risques de contournement du système

EAD :

- La mise en place d’un monitorage permettant la consultation en temps réel des données enregistrées

par les serveurs informatiques et les appareils EAD homologués installés dans les véhicules des

contrevenants condamnés à la peine complémentaire ou à la composition pénale imposant

l’utilisation de l’EAD, en concertation avec les fabricants d’EAD et en accord avec la CNIL.

Pour faciliter les démarches administratives et donc favoriser la mise en place du dispositif d’EAD dans le

cadre pénal :

- Faire bénéficier les candidats au programme d’une priorité de convocation devant la Commission

Médicale Primaire des Permis de Conduire.

Pour une prévention plus complète des risques professionnels et une sécurisation accrue de la clientèle

des transporteurs :

- Etendre l’obligation d’utilisation de l’EAD à certains transports dangereux (notamment exceptionnels,

de produits chimiques, pétroliers, radio actifs ou d’explosifs), au regard des risques technologiques

majeurs qu’il représentent pour les populations et l’environnement en cas d’accident, ainsi qu’à

certaines professions ayant une obligation particulière de sécurité (car transportant des personnes),

tels les taxis et transports de personnes handicapées, à l’instar de ce qui se pratique dans les pays

nordiques.

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Pour combattre le problème de santé publique que représente la consommation excessive d’alcool :

- Inclure les conducteurs en état de récidive pour conduite sous l’emprise de l’alcool dans les

personnes éligibles à la composition pénale imposant l’EAD. Le véhicule ainsi équipé devient un outil

imposant au condamné de réguler et de maîtriser sa consommation d’alcool. L’obligation d’installer un

EAD dans le véhicule relève dance cas davantage du traitement thérapeutique que de la sanction

pénale. Car il ne paraît pas insensé d’envisager que la lutte contre la délinquance liée à l’alcool

passe d’abord par la lutte contre l’addiction à l’alcool.

En outre, « 40 Millions d’Automobilistes » n’est pas favorable à l’élargissement de l’obligation d’équiper les

véhicules à moteurs d’un système EAD à tous les conducteurs. En effet, envisager de généraliser ce

dispositif à tous les véhicules pénaliserait la très grande majorité des automobilistes – qui respectent les

règles – et serait absurde.

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VII. Sources.

1. Textes législatifs relatifs à l’utilisation de l’EAD dans le cadre d’une sanction pénale.

a. Loi n°2011-267 du 14 mars 2011 d’Orientation et de Programmation pour la

Performance de la Sécurité Intérieure.

- Article 71

- Article 72

b. Code de la Route : « Chapitre 4 : Conduite sous l'influence de l'alcool ».

- Article L234-1

- Article L234-2

- Article R234-5 (Créé par Décret n°2011-1048 du 5 septembre 2011 - art. 5)

- Article L234-16 (Créé par LOI n°2011-267 du 14 mars 2011 - art. 71)

c. Code de Procédure Pénale.

« Section 2 : De la composition pénale »

- Article R15-33-41-1 (Créé par Décret n°2011-1048 du 5 septembre 2011 - art. 2)

« Section 3 : Des attributions du procureur de la République ».

- Article 41-2

d. Décret n° 2011-1661 du 28 novembre 2011 relatif aux dispositifs d'anti-

démarrage par éthylotest électronique.

e. Décret n° 2012-284 du 28 février 2012 relatif à la possession obligatoire d’un

éthylotest par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur.

f. Arrêté du 13 juillet 2012 fixant les règles applicables à l'homologation nationale

des dispositifs d'anti-démarrage par éthylotest électronique et à leurs conditions

d'installation dans les véhicules à moteur.

g. Circulaire (DLPAJ) n° IOCD11088865C du 28 mars 2011 relative à l’application

de la LOPPSI en ce qui concerne l’amélioration de la sécurité routière.

h. Circulaire du 6 septembre 2012 relative à l’agrément des professionnels chargés

d’installer les dispositifs d’anti-démarrage par éthylotest électronique.

i. Circulaire n° DEVS0828504C du 28 janvier 2009 relative au « Cahier des

Charges Techniques des éthylotests anti-démarrage équipant les véhicules à

moteur ».

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2. Organismes officiels.

Ministère des Transports

Ministère du Développement Durable

Ministère de l’Intérieur

UTAC (Union Technique de l’Automobile, des Cycles et motocycles)

ONISR (Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière)

OFDT (Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies)

INSERM (Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale)

INPES (Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé)

ANPAA (Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie)

CERRV (Centre d’Etude et de Recherche sur les Risques et les Vulnérabilités)

INSEE (Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques)

3. Sociétés privées.

ACS (Alcohol Countermeasure Systems)

ALCOLOCK France

SIRAC

CONTRALCO

TECALCOR

Association « I-TEST »

Association « 40 Millions d’Automobilistes » : Institut de l’Accident 2012

4. Dans les médias.

a. La presse.

Le Point

Le Figaro

b. Sur le web.

www.saser.fr

www.ethylotestvoiture.com

www.techno-science.net

www.caradisiac.com

www.aloodocteurs.fr

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