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Deux dernières séances (j’ai été obligé de supprimer les images, pour des raisons de poids du fichier) Forme statique ou forme projeté dans le temps ? Que l’on parte de l’ics ou de la cs on retrouve la même question : la forme : une forme essentielle, vers les réductions eidétiques de structures typiques au centre de la cs, vers des configurations de synthèse perceptive, ou à l’inverse une forme de base, non hiérarchisée, permettant « aux plusieurs voix » incandescentes de l’inconscient de se porter en culture… C’est ainsi que, qu’ils partent de l’ics ou de la cs, les arts vont se retrouver au niveau de la forme… Une forme essentielle de la cs, au-delà des réduction de l’impression phénoménologique Une forme capable de générer toutes les formes, et permettant l’expression des motions de l’ics et des « émotions incandescentes » Si une œuvre réunit les deux, le cri de l’inconscient et un traitement géométrique, il s’agit du ballet le Sacre du Printemps temps d’Igor Stravinsky, écrit en 1911-1912, et crééé en 1913. (chorégraphie de Nijinsky, Ballets russes diagilev…) Le sacre 1913 : violence au théâtre des CE. Massacre du printemps écriront les critiques à propos du Sacre du printemps. On pourrait dire Le Sacre réunit les deux dimensions travaillées par la psychanalyse et la phénoménologie., l’expression des pulsions violentes, et une réduction géométrique,

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Deux dernières séances (j’ai été obligé de supprimer les images, pour des raisons de poids du fichier)

Forme statique ou forme projeté dans le temps ?

Que l’on parte de l’ics ou de la cs on retrouve la même question : la forme : une forme essentielle, vers les réductions eidétiques de structures typiques au centre de la cs, vers des configurations de synthèse perceptive, ou à l’inverse une forme de base, non hiérarchisée, permettant « aux plusieurs voix » incandescentes de l’inconscient de se porter en culture…

C’est ainsi que, qu’ils partent de l’ics ou de la cs, les arts vont se retrouver au niveau de la forme…

Une forme essentielle de la cs, au-delà des réduction de l’impression phénoménologiqueUne forme capable de générer toutes les formes, et permettant l’expression des motions de l’ics et des « émotions incandescentes »

Si une œuvre réunit les deux, le cri de l’inconscient et un traitement géométrique, il s’agit du ballet le Sacre du Printemps temps d’Igor Stravinsky, écrit en 1911-1912, et crééé en 1913. (chorégraphie de Nijinsky, Ballets russes diagilev…)

Le sacre1913 : violence au théâtre des CE. Massacre du printemps écriront les critiques à propos du Sacre du printemps. On pourrait dire

Le Sacre réunit les deux dimensions travaillées par la psychanalyse et la phénoménologie., l’expression des pulsions violentes, et une réduction géométrique, D’une part, elle est exactement contemporaine à la publication de Totem et Tabou de freud dont elle retrouve la thématique, D’autre part, selon adorno, est « « Incontestable sa parenté avec la phénoménologie, exactement contemporaine. Le refus de tout psychologisme, la réduction au phénomène pur, tel qu’il se donne en tant que tel…

Cs et ics ; l’œuvre s’articule en deux volets, comme un diptyque  diurne-nocturne : l’Adoration de la terre, le Sacrifice. D2

Le Sacre du Printemps Igor Stravinsky, 1913.

Symbolique : Le jour la nuit Forme : L’adoration de la terre Le sacrifice

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Rythmes : Temps Lisse (suspension phénoménologique) Temps strié (pulsions)Mélodie /harmonie : Géométrisation par « blocs » de notes Voix dissonantes (l’accord-toltchok ) entremêlées Cette dualité se retrouve dans le rythme :« rythme de formes » selon A. Boucourechliev 1, le Sacre manifeste déjà son impact novateur au niveau de ses écritures rythmiques. M. Marnat observe que « le rythme prend donc la place du chant et bouscule nos habituelles perceptions de la cohérence. Cela se traduit par le rejet de tout accord reposant, les consonances traditionnelles n’ayant plus de légitimité

T.W. Adorno y observe une « dissociation du temps » 2. La dualité de l’oeuvre apparaît en effet au travers d’une double temporalité. Celle-ci, pour reprendre la terminologie de Pierre Boulez, est rendue par le temps « strié » et le temps «lisse » 3. Le temps strié correspond à la métrique itérative, la pulsion sur voie de transe. Le temps lisse est celui de la suspension phénoménologique.

Retour à la mélodie de voix obscures, dissonantes, échappées des profondeurs et traitement « cubiste des notes » , par blocs qui s’entrechoquent. L’exemple probablement le plus spectaculaire est l’usage des agrégats répétés deux cent quatre-vingts fois de « l’accord-toltchok », présenté dans le tableau des Augures et repris pour la Danse sacrale. Si ces blocs sonores empruntent la rigueur cubiste, ils n’en retrouvent pas moins les affres d’une violence pulsionnelle.

Musique de sauvage avec tout le confort moderne, dira Debussy

Mais ce le sacre place en son centre, ce sont les noces barbares de la phéno et de la psychanalyse, de la forme eidétique et de la forme striée des pulsions…

Forme statique ou dynamique

Le grand débat induit par la gestalt est celui de l’inné ou de l’acquis : une forme déjà là, qu’il faudra optimiser par l’éducation, ou une forme psychique construite par l’expérience lors des développements de l’enfance…

Forme statique « déjà là » ou processus de construction formelle ? forme de base immuable ou forme à projeter dans le temps… essence formelle immuable ou processus dynamique de construction ?

1 BOUCOURECHLIEV, A., Igor Stravinsky, op. cit., p.952 ADORNO, T.W., op. cit., p.1923 Cette référence renvoie ici à l’analyse présentée in : BOUCOURECHLIEV, A., Igor Stravinsky, op. cit., p.96

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Telles sont les deux tendances qui vont non seulement entrer en débat au niveau des sciences humaines au 20ème siècle, mais encore des arts.

De la forme sans temps

Cette question de la forme va pour ainsi dire suivre deux perspectives :La première sera celle d’une réduction à une forme de base essentielle, une « bonne forme », mais statique, déjà là. Une forme éternelle à toute conscience : telles sera la direction suivie par l’art abstrait , en peinture, ou par la musique avec le sérialisme

L’autre, sera celle au contraire d’une sorte de pro-jection dynamique dans le temps et l’espace…

Passons à la première tendance avec l’art abstrait ; au travers de trois peintres. Kazimir Malevitch, Piet Mondrian et Wassily Kandinsky. D3 Décembre 1915, Pétrograd. K. Malevitch déclare le « Suprématisme » en présentant l’exposition « 0,10 ». « Je me suis métamorphosé en zéro des formes, annonce-t-il, je suis arrivé au-delà du zéro, à la création, c’est-à-dire au suprématisme, nouveau réalisme pictural, création non objective » 4. Avec le célèbre Carré noir sur fond blanc (1913), ce « degré zéro » est celui d’une entité formelle à laquelle se résume l’oeuvre. Tout volume et toute profondeur sont évacués au profit d’une forme unique que donne la simplicité extrême ou « suprême » d’une figure géométrique de base.

Croix noire sur fond blanc (1915), D4 Carré blanc sur fond blanc (1918), les titres sont significatifs quant à décrire les tableaux, les mots se trouvant alors limités à la seule indication de la configuration des toiles.

La libération picturale que revendique le suprématisme cherche en effet à restituer une totale autonomie langagière à la peinture, devant lui permettre de « parler dans sa propre langue » 5. Cette autonomie est celle de la structure même de la forme, réduite à son ossature la plus basique, à sa « bonne forme » -au sens geltaltiste, première.

4 Cité in : FERRIER, J.-L. (sous la dir. de), L’aventure de l’art au XX° siècle, op. cit., p.3395 op. cit., p.159

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C’est également sur une radicalisation de la forme, sur un effet de réduction à des formes premières, que se fonde l’oeuvre de P. Mondrian avec son « Néo-plasticisme », défini en 1920.

Au début mondrian est expressionniste : l’arbre rouge..

Arbre rouge, 1909

Puis viendront les premières Composition - ainsi le peintre intitule-t-il la majeure partie de ses toiles en les numérotant -, amorcées en 1913, où son esthétique va afficher une autre voie que celle du suprématisme

Les principes du néo-plasticisme demandent déjà l’emploi exclusif de lignes droites se coupant à angle droit (utilisation des horizontales et verticales selon ce que le peintre nomme le « plus-minus »),

Puis une recherche des oppositions chromatiques,

La forme n’est plus présentée selon l’irréductibilité « toute faite » d’un motif unique, tranché par un effet de contraste noir/blanc. En revanche, elle est insérée dans le jeu d’une structure complexe où, comme le dit l’artiste, « chaque partie reçoit sa valeur visuelle du tout et le tout la reçoit des parties » 6.

Puis un décentrement sur des asymétries. De tels procédés permettent d’instaurer une totalité irrésolue, un espace en quelque sorte inachevé, ouvert, suggérant son complément hors du tableau (asymétrique) ,donc dans et par le champ subjectif de l’organisation mentale qu’opère le spectateur. Dans ce sens, et à l’inverse du suprématisme, les toiles de P. Mondrian ne peignent pas directement la « bonne forme ». Elles en fournissent bien davantage la condition de réalisation perceptive. « Pure représentation de l’esprit humain, l’art s’exprimera, espérait P. Mondrian, dans une forme esthétique purifiée, c’est-à-dire abstraite » 7. La valeur universelle que le suprématisme confère à la forme épurée bascule ici dans le champ invisible et « abstrait » d’une conscience transcendantale. La « renaissance consciente, écrit le peintre, a pour corollaire la plastique abstraite, l’homme adhérant uniquement à ce qui lui est universel » 8.

6 Cité in : Encyclopédie Larousse, p.8110 7 Cité in : FERRIER, J.-L. (sous la dir. de), L’aventure de l’art au XX° siècle, op. cit., p.1758 op. cit.

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Cette aspiration universalisante des peintres de l’abstraction se retrouve pleinement dans le spiritualisme de W. Kandinsky. En 1910, alors qu’il commence ses premières toiles abstraites, l’artiste écrit son ouvrage Du Spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier. Il y énonce le principe esthétique « d’une nécessité intérieure » 9 de l’œuvre qui définit le contenu de l’art abstrait.

Pourtant, la visée rejoint là aussi une « structure typique » et apriorique, que le peintre réfère à une propension existentielle de l’Esprit : L’art abstrait ouvre une « construction (“ géométrique ”) non évidente, qui ne saute pas aux yeux (...), cachée, qui se dégage insensiblement de l’image et qui est, par conséquent, moins destinée aux yeux qu’à l’âme. Cette construction cachée peut être constituée de formes apparemment jetées au hasard sur la toile (...) ce qui, ici, est extérieurement décousu est intérieurement fondu en un tout » 

Ligne brisée, 1923

Cette « fusion en tout » n’est rien d’autre que ce que vise le tableau : les structures de synthèse de notre conscience perceptive

La « bonne forme » que le suprématisme de K. Malevitch donne d’emblée, que P. Mondrian suggère virtuellement dans le projet de sa « renaissance consciente », devient désormais située pour le spiritualisme Kandinskien dans l’anima profonde, voire « latente », de cette « construction cachée ».

Ainsi W. Kandinsky propose-t-il deux principes pour que cette « construction cachée » puisse se donner. Déjà, celui d’un affranchissement à l’égard des figurations réalistes et des « formes naturelles »

Jaune, rouge, bleu , 1922

Mais d’autre part, le peintre appelle à une démarcation envers le temps, comme si la nécessité intérieure de la forme appelait à un champ « détemporalisé ». Les « formes temporelles, écrit-il, sont (...) relâchées, afin que l’objectif [de l’art abstrait] soit exprimé plus clairement » 10.

comme l’observe Frank Popper au sujet de ses contrastes noir/blanc, annonce un « mouvement non plus dynamique mais statique et figé » 11. La forme est alors affirmée dans une permanence essentielle, en tant que structure « déjà là », éternelle, dégagée de tout temps comme de tout contenu manifeste.

9 KANDINSKY, W., Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier, op. cit., p.112 10 op. cit.11 POPPER, F., L’art cinétique, Paris, Gautier-Villars, 1970, pp.57-58

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Malévitch : « bonne forme » posée d’emblée (carré noir sur fond blanc)Mondrian : « bonne forme » hors du tableau, mise en œuvre par les dissymétries de celui-ci. Kandinsky : « bonne forme » dans la « nécessité intérieure » ou « ce qui, ici, est extérieurement décousu est intérieurement fondu en un tout »

Séries dodécaphoniques

Cette permanence d’une forme de base qui rejette le temps, va se retrouver à la même époque dans le projet de musique sérielle d’a schoenberg.

« Hélas, mon pauvre garçon, tout est fini » chante le célèbre air viennois O du Lieber Augustin qu’A. Schoenberg cite dans son Second Quatuor à cordes op.10, composé en 1907-1908.Ce tout est fini s’accorde dans l’oeuvre de schoenberg à une fin de la période expressionniste au profit d’une radicalisation de la forme, tout comme chez mondrian qui passe de l’arbre rouge à ses Compositions.

On se souvient du premier quatuor, où l‘atonalité affranchit les « voix » incandescentes de toute censure, où elles peuvent se porter à la réalité musicale.

Le problème technique posé va être de systématiser une forme permettant cci durant toute une composition. Il faut trouver une nouvelle forme musicale qui ne soit pas « barrante », mais au contraire qui puisse laisser éclore toutes les profondeurs musicales. « Il peut, écrit le musicien en 1925, se poser la question de savoir s’il est possible d’atteindre à l’unité et à la fermeté formelle sans le secours de la tonalité »Ainsi faut-il éliminer toute hiérarchie entre les notes, et trouver une forme musicale « de base », à savoir non hiérarchisé qui va être posée avant l’œuvre.

Telle sera l’idée du dodécaphonisme sériel, qui vient d’ailleurs d’un autre viennois, contemporain d’A. Schoenberg, Josef Matthias Hauer, instituteur et musicien autodidacte. Celui-ci publie d’ailleurs en 1920 De l’essence du fait musical, manuel de musique atonale. J. et avait imaginé de fonder les compositions sur une série de note non hiérarchisées. Cette série est posé avant la composition –a priori formel- et sera déclinée par celle-ci.

Tel est ce que schoenberg va appliquer, dès 1915.

Comment procéder : il faut poser une série de notes non hiérarchisée

Deux règles ; - on doit utiliser les 12 ½ tons (dodécaphonique)

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- interdiction de répéter deux fois une même note, qui se hiérarchiserait alors, tant que les 11 autres n’ont pas été utilisées (abolition de la répétition)

une fois la série construite, elle est déclinée verticalement et horizontalement selon les figures du contrepointnormal, en écrevisse, croisé, croisé inversé.

La série révèle ainsi une vocation de synthèse formelle qui réalise « l’unité de l’espace musical » et « exige une perception absolue et unitaire »

Audio 1923, aux premières compositions totalement basées sur la méthode de « douze sons » : la Valse des Cinq Pièces pour piano op.23 et la Suite pour piano op.25.

Mais un problème se pose ; l’abolition de la répétition et du temps musical.Ainsi, comme l’observe adorno, la musique sérielle opère-t-elle selon « des plans sonores statiques, stables en eux-mêmes, ne permettant qu’un assortiment parmi les douze demi-tons, et qui subitement se changent en d’autres plans » 12. Sa loi implique, conclut T.W. Adorno, « la fin de l’expérience du temps musical » 13, indiquant alors un « état d’anhistoricité musicale » 

Le temps musical, fondé sur la répétition (le rythme) permet selon m imberty de conjurer la mort, les angoisses de vieillissement en donnant une maîtrise symbolique de la temporalité, par la répétition. La répétition est un « travail de l’angoisse » , travaille l’angoisse en la compensant. Lever la répétition, c’est lever la possibilité même de ce travail de l’angoisse, c’est l’angoisse suprême, l’angoisse d’une angoisse qui ne peut être compensé où s’affirrme la mort et le désespoir… on ne sera pas surpris du contexte historique de la musique sérielle, à une même époque où freud découvre la pulsion de mort : la vienne gagnée par l’antisémitisme et l’holocauste annoncé.

12 op. cit.13 op. cit., p.91

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« Si Beethoven avait développé l’être musical à partir du néant, pour pouvoir le déterminer comme devenir, écrit T.W. Adorno, le dernier Schoenberg le détruit comme devenu »

Forme, processus, tempsContre ces formes statiques, sans temps, on voit d’autres artistes répondre, qui, à l’inverse, vont projeter la forme dans le rythme, de dynamisme et le processus.

En peinture, ce sera le cas de r delaunay.A l’origine, il brise les tour eiffel dans un cubisme qu’apollinaire qualifie « d’orphique »La tour eiffel, 1909

En 1912, l’artiste, alors âgé de vingt-sept ans, présente son Disque, élément qui se retrouvera de façon récurrente dans toute son œuvre future.

C’est ainsi, par l’oscillation des couleurs et des oppositions de « leur contraste simultané » 14, que R. Delaunay insuffle une mobilité à la forme. Toutefois, le Disque de 1912 laisse la « bonne forme » prendre rapidement le pas sur le dynamisme des couleurs, la fixant en quelque sorte par la solution perceptive due à l’unicité du motif. Or, à partir du Disque, R. Delaunay emploie dans ses oeuvres suivantes un procédé qui renforce le mouvement et empêche toute stabilisation. Il « sort » de la forme du disque unique pour projeter plusieurs disques dans l’espace de la toile. Telle paraît être la préoccupation sous-tendant la majeure partie de l’oeuvre de l’artiste depuis son premier Disque. Le « destructeur » de la toute récente Tour Eiffel se veut un peintre de l’époque moderne, du mouvement et de la vitesse comme en attestent ses sujets : l’aviation - Hommage à Blériot - (1914) –

Manège à Cochons

Puis les disques vont s’abstraire pour devenir de purs rythmes abstraits

Rythmes

Peindre le dynamisme, projeter la « bonne forme » dans l’espace et le temps, restituer le flux de la chronologie vis-à-vis de l’acte perceptif, R. Delaunay redonne à l’opération de synthèse picturale une autre « forme fondamentale » qui se prête à rejoindre alors la réflexion husserlienne : la conscience du temps. « Le tableau bouge littéralement, note P. Francastel,

14 CABANNE, P., Le cubisme, op. cit., p.64

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entraînant dans notre esprit une activité esthétique, qui est à la fois jouissance et intelligence » 15.

Si cette projection dans le temps chez R. Delaunay répond en large part au statisme de l’art abstrait, elle se retrouve aussi en musique auprès de l’oeuvre d’Edgar Varèse qui semble, là également, contrecarrer l’atemporalité de la préformation sérielle.

Les projections prismatiques d’Edgar Varèse

Edgar Varèse fut un lecteur bien attentif des travaux du physicien, acousticien et physiologiste allemand Hermann von Helmholtz. Le musicien montre d’emblée un intérêt très prononcé pour la base de la texture sonore, pour le son « fondamental ».

Anecdote ny (sirènes)

Mais ce qui est alors visé c’est le processus du son, comment le son se spatialise, se projette dans l’espace et se rythme. D’où l’attachement du compositeur aux rythmes, aux percussions.

« Le rythme en musique, écrit le compositeur, donne à l’oeuvre non seulement la vie, mais la cohésion (...) il a fort peu à voir avec la cadence (...) le rythme, dans mes œuvres, provient des effets réciproques et simultanés d’éléments indépendants qui interviennent à des laps de temps prévus, mais irréguliers. Ceci correspond davantage à la conception du rythme en physique et en philosophie, c’est-à-dire, une succession d’états alternatifs, opposés ou corrélatifs 

Ionisation, écrite en 1931-1932 pour orchestre de treize percussions et deux sirènes.

15 FRANCASTEL, P., Histoire de la peinture française, op. cit., p.324

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Mais d’où l’attachement au processus. Il ne s’agit pas de poser une forme déjà là, comme la série chez schoenberg, que déclinera ensuite la composition, mais au contraire de suivre un processus où la forme apparaît au terme du développement. Le compositeur écrit qu’il conçoit « la forme musicale comme une résultante, le résultat d’un processus » par lequel chacune de ses oeuvres « découvre sa propre forme » 16.

Ceci se retrouve particulièrement dans la pièce pour ensemble à vents et percussions Hyperprism, écrite en 1922-1923. « Le point de départ, c’est la quatrième dimension, le côté prismatique » affirme le compositeur 17. Fasciné par les effets de la lumière dans les prismes, le musicien applique à l’espace sonore le principe de la décomposition optique. Tout comme ses contemporains, E. Varèse désenclave la forme musicale de son cadre traditionnel, mais alors en la projetant déjà dans une spatialité sans limites. Hyperprism donne en effet un mouvement de diffractions où, selon O. Vivier, « les sonorités seraient comme soumises à des décompositions sonores, des éclatements, pour obtenir des fulgurances qui se trouveraient libérées des parallélismes et des symétries traditionnelles » 18.

Le procédé utilisé repose sur ce qu’E. Varèse nomme la « déformation prismatique ». L’écriture fait appel à des blocs, proches du Sacre, de masses sonores en mouvement. Leur variation crée des espaces de collision, de répulsion et, selon la terminologie du musicien, de « transmutation ». Dans « mon œuvre, écrit-il, on trouve à la place de l’ancien contrepoint linéaire, fixe, le mouvement de plans et de masses sonores, variant en intensité et en densité. Quand ces sons entrent en collision, il en résulte des phénomènes de pénétration ou de répulsion. Certaines transmutations prennent place sur un plan. En les projetant sur d’autres plans l’on créerait une impression auditive de déformation prismatique » 19. Audio hyperprism

La musique est un processus de réalisation formelle dans l’espace et le temps, opposé à la préformation sérielle qui ne laisse plus de temps. La structure prismatique, à la fois synthèse et mouvement, réintroduit la dimension du temps au travers de la mobilité fractionnante des éléments qu’elle spatialise. Pour reprendre la métaphore que cite E. Varèse, de même que la cristallisation résulte de l’agencement de molécules de base, c’est de ces dernières que part la composition. Celle-ci est établie sur la base d’un noyau initial, projeté dans l’espace-temps, qui « s’accroît, se clive selon plusieurs formes ou groupes sonores qui se métamorphosent sans cesse » 20.

16 op. cit., p.49-5017 Cité in : VIVIER, O., Varèse, Paris, Seuil, 1973, p.44 18 op. cit. 19 op. cit., p.4520 op. cit., p.50

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Et si la forme autogénérait son propre temps ?

Que ce soit en arts ou en sciences humaines et en philo, l’un des grands débats tourne autour de cette question de la forme

Ou une forme a priorique, essentielle, déjà là, et statique

Et ici la question contradictoire sera la négation de tout processus, de toute dynamique et du temps de la construction

Ou une forme projetée dans le temps, comme les disques de Delaunay. Pourtant dès lors, un problème se pose aussi : la projection dans le temps, chose déjà soulignée par feud, finit toujours par inviter à pessimisme redoutable : le temps dans lequel on est projeté signifie aussi le temps vers la mort. Telle sera la thématique développée dans les années 1930 par le philosophe m heidegger dans Etre et temps. L’être est projeté dans le temps, et projeté dans un temps qui est plus fort que lui, qui le conduit vers la mort… Le temps ne dépend pas de lui, l’être y est jeté et n’ a qu’à faire avec.

Ce sera à cette dernière thèse que vont répondre certaines œuvres, et probablement le dernier grand récit théorique du 20ème siècle…

L’idée : partir de formes premières, de structures typiques, mais ne pas en rester à leur statisme, ni les projeter dans un temps extérieur qui les dépasse et les emporte vers la mort…

Imaginer plutôt une forme, une structure de base qui va autogénérer son propre mouvement et ses propres dynamismes : une forme donc libre, autosuffisante, autogérant son évolution propre…

Si heidegger disait « on est jeté dans une histoire et un temps qu’on ne maîtrise pas » , et si ceci a été une « excuse » de la part du philosophe dont l’adhésion au parti nazi est connue, c’est dans la même histoire tragique qu’un compositeur est jeté, mais de l’autre côté…

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Stalag VIII A de Görlitz, en Silésie, le 15 Janvier 1941, par un froid glacial, « dans un pays où le soleil ne se lève qu’à dix heures  du matin » 21, une clameur suspend la désolation mortifère de l’univers concentrationnaire : celle de la création d’une œuvre que vient de composer l’un des déportés.

Il faut assurément évoquer le froid intense, les instruments de fortune (le violoncelle à trois cordes d’Étienne Pasquier, le piano sur lequel joue le compositeur, « très faux, dont les touches retombaient par intermittence » 22), les tenues vestimentaires des musiciens, « habillés de la plus étrange façon, moi-même étant vêtu d’un costume de soldat tchèque vert-bouteille complètement déchiré, et chaussé de gros sabots », raconte le compositeur. Mais il faut aussi évoquer le public : cinq mille prisonniers issus des origines les plus diverses, réunis dans un même partage de musique, telle une communion dans l’univers concentrationnaire où se restitue soudainement la possibilité d’une humanité et d’une culture.

Cette œuvre a été inspirée par l’image qu’évoque notre musicien : dans cet univers de mort, de froid et de glace, alors qu’il est malade, et se croit à la fin de ses jours-ce qui ne sera pas le cas- un merle est venu se poser le toit d’un baraquement et a chanté quelques notes…

Audio Liturgie de cristal

Ainsi, notre musicien, qui est très pieux, se réfère-t-il à un passage de l’apocalypse de st jean , apocalypse sur laquelle il donne un conférence qui précède la création de son œuvre.

« Je vis un ange plein de forces, descendant du ciel, revêtu d’une nuée, ayant un arc-en-ciel sur la tête (...) Il posa son pied droit sur la mer, son pied gauche sur la terre, et se tenant debout sur la mer et sur la terre, il leva la main vers le ciel, et jura par Celui qui vit dans les siècles des siècles, disant : ‘‘il n’y aura plus de temps’’ »

La fin du temps : c’est le commencement de l’éternité

21 GOLEA, A., Rencontres avec Olivier Messiaen, Paris, Slatkine, 1984, p.6322 GOLEA, A., Rencontres avec Olivier Messiaen, op. cit., p.63

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Cette œuvre : le quatuor pour la fin du temps, son compositeur : o Messiaen.

Bien évidemment, il s’agit bien d’abolir le temps dans lequel on est jeté, - le temps vers la mort-le temps concentrationnaire, de s’en évader, pour au contraire rendre le temps réversible, mâitrisable, pour faire un temps autogénéré.

O. Messiaen déclare : « mon premier souci a été d’éliminer les temps égaux (...) les notions de mesure et de temps y sont remplacées par le sentiment d’une valeur brève et de ses multiplications libres » 

Parmi les très nombreuses techniques qu’élabore alors messiaen, je vais en citer deux :

La non rétrogradation rythmique,

les modes à transposition limitée

La non rétrogradation rythmique,

Dans l’ancien contrepoint, la rétrogradation consiste à lire de droite à gauche, ce qui, appliqué au rythme « donne de curieux renversements des valeurs » 23. Ces renversements induisent une différence entre les deux sens de lecture, sous-tendant l’idée d’un temps irréversible dont le passé ne peut être remonté ou restitué. Par contre, dans les rythmes « non rétrogradables », qu’on « les lise de droite à gauche ou de gauche à droite, l’ordre de leurs valeurs reste le même » 24. À l’image d’un palindrome, ces rythmes « sont divisibles en trois parties, les deux extrêmes étant la rétrogradation l’une de l’autre, une valeur centrale libre étant commune aux deux » 25. De telles formules instaurent une symétrie réflexive qui permet une dynamique de réversibilité temporelle avec son corollaire symbolique d’éternité. Le temps n’est plus pour ainsi dire « subi , mais restitué en sa possibilité de maîtrise absolue.

Rétrogradation : différence selon le sens de lecture (d à g ou g à d)23 MESSIAEN, O., Technique de mon langage musical, op. cit., p.1224 op. cit.25 GOLEA, A., Rencontres avec Olivier Messiaen, op. cit., p.65

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I I O

Non rétrogradation

I O I

Danse de la fureur pour les sept trompettes

Les modes à transposition limitée

le matériau le plus important est constitué par sept modes (séries) dits « à transposition limitée ». Le premier correspond à la gamme par tons entiers, indiquant d’ailleurs là aussi l’héritage debussyste. Ces sont « formés de plusieurs groupes symétriques, la dernière note étant toujours ‘‘commune’’ avec la première du groupe suivant » 26.

26 MESSIAEN, O., Technique de mon langage musical, op. cit., p.51

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De la sorte, « au bout d’un certain nombre de transpositions chromatiques (...), ils ne sont plus transposables - la quatrième transposition donnant exactement les mêmes notes que la première , par exemple » 27. L’impossibilité de poursuivre les transpositions de ces modes fait, selon O. Messiaen, « leur charme étrange. Ils sont dans l’atmosphère de plusieurs tonalités à la fois , sans polytonalité - le compositeur étant libre de donner la prédominance à l’une des tonalités, ou de laisser l’impression tonale flottante. Leur série est close . Il est mathématiquement impossible d’en trouver d’autres, au moins dans notre système tempéré à 12 demi-tons » 28.

Fouillis d’arcs-en-ciel pour l’ange qui annonce la fin du temps …

La musique d’O. Messiaen appelle, pour citer le propre mot du compositeur, au « charme des impossibilités » 29. Musique totalisante, elle est un système poussé au bout de ses possibilités, qui annonce la synthèse et le devenir de toutes les possibilités musicales du chromatisme.

A titre métaphorique ; le moulin d’escher

Question :

Système ? si je change un élément : tous les autres doivent être modifiés

Autogénération de son propre temps ?

Binaire

Sériel

Jeu de position

Différentiel

Transposable

V Vasarely27 op. cit. O. Messiaen parle en termes enharmoniques (do# ayant alors la même valeur que réb). Nous précisons ici que le nombre de transpositions varie selon chaque mode.28 op. cit., souligné par l’auteur29 op. cit. p.5, souligné par l’auteur

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Élève du Bauhaus hongrois - le Mühely - V. Vasarely s’installe en 1931 à Paris en tant que graphiste publicitaire. Le souci de conjuguer structure et mouvement apparaît dès ses premières oeuvres. Que ce soit en s’inspirant par exemple des galets de Belle-Île,

des carreaux de faïence craquelés de la station de métro Denfert-Rochereau

gihex, 1955 contrastes n et b, polarisation « ondulatoire »

l’artiste s’oriente sur des jeux de géométrie d’éléments simples et sur un travail d’abstraction extrêmement poussé. Cette perspective se double d’une recherche de la dynamisation des formes et de leur virtualité vibratoire, opérée au travers de leur juxtaposition, de leurs contrastes et du décalage positif-négatif, comme la série des Zèbres entreprise entre 1932 et 1950

Vasarely fera un hommage à malévitch. Retour à une forme de base, mais essai d’autodynamisation du carré

Ceci va conduire à l’art cinétique, qui voit le jour le 6 avril 1955, à l’occasion de l’exposition Le Mouvement qu’organise la galerie parisienne Denise René. Aux côtés d’artistes déjà confirmés, comme Alexander Calder et Marcel Duchamp, cette exposition présente une nouvelle génération de jeunes plasticiens - par exemple Jean Tinguely - dont V. Vasarely est promu chef de file. La plaquette de l’exposition que ce dernier rédige, connue sous le nom du Manifeste jaune, définit la nouvelle tendance de la plastique cinématique ou cinétique. En se référant à l’image cinématographique, l’art cinétique annonce une synthèse de l’espace et du mouvement. Comme l’écrit le peintre en lettres capitales sur son Manifeste :« L’ECRAN EST PLAN MAIS PERMETTANT LE MOUVEMENT, IL EST AUSSI ESPACE » 30.

Premières créations cynétiques :

polarisation « ondulatoire »

30 Cité in : POPPER, F. L’art cinétique, op. cit., p.92

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polarisation corpusculaire

Barson, 1966

Element de base : cellule Symétrie, réversibilité, mouvement, intégralité des couleurs impliquées dans le spectre vert

Puis reprise en plexiglass

Devenue autonome dans la réversibilité de son mouvement propre, affranchie de toute fixité comme de toute temporalité « externe » dans laquelle elle serait déchue, l’œuvre cinétique apparaît dès lors, écrit Pontus Hulten, en tant que l’un « des êtres les plus libres que l’on puisse imaginer, une création qui, échappant à tous les systèmes, vit de beauté » 31.

Une telle liberté, dans le projet du graphiste publicitaire V. Vasarely, apparaît au niveau de l’originalité des productions et à celui de leur diffusion. En effet, l’œuvre est conçue comme une sorte de matrice apte à s’auto-reproduire, elle-même établie à partir d’un modèle virtuel - celui de la structure quadrillée des exemples précédents - applicable à différentes compositions.

Puis usage de la technique de l’impression, l’artiste se contentant de concevoir une matrice.

À l’instar d’un négatif photographique, cette matrice issue du modèle permet à son tour une duplication grâce aux multiples supports des techniques modernes (mode, matériaux architecturaux, publicité, arts décoratifs...). L’oeuvre d’art quitte ici le domaine exclusif de sa limitation quantitative et de sa diffusion confidentielle auprès du public habituel des galeries dont l’« habitus » est toujours très marqué sociologiquement. Elle s’impose dans l’espace culturel voulu le plus large possible, le moins hiérarchisé, selon la proclamation de l’artiste : « l’art de demain sera trésor commun ou ne sera pas » 32.

Ainsi les gonflages qui vont envahir le design

Telle est bien cette esthétique que V. Vasarely propose de donner à chacun, une esthétique intime de l’Être dans son propre temps où une nouvelle émotion est désignée : la liberté d’une auto-construction et d’une appropriation d’un devenir dont, selon les derniers propos du

31 Cité in : op. cit.32 Cité in : op. cit., p.521

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Manifeste jaune, « l’avenir nous réserve le bonheur en la nouvelle beauté plastique mouvante et émouvante » 33.

Revenons à barson

2 caractéristiques, cinq critères

Or ces deux caractéristiques, et ces cinq critères ne sont ni de messiaen, ni de vasarely, mais de c lévi strauss pour désigner la structure, et de g deleuze pour définir le structuralisme…

Qu’est-ce donc que le structuralisme ?

« Etude de ce qui présente, notamment dans le champ des sciences humaines un caractère de système ou de structure » C. Lévi-Strauss

Un système ou une structure :

Autonomie synchronique et diachronique :

1) Ensemble d’éléments subordonnés à des lois qui caractérisent le système : interdépendance synchronique : modif. d’un élément modif. de tous les autres

2) Processus diachronique d’auto-transformation interne et d’auto-réglage (caratère prévisionnel ou « rétroactif « )

Il y aurait une structure au centre de tout fonctionnement humain, de toute culture

Or, s’il n’y a pas de culture sans langages, c’est au coeur de la linguistique que le structuralisme va trouver sa référence

33 Cité in : op. cit.

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Le problème est qu’on obtient, au centre de toute culture, un « modèle » virtuel, mécanique, binaire, pour lequel on peut postuler une artificialité. H Lefèvre dira que l’homme structural préfère une jambe de prothèse mécanique à la vrai jambe, de chair et de sensations

Or c’est ici que le structuralisme va rencontrer la critqiue prononcée par G Deleuze dans A quoi reconnaît-on le structuralisme ?

Pour delezue, la structure, censée e^tre première, fondatrice entre nature et culture, a cinq critères plus un.

Nous avons vu les cinq premiers :

Binaire

Sériel

Jeu de position

Différentiel

Transposable

Le « plus un » est celui qui met en péril la structure et le structuralisme : il s’agit de ce que Deleuze nomme « la case vide »

Prenons le jeu du taquin ou du pousse-pousse :

M O N

U E

R A T

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Cette case vide n’est pas réductible à la structure, elle lui permet de fonctionner et la précède: elle est ce vide fondamental que jamais la strcture ne pourra capturer

Ce n’est pas un hasard si après la vague structuraliste, les artistes vont plonger dans ce vide, comme le peintre yves Klein qui « plonge dans le vide »

Pour retrouver la matière chromatique, le matériau de la couleur (monochrome YKB) avant tout structure formelle

Ou j Dubuffet dans ses texturologies, à la recherche du matériau brut

Ou encore à la musique concrète ou au courant musical l’Itinéraire (élèves de Messiaen) qui travaille sur le spectre sonore le plus brut qui soit, indépendamment de toute prise en compte d’une forme structurée

C’est peut être la place de l’autre qui change : elle n’est plus dans la cs ou l’ics du sujet, mais dans la confrontation du sujet avec les forces du matériau… Peindre des forces et non plus des formes aimait dire Deleuze, en reprenant une observation du peintre Paul Klee…

Mais ceci est une autre époque, depuis l’effondrement du structuralisme, qui fut le dernier grand système théorique, de dernier grand récit…. Or cette nouvelle époque, qui commence à la fin des années 1960, marqué par « la fin des grands récits » met un terme définitif à la « modernité », engagée depuis les Lumières, et se nomme, à suivre J.F. Lyotard, la « postmodernité »… A poursuivre…