la certification environnementale iso 14001 appliquée aux … · 2016-04-26 · résumé l’arti...
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RésuméL’arti
3 TechniPorc, Vol. 31, N°1, 2008 - la revue technique de l’IFIP Synthèse
La norme ISO 14001 constitue un cadre métho-dologique possible, mais il importe d’en cerner les contraintes et attendus dans le contexte des élevages porcins. En effet, cette norme reste peu connue : elle est souvent perçue comme difficile à mettre en œuvre, mais les références appuyées sur des expériences réelles de certification sont peu nombreuses, quatre élevages porcins seule-ment étant à ce jour certifiés en France.C’est pourquoi, l’IFIP a accompagné, avec l’appui financier de l’Agence de l’eau Seine Normandie, deux élevages porcins dans leur démarche, jusqu’à l’obtention de la certifica-tion ISO 14001. La mise en place a nécessité 18 mois et le certificat a été délivré en avril 2005. L’effort nécessaire en temps et en dépenses a été mesuré au quotidien. Des indicateurs ont aussi été définis pour mesurer les incidences de la certification ; ils ont été renseignés dans les deux élevages, respectivement au début du projet et deux années après la certification.
Qu’est-ce que la norme internationale ISO 14001 ?
L’ISO 14001 est une norme internationale de
certification environnementale qui s’applique à tout type d’entreprise. Elle vise une amélio-
ration continue par rapport à la gestion des
impacts sur l’environnement.
Cette norme a été élaborée en 1996 (et révisée en 2004) par l’instance officielle de normalisa-tion internationale (ISO1) ; elle a été établie par consensus en réunissant les parties intéressées au problème de la protection de l’environnement. Elle repose sur la mise en place d’un système
de gestion de l’environnement (SGE). Celui-ci aborde l’organisation, les activités de planifi-cation, la définition des responsabilités, les pratiques, les procédures, les techniques et les ressources, pour élaborer, mettre en œuvre, réaliser et maintenir la politique environne-mentale de l’exploitation (Baron, 2000).
La certification environnementale ISO 14001
appliquée aux élevages porcins français
RésuméDans une étude financée par l’Agence de l’Eau Seine Normandie, l’IFIP a accompagné deux élevages porcins dans leur démarche vers la certification ISO 14001, jusqu’à son obtention. Une méthode a été éprouvée et des références, sur l’investissement requis et les retombées de la démarche, ont été obtenus, dans l’objectif d’appréhender l’accessibilité de la méthode à différents types d’élevages. Le temps nécessaire à la mise en place de la certification est évalué à une centaine de jours répartis sur deux ans. Le coût total varie, selon le type d’élevage, de 0,007 à 0,034 €/kg de carcasse. Ce besoin important de temps lors de la mise en place réserve cette démarche à des élevages de plus de 200 truies. Les retombées positives consistent en une amélioration des conditions de travail et de l’image de l’élevage auprès des tiers. Aucune retombée économique directe ne semble escomptable dans le contexte actuel. Au quotidien, le système est vécu comme contraignant. Un travail de simplification est nécessaire pour consolider l’appropriation de la démarche dans les deux élevages certifiés et permettre à d’autres d’y accéder plus facilement. Au terme de cette expérience, la certification environnementale reste une solution mobilisable parmi d’autres pour contribuer à la gestion des impacts environnementaux de l’élevage.
Sandrine ESPAGNOLYvon SALAUN
Face à la pression environnementale exercée sur les élevages (durcissement continu de la réglementation, attentes de la société, …), la mise en place d’une certification
environnementale ISO 14001 est parfois présentée comme une démarche utile pour aider les éleveurs porcins à réagir (Montel, 2002). La certification environnementale est aussi au cœur de l’actualité : le Grenelle de l’environnement l’envisage pour 50 % des exploitations à l’horizon de 2012, même si aucune méthode n’est explicitement mentionnée.
L’application de la norme est volontaire. ✔ Aucun texte de loi n’oblige un élevage à appli-quer la norme.
Elle vise une amélioration continue de la situation environnementale de l’élevage
✔ Elle ne fi xe pas le niveau de performance environnementale à atteindre.
Elle suppose le respect préalable des lois, règlements et autres contraintes existantes applicables à l’élevage.
✔ Elle n’impose pas de seuil réglementaire sup-plémentaire.
Chaque éleveur détermine le niveau d’objectif qu’il veut atteindre dans la mesure de ses moyens.
✔ La norme n’impose pas un niveau zéro d’émis-sion de polluants ou de rejets.
✔ Elle n’impose pas de mettre en place un sys-tème documentaire complexe et lourd à gérer.
✔ Elle n’oblige pas à communiquer à l’extérieur les résultats environnementaux de l’élevage.
1 International Standardization Organization
4 Synthèse TechniPorc, Vol. 31, N°1, 2008 - la revue technique de l’IFIP
Les étapes de mise en place de l’ISO 14001
Le cadre général
La première étape est la réalisation d’un diagnostic, comportant :- une analyse environnemen-
tale : elle conduit à identifier les impacts environnementaux de l’élevage les plus critiques, en lien avec les activités et opéra-tions réalisées dans l’élevage : les « aspects environnementaux significatifs » (Tableau 1). La cri-ticité des impacts est accrue par l’importance de l’aspect environ-nemental et diminuée par la maî-trise de l’éleveur.
- une analyse de conformité
réglementaire : elle identifie les non-conformités éventuelles.
Le diagnostic initial met en évi-dence les points faibles sur les-quels doivent porter en priorité les efforts d’amélioration.
La mise en place du SGE permet de disposer d’un outil de gestion
de l’environnement qui peut être simple et cohérent avec le fonc-tionnement de l’élevage, en pre-nant en compte l’existant.
Pour être certifié et bénéficier d’une reconnaissance officielle, l’outil obtenu doit être conforme aux exigences de l’ISO 14001 qui attestent du bon fonctionnement du système mis en place et de la crédibilité de la démarche. L’éleveur doit solliciter un audit de certifica-tion auprès d’un organisme agréé2. Un auditeur statue, dans l’élevage,
sur la qualité de la gestion environ-nementale mise en place et déli-vre (ou non) un certificat, valable
pour trois années. Chaque année, un audit externe de suivi est réa-lisé, pour accompagner l’éleveur et apporter un regard extérieur.
Les étapes intermédiaires
La mise en place du SGE et son fonctionnement ultérieur peuvent être représentés par un cycle de quatre types d’actions (Figure 1). Le déroulement du cycle fait pro-gresser la roue symbolisant l’amé-lioration continue.
➊ Actions de planification : La planification découle des résul-tats du diagnostic initial. Sur la base des points faibles prioritai-
Tableau 1 : Activités réalisées dans les exploitations porcines et leurs aspects et impacts environnementaux associés
En situation normale de fonctionnement :
Activité Aspect environnemental Impact environnemental
Consommation d’énergie
Utilisation d’un groupe électrogène Émissions sonores Nuisances sonoresConsommation d’électricité Consommation d’électricité Diminution ressources énergie fossile
Consommation de fuelConsommation de fuel Diminution ressources énergie fossile
Émissions gazeuses Pollution airConsommation de gaz Consommation de gaz Diminution ressources énergie fossile
Consommation d’eau
Consommation d’eau pour l’atelier porc Consommation d’eau Diminution ressource en eauConsommation d’eau pour l’irrigation Consommation d’eau Diminution ressource en eau
Alimentation des porcs
Distribution automatique d’aliments Émissions sonores Nuisances sonoresFabrication d’aliments à la ferme (FAF) Émissions sonores Nuisances sonores
Nettoyage/désinfection des bâtiments Émissions sonores Nuisances sonores
Gestion des effl uents
Stockage des effl uents dans le bâtiment
Émissions gazeuses Pollution airÉmissions d›odeurs Nuisances olfactives
Stockage des effl uents en fosses extérieures
Émissions gazeuses Pollution airÉmissions d’odeurs Nuisances olfactives
Épandage des effl uents
Émissions sonores Nuisances sonoresApport d’azote à la parcelle Pollution eauApports de phosphore et de
potasse à la parcelle Pollution sol eau
Apport de métaux lourds à la parcelle Pollution sol eau
Émissions gazeuses Pollution airÉmissions d’odeurs Nuisances olfactives
Traitement des effl uentsÉmissions sonores Nuisances sonores
Émissions gazeuses Pollution airÉmissions d’odeurs Nuisances olfactives
2 Organismes tiers chargés de valider un système de certification sur la base du contrôle de critères définis dans un cahier des charges. Ils sont définis dans une norme européenne EN 45011 depuis 1992.
Pour certifier son
système l’éleveur doit
solliciter un audit
de certification
auprès d’un
organisme agréé.
5 TechniPorc, Vol. 31, N°1, 2008 - la revue technique de l’IFIP Synthèse
En situation d’incident ou d’accident :
Activité Aspect environnemental Impact environnemental
Utilisation d’installations à risque (groupe électrogène, installations électriques, chaudière, stockage fuel,
stockage gaz, séchoirs)
Risque d’incendie et d’explosion lié à dysfonctionnement Incendie, explosion
Stockage de produits à risque (fuel, produits vétérinaires, produits lessiviels, co-produits de traitement, effl uents,
engrais minéraux, produits phytosanitaires, huile, céréales, déchets, cadavres)
Risque de fuite locale vers le milieu extérieur lié à vétusté stockage ou manipulation (remplissage et vidange)
Pollution sol eau
Risque d’incendie et d’explosion Incendie, explosion
Transport des fertilisantsRisque de fuite locale
vers le milieu naturel en cas d’accident routier
Pollution sol eau
Prélèvement d’eau
Risque de pollution de la ressource en eau lié au prélèvement en d’arrivée de
polluants à la source
Pollution eau
Nettoyage du matériel de fertilisation et de traitement phytosanitaire
Risque de fuite locale d’éléments à risque pour l’environnement
vers le milieu naturelPollution eau sol
Réalisation d’activités à risque au niveau de l’atelier (soudure)
Risques d’incendie et d’explosion des installations lié
aux activités de l’atelierIncendie, explosion
Catastrophes naturelles Inondation Pollution eau
Orage (Foudre) Incendie, explosion
Activité Aspect environnemental Impact environnemental
Fertilisation minérale
Émissions gazeuses Pollution airApport d’azote à la parcelle Pollution eauApports de phosphore et de
potasse à la parcelle Pollution sol eau
Traitements phytosanitairesApports de produits
phytosanitaires à la parcelle Pollution eau
Émissions gazeuses Pollution airSéchage de la récolte Émissions sonores Nuisances sonores
Circulation sur le site
Transport routier lié au transport de matières premières et d’animaux
Émissions sonores Nuisances sonoresÉmissions gazeuses Pollution air
Utilisation d’engins agricoles
Modifi cation de la qualité physique du sol Érosion du sol
Émissions sonores Nuisances sonoresÉmissions gazeuses Pollution air
Entretien et aménagement du site Aspects extérieurs de l’exploitation Nuisances visuelles
Départ des porcs Émissions sonores Nuisances sonores
Gestion des cadavres Stockage des cadavres sur l’exploitation Émissions d’odeurs Nuisances olfactives
Maintenance Stockage de déchets inertes et industriels banals (DIB)
Visibilité du stockage des déchets inertes et DIB Nuisances visuelles
Surveillance du site et sécurité : utilisation d’alarme Émissions sonores Nuisances sonores
En situation normale de fonctionnement (suite) :
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res, l’éleveur définit sa politique environnementale, ses objectifs et cibles, et construit un programme de travail.
➋ Actions de mise en œuvre :
L’éleveur met en œuvre le pro-gramme de travail. Il précise les méthodes lui permettant de maî-triser les impacts environnemen-taux de ses activités (procédures) et équipements (contrôles et entretien réguliers). Il implique ses salariés en leur confiant des res-ponsabilités, définit les documents nécessaires (et suffisants), forme et
sensibilise ses salariés, et met en place des moyens pour prévenir les risques d’accident et réagir s’ils surviennent malgré tout.
➌ Actions de contrôle : Après la mise en œuvre du SGE, l’éleveur vérifie régulièrement son fonction-nement ; des indicateurs et enre-gistrements, dont les résultats sont suivis et analysés, permettent une amélioration environnementale continue.Il vérifie l’évolution des « aspects » et « impacts » environnementaux, l’atteinte des objectifs et cibles, les performances environnemen-tales de l’élevage, l’état des équi-pements à risque pour l’environ-nement. Il réalise également une veille réglementaire.
➊ Actions de correction : Sur la base des résultats du contrôle, l’éleveur identifie des dysfonction-nements ou non-conformités. Il met en place en conséquence des actions correctives appropriées et, au besoin, définit des actions pré-
ventives. Il peut également ajuster ses objectifs et cibles et envisager de nouvelles améliorations de la situation environnementale de l’élevage.
La figure 2 présente de façon syn-thétique le fonctionnement d’un SGE.
Témoignage des éleveurs
concernant la mise en place
du SGE
Les éléments du SGE ont été per-çus comme plutôt utiles et relati-vement simples à réaliser.L’analyse environnementale et la définition d’indicateurs envi-ronnementaux sont ressenties comme plus difficiles au plan de la méthode.Le travail demandé par l’ISO 14001 sur la définition des responsabili-tés et la communication interne semble surtout utile en cas d’ar-rivée d’un nouveau salarié dans l’élevage ; en effet, au quotidien, la mise en place et la vie du SGE
Planifier Mettre en œuvre
RéagirCorriger Contrôler
Figure 1 : Roue de Deming Principe de l’amélioration continue
AES & IES maîtrisables
Définition etapplication de
méthodes pourmaîtriser les activités
à risque pourl’environnement
Prévention ougestion dessituationsd’urgence
Mise en place du programmed’améliorations
Contrôle etentretien des
équipements àrisque pour
l’environnement
Réception des demandesextérieures et
apports deréponses Indic. de contrôle
et entretienIndic. de suivi Indic. de
performanceTableau de bord du suivi
des demandes extérieures
Rapport d’audit
Tableaux de bord surveillance et mesurage
Actions correctives Actions préventives
Communicationinterne
Objectifs et cibles
Tableaux de bord de suivi des non-conformités
Rapports testssituations d’urgence
et suivi accidents
Diagnostic
Audits internes
Veille
Politique
Surveillance et mesurage
REUNION DE BILAN
Exigences réglementaires
Identification des conformités
Figure 2 : Synthèse du fonctionnement d’un SGE
La mise en œuvre
d’une nouvelle boucle
d’amélioration, après
un premier cycle de
3 ans, est considérée
comme difficile par les
éleveurs.
7 TechniPorc, Vol. 31, N°1, 2008 - la revue technique de l’IFIP Synthèse
reposent surtout sur le chef d’ex-ploitation.La mise en œuvre d’une nouvelle boucle d’amélioration, après un premier cycle de 3 ans, est consi-dérée comme difficile par les éle-veurs. Globalement, le système docu-mentaire est jugé trop lourd malgré des documents perçus individuel-lement comme utiles et simples à utiliser : un travail de simplification est engagé par les éleveurs.
L’investissement nécessaire à la mise en place de l’ISO 14001Le tableau 2 synthétise le coût total de mise en place d’un SGE en fonction de la taille d’élevage et les coûts annuels d’exploitation après l’obtention de la certification.
Il comprend :➊ L’investissement en temps
nécessaire pour mettre en place un SGE dans un élevage porcin « néo-phyte » est estimé à environ 110
jours pour le chef d’exploitation
et 3 jours par salarié. Ce temps semble difficilement compressi-ble, compte tenu de la nécessaire implication personnelle de l’éle-veur pour aboutir à un système adapté à sa propre situation.Pour des raisons de disponibilité de la main-d’œuvre, il est réaliste de répartir cet investissement ini-tial sur deux années.➋ Les dépenses concernent les audits externes, les formations et l’accompagnement éventuel de l’éleveur.- L’audit externe est indispensable pour obtenir la certification. Son coût est très dépendant de l’orga-nisme certificateur et varie selon la taille de l’exploitation et la diver-sité des activités réalisées.- Une formation à la réalisation d’audits internes s’avère égale-ment utile.- L’accompagnement extérieur est quasi indispensable à l’obtention d’un SGE parfaitement fonction-nel. Toutefois, l’utilisation d’une méthode pré-existante pour la mise en place du SGE peut réduire à quelques jours ce besoin.
D’autres investissements peuvent être induits par les choix du pro-gramme d’amélioration. Ces der-niers, à raisonner au cas par cas, ne sont pas directement imputables au SGE et ne sont donc pas pris en compte ici.
Exprimé par kilo de carcasse, le
coût annuel de mise en place
de l’ISO 14001 varie de 0,007
à 0,034 €/kg carcasse, selon la
taille de l’élevage.
Le surcoût, rapporté au coût de
production de 2004 (contem-
porain de cette évaluation)
considéré comme référence,
soit 1,316 €/kg carcasse (ITP,
2005), varie ainsi entre 0,5 %
et 2,6 %.
En comparaison, les contraintes réglementaires (environnement, bien-être, traçabilité et sécurité sanitaire) appliquées aux éleva-ges porcins français (ITP, 2004) entraînent des surcoûts annuels qui varient entre 0,11-0,14 €/kg de carcasse, soit 8-10% du coût de production.
Tableau 2 : Synthèse des coûts de mise en place d’un SGE dans un élevage porcin en fonction de la taille d’élevage et coût annuel en routine
Taille
d’élevage
(nbre de
truies
présentes)
Coûts de mise en place (€) Coûts de fonctionnement (€/an)
Au
dit
de
cert
ific
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(1
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Acc
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carc
ass
e
100 1862 3600 2300 13637 21399 2 638 1862 1440 5 940 59 3,4
150 1963 3600 2300 13828 21691 2 674 1963 1440 6 077 41 2,3
200 2065 3600 2300 14019 21984 2 710 2065 1440 6 215 31 1,8
250 2167 3600 2300 14210 22277 2 747 2167 1440 6 354 25 1,4
300 2269 3600 2300 14400 22569 2 783 2269 1440 6 492 22 1,2
400 2472 3600 2300 14782 23154 2 855 2472 1440 6 767 17 1,0
500 2676 3600 2300 15164 23740 2 927 2676 1440 7 043 14 0,8
600 2880 3600 2300 15545 24325 2 999 2880 1440 7 319 12 0,7(1) coût moyen relevé sur les devis reçus par les deux élevages de l’étude pilote, et réajustés pour tenir compte de la taille de l’élevage(2) coût de 4 jours d’accompagnement, avec un tarif moyen de journée facturée de 900 € HT(3) coût formation AFNOR(4) coût établi sur la base de journée de 8 heures avec un coût moyen d’une heure de travail en élevage porcin de 15€ (selon les conventions en usage dans les méthodes de gestion CER et IFIP)(5) coût de mise en place des deux premières années amorti sur 10 ans en le considérant comme une immobilisation incorporelle financée par une ressource correspondante au taux de 4 %.(6) Prise en compte d’une productivité moyenne des truies de la GTE nationale (20,3 porcs produits/truie présente/an avec un poids vif de vente de 114 kg et un rendement de car-
casse de 76,5 %)
Le coût annuel
de mise en place de
l’ISO 14001 varie de
0,007 à 0,034 €/kg
carcasse, selon la taille
de l’élevage.
8 Synthèse TechniPorc, Vol. 31, N°1, 2008 - la revue technique de l’IFIP
Perception par les
éleveurs du niveau des
investissements nécessaires
L’investissement est perçu comme conséquent. En particulier, les audits sont jugés onéreux, les prix étant fon-dés sur des prestations plutôt desti-nées à des entreprises de plusieurs dizaines de salariés. Le temps passé à la mise en place, puis à la vie du SGE au quotidien (1 journée par mois) est encore vécu comme une contrainte, mais une contrainte nécessaire.
L’ISO 14001 : pour quels élevages ?
Le premier facteur limitant l’utili-sation de l’ISO 14001 en élevage
est le temps à consacrer lors de la phase de mise en place. Ce der-nier (de 900 heures réparties sur deux années) équivaut environ à un quart temps (pour une UTH correspondant à 1900 heures tra-vaillées).
La main-d’œuvre est une ressource peu disponible dans la plupart des élevages porcins. La mise en place d’un SGE dans ces conditions est donc exigeante, d’autant qu’elle nécessite du temps de la part du responsable d’exploitation lui-même. Malgré la flexibilité qui peut subsister dans certaines exploita-tions familiales, cela destine plutôt l’usage de cette méthode aux éle-vages disposant d’au moins 3 UTH.
Sur la base des besoins estimés en main d’oeuvre (Ofival-CER, 2004 ; Cogedis, 2003), ce « seuil » corres-
pondrait à un élevage naisseur-
engraisseur de 200-250 truies.
L’ISO 14001 : qu’est-ce que cela change dans l’élevage ?Une synthèse des avantages et inconvénients d’une certification ISO 14001 est présentée (Tableau 3).Un bilan est établi dans les deux élevages concernés, après deux années de certification, ce qui est important pour qualifier le vécu au quotidien par les éleveurs eux-mêmes. Un questionnaire a été proposé dans les deux élevages,
Tableau 3 : Les avantages de l’ISO14001 : possibles / ressentis / mesurés✔ 1er avantage possible : Meilleure maîtrise des coûts liés à la gestion de l’environnement (réduction des consommations d’éner-
gie, d’eau et de matières premières, diminution du montant des redevances et taxes à payer sur la pollution de l’eau ou de l’air,
diminution du coût des polices d’assurance).
Ressenti des éleveurs
après deux années de vie du SGE
Evolution des indicateurs de suivi des coûts
liés à la gestion de l’environnement
Pas d’économie perceptible du fait du SGE
Montant annuel des redevances et taxes pollution (€/ kg porc produit) ➘ 35 %Montant annuel de la police d’assurance (€/ kg porc produit) -Consommation annuelle de fuel (l/kg porc produit et /ha SAU) ➘ 10 %Consommation annuelle d’électricité (kWh/kg porc produit) -Consommation annuelle d’eau (m3/kg porc produit) ➘ 10 %Coûts annuels d’élimination des déchets (€/kg porc produit) -Nombre amendes pour non-conformité réglementaire au cours des trois dernières années Aucune
Coûts annuels liés au SME (temps et dépenses) (€/kg porc produit) 0,01 €/kg
✔ 2eme avantage possible : Amélioration de l’image de l’entreprise et amélioration du relationnel avec la filière amont-aval, l’admi-
nistration et le voisinage (diminution des plaintes de tiers par rapport aux impacts environnementaux, construction d’un outil
de communication fort et structuré, apport de garanties quant à la conformité réglementaire).
Ressenti des éleveurs
après deux années de vie du SGEEvolution des indicateurs de suivi de l’image de l’élevage
Plus-value très satisfaisante vis-à-vis de l’image de l’élevage.Nette amélioration du relationnel avec l’admi-nistration (confi ance implicite).Pas de changement de relationnel avec le voisi-nage, mais ce dernier était déjà très bon avant la certifi cation.Satisfaction / éléments de communication for-malisés grâce au SGE même si, pour le moment, ils ne sont pas utilisés. Sentiment d’avoir acquis un gage de pérennité et une reconnaissance du travail réalisé avec preuve à l’appui.
Nombre annuel de plaintes AucuneNombre de poursuites juridiques sur les trois dernières années AucuneNombre de demandes d’intervention de l’élevage au cours des trois dernières années ➚ 300 %
Réalisation d’enquêtes pour recueillir l’avis des prêteurs de terre ➚
Indicateurs de suivi des relations extérieures
% de subventions accordées / subventions demandées sur les trois dernières années -
Nombre de déclarations administratives relatives à l’environnement au cours des trois dernières années -
Le premier facteur
limitant l’utilisation
de l’ISO 14001
en élevage est le
temps à consacrer
lors de la phase de
mise en place.
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permettant de qualifier à la fois le « ressenti » et des éléments plus factuels basés sur des indicateurs, renseignés respectivement avant et deux ans après la mise en place de la démarche.
Ainsi, la principale plus-value à attendre d’une certification porte sur l’amélioration de l’image de l’élevage et celle des conditions de travail (diminution des risques, implication des salariés, meilleure
visibilité). Une plus-value écono-mique n’est pas d’actualité dans le contexte porcin actuel, la difficulté étant de matérialiser la reconnais-sance de l’intérêt de la certification par un « consentement à payer ».
✔ 3e avantage possible : Réduction des risques liés à l’environnement (meilleur contrôle par une meilleure identification).
Ressenti des éleveurs Evolution des indicateurs de suivi des risques d’accidents
Sentiment de confi ance gagné grâce à l’iden-tifi cation des risques et la mise en place de moyens de prévention. Cependant, les risques envisagés semblent vraiment peu probables aux éleveurs.
Nombre d’incidents annuels Aucun
Contrôles internes annuels réalisés pour prévenir les accidents 4 nouveaux contrôles
Contrôles externes annuels réalisés pour prévenir les accidents 2 nouveaux contrôles
✔ 4e avantage possible : Renforcement de l’implication des salariés dans le fonctionnement de l’élevage (bilan environnemental
partagé avec les salariés, par ailleurs impliqués dans le programme d’actions avec l’attribution de responsabilités).
Ressenti des éleveursEvolution des indicateurs de suivi du fonctionnement
de l’exploitation / environnement
Grâce au SGE, implication plus étroite des salariés dans la gestion de l’environnement (vrais parte-naires de gestion des enjeux environnementaux).Les prêteurs de terre (15) sont perçus comme plus concernés par la bonne gestion de la fer-tilisation par les effl uents d’élevage (précision sur les volumes et la composition des effl uents pour chaque campagne d’épandage)
Nombre d’items caractérisant les responsabilités confi ées aux sala-riés dans la gestion de l’environnement
3 nouvelles responsabilités
Avis des salariés / prise en compte gestion environnementale dans leur travail ➚
Nombre d’actions concrètes favorables à l’environnement mises en place, dont l’idée ou l’initiative échoit aux salariés ➚
✔ 5e avantage possible : Amélioration de la visibilité du fonctionnement de l’élevage et amélioration de la réactivité par rapport au
contexte environnemental (augmentation des facultés d’adaptation de l’élevage à l’égard de l’évolution des réglementations et
des technologies. Attitude d’anticipation).
Ressenti des éleveursEvolution des indicateurs de suivi du fonctionnement
de l’exploitation / environnement
Le SGE, grâce à l’analyse environnementale, permet de valider les principaux impacts environnementaux de leurs élevages. Toutefois, les moyens pour les réduire sont jugés parfois diffi cilement identifi ables (notamment pour diminuer les consommations d’eau).L’utilisation du SGE crée des « réfl exes environ-nementaux »Sentiment de dépendance vis-à-vis de l’exté-rieur pour la gestion des impacts environne-mentaux (preneurs de lisiers, fi lières déchets) : cela limite la portée des mesures de gestion internes
Nombre de « meilleures techniques disponibles » utilisées (traite-ment lisier, couverture de fosses à lisier, technique d’épandage : enfouisseur,…) au cours des trois dernières années
2 nouvelles technologies
Mises en conformité réglementaire (relativement aux non-conformi-tés identifi ées sur les trois dernières années)
8 mises en conformité
✔ 6e avantage possible : Avantage compétitif (l’amélioration de l’image peut ouvrir des possibilités à une meilleure valorisation
des produits).
Ressenti des éleveurs Evolution des indicateurs de suivi de la compétitivité
Aucune incidence perçue sur ce point. Il n’existe pas de demande explicite ou de proposition de la part des clients qui pourrait donner lieu à un gain économique du fait de la mise en place de la démarche ISO
Nombre de nouveaux marchés ou de nouveaux débouchés sur les trois dernières années néant
Prix de vente (€/kg carcasse) -
10 Synthèse TechniPorc, Vol. 31, N°1, 2008 - la revue technique de l’IFIP
L’ISO 14001 : qu’est-ce que cela change pour l’environnement ?
L’étape critique dans la mise en place d’un SGE est l’analyse envi-
ronnementale. Elle détermine, par les points faibles identifiés, le programme d’amélioration. De sa qualité, découle donc la pertinen-ce environnementale des actions conduites.
Elle doit être complète et, res-ter simple d’utilisation, bien que nécessairement complexe dans son contenu ; cette complexité
tient au fait que l’environnement concerne de nombreux éléments (azote, phosphore, cuivre, zinc, carbone, …), des phénomènes biologiques et physico-chimiques complexes et la prise en compte d’échelles dépassant souvent l’élevage lorsqu’il faut appréhen-der la sensibilité du milieu. Or, la norme n’impose et ne propose aucune méthode en tant que telle ; par ailleurs, si l’audit per-met de contrôler la crédibilité de la méthode retenue dans son fonctionnement, l’auditeur n’est pas toujours en mesure de vali-der la pertinence technique des
résultats. Il est donc éminemment utile de proposer des méthodes valides au plan des résultats envi-ronnementaux.
Enfin, les prestataires de conseil auprès de l’éleveur doivent lui don-ner les moyens de travailler sur ses points faibles en mettant en place les solutions techniques adaptées à son contexte.Le SGE aide l’éleveur à décider le choix de l’action nécessite des relais extérieurs au système.
Des limites peuvent apparaître également en lien avec l’échelle de
Tableau 4 : Caractérisation de 3 démarches de qualification/certification environnementale disponibles
Critères ISO14001 Agriculture raisonnéeAgri-Confiance
qualité environnement
Texte cadre Norme internationale ISO 14001
Décret n°2002-631 du 25 avril 2002Norme Française V01-007Arrêtés du 30 avril 2002 et
du 4 mai 2002
Objectif
Attester de l’aptitude de l’organisme à maîtriser les
impacts environnementaux dans un processus
d’amélioration continue
Attester, au-delà du respect de la réglementation, de bonnes pratiques
agricoles favorables au respect de l’environnement, à la maîtrise des risques
sanitaires, à la santé et la sécurité au travail et au bien-être des animaux
Maîtriser et contractualiser la relation producteurs/coopérative pour
répondre aux attentes des clients et parties intéressées dans une logique
d’amélioration continue
Nature des exigences
Exigences liées à la méthode (une trentaine)
Exigences liées aux bonnes pratiques défi nies (une centaine) : les unes
nationales (dont 45 % sont réglementaires) et les autres territoriales
Exigences liées à la méthode + exigences liées à des pratiques défi nies
(référentiel agriculture raisonnée)
Nature de la reconnaissance
Certifi cation individuelle ou collective Qualifi cation individuelle Certifi cation collective
Durée de reconnaissance 3 ans 5 ans 3 ans
Echelle d’application
Exploitation ou ensemble d’exploitations Exploitation Liens entre une coopérative et ses
adhérents
Domaines d’application Environnement
Environnement Environnement
Sécurité alimentaire Qualité
Bien-être
Traçabilité
Echelle dereconnaissance Internationale Nationale Nationale
(reconnaissance européenne en projet)
Garanties off ertes
L’activité est organisée pour gérer l’environnement et
s’améliorer en continu
Les éleveurs appliquent les bonnes pratiques défi nies par le référentiel
« agriculture raisonnée»
L’activité de la coopérative et des adhérents est organisée pour gérer
l’environnement, s’améliorer en continu et les éleveurs s’engagent à respecter
progressivement l’agriculture raisonnée
La qualité de l’analyse
environnementale
est primordiale
elle détermine,
par les points
faibles identifiés,
le programme
d’amélioration.
11 TechniPorc, Vol. 31, N°1, 2008 - la revue technique de l’IFIP Synthèse
certification. Les efforts de l’éleva-ge ne sont pas forcément relayés par la filière amont et avale.
L’ISO 14001 et les autres démarches de reconnaissance environnementaleAu plan national, deux autres démarches de certification envi-ronnementale sont envisageables pour un éleveur : l’Agriculture rai-
sonnée et Agri-Confiance Qualité-
environnement. Ces démarches sont caractérisées par quelques critères dans le tableau 4.Parmi ces trois méthodes, seule l’ISO 14001 est spécifique à l’envi-ronnement et aborde l’ensemble des aspects environnementaux propres à l’élevage.
La reconnaissance de la démarche entreprise peut être selon le cas une certification ou une qualifi-
cation :
- La certification atteste de la
mise en place d’une méthode ; l’éleveur peut individualiser ses propres objectifs. A contrario, une
qualification atteste de la confor-
mité à un référentiel, identique
pour un ensemble d’éleveurs.
- Autre distinction plus juridique, la
certification est délivrée par un
organisme certificateur, agréé
par les pouvoirs publics, indé-
pendant et impartial, alors que la
qualification peut être délivrée
par une structure relais, habilitée
par un organisme certificateur.
La certification environnementale reste une solution parmi d’autres. L’important, lorsque l’éleveur s’im-plique dans une démarche de reconnaissance officielle est qu’il obtienne un certain retour de ses efforts. D’autres critères de choix comptent, comme la solidité de la reconnaissance (une certification ISO est durable dans le temps) et son échelle de validité (une recon-naissance internationale pourrait ainsi constituer un avantage dans un contexte de mondialisation).A côté de l’outil mis au point par l’IFIP dans le cadre de ce projet pilote, d’autres méthodes sont disponibles pour la mise en place d’un SGE en élevage : ARPEGE © (AppRoche Pour les Elevages en Gestion Environnementale) (Arpe et Midiporc, 2005) ; ECOCARTES®/ EMAS Easy (Arpe, 2006).
Conclusion
Dans le contexte actuel de forte pression environnementale, la mise en place d’un système de ges-tion de l’environnement permet à l’éleveur de devenir gestionnaire
des aspects environnementaux de son élevage, au même titre qu’il l’est pour les aspects économiques et la productivité. Les éleveurs qui ont franchi le pas de la certifica-tion font un pari sur l’avenir, en s’engageant dans une démarche de progrès. Les retombées mesu-rées sur le terrain dans le cadre de ce projet pilote concernent, au delà de la diminution des impacts environnementaux, l’amélioration de l’image de l’élevage et celle des conditions de travail. Par contre, aucune retombée économique directe ne semble envisageable dans le contexte actuel.
Malgré leur engagement dans la démarche, les éleveurs concer-nés la ressentent comme contrai-gnante et sont demandeurs de simplification. C’est pourquoi, pour permettre à un nombre significatif d’éleveurs d’accéder s’ils le souhai-taient à cette reconnaissance, cette première démarche exploratoire menée par l’IFIP serait à poursuivre par un travail de simplification des outils existants.
Malgré ces difficultés, les éleveurs qui ont fait le choix de l’ISO 14001 ont pris la décision de renouveler leur certification en 2008. ■
Références bibliographiques
ARPE. 2006. L’intégration de l’environnement dans le fonctionnement quotidien des très petites entreprises : le cas de 4 TPE de l’agroalimentaire certifiées ISO14001 en Midi-Pyrénées. Dossier de presse, SISQA 2006, 14 p.ARPE et Midiporc. 2005. Mise en œuvre d’un système de gestion environnementale en exploitations porcines : opération pilote en Midi-Pyrénées. Dossier de presse, 9 p.Baron V. 2000. Pratiquer le management de l’environnement. Editions AFNOR, 141 p.Cogedis. 2003. Résultats 2002-2003 des producteurs de porcs. Revue optimum porc12 pp.ITP. 2004. Le coût des contraintes réglementaires pour la production porcine française. Techniporc, 27 (2), 3-10.ITP. 2005. Le porc par les chiffres 2005, 52 p.Ofival-CER. 2004. Observatoire économique de la production porcine-année 2003, rapport 68 p.MONTEL B. 2002. Les systèmes de management environnemental certifiés sont-ils pertinents pour améliorer la durabilité des élevages de porcs en Bretagne ? Les rencontres de l’INA, 9-12 avril 2002.
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Contact :[email protected]
Les auteurs remercient les éleveurs de la CUMA Aliénor (76) et l’Agence de l’Eau Seine Normandie d’avoir permis la réalisation de cette étude.
Malgré le fait que le
système est encore
perçu comme
contraignant par
les éleveurs, ces
derniers ont décidé
de renouveler leur
certification en 2008.