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LA VOIX DE L’INSTRUMENTISTE La voix comme outil dans la pédagogie de l’alto Mémoire de fin de formation Marie Becker CeFEdeM Île-de-France Promotion 2007-2009 Directeur de mémoire : Frédéric Lainé

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LA VOIX DE L’INSTRUMENTISTE

La voix comme outil dans la pédagogie de l’alto

Mémoire de fin de formation

Marie Becker CeFEdeM Île-de-France

Promotion 2007-2009

Directeur de mémoire : Frédéric Lainé

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REMERCIEMENTS

Avant tout, je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont aidé dans le

cadre de ce mémoire :

Frédéric Lainé, Directeur de mémoire

Les professeurs d’instruments pour leur disponibilité lors des entretiens et

des observations de cours :

• Louis Fima • Xavier Gagnepain

• Élisabeth Genivesse-Ley

• Claude-Henry Joubert • Philippe Maeder • Marie-Paule Milone • Christophe Poiget • Christophe Roy • Renaud Stahl

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 2 I : LE SOUFFLE ET LA VOIX 3

A) LA RESPIRATION 3 B) LA VOIX PARLÉE, LA VOIX CHANTÉE 3 C) LA VOIX ET L’INSTRUMENT 4 D) L’APPRENTISSAGE : LANGAGE ET MUSIQUE 5 E) L’ÉCOUTE, LE CHANT, LE GESTE 6 F) LE GESTE VOCAL 7

II : PERSPECTIVE HISTORIQUE 8

A) MUSIQUE VOCALE ET MUSIQUE INSTRUMENTALE – ORIGINES ET RELATIONS 8

B) LE MODÈLE VOCAL DANS LES ÉCRITS 8 1) La méthode de Charles de Bériot 9 2) Les méthodes actuelles 12

III : LA VOIX DANS LA PÉDAGOGIE INSTRUMENTALE 13

A) LA RESPIRATION DE L’INSTRUMENTISTE 13 B) LE CHANT INTÉRIEUR 14 C) LE RYTHME 16 D) L’HARMONIE 19 E) LA JUSTESSE 20 F) LE SON 23 G) LES ARTICULATIONS 24 H) L’INTERPRÉTATION 26

CONCLUSION 27 BIBLIOGRAPHIE 28 ANNEXES

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INTRODUCTION Le choix du sujet de ce mémoire est la conséquence d’observations, de constatations et d’un questionnement concernant l’apprentissage et l’enseignement d’un instrument à cordes. L’expression artistique est une force dirigée de l’intérieur vers l’extérieur1 - cette phrase de Dominique Hoppenot semble parfois être bien loin de la réalité des jeunes élèves instrumentistes. Dans l’apprentissage instrumental, l’enseignant aide les élèves à acquérir des outils et des moyens pour faire de la musique ; mais malgré ces acquis, les élèves semblent souvent avoir des difficultés à s’exprimer librement sur leur instrument. Lors d’un des nombreux entretiens passés dans le cadre de ce mémoire, un professeur a fait la remarque qu’en assistant aux concours et examens en tant que jury, il observait très souvent des élèves avec une bonne tenue, une bonne notion de la conduite de l’archet, une bonne justesse aussi, mais avec une grande monotonie dans leur sonorité et dans leur jeu. On peut alors se demander si la progression technique et le développement musical des élèves vont toujours de paire. Il semble qu’un des grands dangers dans l’apprentissage d’un instrument se trouve dans la tendance à isoler la technique instrumentale de son contexte musical et expressif. Comment éviter une séparation de la musique et de la technique dans l’apprentissage instrumental ? Par quels moyens peut-on développer et faciliter l’expression musicale de l’élève par une pédagogie réunissant toujours ces deux aspects ? La voix semble être un outil essentiel dans le processus d’apprentissage de l’alto, bien qu’elle paraisse peu explorée, en tout cas dans les traités et les méthodes écrites. Mais pourquoi donner une importance à la voix dans l’apprentissage d’un instrument ? Quels peuvent être les apports du chant et de la voix en général pour un instrumentiste à cordes ? C’est précisément ce que nous allons étudier dans ce mémoire. Il convient de préciser la distinction faite entre le chant (la voix purement chantée) et la voix (la voix en général englobant tous les aspects de l’expression vocale). Dans le cadre de ce mémoire, le propos concerne les deux aspects. Dans le premier chapitre, nous allons brièvement aborder la respiration et la voix, liées aux principes fondamentaux de l’apprentissage de la langue et de la musique. Le deuxième chapitre donne une perspective historique de la musique vocale et de la musique instrumentale, ainsi qu’un aperçu du rôle et de la place de la voix à travers des écrits sur la pédagogie des instruments à cordes, notamment le traité de Charles de Bériot. Basé sur les écrits de Dominique Hoppenot et de Xavier Gagnepain, sur de nombreuses observations de cours, sur des rencontres et des entretiens avec différents professeurs d’instrument à cordes, ainsi que sur mes propres expériences d’enseignement, le troisième chapitre donne une vision concrète de l’utilisation de la voix dans l’enseignement de l’alto. Le propos sera complété par des exercices illustrant la mise en pratique d’une telle approche de l’enseignement instrumental.

1 Hoppenot D. Le violon intérieur. Éditions Van de Velde, 1981, page 173

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I : LE SOUFFLE ET LA VOIX

A) LA RESPIRATION L’ancienne maxime italienne : Chi sa respirare sa cantare - qui sait respirer sait chanter, nous fait comprendre que la respiration est le fondement de toute expression vocale. Depuis notre naissance, la respiration rythme toute notre vie. Son rôle essentiel étant de renouveler l’oxygène dans le sang et d’éliminer le gaz carbonique, la respiration est, tout comme les battements de cœur, une manifestation inconsciente de la vie. C’est justement parce qu’elle est une fonction vitale indispensable, qu’elle a lieu sans que nous en soyons conscients. La respiration comprend deux phases : l’inspiration et l’expiration. Durant l’inspiration, l’air entre dans les poumons et la cage thoracique s’élargit ; des échanges gazeux se produisent dans le tissu des alvéoles pulmonaires. Au cours de l’expiration, l’air est rejeté ; la cage thoracique diminue de volume et les poumons sont compressés, expulsant ainsi l’air vicié. Du point de vue musculaire, l’inspiration consiste en une tension active du diaphragme et une détente des muscles abdominaux et pelviens. L’expiration se fait par une tension active des muscles abdominaux repoussant vers le haut le diaphragme alors détendu. Le centre du mouvement respiratoire se trouve donc au milieu du ventre et non dans la poitrine. Cette alternance rythmée est le mécanisme fondamental et naturel de la respiration en état de détente. Calme dans le sommeil, rapide dans l’effort, exagérée dans le stress, la respiration exprime nos sentiments et nos émotions les plus profonds. Dans toutes les civilisations, on trouve l’utilisation du souffle sous formes diverses, souvent en relation avec l’expression vocale : mélopées, incantations, prières, chants etc. Les cordes vocales sont effectivement une zone très importante de la respiration, tant sur le plan fonctionnel qu’émotionnel. Le soupir, le rire, les sanglots naissent du souffle passant par les cordes vocales ; le cri est l’apogée de cette forme d’expiration sonore.

B) LA VOIX PARLÉE, LA VOIX CHANTÉE La voix est notre premier moyen d’expression et de communication. Comme nous l’avons déjà évoqué, elle naît de la respiration - on pourrait presque définir la voix comme une respiration sonore. Depuis notre premier cri, elle exprime ce que nous avons de plus profond en nous. La voix est fondamentale dans notre vie, car elle est une partie importante de notre identité. Elle est porteuse de message par l’intermédiaire du langage, de la parole, mais également par son expression, le ton, qui révèle nos émotions. Grâce à cette expression, on peut donner à une même phrase des sens totalement différents. La respiration, l’intensité et le timbre de la voix, le rythme du débit, la prononciation, l’émission, la courbe mélodique sont des indicateurs très fins de nos états intérieurs. On retrouve dans la musique tous ces éléments fondamentaux de l’expression : Le rythme, les hauteurs, les nuances, l’articulation, le timbre etc. Le langage et la musique sont si étroitement liés que la frontière qui les sépare est indéfinissable, comme l’exprime J.J. Rousseau : c’est un grand et beau problème à résoudre, de déterminer jusqu’à quel point on peut faire chanter une langue et parler la musique2.

2 Cité par Suarès A. Musique et poésie. Paris, Éditions Claude Aveline, 1928

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La voix est aussi notre premier instrument de musique, et le chant a sans doute été l’une des premières formes d’activité musicale. Dans le monde, il existe des ethnies qui ne possèdent pas d’instruments de musique, mais aucune n’ignore le chant. Au contraire, le chant est dans bien des cas considéré comme l’expression musicale la plus noble. Par la voix, pour autant que l’on ait assez de pratique pour savoir et pouvoir s’en servir, on exprime une idée musicale spontanément, sans contraintes. Mais si, comme pour la maîtrise d’un instrument, « jouer » de ses cordes vocales nécessite un apprentissage, celui-ci se fait le plus souvent par la voie naturelle de l’expérimentation. Utiliser la voix permet de prendre conscience de sa respiration, et d’explorer les possibilités et les conséquences en découlant. La voix permet alors de développer et de vivre corporellement et naturellement toutes les composantes de la musique. En cela elle représente un élément fondamental à toute éducation musicale.

C) LA VOIX ET L’INSTRUMENT La voix est un outil précieux pour l’instrumentiste, notamment pour l’instrumentiste à cordes. Avant le chant il y a la respiration, et la respiration est souvent ce qui manque le plus dans un jeu d’instrumentiste à cordes. Il est frappant que la plupart des problèmes liés à la technique comme les crispations, les blocages ou les tendinites, ont pour cause un manque d’oxygène pour les muscles, ce qui est le résultat direct d’une respiration défectueuse. Le fait de chanter oblige à respirer et à prendre conscience du souffle. L’expression d’une phrase musicale est analogue à celle d’une phrase du langage parlé. Souvent les deux sont régies par les mêmes lois quant au souffle, à la ponctuation et à l’unité de sens qui s’en dégage. L’expression vocale est donc un modèle de grande importance pour l’instrumentiste. Mais jusqu’à quel point est-il pertinent ? La grande différence entre la musique vocale et la musique instrumentale est justement que cette dernière peut dépasser les capacités de la voix humaine. La durée des phrases, la vélocité instrumentale, la tessiture peuvent rendre la musique instrumentale inchantable pour l’organe vocal. C’est entre autres pour ces raisons que la notion de chant intérieur est indispensable pour l’instrumentiste. En effet, celui-ci peut intérioriser son chant pour dépasser ses limites vocales. Mais alors, ce chant intériorisé, est-il toujours calqué sur un modèle vocal ? Tout en affirmant l’importance du chant pour l’instrumentiste, Yehudi Menuhin pense qu’à un certain niveau de performance instrumentale, il ne s’agit plus vraiment de chant intérieur, mais plutôt d’une représentation instrumentale intérieure. Des pédagogues comme Xavier Gagnepain et Dominique Hoppenot nomment cette représentation intérieure chant intérieur, pensée sonore ou encore écoute intérieure. Vocaliser une phrase musicale la renvoie à une physique humaine, et donc aux sensations et sentiments humains intuitivement compréhensibles par tous. En cela le chant est une forme d’expression universelle.

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C) APPRENTISSAGE : MUSIQUE ET LANGUE Le processus d’apprentissage de la musique est très semblable à celui du langage : il se fait par imitation, donc principalement par l’écoute et la reproduction. Au début de l’apprentissage, l’écoute n’étant pas encore éduquée et perfectionnée, la perception est partielle et la reproduction maladroite. Le langage s’acquiert par un processus d’affinement de la perception et un développement de la capacité de reproduction. Ce processus est semblable en musique, et très important, car il permet de vivre tous les éléments musicaux d’une façon naturelle, simple et corporelle, avant de les intellectualiser avec la notation. On apprend la langue maternelle en l’imitant, et l’on n’est capable d’utiliser de manière sensée que les mots que l’on a compris et assimilés. Il en est de même pour l’apprentissage des éléments de la musique, il faut les vivre et les sentir pour pouvoir se les approprier. Pour les enfants débutants, apprendre la musique sur une partition semble aussi difficile et peu naturel que d’apprendre la langue maternelle à partir d’un livre. Baser l’apprentissage de la musique uniquement sur le support écrit qu’est la partition est un des grands dangers dans le domaine de la musique classique. Pour cette raison, il est très important d’emprunter des chemins différents dans l’apprentissage d’un instrument, notamment dans ses débuts. Intégrer l’imitation, l’improvisation, l’invention, les jeux, le chant, les mouvements etc. permet à l’élève de sentir et de vivre corporellement la musique. Il faut cependant accorder une très grande importance à la construction et au développement du lien entre les éléments de la musique et leur notation. Il est très difficile pour les débutants de déchiffrer en chantant. Premièrement parce que la partition leur est abstraite, deuxièmement parce qu’en chantant ils n’ont pas de réels repères physiques et visuels comme on peut l’avoir sur un instrument. C’est pourquoi il est souvent plus facile pour eux de déchiffrer à l’instrument qu’en chantant. Malgré cela il est primordial de les faire chanter la musique afin que naisse un chant intérieur et que le déchiffrage ne se résume pas à une gymnastique codée. Pour construire cette capacité de chanter une partition, il faut faire le lien entre ce que l’on voit, ce que l’on veut entendre et les sensations physiques qu’implique la reproduction. De même que la capacité de lire un texte littéraire intérieurement naît seulement quand on sait le lire à haute voix et en entendre et prononcer chaque mot, la capacité de pouvoir lire une partition en silence vient seulement quand on l’a déjà entendue ou produite, et qu’il est possible de la chanter ou de la jouer. Les élèves débutants doivent avoir nommé les évènements avant de pouvoir les intérioriser, ils doivent passer par le concret pour faire naître l’abstraction.

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D) L’ÉCOUTE, LE CHANT, LE GESTE Le processus d’un musicien interprétant une partition est fort complexe. On peut en dégager plusieurs étapes qui sont néanmoins totalement imbriquées les unes dans les autres. La lecture : La partition occupe une place importante pour le musicien classique, car c’est le plus souvent par cet intermédiaire que la musique lui est transmise. C’est pourquoi la connaissance des codes de la notation musicale est une capacité indispensable à la compréhension et à l’interprétation musicales. Le terme interprétation est ici considéré comme la création d’un modèle respectant le plus fidèlement possible l’idée du compositeur, idée qui la plupart du temps s’avère trop complexe pour être intégralement traduite par le biais des codes musicaux. La naissance du modèle intérieur : Pour jouer, il faut d’abord savoir écouter activement et entendre intérieurement. En lisant la partition, une écoute intérieure, un modèle intérieur, prend forme en nous. Cependant, pouvoir se chanter intérieurement un son ne relève pas du domaine de l’inné mais de l’acquis. Un son est une stimulation de notre ouïe. Une telle sensation, pour être imaginée, doit être au préalable connue et clairement identifiée. C’est ce qu’on peut appeler l’écoute active, qui crée en nous un répertoire de sensations auditives. Il serait difficile à qui que ce soit d’imaginer le goût d’une pomme sans y avoir goûté. Bien sûr le système de relativité de l’oreille dépend aussi de cette règle d’apprentissage. L’ensemble de l’éducation musicale est donc un paramètre essentiel et indispensable à la création du modèle intérieur. Le jeu instrumental : C’est durant cette étape que le chant intérieur est reproduit sur l’instrument à l’aide du geste. On cherchera alors le geste dont le résultat sonore sera le plus proche possible du modèle rêvé. Ce point exige une attention particulière, car dans le souci d’améliorer la technique du geste, on risque d’y fixer son attention et de négliger voire oublier le chant intérieur, et donc la musique. L’écoute corrective : Différente de l’écoute intérieure qui représente notre idéal du texte, l’écoute extérieure est corrective et objective. Son rôle est de comparer le résultat de notre jeu avec l’idéal intérieur et de nous rendre conscients du décalage qu’il peut y avoir entre l’imaginaire et la réalité, pour nous permettre de corriger les défauts dans notre jeu. En effet, pour nous, instrumentistes, c’est la perception sensorielle auditive qui provoque des associations et met les sons et toute la sensibilité physique en relation mutuelle3. On peut dire que l’oreille doit guider l’instrumentiste comme l’œil guide le peintre.

3 Hoppenot D. Op. cit. page 118

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E) LE GESTE VOCAL Le geste représente l’étape finale réalisant la musique sur l’instrument. C’est donc grâce à lui que l’instrumentiste peut s’exprimer et communiquer à travers son instrument, et c’est pourquoi on doit lui accorder une si grande importance. Mais il ne faut cependant pas oublier que le geste n’est que le dernier maillon visible de ce processus de l’intérieur vers l’extérieur décrit précédemment. Dans l’enseignement d’un instrument à cordes, les préoccupations physiques et techniques peuvent très vite prendre trop de place, détournant l’attention de l’essentiel – l’expression et la musique. Ceci d’autant plus que les gestes, étant visuels et concrets, sont plus facilement abordables que le chant intérieur et l’expression, notions plus diffuses et intangibles. Le danger, pour l’instrumentiste, est de se concentrer à tel point sur le geste que celui-ci est coupé de son contexte. Le geste instrumental ne doit jamais être séparé de la musique. Il doit partir d’un désir de son, un désir d’expression. Avant tout il y a le silence, puis le désir de musique, puis le chant intérieur, puis le geste qui fait chanter l’instrument. Le geste n’a pas de valeur d’expression et de musicalité s’il n’est pas au préalable vécu de l’intérieur. Le lien entre l’expression vocale et le geste est essentiel pour l’expression instrumentale. Car sans le chant, qu’il soit intérieur ou non, jouer une partition n’est finalement qu’une traduction gestuelle du texte, dépourvue de sens. Si le chant engendre le geste, ce dernier devient musical et habité ; ayant un sens profond, il fait parler la musique, et il rend possible une véritable expression et une communication. Le chant peut donner une bonne sensation de la fluidité et de la fédération des gestes. Souvent lorsqu’un élève joue une phrase de façon saccadée, à cause de difficultés techniques, alors qu’il la chante de façon fluide et musicale, il convient de construire un lien entre le chant et le geste aux endroits incriminés, pour que l’élève ne puisse considérer l’un sans l’autre. On essaie de créer un geste vocal. La finesse des sensations se développe grâce aux relations construites entre l’écoute, le chant et le geste. En abordant les différentes composantes de la musique, ce que nous allons faire dans le troisième chapitre, on aborde également le geste qui est omniprésent dans le travail de l’instrumentiste. Mais il semble nécessaire de considérer d’abord la relation qu’entretiennent la musique vocale et la musique instrumentale, ainsi que d’étudier l’utilisation du modèle vocal dans les écrits sur la pédagogique instrumentale.

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II : PERSPECTIVE HISTORIQUE

A) MUSIQUE VOCALE ET MUSIQUE INSTRUMENTALE ORIGINES ET RELATIONS

Les hypothèses sont très nombreuses quant à l’origine de la musique. Comme nous l’avons vu plus haut, on pense que la première activité musicale a été une forme d’expression vocale. On peut donc se demander si la musique instrumentale serait née de la musique vocale. D’autres hypothèses considèrent que la musique vocale serait née avec le développement du langage, et la musique instrumentale avec celui du mouvement corporel, intimement lié à la danse. Il s’agirait donc de deux formes d’expression musicale ayant des racines différentes. Quelle que soit l’origine mystérieuse de ces deux formes de musique, il est certain qu’elles sont intimement liées. Durant toute l’histoire de la musique, on observe comment ces deux genres s’inspirent, s’influencent, et se nourrissent sans cesse l’un de l’autre. Jusqu’à la Renaissance, la musique vocale fleurissait, comme en témoignent ses différentes formes comme le chant Grégorien, les chansons des troubadours, les motets, les madrigaux etc. En occident, la musique instrumentale a pendant longtemps eu pour rôle d’accompagner et de mettre en valeur le chant, notamment en doublant les parties vocales. Petit à petit, elle a pris de l’importance : de 1600 à 1750 la musique instrumentale est aussi représentée que la musique vocale. Progressivement la musique instrumentale s’est détachée de la musique vocale, une de ses premières aspirations devenant alors d’imiter cette dernière. Avec le développement du concerto instrumental au XVIIème siècle en Italie, la différence entre ces deux genres musicaux devient de plus en plus marquée. Le concerto instrumental est presque comme un opéra pour instrument : l’instrument est mis en valeur en tant que soliste chanteur. Mais ce qui caractérise le concerto instrumental, c’est l’alternance des passages chantés et des traits virtuoses d’une technique inadaptée pour la voix. Par un développement des capacités spécifiques aux instruments, l’écriture de la musique instrumentale se démarque de plus en plus de celle de la musique vocale.

B) LE MODÈLE VOCAL DANS LES ÉCRITS

À l’époque du développement des grandes formes de la musique instrumentale, dans son berceau, l’Italie, la conception vocale de l’instrument occupait une place importante, comme l’indique la maxime du grand maître violoniste Tartini : Per ben suonare, bisogna ben cantare4 - pour bien sonner il faut savoir bien chanter. Bartolommeo Campagnoli (1751-1827) souligne non seulement l’évidence du modèle vocal pour la musique instrumentale, mais aussi la problématique que cela représente : Les règles que l’on donne pour la manière de ménager la respiration dans le chant sont applicables à l’archet ; il fait office de la respiration, c’est lui qui doit marquer les repos, et c’est en quoi consiste principalement l’art de phraser. Pour bien jouer disait Tartini, il faut bien chanter. Cependant il faut observer en passant que ce principe si vrai, si juste en général, et qu’il faut s’attacher à suivre, n’est point applicable à certains passages

4 La musique en France à l’Époque Romantique. Édition Flammarion, 1991, page 216

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propres à l’instrument, qui servent de contraste aux passages de chant et forment un genre d’expression que la voix ne comporte pas5. Au XIXème siècle, de nombreux grands maîtres du violon réservent une place importante au chant dans leur enseignement. En France, le professeur au Conservatoire de Paris Pierre Baillot (1771-1842) considère le son du violon comme une voix. Il prône qu’un jeu instrumental devrait être conforme à la manière de chanter, et il suggère d’ailleurs que le jury de violon du Conservatoire comprenne un professeur de chant. Dans son traité L’art du violon publié en 1834, il fait très souvent allusion à la voix humaine. Par exemple, Baillot dit en parlant de l’articulation : l’archet soutient les sons comme la voix qui chante, les doigts articulent comme la parole ils prononcent, et semblent quelques fois parler6. Concernant le vibrato, il souligne que l’ondulation placée avec discrétion donne au son de l’instrument beaucoup d’analogie avec la voix lorsqu’elle est fortement émue [page 148]. Baillot distingue également les quatre cordes en les comparant aux tessitures de la voix humaine : la seconde corde a quelque chose de doux et de pénétrant qui lui donne la plus grande analogie avec la voix de femme. La troisième corde a le caractère noble et velouté de la voix de contralto, et la quatrième corde c’est la voix de Ténor dans toute sa beauté [page 151- 152]. François Antoine Habeneck (1781-1849) fait également allusion à la voix dans sa Méthode Théorique et Pratique, notamment à travers cette explication très claire concernant le portamento : Dans l’art du chant on appelle porter la voix (portamento) l’action par laquelle on lie deux sons en parcourant pour ainsi dire tous les infiniment petits intervalles qui les séparent. On glisse la voix en montant comme en descendant d’un son à un autre. La même chose peut se faire sur le violon en glissant le doigt ; mais cela exige un goût et un tact très délicat…7

1) La méthode de Charles de Bériot

Ancien élève de Baillot, Charles de Bériot (1802-1870) va encore plus loin dans la direction prise par son maître. Sa Méthode de violon datant de 1857 est basée sur l’expression vocale comme modèle pour le violoniste. Le mariage de Bériot avec l’illustre cantatrice Maria Malibran a sans doute été une source d’inspiration pour son travail. Dans la préface, Bériot met en garde contre les tendances néfastes de la musique instrumentale, le jeu mécanique et l’absence d’un modèle vocal : La fièvre du mécanisme, qui, dans ces dernières années, s’est emparée du violon, l’a souvent détourné de sa mission véritable, celle d’imiter les accents de la voix humaine, noble mission qui lui a valu d’être appelé le roi des instruments8. Pour Bériot, le véritable rôle du violon est celui de reproduire et d’exprimer tous les sentiments de l’âme [page 11]. Car, dit-il ensuite la musique étant, avant tout, une langue de sentiment, sa mélodie renferme toujours en elle un sens poétique ; une parole, réelle ou fictive, que le violoniste doit avoir sans cesse dans l’esprit, afin que son archet en reproduise l’accent, la prosodie, la ponctuation, et fasse, en un mot, parler son instrument [page 12].

5 Wirsta A. L’enseignement du violon au 19ème siècle. 1971, page 168 6 Baillot P. L’art du violon. Éditions Fuzeau, 1834, page 162 7 Wirsta A. Op. cit. page 100 8 Bériot C. Méthode de violon. Éditions Fuzeau, 1857, page 11

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On trouve dans ce traité des chapitres détaillés sur les doigtés permettant d’imiter les inflexions de la voix, la prononciation de l’archet etc. Dans le chapitre Du doigter, Bériot distingue deux sortes de doigtés, celui de l’Expression et celui du mécanisme ; en d’autres termes le doigter du chant et celui du trait [page 114]. Le doigter employé dans le chant par les différents maîtres est un moyen puissant d’expression ; il sert à lier les sons entre eux et à imiter les inflexions de la voix humaine. Il varie chez tous les exécutants selon le sentiment qu’ils veulent exprimer [page 114]. La troisième partie de la méthode est consacrée à l’expression. Dans cette partie Bériot trace les parallèles entre la voix et l’exécution instrumentale. Il nomme deux catégories de vocalisation, le chant soutenu et le chant syllabique : La première consiste simplement à donner à chaque note toute l’étendue de sa valeur. La seconde au contraire d’abréger la note d’une façon proportionnée à l’énergie ou à la légèreté que comporte la mélodie [page 206]. Dans le chapitre De la prononciation de l’archet, Bériot insiste sur la clarté de l’articulation : Nous ne saurions trop le répéter : l’instrumentiste ne peut être parfait qu’autant qu’il reproduit les accents du chant dans ce qu’ils ont de plus délicat. Par le chant nous entendons non seulement la musique, mais aussi le poème dont elle est la brillante ornementation sans laquelle la mélodie ne serait qu’une vocalise. Il est donc de plus haute importance pour un chanteur de bien articuler les paroles qu’il est chargé d’interpréter [page 222]. L’auteur explique que la clarté d’une prononciation dépend surtout de l’énergie avec laquelle la consonne est prononcée. Ensuite il donne des exemples musicaux pour illustrer les différentes intensités de prononciations : Ce sont ces diverses nuances que le violoniste doit rendre en donnant à son archet une prononciation douce à la musique calme et sereine et en attaquant avec une force graduée la mélodie parlante. Cette accentuation donne à l’instrument le prestige de la parole ; en un mot le violon parle sous les doigts du maître [page 222]. À la fin du chapitre, on trouve des exemples musicaux avec texte pour souligner la prononciation, puis des extraits sans texte9. Bériot compare également la langue et la musique dans le chapitre De la Ponctuation : L’objet de la ponctuation est en musique ce qu’il est en littérature, c’est de marquer dans l’une et dans l’autre les temps de repos obligés [page 228]. Il considère les silences de la ponctuation comme des respirations de longueurs variables : Il est dans le corps d’une phrase des silences de si courte durée qu’ils ne sont pas toujours indiqués dans la mélodie ; ces petits temps de repos n’en sont pas moins commandés par le besoin de la respiration. C’est au jugement de l’artiste à discerner leur véritable place [page 228]. À la fin du chapitre, des exemples musicaux illustrent le propos dont un exemple vocal pour souligner les respirations existantes dans la partition sous forme de silences :

9 Voir annexes

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Puis des extraits instrumentaux dans lesquels les respirations sont indiquées par des virgules :

Dans le chapitre De la syllabation, Bériot définit la syllabation ou façon de syllaber comme la manière d’accentuer, de donner de l’élan, de séparer les mots et les syllabes dans la déclamation. Ce sont des nuances tellement fines qu’elles ne peuvent être notées précisément dans la partition, c’est à l’interprète de les sentir, c’est pour cela que Bériot les nomme la ponctuation du sentiment. Les exemples donnés dans ce chapitre sont issus de la musique dramatique, avec texte. Les trois premiers exemples de caractère déclamé montrent qu’entre une note pointée et la brève qui la suit, un temps de suspens est souvent naturel pour la syllabation :

Dans un caractère plus doux, il convient d’allonger insensiblement la première croche :

Concernant la prosodie de l’archet, ou l’art d’organiser les coups d’archet en cohérence avec le discours, l’auteur compare la musique à la littérature : La prosodie en littérature est l’art de prononcer chaque mot avec son accent et sa quantité [page 234]. Les exemples donnés prennent la parole comme modèle :

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Dans le chapitre Des sons vibrés, sa définition du vibrato s’approche à celle de Baillot : On entend par sons vibrés une certaine ondulation ou frémissement des notes tenues qui dans le chant indique l’émotion de l’âme transmise par la voix [page 242].

2) Les méthodes actuelles Une vision de l’apprentissage de la musique comme une langue maternelle est le fondement de plusieurs grands pédagogues, notamment ceux de la pédagogie active comme Zoltan Kodàly, Edgar Willems, Carl Orff etc. Dans le domaine des instruments à cordes, cette vision pédagogique est au cœur des méthodes développées par entre autres Shinichi Zusuki et Géza Szilvey. Ces méthodes sont fondées sur l’idée d’un processus commun entre l’apprentissage de la musique et de la langue que nous avons abordé dans le premier chapitre. Il existe aujourd’hui peu de méthodes écrites donnant de l’importance à la voix. Parmi de nombreuses méthodes d’alto consultées, peu d’entre elles semblent prendre comme modèle le chant. De celles utilisant la voix, on peut citer la méthode d’Egon Saßmannshaus, des recueils basés sur des mélodies traditionnelles comme entre autres 23 chansons pour l’alto d’Alexandre Metratone, Gemeinsam von anfang an viola de Hella Hartung-Elert et la Méthode de Claude-Henry Joubert. Dans la préface de cette dernière méthode, à l’attention des élèves, le chant est conseillé comme outil de travail indispensable : Beaucoup de chansons dans cette méthode : on doit toujours les chanter avant de les jouer10. Dès la première leçon, on trouve des accompagnements pouvant être chantés par les élèves. Dans cet ouvrage, le langage est souvent utilisé comme un outil ; dès la deuxième leçon, on trouve des comptines mises en musique.

L’auteur précise : Il faut, avant de jouer, apprendre à réciter cette comptine11. Le fait de réciter le texte aide l’élève non seulement à s’approprier et à sentir corporellement les rythmes, mais également à les réaliser sur l’instrument avec la bonne rythmique et les appuis naturels de l’archet. Malgré le fait que l’utilisation de la voix semble peu explorée dans les méthodes écrites contemporaines, de nombreux grands pédagogues de nos jours lui donnent une place importante dans leur enseignement et dans leur rapport avec l’instrument et la musique en général. On trouve de nombreuses références entre autres dans les entretiens avec Pablo Casals, ainsi que dans les œuvres écrites de Dominique Hoppenot et Xavier Gagnepain.

10 Joubert, C-H. Méthode d’alto. Éditions Combre, 1998, page 2 11 Ibid. page 9

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III : LA VOIX DANS LA PÉDAGOGIE INSTRUMENTALE À travers des entretiens avec des professeurs d’instruments à cordes ainsi qu’à travers les œuvres écrites par Dominique Hoppenot et Xavier Gagnepain, nous allons par la suite étudier plus concrètement comment la voix peut être utilisée dans l’enseignement d’un instrument à cordes.

A) LA RESPIRATION DE L’INSTRUMENTISTE La respiration n’est pas seulement une nécessité technique, sans laquelle on ne peut être placé corporellement. Elle est avant tout une nécessité artistique.12 Étant une fonction vitale, la respiration est d’une importance évidente pour le musicien. Au contraire des instrumentistes à cordes ou des pianistes, les chanteurs et les instrumentistes à vent sentent très concrètement à quel point une bonne respiration est fondamentale et indispensable pour toute expression musicale. N’étant pas directement impliquée dans l’émission du son chez les instrumentistes à cordes, la respiration est souvent négligée par ces derniers. Pourtant elle influe énormément sur tous les aspects du jeu. Il est donc très important pour l’instrumentiste à cordes de prendre conscience de sa respiration et de bien l’utiliser. Dominique Hoppenot définit parfaitement comment notre respiration doit en fait prendre modèle sur celle du chanteur qui respecte le phrasé, ce qui est déjà un gage de sa compréhension du texte musical. Comme lui, nous devrons tout dire comme dans un langage parlé, inséparable de l’expiration.13 Le grand danger pour les instrumentistes à cordes est la mauvaise habitude de n’utiliser qu’une faible partie du souffle. Les causes de cette mauvaise utilisation du mécanisme respiratoire peuvent être nombreuses. Très souvent il s’agit de mauvaises habitudes posturales et de crispations. Chez les violonistes et les altistes, le fait de placer l’instrument sous le menton contre le cou peut avoir pour conséquence une respiration étriquée, car si le positionnement de l’instrument n’est pas optimal, l’instrumentiste risque de serrer la tête et de se crisper, ce qui entraîne une rétention ou un blocage de la respiration. La respiration et l’état de tension musculaire sont en effet intimement liés, l’un étant à la fois l’effet et la cause du bon ou mauvais usage de l’autre. Considérer ces deux aspects séparément conduirait à un travail inutile. Pour trouver du confort et une réelle aisance sur l’instrument, il est aussi indispensable de respirer d’une façon ample et naturelle, que d’adopter une posture saine. Souvent les problèmes respiratoires ont des fondements purement psychologiques. L’enseignant doit donc être prudent en abordant la respiration avec les élèves, car ce travail met en cause bien plus de choses qu’on l’imagine. Beaucoup d’instrumentistes à cordes ont des difficultés à donner un départ, ou tout simplement à respirer avec leur instrument. Chanter permet de faire un travail sur la respiration sans pour autant fixer l’attention dessus.

12 Hoppenot D. Op. cit. page 165 13 Ibid. page 170

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Exercices

• Pour réussir à donner un départ clair, ou une respiration avant l’attaque, le moyen le plus naturel d’y parvenir est de chanter la phrase qui va être joué. L’élève comprendra d’autant mieux l’utilité de cette respiration, qui, dans son jeu instrumental, n’est pas à première vue une nécessité indispensable.

• Ceci peut ensuite se faire avec l’instrument, en chantant et jouant au même temps, ou avec une inspiration pour donner le départ et en une expiration en jouant le début de la phrase.

• La respiration dicte très souvent la ponctuation dans la musique. Il est très utile de chanter la partition pour déterminer les phrases (délimitées par les respirations) ainsi que la durée des ponctuations.

B) LE CHANT INTÉRIEUR Notre représentation intérieure est essentielle, car elle permet non seulement de dépasser nos capacités vocales, mais également de dépasser les capacités de l’instrument. Elle est notre idéal, notre modèle, la création de notre rêve. Comme le dit Xavier Gagnepain, la musique que l’on joue sort de ce rêve que l’on tente de transformer en réalité. Ce modèle est autant le fruit de notre vie intérieure, de notre individualité et de notre sensibilité personnelle que d’une imprégnation de l’extérieur, une enculturation. En d’autres termes, sa forme et son degré de complexité sont le résultat du bagage culturel, des connaissances, de la sensibilité et du vécu de chacun. Telle une éponge, le chant intérieur se gorge de toutes les informations issues des apprentissages passés et présents colorés par notre sensibilité personnelle. Il est donc le fruit de l’objectivité comme de la subjectivité. Le jeu d’un instrumentiste, son expression artistique dépendent de l’élaboration de son chant intérieur, et de sa capacité à reproduire celui-ci sur l’instrument. On doit constamment veiller à ce que ce chant soit toujours source de la création musicale, car, étant le fruit d’un processus intérieur, il est le premier sujet aux dangers d’une inattention voire d’un abandon. Il risque alors de se déformer, influencé par les défauts d’une technique instrumentale, ou pire encore, de disparaître totalement, remplacé par une unique volonté mécanique. Le discours musical devient alors incohérent ou vide de sens. Les défauts naturels du jeu d’un instrumentiste peuvent être nombreux. Faire un crescendo systématique en poussant l’archet, raccourcir une valeur par manque d’archet, presser ou ralentir à cause d’une mauvaise répartition de l’archet, sont quelques exemples des défauts qui ne devraient pas influencer le chant intérieur. Pourtant il n’est pas rare qu’une technique instrumentale mal maîtrisée vienne se substituer à la création d’un modèle musical conscient. Une habitude technique ou une difficulté prennent alors l’ascendant sur la volonté de création musicale. Un autre risque pour le chant intérieur est de se modéliser trop systématiquement sur les tendances naturelles de la voix. Pour prendre un exemple, le fait de faire un crescendo vers l’aigu est une tendance naturelle pour la voix qui n’est pas toujours valable musicalement, et qui ne devra pas être reproduite systématiquement à l’instrument. Il est donc important de toujours trouver le sens de ce qui doit être exprimé, de remettre en question son chant intérieur en développant une écoute critique, objective et sincère du produit de la réalisation instrumentale.

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Chanter reste la meilleure des solutions pour matérialiser le modèle intérieur. En premier lieu, le chant permet de vérifier l’existence et l’état d’un modèle intérieur. Dans un second temps, il rend plus accessible et évidente la reproduction de ce modèle sur l’instrument. Avec les plus jeunes élèves, on peut ainsi, en passant par le chant, aborder la notion de chant intérieur sans que cela semble totalement abstrait. L’utilisation de la voix permet à l’élève de développer son écoute, clarifier son interprétation, trouver un sens aux phrases musicales en s’exprimant librement sans les contraintes de l’instrument, pour ensuite chercher le geste instrumental adéquat par rapport au modèle vocal. De même que nous avons précédemment montré que certains problèmes extérieurs peuvent nuire au chant intérieur, il est frappant de constater que la plupart des problèmes rencontrés par les élèves sont dus à des carences dans l’élaboration de ce modèle intérieur. Pour remédier aux lacunes dans le chant intérieur, on peut procéder par étapes : chanter d’abord à voix haute, puis intérieurement, puis jouer en chantant à voix haute, puis en chantant intérieurement. On peut combiner librement toutes ces étapes pour créer le lien entre la voix de l’instrumentiste et la « voix » de son instrument. Exercice

• Xavier Gagnepain décrit dans son livre un excellent exercice pour la vérification du

chant intérieur : jouer un passage par cœur, interrompre le jeu tout en continuant la phrase mentalement, puis reprendre le jeu instrumental. Toute hésitation au moment des enchaînements entre le chant intérieur et le jeu instrumental (décalages rythmiques, justesse etc.) ou durant le silence dans laquelle la phrase est chantée mentalement (flottement, besoin de repères digitaux etc.), prouve une faiblesse du chant intérieur.

Le chant intérieur se modélise sur un type de son, ainsi que sur toute une série de paramètres : le rythme, l’harmonie, le son, le timbre, les hauteurs, les dynamiques, les articulations, l’acoustique etc. Nous allons aborder ces éléments par la suite.

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C) LE RYTHME La musique ne peut se passer du rythme. Tout en elle commence par là. Le rythme précède la mélodie qui n’existe que cadrée dans une durée et animée par une pulsation ; il est lieu de rencontre, possibilité de participation à l’harmonie générale. Le rythme est ordre, et donc point de la création ; il est aussi essentiel à la musique que le battement de cœur l’est à la vie. Sans lui, il n’y a plus de circulation ni d’échanges possibles14. Concernant le rythme, deux capacités sont essentielles pour l’instrumentiste à cordes : celle de sentir et vivre le rythme corporellement, et celle de pouvoir l’appliquer et le tenir sur l’instrument. Créer le lien entre ces deux aspects devrait être une des principales priorités dans l’enseignement du rythme aux instrumentistes. L’utilisation de la voix peut nous aider dans ce travail. Le chant a ce grand avantage qu’il nous permet de ressentir corporellement et de façon organique les sensations du rythme.

1) Le vécu corporel du rythme o La pulsation

La pulsation est une donnée corporelle et organique. Pour la sentir et l’ancrer, on doit la vivre corporellement. Omniprésente dans la vie de tous les jours, on la trouve aussi bien en nous, par la respiration, les battements de cœur etc. que dans le monde qui nous entoure où elle est présente dans tous les mouvements en relation avec la gravité. Pour l’illustrer on peut évoquer une balançoire en mouvement, une roue tournante sur laquelle est suspendu un poids etc. Pour sentir la différence d’énergie dépensée et l’abandon musculaire liés à la pulsation qui produira un geste instrumental et musical naturel, on peut évoquer le fait de sauter en l’air et retomber, de gravir une pente pour ensuite la descendre. Exercices

• Combiner le chant avec un geste du bras inspiré par une de ces images est un

excellent moyen de graver cette sensation de pulsation dans la mémoire corporelle de l’élève. Le but est de retrouver ce vécu de la pulsation dans le jeu instrumental.

• Ce travail peut aussi se faire en jouant et en marquant la pulsation avec les jambes - mais non juste avec les pieds : les jambes, étant des membres longs et lourds, nécessitent par leur inertie une préparation et une prévision de la durée, alors que les pieds ne font qu’accompagner les erreurs de rythme et de pulsation.

• Pour développer l’indépendance de la pulsation et du geste instrumental, on peut jouer une gamme en syncopes en disant à voix haute les temps, sans les marquer dans l’archet.

• Pour commencer un morceau en donnant un départ clair, le chant est un bon moyen pour déterminer la respiration, le caractère et le bon tempo. Pour être clair, une telle impulsion rythmique doit être vécue, elle ne doit pas être une décision mentale, mais une impulsion intérieure spontanée15.

14 Hoppenot D. Op. cit. page 144 15 Ibid. page 147

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o La Subdivision La subdivision doit être totalement et naturellement intégré dans le chant intérieur. Il est important de souligner qu’elle est valable non seulement pour la durée des notes, mais aussi pour la durée des silences. Exercices

• Pour ancrer le réflexe de subdivision, on peut énoncer celle-ci à haute voix

(compter, énoncer les syllabes d’un texte ou des onomatopées) pendant que l’on marche ou frappe une pulsation.

• On peut énoncer la subdivision en jouant. Dans un trait en doubles-croches, on dira par exemple à haute voix deux syllabes par note.

• Une très petite subdivision (par exemple en triples-croches) accentue l’erreur d’une valeur écourtée - ce n’est pas juste une croche qui a été volée, mais quatre triples ! Ce procédé permet aussi d’améliorer la perception de chaque note – au lieu de l’écouter une fois, on perçoit deux ou plusieurs fois chaque note.

o Les Carrures, l’Agogique

Ce ressenti rythmique, le vécu de la pulsation et la maîtrise de la subdivision sont des capacités essentielles sans lesquelles les notions de phrasé, de rubato et d’agogique ne peuvent exister et être maîtrisées. On peut considérer la pulsation comme la subdivision de la mesure et la mesure comme une subdivision de la carrure. On aura alors une organisation rythmique à grande échelle avec des mesures fortes et faibles. L’organisation rythmique d’une phrase musicale se fait donc à plusieurs niveaux, et c’est précisément cela qui lui permet de gagner en souplesse et en liberté.

2) Le rythme sur l’instrument Il n’est pas facile d’éprouver la sensation du geste dynamique qui marque le temps sur un instrument à cordes, car il est moins évident de sentir le rythme dans les gestes linéaires de celui-ci que dans les gestes verticaux d’un instrument à percussion. C’est pourquoi combiner le travail d’un instrument à cordes avec celui d’un instrument à percussion peut être très bénéfique pour ancrer la sensation du rythme. Pour l’instrumentiste à cordes, il convient d’utiliser souvent une rythmique corporelle – frapper des mains, marcher, faire des mouvements des bras, énoncer avec la voix etc. L’approche du rythme, son exécution et les difficultés rythmiques rencontrées varient en fonction des instruments et de leurs spécificités. Pour les instrumentistes à cordes, le fait de ne pas être en mesure n’est pas forcément lié à un mauvais ressenti rythmique. Les erreurs de rythme et de pulsation proviennent très souvent d’une mauvaise organisation du rythme sur l’instrument. Ce qui pose problème, c’est l’organisation du temps et de l’espace, ou en d’autres mots l’art subtil d’utiliser son archet en fonction de la valeur et de la quantité de notes à exécuter16. Les erreurs rythmiques dues à une mauvaise organisation de l’archet sont fréquentes. On entend souvent les dernières notes d’un groupe presser parce qu’il reste trop peu d’archet pour les jouer, ou au contraire des notes qui s’étalent et qui ralentissent le tempo parce qu’elles ne sont pas jouées à la bonne place d’archet. Un autre problème que l’on rencontre souvent est celui des silences qui ne sont pas vécus, considérés comme une sorte de vide,

16 Hoppenot D. Op. cit. page 147

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décalant le rythme et cassant le discours. La plupart des erreurs de cette sorte proviennent du fait que la durée des notes n’est pas vraiment ressentie matériellement. Le chant peut être un outil précieux pour ce ressenti de la durée. Exercices

• Il est très bénéfique de travailler la rythmique de l’archet en chantant, en solfiant ou

en énonçant le rythme, sans l’instrument, mais en jouant avec l’archet sur l’épaule gauche. La relation entre le chant, les dépenses d’air etc. et les mouvements du bras droit, donne une bonne sensation de la répartition, les proportions et les vitesses de l’archet. La compréhension des paramètres de la conduite d’archet s’acquiert souvent plus facilement par les sensations et le vécu corporel que par l’intellect.

• Une variante de cet exercice, plus complexe mais plus proche du jeu réel, est de travailler en chantant le morceau et en jouant avec l’archet sur les cordes à vide correspondantes.

• Un travail similaire peut se faire avec la main gauche. Dans les passages legato durant lesquelles la main gauche articule la rythmique, on peut travailler sans l’archet uniquement en articulant les doigts et en prononçant les notes le plus précisément possible.

o La fédération des gestes

Il est important pour l’élève de prendre conscience qu’une phrase peut être jouée comme une suite de notes séparées ou comme des notes reliées entre-elles. Prenons en exemple le début du 6ème Concerto Brandebourgeois de J. S. Bach : Les trois premières notes peuvent être jouées avec trois gestes (tire-pousse-tire, considérés comme trois gestes) ou dans un seul geste (tire-pousse-tire reliés, comme un seul geste). Dans le premier cas, la phrase sera discontinue, dans le deuxième cas, elle sera continue. Visuellement cela peut être représenté ainsi : en dessinant le symbole ≠ on doit faire trois gestes ; en dessinant Z, on fera qu’un seul geste. Dans les deux cas, le symbole est constitué des mêmes composantes (deux barres horizontales et une diagonale), la différence étant que le premier exemple est discontinu alors que le deuxième est continu. Si l’on ne ressent pas cette unité dans les gestes, chaque note devient un objectif et la musique perd sa direction et son sens. Jamais les contraintes instrumentales ne doivent dénaturer le rythme. Le rythme est extrêmement important dans tous les domaines du travail instrumental. Il est important de faire comprendre aux jeunes instrumentistes que le travail peut être fait en adoptant des tempi différents (en ayant fait au préalable l’expérimentation nécessaire du tempo final souhaité), mais qu’un travail sans une pulsation ressentie est un travail perdu, car comme le dit Xavier Gagnepain : Il n’y a pas de technique qui ne soit liée au temps17.

17 Gagnepain X. Du musicien en général … au violoncelliste en particulier. Éditions Cité de la musique, 2003, page 27

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D) L’HARMONIE Jouant d’un instrument à cordes, qui est d’abord un instrument mélodique, il est important de développer le plus tôt possible la mélodisation du chant par rapport à l’harmonie. L’harmonie est un décor essentiel à l’évolution du personnage mélodique : elle est porteuse des atmosphères, de couleurs diverses et d’un rythme harmonique. La connaissance et la sensibilité à ces phénomènes permettent une plus grande finesse émotionnelle de l’interprétation. Au fur et à mesure de l’apprentissage musical, une mémoire harmonique liée à des enchaînements d’accords fréquemment utilisés (cadences, modulations, pédales, marches etc), se construit. Le musicien acquiert alors la faculté de sensibiliser à l’avance son chant. Ainsi avec beaucoup d’expérience, l’interprète pourra d’après sa voix principale se créer une harmonisation virtuelle, une sorte de harmonisation par défaut. Celle-ci est le signe d’une mémoire harmonique riche d’expériences pouvant être ressorties de leur contexte pour être induites dans d’autres. Mais il faudra surtout prendre garde de toujours s’attarder sur l’harmonisation réelle du compositeur sans quoi le risque sera grand de passer à côté du trésor de subtilité ou de simplicité surprenante, dépassant le plus souvent notre imagination harmonique. Notre instrument mélodique est souvent exploré en tant qu’instrument polyphonique. Il devient un outil de la construction harmonique dans les œuvres comme les Sonates et Partitas pour violon, ou les Suites pour violoncelle de J. S. Bach. Mais son rôle harmonique est surtout considérable dans la musique d’ensemble. L’alto étant souvent voué à un rôle d’accompagnateur, il est important que l’activité émotionnelle du jeu ne soit pas mise de côté sous prétexte que la voix n’est pas principalement chantante, car la voix principale et l’accompagnement sont intimement liés. Une harmonie doit être conduite et colorée par un travail sur le son. C’est à cette seule condition que la voix principale pourra être inspirée et portée par un accompagnement. L’accompagnement ne doit pas se contenter de suivre la voix principale, mais doit la porter et la mettre en valeur. Pour ces raisons, il est primordial de toujours tenir compte de toutes les voix d’une œuvre quand on travaille une partie séparément. Exercices

• Pour développer la sensibilité à l’harmonie, on peut faire chanter un intervalle de

manières différentes selon l’harmonisation. Par exemple une quinte joyeuse, harmonisée avec un accord majeur, puis une quinte triste, harmonisée avec un accord mineur. Le but est de construire chez l’élève une sensibilité à l’harmonie – sensibilité qui doit être transmise dans le jeu instrumental. Cet exercice peut se faire aussi bien en chantant qu’en jouant sur l’instrument, et avec tous les intervalles chantables, bouts de phrase ou de mélodie etc.

• Dans des petits duos faciles, les élèves peuvent chanter la voix principale et jouer simultanément l’accompagnement, ou l’inverse :

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• Pour les élèves plus avancés, les Six Suites pour violoncelle de Bach sont essentielles pour développer l’oreille harmonique. On peut combiner toutes les possibilités de travail avec la voix : chanter la basse en jouant le dessus, chanter le dessus en jouant la basse, jouer voix par voix en chantant la basse etc. Ce travail permet de développer l’oreille harmonique, en abordant les notions d’harmonie, de chiffrage, de contrepoint etc.

• Les parties d’accompagnement en musique de chambre peuvent être travaillées en chantant la voix principale.

Ce travail sur l’harmonie a pour but de sensibiliser l’élève au contenu émotionnel de l’harmonie, afin de développer chez lui une autonomie dans son travail, notamment dans la pratique d’ensemble, mais également dans son travail personnel dans lequel il pourra effectuer ses choix de doigtés, de notes-guide du démanché etc. en fonction de l’harmonie et du discours musical.

E) LA JUSTESSE Étant une question omniprésente pour l’instrumentiste à cordes, la justesse exige de lui un travail perpétuel et une attention particulière. Elle est certes une question de repères physiques, mais elle est surtout une question d’oreille. C’est en développant l’écoute que la justesse se forge. Le danger pour l’enseignant d’un instrument à cordes, c’est d’être trop occupé à corriger les gestes ou les fausses notes sans chercher à savoir d’où les problèmes de justesse proviennent et pourquoi ils persistent. Souvent on confond la capacité de jouer juste avec la capacité d’entendre juste18. Le chant intérieur (ou l’écoute intérieure) permet à l’oreille de guider les doigts et de les placer au millimètre près, ou de corriger une note en une fraction de seconde. C’est plus précisément dans ce modèle intérieur que l’élaboration du discours musical, des intervalles, et de la justesse a lieu. L’écoute extérieure contrôle à son tour le résultat pour permettre de corriger la justesse. Le fonctionnement simultané des deux est capital. L’usage de la voix s’impose pour travailler l’oreille et la justesse, car la voix possède l’immense avantage de proposer un modèle indépendant des difficultés instrumentales ou corporelles19. Beaucoup d’élèves chantent juste mais jouent néanmoins faux, problématique qui remet en question le lien entre le chant intérieur, la réalisation instrumentale et l’écoute corrective. Si un élève joue faux il peut être utile de le faire chanter pour vérifier d’où le problème provient. Si l’élève chante faux, il est possible qu’il s’agisse d’une lacune dans son chant intérieur, ou au pire d’une absence de ce dernier. Cependant ce problème peut aussi être dû au développement de la voix de l’enfant ou de l’adolescent, pouvant entraîner une perte des repères vocaux. Il faut également toujours prendre en considération le fait que la voix des plus jeunes enfants n’est pas encore placée et développée. Si par contre l’élève chante juste et joue toujours faux, il s’agit probablement du lien entre le chant intérieur et l’exécution instrumentale qui n’est pas assez solide. Souvent les élèves ont tellement de préoccupations techniques avec l’instrument, que leur écoute corrective devient secondaire et beaucoup moins rigoureuse lorsqu’ils jouent. Ils n’entendent alors pas forcément qu’ils jouent faux. Si l’enseignant reproduit la phrase fausse, l’élève va 18 Hoppenot D. Op.cit. page 135 19 Gagnepain X. Op. cit. page 44

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entendre les erreurs, car n’étant pas lui-même acteur, il va pouvoir se concentrer uniquement sur l’écoute. Dans tous ces cas décrits, il est extrêmement bénéfique de passer par une phase chantée. Il est très important de développer ce lien entre la personne et son instrument dès le début de l’apprentissage. Exercices

• Pour travailler l’écoute intérieure et l’écoute corrective, il faut être systématique :

chanter la note qui doit être jouée, poser le doigt, chanter la note suivante avant de poser le doigt etc. Ceci est un travail minutieux de justesse et de sensibilité tactile. Ce travail est surtout approprié dans les gammes et autres exercices pour placer la main gauche.

• Avant qu’il ne joue son morceau, on peut demander à l’élève de le chanter en plaçant en même temps les doigts sur le manche, sans jouer avec l’archet.

• Pour la justesse et l’anticipation de l’oreille, on peut très tôt habituer l’élève à chanter et jouer en même temps. Au début c’est difficile, mais petit à petit un lien se crée entre lui et son l’instrument – il n’y a plus de séparation entre les deux. Une fois ce lien entre la voix et l’instrument bien consolidé, les élèves chantant juste ne supportent plus jouer faux.

• Il est toujours bénéfique, tant pour la justesse que dans tous les autres domaines, de chanter ses morceaux sans l’instrument.

• Dans des œuvres comme les Suites pour violoncelle de Bach, la connaissance de la ligne de basse est indispensable pour bâtir la justesse – les exercices du chapitre sur l’harmonie sont d’un grand intérêt dans ce sens.

• Il peut être très utile de chanter les démanchés afin de mieux percevoir la distance auditive et physique entre les deux notes

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F) LE SON Le son est au violon ce que la voix est au chant, la forme matérielle qui donne vie à la musique, et qui en est inséparable […] Comme la voix, le son est le support musical absolu, le fil qui véhicule la musique et fait naître l’émotion. La nécessité de placer le son est donc aussi impérative que celle de placer sa voix. Le violoniste dont la sonorité n’est pas centrée en permanence est aussi éloigné de sa fonction d’interprète que le serait un chanteur à la voix coincée et détimbrée20. Pour avoir un beau son, il faut d’abord avoir une idée de ce qu’on veut entendre. Sans le chant intérieur, on ne saurait produire un beau son21. Quoi que l’on cherche comme qualité sonore, c’est dans le chant intérieur que le modèle se forge. Face à un son de mauvaise qualité, on doit donc s’interroger sur l’état ou l’existence du chant intérieur. Dans le travail sur le son, il est également indispensable de développer une conscience corporelle : conscience de la posture, de l’équilibre, de la respiration libre, de la disponibilité musculaire etc. Car comme le chanteur, on a besoin de tout le corps pour produire du son ; comme le dit Dominique Hoppenot : la sonorité du violoniste ne peut lui être extérieure. Le son comme la voix vient du fond de l’être22.

1) L’archet

Le son instrumental est caractérisé par plusieurs composantes dont les plus importantes sont la résonance et le timbre. Ces paramètres sont principalement gérés par la vitesse et l’adhérence de l’archet sur les cordes. Les modes de jeu de l’archet sont nombreuses, et on peut les varier à l’infini. Le son est une partie aussi importante de l’identité d’un musicien que l’est sa voix, et il n’y existe pas deux musiciens ayant le même son. Cependant on peut distinguer différents types de son et de modes de jeu de l’archet : ceux avec une vitesse d’archet prépondérante, ceux avec une adhérence de l’archet prépondérante.

2) La main gauche

Dans la production du son, le mouvement de l’archet tient un rôle prépondérant, mais la main gauche contribue largement à la production du son par la façon de poser les doigts ainsi que par le vibrato. Ce dernier n’est pas seulement un moyen expressif, il contribue à la qualité sonore en libérant les harmoniques. Le problème de la continuité du vibrato a non seulement pour cause une difficulté physique, mais aussi une difficulté à suivre le chant intérieur dans sa continuité sur l’instrument ; il est frappant de constater qu’on oublie souvent de donner de l’expression à certaines petites notes sur l’instrument, alors qu’on les vibre en chantant. Dans l’apprentissage du vibrato, le modèle vocal est rarement utilisé, notamment parce qu’il faut avoir une certaine technique vocale pour vibrer en chantant et que les voix d’enfants ne vibrent pas naturellement. De plus, le vibrato du chant lyrique est différent de celui d’un instrument à cordes. Celui du chant est plus lié à l’intensité et à la hauteur de la courbe mélodique que celui du jeu instrumental, qui ne suit pas forcément ces paramètres.

20 Hoppenot D. Op. cit. page 116 21 Gagnepain X. Op. cit. page 33 22 Hoppenot, Op. cit. page 129

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Pour sensibiliser l’élève au vibrato, on peut lui faire écouter différents instruments vibrants, comme la flûte, le hautbois et évidemment la voix. Cependant le vibrato ne peut se développer que sur la base d’un legato bien maîtrisé : quand on lie bien les notes, on chante sur l’instrument ; souvent le vibrato apparaît naturellement chez celui qui sait bien lier les notes entre-elles. Chanter peut donc aider à s’approcher de la sensation du vibrato instrumental ; car le vibrato est avant tout une sensation et une expression émotionnelles, qui se trouvent naturellement dans le chant.

3) Les dynamiques Concernant les nuances du jeu instrumental, il est très parlant pour les élèves de faire un parallèle avec les variations d’intensité de la voix : une voix qui peut chuchoter, murmurer, dominer, s’imposer selon le discours musical. Exercice

• Pour prendre conscience de la palette de nuances et développer celle-ci, on

peut demander à l’élève de chanter ou de parler une phrase avec des intensités différentes : chuchoter, parler normalement, parler comme devant un grand auditoire etc. En chuchotant l’élève remarquera que plus il parle doucement, mieux il doit articuler pour se faire comprendre – ce qui est vrai aussi en musique.

• Cet exercice peut ensuite se faire avec l’instrument.

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G) LES ARTICULATIONS Qu’il s’agisse de doigtés, de démanchés ou des coups d’archet, le chant est un indicateur très précis des articulations du chant intérieur et du jeu instrumental. En chantant, on fait appel à un instinct musical intuitif qui permet de trouver des solutions instrumentales respectant le plus possible l’expression musicale. Le chant peut souvent nous guider face aux questionnements suivants :

• À quel moment démancher ? • Si le démanché a lieu entre deux coups d’archet, dans lequel se fait-il ? • Avec quel doigté (avec un seul doigt ou avec un changement de doigté) ? • S’il s’agit d’un changement de doigté, en passant par quelle note ?

Une très grande attention doit être accordée à ces différents paramètres et processus de l’articulation de la main gauche.

Les onomatopées

Il peut être très intéressant de pratiquer le chant sur onomatopées avec les élèves. Les combinaisons de voyelles et consonnes peuvent être variées à l’ infini. Le choix intuitif des onomatopées étant très personnel, ce chant donne des nombreux indices sur l’interprète concernant sa personnalité, ses goûts, ses choix d’articulations, ses modes de jeu (portamenti, doigtés, coups d’archet, types d’attaques), sa conduite de son etc. Le choix des onomatopées, qui se fait en fonction du caractère, de l’expression et du son que l’on veut obtenir, est totalement personnel. Cependant, il y a des constantes universelles, des choix que presque tout le monde fait intuitivement. Les exemples suivants ne sont pas des règles, mais des tendances assez générales. On emploie le plus souvent des consonnes occlusives pour les attaques :

• Pour une attaque percutante : Ta ou Pam selon la rondeur du son, par contre le K évoque un son dur souvent associé au craquement sur l’instrument.

• Pour une attaque plus ronde : Da ou Bam, le G donne quasiment le même effet que le K.

• Pour des attaques souples : Ya, onomatopée qui est également souvent utilisée pour dessiner l’assise rythmique et le rebond, avec une préparation longue, Y, suivie d’un a au fond du temps :

Ex : Gigue de la 2ème Suite pour Violoncelle de J. S. Bach

• Pour les coups d’archets sautés, on emploie le plus souvent Da ou Ga, et dans un tempo très rapide une alternance entre deux consonnes comme Da Ga ou Ta Ka pour faciliter l’émission : Ex : Kegelstatt Trio de W. A. Mozart, 2ème mvt.

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• La résonance est différente selon le

tempo. Dans un tempo lent, on prononce la fin de chaque note avec un M ou un N - par exemple Bam ou Pam. Ex : Quatuor op. 77 N° 1 de J. Haydn 1er mvt. Dans un tempo rapide, on enlève naturellement cette terminaison de chaque note pour préserver la fluidité.

• Quant aux voyelles, on associe souvent leur sonorité avec une tessiture : il est plus naturel d’utiliser O et U pour une tessiture grave, et A, E, Y, I dans l’aigu. Le choix de la voyelle se fait également en fonction de la projection du son : le A projette naturellement plus que le O ou le I.

Le but de ce travail sur onomatopées est de créer un lien entre les sensations vocales et les sensations instrumentales, par leur imitation mutuelle. Exercices

• Exercice de Xavier Gagnepain : pour rendre conscient l’élève de la fabrication des

attaques et de la prononciation de l’archet : Lui demander de dire Papa sans fermer la bouche – c’est impossible ! Lui demander alors d’imaginer que la corde est sa lèvre inférieure, les crins de l’archet sa lèvre supérieure et le mouvement du bras droit son souffle. Ainsi l’élève va mieux comprendre qu’il parle avec l’instrument comme avec sa bouche : les vitesses de l’archet, correspondent à l’air dans la voix, les crins de l’archet et la résistance de la corde sont les lèvres qui articulent avec plus au moins de définition, articulation qui est surtout fabriquée par les doigts de la main droite.

• Il peut également être intéressant, utile et amusant pour l’instrumentiste d’essayer

de reproduire des sons du langage parlé sur l’instrument – ou l’inverse. On peut demander à l’élève de prononcer des noms (par exemple son prénom) ou des mots avec l’archet.

Ex : Extrait de la Méthode de C-H Joubert, page 9 Cet exercice peut être développé en incluant différents paramètres de l’articulation de l’archet (coups d’archet, accents, modes de jeu), mais également ceux du rythme et des hauteurs.

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• Dans un niveau plus élevé, on peut demander à l’élève de prononcer une phrase

parlée ou lue dans un texte avec l’archet. • Dans la musique contemporaine, on peut employer toute la palette des consonnes,

des voyelles et des onomatopées : le S ou le Ch pour un son sifflé, le Kr ou le Gr pour un grincement, le F ou le H pour un son aéré etc.

H) L’INTERPRÉTATION Le chant est le véhicule privilégié de ce vécu intérieur, que l’instrument ne doit jamais camoufler ou remplacer. Qu’il soit exprimé ou intériorisé, fredonné, ou murmuré, que la voix soit sortie ou non, le chant devrait être présent à toutes nos recherches de phrasé, à toutes nos décisions d’interprète23. Les difficultés physiques liées à l’instrument prédominent souvent dans l’apprentissage à un tel point que l’interprétation est abordée très tardivement, alors que cette notion devrait aller de paire avec la progression générale, musicale et instrumentale de l’élève. L’utilisation de la voix permet d’aborder la notion d’interprétation avec l’élève dès le début de l’apprentissage. En s’exprimant avec sa voix, l’élève est libéré des contraintes de l’instrument ; il pourra dès son premier contact avec la partition se faire une vision globale de l’oeuvre, et sera rapidement et naturellement amené à faire un certain nombre de choix d’interprétation personnels. Ceci est un facteur de motivation considérable pour l’élève. La voix permet à l’élève de développer une expression personnelle ; cependant une expression personnelle n’est pas tout, car en abordant l’interprétation, la problématique du style, du goût et de la fidélité au texte se pose forcément. Le chant intérieur doit toujours être remis en question, non seulement par rapport au goût et au style personnel, mais également par rapport à une éducation musicale et une culture globale. Car comme nous l’avons vu précédemment, l’expression personnelle se nourrit des connaissances musicales et d’un bagage culturel. Une approche intuitive et une approche analytique sont donc deux faces tout aussi importantes de la recherche d’une expression juste et d’une interprétation à la fois personnelle et universelle.

23 Hoppenot D. Op. cit. page 189

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CONCLUSION La voix est un outil de première importance pour l’enseignant d’instrument dont une des priorités est de faire prendre conscience des relations entre musique et technique, entre son et geste, le lien entre l’intérieur et l’extérieur. Aujourd’hui encore des idées préconçues persistent concernant le chant : certains professeurs d’instrument pensent que le chant peut bloquer et inhiber les élèves, d’autres ont peur de chanter ou de faire chanter les élèves parce qu’ils estiment ne pas maîtriser la technique vocale. Cependant l’utilisation de la voix, à quelque niveau que se soit, est le plus souvent très utile et bienfaisante pour l’instrumentiste. La voix est le moyen le plus sûr de faire prendre conscience de l’expression et de la façon dont on l’extériorise. L’utilisation de la voix n’est pas en soi un objectif pour l’instrumentiste, elle consiste plutôt en une étape dans l’apprentissage ; une étape qui peut être extrêmement bénéfique pour certains et moins nécessaire pour d’autres. Cependant la prise en considération de la voix est indispensable pour tout instrumentiste24. La voix est très présente dans l’apprentissage de la plupart des musiques autres que la musique classique : on peut évoquer les percussionnistes traditionnels indiens avec leur système d’onomatopées, les musiciens de blues dont l’expression est directement issue de la vocalité, les instrumentistes de jazz et de musiques traditionnelles dont l’apprentissage est basé sur la transmission orale etc. Ces différentes musiques et leur pédagogie devraient être source d’inspiration pour le musicien classique dont l’apprentissage est souvent trop profondément ancré dans la tradition de la partition et de la lecture. Tous ces exemples nous montrent également que l’instrument n’est pas un but en soi, mais que dans l’absolu il faudrait l’oublier et ne plus penser qu’à faire de la musique, c’est-à-dire s’exprimer, parler et chanter à travers l’instrument. Donner une place au chant dans l’enseignement instrumental est un facteur de motivation considérable pour l’élève. L’utilisation du chant et l’expression vocale soulignent la nécessité de sens et de communication dans la musique. Le chant permet d’avoir dès le départ une vision globale de la musique que l’on joue, et de favoriser ainsi l’interprétation. Enfin, cultiver l’utilisation de la voix avec les élèves permet de développer chez eux une autonomie dans leur travail : sachant se servir de cet outil précieux qu’est sa voix, l’instrumentiste peut souvent par lui-même trouver des solutions à ses problèmes instrumentaux et des réponses à ses questionnements musicaux.

24 Albaretaz MC. Chanteur et musicien. Édition IPMC, 1989

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

EXTRAITS DE LA METHODE DE CHARLES DE BÉRIOT

Du chapitre « De la prononciation de l’archet » :

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