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COMMENT CALIBRER L’APPÉTENCE, LES TOLÉRANCES ET LES LIMITES DE RISQUE ET QUELS EN SONT LES ENJEUX POUR L’ALLOCATION DE CAPITAL, L’ERM ET LA PERFORMANCE DES ENTREPRISES ? —

Janvier 2016

avec le soutien de :

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Ce document constitue une synthèse de travaux scientifiques conduits au sein de l’EDHEC. Pour plus d’informations, nous vous prions de vous adresser à la direction de la recherche de l’EDHEC : [email protected] Les opinions exprimées sont celles des auteurs et n’engagent pas la responsabilité de l’EDHEC et de NN Investment Partners.

Introduction> P.071. Quels sont les fondements et les fondamentaux de la gestion des risques ? > P.112. Quelles sont les exigences de Solvabilité 2 en matière de définition et calibration

d’appétence au risque ?> P.173. Comment calibrer l’appétence, les tolérances et les limites de risque

et quels en sont les enjeux pour l’allocation de capital ? > P.21Conclusion> P.35Références> P.39

TABLE DES MATIÈRES

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POSITION PAPER — COMMENT CALIBRER L’APPÉTENCE, LES TOLÉRANCES ET LES LIMITES DE RISQUE ET QUELS EN SONT LES ENJEUX POUR L’ALLOCATION DE CAPITAL, L’ERM ET LA PERFORMANCE DES ENTREPRISES ? — NOVEMBRE 2015

RESUME

Le cadre prudent iel de Solvabi l i té 2 en application dès janvier 2016, est de nature à engendrer une profonde mutation dans le secteur de l’assurance en exigeant : i) une vision holistique de la gestion des risques ii) en conformité avec une appétence au risque définie sous la responsabilité des organes de direction iii) selon une gouvernance clairement identifiée. Si la Directive laisse les sociétés d’assurance libres de choisir la façon dont elles structurent le système et la fonction de gestion des risques, elle exige en revanche, que ce système soit parfaitement intégré dans l’organisation et le processus de prise de décisions. Cela requiert une réelle refonte de l’organisation de la plupart des entreprises et une sensible (r)évolution culturelle, notamment dans la formalisation de l’appétence au risque.

La formulation explicite de l’appétence au risque constitue la première étape dans la mise en œuvre de l’ORSA (Own Risk and Solvency Assessment), qui s’inscrit elle-même opérationnellement dans un processus plus global d’Enterprise Risk Management (ERM). L’appétence au risque permet de déterminer le niveau des risques qu’une entreprise considère comme acceptable, les risques qui seront conservés, réduits ou évités. A ce titre, elle constitue ainsi l’un des principaux indicateurs de risque pour le pilotage stratégique des sociétés d’assurance. Intégrée dans tout processus de décision, le management et le conseil d’administration sont responsables de sa définition, de sa calibration et de son application dans la détermination d’une stratégie en adéquation avec cette appétence.

Le régulateur offre une grande flexibilité quant à la définition et la calibration de l’appétence au risque afin qu’elle puisse être totalement cohérente avec la culture de chaque entreprise et ses objectifs stratégiques. Toutefois sur le terrain, de nombreux acteurs du secteur de

l’assurance s’interrogent sur la définition, le choix et la calibration des indicateurs d’appétence au risque et de la cohérence avec ses déclinaisons (tolérances et limites de risque). L’objectif de cette étude est d’analyser la pertinence des concepts d’appétence, tolérances et limites de risque retenus par les acteurs du secteur de l’assurance et de montrer dans quelle mesure, ils vont impacter le pilotage des compagnies d’assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance.

Dans un premier temps, nous avons dressé un état de l’art des différentes pratiques retenues par le secteur, sur la base d’entretiens auprès de différentes directions (générale, techniques, f inancières, des r isques, de l’ALM, et des investissements) de sociétés d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance européennes. Nous avons analysé les différents indicateurs, les écueils rencontrés dans leur choix, définition, mesure et calibration, ainsi que les solutions retenues au regard des spécificités de la culture et de l’ADN de chaque acteur. Il en ressort que les expressions de l’appétence sont très disparates, tant dans le nombre d’indicateurs (de 2 à 6), le choix des indicateurs (solvabilité, rentabilité, budget ou profit, valeur MCEV, liquidité, satisfaction), les métriques et la calibration.

Une analyse détaillée nous a conduit à remettre en question certains de ces indicateurs, notamment leur pertinence pour le pilotage d’une entreprise. Nous avons validé les indicateurs de solvabilité, de rentabilité et partiellement ceux de budget comme de réels indicateurs d’appétence au risque. Les indicateurs de solvabilité définissent un niveau de fonds propres associé à un budget de risque et témoignent du degré d’aversion au risque. Certains indicateurs de profits, bien que déconnectés des fonds propres et des notions de rentabilité, peuvent trouver leur justification

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auprès d’entreprises n’ayant pas d’actionnaires mais uniquement des sociétaires. Dans ce cas, la rentabilité n’est alors plus une fin en soi, et certaines mutuelles ont ainsi défini le résultat net minimum requis pour alimenter suffisamment les capitaux requis pour satisfaire la marge de solvabilité réglementaire. En revanche, nous émettons d’importantes réserves sur la pertinence de certains indicateurs, tels que le chiffre d’affaires, le résultat technique ou les indices de satisfaction des clients ou du personnel, en particulier, lorsqu’il n’existe pas d’indicateur lié au résultat net ou à la rentabilité, même s’ils relèvent souvent de la façon de piloter l’entreprise selon des indicateurs de marge et/ou de chiffre d’affaires.

Par ailleurs, afin que la gestion des risques soit totalement intégrée au pilotage quotidien de l’entreprise et soit présente dans l’ensemble des processus de la société quel que soit le niveau hiérarchique considéré, l’appétence au risque doit être déclinée à un niveau dit tactique (tolérances au risque) et/ou opérationnels (limites de risque). Sur le terrain, nous mettons en évidence que la déclinaison par business unit n’est pas triviale, soulevant d’une part des problèmes liés au traitement des corrélations et des bénéfices de diversification, et d’autre part, la volonté d’adopter une approche pragmatique afin de ne pas affecter la marche de l’activité et le travail des opérationnels. Là encore de très fortes disparités sont à constater.

Enfin, nous avons montré en quoi, l’appétence au risque désormais explicitement formulée, constitue le nouveau poumon de l’entreprise : chaque décision stratégique choisie par l’entreprise doit être ainsi confrontée à l’appétence au risque. Cela requiert un changement de culture

profond pour de nombreux acteurs, la mise en place d’une gouvernance sophistiquée et plus généralement de repenser chaque élément de la chaîne de valeur (conception des produits, distribution, gestion des contrats, des sinistres, des placements et du capital). La généralisation et la démocratisation de la vision holistique de la gestion des risques doit conduire à l’allocation optimale des capitaux disponibles, cœur de la compétitivité des acteurs de l’assurance. Nous sommes ainsi les témoins d’un profond changement de culture chez tous les acteurs de l’assurance qui devrait ouvrir une nouvelle ère dans l’art de piloter une entreprise.

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A PROPOS DES AUTEURS

Philippe Foulquier est professeur de finance et de comptabilité, directeur du pôle de recherche «Analyse financière et comptabilité» et directeur du EMBA à Paris, à l’EDHEC. Après avoir débuté sa carrière à la direction scientifique au sein de l’UAP, Philippe Foulquier a travaillé durant dix ans comme analyste financier spécialisé sur le secteur de l’assurance. Avant de rejoindre l’EDHEC en 2005, il dirigeait l’équipe pan-européenne d’analystes financiers en charge de l’assurance chez Exane BNP Paribas. Il a été plusieurs fois primé comme meilleur analyste financier assurance dans les classements Extel/Thomson Financial et l’Agefi. A l’EDHEC, ses travaux de recherché se sont centrés sur l’étude de l’impact des IFRS et de Solvency II sur la gestion des compagnies d’assurance et sur la valorisation des sociétés (tous secteurs). Il est l’auteur de nombreuses études approfondies sur la question et a contribué à diverses consultations du EIOPA (comité européen des contrôleurs des assurances et fonds de pension). Il a publié de nombreux articles dans des revues académiques et professionnelles et ses travaux et analyses ont été mentionnés par le Financial Times et The Economist. Il siège à la commission « comptabilité et analyse financière »de la SFAF (Société Française des Analystes Financiers). Il est titulaire d’un Doctorat en Sciences Economiques de l’Université Paris X Nanterre, d’un master en Banques et Finance, et diplômé de l’EFFAS. Il est activement impliqué dans des missions de consultant sur Solvabilité II, les IFRS, et la valorisation d’entreprises (tous secteurs confondus).

Liliana Arias est ingénieur de recherche au sein du pôle de recherche d’Analyse Financière et Comptabilité à l’EDHEC Business School. Elle a un Doctorat en Finance de l’Université d’Orléans, un Master of Science in Finance de l’EDHEC et une Licence en Economie. Avant de rejoindre le centre de recherche, Liliana travaillait en tant qu’analyste de risques pour la division de Corporate and Investment Banking chez Citigroup. Elle participe, au sein du pôle de recherche de l’EDHEC, à de nombreuses études sur Solvabilité II, l’Enterprise Risk Management et les normes IFRS.

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INTRODUCTION

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INTRODUCTION

Désormais, la réglementation prudentielle européenne Solvabilité 2 requiert que toute entreprise d’assurance adopte une vision holistique de ses risques et formalise explicitement son appétence au risque, c’est-à-dire, le niveau de risque qu’elle est prête à accepter pour atteindre les objectifs définis dans son plan stratégique.

Afin que cette mesure ne soit pas qu’administrative ou réglementaire, mais bien au service du pilotage de l’entreprise, le régulateur européen a défini des processus de gouvernance qui responsabilisent la Direction Générale et le Conseil d’Administration, jusque dans la formulation de la définition et de la calibration de l’appétence au risque et de ses déclinaisons (tolérances et limites de risque). La réglementation prudentielle exige que cette appétence soit définie en amont, puis intégrée systématiquement et effectivement dans toute décision stratégique.

Bien sûr, la gestion des risques n’est pas une nouveauté pour le secteur de l’assurance puisqu’elle en est la matière première. Mais nous estimons, comme nous allons le montrer tout au long de cette étude, que cette exigence de l’expliciter quantitativement et/ou qualitativement, avec la validation des organes de direction, est de nature à restructurer en profondeur tous les processus de gestion et plus généralement, le pilotage des entreprises d’assurance.

Pour de très nombreux acteurs, l’appétence au risque et ses déclinaisons restent encore souvent absconses. Le premier objectif de cette étude est donc de dresser un panorama et d’analyser

les différentes pratiques retenues par le secteur. Le second objectif est de montrer en quoi l’appétence au risque, désormais explicitement formulée, doit constituer le nouveau poumon de l’entreprise : chaque décision stratégique choisie par l’entreprise doit ainsi confrontée à l’appétence au risque qu’elle a elle-même formalisée et est, de ce fait, ainsi totalement objectivée. Pour ce faire, nous pensons que cela requiert un changement de culture profond pour de nombreux acteurs, la mise en place d’une gouvernance sophistiquée (responsabilisation des organes de direction, comité des risques indépendant, système de contrôle interne et de reportings…), et plus généralement de repenser chaque élément de la chaîne de valeur (conception des produits, distribution, gestion des contrats, des sinistres, des placements et du capital).

En effet, en positionnant l’appétence au risque et plus généralement la gestion des risques au cœur de Solvabilité 2 afin de déterminer les besoins en capitaux de tout assureur, le régulateur européen confère à l’allocation de capital un rôle majeur dans le pilotage de l’entreprise. Non seulement, cette allocation de capital permet de s’assurer que la société est solvable, même dans des situations extrêmes, mais elle doit également permettre de mieux satisfaire les objectifs de l’entreprise. Même si cette démarche a déjà été plus ou moins adoptée par une quinzaine de leaders européens, Solvabilité 2 devrait favoriser dans les prochaines années sa démocratisation et ainsi sa généralisation, à l’ensemble des acteurs du secteur.

Les entreprises d’assurance doivent désormais

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allouer du capital à des activités qui engendrent un niveau de risque compatible avec l’appétence au risque qu’elles ont prédéfinie. Le périmètre de la réglementation Solvabilité 2 s’arrête d’ailleurs à ce niveau : il se focalise sur la gestion des risques holistique, l’exigence de la formalisation de l’appétence au risque, l’obligation de moyens notamment en étoffant les principes de gouvernance. Toutefois, le risque n’est ni linéaire, ni additif, ni un élément isolé. Quel que soit le critère de performance retenu (satisfaction des sociétaires, rentabilité pour l’actionnaire, etc.), nous estimons qu’il doit être mesuré au regard des risques encourus par l’activité considérée. Ainsi, l’appétence au risque est de nature à faciliter la planification stratégique et les choix décisionnels au niveau de chaque maillon de la chaine de valeur, au regard de l’analyse risque-performance1. C’est sur ce point - l’évaluation de la performance du capital alloué par activité, mesuré à l’aulne des risques encourus -, que devront s’opérer de nombreuses mutations, innovations et changements structurants.

En outre, allocation de capital et appétence au risque ont vocation à être déclinées au niveau le plus désagrégé des risques et des métiers pour un meilleur pilotage, ce qui affecte ainsi la totalité des acteurs de l’entreprise. Cette « nouvelle » culture de la gestion des risques requiert qu’elle ne se limite ni aux organes de direction, ni aux experts, mais qu’elle soit partagée et diffusée au sein de l’ensemble de l’entreprise. Elle constitue aussi un langage commun.

Si les enjeux de l’appétence au risque sont largement partagés, force est de constater comme nous l’évoquions précédemment, que cette notion et ses déclinaisons de risque restent

absconses pour de très nombreux acteurs du secteur de l’assurance. L’objectif de cette étude est de clarifier les concepts d’appétence et de tolérance au risque, ainsi que de limites de risque, et de montrer dans quelle mesure elles vont impacter le pilotage des compagnies d’assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance. Pour ce faire, en premier lieu, nous reviendrons sur les apports académiques dans le domaine de la gestion des risques. Dans un deuxième temps, nous soulignerons les exigences réglementaires de Solvabilité 2 par rapport à l’appétence au risque et plus généralement en matière de gestion de risques. Notamment, nous montrerons pourquoi Solvabilité 2 constitue un véritable catalyseur de mise en œuvre de processus d’Entreprise Risk Management (ERM). Enfin, nous dresserons un panorama détaillé des différentes pratiques retenues par les acteurs qui ont déjà défini leur appétence, tolérances et limites de risque en soulignant les problèmes qu’ils ont rencontrés et les différentes options choisies pour y pallier. A la lumière de cet état de l’art, nous remettrons en question chacun de ces indicateurs au regard de leur pertinence en matière de pilotage des sociétés d’assurance.

1 - Nous retenons le couple risque-performance plutôt que le traditionnel couple risque-rentabilité, afin de respecter l’ADN de certaines mutuelles et institutions de prévoyance, pour lesquels la rentabilité n’est pas une fin en soi. Ces acteurs n’ont en effet pas d’actionnaires, mais uniquement des sociétaires et tout gain de rentabilité à vocation à être redistribué aux sociétaires (sous la forme d’une baisse des prix et/ou une amélioration de la prestation) dès l’instant où la marge de solvabilité est satisfaisante.

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2. LES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES :

LES MODALITÉS DES PARC ET DE L’ENDETTEMENT

ÉTUDIANT

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1. QUELS SONT LES FONDEMENTS ET LES

FONDAMENTAUX DE LA GESTION DES RISQUES ?

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1. QUELS SONT LES FONDEMENTS ET LES FONDAMENTAUX DE LA GESTION DES RISQUES ?

La formulation explicite de l’appétence au risque constitue la première étape dans la mise en œuvre de l’ORSA (Own Risk and Solvency Assessment), qui s’inscrit elle-même opérationnellement dans un processus plus global de l’Enterprise Risk Management (ERM). L’appétence au risque est ainsi l’un des principaux indicateurs de risque pour le pilotage stratégique des sociétés d’assurance. Elle permet de déterminer le niveau des risques qu’une entreprise considère comme acceptable, les risques qui seront conservés, réduits et évités. Intégrée dans tout processus de décision, le management et le conseil d’administration sont responsables de sa définition, de sa calibration et de son application dans la détermination d’une stratégie en adéquation avec cette appétence. Afin de comprendre les enjeux de l’appétence au risque et leurs conséquences en termes de pilotage des sociétés d’assurance, il est intéressant au préalable de revenir sur les fondements théoriques de la gestion des risques et sur ses bénéfices.

1.1. DES FONDEMENTS THÉORIQUES QUI GOUVERNENT LE MONDE ACTUEL DE LA GESTION DES RISQUES…Si la littérature académique foisonne d’articles sur la gestion des risques, force est de constater qu’il existe peu de définitions de la notion de risque (Holton, 2004). En 1921, Frank Knight, dans son analyse de l’origine des profits, offre une première définition du risque, en distinguant les probabilités statistiques (ou objectives) qui

reflètent l’incertitude mesurable par opposition aux probabilités subjectives (ou opinions). Ainsi, pour Knight, le risque correspond aux événements futurs dont la probabilité est mesurable alors que l’incertitude se caractérise par une probabilité de survenance des événements futurs indéfinie et incalculable.

Aujourd’hui, appliqué au contexte de l’entreprise, le risque est plutôt défini (Kelliher et al., 2012) comme un événement ou une combinaison d’événements, ayant un impact négatif sur la valeur économique de l’entreprise ainsi que l’incertitude sur les résultats d’événements passés. Dès lors, la gestion des risques correspond à la capacité à identifier les risques, les mesurer et à apprécier leurs conséquences, afin de mener des actions pertinentes, telles que la conservation, le transfert ou la réduction des risques, en fonction des objectifs de la société. La gestion des risques requiert ainsi d’une part, la mise en œuvre de mécanismes, de règles, et de procédures destinés à limiter l’incertitude, et d’autre part, l’analyse et la quantification des pertes potentielles liées à la survenance d’un événement.

Selon D’Arcy (2001), la première formalisation de la gestion des risques remonte aux années 1950 et a été véritablement appréhendée par Mehr et Hedges en 1963. Selon eux, l’objectif de la gestion des risques est de maximiser l’efficacité productive de la société. Les risques ne doivent pas être uniquement assumés, mais ils doivent être gérés dans leur totalité. Pour ce faire, ils définissent

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quatre étapes dans le processus de gestion des risques :i) l’identification et la mesure des pertes liées aux expositions,ii) l’évaluation des différentes méthodes de gestion des risques (assumer, transférer ou réduire les risques),iii) la sélection d’une de ces méthodes et,iv) la surveillance des résultats.

Cette définition est la première à se rapprocher de celle, plus contemporaine, de l’Entreprise Risk Management (ERM). Pour mémoire, l’ERM se définit comme une approche holistique qui permet de structurer la gestion des risques, afin de mieux comprendre l’exposition aux risques et de déterminer la stratégie la plus adéquate pour atteindre les objectifs. Tous les risques auxquels est exposée l’entreprise indépendamment de leur nature, sont évalués, comparés et agrégés, afin de déterminer leurs impacts sur le profil de risque et les objectifs de la société. Au cœur de ce dispositif, l’appétence au risque constitue l’élément clé et la première étape du dispositif ERM d’une entreprise.

Les fondamentaux théoriques qui gouvernent le monde actuel de la gestion des risques relèvent de la théorie moderne du portefeuille (Markowitz, 1952). Il s’agit d’un modèle heuristique qui se positionne dans un environnement où les marchés sont supposés être parfaits2.

Markowitz (1952) considère que le risque total d’une société peut se décomposer en un risque idiosyncratique et un risque systématique. Le premier est spécifique à chaque société, lié à l’exploitation et au mode de gestion intrinsèque de l’entreprise. Le risque encouru par un

investisseur peut ainsi être réduit en diversifiant son portefeuille avec des entreprises non positivement et parfaitement corrélés. En revanche, le risque systématique est un risque incompressible, non diversifiable, lié à la volatilité du marché, et les investisseurs ne sont rémunérés que par rapport à ce risque. Dès lors, dans le contexte des marchés parfaits, la valeur de l’entreprise ne dépend pas du risque total de la société, mais uniquement du risque systématique auquel elle est exposée. Nocco et Stulz (2006) expliquent ainsi que lorsque les marchés sont parfaits, la gestion des risques au sein même de l’entreprise est inutile et peut même être considérée comme une perte de ressources.Toutefois, le modèle heuristique de Markowitz repose sur une hypothèse de marchés parfaits, qui ne correspond pas à la réalité. De ce fait, comme nous allons le voir dans la section suivante, de nombreux auteurs ont réalisé des extensions de ce modèle dans un univers de marchés imparfaits.

1.2. … AUX COÛTS D’AGENCE, D’INFORMATION ET DE TRANSACTION

Dans le cadre des marchés imparfaits, la gestion des risques permet de réduire la volatilité des flux de trésorerie futurs de la société, les coûts d’agence, d’information asymétrique, de transactions, de financement externe et l’impôt sur les sociétés (Monda et al., 2013).

Revenons sur chacun de ces bénéfices apportés par la gestion des risques.

La gestion des risques réduit les coûts d’agence et d’information asymétriqueSelon la théorie de l’agence ( Jensen et Meckling, 1976), une relation d’agence se crée dès lors

2 - Un marché parfait se caractérise par les quatre hypothèses suivantes très restrictives et de ce fait, très rarement vérifiées dans leur ensemble :● Atomicité du marché. Tous les agents sont de petite taille par rapport au marché et n’ont pas la capacité d’agir sur les prix. Il n’y a qu’un seul prix que tous acceptent.● Les produits échangés sont tous identiques et homogènes. Comme le prix est également unique, le jeu concurrentiel est réduit à sa plus simple expression.● Les coûts de transactions sont nuls.● L’information est parfaite. Elle circule de façon totalement transparente.Même si ces hypothèses sont très rarement vérifiées, ce modèle a constitué un grand pas en avant dans le monde de la gestion des risques en permettant de mieux comprendre la réalité, même si celle-ci est bien sûr plus complexe.

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qu’une personne, dite le principal, délègue son pouvoir à une autre personne appelée l’agent, en vue de remplir une mission. Le modèle d’agence simple suggère que l’agent ne va pas agir dans l’intérêt du principal en raison de différents facteurs tels que l’asymétrie d’information, les intérêts personnels et l’incomplétude des contrats. En particulier, selon Jensen and Meckling (1976), ces relations d’agence peuvent engendrer trois types de coûts :● les coûts de surveillance et d’incitation engagés par le principal afin d’orienter le comportement de l’agent (par exemple des audits, un système de rémunération de la performance) ;● les coûts engagés par l’agent afin de garantir au principal qu’il limitera les activités qui puissent lui nuire, ou le cas échéant, le dédommager (par exemple, les coûts liés à la présentation d’information additionnelle pour les actionnaires, à la révision des comptes par un auditeur externe, à la mise en place de limites contractuelles au pouvoir de décision du management) ;● une perte résiduelle qui correspond à l’écart inévitable entre le résultat des actions de l’agent et le résultat d’un comportement qui maximise le bien être du principal. Par exemple, la maximisation de l’utilité du management n’est pas nécessairement optimale pour les actionnaires.

Nous avons souligné que selon la Théorie Moderne du Portefeuille, les actionnaires peuvent réduire le risque spécifique auquel ils sont exposés à travers la diversification de leur portefeuille. Ils sont donc uniquement rémunérés pour le risque systématique auquel ils sont exposés. En revanche, le management est exposé aux risques systématique et spécifique de la société et il n’est pas en capacité de diversifier son exposition (emploi, salaire, une partie de sa richesse peut

être investie dans l’entreprise, bénéfices non monétaires tels que la réputation, les promotions etc.). De ce fait, selon Monda et al. (2013), les managers auront tendance à être plus averses au risque que les actionnaires et prendront ainsi des décisions qui leur seront plus favorables (adoption d’une stratégie de diversification excessive, décisions de surinvestissement dans des projets à faible risque, ratios de dette sous-optimaux).

La mise en place d’une gestion des risques dans une entreprise est de nature à stabiliser les flux de trésorerie, à réduire la volatilité de la valeur de la société et par conséquent, à réduire l’exposition aux risques du management. Ce dernier aura donc moins d’incitations à prendre des décisions qui vont à l’encontre de la maximisation des bénéfices des actionnaires (Monda et al., 2013).

De façon plus générale, la gestion des risques permet de mettre en place des mécanismes qui réduisent l’impact de facteurs exogènes sur la performance de la société, les risques non diversifiables encourus par les managers et par conséquent, les conflits d’intérêts avec les actionnaires et les coûts d’agence associés.

La gestion des risques réduit les coûts dits de transactionCoase (1937) est le premier économiste à avoir soulevé la problématique de l’existence de l’entreprise. Selon lui, cette dernière est un mode de coordination des transactions, alternatif au marché, dont le système des prix engendre des coûts dits de transaction. Ils correspondent aux coûts de recherche d’information, de négociation, de contractualisation, etc.

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Selon Stulz (1996), la gestion des risques permet de réduire deux types de coûts : les coûts liés à une probabilité de faillite élevée de l’entreprise et ceux liés aux techniques de couverture. Parmi les coûts liés à la probabilité de faillite sont distingués :● les coûts directs correspondant aux dépenses légales, frais d’avocat, dépenses administratives et comptables liées à la réorganisation ; ● les coûts indirects qui sont ceux qui ont généralement le plus d’impact sur la valeur de l’entreprise, tels que ceux liés à sa capacité d’investir, à s’endetter, la perte de clients, la vente forcée d’actifs ou aux confits d’intérêt management-actionnaires.

La gestion des risques est de nature à réduire la volatilité des flux de trésorerie de la société et par conséquent à réduire la probabilité de détresse financière.

Dans la même optique, les techniques de couverture permettent de réduire la volatilité des flux de trésorerie et d’augmenter la capacité d’endettement. Monda et al. (2013) soulignent que les sociétés dont la probabilité et les coûts de détresse financière sont élevés, sont plus incitées à mettre en place des mécanismes de gestion des risques.

La gestion des risques offre une meilleure adéquation entre les politiques de financement et d’investissementGénéralement, une société crée de la valeur lorsqu’elle investit dans des projets dont la valeur actuelle nette est positive et qu’elle dispose du financement nécessaire. En effet, la volatilité des flux de trésorerie ne permettant pas de garantir la disponibilité du financement à tout moment, toute société peut être contrainte à choisir entre

laisser passer une opportunité d’investissement ou chercher un financement (émission d’actions ou dette).

Monda et al. (2013) soulignent que la gestion des risques peut contribuer à créer de la valeur grâce à une meilleure adéquation entre les politiques de financement et d’investissement. En réduisant la volatilité des flux de trésorerie, la gestion des risques offre une meilleure harmonisation entre les besoins et les disponibilités de fonds, ce qui est de nature à réduire le coût du capital des opportunités de croissance.

La gestion des risques permet de réaliser des économies fiscalesOn peut constater que les entreprises recourent moins à la dette que ce que la déductibilité des intérêts mise en exergue par Modigliani et Miller (1958, 1963) pouvait le laisser penser. L’explication de ce décalage réside dans l’absence de prise en compte des coûts induits par le recours à la dette. C’est ce que propose d’étudier la théorie du « Trade off ».

Plus précisément, l ’augmentation du taux d’endettement accroît la probabilité de faillite. Or, lorsqu’une entreprise n’est plus en mesure d’honorer ses obligations, elle peut entrer dans une situation de détresse financière, qui se traduit par des coûts directs (avocats, licenciements…) et indirects (perte de clients, rupture de contrats avec les fournisseurs, démissions et démotivations des salariés, vente forcée d’actifs…). Ainsi, le choix de la structure financière doit reposer sur la comparaison des avantages procurés par la déductibilité fiscale des intérêts et les inconvénients engendrés par les coûts de détresse financière.

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Dans ce cadre, la gestion des risques permet de lisser des flux de trésorerie, d’augmenter la capacité d’endettement, et ainsi de réaliser des économies d’impôt (Stulz 1996 ; Monda et al., 2013).

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2. QUELLES SONT LES EXIGENCES DE SOLVABILITÉ 2 EN MATIÈRE DE DÉFINITION

ET CALIBRATION D’APPÉTENCE AU RISQUE ?

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2. QUELLES SONT LES EXIGENCES DE SOLVABILITÉ 2 EN MATIÈRE DE DÉFINITION

ET CALIBRATION D’APPÉTENCE AU RISQUE ?

L’objectif de cette section est de montrer comment la Directive européenne Solvabilité 2 (2009) est de nature à engendrer une profonde mutation culturelle, notamment en exigeant i) une vision holistique de la gestion des risques ii) en conformité avec une appétence au risque définie sous la responsabilité des organes dirigeants iii) selon une gouvernance clairement identifiée. Si la Directive laisse les sociétés d’assurance libres de choisir la façon dont elles structurent le système et la fonction de gestion des risques, elle exige en revanche que ce système soit parfaitement intégré dans l’organisation et dans le processus de prise de décision. Il est aisé de comprendre, à partir de ces trois points, pourquoi Solvabilité 2 requiert une réelle refonte de l’organisation de la plupart des entreprises et une sensible (r)évolution culturelle dans la formalisation de l’appétence au risque.

Concrètement, quelles sont les exigences réglementaires en matière d’appétence au risque ? La Directive de la réglementation prudentielle européenne Solvabilité 2 (2009) qui sera mise en place en janvier 2016 énonce aux articles 35, 41, 44, 45, 51 et 120, ses exigences en matière de gestion des risques et de gouvernance, en particulier la formalisation d’une vision holistique des risques de l’entreprise en cohérence avec l’appétence au risque.

Cette Directive précise que les sociétés doivent mettre en place des systèmes de gestion des risques qui contiennent des stratégies, des

processus et des procédures pour identifier, mesurer, contrôler, gérer, reporter de manière continue les risques et leurs interdépendances au niveau individuel et au niveau agrégé. Afin que le système et la fonction de gestion des risques soient parfaitement intégrés dans l’organisation et dans le processus de prise de décision, la Directive exige que la stratégie de risque soit claire et cohérente avec la stratégie globale de la société, et que soient définis des objectifs, des principes sur la gestion des risques, des responsabilités et une appétence au risque.

Le régulateur prévoit dans le document « Préparation à Solvabilité 2 : enseignements de l’exercice d’ORSA pilote 2013 » (ACPR, 2014) que « l’appétence au risque traite de l’attitude de l’organe d’administration, de gestion ou de contrôle envers les principales catégories de risques. Elle doit être claire et suffisamment détaillée pour exprimer et refléter les objectifs stratégiques de l’organe d’administration, de gestion ou de contrôle. Elle peut inclure une évaluation quantitative en termes de risque ou de capital. L’organe d’administration, de gestion ou de contrôle donne les directives appropriées en matière de définition de l’appétence au risque ».Ainsi, beaucoup de liberté est offerte à chaque organe dirigeant dans la définition et la calibration de son appétence au risque, afin notamment que chaque entreprise puisse se l’approprier pleinement et que cette appétence soit cohérente avec la culture et les objectifs stratégiques de la société. C’est précisément l’objectif de cette

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étude et en particulier celui de la troisième partie que d’apporter un éclairage sur comment définir et calibrer l’appétence au risque au regard des différentes pratiques du marché.

Il est important de mentionner l’article 45 de la Directive (2009) : « Dans le cadre de son système de gestion des risques, chaque entreprise d’assurance et de réassurance procède à une évaluation interne des risques et de la solvabilité. Cette évaluation porte au moins sur les éléments suivants: ● le besoin global de solvabilité, compte tenu du profil de risque spécifique, des limites approuvées de tolérance au risque et de la stratégie commerciale de l’entreprise● […].»

Ainsi, la Directive a positionné l’appétence au risque au cœur du dispositif de l’ORSA (Own Risk and Solvency Assessment). Cette mutation est très structurante pour le pilotage des entreprises d’assurance. Rappelons que l’ORSA reflète l’opinion de la société, sa compréhension des risques, des besoins de capital et des fonds propres détenus. « L’ORSA fait partie intégrante de l’entreprise et incite les dirigeants à initier un processus de réflexion et de maîtrise des risques au regard de son activité et des projets de l’entreprise, à prendre du recul par rapport au pilier 1, à développer un dispositif de mesure et de pilotage adapté à son profil de risque utile au processus de décisions » (Institut des Actuaires, 2014). L’ORSA doit être considéré par les sociétés d’assurance comme un outil stratégique, où sont intégrées des recommandations et des actions concrètes sur la gestion des risques, la gestion du capital, la rentabilité et la stratégie de la société. A ce titre, il s’inscrit donc opérationnellement

dans le processus plus global de l’Enterprise Risk Management.

Le régulateur a défini cinq grands principes de l’ORSA : l’exhaustivité (quant à l’évaluation des risques, y compris ceux n’entrant pas dans le calcul du Solvency Capital Requirement — SCR) ;une vision prospective (du profil de risque) ; la dynamique (processus de tests et d’amélioration en continu) ; la proportionnalité (adapté à la nature, l’ampleur et la complexité des risques) ; la cohérence (entre profil de risque, appétence au risque, la volatilité du Besoin Global de Solvabilité – BGS) ; un pilotage stratégique (actions pour améliorer le système de gestion des risques, optimiser la gestion du capital, la rentabilité, et questionner la stratégie).

Dans le cadre de l’ORSA, trois évaluations sont requises par la réglementation prudentielle : le besoin global de solvabilité ; une évaluation du respect permanent des exigences de capital réglementaires (couverture du SCR, MCR, et exigences sur le calcul des provisions techniques) et enfin ; une évaluation de la déviation du profil de risque par rapport aux hypothèses qui sous-tendent le calcul du SCR. Ainsi, le premier objectif de l’ORSA est d’évaluer la pertinence de la formule standard par rapport à l’ensemble de tous les risques auxquels la société est exposée. Son second objectif est de projeter les exigences de capital afin d’évaluer sur les moyen et long termes les risques auxquels elle est exposée ou peut être exposée. Les risques qui ne sont pas pris en compte, ou qui le sont insuffisamment dans la formule standard du pilier 1, seront analysés dans le cadre du processus interne d’évaluation des risques3 du pilier 2.

3 - C’est le cas, par exemple, des risques issus de la dette souveraine des pays membres de l’Espace Economique Européen (EEE) comme la Grèce, l’Espagne et le Portugal qui sont considérés, dans la formule standard, comme des pays à risque faible et ne sont pas sujets à des exigences de capital au titre du risque de spread et du risque de concentration. Dans le processus ORSA, les sociétés doivent gérer les risques liés à la détention de ces instruments et détenir les fonds propres nécessaires pour les couvrir.

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Nous constatons in fine que les exigences prudentielles résident plus dans l’organisation de l’entreprise, et plus précisément dans la définition de sa gouvernance, que dans la définition et la calibration stricto sensu de l’appétence au risque. Comme indiqué en introduction, le régulateur met essentiellement l’accent sur le rôle de l’organe de direction, ce qui se traduit avant tout par une obligation de moyen, plus que de résultat formalisé.

Selon la Directive, le système de gouvernance doit donc être composé de principes, fonctions et modèles qui permettent le développement d’un processus de décision de gestion des risques adéquat au sein de la société. Pour ce faire, Solvabilité 2 renforce la responsabilité des dirigeants4 (en général par l’extension tant du nombre de personnes responsables, que des domaines de responsabilité), recherche un équilibre des pouvoirs (contrepoids et contrôle adéquat selon le principe des quatre yeux5) et une indépendance des différentes fonctions des dirigeants qui doivent être compétents (Fit and Proper »6). En revanche, la réglementation prudentielle n’impose pas de système ou d’organisation prédéterminée au nom du principe de proportionnalité mais « une répartition claire et une séparation appropriée des responsabilités » (article 41 de la Directive Solvabilité 2, 2009). Afin que cette gouvernance soit une réalité, l’article 51 de la Directive exige explicitement un rapport où est décrit le système de gouvernance et où l’entreprise montre son adéquation avec le profil de risque de l’entreprise.

En conclusion, le régulateur offre une grande flexibilité quant à l’implémentation des exigences du pilier 2, et notamment quant à la définition et la calibration de l’appétence au risque afin qu’elle puisse être totalement cohérente avec la culture de chaque entreprise et ses objectifs stratégiques. Toutefois, sur le terrain, de nombreux acteurs du secteur de l’assurance s’interrogent sur la définition, le choix des indicateurs, et la calibration de l’appétence au risque et de la cohérence avec ses déclinaisons que sont les tolérances et les limites de risque.

La section suivante analyse quelles sont les « best practices » du marché en la matière.

4 - La Directive a introduit la notion de AMSB, Administrative, Management or Supervisory Body, ou Organe d’administration, de gestion ou de contrôle. Selon l’article 40, les Etats membres doivent veiller à ce que l’AMSB assume la responsabilité finale du respect, par l’entreprise concernée, des dispositions législatives, réglementaires et administratives adoptées en vertu de la Directive Solvabilité II. L’AMSB constitue ainsi l’élément central du système de gouvernance et interagit avec les comités mis en place. A noter la délicate identification de l’AMSB selon la structure mutualiste ou capitalistique, moniste ou dualiste. L’AMSB comprend-elle le conseil d’administration et/ou le conseil de surveillance et/ou la direction générale ?5 - L’article 258 du règlement délégué du 10 novembre 2014 requiert que les sociétés d’assurance veillent à être effectivement dirigées par au moins deux personnes (principe des 4 yeux) afin d’éviter la concentration des pouvoirs selon le principe du pouvoir et contrepouvoir de la gouvernance.6 - Selon l’article 42 de la Directive de Solvabilité II, les entreprises d’assurance veillent à ce que toutes les personnes qui dirigent effectivement l’entreprise ou occupent des fonctions clés aient des compétences (qualifications, connaissances et expériences professionnelles) propres à permettre une gestion saine et prudente et soient honorables (réputation et intégrité satisfaisantes).

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3. COMMENT CALIBRER L’APPÉTENCE,

LES TOLÉRANCES ET LES LIMITES DE RISQUE ET QUELS

EN SONT LES ENJEUX POUR L’ALLOCATION

DE CAPITAL ?

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3. COMMENT CALIBRER L’APPÉTENCE, LES TOLÉRANCES ET LES LIMITES DE RISQUE ET QUELS EN SONT LES ENJEUX

POUR L’ALLOCATION DE CAPITAL ?

La première partie de cette étude s’est focalisée sur les apports académiques quant aux enjeux de la gestion des risques. La deuxième partie a présenté les contraintes réglementaires prudentielles en matière d’appétence pour le risque. Cette troisième partie a pour objectif d’analyser les différentes approches pour définir et calibrer l’appétence au risque et ses déclinaisons en tolérances et limites opérationnelles, et d’en présenter les enjeux et les mutations culturelles dans la gestion stratégique des entreprises d’assurance.

Comme nous l’avons souligné précédemment, le régulateur exige que les sociétés d’assurance adoptent une approche holistique de la gestion des risques et définissent leur propre appétence au risque, ce qui va généraliser et « démocratiser »le déve loppement de l ’ Ent repr i se R i sk Management dans ce secteur et engendrer de profondes mutations culturelles en termes de pilotage des entreprises. Le grand challenge est d’intégrer la gestion des fonds propres disponibles à travers un modèle d’allocation du capital par « business unit » (lignes d’activité, pays ou autre selon la politique et la stratégie de la société) en considérant : i) une mesure systématique des sensibilités des indicateurs de pilotage aux facteurs de risque, ii) les contraintes de Solvabilité 2 et en particulier l’ORSA et la mise en place d’un capital économique, iii) l’appétence au risque et sa déclinaison en tolérances et limites opérationnelles de risque.

C’est à ces questions que les acteurs du secteur de l’assurance doivent aujourd’hui apporter leur réponse personnelle, car elle dépend de leur propre culture financière, de la sensibilité du dirigeant aux risques et de la vision stratégique… sans omettre que le régulateur prudentiel européen exige de positionner la gestion des risques au cœur des processus de décisions.

Désormais, lorsqu’une société explorera différentes stratégies en vue d’atteindre ses objectifs, elle devra réaliser son choix dans une dynamique prospective et conditionnellement à son appétence au risque. En d’autres termes, les choix stratégiques des entreprises seront objectivés par leur projection dans un environnement performance-risque dont les contours sont définis par l’appétence. Sans une définition formalisée de l’appétence au risque, il ne peut pas y avoir de vision holistique de la relation risque-performance : l’appétence au risque a pour vocation de protéger l’entreprise contre la simple poursuite d’objectifs sans une véritable compréhension des conséquences des décisions qui ont été prises.

Les choix stratégiques seront ainsi retenus ou écartés au regard du niveau de risque qu’ils présentent par rapport à celui que la société considère comme acceptable. Naturellement, afin qu’elle soit opérationnelle et intégrée dans le processus de gestion des risques de la société, l’appétence au risque doit être déclinée dans l’entité à plusieurs niveaux pour permettre aux différentes parties prenantes de connaître

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exactement le périmètre dans lequel elles sont « autorisées » à agir.

Ainsi, du point de vue de la direction et du pilotage de l’entreprise, l’appétence au risque permet d’apporter des réponses à différentes questions : ● Préférences pour le risque : - Quels sont les risques à prendre ? Quels sont les risques à éviter ? - Quels sont les risques où la société possède un avantage compétitif en termes de gestion ? ● Appétence pour le risque : - Quels sont les risques qui doivent être réduits ? A quel niveau ? Sur quel horizon ? ● Système de limites- Quels sont les événements futurs/risques émergents qui peuvent impacter la stratégie ?

L’appétence au risque est une notion spécifique à chaque entreprise qui traduit ses enjeux stratégiques, et peut donc drastiquement différer selon sa nature juridique et/ou sa culture. Par ailleurs, elle n’est pas strictement additive dans la mesure où l’appétence au risque d’un groupe est généralement supérieure à la somme de celles des différentes entités qui le composent.

L’appétence au risque permet à toute entreprise de se posit ionner sur le spectre r isque-performance, d’optimiser l’allocation de son capital selon son profil de risque et la performance souhaitée, tout en respectant ses exigences de solvabilité. Notre objectif est ici de montrer comment les sociétés d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance ont procédé - ou peuvent procéder - pour définir l’appétence au risque et ses déclinaisons en tolérances et limites opérationnelles de risque.

3.1. QUELS SONT LES INDICATEURS ET MÉTRIQUES RETENUS POUR CALIBRER L’APPÉTENCE AU RISQUE ET QUELS EN SONT LES ENJEUX EN TERMES D’ALLOCATION DE CAPITAL ET D’ERM ?L’appétence au risque et ses déclinaisons sont au cœur des processus de décisions stratégiques, de l’ERM et du modèle d’allocation du capital. Nous constatons que les entreprises retiennent des approches, des indicateurs et des philosophies très différentes selon leur culture, leurs valeurs, l’implication des dirigeants, l’objectif, le poids et le rôle de ces agrégats dans le processus de décisions et naturellement les moyens disponibles.

Au préalable, rappelons que de très nombreuses définitions de l’appétence au risque ont été proposées selon le cadre de référence de l’ERM retenu. La définition la plus simple est celle de PWC (2004) et de la norme ISO Guide 73 (2009) qui font référence à la « quantité de risque qu’une société est prête à accepter dans les limites de sa capacité globale ». Le COSO (Committee of Sponsoring Organisations of the Treadway Commission, 2004), y ajoute une référence à la valeur (« montant de risque qu’une société est prête à accepter, au niveau global, dans la poursuite de la valeur ») ;l’Institut des actuaires, la notion de stratégie (« l’appétence au risque correspond à combien de risque une organisation est prête à assumer au regard de sa stratégie ») ; l’IRMI (International Risk Management Institute) considère que l’appétence au risque est le degré selon lequel la Direction est prête à accepter l’incertitude d’une perte provenant d’un risque alors qu’elle dispose d’une option de transfert de ce risque à un assureur moyennant un certain coût. La Risk and Insurance Management Society la définit comme le montant d’exposition qu’une société souhaite assumer

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sur la base d’un arbitrage risque-rendement pour une ou plusieurs expositions. Soulignons enfin de façon non exhaustive que le Senior Supervisors Group définit l’appétence au risque comme le niveau et le type de risque qu’une société est capable et prête à assumer pour ses expositions et activités commerciales étant donné ses objectifs et ses obligations envers les parties prenantes. L’appétence au risque doit refléter l’impact potentiel sur les bénéfices, le capital, le financement et la liquidité.

Dans un tel univers qui relève parfois du capharnaüm aux dires de certains acteurs, nous proposons dans cette section de réaliser un état de l’art des pratiques en matière de définition, métriques, et calibration de l’appétence au risque et de dresser un bilan des différentes approches retenues par le marché.

Pour ce faire, nous avons interviewé une trentaine de personnes issues aussi bien de sociétés d’assurance et réassurance, que de mutuelles ou d’institutions de prévoyance, cotées ou non cotées, purement françaises ou internationales et de toute taille. L’échantillon comprend des personnes interrogées issues de différentes directions : direction générale, des risques, technique, de la stratégie, de la gestion actif-passif ou encore des investissements afin d’avoir un large spectre d’approches et d’analyses.

De ces entretiens, il ressort que si les expressions de l’appétence au risque sont très disparates, les différentes étapes requises pour la mise en œuvre de l’appétence au risque sont identiques. Nous retrouvons ainsi les étapes d’implémentation décrites par Shang et Chen (2012), pour qui la définition d’un cadre d’appétence au risque

permet au management de comprendre le profil de risque de la société et de trouver un équilibre optimal entre le risque et le rendement. Chronologiquement, sept étapes sont identifiées :● une analyse bottom-up du profil de risque actuel de la société;● des interviews avec les organes dirigeants sur l’aversion au risque ;● l’alignement de l’appétence au risque avec les objectifs et la stratégie de la société ;● la formalisation d’une déclaration d’appétence au risque avec l’approbation des organes dirigeants ;● l’instauration de politiques de risque et de processus de surveillance de risque en cohérence avec l’appétence au risque ;● la conception et l’implémentation d’un plan de réduction des risques cohérent avec l’appétence au risque ;● un plan de communication.

L’appétence au risque est une composante nécessaire pour piloter dans la mesure où la notion de risque est indissociable de celle de performance (et/ou rentabilité), mais en aucun cas elle ne doit dicter la stratégie et les objectifs. Dès lors, chaque entreprise doit en amont définir ses propres objectifs basés sur sa stratégie, sa culture, son ADN.

Aussi surprenant soit-il, force est de constater qu’auparavant de très nombreux acteurs n’avaient pas clairement défini leurs objectifs et à ce titre, la définition de l’appétence au risque a engendré une première mutation culturelle structurante. En effet, si de nombreuses compagnies à structure capitalistique ont un objectif de rentabilité financière, le choix des objectifs est moins évident pour une mutuelle ou un institut de prévoyance.

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Nous avons ainsi rencontré des entreprises, y compris de grands groupes mutualistes, qui ont profité de cette mise en œuvre de l’appétence pour se pencher en amont sur leur véritable ADN. Leurs objectifs ne peuvent pas en effet se réduire à une mesure financière de solvabilité et/ou de rentabilité, mais doivent aussi être liés aux gênes mutualistes : répondre aux besoins et à la satisfaction des adhérents, assurer la pérennité de la société, l’indépendance financière, le positionnement du marché, le développement durable... La deuxième étape est la définition du profil du risque. Là encore, cette dernière a engendré une deuxième mutation culturelle structurante pour certains groupes. En effet, on observe une forte disparité de la culture du risque entre les acteurs. Les plus sophistiqués ont implémenté des systèmes antérieurement à Solvabilité 2, parfois dotés de mesures plus élaborées que celles du régulateur européen (TVaR, matrice de corrélation plus fine…). Toutefois, pour la plupart des assureurs, la notion de risque dans le pilotage de l’entreprise reste une notion vague, non formalisée (« notre profil de risque répond à notre appétence modérée au risque »), voire inexistante. Il faut noter que dans de nombreuses mutuelles, les conseils d’administration sont souvent composés de professionnels non issus du monde de l’assurance.

En raison des ex igences de l ’ORSA et en particulier de l’appétence au risque, un profond changement culturel s’opère notamment auprès des dirigeants qui doivent désormais s’investir sur cette dimension du risque consécutivement à leurs nouvelles responsabilités, jusqu’alors réservée aux seuls experts.

Généralement, le profil de risque est déterminé selon une approche bottom-up. Cette analyse passe par la réalisation d’une cartographie des risques qui peut être basée sur le pilier 1 de Solvabilité 2 et qui peut (ou doit) intégrer d’autres risques comme par exemple ceux liés aux obligations souveraines, la réputation, etc. L’évaluation consiste à identifier les risques, les mesurer et déterminer l’impact de chacun d’entre eux sur la société. Cette analyse du profil de risque se fait généralement sous la coordination de la Direction des Risques (ou son équivalent), mais chaque division de la société est chargée de mener l’analyse sur son périmètre. Les profils de risque individuels sont ensuite agrégés, afin d’obtenir le profil de risque global de la société. Une fois que la société a acquis une compréhension globale des risques auxquels elle est exposée, elle peut s’interroger sur les types de risques qu’elle souhaite conserver, éviter ou transférer et l’ampleur de l’exposition. Le profil de risque sert donc de base pour la réflexion sur l’appétence globale au risque.

La dernière étape correspond au choix des indicateurs de l’appétence au risque et à leur métrique associée.

L’appétence au risque est inhérente à chaque entreprise et doit donc être en lien direct avec ses objectifs, sa stratégie et sa culture. Des objectifs plus ambitieux devront être associés à une appétence au risque plus importante, et vice-versa. Il est donc important à ce stade d’avoir identifié le modèle économique et les priorités stratégiques de l’entreprise, sa performance, son environnement concurrentiel, son profil de risque passé (notamment les événements qui ont engendré des pertes importantes et les mesures

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correctrices qui ont été prises), présent, sa capacité actuelle à absorber les risques, ses politiques et ses limites de risque existantes, le niveau de risque que la société est prête à prendre pour atteindre ses objectifs. L’ensemble de ces éléments permet ainsi d’identifier clairement le contexte dans lequel l’appétence au risque doit être définie.

Par ailleurs, le COSO (2012) recommande, de façon pertinente, que l’appétence au risque possède les caractéristiques suivantes :● elle doit avoir un lien direct avec les objectifs de l’organisation ;● el le est suffisamment précise pour être communiquée à travers toute l’entreprise, être surveillée efficacement et être ajustée au cours du temps ;● elle aide à la définition des tolérances au risque et par conséquent à l’identification des paramètres des risques acceptables ;● elle facilite l’alignement du personnel, des processus et de l’infrastructure avec les limites acceptées de risque lors la poursuite des objectifs de l’organisation ;● elle tient compte de la vision des actionnaires sur la nécessité de réévaluer ou de mieux communiquer l’appétence au risque ;● elle considère que le risque est temporaire et qu’il est lié à la période de temps sur laquelle les objectifs sont poursuivis ;● elle reconnaît que l’organisation possède un portefeuille de projets, d’objectifs et de risques à gérer, par conséquent l’appétence au risque doit avoir une signification au niveau du portefeuille et au niveau des objectifs individuels.

Soulignons enfin que l’appétence au risque est une notion qui est susceptible de varier dans le temps en fonction des circonstances dans

lesquelles la société évolue, des événements exceptionnels qui sont susceptibles de changer le profil de risque de la société, la situation de marché ou les objectifs stratégiques. Une révision de l’appétence de risque régulière est donc nécessaire. Cependant, il est aussi important de tenir compte que l’appétence de risque ne doit pas avoir une dimension de court terme, mais doit avoir une vision à moyen-terme en harmonie avec le business plan de la société.

D’un point de vue implémentation, on observe que la Direction des Risques (ou son équivalent) a généralement la charge de proposer un niveau d’appétence au risque au Conseil d’Administration et au Comité Exécutif. Cette proposition est réalisée à partir du travail des différentes unités ou entités et en tenant compte des objectifs stratégiques du groupe (rentabilité, positionnement marché, clients, etc.). On remarque que selon le système de gouvernance de la société, des discussions sur l’appétence au risque ont lieu au sein du Comité des Risques avant d’être présentées au Conseil d’Administration et/ou au Comité Exécutif. Cette première phase de discussion a pour objectif de challenger les propositions de la Direction des Risques. Cependant, la décision finale concernant le niveau de risque qui doit être accepté revient au Conseil d’Administration et au Comité Exécutif qui assument la responsabilité de la définition, des indicateurs et de la métrique de l’appétence au risque. L’enjeu est primordial puisque cette appétence sera par la suite déclinée en tolérances et limites de risques à travers toute l’organisation (cf. sections suivantes).

Là encore, il s’agit d’une profonde mutation culturelle. D’ailleurs certains acteurs, afin de faciliter la prise de décision sur l’appétence au risque, ont

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préféré mener au préalable « un processus de prise de conscience des membres du Conseil d’Administration et du Comité Exécutif », afin que ces derniers puissent identifier le niveau de risque qu’ils sont réellement prêts à accepter. Différentes approches ont été retenues : des discussions sur la base de différents scénarii, l’analyse d’événements qui pourraient impacter la stratégie et les objectifs, l’utilisation de questionnaires ou la modélisation de scénarii économiques. Ces exercices permettent d’identifier la réaction des membres du Conseil d’Administration et du Comité Exécutif aux différents scénarii exposés, et donc de déterminer leur degré d’aversion au risque.

Ces précautions ainsi prises, les choix des indicateurs et des métriques peuvent être réalisés. Nous avons pu constater que l’appétence au risque découle systématiquement (et logiquement) des objectifs stratégiques fixés par la société. Ces derniers sont généralement des objectifs de rentabilité, de solvabilité, de valeur (par exemple le niveau de Market Consistent Embedded Value en assurance vie) ou de développement (croissance de chiffre d’affaires ou de sociétaires). Les indicateurs retenus pour définir les objectifs (KPI - Key Performance Indicator ou KRI - Key Risk Indicator), sont ensuite utilisés pour définir l’appétence au risque.

A partir des entretiens menés auprès des sociétés d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance, il ressort que l’appétence pour le risque est déterminée généralement à partir d’un indicateur de solvabilité, de rentabilité et/ou de budget. Plus rarement, certaines entreprises ont choisi jusqu’à six indicateurs. Aux trois précédents, s’ajoutent un indicateur de valeur, de liquidité et/ou de satisfaction.

Concernant les métriques retenues, là encore afin d’être en adéquation avec la culture, la stratégie et les objectifs de l’entreprise, l’appétence au risque se décline sous différentes expressions : limite maximale et/ou minimale qui désigne le niveau d’exposition, niveau unique qui correspond à un objectif, ou encore un intervalle qui définit la zone de fluctuation des métriques dans laquelle la société se sent confortable.

Ci-dessous figure en synthèse l’expression des six indicateurs mentionnés durant nos différents entretiens :i) Indicateurs de solvabilité● un plafond de consommation de capital en montant absolu ou en pourcentage du capital disponible ; ● une marge de solvabilité réglementaire minimale ;● l ’assoc iat ion d ’une marge so l vab i l i té réglementaire cible et d’une limite inférieure à ne pas franchir ; ● une marge de solvabilité cible où les besoins en capital sont déterminés par le modèle interne ;● un inter val le de marges de solvabi l i té déterminées par le modèle interne avec lesquelles la société est confortable par exemple une marge de solvabilité comprise entre 150% et 185% ;● un niveau de surplus en capital.

La mesure de risque utilisée la plupart du temps est la Value-at-Risk (VaR), avec un niveau de confiance de 99,5%, en référence à la réglementation européenne Solvabilité 2. Toutefois, certains acteurs ont préféré additionnellement recourir à d’autres niveaux de confiance. Nous notons des mesures de risque calibrées selon la survenance d’un événement tous les dix, vingt ou 100 ans. Soulignons enfin que les acteurs les plus sophistiqués utilisent la Tail-VaR.

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ii) Indicateurs de rentabilité● une rentabilité économique minimale ou cible ;● une rentabilité IFRS ou en normes françaises minimale ou cible.

Les indicateurs de rentabilité sont très intéressants car ils reflètent la culture et l’ADN de l’entreprise. Par exemple, une société cotée sophistiquée, qui dispose d’un modèle interne, calculera nécessairement la rentabilité économique, voire la création de valeur (écart entre la rentabilité et le coût du capital). Toutefois, ces acteurs ont également souvent ajouté un indicateur de rentabilité en normes IFRS, car elle constitue encore (à tort ?) la référence pour les marchés financiers, et le management souhaite donc l’inclure dans les contraintes d’expositions au risque, et par conséquent dans l’appétence au risque. En termes d’allocation de capital et de gestion des risques, on peut alors craindre une sous-optimisation de la gestion financière et économique pour satisfaire des objectifs de volatilité purement comptables. Nous avions soulevé ces problèmes dès 2006 (Amenc et al., 2006), mais il ne semble pas que la culture des marchés financiers dans ce domaine ait véritablement évolué.

Les entreprises qui ne retiennent pas la rentabilité économique témoignent du décalage de sophistication par rapport à ceux qui l’incluent dans l’appétence au risque. En effet, la mise en œuvre de Solvabilité 2 et le développement de l’ERM permettent, ou permettront, d’offrir l’intégralité des données pour définir une allocation de capital par business unit, et donc la rentabilité économique. Nous estimons que ce décalage n’est pas toujours lié à une problématique de temps ou de moyens, mais à la culture de l’entreprise et/ou aux réticences de la Direction Générale.

Enfin, un certain nombre d’acteurs n’ont retenu aucun indicateur de rentabilité, car ils estiment que leur performance ne doit pas être mesurée selon des critères financiers, mais selon des indicateurs de satisfaction de sociétaires et/ou le cas échéant du personnel. Même si nous partageons cette volonté de respecter l’ADN, il nous semble toutefois que l’indicateur de rentabilité pourrait être une mesure intermédiaire pour s’assurer de l’efficacité réelle de la gestion des capitaux et de la solvabilité. Naturellement, pour respecter les valeurs des mutuelles, tout gain de rentabilité obtenu peut être redistribué aux sociétaires (sous la forme d’une baisse des prix et/ou une amélioration de la prestation). Il apparaît à ce stade selon nous un fossé plus culturel que technique, mais il n’est pas exclu que prochainement de nouvelles mutations culturelles s’opèrent.

iii) Indicateurs de budget ou profits● un chiffre d’affaires cible ;● un pourcentage de croissance du chiffre d’affaires ;● une volatilité maximale du budget par rapport au plan ; ● une volatilité maximale des profits IFRS ou des profits techniques ;● un intervalle de résultat technique ;● un résultat technique minimal ;● le niveau de perte maximale (économique et/ou technique).

Les entreprises qui n’ont pas retenu d’indicateurs de rentabilité ont systématiquement retenu un indicateur de budget, notamment en référence à l’évolution du chiffre d’affaires. Pour celles qui ont en revanche retenu un indicateur de rentabilité, on comprend aisément que cet indicateur additionnel

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permet de calibrer la volatilité acceptable du résultat technique et/ou du résultat net.

Enfin, comme mentionné précédemment, certains acteurs, plus rares, ont jugé pertinent d’ajouter un ou plusieurs indicateurs afin de respecter leurs valeurs, leur culture et leurs objectifs.

iv) Indicateurs de valeur● Market Consistent Embedded Value en assurance vie.

v) Indicateurs de liquidité● La société doit pouvoir assurer les paiements aux assurés et collatéraux après un choc plausible.

vi) Indicateurs de satisfaction● Indice de satisfaction des clients et/ou du personnel.

Enfin, mentionnons qu’à ces six indicateurs quantitatifs de l’appétence au risque est parfois associée une vision qualitative qui définit les préférences de risques en précisant le périmètre des risques qui est accepté ou pas. Par exemple SCOR, dans la descript ion de son cadre d’appétence au risque, précise que « le Groupe a pour objectif de couvrir un large éventail de risques de réassurance et de zones géographiques. Cependant, SCOR ne désire pas prendre des risques opérationnels, légaux, réglementaires, fiscaux ou de réputation » (SCOR, 2012a).

3.2. ANALYSE DES INDICATEURS ET MÉTRIQUES RETENUS POUR CALIBRER L’APPÉTENCE AU RISQUEAu regard de la définition du risque introduite dans la première section par Kelliher et al. (2012)

en référence à un impact négatif sur la valeur économique de l’entreprise et des différentes définit ions de l ’appétence au risque sus mentionnées, certains choix d’indicateurs peuvent de prime abord surprendre et correspondre plus à des objectifs qu’à l’expression d’une appétence. Analysons chacun de ces choix.

Les indicateurs de solvabilité sont associés à un budget de risque que l’entreprise est prête à accepter. Naturellement, ceux exprimés en référence à un surplus par rapport au capital minimal, à un plafond de capital (en absolu ou en pourcentage du capital disponible) ou en multiple (supérieur à 1) de la marge de solvabilité réglementaire traduisent une aversion plus forte que celle des acteurs qui ont « simplement » fixé un budget de risque égal à la marge de solvabilité réglementaire minimale. Il est intéressant de souligner que les acteurs généralement les moins avancés sur ces sujets d’appétence au risque ont plutôt choisi un indicateur de solvabilité traduisant la plus forte appétence au risque ( la marge de solvabilité réglementaire). En outre, notons que les entreprises qui ont choisi un intervalle de solvabilité, c’est-à-dire fixé une marge de solvabilité maximale, traduisent le fait qu’elles ne veulent pas un surplus de capital trop important (associé souvent à du capital dormant). Au-delà de ce plafond, l’entreprise doit donc augmenter son exposition au risque.

Les indicateurs de rentabilité (économique ou comptable, minimale ou cible) correspondent en général à un objectif stratégique de l’entreprise, notamment v is-à-v is de ses act ionnaires. Toutefois, ils constituent également un indicateur d’appétence au risque. En effet, au-delà de la contrainte du niveau des fonds propres

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(dénominateur) défini par les indicateurs de solvabilité, en s’imposant un objectif de résultat minimum, l’entreprise restreint à ce titre la volatilité de son résultat et par là même son budget de risque. Contrairement aux indicateurs de profit que nous allons traiter dans le paragraphe suivant, l’indicateur de rentabilité apporte une dimension additionnelle dans la mesure où la volatilité du résultat est exprimée en fonction de la volatilité des fonds propres, ce qui paraît bien sûr plus pertinent d’un point de vue financier.

Les indicateurs de budget ou de profits (chiffre d’affaires, résultat technique, résultat net, budget par rapport au plan) correspondent également en général à un objectif stratégique. Ces indicateurs peuvent paraître peu intuitifs pour exprimer l’appétence au risque, car ils sont déconnectés de la volatilité des fonds propres et des notions de rentabilité qui pilotent généralement les sociétés. Toutefois, les entreprises qui ont choisi ce type d’indicateurs n’ont en général pas d’actionnaires, mais uniquement des sociétaires. La rentabilité n’est alors pas une fin en soi. Dès lors, du fait qu’elles ne puissent pas lever directement des fonds propres, ces indicateurs ont vocation à définir le résultat net minimal requis pour alimenter suffisamment les capitaux requis et satisfaire les exigences de solvabilité réglementaire.

Retenir un indicateur de résultat technique définit une appétence au risque uniquement au regard de l’activité de l’assurance et écarte donc celle relative au résultat financier. Ce choix reflète souvent la façon de piloter l’entreprise selon des indicateurs de marge plutôt que de rentabilité. Cet indicateur de résultat technique nous paraît ainsi intéressant comme contrainte additionnelle pour définir l’appétence au risque, mais est

insuffisant s’il n’existe pas d’autres indicateurs liés au résultat net ou financier, ou à la rentabilité. Les indicateurs de chiffre d’affaires (cible, en absolu ou exprimé en pourcentage de croissance) peuvent également surprendre. Ils ne nous paraissent guère pertinents, car ils sont trop éloignés du concept de l’appétence au risque et de la problématique de l’alimentation minimale des fonds propres. Pour nous, cet indicateur ne peut exprimer l’appétence au risque que s’il est exprimé en termes de plafond : au-delà d’un certain niveau de chiffre d’affaires, le montant réglementaire des fonds propres devient trop important pour pouvoir être alimenté uniquement par le résultat net.

Ainsi, plus généralement, les indicateurs de chiffre d’affaires et de résultat technique nous paraissent être insuffisants pour traduire l’appétence au risque et ne peuvent être que des compléments aux indicateurs de résultat net ou de rentabilité. Ils ne trouvent leur justification que dans la volonté de l’organe dirigeant de ne pas engendrer de rupture avec la culture existante de l’entreprise, et plus particulièrement la façon de la piloter autour de l’un ou de ces deux indicateurs.

Les indicateurs de liquidité nous paraissent être des indicateurs d’appétence au risque pertinents dans la mesure où ils impactent l’exposition au risque à travers la mesure de la capacité de l’entreprise à être solvable à court terme. Enfin, les indicateurs de satisfaction clients ou employés nous paraissent être des objectifs de l’entreprise, et non des indicateurs d’appétence au risque, dans la mesure où leur lien avec l’exposition au risque, le budget de risque, ou la volatilité des fonds propres en particulier, est très indirect.

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L’analyse des différents indicateurs d’appétence au risque retenus par notre échantillon du secteur

de l’assurance nous conduit aux conclusions suivantes dans le Tableau 1.

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Tableau 1 : Synthèse des indicateurs d’appétence au risqueIndicateurs Pertinence Justification

Solvabilité Forte Ces indicateurs sont directement associés à un budget de risque que l’entreprise est prête à accepter.

Rentabilité Forte Lorsque cet indicateur est défini comme un minimum, il permet de restreindre la volatilité du résultat et par conséquent le budget de risque.

Budget / profits Moyenne Choix peu intuitif pour définir l’appétence au risque. Indicateurs utilisés par les mutuelles pour lesquelles la rentabilité n’est pas leur objectif principal. Ils permettent de s’assurer qu’il existe suffisamment de fonds propres pour faire face aux exigences de solvabilité.

Résultat technique Chiffre d’affaires

Faible Ces indicateurs ne traduisent pas l’appétence au risque mais peuvent être utilisés en complément des indicateurs de rentabilité ou de résultat net :● Résultat technique : écarte le résultat financier. Insuffisant s’il n’est pas associé à un indicateur de résultat financier ou rentabilité.● Chiffre d’affaires : éloigné du concept d’appétence au risque et de capitaux propres.Il ne peut constituer un indicateur d’appétence au risque que s’il n’est défini que comme un plafond.

Liquidité Moyenne Indicateur lié à l’exposition au risque car il évalue la capacité de la société à être solvable dans le court-terme mais doit bien sûr être associé à d’autres indicateurs comme ceux de solvabilité et/ou de rentabilité

Indice de satisfaction client ou employés

Nulle Ne constitue pas un indicateur du niveau de risque. Aucun lien direct avec l’exposition au risque et/ ou un budget de risque. Il est peut être un objectif mais pas un indicateur d’appétence.

Source : EDHEC

3.3. QUELS SONT LES INDICATEURS ET MÉTRIQUES RETENUS POUR CALIBRER LES TOLÉRANCES AU RISQUE ?Afin que la gestion des risques soit totalement intégrée à la gestion quotidienne de la société et soit totalement présente dans l’ensemble des processus de la société, quel que soit le niveau hiérarchique considéré, il est nécessaire de décliner l’appétence de risque définie à un niveau stratégique à un niveau dit tactique (tolérances au risque) et/ou à un niveau opérationnel (limites de risque).

Selon le COSO, la tolérance au risque correspond à la variation acceptable de l’appétence au risque par rapport à la réalisation d’un objectif (COSO, 2012). La tolérance au risque permet de s’assurer que la société va atteindre ses objectifs tout en respectant l’appétence au risque. Elle est normalement définie avec les mêmes indicateurs

que l’appétence au risque et doit être mise en place à tous les niveaux de l’organisation.

Cependant, lors de nos entretiens, nous avons constaté que les entreprises définissent la tolérance au risque comme l’allocation de l’appétence au risque à un périmètre déterminé par exemple un pays, une filiale, une activité, une catégorie de risque, une business unit ou autre. C’est cette définition que nous retenons.

Comme pour l’appétence au risque, les tolérances au risque ont des expressions différentes selon la culture et les pratiques internes de l’entreprise.

Nous pouvons mentionner à titre d’exemple :● le montant de pertes d’une business unit suite à un choc une fois toutes les Z années ne doit pas consommer plus que X% du capital disponible du groupe ;

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● le montant de pertes dans chaque scenario extrême doit être inférieur à X% (par exemple 35%) du capital tampon (surplus de capital) ;● l’exposition annuelle pour chaque source majeure de risque doit être inférieure à Y% (par exemple 20%) du total du capital disponible ;● la probabilité que le surplus de capital soit diminué doit être inférieure à X% ;● la probabilité que le capital réglementaire ou économique de la business unit considérée diminue de X% doit être inférieure à Y% ;● le montant de pertes d’un risque particulier (par exemple risques catastrophes naturelles) ne doit pas excéder de X millions d’euros sur la base d’une VaR à X%.

Sur le terrain, la détermination des tolérances au risque est confrontée à la déclinaison non triviale par business unit de l’appétence au risque et aux problèmes liés au traitement des corrélations et des bénéfices de diversification, si bien que certains acteurs tâtonnent encore. L’autre dimension importante évoquée par l’ensemble des sociétés interrogées est la volonté d’adopter une approche pragmatique pour ne pas affecter la marche de l’activité et le travail des opérationnels.

Ainsi, l’approche la plus simple et pragmatique adoptée par quelques acteurs, consiste à définir les tolérances aux risques à partir des politiques d’investissement, de souscription, de réassurance ex istantes. En effet, indépendamment de Solvabilité 2, toute société a défini en général une politique d’investissement où des limites sont fixées pour chaque classe d’actifs (actions, obligations, immobilier, actifs stratégiques, investissements socialement responsables), en termes de pourcentage du portefeuille, de concentration géographique, de duration, de

type d’obligations (souveraine, corporate) et de notation… Côté souscription, il existe également des limites souvent fixées au cas par cas (exposition par type d’activité, par risque, concentration du portefeuille, etc.). Afin de transformer ces limites en tolérances aux risques (via la détermination des Solvency Capital Requirement associés), ces acteurs ont testé leur efficacité en termes de protection de risques et vérifier leur adéquation par rapport à l’appétence au risque globale. Certaines sociétés ont ainsi déclaré que cet exercice avait également eu la vertu de remettre à plat la pertinence de ces limites, dont certaines, désuètes, pouvaient relever d’un héritage ancestral aux origines et raisons inconnues.

La majorité des acteurs n’ont pas adopté cette approche. Même si leurs formulations et processus décrits semblent être très variés, nous pensons pouvoir in fine définir une logique globale et pragmatique, chacun apportant quelques variantes dans le traitement comme nous allons le montrer.

Le point de départ de la définition des tolérances au risque correspond à la situation actuelle de l’entreprise qui doit bien sûr être compatible avec l’appétence au risque du groupe. En d’autres termes, les niveaux de risque observés constituent les tolérances au risque. A ce stade, certains assureurs ont intégré une contrainte additionnelle avec pour objectif que la consommation de capital de chaque risque ne dépasse pas individuellement un pourcentage défini du capital économique ou réglementaire.

Dans une deuxième étape, des hypothèses sont définies afin de définir un budget sur trois ans. Il est alors vérifié que les tolérances au risque

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soient toujours en adéquation avec l’appétence au risque. La troisième étape consiste à choquer ces hypothèses selon une VaR à 99.5% voire à 90% selon les sociétés et à les comparer avec l’appétence au risque en intégrant le bénéfice de diversification. Si cette dernière est respectée, aucune action n’est prise et les tolérances au risque correspondent à l’exposition issue du budget.

A contrario, si l’adéquation à l’appétence au risque est remise en question par les distributions de pertes par périmètre projetées, alors sont recherchés les facteurs responsables de la déviation. Dès lors, une première approche consiste à procéder par processus itératif (stress tests, étude des risques et de leur sensibilité) avec les opérationnels, de façon à déterminer l’allocation de capital qui permet d’être à nouveau en adéquation avec l’appétence au risque globale. Toutefois, dans le cas d’une forte déviation (par exemple lié à un problème du modèle économique) ou de la volonté de ne pas modifier l’allocation de capital, des plans d’actions sont définis (nouvelle allocation des actifs financiers, politique de réassurance, de tarification, de politique commerciale…) afin de revenir au niveau souhaité de rentabilité pondérée de risque et compatible avec l’appétence au risque. Il est intéressant de noter que selon la situation de la business unit, ce retour à meilleure fortune peut être envisagé sur plusieurs années. Une autre option retenue par quelques acteurs pour définir la tolérance au risque, est d’additionner un surplus de capital à ce profil de risque, en fonction de la performance de la business unit.

Certaines entreprises ont complété cette approche en trois étapes par la définition de « tolérances aux risque stratégiques ». Il s’agit

ici d’inclure une nouvelle contrainte au-delà de l’adéquation à l’appétence au risque, qui intègre une dimension stratégique définie par le Conseil d’administration. Ces tolérances « stratégiques » doivent refléter le niveau à partir duquel certaines pertes deviennent trop importantes pour être assumées (par exemple en cat nat, grands risques, crédit-caution), non pas en termes de risque de faillite, mais par rapport à l’ambition de la société en termes de part de marché (problématique en termes d’image), la marge de manœuvre que le management veut donner à la société pour profiter d’un retournement de situation, etc.

3.4. QUELS SONT LES INDICATEURS ET MÉTRIQUES RETENUS POUR CALIBRER LES LIMITES DE RISQUE ?Les limites de risque constituent le degré le plus fin de déclinaison de l’appétence au risque. Elles permettent de rendre opérationnelle l’appétence au risque en définissant le niveau de risque au-delà duquel une action corrective doit être mise en place (réduction des risques). Ces limites de risque doivent être spécifiques, quantifiables et basées sur des hypothèses prospectives à l’instar de l’appétence au risque. Elles peuvent prendre différentes formes (plafond, seuil, trigger) et correspondent à des indicateurs différents de ceux de l’appétence et de tolérances au risque, car ils doivent être choisis de sorte qu’ils parlent aux opérationnels qui sont les propriétaires des limites de risque.

Actuellement, les limites de risque fixées par les sociétés d’assurance ne semblent pas être connectées directement (mathématiquement) à l’appétence au risque. En effet l’approche top-down qui part de la définition de l’appétence au

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risque et qui se décline en tolérances pour ensuite définir des limites spécifiques est un processus complexe dont la mise en œuvre est difficile en raison d’absence de solutions analytiques explicites uniques.

L’approche privilégiée par le secteur est donc une approche bottom-up. Les indicateurs utilisés par les opérationnels sont considérés comme une référence et leurs niveaux doivent être en adéquation avec l’appétence au risque. De fait, si le test de ces limites conduit à considérer qu’elles ne sont pas en ligne avec le profil de risque que la société considère comme acceptable, elles font l’objet d’une nouvelle calibration.

Dans la pratique, comme il n’existe pas de solution mathématique unique de déclinaison de l’appétence au risque en tolérances puis limites de risques, les responsables de business unit choisissent « librement » les limites opérationnelles au regard des objectifs stratégiques de la société (souvent rentabilité économique sur capital alloué) et la Direction des risques mesure si elles sont en adéquation avec l’appétence au risque et efficace en termes de protection des risques.

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CONCLUSION

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CONCLUSION

L’objectif de cette étude a été de montrer comment l’appétence au risque, cœur de la vision holistique de la gestion des risques, est de nature à restructurer en profondeur, tous les processus de gestion, et plus généralement la culture et le pilotage des entreprises d’assurance (sociétés d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance).

Les indicateurs d’appétence au risque doivent être choisis afin que leur implémentation permette d’intégrer systématiquement la dimension risque dans la stratégie de chaque entreprise, d’assurer une gestion des risques cohérente avec les limites de risque alignées avec l’appétence, de protéger la valeur créée. Ainsi, en exigeant que l’appétence au risque soit intégrée systématiquement et effectivement dans tout choix stratégique, en définissant des processus de gouvernance qui responsabilisent la Direction Générale et le Conseil d’Administration, le régulateur européen construit un environnement dans lequel toute décision stratégique prise par l’entreprise doit être objectivée en conformité avec l’appétence au risque, qu’elle a elle-même définie.

De par sa nature et son périmètre, l’appétence au risque affecte l’ensemble de la chaîne de valeur (conception des produits, distribution, gestion des contrats, des sinistres, des placements et du capital). Elle doit permettre en outre de mesurer, comprendre, surveiller et gérer l’ensemble des risques, aussi bien au niveau le plus fin des business units, qu’au niveau le plus global de l’entreprise,

et à ce titre constitue un cadre objectif pour prendre les décisions stratégiques et tactiques. L’appétence constitue aussi un langage commun pour l’ensemble des parties prenantes internes et externes à l’entreprise, y compris pour le Conseil d’Administration dont la responsabilité s’est profondément accrue. Sous la houlette du régulateur européen, l’allocation et la gestion du capital en conformité avec l’appétence au risque est une approche qui va se démocratiser, se généraliser et ainsi engendrer de profonds changements structurants tant en termes de culture, que d’organisation et de conception du pilotage des entreprises.

Si les enjeux de l’appétence au risque sont largement partagés, force est de constater que sa définition, sa calibration et sa déclinaison en tolérances et limites de risque - qui sont actuellement en cours de réflexion chez de très nombreux acteurs à l’aulne de la mise en place de Solvabilité 2 en janvier 2016 - restent souvent encore absconses.

Sur la base d’entretiens auprès de différentes directions (générale, techniques, financières, des risques, de l’ALM, et des investissements) de sociétés d’assurance, mutuelles et institutions de prévoyance européennes, nous avons élaboré un état de l’art des best practices, des écueils rencontrés, des solutions retenues au regard des spécificités de la culture et de l’ADN de chaque acteur, pour calibrer les indicateurs de l’appétence au risque et ses déclinaisons. Il en ressort que les

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expressions de l’appétence sont très disparates, tant sur le nombre d’indicateurs (de 2 à 6), le choix des indicateurs (solvabilité, rentabilité, budget ou profit, valeur MCEV, liquidité, satisfaction), les métriques et la calibration.

L’analyse détaillée de ces indicateurs nous a conduits à valider les indicateurs de solvabilité, de rentabilité et partiellement ceux de budget comme de réels indicateurs d’appétence au risque. Les indicateurs de solvabilité définissent un niveau de fonds propres associé à un budget de risque et témoignent du degré d’aversion au risque. Les entreprises les moins averses au risque sont celles qui ont considéré un niveau de fonds propres cible permettant de satisfaire « juste » la marge de solvabilité réglementaire. Certaines ont fixé une borne supérieure de solvabilité traduisant leur volonté de s’exposer plus au risque dès l’instant où le capital excédentaire est associé à du capital dormant. Les indicateurs de rentabilité apportent une nouvelle contrainte de budget de risque en introduisant une notion de volatilité du résultat net. Certains indicateurs de profits, bien que déconnectés des fonds propres et des notions de rentabilité, peuvent trouver leur justification auprès d’entreprises n’ayant pas d’actionnaires mais uniquement des sociétaires. La rentabilité n’est alors pas une fin en soi, et certaines mutuelles ont ainsi défini le résultat net minimum requis pour alimenter suffisamment les capitaux requis pour satisfaire la marge de solvabilité réglementaire.

En revanche , nous remettons en question la pertinence de certains indicateurs, tels que le chiffre d’affaires, le résultat technique ou les indices de satisfaction des clients ou du personnel, lorsqu’il n’existe pas d’indicateur lié au résultat

net ou à la rentabilité, même s’ils relèvent souvent de la façon de piloter l’entreprise selon des indicateurs de marge et/ou de chiffre d’affaires. Ce ne sont pas des indicateurs d’appétence au risque et ils ne trouvent leur justification que dans la volonté de l’organe de direction à ne pas engendrer de rupture avec la culture existante de l’entreprise.

Néanmoins, les différentes étapes de mise en œuvre de l’appétence au risque ont été identiques et chacune très structurante dans l’organisation et la culture de chaque acteur. Chronologiquement, ont été définis successivement les objectifs et la stratégie de l’entreprise, le profil de risque et les indicateurs de l’appétence au risque et leur métrique associée.

Afin que la gestion des risques soit totalement intégrée au pilotage quotidien de l’entreprise et soit présente dans l’ensemble des processus de la société quel que soit le niveau hiérarchique considéré, cette appétence est déclinée à un niveau dit tactique (tolérances au risque) et/ou opérationnels (limites de risque). Sur le terrain, nous mettons en évidence que la déclinaison par business unit n’est pas triviale, soulevant d’une part des problèmes liés au traitement des corrélations et des bénéfices de diversification, et d’autre part, se heurte à la volonté d’adopter une approche pragmatique afin de ne pas affecter la marche de l’activité et le travail des opérationnels. Là encore de très fortes disparités sont à constater.En conclusion, les processus en cours de définition et de calibration de l’appétence, tolérances et limites de risque chez la plupart des acteurs de l’assurance, doivent absolument s’inscrire plus largement dans une profonde mutation du pilotage des entreprises selon une dimension

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r isque-performance. Cette dernière doit ainsi conduire à remettre à plat la culture, les objectifs, la stratégie, l’organisation, l’ensemble de la chaîne de valeur de l’assurance. La généralisation et la démocratisation de la vision holistique de la gestion des risques doit mener à celle de l’Entreprise Risk Management et plus généralement à l’allocation optimale des capitaux disponibles, cœur de la compétitivité des acteurs de l’assurance. Nous sommes ainsi les témoins d’un profond changement de culture chez tous les acteurs de l’assurance qui devrait ouvrir une nouvelle ère dans l’art de piloter une entreprise.

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RÉFÉRENCES

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NOTES

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À propos de NN Investment PartnersCe qui compte pour vous, compte pour nous

NN Group

NN Investment Partners

Principalesstratégies

• Société d’assurance & d’investissement créée en 1845• 15 millions de clients • 12.000 salariés, 18 pays d’implantation• Introduit en bourse en 2014 à Euronext Amsterdam• CA 2014: Assurance Vie individuelle & groupe (86%), Dommages (11%), Gestion

d’actifs (3%)

• 1.200 collaborateurs, dont 286 dédiés à la gestion • 3 centres de gestion: Europe (La Haye / Bruxelles / Londres), Asie (Singapour /

Tokyo), USA (New-York / Atlanta)• 187 Md EUR sous gestion à fin 2015: 46% NN Group, 28% Distribution, 26%

Institutionnels• Encours: 72% Obligataire, 15% Actions, 13% Multi-Asset

Spécialiste obligataire, du coté au non coté, au travers de fonds ouverts et de fonds dédiés

Solutions d’investissement• Approche ALM, overlay• Fiduciary management

Quelques expertises phares• Dette émergente depuis 1993• Gestion flexible Multi-Asset, d’Absolute à Total Return• Crédit alternatif

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L’EDHEC fait partie des cinquante Business Schools mondiales titulaires de la triple couronne EQUIS, AACSB, AMBA. Trois accréditations internationales qui reconnaissent l’excellence académique des programmes, la qualité du corps professoral, les liens étroits avec les entreprises, ainsi que l’implication du Groupe EDHEC dans son environnement local et économique.

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