edition du jeudi 16 janvier 2014

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LES ANNONCES DE LA SEINE J OURNAL OFFICIEL DʼANNONCES LÉGALES - I NFORMATIONS GÉNÉRALES, J UDICIAIRES ET TECHNIQUES bi-hebdomadaire habilité pour les départements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne 12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Téléphone : 01 42 60 36 35 - Télécopie : 01 47 03 92 15 Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected] FONDATEUR EN 1919 : RENÉ TANCRÈDE - DIRECTEUR : JEAN-RENÉ TANCRÈDE Jeudi 16 janvier 2014 - Numéro 3 - 1,15 Euro - 95 e année P our la dernière fois de sa carrière professionnelle, le Premier Président Catherine Husson-Trochain a ouvert l’audience solennelle de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en présence des plus hautes personnalités des mondes juridique et judiciaire, mais également universitaire, économique et religieux. Elle n’a pas manqué, comme le veut la tradition, de dresser un bilan de l’année écoulée sur l’activité de sa juridiction et de livrer un certain nombre de messages forts avant son départ dans quelques mois. Pour Madame le Premier Président, l’institution justice est en mouvement. Elle a plaidé pour une justice rénovée avec des juges recentrés sur leur mission essentielle consistant à dire le droit afin de « garantir une justice de qualité disponible pour tous selon ses besoins». Quant au Procureur Général Jean-Marie Huet, il a voulu mener une réflexion sur la nécessaire refondation du Ministère public, concentrant ainsi son excellente intervention sur les propositions de la Commission Nadal notamment chargée de moderniser le Ministère public du 21 ème siècle. Pour l’orateur, face à « l’urgence de la situation » il faut que parmi les 67 propositions « les préconisations les plus opérationnelles et parfaitement réalistes soient rapidement mises en œuvre ». Jean-Marie Huet a conclu sur le thème du Procureur européen avec l’officialisation, le 17 juillet 2013, par la Commission européenne, de la proposition de texte portant création du Parquet européen sur un modèle fédéral : le Procureur serait nommé par le Conseil des Ministres de la Justice et le Parlement européen pour huit ans. Bien qu’il ne soit pas encore question d’une Cour pénale européenne, l’Europe de la justice se construit à petit pas en ce début du 21 ème siècle. Jean-René Tancrède Photo © Jean-René Tancrède - Téléphone : 01.42.60.36.35 Cour d’appel d’Aix-en-Provence Audience Solennelle de Rentrée, 8 janvier 2014 Catherine Husson-Trochain, Michel Cadot et Jean-Marie Huet RENTRÉE SOLENNELLE Cour d’appel d’Aix-en-Provence - Faire progresser la Justice par Jean-Marie Huet ..................... 2 - Façonner le droit pour garantir une justice de qualité par Catherine Husson-Trochain .................................................. 6 JURISPRUDENCE Dieudonné, le Conseil d’Etat et les Etats-Unis par François-Henri Briard ................................................. 10 Tribunal administratif de Nantes - Référé du 9 janvier 2014, Numéro 1400110. Société Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala........................................ 11 Conseil d’Etat - Ministre de l’interieur c/ Société Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonné M’Bala M’Bala. Ordonnance du 9 janvier 2014 - Numéro 374508 .................... 13 SOCIÉTÉ Droits des femmes et mixité professionnelle - Lutter pour l’égalité par Jean-Marc Ayrault ............................. 14 ANNONCES LÉGALES ............................................... 17 DÉCORATION Basile Ader Chevalier de la Légion d’honneur ..................... 32

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  • LES ANNONCES DE LA SEINE

    JOURNAL OFFICIEL DANNONCES LGALES - INFORMATIONS GNRALES, JUDICIAIRES ET TECHNIQUESbi-hebdomadaire habilit pour les dpartements de Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val de Marne

    12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARIS - Tlphone : 01 42 60 36 35 - Tlcopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr - E-mail : [email protected]

    FONDATEUR EN 1919 : REN TANCRDE - DIRECTEUR : JEAN-REN TANCRDE

    Jeudi 16 janvier 2014 - Numro 3 - 1,15 Euro - 95e anne

    Pour la dernire fois de sa carrire professionnelle, le Premier Prsident Catherine Husson-Trochain a ouvert laudience solennelle de la Cour dappel dAix-en-Provence en prsence des plus hautes personnalits des mondes juridique et judiciaire, mais galement universitaire, conomique et religieux.Elle na pas manqu, comme le veut la tradition, de dresser un bilan de lanne coule sur lactivit de sa juridiction et de livrer un certain nombre de messages forts avant son dpart dans quelques mois. Pour Madame le Premier Prsident, linstitution justice est en mouvement. Elle a plaid pour une justice rnove avec des juges recentrs sur leur mission essentielle consistant dire le droit afi n de garantir une justice de qualit disponible pour tous selon ses besoins. Quant au Procureur Gnral Jean-Marie Huet, il a voulu mener une rfl exion sur la ncessaire

    refondation du Ministre public, concentrant ainsi son excellente intervention sur les propositions de la Commission Nadal notamment charge de moderniser le Ministre public du 21me sicle. Pour lorateur, face lurgence de la situation il faut que parmi les 67 propositionsles prconisations les plus oprationnelles et parfaitement ralistes soient rapidement mises en uvre. Jean-Marie Huet a conclu sur le thme du Procureur europen avec lofficialisation, le 17juillet 2013, par la Commission europenne, de la proposition de texte portant cration du Parquet europen sur un modle fdral : le Procureur serait nomm par le Conseil des Ministres de la Justice et le Parlement europen pour huit ans.Bien quil ne soit pas encore question dune Cour pnale europenne, lEurope de la justice se construit petit pas en ce dbut du 21me sicle. Jean-Ren Tancrde

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    Cour dappel dAix-en-ProvenceAudience Solennelle de Rentre, 8 janvier 2014

    Catherine Husson-Trochain, Michel Cadot et Jean-Marie Huet

    RENTRE SOLENNELLE Cour dappel dAix-en-Provence- Faire progresser la Justice par Jean-Marie Huet ..................... 2- Faonner le droit pour garantir une justice de qualit par Catherine Husson-Trochain .................................................. 6

    JURISPRUDENCE Dieudonn, le Conseil dEtat et les Etats-Unis par Franois-Henri Briard ................................................. 10 Tribunal administratif de Nantes- Rfr du 9 janvier 2014, Numro 1400110. Socit Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala........................................ 11 Conseil dEtat- Ministre de linterieur c/ Socit Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala. Ordonnance du 9 janvier 2014 - Numro 374508 .................... 13 SOCIT Droits des femmes et mixit professionnelle - Lutter pour lgalit par Jean-Marc Ayrault ............................. 14 ANNONCES LGALES ............................................... 17DCORATION Basile Ader Chevalier de la Lgion dhonneur ..................... 32

  • 2 Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro 3

    Rentre solennelleLES ANNONCES DE LA SEINESige social :

    12, rue Notre-Dame des Victoires - 75002 PARISR.C.S. PARIS B 339 349 888

    Tlphone : 01 42 60 36 35 - Tlcopie : 01 47 03 92 15Internet : www.annoncesdelaseine.fr

    e-mail : [email protected]

    Etablissements secondaires :l 4, rue de la Masse, 78910 BEHOUST Tlphone : 01 34 87 33 15l 1, place Paul-Verlaine, 92100 BOULOGNE Tlphone : 01 42 60 84 40l 7, place du 11 Novembre 1918, 93000 BOBIGNY Tlphone : 01 42 60 84 41l 1, place Charlemagne, 94290 VILLENEUVE-LE-ROI Tlphone : 01 45 97 42 05

    Directeur de la publication et de la rdaction :Jean-Ren Tancrde

    Comit de rdaction :

    Thierry Bernard, Avocat la Cour, Cabinet BernardsFranois-Henri Briard, Avocat au Conseil dEtatAgns Bricard, Prsidente de la Fdration des Femmes AdministrateursAntoine Bullier, Professeur lUniversit Paris I Panthon SorbonneMarie-Jeanne Campana, Professeur agrg des Universits de droitAndr Damien, Membre de lInstitutPhilippe Delebecque, Professeur de droit lUniversit Paris I Panthon SorbonneBertrand Favreau, Prsident de lInstitut des Droits de lHomme des Avocats Europens, ancien Btonnier de BordeauxDominique de La Garanderie, Avocate la Cour, ancien Btonnier de ParisBrigitte Gizardin, Magistrat honoraireRgis de Gouttes, Premier avocat gnral honoraire la Cour de cassation Chlo Grenadou, Juriste dentrepriseSerge Guinchard, Professeur de Droit lUniversit Paris II Panthon-AssasGrard Haas, Avocat la Cour, Prsident de GesicaFranoise Kamara, Conseiller la premire chambre de la Cour de cassationMaurice-Antoine Lafortune, Avocat gnral honoraire la Cour de cassation Bernard Lagarde, Avocat la Cour, Matre de confrence H.E.C. - EntrepreneursJean Lamarque, Professeur de droit lUniversit Paris II Panthon-AssasChristian Lefebvre, Prsident Honoraire de la Chambre des Notaires de ParisDominique Lencou, Prsident dHonneur du Conseil National des Compagnies dExperts de JusticeNolle Lenoir, Avocate la Cour, ancienne MinistrePhilippe Malaurie, Professeur mrite lUniversit Paris II Panthon-AssasJean-Franois Pestureau, Expert-Comptable, Commissaire aux comptesGrard Pluyette, Conseiller doyen la premire chambre civile de la Cour de cassationJacqueline Socquet-Clerc Lafont, Avocate la Cour, Prsidente dhonneur de lUNAPLYves Repiquet, Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisRen Ricol, Ancien Prsident de lIFACFrancis Teitgen, Avocat la Cour, ancien Btonnier de ParisCarol Xueref, Directrice des affaires juridiques, Groupe Essilor International

    Publicit :Lgale et judiciaire : Didier ChotardCommerciale : Frdric Bonaventura

    Commission paritaire : n 0718 I 83461I.S.S.N. : 0994-3587Tirage : 13 268 exemplairesPriodicit : bi-hebdomadaireImpression : M.I.P.3, rue de lAtlas - 75019 PARIS

    Copyright 2014Les manuscrits non insrs ne sont pas rendus. Sauf dans les cas o elle est autorise expressment par la loi et les conventions internationales, toute re-production, totale ou partielle du prsent numro est interdite et constitue-rait une contrefaon sanctionne par les articles 425 et suivants du Code Pnal.

    Le journal Les Annonces de la Seine a t dsign comme publicateur offi ciel pour la priode du 1er janvier au 31 dcembre 2014, par arrts de Messieurs les Prfets : de Paris, du 24 dcembre 2013 ; des Yvelines, du 19 dcembre 2013 ; des Hauts-de-Seine, du 18 dcembre 2013 ; de la Seine-Saint-Denis, du 26 dcembre 2013 ; du Val-de-Marne, du 30 dcembre 2013 ; de toutes annonces judiciaires et lgales prescrites par le Code Civil, les Codes de Procdure Civile et de Procdure Pnale et de Commerce et les Lois spciales pour la publicit et la validit des actes de procdure ou des contrats et des dcisions de justice pour les dpartements de Paris, des Yvelines, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne ; et des Hauts-de-Seine.N.B. : Ladministration dcline toute responsabilit quant la teneur des annonces lgales.

    -Tarifs hors taxes des publicits la ligneA) Lgales :Paris : 5,49 Seine-Saint-Denis : 5,49 Yvelines : 5,24 Hauts-de-Seine : 5,49 Val-de-Marne : 5,49 B) Avis divers : 9,76 C) Avis fi nanciers : 10,86 D) Avis relatifs aux personnes : Paris : 3,83 Hauts-de-Seine : 3,83 Seine-Saint Denis : 3,83 Yvelines : 5,24 Val-de-Marne : 3,83 - Vente au numro : 1,15 - Abonnement annuel : 15 simple 35 avec supplments culturels 95 avec supplments judiciaires et culturels

    COMPOSITION DES ANNONCES LGALESNORMES TYPOGRAPHIQUES

    Surfaces consacres aux titres, sous-titres, fi lets, paragraphes, alinas

    Titres : chacune des lignes constituant le titre principal de lannonce sera compose en capitales (ou majuscules grasses) ; elle sera lquivalent de deux lignes de corps 6 points Didot, soit arrondi 4,5 mm. Les blancs dinterlignes sparant les lignes de titres nexcderont pas lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Sous-titres : chacune des lignes constituant le sous-titre de lannonce sera compose en bas-de-casse (minuscules grasses) ; elle sera lquivalent dune ligne de corps 9 points Didot soit arrondi 3,40 mm. Les blancs dinterlignes sparant les diffrentes lignes du sous-titre seront quivalents 4 points soit 1,50 mm.Filets : chaque annonce est spare de la prcdente et de la suivante par un fi let 1/4 gras. Lespace blanc compris entre le fi let et le dbut de lannonce sera lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot soit 2,256 mm. Le mme principe rgira le blanc situ entre la dernire ligne de lannonce et le fi let sparatif. Lensemble du sous-titre est spar du titre et du corps de lannonce par des fi lets maigres centrs. Le blanc plac avant et aprs le fi let sera gal une ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm.Paragraphes et Alinas : le blanc sparatif ncessaire afi n de marquer le dbut dun paragraphe o dun alina sera lquivalent dune ligne de corps 6 points Didot, soit 2,256 mm. Ces dfi nitions typographiques ont t calcules pour une composition effectue en corps 6 points Didot. Dans lventualit o lditeur retiendrait un corps suprieur, il conviendrait de respecter le rapport entre les blancs et le corps choisi.

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    Faire progresser la Justicepar Jean-Marie Huet

    Voici dj revenu pour les magistrats et fonctionnaires de cette Cour, ce temps fort de laudience solennelle de rentre, que la loi, consacrant une tradition de plusieurs sicles, nous prescrit de tenir.Exercice convenu pour certains, voire dsuet pour dautres, il reste pourtant mes yeux incontournable, tant je considre que nous avons eff ectivement des comptes rendre.En eff et si les magistrats se plaisent rappeler que la Justice est rendue au nom de leurs concitoyens, cest moins pour y rechercher la justifi cation de leurs pouvoirs, que pour dterminer ltendue de leurs obligations leur gard.Aussi cette audience solennelle ne doit donc pas tre seulement la manifestation dune certaine autosatisfaction, fut-elle lgitime, mais la restitution en une image comptablement fi dle et transparente, de lactivit judiciaire dans le vaste ressort de cette cour, loccasion de convaincre des volutions intervenues, afi n que le regard que nos concitoyens et ceux qui les reprsentent ce matin portent sur la justice soit plus clair.Jexprime ma gratitude chacune et chacun dentre vous davoir bien voulu rejoindre ce matin notre assemble, en sacrifi ant ce rite judiciaire qui nest pas pour une fois, abandonn aux seuls professionnels du droit, mais se veut une tradition vivante et non lexpression dune ternit fi ge.

    ACTIVIT PNALE DE LA COUR Les chiffres restituant lactivit pnale de cette cour dappel et des juridictions du ressort illustrent une relative stabilisation de la production juridictionnelle.

    LA DLINQUANCE DANS LE RESSORT Sagissant de la forme des actes de dlinquance constats lan dernier, cest bien videmment lexpression toujours trs prgnante de cette dlinquance violente que lon songe, notamment mais pas exclusivement, dans lagglomration marseillaise, avec un chiff re pourtant rduit par rapport lanne coule, mais bien sr toujours

    trop important, du nombre de meurtres sous forme de rglements de compte. Sur ce point je souhaite plutt mettre en exergue de manire parfaitement objective, lefficacit des services denqutes avec llucidation de nombreuses affaires criminelles, mais aussi des magistrats puisquun nombre significatif de dossiers dinformation suivis la JIRS de Marseille ont fait lobjet de saisines des juridictions de jugement. Il faut galement saluer la ralit de lengagement conjoint des parquets, des responsables des services de police et de gendarmerie, et des services de ltat, cet investissement tant destin sinscrire dans le temps, quil sagisse de lapplication de la circulaire de politique pnale territoriale de Madame la Garde des Sceaux de novembre 2012, prescrivant une mobilisation tout fait spcifi que dans les Bouches-du-Rhne, ou du partenariat effi cace mis en uvre dans les Zones de Scurit Prioritaires de Marseille Nord et Sud, de Bouc Bel Air et de Gardanne, de lagglomration nioise, de Hyres et depuis peu de Toulon. Il a pu ainsi tre dmontr quil est toujours possible, en mutualisant les analyses comme les ressources, en dfi nissant plus clairement et lisiblement les objectifs atteindre, de parvenir des rsultats plus signifi catifs. Les chiff res qui seront restitus par les procureurs lors des audiences des tribunaux de grande instance, illustreront jen suis convaincu la ralit et leffi cacit de cette dmarche novatrice. Il faut aussi se rjouir des rsultats obtenus la faveur dun fort investissement des services de police judiciaire, dans le domaine du proxntisme mafieux, notamment dans lest de ce ressort.Mais il est dautres formes de dlinquance qui doivent justifier chaque jour davantage notre vigilante attention.Ce sont tout dabord les violences conjugales pour lesquelles en dpit des efforts fournis, non seulement par les services denqute et les juridictions, mais galement les diffrents partenaires associatifs, il existe incontestablement une marge de progression dans la mise en exergue de ces situations dramatiques, en amliorant encore la dtection de celles-ci, les conditions daccueil dans les services denqutes ou dans nos palais de Justice, dans lorientation la plus approprie de ces procdures pour le traitement le plus dissuasif des

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    auteurs des ces maltraitances, les drames rcents survenus dans la rgion ne peuvent sur ce point que nous inciter redoubler dattention.Il est une autre forme de dlinquance, plus sournoise, plus pernicieuse qui naccrot gure les statistiques des services denqute comme des parquets, mais qui doit pourtant justifier galement une particulire vigilance : je veux parler l des infractions caractre raciste, antismite, xnophobe ou homophobe, quil sagisse dagressions physiques, dinjures ou de discriminations. Nous disposons dun arsenal lgislatif tout fait adapt pour rprimer, sanctionner leur juste mesure les propos et les actes racistes qui minent le lien social. Je sais les parquets dj accapars par dassez nombreuses priorits que je leur demande de prendre en compte dans la dclinaison locale de la politique pnale rgionale que jai la responsabilit de mettre en uvre. Toutefois ils connaissent mon exigence particulire dans ce domaine o la mobilisation doit tre constante pour permettre aux enquteurs didentifier dans les dlais les plus brefs les auteurs des infractions qui doivent comparatre devant les juridictions de manire diligente.Notre rgion est par ailleurs, particulirement concerne par la problmatique environnementale, (pollutions en Mditerrane, atteintes au patrimoine du littoral, dcharges sauvages, non respect des rgles durbanisme....). La rforme des polices de lenvironnement entre en vigueur au 1erjuillet 2013 fait toute sa place la transaction, mais elle reste sous le contrle du parquet. la faveur de partenariats renforcs rcemment avec la direction rgionale de lenvironnement de lamnagement et du logement (DREAL), la mise en place de structures dpartementales de lutte contre toutes les formes datteintes lenvironnement, nous serons dsormais mieux en mesure de dtecter ces infractions, den identifier les auteurs et dapporter la rponse pnale la plus pertinente.

    UNE DLINQUANCE CONOMIQUE ET FINANCIRE AUX FACETTES MULTIPLES Linterpntration de la criminalit organise, des trafics de stupfiants, dtres humains et de la dlinquance conomique et financire a justifi la mise en place de nouvelles approches avec le concours du groupement dintervention rgional PACA, de son antenne Nice, et de lantenne marseillaise cre la fin de lanne 2012.Mais il faudrait voquer galement pour cette anne 2013 la mobilisation de lensemble des acteurs susceptibles dtre concerns par les atteintes la probit (officiers publics ministriels, mandataires de justice, commissaires aux comptes), le renforcement des liens avec la chambre rgionale des comptes, la cellule TRACFIN, qui nous ont permis dacqurir une meilleure matrise de ces mcanismes dans la dtection de ces infractions, face limagination toujours plus dbordante de leurs auteurs quels que soient leurs statuts ou leurs fonctions. Sur ce sujet la rcente loi du 6dcembre 2013 a renforc le dispositif de lutte contre la fraude fiscale et la dlinquance conomique et financire et cre compter du 1er fvrier prochain, un procureur financier national, qui constituera certainement une incontestable plus value, mme si nous disposons dj au plan rgional de comptences et dexpertises qui ont dores et dj fait leurs preuves.

    MIEUX APPRHENDER LE PATRIMOINE DES DLINQUANTS Mais encore faut-il sattaquer plus efficacement aux patrimoines illgalement obtenus par ces dlinquants. Moins de trois ans aprs sa cration, lAgence de Gestion et de Recouvrement des Avoirs Criminels saisis et confisqus (AGRASC) en charge de la centralisation de toutes les saisies au plan national, peut afficher sur son tableau de bord une valorisation suprieure un milliard deuros, si lon additionne lensemble des numraires saisis,

    des comptes bancaires, des vhicules, des biens mobiliers divers, et galement de plus en plus frquemment des saisies immobilires pratiques chez ces dlinquants. Certes il ne sagit que de saisies conservatoires, mais qui pour un certain nombre dentre elles se sont vues confirmes par la voie de confiscations devenues dfinitives, et lAGRASC sest dj employe au cours de lanne 2013 raliser la vente de biens immobiliers et de restituer ainsi au budget gnral de lEtat plusieurs millions deuros. Des ventes de biens immobiliers confisqus ont aussi concern lexcution de demandes dentraide internationale provenant de plusieurs pays trangers. Le ressort de notre Cour dappel dAix-en-Provence nest pas en reste, puisque depuis la cration de lagence, avec le regroupement de toutes les saisies ralises certaines fois depuis de nombreuses annes, plus de 95 millions deuros de biens mobiliers et immobiliers saisis proviennent des huit juridictions du ressort de la Cour dappel dAix-en-Provence. Pour la seule anne 2013 plus de 30millionsdeuros ont t saisis dont plus de 12concernent des valeurs immobilires. Ceci illustre sil en tait besoin, la totale matrise, par les services denqute tout dabord, police, gendarmerie, douane et par les magistrats du parquet, de linstruction, et des juridictions de jugement ensuite, de cette nouvelle approche patrimoniale dans une lutte toujours plus efficace contre la criminalit organise et la dlinquance conomique et financire.

    LA JUSTICE EN CHANTIERSLanne 2014 devrait connatre laboutissement de nombreux chantiers ouverts par notre Garde des Sceaux.Le projet de loi pnale relatif la prvention de la rcidive et lindividualisation de la peine devrait tre dbattu devant le Parlement au printemps prochain. Lenjeu est denvergure pour imaginer de nouveaux leviers dactions en vue de favoriser

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    la rinsertion des condamns. Puisse cette dmarche normative, nous amenant revisiter notre conception de la peine, provoquer un dbat de qualit, qui mrite et impose lucidit, rigueur et humilit dans lanalyse, trs loin des certitudes arrogantes. La nouvelle peine de contrainte pnale, peine sans emprisonnement mais avec de strictes obligations pour le condamn, le concept de csure entendue comme une distinction dans le temps, entre le moment de la reconnaissance de la culpabilit et de celui de la dtermination de la peine, constitueront parmi bien dautres dispositions de nouveaux outils quil nous faudra apprhender ds que la loi sera applicable. Nous sommes particulirement concerns dans le ressort de cette cour par la problmatique de la surpopulation carcrale, avec ce jour 7450personnes croues, nonobstant un taux damnagement des peines qui ne cesse de crotre. Par ailleurs les manifestations organises en marge du 30me anniversaire de la peine du travail dintrt gnral en novembre dernier, auront eu jen suis convaincu un effet salutaire de conviction vis--vis des collectivits territoriales, les diff rentes institutions ou structures, susceptibles de proposer aux magistrats de plus nombreux postes de TIG, diversifi s, plus adapts au profi l des condamns. Il sagit l dune vraie peine qui a dmontr toute son effi cacit et que lon ne doit pas hsiter requrir.Sagissant des entreprises en diffi cult, aprs de nombreuses consultations, le parlement, par la loi du 2janvier 2014, autoris le gouvernement procder par ordonnance une nouvelle rforme des procdures collectives, pour favoriser les mesures de prvention, les procdures de sauvegarde, amliorer les procdures liquidatives, en prcisant les conditions dintervention du ministre public. Les juridictions consulaires mais aussi les parquets doivent donc sattendre dans les mois qui viennent devoir sadapter de nouvelles rgles procdurales dans le but de mieux prserver les emplois.A linitiative de la Ministre de la Justice, plusieurs groupes de travail ont donc tout au long de lanne 2013 men des rflexions approfondies sur

    lorganisation judiciaire, le primtre dintervention du juge et sur lavenir du Ministre Public. Je ferai tout dabord le constat que certains thmes ou propositions sont vritablement transversaux aux diffrents groupes. Je pense notamment lindispensable dpnalisation ou tout le moins djudiciarisation dun certain nombre dinfractions dont la masse ne permet pas toujours un traitement individualis ni de justifier lintervention dun magistrat du Ministre Public submerg de tches, voire lintervention dun juge. De nombreuses propositions ont t formules qui vont de laccroissement du champ des amendes forfaitaires celui des procdures de transaction. Je songe aussi larticulation la plus adapte au territoire dune organisation judiciaire moderne et cohrente, avec le concept du tribunal dpartemental et donc dun procureur dpartemental. Nous aurons loccasion dans les prochains jours et les prochaines semaines, dans diffrentes enceintes, dapprofondir ces concepts, envisager toutes les consquences pour favoriser lmergence de consensus sur les solutions les plus pertinentes et pragmatiques.

    LA NCESSAIRE REFONDATION DU MINISTRE PUBLIC Vous comprendrez que je concentre mon propos sur la commission prside par Jean-Louis Nadal et qui a affi ch lambition de refonder le Ministre Public. A lheure o la Ministre de la Justice souhaite pourtant dans les tous prochains jours lors du colloque organis sur la Justice du XXIme sicle, mettre en exergue la place du citoyen au cur de la Justice, je conois que pour un certain nombre dentre vous les proccupations statutaires, organisationnelles ou fonctionnelles des magistrats des parquets apparaissent quelque peu loignes de leur propres soucis Dans la conception franaise, cest dans leur qualit de magistrat que les membres du ministre public puisent leur lgitimit. Quil sagisse de contrler laction de la police judiciaire en veillant au respect des liberts et des droits fondamentaux,

    dexaminer la loyaut et la consistance des preuves avant de saisir le juge ou de sexprimer, dans leurs rquisitions, au nom de la socit, les magistrats du parquet nagissent quen considration de la seule exigence de la dfense de lintrt gnral, dans le respect du principe dimpartialit auquel ils sont tenus. Lincomprhension persistante des magistrats du Ministre Public qui vivent leur mtier avec passion, porte sur la remise en cause, non pas de leurs prrogatives, mais de la lgitimit de leur capacit garantir eux aussi les liberts individuelles comme le Conseil constitutionnel ne cesse de leur rappeler. Certaines jurisprudences rcentes ont des incidences concrtes sur la rgularit des actes denqutes effectus sous le contrle des procureurs, et ceci constitue un enjeu qui concerne lensemble des justiciables, auteurs ou victimes. La rforme engage mais non encore finalise du Conseil Suprieur de la Magistrature, devrait donc imprativement aboutir pour garantir lindpendance statutaire du Ministre Public, et ne plus susciter quelque suspicion que ce soit sur son impartialit.Dindispensables moyens aussi bien humains que matriels doivent tre donns aux parquets. Le renforcement de lautorit du Ministre Public sur la police judiciaire, doit sexprimer concrtement aussi bien en consolidant le rle du parquet dans le contrle des enqutes quen rappelant le principe du libre choix du service denqute par les parquets. Depuis le 1er janvier 2014 policiers et gendarmes sont dots dun Code de dontologie commun, constituant des repres essentiels sur leurs obligations et leur cadre daction: discrtion, probit, discernement, impartialit. Je ne doute que le respect de ces normes facilite la relation quils entretiennent avec nos concitoyens.Procureurs gnraux et procureurs doivent pouvoir tre associs la rpartition des moyens, des eff ectifs au sein des services de police judiciaire, pour tre vritablement en mesure de mettre en uvre la politique pnale dcide au niveau national, dcline rgionalement et localement.

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    La commission Nadal recommande aussi, mesdames et messieurs les btonniers, dintroduire une phase de contradictoire dans les enqutes longues qui nont pas fait lobjet douverture dune information judiciaire, et de gnraliser lassistance dun avocat au moment du dfrement. Les membres de la Commission ont parfaitement conscience de lurgence de la situation et des espoirs placs en elle, mais aussi quun certain nombre des 67prconisations quelle formule ne se raliseront pas court terme, compte tenu notamment de la nature normative, lgislative, voire constitutionnelle de certaines dentres elles, mais il importe que ces chantiers normatifs soient engags et que les prconisations les plus oprationnelles et parfaitement ralistes, soient rapidement mises en uvre. Cela me parat tout simplement vital pour le ministre public franais.

    UNE EUROPE JUDICIAIRE EN CONSTRUCTION LEurope judiciaire avance. Lan dernier jvoquais le concept de procureur europen qui a connu un dveloppement tout fait concret cette anne, avec lofficialisation le 17juillet2013 par la Commission europenne de la proposition de texte portant cration de ce parquet sur un modle fdral: le procureur europen serait nomm par le conseil des Ministres de la Justice et le Parlement europen pour huit ans. Ce procureur nommerait son tour des procureurs europens dlgus dans chacun des tats membres sur une liste propose par les gouvernements. Lensemble du parquet sera soumis au contrle du parlement europen, du conseil des Ministres et de la Cour de Justice. Il pourra ordonner des mesures denqutes, diverses investigations (perquisitions) en respectant chaque droit national, mais les personnes poursuivies continueront tre juges par les juridictions nationales, car pour le moment il nest pas question de crer une Cour pnale europenne.Certes, tous les obstacles ne sont pas franchis, certains Parlements nationaux estimant que cette proposition empiterait sur les comptences nationales, il nest pas impossible qu dfaut dunanimit, ce projet ne runisse que ceux des Etats membres volontaires dans le concept de la coopration renforce, mais incontestablement les choses avancent.

    LEurope de la justice, cest aussi ladoption le 22 octobre 2013 par le parlement europen et le conseil de lunion europenne de la directive relative laccs lavocat que les tats membres doivent transposer dans leurs droits nationaux avant novembre 2016. Cette directive est la 3me mesure de la feuille de route garantie procdurale aprs la directive relative au droit linterprtariat et la traduction adopte le 22octobre 2010 qui a fait lobjet en juillet 2013 dune loi dsormais applicable sur notre territoire national et de la directive relative au droit linformation adopte le 22mai 2012. Cette dernire directive vient parachever lharmonisation des rgles de procdure pnale applicables aux personnes suspectes ou poursuivies quel que soit lEtat membre dans lequel la procdure est conduite. Elle largie les conditions dans lesquelles une personne suspecte et poursuivie peut tre assiste par un avocat pendant toute laudition y compris au regard des auditions libres.Sagissant de la directive relative au droit linformation adopte le 22 mai 2012 et qui doit tre transpose avant le 12 juin 2014, qui concerne notamment laccs aux pices dun dossier mme aux prmices de la procdure, la France entend bien appliquer dans toutes ses dispositions cette directive qui constituera incontestablement une avance dans lexpression concrte des droits de la dfense. Il ne mapparat toutefois ni ncessaire ni opportun dici l dentretenir la confusion en anticipant cette volution. Il convient denvisager sereinement, de manire pragmatique et concrte, notamment dans les services denqute, comment raliser ce nouvel quilibre qui doit tenir compte des conditions dj eff ectives de lexercice de ces droits dans chacun des pays de lunion europenne. Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, lanne 2014 sera nouveau riche dchances tout simplement essentielles pour linstitution judiciaire qui concernent non seulement les professionnels que nous sommes les uns et les autres, mais chacune et chacun de nos concitoyens.A laube de cette nouvelle anne, notre audience solennelle constitue une nouvelle tape empreinte la fois de nostalgie lorsque lon songe la fuite du temps et desprance dans lavenir qui nous attend. Quil soit empli de notre engagement sans cesse renouvel, de notre volont collective de voir progresser la Justice.

    Rentre solennelle Agenda

    DROIT ET PROCEDURE - AVOCATS CONSEILS DENTREPRISES

    La procdure dans les modes de rsolution extrajudiciaires des litigesColloque le 23 janvier 2014 Maison du Barreau2/4 rue de Harlay 75001 PARIS Renseignements: 01 47 66 30 [email protected] 2014-22

    ASSOCIATION FRANAISE DES JURISTES DENTREPRISE

    Savoir se positionner en qualit de Juriste pour renforcer son effi cacitConfrence le 23 janvier 2014Htel Mercure 18, Parvis des Chartrons33080 BORDEAUXRenseignements: 06 19 97 44 [email protected] 2014-23

    CENTRE DE RECHERCHE EN DROIT CONSTITUTIONNEL

    La question prioritaire de contitutionnalit: quel renouveau pour le droit constitutionnel?Colloque le 24 janvier 2014 Conseil constitutionnel2, rue de Montpensier 75001 PARIS Renseignements: 01 44 78 33 54 [email protected] 2014-24

    CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX

    10me Etats Gnraux du droit de la famille Les 30 et 31 janvier 2014Maison de la Chimie 28, rue Saint-Dominique 75007 PARIS Renseignements: 01 53 30 85 65 [email protected]

    2013-000

    UNION INTERNATIONALE DES AVOCATS

    9me Sminaire dhiver: Les dfi s juridiques pour 2014Du 22 fvrier au 1er mars 2014Das MajesticVia Im Gelnde 20I-39031 RisconeBRUNICO SOUTH TYROL ITALIERenseignements: 01 44 88 55 [email protected] 2014-25

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    Faonner le droit pour garantir une justice de qualitpar Catherine Husson-Trochain

    Lexceptionnelle judiciarisation des rapports sociaux sest dveloppe ces dernires annes. Dj depuis quelques dcennies, la justice, notre Institution et ceux qui la servent font face avec dtermination aux dferlantes des lois qui leur confi ent toujours plus de missions.Ainsi la demande de justice est toujours plus importante de jour en jour et les moyens ne sont pas ncessairement la seule rponse aux maux qui frappent la Justice. Une prise de conscience collective que la Justice dans toutes ses composantes se trouve aujourdhui la croise des chemins est acquise et chacun sait bien que prolonger les courbes infl ationnistes la conduirait limpasse.Les mentalits changent, les comportements changent, les pratiques changent, la socit change et le droit sadapte, innove. La justice, par ses juges faonne le droit, lui donne sa force, volue et se rforme constamment car elle doit rpondre lobjectif essentiel de garantir une justice de qualit, disponible pour tous selon ses besoins.Mais chacun doit en tre bien convaincu quactuellement elle ne peut plus rpondre toutes les demandes de Justice.

    RENDRE DES COMPTES Rendre des comptes telle est la faon de remplir publiquement les obligations de transparence que les habitants du ressort sont en droit dattendre de nous.Certes dresser un inventaire nest pas chose aise et de plus il ne rend pas compte de la diffi cult du travail judiciaire, de sa nature, de sa diversit, de son intensit ou sa complexit.Comment dpeindre le double rle de notre Cour, la fois juridiction dappel et organe dadministration, danimation et de contrle. Car notre activit ne se limite pas aux seules activits juridictionnelles.Lanne 2013 na donc pas chapp ce diffi cile quilibre que je dcrivais dj lanne dernire pour dterminer la juste ligne de partage entre les moyens allous laction civile et laction pnale en proportion de leur activit. (...)A cet instant de mon propos je ne peux pas passer sous silence le formidable travail fait en commun, magistrats, greffiers et avocats pour perptuer la russite que constitue la gestion lectronique intensive entre la cour et les cabinets davocats des affaires civiles avec reprsentation obligatoire, puisquen moyenne 30000 messages sont changs par mois.Une fois nest pas coutume, cette anne je voudrais souligner la comptence et la qualit du travail accompli des 11 magistrats qui sigent dans les 4 chambres de linstruction, des 7 prsidents des cours dassises de nos 4 dpartements et des 22magistrats des chambres pnales correctionnelles, dapplication des peine et des mineurs.Ils sont les artisans sereins de lourdes dcisions dont la presse se fait rgulirement lcho. Je les remercie aussi tout particulirement de leur discrtion et de leur modestie passe et venir compte tenu des dossiers quils auront traiter en 2014. Ils savent mais je le rpte publiquement que je serai l leur ct et sans doute devant eux si daventure certains cherchaient les dstabiliser de quelque manire que ce soit dans lexercice de leurs fonctions.

    LA JUSTICE EN MOUVEMENT: Evolution et avenir partir de deux exemples emblmatiques: Les femmes et la familleEn abordant la seconde partie de mes propos, je vous rappelle mes mots introductifs annonant le sujet: Les mentalits changent, les comportements changent, les pratiques changent, la socit change, les lois changent et le droit sadapte, est faonn par les juges qui lui donnent toute sa force. Cest ainsi: La justice volue, doit continuer voluer et continuera voluer comme la socit le demande en exigeant plus de transparence et plus deffi cience.Les acteurs ou partenaires de justice seront les moteurs essentiels des changements.A loccasion de ces constats je voudrais vous faire partager deuxrfl exions personnelles partir de deuxexemples que je mautorise vous livrer laune de mes 42annes consacres pleinement au service de la Justice, qui est mon unique et seul parti pris.

    a) Les mentalits voluent en mme temps que le corps judiciaire. Hommes et Femmes: quel avenir dans la magistrature?En 1783, Choderlos de Laclos appelait les femmes, dans son Education des femmes ne compter que sur elles mmes. Je pense quil navait pas tort.Napolon, lui, tenait sur le compte des femmes des propos trs radicaux au moment mme o slaboraient les dispositions du futur Code civil. La nature, disait-il, a fait de nos femmes nos esclaves. La femme est donne lhomme pour quelle fasse des enfants. Elle est donc sa proprit, comme larbre fruit est celle du jardinier. Cest du reste pourquoi notre Code civil de 1804, dont on a clbr il y a 10ans le bicentenaire, avait savamment organis lincapacit de la femme marie, simplement abolie par la Loi du 13juillet1965 portant sur la rforme des rgimes matrimoniaux soit il y a peine 60ans. Ce nest pas si loin.Un peu plus tard en 1930, lopinion masculine ne semblait pas avoir trop volu sur ce point. Un procureur de la Rpublique qui il tait demand son avis sur lentre des femmes dans la magistrature crivait ces quelques phrases que jai slectionnes1.Jai lhonneur de vous adresser lavis que vous avez bien voulu me demander, sur lopportunit de confier aux femmes des fonctions judiciaires. Au vu des diplmes mdicaux, les femmes ont t admises disposer de la vie de leurs concitoyens.

    Rien ne soppose donc, en logique, ce que sur la foi des certificats des facults de droit, elles puissent disposer aussi de leur honneur et de leur fortune.Plus loin il prcisait: Ni dans lordre logique, ni dans lordre physiologique, il ny a donc dobstacles insurmontables ladmission des femmes dans la magistrature.Par contre, apparaissent quelques objections dordre psychologique ; il se trouve que les caractristiques de la mentalit fminine- au moins jusqu ce jour, et daprs les crivains les plus qualifis- sont exactement en antinomie avec celles que lon se plait reconnaitre comme devant tre celles du juge Rserve faite de cas exceptionnels ou considrs comme tels, cest la cohorte des qualits inverses qui constitue larmature fminine: prdominance de la sensibilit et de la passion, promptitude dune vision parfois exacte, parfois errone, toujours rapide et souvent intuitive et parfois divinatoire, raisonnement tantt sautillant et sans lien, tantt rigoureusement logique mais partant de preuves non contrls, daffi rmations non justifi es, fondes sur les aveuglements sur les impulsions du cur ou de limagination, diffi cult de slever, au moins mthodiquement, aux ides gnrales et abstraites et de sortir du cadre des impressions, enttement obstin mme lencontre de lvidence.Par contre, dans toutes les situations, o aucun sentiment ne cre son opinion, la femme semble doue dune incapacit particulire sen former une qui lui soit personnelle.Et de conclure jai cru devoir laisser de ct, lexamen des difficults dordre intrieur, que pourraient soulever, aprs ladmission des femmes dans la magistrature, leurs dsirs davancement en rivalit avec des collgues masculins.Ecrit outrancier, dune autre poque allez-vous penser sans doute, certainement, assurment. Cest un fait la fminisation du corps na cess daugmenter pour atteindre aujourdhui 59,4 % du total des magistrats sur un eff ectif de 8442 au 1erjanvier 2012.Mais ce procureur des temps anciens avait tort de se proccuper de leur dsir davancement en rivalit avec des collgues masculins car depuis 1946, date de leur entre dans la magistrature, le cheminement des femmes dans les fonctions de responsabilit est

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    long et lent au point que le CSM sest empar du problme pour en connatre les raisons et en a fait son tude centrale de son dernier rapport paru en septembre 2013. Je ne pense pas que la justice se singularise sur ce point car mon sens, elle sintgre dans un phnomne beaucoup plus large de la fminisation des professions dans des domaines tels que la mdecine, lenseignement, et tous les mtiers du droit par exemple.La fminisation est lie naturellement au contexte culturel et social et lducation surtout depuis laccs des fi lles lenseignement suprieur et leur importante russite dans les concours.Cependant de temps autre ressurgissent des ides bien ancres, des clichs, des strotypes et des interrogations qui ne peuvent que nous interpeler.Des ractions contemporaines ne peuvent aussi que nous surprendre comme lemploi dexpressions et des comportements, sexistes, racistes, antismites et xnophobes portant directement atteinte nos valeurs de la Rpublique que sont La libert, lgalit et la fraternit. Elles ne peuvent que nous inquiter et que nous faire ragir pour les combattre par le droit.Les femmes ou une femme sont encore la cible privilgie de certains mais heureusement sur le plan de leur comptence, en tous les cas dans la fonction publique, tout le moins je veux le croire, certains prjugs tendent disparaitre. Encore queEn eff et le temps nest pas si lointain o il tait frquent dentendre quelques apprciations dont je ne rsiste pas lenvie de vous faire partager toutes les nuances appropries dans lexpression du langage.Ne disait-on pas dun homme quil avait de lautorit et que la femme tait autoritaire; lhomme lui, il avait des convictions mais elle, elle avait des a priori; lun souhaite faire carrire, elle, est ambitieuse; il est brillant, elle est crbrale; il rfl chit, elle rassemble ses ides; il ragit vivement, elle perd ses nerfs; il est habile, elle est intrigante; il sexprime, elle bavarde; il est actif, elle sagite; il a plein dides, elle se disperse!Et ainsi de suite. Cest ce que lon peut assurment appeler des prjugs qui peuvent prter eff ectivement sourire mais aussi qui peuvent ressurgir et

    ainsi impacter lexercice mme de la fonction de magistrate en lui dniant sa lgitimit juger car elle est une femme.En effet dans notre socit, la fminisation du corps qui tait un objet, est devenue un sujet et un enjeu tant institutionnel que politique. Je dis politique au sens de la manire de gouverner, de grer lintrt public2. Est-ce que les femmes juges feront une diff rence dans lacte de juger parce quelles sont des femmes?3Cette interrogation qui a surgi dans les annes 1990 refait surface de temps autre notamment lors des dcisions en matire familiale et la monte en puissance du combat des pres dont certains estiment perdre leur procs parce quils sont jugs par des femmes. En viendrons- nous un jour linstar de limpartialit qui doit tre apparente avant dtre relle, exiger que la mixit dans les formations de jugement soit aussi apparente comme condition dun procs quitable?4 Vous lavez compris ma rponse est clairement non, indpendamment du caractre discriminatoire quune telle position aurait et je nose imaginer quun jour elle puisse tre avance dans un procs, car dexprience je peux vous assurer ainsi que toutes celles autour de moi et jajouterai tous ceux que le genre nentre pas en ligne de compte dans le jugement. Tous, hommes ou femmes, appliquent la mme rgle de droit, ont les mmes valeurs, la mme lgitimit juger.Daucuns pensent que le deuxime danger pour notre corps rsulte aussi dune autre question pose par la sociologue Marlaine Cacouault-Bitaud5. La fminisation dune profession est-elle le signe dune baisse de prestige?. Le constat de Pierre Bourdieu qui relevait que la fminisation est la fois un symptme et une cause de la baisse de prestige doit toujours tre combattue avec force tant je suis persuade que les femmes ne sont pas venues concurrencer les hommes mais tout simplement occuper les places quils avaient laisses vides comme le dmontre cette autre sociologue Anne-Chantal Hardy, propos de la mdecine6.

    En ralit le regard que lon peut avoir sur le sujet que je viens de dvelopper dpend tout simplement de la perception que lon a de la place des femmes dans la socit ou plus exactement quant leur rle dans la socit. Cela dpend de la capacit des interlocuteurs sextraire ou se dtacher de ses prjugs personnels souvent inconscients en un mot de son degr de sexisme; que lon soit un homme ou une femme.Cest pourquoi, il y a tout lieu de se rjouir que la campagne de recrutement entreprise rcemment auprs des tudiants des universits ait port des fruits la fi n de 2013 et que notre corps qui semblait avoir t boud soit redevenu attractif pour les garons comme pour les fi lles.Cest donc un signe de vitalit et de lvolution des mentalits et mme sil existe des marges de manuvre comme lon dit dans les audits!

    b) De lvolution des droits de la femme lvolution du droit de la famille.Dans les annes 1960, laccs massif des filles lenseignement suprieur et leur entre sur le march du travail a conduit naturellement et progressivement une remise en cause dans le droit de lordre patriarcal.Paralllement cette monte en puissance des femmes dans les professions judiciaires, depuis seulement 1965 les femmes maries peuvent exercer une profession sans lautorisation de leur mari; en 1970 lautorit parentale remplace la puissance paternelle; en 1975 le droit disposer de son corps est vot et le divorce par consentement mutuel est rtabli; en 1985 cest une nouvelle rforme des rgimes matrimoniaux, les poux deviennent gaux aux yeux de la Loi; en 1993 lexercice conjoint de lautorit parentale est consacr; en 1994 ce sont les lois biothiques et le droit la filiation grce la PMA qui sont vots; en 1999 le PACS ( pacte civil de solidarit) qui avait fait lobjet de dbats passionns est acquis; en 2001 la suppression du concept de lenfant adultrin est entrine; en 2006 ce nest pas si loin de nous, lalignement de lge lgal du mariage pour les garons et les filles 18 ans et la loi relative lgalit salariale; en 2008 cest linscription dans la Constitution de lgal accs

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    des femmes et des hommes aux mandats lectoraux et fonctions lectives, ainsi quaux responsabilits professionnelles et sociales; en 2009 la rforme de la filiation abandonne les notions de filiation lgitimes ou naturels; en 2010 cest la loi concernant les violences conjugales et lviction du mari violent notamment qui vient complter tous les dispositifs vots depuis 2004; en 2012 la loi sur le harclement sexuel et en 2013 la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de mme sexe. Ainsi par ces deuxexemples: la fminisation du mtier de juge et le droit des femmes, vous pouvez constater quel point, ces 30dernires annes, il y a eu des volutions majeures - pour le droit de la famille - et les nombreuses transformations subies par linstitution familiale en France avec une acclration de la modifi cation des liens: familles monoparentales, divorces, pacses, recomposes et maintenant homoparentales. Ainsi les confi gurations familiales se sont diversifi es et mme dsormais apparait le terme de parentalit. Si le taux de divorce ne cesse daugmenter partir des annes 1980, la structure mme des divorces a chang. Actuellement le divorce par consentement mutuel est trs largement majoritaire et mme en ce qui concerne les divorces contentieux, il y a une forte baisse des divorces pour faute au profi t des divorces accepts et des divorces pour altration dfi nitive du lien conjugal.Le droit et la Justice accompagnent donc les mouvements de la socit mais force est de constater que la nature des contentieux et la faon de la rendre ont beaucoup volu.Cest dire les enjeux futurs pour notre socit et pour notre justice lorsque lon sait que le contentieux de la famille, pris au sens large, reprsente sur un plan national environ 64 % du contentieux.

    c) Vers une justice rnove et en mouvement.Dans le mme temps, en dehors de la sphre familiale, et chacun dentre nous peut constater qu une exceptionnelle judiciarisation des rapports sociaux est intervenue en France dans les 20 dernires annes. Celle-ci a dcoul pour partie de lenvironnement

    international dans lequel notre pays volue Ce phnomne a eu pour consquence de multiplier les occasions dintervention des magistrats dans des univers ou propos de sujets les plus varis. comme le note le Conseil suprieur de la magistrature dans son dernier rapport de 2012. Jajouterai en plus que ce phnomne a complexifi les rapports avec la Justice et nos concitoyens.Sous linfl uence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour europenne des droits de lhomme pour lesquels le recours au juge est un principe dmocratique de la socit, lespace judiciaire confi aux juges, et dont ils sont les garants, sest considrablement modifi .Le rle du juge lui-mme a chang dans son contenu comme dans son exercice. Souvent de juge tout faire, il est devenu spcialiste en jonglant en outre avec les normes nationales, europennes, internationales et mondiales. Son espace judiciaire sest largi et sest ancr au cur des ralits quotidiennes de notre socit mais aussi des politiques publiques.Si les magistrats du ministre public en sortant des palais de justice, pour conduire des politiques partenariales, ont vu aussi leur rle voluer, il faut rappeler ici, car cest souvent oubli, quen matire pnale ce sont les dcisions des juges qui rendent seule effective la politique pnale dtermine par le gouvernement et dcline localement en terme de poursuite par le parquet. Ainsi le juge saisi concourt par le droit entirement cette politique qui protge ou punit nos concitoyens. Je dirai mme plus cest le juge qui lui donne son contenu et en fi xe les contours ou les limites7. Mais nous le voyons bien toutes les lois successives et lempilement des tches des uns et des autres ont rendu moins lisible la place, le rle ou laction de la Justice et ce qui la sans doute cart des citoyens do quelquefois une perte de confi ance pour les uns et des dcouragements pour les autres.Ce nest pas faute davoir t tudie.En effet, tant au cur du pacte dmocratique elle a t lobjet de toutes les attentions de la part des parlementaires et des ministres qui ont confi

    diff rentes missions des magistrats ou dminents professeurs de droit ou davocats par exemple. Depuis 1980, jai compt plus de 35 rapports offi ciels sur la Justice qui fait quelle a t tudie dans tous ses tats. Elle a t ainsi ausculte trs rgulirement sur son organisation, ses mthodes de travail, son fonctionnement interne, ses rapports avec ses partenaires habituels, le service quelle rend, sa qualit, sa clrit, son articulation avec les autres justices administratives ou europennes, sa cartographie, sa procdure, son accessibilit, sa lisibilit, sa gratuit, sa lgitimit. Mais pas seulement lInstitution mais galement tous ceux qui y collaborent, en particulier les magistrats et le personnel de greff e puisque nombre de ces rapports se sont penchs sur les mtiers de justice, le contenu des missions et le primtre de leurs actions. Cest pourquoi, aprs les nombreux travaux entrepris ces 20 dernires annes tels que les entretiens de Vendme en 2001 ou les travaux de la commission Guinchard en 2008, depuis avril 2013 la Garde des Sceaux a lanc une vaste rfl exion sur la Justice afi n de btir La Justice du XXImesicle dont les travaux prparatoires conduits par 4groupes ou enceintes de travail vont aboutir des propositions de rformes qui seront dbattues les 10 et 11 janvier Paris par tous les acteurs de la vie judiciaire. Plus de 50magistrats et fonctionnaires de cette cour vont y participer. La Justice du XXIme sicle se trouve larticulation de deux mondes : un univers qui tait exclusivement national et devient mondial, un monde fond sur la relation et lcrit et un monde dmatrialis et en partie dterritorialis. A cela sajoute lambivalence des socits dmocratiques: un demande massive darbitrage judiciaire et une revendication dautonomie du sujet dmocratique, et une particularit franaise, les sentiments mls que nourrit la culture franaise lgard du droit et des juges, alors que la justice est appele jouer un rle plus important. Nous avons connu les limites du changement par la loi, puis du

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    changement par le seul management... La cl des rformes est autant chez les avocats ou chez nos concitoyens, hritiers dune culture latine de lhonneur plus tourne vers la conflictualit que vers la conciliation, que chez les juges qui doivent trouver de nouveaux repres identitaires face au monde contemporain. Le changement doit sappuyer sur les ressources des citoyens et des professionnels, en soutenant les pratiques qui innovent et rpondent aux attentes contemporaines. Telle est linvitation la rflexion dAntoine Garapon, Sylvie Perdriolle et Boris Bernab au terme de la prsentation du rapport La Prudence et lautorit. LOffice du juge au XXIme sicle ralis par lInstitut des hautes tudes sur la justice la demande de Madame la garde des Sceaux, Christiane Taubira.Oui je pense que ce dbat est ncessaire et quune nouvelle fois il faut se pencher de faon concrte sur les difficults de la Justice et envisager des remdes.Seulement rformer la procdure et lorganisation judiciaire en recentrant le juge sur sa mission essentielle qui est de dire le droit napportera pas une solution miracle.Pour rpondre lobjectif essentiel de garantir une justice de qualit, disponible pour tous selon ses besoins8 et btir la Justice du XXImesicle en mettant le citoyen au cur du service public de la Justice, il conviendra quelle se rforme de faon consensuelle.En effet cette rflexion majeure implique des consquences nombreuses quil faut valuer et remettra certainement en cause des habitudes, des organisations fonctionnelles, gographiques, commandant dautres types de gouvernance, interne et externe, pour tous les acteurs de justice dont le contenu des mtiers et des missions peuvent voluer de sorte que la place de chacun, lintrieur de configurations nouvelles, peut changer. Mais il faut en tre bien convaincu. Actuellement le juge ne peut plus tout faire et tout traiter, ou alors il ne peut le faire que mal et dans des dlais draisonnables. Nous sommes parfaitement conscients les uns et les autres que les rapports de nos concitoyens et du droit se concrtisent sous deux aspects: le juridique qui se situe avant le procs et qui a un caractre ncessairement prventif et le judiciaire qui est le procs de nature curative9. Dvelopper le juridique, tche essentielle des avocats et aussi des professions juridiques dans leur

    domaine propre; cest conseiller nos concitoyens ou usagers du droit dans les chemins qui les mnent au droit ou sur le droit chemin afin de leur viter des difficults ultrieures, et, si elles surviennent, de rechercher des solutions possibles en recourant dautres voies que le procs.Ainsi, mon sens, la dcision de saisir le juge ne devrait tre que lultime recours et ne devrait se produire que parce que le systme prventif na pas fonctionn. La subsidiarit na-t-elle pas sa place dans lanalyse des fonctionnements judiciaires?Cette question est pose. Je me rjouis personnellement que dans le cadre de la rflexion sur la Justice du XXImesicle, la conciliation, lacte davocat, la procdure participative et la mdiation dont nous avons montr la GDS le 11 octobre dernier, ici dans cette enceinte, combien elle tait ncessaire en amont du procs, soient des ides reprises dans les 67propositions du rapport sur le Juge du XXImesicle, qui seront prochainement et dbattues en permettant au citoyen dtre acteur de son litige10 ou de recourir des solutions ngocies supervises par un juge et garanties par les professionnels du droit. Ces derniers et en particulier les avocats, ont un rle majeur saisir. Je crois vritablement quil y va de leur avenir comme de celui de linstitution judiciaire en son ensemble. Pour connatre les avances des rflexions quil ny a pas lieu de confondre avec des dcisions-

    auxquels nous allons participer, je vous invite suivre les travaux dans les journaux spcialiss qui ne manqueront pas de couvrir cet vnement important pour le monde judiciaire mais aussi pour les citoyens qui seront placs au cur du service public de la Justice11. Arrive au terme de mon propos, je formule le souhait, car la priode sy prte encore, que pour la nouvelle priode qui souvre, chacun se sente concern, fasse des propositions ou apporte sil le veut bien une contribution constructive, objective et sereine dans lintrt de la collectivit et de notre Justice y compris lors de la discussion en 2014 du projet de loi relatif la prvention de la rcidive et lindividualisation de la peine en ayant parfaitement conscience que les dtenus sortent toujours un jour; que la peine prononce doit avoir du sens pour le condamn comme pour les victimes et quil convient de faire en sorte que le temps pass en prison soit du temps utile pour la rinsertion et combattre, par cette voie, la rcidive.Sur cette question il suffit quelquefois davoir un autre regard, sans ide prconues.Certes, nous ne pouvons rien changer ce qui est accompli. Mais tant quune action se projette dans lavenir, nous pouvons agir et dbattre.Comme le disait le premier Prsident Drai Si le Droit est une arme politique, cest par lducation et la formation civique, par le respect de la dignit de lautre et la tolrance lgard de ce qui est diffrent, que sassurent la paix et la tranquillit, mme si la vie en dmocratie implique naturellement le choc de la confrontation des ides12. 2014-21

    1A partir du discours tenue laudience de rentre du 16septembre 1969 sous le titre Les Franaises sous la toge2Ce thme est developp in Sociologies Pratiques: 91-99 (Cairn.info)3Article de Madame la Juge Bertha Wilson, Cour suprme du Canada4Cf la synthse sur La fminisation des mtiers de justice Mission de recherche droit et justice: Responsable scientifique Professuer Mustapha Mekki5Cf Travail genre et socit: 91-115 Cairn.info (Chercher, reprer, avancer)6Cf Le monde du 7/03/20117Cf Discours dinstallation de Franois Pion du 29 janvier 2010, en qualit de prsident du tribunal de grande instance de Marseille8Prsentation de la Justice du 21me sicle9Cf le discours du premier prsident en date du 3 janvier 199510Idem11Idem12Audience solennelle de la Cour de cassation du 6 janvier 1993.

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  • 10 Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro 3

    Jurisprudence

    Spectacle de DieudonnLe juge des rfrs du Conseil dEtat refuse de suspendre larrt dinterdiction dict par le Prfet de la Loire-Atlantique

    La procdure du rfr-libert permet au juge administratif des rfrs dintervenir lorsquune illgalit manifeste porte une atteinte grave une libert fondamentale. Dans ce cadre, le juge des rfrs du Conseil dEtat tait saisi en appel dune requte dirige contre lordonnance du 9 janvier 2014 du juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes suspendant lexcution de larrt du Prfet de la Loire-Atlantique interdisant la reprsentation, le mme jour, du spectacle Le Mur de Monsieur Dieudonn MBala MBala au Znith de Saint-Herblain.Le juge des rfrs du Conseil dEtat a annul lordonnance du juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes et rejet la demande en rfr prsente par la SARL les Productions de la Plume et par Monsieur Dieudonn MBala MBala.En eff et, il a relev que la ralit et la gravit des risques de troubles lordre public mentionns par larrt du Prfet taient tablis tant par les pices du dossier que par les changes lors de laudience publique. Il a estim que les allgations, selon lesquelles les propos pnalement rprhensibles et de nature mettre en cause la cohsion nationale relevs lors des sances du spectacle Le Mur tenues Paris ne seraient pas repris Nantes, ne suffi saient pas pour carter le risque srieux que soient de nouveau portes de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignit de la personne humaine, consacrs par la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen et par la tradition rpublicaine.Il a rappel quil appartient en outre lautorit administrative de prendre les mesures de nature viter que des infractions pnales soient commises. Dans ces conditions, le juge des rfrs du Conseil dEtat a jug que le Prfet de la Loire-Atlantique navait pas commis, dans lexercice de ses pouvoirs de police administrative, dillgalit grave et manifeste. Nous publions ci-dessous les deux dcisions rendues dans cette aff aire ainsi quun commentaire de Franois-HenriBriard, avocat aux Conseils, sur lapprhension de la libert dexpression par les Hautes juridictions franaise et amricaine. Chlo Grenadou

    Les avocats sont les voix de la dfense et de la libert. Quil soit permis lun dentre eux, qui pratique sa profession depuis un quart de sicle devant le Conseil dEtat et qui frquente assidument la Cour Suprme des Etats-Unis depuis vingt ans, de faire part de son point de vue.

    Le Conseil dEtat: les attaques abjectes dont a fait lobjet le Prsident de la Section du contentieux tout comme les critiques acerbes formules par certains juristes lgard de la dcision quil a rendue appellent la contradiction. Il nexiste sans doute pas dans les institutions publiques de la France un lieu autre que le Palais Royal o souffl ent davantage lesprit critique, le sens du dbat et le got de la libert. Le Prsident Bernard Stirn est un grand juge, profondment dvou son pays, et dont la culture juridique, lindpendance et limpartialit forcent le respect de tous ceux qui le connaissent, en particulier des avocats qui plaident devant lui. Lordonnance quil a rendue constitue une parfaite illustration de lquilibre que ralise le juge administratif franais entre lexercice des liberts publiques et les exigences de la cohsion sociale; elle manifeste nouveau la contribution essentielle du Conseil dEtat la continuit de la tradition rpublicaine, la protection de la personne humaine et la prvention des excs qui sont de nature compromettre les fondements de la vie en socit.

    Les Etats-Unis: certaines voix simplistes se sont leves pour dnoncer lapproche franaise du lien entre la libert dexpression et la prservation de lordre public, matriel et immatriel, en soutenant quaux Etats-Unis, o la libert dexpression serait absolue, les choses ne se seraient pas passes ainsi. Il est vrai que pour des raisons qui tiennent la philosophie politique de ce pays ainsi qu son histoire, la libert dexpression, protge par le

    Premier Amendement de la Constitution de 1787, fi gure en lettres de feu au cur de lidentit constitutionnelle de lAmrique. Mais il est inexact daffi rmer que la libert dexpression serait absolue de lautre ct de lAtlantique. Bien au contraire, la Cour Suprme des Etats-Unis met en uvre une doctrine dite Chaplinsky, du nom de larrt de principe qui la inaugure en 1942, qui place radicalement hors du champ dapplication de la libert dexpression les fi ghting words, cest--dire les discours agressifs ou insultants, qui nont comme fi nalit que de blesser ou dinciter rompre la paix publique. Dans cette aff aire, la Cour avait prcisment valid lunanimit une loi du New Hampshire qui prohibait les discours publics offensants et agressifs, non indispensables lexpression des ides. Cette exception a ensuite t interprte de faon restrictive. Mais elle existe; et comme la solution retenue par le Conseil dEtat dans laff aire Dieudonne, elle peut donner lieu des applications exceptionnelles.En France comme aux Etats-Unis, la libert dexpression nest pas absolue; elle a une sur jumelle qui porte un nom: la paix publique.2014-26 Franois-Henri Briard

    Avocat associ auprs du Conseil dEtat et de la Cour de cassation; il est Prsident

    de lInstitut Vergennes, fond avec le Juge Antonin Scalia, membre de

    la Cour Suprme des Etats-Unis.

    Dieudonn, le Conseil dEtat et les Etats-Unis

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    Franois-Henri Briard

  • Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro 3 11

    Jurisprudence

    Spectacle de DieudonnLe juge des rfrs du Conseil dEtat refuse de suspendre larrt dinterdiction dict par le Prfet de la Loire-Atlantique

    Tribunal administratif de Nantes

    Rfr du 9 janvier 2014, Numro 1400110 Socit Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala

    Lordonnance, Vu la requte, enregistre le 7 janvier 2014 sous le numro1400110, prsente pour la Socit Les Productions de la Plume, ayant son sige 1,rue des Volaillers Saint Lubin de la Haye (28410) et MonsieurDieudonn MBala MBala, par Matre Verdier; La socit Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala demandent au juge des rfrs:

    - de suspendre, sur le fondement de larticle L 521-2 du code de justice administrative, lexcution de larrt du 7 janvier 2014, par lequel le prfet de la Loire-Atlantique a interdit le spectacle Le Mur qui doit avoir lieu le 9janvier 2014 Saint-Herblain;- denjoindre au prfet de la Loire-Atlantique de laisser se drouler ce spectacle;- de mettre la charge de lEtat une somme de 2000 euros au titre de larticle L 761-1 du code de justice administrative; Ils soutiennent que:

    - la condition durgence est satisfaite ; lorganisation de la tourne de Dieudonn a t prvue de longue date et la commercialisation de la billetterie est effective depuis plusieurs semaines, plusieurs milliers de spectateurs ayant dj rserv et achet leurs billets; la dcision attaque est de nature leur causer un prjudice conomique important en cas de remboursement de centaines de rservations de spectateurs;- il est port une atteinte grave et manifestement illgale la libert dexpression et la libert du travail; dans toutes les villes o Dieudonn sest produit en 2012 et 2013 aucun incident na jamais t dplor en dpit de protestations pralables la venue de lartiste; la libert dexpression est garantie par la constitution et larticle 10 de la convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales; elle est compose de la libert dexpression artistique qui ne saurait faire lobjet dun encadrement; sy ajoute la libert de runion consacre par les lois des 30juin 1881 et 28 mars 1907, propos desquelles le Conseil dEtat dans larrt Benjamin du 19mai 1933 rappelait que la libert est la rgle, la restriction de police lexception; la libert du travail protge par larticle 5 du prambules de la constitution de 1946 est galement mconnue, ds lors que le producteur et lartiste en reprsentation excutent une prestation qui est leur travail;- le Ministre de lintrieur fait tat dans sa circulaire du 6 janvier 2014 de spectacles ayant donn lieu des infractions pnales et de ce que lesdites infractions seraient susceptibles daffecter le respect d la dignit de la personne humaine; or les condamnations pnales qui ont t prononces ne rsultent pas des spectacles mais de ractions des vnements en relation avec des attaques personnelles ou des provocations particulires dont est lobjet Dieudonn MBala MBala enregistres sur des vidos postes sur internet ou faites la presse; quant latteinte la dignit humaine, elle ne peut juridiquement rsulter que dun acte ou dun comportement et en aucun cas de paroles qui sont sanctionnes par linfraction dinjure ou de diffamation;- la circulaire du ministre de lintrieur et larrt du prfet de la Loire-Atlantique sont dpasss, ds lors que le spectacle Le Mur vient dtre diffus sur le site dun hebdomadaire; il est ainsi en libre accs sur Internet;- les propos cits dans larrt attaqu relvent de lhumour; ils ne prsentent aucun caractre insultant, blessant, ou dgradant et ne caractrisent pas un grave trouble lordre public; la chanson Chaud Ananas en raison dune

    rcente condamnation ne sera pas reprise par Dieudonn MBala MBala dans ses spectacles; il na pas t condamn pour le geste dit de la quenelle;

    Vu la dcision attaque;Vu le mmoire enregistr le prsent par le prfet de la Loire-Atlantique, qui conclut au rejet de la requte; Il soutient que:

    - lurgence invoque par les requrants nest pas conteste;- lautorit administrative a entendu interdire le spectacle en tant quil constitue, en lui-mme et raison de son contenu un trouble lordre public immatriel et pour prvenir les risques susceptibles dtre induits par le spectacle en matire de scurit et de tranquillit publiques;- laccumulation de propos injurieux lencontre de personnes de religion ou de culture juive, incitant la haine raciale contre ces personnes, voire de propos apologtiques de lextermination des Juifs pendant la seconde guerre mondiale, dans le spectacle le Mur constitue en elle-mme un trouble lordre publique en raison de latteinte porte la dignit humaine justifiant que ce spectacle soit interdit;- le contenu du spectacle jou au Thtre de la Main dOr est dsormais parfaitement connu pour avoir t jou plusieurs reprises Paris dans des termes identiques; aux propos tenus est associe une gestuelle dit de la quenelle qui contient un message antismite; - par son contenu le spectacle porte lvidence atteinte la dignit de la personne humaine; les propos contenus dans le spectacle ne peuvent tre regards comme un drapage ponctuel quexpliquerait la libre expression artistique mais sont dlibrs, ritrs en dpit de condamnations pnales prcdentes et constituent un des ressorts essentiels de la reprsentation au regard de la mise en scne utilise et de la rfrence la gestuelle de la quenelle qui y est associe;- il appartient lautorit investie du pouvoir de police gnrale, mme en labsence de circonstances locales particulires dinterdire une manifestation qui porte atteinte en elle-mme au respect de la dignit humaine; la seule tenue du spectacle et la diffusion de paroles contraires la dignit de la personne humaine, constitue en soi, un trouble public immatriel qui ne peut tre prvenu que par linterdiction de la reprsentation; la circonstance que les propos pourraient faire lobjet de poursuites pnales, dont la finalit est rpressive, ne saurait justifier linaction de lautorit administrative dont laction a une finalit prventive; lintress qui a fait lobjet de neuf condamnations dont sept dfinitives, na pas davantage renonc tenir de tels propos; les trois spectacles qui se sont tenus le 5 janvier dernier comportent des propos et des scnes encore plus choquantes que ceux qui se sont tenus le 27 dcembre 2013;- il existe des risques de troubles importants lchelon local qui lgitiment linterdiction; ces risques ne sauraient tre minimiss au regard de la taille de la salle dont toutes les places ont t vendues (6 500) et de lexacerbation du dbat, devenu extrmement passionnel et risquant de drainer des manifestants en provenance de lensemble du territoire;

    Vu les autres pices du dossier,Vu la Constitution, notamment son prambule;Vu la convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales, notamment son article 10;Vu le code gnral des collectivits territoriales;Vu le code de justice administrative;(...)

  • 12 Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro 3

    Jurisprudence

    Sur les conclusions prsentes au titre de larticleL. 521-2 du code de justice administrative:

    1. Considrant quaux termes de larticle L. 521-2 du Code de Justice administrative: Saisi dune demande en ce sens justifie par lurgence, le juge des rfrs peut ordonner toutes mesures ncessaires la sauvegarde dune libert fondamentale laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit priv charg de la gestion dun service public aurait port, dans lexercice dun de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illgale. Le juge des rfrs se prononce dans un dlai de quarante-huit heures. et quaux termes de larticle L. 522-1 dudit code: Le juge des rfrs statue au terme dune procdure contradictoire crite ou orale. Lorsquil lui est demand de prononcer les mesures vises aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou dy mettre fin, il informe sans dlai les parties de la date et de lheure de laudience publique ();

    2. Considrant que par arrt du 7 janvier 2014 le prfet de la Loire-Atlantique a interdit le spectacle Le Mur que doit tenir lartiste Dieudonn MBala MBala le 9 janvier 2014 Saint-Herblain au motif que ce spectacle, dune part, qui contient des propos injurieux lencontre des personnes de religion ou de culture juive, incitant la haine raciale, et des expressions apologtiques de lexterminations des juifs pendant la seconde guerre mondiale, constitue en lui-mme un trouble lordre public, en raison de lindignit et du trouble des consciences que ces propos provoquent et, dautre part, quil est de nature crer de srieuses difficults de maintien de lordre aux abords de la salle, en raison dun contexte de vives ractions de rprobation et de lannonce dune manifestation en vue de perturber ou dempcher le spectacle; que la socit Les Productions de la Plume et Monsieur MBala MBala demandent au juge des rfrs du Tribunal administratif de Nantes, saisi sur le fondement de larticle L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre cette mesure dinterdiction;

    Sur les conclusions prsentes au titre de larticleL. 521-2 du code de justice administrative:

    3. Considrant quaux termes de larticle L. 521-2 du Code de justice administrative: Saisi dune demande en ce sens justifie par lurgence, le juge des rfrs peut ordonner toutes mesures ncessaires la sauvegarde dune libert fondamentale laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit priv charg de la gestion dun service public aurait port, dans lexercice dun de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illgale. Le juge des rfrs se prononce dans un dlai de quarante-huit heures. et quaux termes de larticle L. 522-1 dudit code: Le juge des rfrs statue au terme dune procdure contradictoire crite ou orale. Lorsquil lui est demand de prononcer les mesures vises aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou dy mettre fin, il informe sans dlai les parties de la date et de lheure de laudience publique ();

    4. Considrant quaux termes de larticle L. 2212-1 du code gnral des collectivits territoriales: La police municipale a pour objet dassurer le bon ordre, la sret, la scurit et la salubrit publiques. Elle comprend notamment () / 2 Le soin de rprimer les atteintes la tranquillit publique () / 3 Le maintien du bon ordre dans les endroits o il se fait de grands rassemblements dhommes tels que les () spectacles; quen vertu de larticle L. 2215-1 du mme code, le reprsentant de lEtat dans le dpartement peut prendre, dans tous les cas o il ny aurait pas t pourvu par les autorits municipales toutes mesures relatives au maintien de la salubrit, de la sret et de la tranquillit publiques;

    5. Considrant, en premier lieu, quil appartient lautorit investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure destine prvenir une atteinte lordre public; que le respect de la dignit humaine est une des composantes de lordre public; que lautorit investie du pouvoir de police municipale peut, mme en labsence de circonstances locales particulires, interdire un spectacle qui, pour lessentiel, porte atteinte la dignit humaine;

    6. Considrant quaussi ambigu que soit laffiche retenue pour le spectacle de Monsieur MBala MBala au travers dune gestuelle connote, elle ne saurait suffire faire regarder ce spectacle comme portant atteinte la dignit humaine; que sil ressort des constatations opres lors des sances du mme spectacle des 27 dcembre 2013 et 5 janvier 2014 au thtre de la Main dOr Paris, non srieusement contestes par Monsieur MBala MBala, que ce dernier a tenu des propos

    provocants et choquants lgard de faits historiques comme lencontre de personnes de la communaut juive lesquels sont susceptibles de relever dincriminations pnales compte tenu dune prsentation qui excde les limites de la libert dexpression, il nest pas tabli par les seules pices du dossier que le spectacle ait t construit autour de cette thmatique ni mme quelle en constitue une partie essentielle; que, par suite et dans les circonstances de lespce, le motif tir de latteinte la dignit humaine ne permettait pas de fonder lgalement larrt dinterdiction attaqu;

    7. Considrant, en deuxime lieu, que, sil appartient lautorit administrative, en vertu des pouvoirs de police quelle dtient en application des dispositions prcites, de prendre les mesures ncessaires pour assurer le bon ordre, la sret, la scurit et la salubrit publiques, les interdictions dictes ce titre doivent tre justifies par les troubles, risques ou menaces quil sagit de prvenir et, ds lors quelles sont susceptibles de porter atteinte une libert, tre strictement proportionnes leur ncessit;

    8. Considrant, dune part, quil est constant que Monsieur MBala MBala a fait lobjet de plusieurs condamnations pnales devenues dfinitives la suite des propos quil a tenus tant dans ses spectacles que dans dautres cadres; que, toutefois, il nest pas tabli par les seules pices du dossier qu loccasion du spectacle prvu Saint-Herblain le 9 janvier 2014, lintress puisse tre regard comme ayant manifest lintention de reprendre les mmes phrases et de commettre les mmes infractions; quen tout tat de cause, alors quil appartient aux autorits investies du pouvoir de police, si elles sy croient fondes, de prendre toutes dispositions utiles en vue de la constatation des infractions et de la poursuite de leurs auteurs devant les juridictions pnales, il nest pas dmontr que linterdiction en cause serait seule de nature sopposer ce que Monsieur MBala MBala profre des injures publiques envers des personnes ou des incitations la haine raciale ou religieuse;

    9. Considrant, dautre part, quil est constant le spectacle Le Mur prvu Nantes apparat comme la reprise, dans le cadre dune tourne, du mme spectacle prsent depuis plusieurs mois sur une scne parisienne; quil ne ressort pas des pices du dossier que cette manifestation ait donn lieu, au cours de cette priode, des troubles lordre public; que si la prfecture de la Loire-Atlantique a t saisie de nombreuses protestations quant la tenue du spectacle Le Mur et de la possibilit dune manifestation devant la salle prvue pour le spectacle, il nest pas justifi de ce que le prfet ne disposerait pas des moyens ncessaires propres assurer le maintien de lordre public;

    10. Considrant que, dans ces conditions, la dcision du 7 janvier 2014 portant interdiction de la tenue dun spectacle, constitue une atteinte grave la libert dexpression; quen labsence de tout motif invoqu par le prfet de nature la justifier, cette atteinte est manifestement illgale; que compte tenu de la gravit de cette atteinte, qui empche la tenue du spectacle prvu le 9 janvier, alors que ses organisateurs ont ouvert une campagne de rservation, la condition durgence requise par larticleL. 521-2 du Code de Justice administrative doit tre regarde comme remplie; que, par suite, il y a lieu de suspendre lexcution de larrt du 7 janvier 2014;

    Sur les conclusions tendant lapplication de larticle L. 761-1 du Code de Justice administrative:

    11. Considrant quil ny a pas lieu, dans les circonstances de lespce, de mettre la charge de lEtat, la somme de 2 000 euros que demandent la socit Les Productions de la Plume et Monsieur MBala MBala sur le fondement des dispositions de larticle L. 761-1 du Code de justice administrative; Ordonne:

    Article 1er: Lexcution de larrt du 7janvier2004 du prfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle Le Mur le 9janvier2014 Saint-Herblain est suspendue. Article 2: Le surplus des conclusions de la requte est rejet.Article 3 : La prsente ordonnance sera notifie la socit Les Productions de la Plume, Monsieur Dieudonn MBala MBala et au Ministre de lintrieur. 2014-27

  • Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro 3 13

    Jurisprudence

    Conseil dEtatMinistre de linterieur c/ Socit Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala - Ordonnance du 9 janvier 2014 - Numro 374508

    Le Juge des rfrs,

    Vu le recours, enregistr le 9 janvier 2014 au secrtariat du contentieux du Conseil dEtat, prsent par le ministre de lintrieur, qui demande au juge des rfrs du Conseil dEtat:

    1) dannuler lordonnance n1400110 du 9 janvier 2014 par laquelle le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de larticle L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu lexcution de larrt du 7 janvier 2014 du prfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle Le Mur le 9 janvier 2014 Saint- Herblain;

    2) de rejeter la demande prsente, sur le fondement de larticle L. 521-2 du code de justice administrative, devant le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes par la socit Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala;

    Il soutient que:- le prfet a pu, sans illgalit, procder linterdiction du spectacle raison de son contenu ds lors que ce dernier est connu et porte atteinte la dignit de la personne humaine;- le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes a entach son ordonnance dune erreur manifeste dapprciation en estimant que les troubles lordre public susceptibles dtre provoqus par le spectacle ntaient pas suffisants pour justifier la mesure attaque;

    Vu lordonnance attaque; (...)Vu les autres pices du dossier;Vu la Constitution, notamment le Prambule;Vu la Convention europenne de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts fondamentales;Vu le Code pnal;Vu le Code gnral des collectivits territoriales;Vu la loi du 30 juin 1881 sur la libert de runion;Vu la loi du 29 juillet 1881 sur la libert de la presse;Vu les dcisions du Conseil dEtat, statuant au contentieux, Benjamin du 19mai 1933, commune de Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995 et Madame Hoffman-Glemane du 16 fvrier 2009;Vu le code de justice administrative;

    1. Considrant quaux termes de larticle L. 521-2 du code de justice administrative: Saisi dune demande en ce sens justifie par lurgence, le juge des rfrs peut ordonner toutes mesures ncessaires la sauvegarde dune libert fondamentale laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit priv charg de la gestion dun service public aurait port, dans lexercice dun de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illgale. Le juge des rfrs se prononce dans un dlai de quarante-huit heures et quaux termes de larticle L. 522-1 dudit code: Le juge des rfrs statue au terme dune procdure contradictoire crite ou orale. Lorsquil lui est demand de prononcer les N374508 3 mesures vises aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou dy mettre fin, il informe sans dlai les parties de la date et de lheure de laudience publique ();

    2. Considrant que le ministre de lintrieur relve appel de lordonnance du 9janvier 2014 par laquelle le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes a suspendu lexcution de larrt du 7 janvier 2014 du prfet de la Loire-Atlantique portant interdiction du spectacle Le Mur le 9janvier 2014 Saint-Herblain;

    3. Considrant quen vertu de larticle L. 521-2 du code de justice administrative, il appartient au juge administratif des rfrs dordonner toutes mesures ncessaires la sauvegarde dune libert fondamentale laquelle une autorit administrative aurait port une atteinte grave et manifestement illgale; que lusage par le juge des rfrs des pouvoirs quil tient de cet article est ainsi subordonn au caractre grave et manifeste de lillgalit lorigine dune

    atteinte une libert fondamentale; que le deuxime alina de larticle R. 522-13 du Code de justice administrative prvoit que le juge des rfrs peut dcider que son ordonnance sera excutoire aussitt quelle aura t rendue;

    4. Considrant que lexercice de la libert dexpression est une condition de la dmocratie et lune des garanties du respect des autres droits et liberts; quil appartient aux autorits charges de la police administrative de prendre les mesures ncessaires lexercice de la libert de runion; que les atteintes portes, pour des exigences dordre public, lexercice de ces liberts fondamentales doivent tre ncessaires, adaptes et proportionnes;

    5. Considrant que, pour interdire la reprsentation Saint-Herblain du spectacle Le Mur, prcdemment interprt au thtre de la Main dOr Paris, le prfet de la Loire-Atlantique a relev que ce spectacle, tel quil est conu, contient des propos de caractre antismite, qui incitent la haine raciale, et font, en mconnaissance de la dignit de la personne humaine, lapologie des discriminations, perscutions et exterminations perptres au cours de la Seconde Guerre mondiale; que larrt contest du prfet rappelle que Monsieur Dieudonn MBala MBala a fait lobjet de neufcondamnations pnales, dont sept sont dfinitives, pour des propos de mme nature; quil indique enfin que les ractions la tenue du spectacle du 9 janvier font apparatre, dans un climat de vive tension, des risques srieux de troubles lordre public quil serait trs difficile aux forces de police de matriser;

    6. Considrant que la ralit et la gravit des risques de troubles lordre public mentionns par larrt litigieux sont tablis tant par les pices du dossier que par les changes tenus au cours de laudience publique ; quau regard du spectacle prvu, tel quil a t annonc et programm, les allgations selon lesquelles les propos pnalement rprhensibles et de nature mettre en cause la cohsion nationale relevs lors des sances tenues Paris ne seraient pas repris Nantes ne suffisent pas pour carter le risque srieux que soient de nouveau portes de graves atteintes au respect des valeurs et principes, notamment de dignit de la personne humaine, consacrs par la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen et par la $tradition rpublicaine; quil appartient en outre lautorit administrative de prendre les mesures de nature viter que des infractions pnales soient commises; quainsi, en se fondant sur les risques que le spectacle projet reprsentait pour lordre public et sur la mconnaissance des principes au respect desquels il incombe aux autorits de lEtat de veiller, le prfet de la Loire-Atlantique na pas commis, dans lexercice de ses pouvoirs de police administrative, dillgalit grave et manifeste;

    7. Considrant quil rsulte de ce qui prcde que le ministre de lintrieur est fond soutenir que cest tort que, par lordonnance attaque, le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes a fait droit la requte prsente, sur le fondement de larticle L. 521-2 du code de justice administrative, par la SARL Les Productions de la Plume et par Monsieur Dieudonn MBala MBala et demander le rejet de la requte, y compris les conclusions tendant lapplication de larticle L. 761-1 du code de justice administrative, prsente par ce dernier devant le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes.

    Ordonne:Article 1er: Lordonnance du juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes en date du 9 janvier 2014 est annule.Article 2: La requte prsente par la SARL Les Productions de la Plume et par Monsieur Dieudonn MBala MBala devant le juge des rfrs du tribunal administratif de Nantes, y compris les conclusions tendant lapplication de larticle L. 761-1 du code de justice administrative, est rejete.Article 3: En application de larticle R. 222-13 du code de justice administrative, la prsente ordonnance est immdiatement excutoire.Article 4: La prsente ordonnance sera notifie au ministre de lintrieur, la SARL Les Productions de la Plume et Monsieur Dieudonn MBala MBala. 2014-28 Bernard Stirn

  • 14 Les Annonces de la Seine - jeudi 16 janvier 2014 - numro 3

    Socit

    Lutter pour lgalitpar Jean-Marc Ayrault

    Plus dun an a pass depuis le conseil interministriel des droits des femmes en novembre 2012. Un an de travail, de projets, dexprimentations et dactions

    concrtes qui ont permis davancer dans tous les domaines.2013 a t lanne de la parit politique, et cest pour les droits des femmes que nous en avons fait une pierre angulaire de nos rformes institutionnelles. Cette obligation a t tendue pour les lections municipales et snatoriales. Elle a t gnralise pour les lections dpartementales, avec linstauration dun mode de scrutin qui permettra llection de 50% de femmes dans tous les conseils gnraux compter de 2015.Cest pour les droits des femmes que nous avons mobilis les partenaires sociaux autour de lgalit professionnelle. Deux accords syndicaux ont t signs cette occasion. Le premier la t dans la fonction publique le 8mars dernier, et nous tions l, Matignon, avec Marylise Lebranchu pour le signer

    aux cts de lensemble des organisations syndicales reprsentatives. Et le deuxime au niveau national interprofessionnel le 19 juin, sous la conduite de Michel Sapin.

    Cest pour les droits des femmes que nous nous sommes eff orcs de faire appliquer enfi