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CONSTRUIRE LE SUJET LECTEUR-SCRIPTEUR AU CP

Pourquoi et comment l’instituer?

Nathalie Drouin, PE, Ecole Sophie Condorcet, P. Inspé de Valence, français, Lettres

En préambule…

« La littérature n’existe pas, il n’existe que des livres lus. »

(Jean Bellemin-Noe l, Plaisirs de vampires, Paris, PUF, 2001.)

Nathalie Drouin P.INSPé Valence

I L’entrée dans l’écrit1. Les représentations des élèves

2. Ecrit et inégalités

3. Bilan : une nécessité, construire une culture de l’écrit


Repre sentation de l’écrit pour les élèves

◦ Etude de G. Chauveau, élèves de 6 ans (2007) ◦ Pourquoi c’est bien ? A quoi ça sert ? Pourquoi ça te plait ?

Qu’est-ce qu’on peut faire ou lire quand on sait lire ? Qu’est-ce que tu aimerais lire quand tu sauras lire ?


Les représentations des élèves (1)

Étude de G. Chauveau auprès d’élèves de 6 ansChauveau, G. (2001). Comprendre l'enfant apprenti lecteur :recherches actuelles en psychologie de l'écrit. Paris : RetzAux questions : C’est bien de savoir lire ?

Tu as envie d’apprendre à lire ?è Les enfants de 6 ans sont quasiment unanimes tous milieuxconfondus à répondre oui à 98%.è Mais de grandes différences apparaissent aux questionssuivantes : Pourquoi c’est bien ? A quoi ça sert ? Pourquoi ça teplait ? Qu’est-ce qu’on peut faire ou lire quand on sait lire ?Qu’est-ce que tu aimerais lire quand tu sauras lire ?



l Pourquoi c’est bien ? À quoi ça sert ? Pourquoi ça te plait ?Qu’est-ce qu’on peut faire ou lire quand on sait lire ? Qu’est-ceque tu aimerais lire quand tu sauras lire ?

l Un 1er groupe fournit des réponses fonctionnelles (ou culturelles)◊ Utilitaires : Lire pour se débrouiller dans la vie sociale et scolaire

quotidienne,◊ Intellectuelles : lire pour apprendre, découvrir, comprendre, se

former, réfléchir◊ Patrimoniales: lire pour connaitre et posséder le patrimoine

littéraire ou culturel.



l Un 2ème groupe, à l’opposé, fournit des réponses institutionnelles oucirculaires :

◊ beaucoup de mal à saisir les finalités de la lecture, à exprimer lesbénéfices culturels, émotionnels et cognitifs qu’ils pourraient en tirer.

◊ réponses sont de type institutionnel : des arguments centrés uniquementsur les contraintes de l’institution scolaire (ou sociale).

l Parfois, ce sont des explications qui tournent en rond : « ça sert à lire. pourécrire...lire des mots...pour savoir des lettres»


Analysel Les enfants du 1er groupe explicitent un projet personnel de lecteur, projet

qui apparait comme l’un des principaux composants du savoir lire.

l Les enfants du 2nd groupe semblent « piétiner » ou progresser difficilement,tant qu’ils perçoivent mal les buts culturels de l’activité de lecture, tant qu’ilsne peuvent définir leurs propres raisons d’apprendre à lire, tant qu’ils viventcet enseignement comme un rituel scolaire ou une contrainte sociale.


Conséquences

l Il est donc nécessaire de :

→ familiariser les élèves avec le monde de l’écrit, la culture del’écrit→ construire un projet de lecteur : anticiper les bénéficespersonnels

« comme cela je pourrais lire plein de livres d’aventures, pour apprendre pleinde choses, pour écrire à ma grand-mère, lire le journal pour savoir qu’est-cequi se passe, pour devenir un docteur... »


◦ Jacques Bernardin (1997)

« apprendre à lire est dans une nébuleuse tant au niveau desobjets sur lesquels il convient de porter l’attention qu’au niveaudes opérations intellectuelles à mettre en œuvre. »


2. Écrit et inégalités§ L’écrit suppose un apprentissage scolaire.§ Mais, « l’entrée dans l’écrit » débute dans le cadre de la socialisation familiale

è les situations de lectures partagées.

§ L’écrit est un lieu très fort de différenciation sociale (Jacques Bernardin)

§ Constat : l’école a tendance à renforcer les inégalités, car elle est entièrement fondée surla culture de l’écrit

è elle érige l’écrit scolaire comme norme du bien écrire (et du bien parler).


Interlude : Quelles compe tences entrent en jeu dans la culture de l'e crit ? Quelles repre sentations de l'e crit e mergent parfois?

Exemple pour… réfléchir !La sécu et les cases!

Questionnement :

Que faut-il apprendre pour savoir lire et entrer dans une société de l’écrit ?


3. Construire une culture de l’écritQuestions issues du livret Orange

◦ « L’apprentissage de la lecture est aussi naturel que l’apprentissage du langage oral »

◦ « Au début de l’année de CP, il est nécessaire de prendre son temps pour commencer aapprendre a lire afin de permettre aux élèves de s’adapter »

◦ « Le temps aidant, tous les élèves parviendront bien a entrer dans la lecture » « La lecture et l’écriture sont deux activités indépendantes »

◦ « Au CP, la priorité est accordée a la lecture et a l’écriture, l’apprentissage de l’orthographe viendra plus tard au cours du cycle 2 »

◦ « Peu importe le manuel de lecture choisi, les enfants apprennent tous a lire »

◦ « Un élève confond les lettres b et d : il est dyslexique »


Recherche Lire Ecrire : le rôle de l’acculturation◦ Les classes dans lesquelles l’acculturation a l’écrit fait l’objet d’un

enseignement- apprentissage spécifique :

◦ favorisent chez l’élève la construction d’un rapport a l’écrit positif,

◦ rendent possible l’émergence de la compétence écrite dans toutes ses dimensions,

◦ contribuent a la réussite des élèves dans tous les domaines d’apprentissage du lire-écrire.


Conclusions de l’étude


Conclusions de l’étude

è Il ne suffit pas de me/re l’enfant avec le livre, il faut favoriser le développement d’une rela9on individuelle.


II Aux origines de la réflexion sur le sujet lecteur-scripteur : apprendre à lire / aimer lire1. Des enquêtes sociologiques et des approches scolaires problématiques

2. Vers la construction théorique complexe de la notion de sujet lecteura. La réflexion littéraireb. L’approche anthropologiquec. L’approche psychanalytique

3. Sujet lecteur et modélisation du lecteur en formation


1.a Des enquêtes sociologiques◦ La lecture de la littérature

◦ Enquête Baudelot, Cartier, Détrez, Et pourtant ils lisent, 1999

◦ Olivier Donnat, Les pratiques culturelles des français à l’ère numérique

◦ Enquête de Christian Poslaniec (cycle 3)◦ 25% des enfants de CM2 aiment lire et lisent beaucoup ; ◦ 25% commencent a aimer lire ; ◦ 50% des enfants, qui constituent un groupe non homogene, lisent peu.


1.b Discipline considérée comme « en crise » depuis les années 1970◦ Sylviane Ahr pointe les tensions qui occasionnent ce sentiment : ◦ Contexte de tensions portant sur les finalités et les méthodes d’enseignement : quels rapports

souhaite-t-on que les élèves entretiennent avec la littérature ?

Réf : Sylviane Ahr, Enseigner la littérature aujourd’hui : « disputes » françaises, Paris, Honoré Champion, 2015, 264 p.


Des approches scolaires problématiques : les pratiques « objectivantes »

◦ Les années 70 : centration sur les textes

◦ Les années 80 : lecture méthodique

◦ Les années 90 : l’ère des compétences◦ logique utilitaire◦ développement du modèle de la lecture littéraire conçue comme un va-et-vient entre participation

psychoaffective, univers référentiel du texte et analyse critique de ses significations. (réf Picard)

◦ Les années 2000 : ◦ la promotion du « sujet lecteur »


2. Vers la construction théorique complexe de la notion de sujet lecteur


2.a La réflexion littéraire◦ L’identité multiple des écrivains lecteurs

◦ La construction théorique complexe de la notion de sujet-lecteur


2. b L’approche anthropologique◦ Michèle Petit donne la parole aux lecteurs (Miche le Petit, Eloge pour la lecture, La

construction de soi, Paris, Belin, 2016, (1e re e dition 2012)).

◦ Michèle Petit, L’art de lire où comment résister à l’adversité, Paris, Belin,


2. c L’approche psychanalytique◦ Le lecteur triple de Michel Picard

◦ Le «liseur» : maintient par ses perceptions, son contact avec le monde extérieur◦ Le « lu » : instance qui s’abandonne a des pulsions plus ou moins sublimées, des identifications

jusqu’aux limites du fantasme et au principe de plaisir. ◦ Le « lectant : s’intéresse d’un œil critique, a la complexité de l’œuvre. Cette instance du

lecteur aime les jeux de règles.

◦ Un modèle repris et complété par Vincent Jouve ◦ le « lectant jouant » qui tente de deviner la stratégie narrative du texte. ◦ le « lectant interprétant » qui vise a déchiffrer le sens global de l’œuvre.


3. Sujet lecteur et modélisation du lecteur en formation◦ Le sujet lecteur théorisé : Annie Rouxel, Jean-François Massol, Marie-José

Fourtanier, Gérard Langlade et bien d’autres…

« (…)le monde que produit le texte littéraire est un monde incomplet (...) où des pans entiers de la réalité

font défaut » et « Le texte se constitue pour une part non négligeable des réactions individuelles de tous ceux qui

le rencontrent et l’animent de leur présence»Pierre Bayard


Modélisation du lecteur en formationDominique Bucheton : « Les postures de lecteur »

◦ Posture 1 : le texte tâche. ◦ Posture 2 : Le texte action.

◦ Posture 3 : Le texte signe.

◦ Posture 4 : Le texte tremplin. ◦ Posture 5, ou posture lettrée : le texte objet.

Des postures diverses pour la construction d’une expertise en lecture.


La subjectivité du lecteur à l’œuvre Gérard Langlade et Nathalie Lacelle, les activités fictionnalisantes :

◦ « La concrétisation imageante ou auditive »

◦ « L’activité fantasmatique »

◦ « La cohérence mimetique »

◦ « L’impact esthétique »

◦ « La réaction axiologique »Nathalie Drouin P.INSPé Valence

III Permettre l’engagement du sujet lecteur-scripteur


1. Les pratiques d’acculturation et de socialisation

Rendre familier les espaces du livre◦ Laisser une large place a la relation individuelle de l’enfant avec l’objet-

livre.

◦ Se rendre à la bibliothèque et emprunter des livres

◦ Dispositif de la ronde des livres

◦ Participer à des évènements : La nuit de la lecture

◦ Inscrire la classe à un prix littéraire : ◦ Le prix des Incorruptibles Nathalie Drouin P.INSPé Valence

Rencontrer des auteurs-illustrateurs

Salon du livre jeunesse, plan Valence : Zaü rencontre la classe de CP S. Condorcet

Samuel Ribeyron, Super BeigeNathalie Drouin P.INSPé Valence

Mettre les textes en réseau dans une programmation littéraireLes types de réseaux

◦ Par personnage (loup, ogre, sorcière, couple renard/poule, etc.)◦ Par thème (ex.: les saisons, l’amitié...)

◦ Par auteur ( Ponti, Boujon, Pommeaux, etc.)

◦ Par genre (conte, fable, théâtre, poésie, roman policier, etc.)◦ Par structure ( récit en randonnée, narration alternée, récits enchâssés, etc.)

◦ Par dispositif énonciatif ( récit à la 1èrepersonne...)


Conserver les références des textes lus◦ du cahier de littérature...◦ Une trace des situations de compréhension ou d’acculturation◦ Travail individuel de production de textes personnels

◦ au journal de lecteur-scripteur !◦ Support des échanges littéraires◦ Espace ouvert, de création littéraire, de réflexions, de prise de notes,

de subjectivité.


Alex, CP, janvier 2019

À partir du film d’animation : T’es où Mère-grand?

Permettre la créativité


Lectures libres : pour qu’elles soient « libres » il est nécessaire d’avoir aucours de la journée des fenêtres de liberté.

Intérêt d’un accueil en classe à 8h20.


Les lectures libres

CP, Ecole Sophie Condorcet, Valence, récréation, juin 2012

Des temps improvisés


Principe : un moment privilégié

Ces lectures doivent favoriser la découverte du plaisir du texte.

Retrouver un texte dont on connait les rouages est important pour susciter de vraies attentes chez les enfants. Les élèves

proposent…L’enseignant propose

On peut privilégier les propositions faites par les plus fragiles.

Plaisir de la fixité, de la répétition.

→ Une lecture partagée par jour


◦1. Du coté de l’enseignantS'impliquer comme lecteur avec les élèves

◦ Un passeur de lecture (Catherine Frier, 2015)

◦Construire son identité de lecteur (Anne Vibert)

◦ Un « dévolueur »◦ Un « clinicien »


2. Dispositifs pour donner droit de cité au sujet lecteur-scripteur

◦ Le journal de lecteur

◦ Il permet :

◦ l’expression singulière du sujet lecteur◦ l’engagement de tous les élèves◦ Jean-François Massol ◦ Claire Docquet


Journal de Victoria, CP


◦ Les intérêts :

◦ amorcer une appropriation intime de l’œuvre ◦ porter un regard sur sa lecture ◦mettre en œuvre de compétences métacognitives

Journal de lecteur, Joan


◦mémoire des œuvres lues◦ Créativité


◦ Pour l’enseignant

◦ un accès au texte du sujet lecteur

◦ une trace des activités fictionnalisantes et des postures du lecteur


Comment?

◦ Permettre aux enfants de s’approprier l’objet

◦ Consignes et modalités d’écriture◦ Un questionnement permettant l’émergence des activités

fictionnalisantes◦ Le statut du dessin (Christine Plu)

◦ Un objet personnel naviguant dans un cadre scolaire◦ Contrat établit avec les enfants : les enseignants ont accès aux

journaux. ◦ Types d’Interventions des enseignants dans le journal


Exemples de questionnement◦ Dessine ce que tu vois dans ta tête quand tu lis le titre.

◦ A ton avis, que va-t-il se passer? Si tu étais à la place du PCR, que ferais-tu?

◦Que penses-tu de l’attitude de ce personnage? Comment expliques-tu son attitude?

◦Que penses-tu de la réaction de ce personnage?


J'ai bien aimé...

◦ Confronter sa lecture à celle des autreslecteurs

◦ Les cercles de lecture : ◦ Modalités : les élèves, disposés en cercle,

partagent leurs réactions en s’appuyant sur leurjournal de lecteur.

◦ Les cercles de lecteurs constituent un outil pour « socialiser » les lectures subjectives et pour construire une « communauté interprétative » au sein de la classe.


Un cercle de lectureCercle Baptiste, Tuana, Florian et Joachim


Cercle Orane, Lisa, Clémentine

Erwan lien dessin animé

Cercle Erwan, Axel, Iliès, Victoire, Romy


Bibliographie sujet lecteur-scripteur◦ Mazauric, C., Fourtanier, M.-J. et Langlade, G. (dir). (2011a). Le texte du lecteur (vol. 2 et 3). Berne : Peter Lang. ◦ Ahr, Sylviane, et Joole, Patrick, dir., « Carnet/journal de lecteur/lecture Quels usages, pour quels enjeux, de l'école à l'université ? »,

Namur (Belgique), Diptyque n° 25, 2013.◦ Bucheton, Dominique, « Les postures du lecteur ", in Demougin (Patrick) et Massol (Jean-François), coord., Lecture privée et lecture

scolaire, CRDP de l'académie de Grenoble, 1999. ◦ Demougin, Patrick, et Massol, Jean-François, Lecture privée, lecture scolaire, la question de la littérature à l'école, Scéren/ CRDP de

l'académie de Grenoble, 1999. ◦ Lacelle, Nathalie, Langlade, Gérard, Former des lecteurs/spectateurs par la lecture subjective des œuvres. Dans J.-L. Dufays (dir.),

Enseigner et apprendre la litte rature pour quoi faire ? (p. 55– 64). Louvain : Presses universitaires de Louvain, 2007.◦ Rouxel, Annie, et Langlade, Gérard, dir., Le sujet lecteur, lecture subjective et enseignement de la littérature, Rennes, PUR, 2004.◦ Voir aussi Actes du colloque d'Aix-en-Provence, "Littérature et pratiques d'enseignement-apprentissage"

(http://recherche.aixmrs.iufm.fr/coll/20.10.05/cadrage.htm)◦ Louichon, Brigitte, La Littérature après coup, Rennes, PUR, 2009. ◦ Massol, Jean-François, « Apparitions et essayages : des figures de l'auteur aux postures du lecteur », dans Karine Gros, dir., Costumes,

reflets et illusions : les habits d'emprunt dans la création, PUR, 2014, p.151-170. ◦ Massol, Jean-François, Lire les images te moignant des lectures subjectives : quand les jeunes lecteurs prennent feutres, came ra en

me me temps que la plume, Revue de recherches en litte ratie me diatique multimodale, 6, 2017, https://doi.org/10.7202/1043751ar◦ Massol, Jean-François, et Esposito, Caroline, « Écrire pour lire : le carnet de lecture subjective », Lire au collège n° 89, 2011,

http://www.educ-revues.fr/LC/AffichageDocument.aspx?iddoc=40006◦ Massol, Jean-François (dir.), avec la collaboration de Nathalie Rannou, Le sujet lecteur-scripteur de l’école à l’université. Variété des

dispositifs, diversité des élèves, Grenoble, UGA, « Didaskein », 2017.◦ Mazauric, Catherine, Fourtanier, Marie-José, et Langlade, Gérard, Le Texte du lecteur, Peter Lang, 2011, et Textes de lecteurs en

formation, Peter Lang, 2011.◦ Rannou, Nathalie, dir., « L'expérience du sujet lecteur. Travaux en cours», Recherches et travaux n° 83, Grenoble, ELLUG, 2014.


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