cette semaine n°97

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    CETTE SEMAINEDix-septime anne Apriodique hiver 2008 n97 Prix libre ou abonnement

    En France, le culte mystique de lautorit, lamour ducommandement et lhabitude de se laisser commander ontdtruit dans la socit, aussi bien que dans la grande majorit

    des individus, tout sentiment de libert, toute foi dans lordrespontan et vivant que la libert seule peut crer. Parlez-leur de la libert, et ils crieront aussitt lanarchie ; car illeur semble que du moment que cette discipline, toujoursoppressive et violente, de lEtat, cessera dagir, toute lasocit doit sentredchirer et crouler. L gt le secret deltonnant esclavage que la socit franaise endure depuisquelle a fait sa grande rvolution. Robespierre et les Jacobinslui ont lgu le culte de la discipline de lEtat.

    Mikhal Bakounine,LEmpire knouto-germanique

    et la Rvolution sociale, sept. 1870

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    Il ne faut pas oublier quune question de vie ou de mort se posepour eux : sils nimmobilisent pas les machines ils vont la dfaite,

    lchec de leurs esprances ; sils les sabotent, ils ont de grandeschances de succs, mais par contre, ils encourent la rprobation

    bourgeoise et sont accabls dpithtes malsonnantes. Etant donnles intrts en jeu, il est comprhensible quils affrontent ces anath-

    mes dun coeur lger et que la crainte dtre honnis par les capitalis-

    tes et leur valetaille ne les fasse pas renoncer aux chances de victoireque leur rserve une ingnieuse et audacieuse initiative

    Emile Pouget, Le sabotage, 1911

    Tout le monde ou presque connat dsormais lhistoire. Le 8 no-vembre, des crochets en mtal adroitement placs arrachentles catnaires SNCF en quatre endroits diffrents, provoquant unbordel sur le rseau et immobilisant 160 TGV. Le 11 novembredans plusieurs villes, une descente de police hautement mdiatisearrte dix prsums coupables. A lissue de 96 heures dinterroga-toire, neuf seront mis en examen pour association de malfaiteursen vue dune entreprise terroriste et cinq incarcrs, dont troissur la base de dgradations en runion. Depuis le 2 dcembre, ilnen reste que deux en prison, dont celui qui est accus dtre ladirection de la dite association.

    La prsence des journaleux le matin mme des perquisitions puisla boue et les calomnies balances contre les anarcho-autono-mes les jours suivants dans les mdias, dmontrent encore unefois que ces derniers font partie intgrante du dispositif anti-terroriste. Avides de spectaculaire, jouant la personnalisationet les fonds de poubelle, relais efcaces de lopration mene parla ministre de lIntrieur, lexprience des luttes passes na biensr pas t dmentie : ces charognards sont des ennemis au service

    du pouvoir. Mme sil reste encore des nafs et des imbciles pourpenser que les mdias peuvent avoir quelque inuence sur uneopinion publique par dnition imaginaire et donc retournable souhait, on ne cesse de stonner du raisonnement tordu quiprtend que cest en collaborant avec lennemi quon lui portedes coups.Dans la phase actuelle du mensonge institutionnel, on est de plusen train dassister la construction de la gure des bons et desmchants terroristes. Les uns, piciers serviables, adeptes decommunauts campagnardes ou gentils tudiants, font ainsi lependant aux autres,tous les autres, ceux qui nont pas le prol ad-quat ou qui, plus gnralement, refusent de montrer patte blanchelorsque le pouvoir leur intime de le faire. Loin du grand recyclage coups dlus, interviews et autres gloseries sur lexistence ou nonde preuves, plusieurs camarades croupissent ainsi en prisondepuis de longs mois, accuss de cette mme appartenance une

    mouvance anarcho-autonome et de tentative dincendie dunvhicule de police, sur la foi de traces dADN. Dautres, sans-pa-piers, sont incarcrs parce quaccuss de lincendie du centre de

    Pas darmisticepour le 11 novembre

    Terrorisme dEtat

    Mme pas peur !Rgion parisienne : Six personnes de Paris et proche banlieue sont misesen examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entrepriseterroriste (nomme Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne, MAAF,par lEtat).

    Trois dentre elles sont incarcres pour un premier fait spcique, latentative dincendie dune voiture de police le 2 mai 2007 dans le 18earrondissement de Paris. Cela donne donc tentative de destruction debiens ou de personnes en vue de commettre des atteintes aux biens ou aux

    personnes, en relation avec une entreprise terroriste. Elles sont notammentaccuses sur la base de supposes traces ADN retrouves sur le dispositifincendiaire. Isa, aujourdhui Versailles (aprs Fleury, Lille, Rouen), est enprison depuis le 27 janvier 2008 ; Juan, aujourdhui Bois dArcy (aprsFresnes et Rouen), est en prison depuis le 20 juin ; Damien est Villepintedepuis le 14 aot.

    Deux (Isa, mais aussi Farid) sont accuss dun autre fait spcique, untransport de chlorate et la possession dun plan dune prison pour mineurset de manuels de sabotage, trouvs lors dun contrle routier Vierzon le 23

    janvier 2008. Farid est sous contrle judiciaire aprs avoir purg quatre moisde prison prventive Fleury et Meaux (janvier-mai).

    Trois (Damien, mais aussi Ivan et Bruno) sont enn accuss dun dernier fait

    spcique, un transport de chlorate (des fumignes) et de miguelitos trouvslors dun contrle de police Fontenay/Bois le 19 janvier 2008. Ivan et Brunoont purg quatre mois de prison prventive Fresnes et Villepinte (janvier-mai). Le premier est toujours sous contrle judiciaire tandis que le secondsest fait la malle en juillet.

    Marseille, 25 aot : La personne accuse de refus de prlvement ADN enrcidive a t condamne 300 euros de jours amendes, soit 30 jours 10euros. Elle avait t arrte lors de lexpulsion dun squat le 10 juillet et placesous contrle judiciaire.

    Toulouse-Rennes, 9 octobre : Randall, Grgoire et Daphne, arrts le 25novembre 2007 Toulouse, et accuss notamment de la tentative dattaquecontre un btiment des Douanes et dune explosion artisanale dans un champont t condamns des peines de 6 mois 3 ans de prison.

    Fresnes, 14 octobre : Trois des quatre arrts suite la manifestationsauvage de solidarit devant la prison de Fresnes le 2 juillet ont tcondamns 3000 euros damende avec sursis pour les refus de signalisationet la banderole (Comme Vincennes... Feu aux prisons !). Le quatrimeprend cette peine en ferme, y compris pour le fait spcique de transportdartices non dtonants (des fumignes). Toutes sont acquittes du refusde prlvement ADN. Des perquisitions avaient eu lieu dans cette histoire.

    Paris, 5 novembre : Les dix personnes interpelles le 13 octobre suite loccupation dun immeuble de la rue des Pannoyaux (20e) et poursuiviespour des dgradations (les trous des keufs pour entrer) ont toutes tacquittes.

    Catnaires, 11 novembre : Dix personnes sont interpelles Tarnac,Rouen, Paris et prs de Nancy. Neuf sont mises en examen pour associationde malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste (la celluleinvisible), dont cinq sont incarcres le 15 novembre Fresnes, La Sant

    et Fleury. Trois de ces dernires sont spciquement accuses dtreresponsables dune partie des sabotages du 8 novembre contre les lignesSNCF, soit dgradation de biens commise en runion, et Julien dtrele responsable de cette cellule. Le 2 dcembre, trois des cinq incarcrs(Gabrielle, Manon, Benjamin) sont placs sous contrle judiciaire Paris, enNormandie et Limoges, rejoignant les quatre autres (Mathieu, Aria, Bertrand,Elsa), tandis que Julien et Yldune restent dedans.

    Avignon, 26 novembre : Grgory et Damien, arrts le 31 mars 2007lors de la Prsidentielle et accuss de lincendie dun local du PS, ont tcondamns 3 annes de prison, dont 1 ferme (et 1 euro pas symbolique payer au PS). Par ailleurs, lassurance leur rclame 17 000 euros. Ils ont djeffectu trois mois de prventive (mars-juin 2007).

    Paris, 10 dcembre : Damien et Paco, respectivement accuss de tentativedincendie dune voiture devant le restaurant Fouquets (o Sarkozy a ftson lection) la nuit du 10 au 11 mai 2007 et de complicit sont passs autribunal. Rappelons que le premier a dj effectu 6 semaines de prventiveet le second 7 semaines, avant dtre placs sous contrle judiciaire. Le procsa t report en janvier 2009.

    Mauvaises intentions

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    Innocents pitinsPitinant la prsomption dinnocenceaussi bien que le simple bon sens, lesmdias ont relay deux jours durant les

    discours de la ministre de lIntrieur et duchef de ltat...Comit de Soutien aux Inculps du 11 Novembre

    Bruxelles, 25 novembre 2008

    Camarade socialopeJai rencontr Franois Hollande de fa-on informelle, il ma surtout donn desconseils.

    Michel Gillabert,prsident du Comit de soutienaux inculps de Tarnac, TarnacLibration, 8 dcembre 2008

    Camarades visiblement journafics

    Lorsque la police fait de neuf jeunespolitiss des terroristes, menotte des

    journalistes [le directeur de publicationde Lib] et dshabille des lves de cin-quime en pleine classe nous nous devonsde rpondre coup pour coup et de rendrevisible et effective notre rvolte face untel pouvoir.Comit de soutien aux inculps de Tarnac,

    Tarnac, 12 dcembre 2008

    Camarade justiciableEn ralit, avec les dispositions antiter-roristes le pouvoir saffranchit de toutecontrainte. Dsormais rien ne protge lejusticiable.

    Comit de soutien aux inculps de Tarnac,Limoges

    Camarade tudiant (en droit)Concrtement a veut dire quon a plus ledroit de penser ce quon veut. Donc un pe-tit rappel : nous revendiquons la libert depense, et donc galement le droit dtreanarchiste, et a que lon soit anarchisteou pas. Julien et Yldune ne sont pas desterroristes. Ce sont des tudiants...

    Collectif de la Sorbonne pourla libration de Julien et Yldune,

    15 dcembre 2008

    Excusez-les...Absence de parloirs, absence de courrier,isolement et tourments. Absence de preu-ves, absence de terroristes, absence dexcu-

    ses... Mois de douleur et de colre.Edito dEchos de la Taga n2,

    15 dcembre 2008

    FEUVOLONT !

    rtention de Vincennes, sur la foi de bandes vidos.Dautres encore, de Villiers-le-Bel aux innocentscoupables de tenter de survivre hors du salariat,tombent tous les jours sous le coup d associationde malfaiteurs. A priori, les uns ne sopposent pasaux autres.A moins de reprendre son compte les catgoriesdu pouvoir, qui seul qualie ce qui est terroristeou ne lest pas. A moins dentriner la diffrence

    entre des prisonniers politiques et des sociaux.A moins doublier volontairement, comme lindiquene serait-ce que le nom de la plupart des comitsde soutien (aux 9 de Tarnac), que dautres sonttombs avant et que dautres suivront peut-tre. Amoins dtre prt sacrier au nom de l inno-cence des uns (mme si le faisceau dlmentsconcordants et l intime conviction du juge res-tent des concepts judiciaires frquemment utiliss,que cela nous plaise ou non) tous les coupablesqui trinquent au quotidien.A moins aussi den proter pour aider le pouvoir tracer de faitce camp entre les bons et les m-chants : entre ceux qui se rendent de bonne grceau sige dun journal pour y raconter leur vie et par-fois celle des autres et ceux qui se taisent face auxmicros, entre ceux qui sacoquinent avec des intel-lectuels de profession stipendis par lEtat et ceuxqui entendent briser toute spcialisation, entre ceuxqui changent leurs opinions avec des lus dans lesrunions et ceux qui sen prennent aux siges despartis politiques ; bref, entre ceux qui dialoguentavec le pouvoir et ceux qui sont dnitivementirrcuprables : tous ces fous qui tentent encoredattaquer le pouvoir plutt que de le reproduire(avec ses catgories, ses rles et ses hirarchies). Carle reproduire ainsi, cest le renforcer.

    Mais revenons-en aux faits eux-mmes. Etre contrela dmocratie au prot dune libre auto-organisationentre individus et contre tout systme reprsentatif,

    cest tre terroriste ? Dfendre le sabotage aumme titre que dautres instruments de lutte sanshirarchie aucune, cest tre terroriste ? Se battresans mdiation pour la destruction totale de lEtatet du Capital, en somme tre anarchiste un tantsoit peu consquent, cest tre terroriste ? Avoirde mauvaises intentions, les dire et les crire, cesttre terroriste ? Trouver des complices au sein desluttes et y nouer des afnits constitue une associa-tion de malfaiteurs ? Alors oui, trois fois oui, nousrevendiquons, et avec toutes ses consquences, no-tre passion pour la libert. La mme qui anime tantdinconnus qui, loin des sirnes mdiatiques, luttentau quotidien contre la domination.

    Dans ce monde bas sur lexploitation et le saccage

    de lenvironnement, la guerre et la misre, il nestcertes pas criminel de rester les bras ballants enattendant que tout seffondre ou bien, plus cyni-quement encore, de compter les points en esprantsen sortir chacun pour soi, atomis dans sa petitecage. Car la dmocratie, ce mode de gestion plus oumoins autoritaire du capitalisme, nest pas le moinspire des systmes. Jusqu prsent, la dmocratie amme surtout fait preuve de son chec : le mondequelle domine reste un monde de soumission et deprivation. Cest un systme qui donne lillusion depouvoir participer la gestion du dsastre, cest--dire de son propre crasement, tout en entretenantet masquant la division de la socit en classes, dontles contradictions seraient absorbes par la concer-tation permanente.De mme, lEtat nest pas cet instrument neutre quirgulerait les dfauts du march. Cest un de ses al-lis, comme le montre une fois encore en ces temps

    de crise nancire linjection massive dargentpour sauver les banques et les entreprises, tandisque les conditions dexploitation se durcissent etque les ns de mois sont toujours plus difciles. Oui,nous voulons abattre lEtat et pas le conqurir, cartout comme ses prisons, ses ics ou ses tribunaux quien sont le reet, cest lun des piliers de ce mondemortifre.Quant au capitalisme, sil est dabord un rapport so-

    cial, sans coeur ni centre, cest chacun quil revientde le combattre dans tous ses aspects quotidiens.Dans lconomie dite mondialise base sur unecirculation permanente, les ux de marchandises(humaines ou non) ont acquis une importancefondamentale. Cest donc tout naturellement quele blocage a fait sa rapparition un peu partout ausein des luttes de ces dernires annes, sinon pourlui porter de srieux coups, au moins pour poser lesbases ncessaires la construction dun rapport deforce (du CPE aux grves la SNCF en passant parles clusiers en fvrier 2008, mais aussi dans le railen Allemagne en 2007 ou en Italie depuis le Val Susaen 2005).Cette critique anticapitaliste base sur laction di-recte et juge vaine, dpasse ou criminelle par lesintellectuels serviles, de nombreux exploits lontexprimente dans leurs luttes parce quils expri-mentent le capitalisme directement sur leur peau.Le blocage de TGV (par exemple en arrachantdes catnaires ou en incendiant des cbles commeen novembre 2007), cette machine dvastatricedestine acclrer encore plus la circulation desux de marchandises1, nest donc pas tomb du ciel,mais est aussi le fruit de lexprience commune desluttes sociales rcentes. Sans compter que le sabo-tage demeure une pratique rpandue qui trouvesa raison dtre depuis toujours au cur mme delexploitation, que ce soit pour voler du temps aupatron ou pour causer des dgts ce qui opprimechaque jour davantage.

    Ce que craint le pouvoir ne sont pas les sages manifsencadres par les syndicats lors de grandes journesdinaction, mais bien la propagation dactes diffuset anonymes qui sinscrivent dans la guerre socialepermanente, au-del de toute sparation. A lheureo la pression augmente partout contre les dissi-dents de la dmocratie marchande, renier son pass,ses ides ou tout simplement son antagonismesemble tre lultime planche de salut propose parle pouvoir. Refuser ce chantage permanent devientalors, au-del du souci de ne nuire personne, enplus une question dintgrit, lune des seules chosesdont ne peut nous priver lEtat.

    Quels que soient les auteurs des sabotages de

    novembre dernier, nous afrmons notre solidaritavec lacte quils ont commis. De mme, face larpression qui prtend avoir dmantel une celluleinvisible, ce nest certes pas un soutien, forcmentextrieur et suiveur de ce quils sont ou censs tre,qui nous tient coeur, mais bien une solidaritcontre lEtatet tous ses chiens. Une solidarit qui,tout comme la rvolte, ne peut tre exclusive maissadresse tous ceux qui luttent sur le chemin versla libert. Si linnocent mrite notre solidarit, lecoupable la mrite encore plus !

    Des anarchistes malgr tout

    1. Rappelons que les dchets nuclaires ou les pri-

    sonniers (comme la centaine de sans-papiers balu-chonns en TGV de Paris Nmes aprs lincendiede Vincennes) font aussi partie de ces ux...

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    Lappellation anarcho-autonome est unecatgorie policire qui,comme pour toute pensequi mane de la police,poursuit un but prcis : larpression. Lassignationde cette dnominationcomposite des individuset des pratiques qui traver-sent les luttes dans lEuropedaujourdhui rpond la logique dun pouvoirqui sait quil faut imposer

    sa vision des choses pourgouverner les consciences.Ce nest pas seulement lateneur de lappellation qui

    est contestable, mais aussi le

    fait de nommer ce qui na pas choisi de se nommer soi-mme. Donner unnom ce qui ne nen a pas pour lui attribuer des caractristiques quon aurasoi-mme dnies, cest du travail de ic, ou de sociologue.

    Il y a, certes, des collectifs plus ou moins larges qui se sont constitus aucours des luttes : autour des luttes des sans-papiers, des luttes contre len-fermement, des luttes pour le logement, des luttes de chmeurs, des luttescontre tel contrat de travail, des luttes contre les violences policires, desluttes contre la rpression, etc. collectifs qui se forment, se dlitent et sereforment au gr des circonstances, et qui ne sont jamais relis un quel-conque point central ni une idologie unique, mais au contraire traverssdanalyses thoriques diverses, quand bien mme, par hypothse, ces analy-ses convergent toutes en ce quelles contestent lexistence du monde tel quilest. On y trouve entre autre des prises de position contre le capital, contre lamarchandise, contre lEtat, contre la dmocratie, contre les syndicats, contreles formes traditionnelles de la reprsentation et de laction politique, etc. Onpeut donc, en effet, dsigner cette ralit l en lappelant une mouvance, condition de se souvenir quune telle mouvance nest pas constitueautour dune idologie ou dune offre politique qui lui auraient prexist,mais la suite de luttes prsentes et passes, et comme la continuation deregroupements que ces luttes ont cres.

    Dans ces collectifs et cette mouvance circulent un certain nombre de prati-ques (assembles, occupations, blocages, affrontements, sabotages, etc.), dontaucune nest subversive ou radicale par elle-mme, tant il est vrai que cenest jamais un acte en tant que tel qui est radical, mais toujours un acte dansune situation donne. Et ces mmes pratiques se retrouvent aussi ailleurs, endehors de ces collectifs ou de cette mouvance, et ce tout simplement parce

    que ces pratiques naissent au coeur de la lutte et de la rbellion, et que per-sonne nen est propritaire.

    Dans cette mouvance circulent galement des individus, qui se rencontrentparfois, mais tout aussi souvent signorent, qui peuvent se croiser sans seconnatre, ou au contraire se retrouver dans telle ou telle circonstance. Cer-tains vivent ensemble et mettent en commun un certain nombre des moyensdont ils disposent. Rien de plus banal en vrit, sauf quand la police dcideque les frquentations de tel ou tel sont la preuve de son appartenance unesuppose organisation vocation terroriste.

    Le dlit dassociation de malfaiteur en relation avec une entreprise terroristefonctionne ainsi. Connatre quelquun, cest tre son complice. Possder tellivre, ou tel tract, cest en partager tous les points de vue, et certainementaussi tous les objectifs. Participer telle lutte, cest tre considr comme p-nalement responsable de tous les actes qui auront t commis au cours de lalutte en question, et mme au-del. Lexistence dune telle responsabilit col-lective a videmment pour but dintimider ceux que le pouvoir a ainsi dcidde cibler. Lefcacit de cette politique a pourtant une limite vidente : cest

    que la rvolte est un fait social, et quelle ne se laissera jamais circonscrire un groupe, un milieu ou une mouvance quelconque.

    Cest pour cela que cette mouvance doit se comprendre elle-mme commela partie dun tout qui la dpasse et lenglobe. Cest pour cela que cettemouvance ne peut se constituer en force matrielle autonome : parce que,pour modier les rapports sociaux, elle ne dispose daucune force qui lui soitpropre, et que sa puissance ventuelle ne peut lui venir que de ce dont elleest un symptme, le rapport conictuel entre des classes antagonistes1. Pourcette mouvance, ntre quelle-mme, cest se condamner.

    Lon de Mattis,jeudi 4 dcembre 2008

    1. Ndlr : Nous sommes en dsaccord avec la n du texte : partir du momento ce rapport entre les classes est permanent, la conictualit peut trouverau quotidien de nombreuses expressions, tant individuelles que collectives,qui sinscrivent toutes dans la guerre sociale. Une force matrielle peutdonc se constituer, non pas de manire autonome vis--vis de ce rapport en-tre classes (dans le sens den dehors ou de dtach), mais bien autonome parrapport aux autres forces en son sein (dans le sens dtre en dialectique avecles autres forces, sans leur tre ni subordonne ni comme une avant-garde).Nous ajouterons aussi que si ce texte prcise ce que des camarades peuvententendre par mouvance, et qui ne correspond bien sr en rien la cons-truction instrumentale de lennemi, en revanche que dire dautre du qua-licatif d anarcho-autonome qui lui a t accol par les ics, sinon quilrete ltroitesse du cerveau de ceux qui lont invent ?

    Anarcho-autonome

    Mauvaises intentions

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    7 Cette Semaine /dcembre 2008Mauvaises intentions

    [Tracttro

    uvsurIndymediaNantesle13novembre200

    8]

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    8Cette Semaine / dcembre 2008

    [Tract publi sur Indymedia Nantes le 17 novembre 2008]

    Mauvaises intentions

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    Fumignes, Vierzon et invention de la MAAF

    Un rsum des faitsDurant la priode lectorale qui a vu larrive de Sarkozy la pr-sidence, lambiance est la colre et la rvolte. De manifs sau-

    vages des bris de vitrines de permanences dlus, de nombreuxactes marquent cette priode. Dbut mai, il y eut aussi une tenta-tive dincendie dune voiture de ics devant un commissariat deParis. Cest pour cette tentative quIsa, Juan et Damien sont endtention prventive, au motif que leurs ADN, pris leur insu oude force, auraient t retrouvs sur lengin incendiaire. Tous lestrois sont sous le coup dune instruction anti-terroriste. Le textequi suit souhaite apporter plus de prcisions sur cette affaire.

    LE 23 JANVIER2008, Isa et Farid* sont arrts lors dun contrledouanier au page de Vierzon. Dans leur voiture, les gendarmestrouvent un sac dos contenant un peu moins de 2 kg de chloratede soude, des originaux de plans de prisons pour mineurs (EPM) et

    de la documentation expliquant diverses techniques de sabotage enitalien et en anglais.

    Immdiatement, laffaire est cone la brigade anti-terroriste. Lasous direction anti-terroriste mne la garde vue durant laquelle ellene cessera de mettre la pression Isa et Farid, en multipliant notam-ment perquisitions et interrogatoires de plusieurs heures. Isa dclareque les affaires trouves dans son sac proviennent de son apparte-ment qui est un lieu de passage pour de nombreuses personnes. Ellea trouv la documentation sur les techniques de sabotage chez elle etvoulait les dbarrasser de son appartement. Sappuyant sur les plansde prison et sur le tract Pas de prisons pour mineurs, ni Porchevilleni ailleurs trouv dans un des appartements perquisitionns, les ics

    insinueront quIsa et Farid prparaient un attentat terroriste . Lapolice appuiera cette hypothse en utilisant les informations des ren-seignements gnraux sur lengagement anti-carcral de Farid et pluslargement sur leur participation tous les deux diffrentes luttes(avec les sans-papiers, les mal logs...).

    Pendant la garde vue, et aprs de nombreux refus de leur part, lesics nissent par prendre leurs ADN. LADN dIsa correspondrait un ADN retrouv sur engin incendiaire (fait de bouteilles dessence etdun dispositif de mise feu) plac sous une voiture de ics (devant lecommissariat du 18e ardt. de Paris). Cette tentative rate dincendie aeu lieu au dbut du mois de mai 2007, lpoque des manifestationsconcernant llection prsidentielle. Isa nie toute implication avec

    cette action. Suite leur garde vue de 96 heures, Isa et Farid sontmis en examen et placs en dtention provisoire pour : dtention ettransport dun produit incendiaire ou ... explosif destin entrer dansla composition dun engin explosif et association de malfaiteurs enrelation avec une entreprise terroriste , ainsi que pour Isa : tentativede destruction de biens ou de personnes en vue de commettre desatteintes aux bien ou aux personnes, en relation avec une entrepriseterroriste .

    Aprs quatre mois de dtention provisoire, Farid est plac sous con-trle judiciaire, la police nayant pas russi apporter les lmentsconrmant ou tayant la thse du projet terroriste. La dtention dIsacontinue. Cela fait 10 mois maintenant quelle gote la machineriepnitentiaire : saisie de courriers, multiples transferts (Paris, Lilleet Rouen), fouilles frquentes de sa cellule... Dernirement, elle apris dix jours de mitard pour avoir t solidaire, avec une quinzaine

    dautres lles de son tage, dune dtenue qui stait faite tabasse parles matons.

    Paralllement, le 20 juin, Juan (le frre dIsa) est arrt son tour carson ADN correspondrait aussi un ADN retrouv sur le dispositifincendiaire plac sous la voiture de police. II est immdiatement in-carcr Fresnes, et sous prtexte de rapprochement familial trans-fr aussitt Rouen. Le 14 aot, cest Damien, prcdemment missous contrle judiciaire dans laffaire des fumignes, qui est incarcr Villepinte pour les mmes raisons que Juan.

    La police et la justice anti-terroriste dploient de nombreux moyenspour traquer les membres dune potentielle organisation terroriste,en lespce la mouvance anarcho-autonome francilienne dite MAAF . Et pour donner du corps cette MAAF , la justice lie

    entre elles certaines arrestations de personnes ches anarcho-auto-nome. Cest pourquoi en avril, une jonction se fait entre laffaire dIsaet Farid et larrestation de trois autres personnes (Damien, Bruno etIvan) interpelles une semaine avant eux, avec un fumigne artisanal(donc du chlorate) et des clous tordus (donc des crves pneus) alorsquils se rendaient la manifestation devant le centre de rtention deVincennes.

    Le traitement judiciaire et mdiatique de ces affaires permet la miseen scne de lorganisation terroriste . La rcente circulaire Dati,par exemple, demande aux magistrats dinformer, dans les plus brefsdlais, le parquet anti-terroriste, lorsquils ont entre leurs mains cessupposs anarcho-autonomes (qui crivent sur les murs et que lon

    trouve devant les centres de rtention et les prisons plus particulire-ment, prcise la circulaire). Le terroriste est devenu une abstractionpermettant disoler les individus dune lutte, de les mettre en opposi-tion avec le reste des gens qui pourraient exprimer des revendicationspolitiques. Le terrorisme est du domaine de lintention, non pas desactes prcis. Aussi, il suft de faire concider un engagement politiqueun peu trop subversif avec des vnements, actions ou manifestationsde la rvolte sociale qualis de violents pour tiqueter une affaire deterrorisme ; autant dire que tout est un jeu de stratgies de pouvoir.

    Dans un mme temps, en enfermant quelques-uns, on muselle le plusgrand nombre... Aujourdhui, la taule est une arme aussi banalementutilise que le coup de matraque ou la lacrymogne. La prison nest

    pas quun lieu o lon enferme pour dtruire mthodiquement, cestaussi une ide distille dans tout le corps social, une menace qui doitproduire que chacun se tienne tranquille. Et si la solidarit est larmela plus efcace contre la rpression et la prison en particulier cestparce quelle est lexact contraire de lisolement, de la sparation et dela peur. Comme le dit lun des textes de camarades incarcrs : nousmobiliser collectivement quand on nous attaque nous rend certaine-ment plus fort que de laisser la rpression sabattre dans le silence etlanonymat.

    Libert pour Isa, Juan, Damien et tous les prisonniersA bas toutes les prisons !

    [Tir dune petite brochure sortie en juillet 2008]

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    Ce texte a t crit par Isa en mai 2008 alors quelle venait dese faire transfrer de la maison darrt de femmes de Fleury-

    Mrogis celle de Lille-Squedin. Elle sest ensuite trouvebaluchonne la prison de Rouen, prenant l-bas 10 jours demitard pour avoir t classe meneuse par ladministration

    pnitentiaire, aprs un blocage de la cour de promenade suiteau tabassage dune prisonnire. Depuis mi-novembre, elle est

    incarcre Versailles.

    JEMEDCIDEENFINCRIRE, 4 mois et demi aprs mon incarc-ration en mandat de dpt, parce que cette cage gigantesquemais trique qui nous traque dehors et dedans, mcuredun dgot incommensurable. Comment ne pas penser la chassepolicire qui se rabat sur nous, dehors, comme un poison qui serpand, dtermin trangler la rvolte et asphyxier les solidarits.Comment oublier nos proches qui se font suivre et pier, arrter,contrler. Comment ignorer la politique dun pouvoir qui, soucieuxde survivre sa propre nuisance et mdiocrit, btit la lgitimitde sa gouvernance sur le sentiment dinscurit et sur la divisionde ses sujets... La crainte dun crime macabre et de hordes de

    barbares, tantt spontans, tantt organiss, est indispensable lEtat pour justier une stratgie rpressive, scuritaire et policirequi prennise ses pleins pouvoirs. Les citoyens peuvent dormirtranquille, lEtat veille et condamne les pdophiles criminels, lesterroristes assassins, les malfrats sanguinaires qui foisonnent dansnos quartiers... La menace est partout. Et les mots sont puissantspour crer le danger.

    La ralit est que lconomie de la peur est un march fructueux ettrs panoui. Les camras de surveillance pullulent, ainsi que lessocits prives de surveillance. Les nouvelles technologies excel-lent en matire de scurit et de mouchards. De mme, la policegrouille dans nos rues et dans nos gares, la justice est mcaniqueet expditive ; les prisons de toutes sortes eurissent et se surpeu-plent.

    Cest vident, le monde est partag entre les honntes gens dunepart ; et puis les pauvres, les chmeurs, les sans papiers, les immi-grs, les jeunes, les grvistes, les sans permis, les escrocs de la scu,les fraudeurs, les petits traquants du march noir, les voleurs depomme, les agits qui outragent et se rebellent, les insoumis quirefusent lidentication et le chage, les alcooliques, les drogus,les adeptes de ptards et de fumignes, les prostitues, les dpres-sifs, les bagarreurs, les faucheurs, les casseurs, les saboteurs, lesfainants, les curieux de lectures subversives, les vagabonds....Dans un monde gouvern en faveur des honntes gens, on ne peutaccepter un cart de conduite coupable et la lutte pour accder cette classe est vorace et se mesure au mrite. Travaille avec zle,dnonce ton voisin, lve tes enfants la grandeur de lidentit na-tionale, suit avec docilit les directives du parti .

    Existe-t-il rellement une conscience du monde aussi servile etexigu ? Est-ce le triste ordre qui nous rgit ? Nous ne sommespas dupes et nentrons pas dans ce jeu. Nous nincarnerons pasces pouvantails. Nous ne serons ni des boucs missaires ni desmartyrs. Dans une socit o il est bon de se taire et de rester saplace, la rvolte peut tre combattue coups de matraque, de murset de barbels, dirradiations au discours dominant et calomnieux,elle ne sera pas vaincue. Les ides et la pense critique nont nimatre ni frontire et les esprits libres auront toujours la rage de

    vivre du carcan ternel des oppresseurs exploitants et des exploitsopprims.

    En 4 mois, jai explor la Maison darrt des femmes de Fleury-M-

    rogis et le quartier des femmes de Lille-Squedin. Dici un mois, jedevrais fouler le centre pnitentiaire de Rouen... Que dire de cetteexpdition disloque et inattendue qui nous arrache les pieds de la

    terre et la tte des nuages pour nous compartimenter, nous morce-ler, nous rduire en mille espaces temps, en mille lieux et ralits,en un fouillis de soi , dimage de soi, visages multiples, difformesou amnsiques... Comment dnir ce parcours du moi incertain en-tre police, justice, prison ?... Chaque pas est une progression dans

    une jungle de cages imbriques les unes dans les autres comme despoupes russes, muettes et censures. Et chaque pas doit tre unretour en soi pour recomposer les pices disperses de lesprit, etdtruire les barreaux qui sbauchent dans les trfonds du corps.Ce serait une folie que ma situation pnale et carcrale me colle la peau ! Nier notre propre conscience pour une paranoa dEtat estun acte suicidaire !

    Je ne sais pas exactement comment sarticulent le pouvoir et lesresponsabilits entre les instances judiciaires et pnitentiaires.Toujours est-il que mon transfert Squedin a t motiv ofciel-lement par des dessins que javais faits de ma cellule et de la courde promenade, susceptibles de nuire la scurit de ltablissement(prtexte)... Alors quun rve dvasion est sans doute la plus justecause qui peut tenir veill un prisonnier (enn, de l franchirle pas, la ralit est complexe... !). Il paratrait que mon transfertimmdiat en rgion parisienne serait empch par ce genre de que-relle : la dlicate question des dtenus particulirement surveill(DPS)... Voil, du coup, si jamais je ntais pas libre dici l, untransfert Fresnes serait envisag au mois de septembre... Entretemps, la seule solution intermdiaire qui mest propose pour merapprocher de Paris est Rouen. Ce que jai accept tant donn quela maison darrt est plus accessible pour mes proches... Mais jene cesserai de rappeler la prcarit et lillusion de mes droits deprvenue prsume innocente ; qui semblent pourtant tout faitconcordants avec lincarcration, une enqute charge et puis masuppose dangerosit. Cela entrane un contrle renforc, justielloignement et lisolement vis--vis des proches et de la dfense.

    Pour illustrer linsigniance de cette condition, je pourrais parexemple raconter comment jai pass 2h30 dans une cage lapindun fourgon de la gendarmerie avec les mains menottes, quel-ques trous daration, peine la lumire du jour, sans boire ni man-ger, jusqu arriver au tribunal de Paris, discuter quelques minutesavec lavocat que je navais pas vu depuis ma dernire extraction, etenn tre interroge devant le juge avec un mal de crne infernal ;en sachant quil faudra envisager le retour de la mme manire...Cest une reprsentation tout fait prcise du sens de nos droits.Et cest bien connu.

    Pour revenir un peu en arrire, rentrer en prison a t un boule-versement terrible. Aprs 5 jours dun cauchemar sous tension, engarde vue, avec des accusations lourdes et dans des proportionsque je naurais mme pas souponn, lattente interminable a com-

    menc... Jusqu quand ?? Au bout de 2 mois, javais cependantretrouv un certain quilibre, li des connaissances... Seulementon a prfr me casser encore un peu, dans la logique punitive et

    vengeresse, et jai atterri Lille-Squedin, prison moderne surgiede terre il y a 5 ans.

    Une fois encore, ctait leffondrement des repres. Je rentraisdans un environnement en apparence plus scuris, lisse, propremais glacial. De larges couloirs clairs, ponctus de camras sousdes globes de protection, une petite cour sans me sous vidosur-

    veillance, tapisse de goudron et cercle dune double range degrilles et de barbels, une cellule munie dune douche, dune tldofce et de 5 prises lectriques ( !)... Et pour peupler de fantmescet espace morne, une rationalisation et discipline des mouvements,attaches rprimer la vie dans ses moindres recoins. Lesprit dulieu a fort bien mari le confort et la propret au service de lordre.Les ux et les effectifs sont rduits au minimum et strictement r-

    Nous ne serons ni des boucs missaires ni des martyrs

    Mauvaises intentions

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    11 Cette Semaine /dcembre 2008Mauvaises intentions

    glements (3 tours de promenade pour 150 dtenues, des activitslimites et petit nombre). Les temps de promenade nexcdentpas la limite obligatoire (1h15 par demie journe). Les changes etsolidarits entre dtenues ( part les tracs de cachetons) sont par-ticulirement compliqus mettre en uvre dans une ambiance ola rpression est diffuse (mme un papier et un stylo sont interditsen cour de promenade)... Et ne pas sy confondre, si un service de

    buanderie est propos, cest pour viter le dsordre et la confusion

    du linge aux fentres ; pour empcher que les prisonnires puissentse rapproprier et dtourner lespace dans lequel ils survivent...

    Dailleurs dans cette nouvelle prison gre en partie par une socitprive (la SIGES -liale de SODEXHO-) qui soccupe du travail, la

    buanderie est le pole dactivit essentiel pour les femmes. Je croisque 1,5 tonne de linge est traite par jour, provenant des diffrentscentres pnitentiaires de la rgion. Pour les hommes, il sagit de lacuisine. Sur le mme principe, Squedin fournit des repas en bar-quettes toutes les prisons de la zone. Les salaires sont infrieurs 200 euros pour les femmes (pour un temps plein), 100 de pluspour les hommes.

    Depuis louverture dun EPM (tablissement pour mineur) Quivrechain, le quartier mineur de ltablissement a t ferm.

    Aujourdhui en travaux, il est en phase de devenir un quartier ultra-

    scuris. Alors louvrage scuritaire se poursuit aveuglment : unenouvelle le de barbels vient dtre ajoute au mur denceinte, lestuyaux souterrains dvacuation des eaux ont t grillags, etc... Jecompare cette platitude pacie lambiance de la Maison darrtdes femmes de Fleury qui a son histoire, ses luttes, ses volutions,ses acquis... Et puis ce qui caractrise les vieux centres pnitentiai-res comme les douches collectives ou la distribution deau chaudele matin... Le dimanche aprs-midi, la promenade stend sur 3h

    avec une autorisation de pique-nique. Et jamais une surveillantene poserait un pied dans la cour de promenade... En fait le front estplus prsent dans labsolu.

    A Squedin, cest comme si la division et leffacement avaient opr.On entend rarement les dtenues frapper sur les portes des cellules lunisson. Mais jespre que le quartier des femmes se secoueradans lavenir pour refuser la rsignation, conqurir de nouveauxdroits et liberts, ici et ailleurs. Et enn, partout, mettre bas ceslieux de lenfermement. A lheure quil est, jattends toujours, maisavec plus de conance et avec une comprhension progressive desmcanismes qui tentent de nous grer... La lutte continue !

    [Lettre publie sur Indymedia Nantes le 8 aot 2008]

    Aller en taule tout en continuant lutter pour la libert

    Ce texte a t crit en aot 2008 par Damien, sous contrle judi-ciaire depuis janvier pour lhistoire des fumignes, juste avant

    son incarcration la prison de Villepinte.

    Salut tous les camarades,

    CESTUNETRISTENOUVELLE qui me pousse crire cette lettre.

    A lheure o elle sera rendue publique, je serai en prison, en-ferm dans une cellule pour un temps que jignore. Il y a une

    semaine jai reu une convocation de la juge antiterroriste Houyvetpour le 14 aot en tant que mis en examen dans le cadre de lins-truction sur la suppose Mouvance Anarcho-Autonome Franci-lienne. Pour mmoire, javais dj t interpell le 19 janvier avecIvan et Bruno qui taient en possession de fumignes. Javais alorst plac sous contrle judiciaire.

    Je suis donc convoqu le 14 aot car les ics et les experts en chargede ces affaires prtendent avoir recoup mon ADN prlev sur unde mes habits en garde--vue le 19 janvier (javais alors refus de ledonner volontairement) avec lun de ceux relev sur une bouteilleremplie dessence retrouve sous une dpanneuse de la police en

    mai 2007, au moment de llection prsidentielle. Dans cette af-faire, Isa et Juan sont dj incarcrs. Je sais donc en me rendant cette convocation que je nai aucune chance den sortir lissueet pourtant je my rends. Si je tiens crire cette lettre, ce nestpas pour me justier ni pour chercher un assentiment collectif. Jaifait ce choix aprs rexion et aprs en avoir discut longuementet collectivement. Ce fut videmment une dcision difcile mais

    je lassume pleinement. Javais seulement envie dexpliquer cettedcision toutes celles et tous ceux avec qui jai dj partag desmoments de vie et de lutte et parce que cette situation peut toucherdautres personnes et quil est bon de partager les expriences. Si

    je le fais ds aujourdhui, cest parce que je sais bien quil sera plusdifcile de communiquer ensuite.

    Dans cette affaire, mon ami Bruno a fait un choix diffrent, il a pr-

    fr la cavale pour des raisons tout fait comprhensibles. Je luisouhaite de tout cur bon vent et jespre que tous les charognardsde la rpression ne retrouveront jamais sa piste. Nos choix ne sont

    pas les mmes mais ne sopposent pas entre eux. Libre, en cavale,sous contrle judiciaire ou enferm, ces situations sont diffrentesmais quelle quelles soient, nous restons anims par le mme dsirde libert et le mme envie de rvolte face ce qui nous opprime.

    Dans ma situation, il ny avait que peu de possibilits : partir oume rendre la convocation, soit lexil ou la prison. Je ne voulaispas ne pas my rendre et attendre quils viennent marrter chezmoi ou menlever en pleine rue. Quant partir, je ne me voyais pasrefaire ma vie des milliers de kilomtres ni vivre cach dans lacrainte permanente dtre arrt. Bien que, je le rpte encore, jecomprends et soutiens tous ceux qui ont fait ces choix, mais moi jene me le sentais pas, voil tout. Restait donc me rendre cette con-

    vocation et aller quelques temps en taule, ce qui ne signie pas quejaccepte mon sort. Aller en taule tout en continuant lutter pour lalibert, sans oublier ce qui nous anime politiquement, sans renierce quon est, des rvolts contre lordre des choses, contre la mar-che de ce monde qui se prtend naturelle et contre la rsignation.

    Quant aux faits qui me sont reprochs, je nie une quelconque par-ticipation cette action, je conteste ce rapport dexpertise et par l

    tout le systme judiciaire et sa cohorte dexperts qui font mainte-nant de lADN llment indiscutable prouvant la culpabilit, lem-preinte gntique devenant la preuve absolue. Jafrme nanmoinsma pleine solidarit avec toutes celles et tous ceux qui, lors de ladernire lection prsidentielle, ne se sont pas contents de resterdans leur coin mais sont descendus dans la rue pour gcher la ftede larrive au pouvoir dun nouveau chef et exprimer avec rageleur refus dtre gouverns, chacun leur manire.

    Cette rvolte se poursuit aujourdhui de diffrentes manires, dansles centres de rtention, dans les lyces ou dans les rues et jesprede toute ma dtermination et de toute ma rage que les murs quilsconstruisent ne sufront pas nous sparer et briser nos solida-rits et nos rvoltes.

    A bientt, Damien.

    [Lettre publie sur Infokiosques.net le 15 aot 2008]

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    Nous navons que trop de raisons de nous rvolter

    Ce texte a t crit par Juan en novembre 2008 de la prison deRouen, aprs un passage celle de Fresnes o il a t incarcr

    le 20 juin.

    JCRISDEPUISLAPRISONDE ROUEN, qui sest une nouvelle foisillustre le 10 septembre par la mort dun dtenu, victime dela folie... de lAdministration Pnitentiaire.

    Ca fait maintenant quatre mois que je suis en dtention provisoirepour terrorisme.

    Terrorisme ! Quel outil formidable pour lEtat ! Le terrorisme vientaujourdhui justier des mesures de contrle et de chage de plusen plus pousses au nom de notre scurit. On ne stonne mmeplus de croiser dans les gares des militaires, mitraillettes la main.Dmocratie ou pas, la peur reste le meilleur moyen pour soumettreet gouverner.

    Dans limaginaire collectif, le terroriste, avec le pdophile, est

    devenu une des gures mme du mal. Dun ct il a le visage demonsieur tout le monde, ce qui en fait une menace permanente etinsidieuse qui ne peut se combattre que par un contle gnralisde plus en plus strict. Et de lautre, il a le visage repoussant dunmonstre sanguinaire, fascin par la violence et nayant plus riendhumain ni de commun avec nous pour viter quon le comprenneet que de tels actes se propagent. Apposer ltiquette de terroristesur quelquun, cest donc le condamner au bannissement. Qui sou-tiendrait des barbares pareils ?

    Cest une habile manoeuvre politique pour isoler et affaiblir. Onfait passer des amis, des camarades de lutte pour des illumins endcrdibilisant les moyens considrs comme violents (sabotage,

    bris de vitrine, etc) autant que le sens politique de leur action.Diviser pour mieux rgner, rien de nouveau. On fait le tri entre la

    contestation raisonnable, que lEtat tolre, voire intgre pour serenforcer ; et celle sauvage et non autorise, plus difcilement r-cuprable. On frappe fort sur quelques-uns pour que tout le mondeferme sa gueule et sache quoi sen tenir. Evidemment pour treefcace, a doit servir dexemple, on ne peut pas faire de tout lemonde des terroristes.

    La Mouvance Anarcho-Autonome Francilienne (MAAF), lorga-nisation terroriste laquelle nous sommes supposs appartenir,rend bien compte de cette intention. Vous navez jamais vu de tractou dattentat au nom de la MAAF. Et pour cause : ce sexy sigle estune invention policire, le titre dune catgorie de classication desRG (Renseignements Gnraux). Le mot mouvance montre quel point cest ou. Il peut sufr dun contrle didentit au coursdun moment de contestation sauvage, de la frquentation dunlieu ou dune personne, dune lecture ou dune opinion subversive.Certains thmes aussi sont plus sensibles comme les prisons oules sans-papiers ; RESF par exemple est quali de mouvementquasi-terroriste.

    Cette histoire de tentative dincendie est loin dtre laffaire du si-cle. Et si le pouvoir, relay par les mdias, la gone au maximum,ce nest pas que lEtat craignait de ne pouvoir se relever de ce coup.Malheureusement, il faudra plus quun incendie mme russipour mettre vraiment en danger le systme. Si lEtat est attentif etsoucieux de ces menaces politiques et que cet affront devait trepuni, il en a surtout prot pour faire de cette affaire un exemple,rpondre la contestation sociale, et remettre jour quelques -chiers de renseignements et bases de donnes policires.

    Nous nions tous les trois notre implication dans cette tentativedincendie. Mais en vrit cest un dtail.

    Dabord parce que face la suppose irrfutabilit de la preuve parlADN des scientiques, il est difcile dexpliquer la prsence depoils quon a pu ventuellement semer, si tant est que ce soient lesntres !

    Ensuite parce que la Justice donne peu dimportance ce quon a dire. Elle na pas besoin de toi pour te juger. Quimporte ce quetu as rellement fait. Si tu as le prol, et il peut sufr dune garde--vue, de la participation une manif ou dopinions afches, asuft tre condamn. Tout le reste est du thtre.

    En ce sens, la Justice ne sest sans doute pas trompe. Je crois bienavoir le prol recherch. Non pas celui dun fanatique qui veutsemer la terreur dans la population pour arriver ses ns cestplutt lapanage des gouvernements, quils soient despotiques oudmocratiques, mais plutt celui dun rvolt parmi les autres.

    Dans ce monde rgi par le fric o la plupart des gens crvent defaim pour soutenir le rythme de vie des riches ; o le seul horizonpour beaucoup est un travail de merde quon est rduit pleurer aumoment de perdre ; o lennui et la dpression sont la norme ; oceux qui nont pas de papiers doivent raser les murs ; o la naturedevient un luxe pour touristes ; o notre pouvoir sur nos vies se

    limite au choix de la chane tl, du bouffon qui nous gouverne, etde la marque de lessive ; o la police te rappelle chaque instant defermer ta gueule ; et o la prison taccueille si tu droges la rgle.

    Dans ce monde moisi, il serait malvenu de pleurer la carcasse cra-moisie dune voiture de ics. Nous navons que trop de raisons denous rvolter. Ce nest pas la rpression qui nous les enlvera.

    En taule comme dans la rue, que la lutte continue avec rage etjoie !

    {Lettre parue le 10 novembre 2008 sur Indymedia Nantes]

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    UNEDESNOMBREUSES ASBLDANVERS. Unlieu o beaucoup dimmigrs se rencon-trent, o tu peux rencontrer beaucoup

    dimmigrs1. Cependant, tu ny trouveras pasbeaucoup de femmes et tu ne pourras pas allervoir derrire la porte ferme du bar. Des sans-papiers qui y travaillent pour du pain et un toit.a sappelle une faveur de la communaut. Et ilne sagit pas seulement de cuisiner, de nettoyer,de servir Non, le deal cest que tu abrites lespetits tracs, et ceux plus grands dj. Les petitscommerces de personnes qui essaient de ngocierquelques affaires dorigine obscure, les grandscommerces de drogues en tous genres. Cest lque jai rencontr Abdel. Il y travaillait la journeet dormait la nuit sur un matelas dans la cave. Lepatron lui avait offert cette chance parce que des

    gens originaires de la mme rgion doivent sentrai-

    der . Que toute cette aide enrichisse certains etmaintienne les autres dans la misre, on lacceptesilencieusement.

    Un jour, en fut trop. Abdel ne pouvait plusaccepter quon deale de la cocane lorsquil taitderrire le bar. Aprs une dispute avec le patron, ilsest cass. Le patron a toutefois gard ses papiers.La main invisible des privilgis des communau-ts dimmigrs garde beaucoup de proltaires sousson emprise.

    Refuser une main tendue nest gure apprci.Dans beaucoup de lieux, Abdel ntait plus lebienvenu mais, heureusement, il y a pas mal

    dexclus de la communaut qui se retrouvent etessaient de survivre ensemble dans la jungle de ladomination. Parce que louer tait nancirementimpensable, Abdel sest mis squatter avec quel-ques autres.

    Pour survivre, il fallait voler. Jai toujours trouvtrs inspirant que des personnes qui il reste sipeu de perspectives gardent encore une certainethique. Pas de drogue et ne pas voler dautrespauvres. Peut-tre suis-je naf, et que a a plus voir avec le fait que voler les pauvres ne rapportepas grand-chose Quelques mois plus tard, lin-vitable est arriv. On en avait souvent discut. Ilnous semblait invitable que le long bras de la loi

    intervienne un moment donn. Curieusement,cette conscience dissipe une partie de la peur deprendre des risques.

    Abdel a pris 18 mois pour vol dans des voitures etdeux cambriolages dans des villas. Les portes dela prison se sont nouveau ouvertes pour lui. Il aretrouv quelques amis, mais la prison lui pesaittout de mme. La pression des clans est grande ette met le dos au mur. Soit tu baisses la tte et tu tecaches, soit tu continues ton chemin la tte hauteet tu risques un couteau dans le ventre. Abdel a es-say autant que possible dviter la confrontation.

    Il a rencontr quelques personnes qui ne venaientpas de sa communaut et il a essay, comme illavait fait au dehors, de survivre avec eux lenferde la prison.

    Parce quil parlait peine la langue exige, il nesavait gure pourquoi il avait t condamn. Il nesavait que le nombre de mois quil avait purger.La routine de la prison na pas besoin des mots,elle sexplique par elle-mme. Quelques mois plustard, il tait transfr vers une prison lointainepour purger ses derniers mois.

    Il aspirait tellement tre de nouveau dehors. Passeulement pour pouvoir bouger de nouveau, mais

    aussi pour entamer une nouvelle tape de sa vie.La prison est une cole pour beaucoup de choses.En dpit de la mentalit de clan qui va en gran-dissant et de la dcadence de lancienne thiquedes dlinquants, beaucoup de connaissances et ex-priences y sont encore partages et puis, lin-vitable venait de tomber du ciel : condamn 18mois, mais pas en possession de papiers valables.Le rsultat de cette addition signiait des moissupplmentaires dans un centre ferm [centre dertention]. Administrativement.

    Abdel ma racont quen prison, au moins ctaitclair. Autant de mois purger et aprs tes dehors.Un centre ferm, par contre, repose sur lincerti-

    tude permanente quant au temps quils vont tegarder. Personne ne peut te dire si tu ressortirasde nouveau dans la rue ou si tu seras dport.Cette terreur permanente est larme la plus puis-sante entre les mains de la direction. Ils propagentlillusion que celui qui se comporte bien a plus dechance dtre libr.

    La rage est grande dans les centres ferms. Pres-que tout le monde veut schapper. Avec sa con-naissance en matire de Ssame ouvre-toi, il apropos un plan dvasion quelques autres deson bloc. Depuis la salle de rcration, ils devaientforcer une porte qui donnait sur les prairies autourdes murs. La dernire chose surmonter tait la

    clture, mais ce ntait pas un si grand problme.Dans le centre, tout le monde sait parfaitement

    comment couper le grillage. Une ligne horizontaleet une verticale avec une pince sont sufsantespour le plier et sy glisser. a ne prend mme pastrois minutes. De plus, les gardiens ne sont pascenss te poursuivre une fois que tas pass la cl-ture ; pour cela, ils appellent la police.

    Pour camouer le bruit quils faisaient en dfon-ant la porte, quelquun devait jouer de la guitare.

    Cest drle que le centre pense que quelque chosecomme une guitare puisse calmer les gens leursesprits autoritaires ne pourront jamais compren-dre que le dsir de libert peut transformer nim-porte quel objet en arme. A un moment donn,un gardien se dirige vers la porte. Abdel lui de-mande du feu. Dans le centre ferm, les briquetssont interdits (un briquet permet de mettre le feuaux cellules...). Entre-temps, les autres travaillentsur la porte. Tout commence grincer. Il faut segrouiller maintenant. Les nerfs en boule, quel-quun ne tient plus et donne un coup dpaulecontre la porte. La porte souvre grand bruit etune dizaine de prisonniers se prcipite dehors. Ab-del voit son plan lui ler sous le nez. Pendant que

    les autres font leur chemin vers la libert, Abdelessaie encore autre chose. Il arrive jusquau toit etveut sy cacher quelques heures avant de descendredans la nuit et de svader. Une heure plus tard,il est dcouvert par les gardiens. Une dizainedautres ont par contre russi de schapper.

    A partir de ce moment, Abdel saisit chaque oc-casion de se battre contre le centre ferm. Aprsune confrontation avec un gardien, il gagne laconance de quelques autres prisonniers. Quel-ques jours plus tard, ils assouvissent leur colre etdtruisent tout un bloc. Quelques cellules partenten ammes. Aprs deux semaines de cachot [mi-tard], les insurgs sont de nouveau remis dans lessections normales.

    Quelques scies mtaux ont suft rendre possi-ble un nouveau plan dvasion. Cette fois-ci, il nefallait pas laisser tant de choses au hasard. Abdelne met que quelques personnes au courant. Jouraprs jour, ils scient quelques millimtres de bar-reaux. Jusquau jour o un autre prisonnier a eutvent du plan. Pour se mettre dans les bonnes gr-ces de la direction, il dnonce les barreaux scis.Quelques heures plus tard, tous les barreaux ducentre sont examins et ressouds

    Le temps commence presser. Un ambassadeur adlivr un laissez-passer pour Abdel. Une premire

    tentative de dportation choue

    Voyage dunindsirable

    travers les rueset les centres

    Etrangers de partout

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    15 Cette Semaine /dcembre 2008Etrangers de partout

    Aprs une nime mort dans une cellule disolement ducentre ferm, une meute clate. De par son exprience,

    Abdel connat les points faibles du systme. Toute unesalle part en ammes. Diffrentes cellules sont dtrui-tes. Les exhortations dAbdel ne passent pas inaperueset il est remis en isolement. Aucun contact avec lesautres. La seule communication encore possible, ctaitla rvolte. Abdel a dtruit la cellule disolement dans

    lespoir que ce signe de rsistance pourrait en inciterdautres. Mais cest le silence qui a suivit

    A ce moment l, tout sest acclr. La machine d-porter nest pas aussi arbitraire que certains de ses cri-tiques le prtendent. Pour les rvolts, il y a toujoursune place dans lavion. Une semaine plus tard, Abdel at dport sous escorte policire.

    Pour que ce parcours de rbellion puisse inspirer etinciter des complices anonymes. Comme Abdel ledisait dj, le vrai problme cest lisolement de la r-bellion entre quatre murs. Si la rvolte stendait verslextrieur, daprs lui tout serait possible. Ses derniersmots en Belgique ont t : Sils pensent quils ont des

    problmes avec moi ici dedans, ils verront bien quand jesortirai .

    Un ami dAbdelJuin 2008

    1. Les asbl sont des structures associatives sans but lucratif.Presque tous les cafs dimmigrs Anvers et ailleurs enFlandre adoptent ce statut juridique.

    [Tir de La Cavale n13, Anvers/Gand (Belgique), juillet2008, pp. 10-11. Nous avons lgrement modi leur traduc-tion du nerlandais au franais.]

    Manif contre la

    rouverture de Vincennes

    Parce ce que nous ne nous battons pas pour lamlioration des conditions

    de dtention. Parce que mme climatises, en or, en velours ou en soie, une celluledenfermement reste une cellule denfermement.

    Parce que la rtention succde une rae arbitraire et prcde uneexpulsion tout aussi arbitraire.

    Parce quarrter en masse les sans-papiers et en expulser un certainnombre, cest apprendre la peur tous.

    Parce que le sans-papier salopard ne mrite pas plus dtre enferm quelhonnte sans-papier.

    Parce que nous sommes pour labolition de toutes les frontires et detoutes les prisons.

    Parce que pour des raisons conomiques, lEtat peut dcider dexpulser

    25 000 personnes par an tout comme un patron peut dcider de virer 9 000personnes parce quelles ne sont plus rentables.

    Parce que nous ne reconnaissons pas les lois, bien quelles nousreconnaissent.

    Parce que la criminalisation des sans-papiers entrane celle de chaquepersonne qui souhaite vagabonder.

    Parce que le contrle des papiers sert de prtexte au Kontrle.

    Parce que quand la libert dune personne est bafoue, cest la libert dechacun qui est remise en cause.

    Parce que les dispositifs darrestations de sans-papiers participent loccupation policire de nos quartiers.

    Parce que la peur dtre enferm permet la surenchre de lexploitation. Parce quapologie du cynisme, ce sont parfois des travailleurs sans-papiersqui construisent eux-mmes les prisons auxquelles ils sont prdestins.

    Parce que, au-del des centres de rtention, cest lEtat que nous voulonsdfoncer.

    Parce que la fermeture des CRA se demande et que nous ne voulons riendemander lEtat.

    Parce que lhumanitaire ne rgle jamais les problmes de fond, il ne faitque se cantonner la surface visible du problme.

    Parce que nous rvons, nous qui en avons, de pouvoir brler nos papiersdans une immense exaltation.

    Parce que !

    [email protected]

    [Tract trouv sur Paris en novembre 2008]

    Le 11 novembre 2008, au lendemain de larouverture dune partie de feu le centrede rtention de Vincennes, sest droule unemanifestation contre les centres et les expulsions.Limportant dispositif policier tait dj en placeau dpart du RER, si bien que les 300 manifestants,bloqus hauteur de lhippodrome, nont pusapprocher des nouveaux btiments du camp pourtrangers.

    Retour la case dpart donc et, surprise, le cortgesengage vers la voie rapide et lautoroute A4,prenant la icaille de vitesse. Lautoroute est

    rapidement bloque, les bouchons commencent.Les renforts policiers tentent une charge puis undpassement, en vain. Face aux gaz lacrymognes,un demi-tour est effectu, bloquant nouveaula circulation. Libert, Libert ! et Briquepar brique, mur par mur, nous dtruirons les

    centres de rtentions rsonnent aux oreilles desautomobilistes. Tout le monde rejoint ensuite leRER pour sen retourner vers Paris, malgr desderniers tirs de lacrymo.

    Au nal, cette manif a montr une fois de plusque la mobilit et limagination permettent nonseulement de continuer exprimer notre ragemme lorsque le dispositif policier prtend nous enempcher, mais aussi quen perturbant la normalit,

    on peut parvenir dpasser la routine militante et dvelopper ensemble des pratiques plus efcacescontre la machine expulser.

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    16Cette Semaine / dcembre 2008 Etrangers de partout

    Un retenu du CRA 1 : Le dimanchematin, comme tous les jours, on sestlevs un peu tard, vers 10 heures ou 11heures, pour ceux qui ne vont pas dansles tribunaux. Ctait calme. Au centrede rtention, tous les jours se res-semblent, ce sont les mmes activitschaque jour. Ctait donc comme sil nyavait pas eu de dcs le samedi. Les garsrecevaient leurs appels au tlphonedes cabines, comme dhabitude.

    Comme je lai dit, le samedi, on navaitpas dcid de quelque chose. Aprsla prire de 14 heures, les gens sontvenus et se sont attroups, peut-trepour faire une marche silencieuse. Maisils nont pas pu la faire car la police avu lattroupement et est entre tout desuite. Parmi les retenus, il y en avait unqui tait plus excit, les policiers lontpris de force et sont sortis avec lui. Lesretenus ntaient pas contents de lamanire dont ils ont pris le gars. Ils ontessay denlever la grille et ils criaient.Les policiers ont tout de suite lancdes gaz lacrymognes pour disperserlattroupement. Les gens pleuraient.Certains sont alls dans les chambres,dautres sont rests. Ils ont cass desmorceaux de goudron ssurs et lesont lancs. Mais les pierres ne sontmme pas passes tellement la grille

    est haute et ne. Il y avait beaucoupde gaz lacrymognes, tel point que lesics ne pouvaient plus entrer.

    Certains retenus sont alls vers lautrebtiment o il y avait moins de gaz,mais quand ils y sont entrs, les gensse sont encore excits partout. On nesavait mme pas qui tait qui. Un Arabese tapait la tte contre le mur exprs.Ses amis ont commenc lattraperet lui dire de ne pas faire a, mais il yretournait, et il est tomb. Tout duncoup, jai vu la fume. Jai voulu map-procher pour regarder, mais je nai paspu voir, il y avait trop de monde. Je suis

    all de lautre ct.

    Il y avait un gars qui avait reu du gazlacrymogne en plein visage. Avec unami, on a pris des serviettes pour lenettoyer et on est rests longtempsavec lui. Comme il y avait de la fumeet trop de lacrymo dans la cour, on nepouvait pas y aller. Le feu a pris aussi lautre bout du btiment. Les pompierssont venus, ils craignaient un peulexcitation du groupe et nosaient pasentrer. Le feu a dur un peu plus detrente minutes avant que les pompiersnarrivent. Du btiment o jtais et oon sest tous blottis, on entendait beau-

    coup de bruit venant du btiment quibrlait. Puis on est sorti de la chambre,parce que le gars qui tait avec moi

    ntait pas bien du tout ; il ne pouvaitplus parler.

    Quand on est sortis, jai vu que touttait dlabr. Je suis retourn prendreun petit sac que javais prpar. Quand

    jai rouvert la porte, il y avait plein delacrymogne. cet instant, jai cru que

    jallais mourir. Je suis descendu, maisje ny voyais pas clair, javais une ser-viette sur les yeux. Il y avait de la fumepartout dans le nouveau rfectoire. Lespoliciers qui nous dirigeaient disaient :Sortez ! Sortez !

    Nous, dans notre tte, on a cru quectait la libration. On croyait quon

    allait voir la porte de la cour grandeouverte. Je crois que la rvolte a tspontane. Si les ics avaient su faire,sils navaient pas dispers les genset quon avait laiss les gars marchercalmement, peut-tre que cela se seraitpass autrement. Moi, pour centre dertention, je dis toujours dtention,et les ics naiment pas a. Mais pourmoi, nous sommes en prison, on nestpas libres. La manire dont les genssont expulss, le fait mme que les genssoient expulss, quand tu penses toutcela, tu es dmoralis. C est a qui a crce sentiment de rvolte.

    Comment le feu est arriv ? Commentils ont fait ? Franchement, je ne veuxmme pas savoir. Cest la mort du mon-sieur qui a suscit toutes ces violences-l, lgitimes ou pas. Mais quand mme,les rvoltes, a arrive partout. Quand ily a quelque chose qui ne va pas, il y ades rvoltes, mme en ville, dans la viecourante, il y a toujours des rvoltes eta peut tre avec des violences. Unervolte, cest une rvolte, dune seulefaon.

    [Extrait de Feu au centre de rtention(janvier-juin 2008). Des sans-papierstmoignent, ed. Libertalia, novembre

    2008, pp. 126-129]

    R V C

    ELAFAITTOUJOURSBIZARRE de trouver les lments dune lutte laquelle on participe devenir une marchandise supplmentaire

    sur les tals (en loccurrence, le premier supermarch du livre venu).Dautant plus lorsque cest le rsultat dun choix, celui de refuserlautonomie totale permise par lauto-production/auto-distribution,

    et non la consquence dune banale rcupration marchande par ladomination.

    Nen demeure pas moins que les tmoignages de sans-papiers recueillisdans Feu au centre de rtention mritent toute notre attention, ne serait-ce que pour partager et tendre la rvolte contre la machine expulser(de lexploitation aux raes, des centres aux dportations). Ou seule-ment parce que voler ce livre amnera un peu de thunes aux accuss delincendie du centre de Vincennes et leur dfense1.

    Au-del de limportance de plusieurs de ces tmoignages, et peut-trejustement parce que les compilateurs concluent que nous continue-rons combattre la machine expulser, son idologie, ses pratiques, et

    bien videmment le systme dexploitation capitaliste dans lequel elle

    sinscrit, il sagit aussi de pouvoir dbattre de faon critique sur lesdiffrentes pratiques autour de la lutte contre cette machine, et ce ind-pendamment des bonnes intentions des uns et des autres.

    Nous ne sommes pas solidaires de la misre, mais de la vigueur aveclaquelle les hommes et les femmes ne la supportent pas

    Chacun sait que la prison est le reet du monde qui la produit. Demme, les prisonniers ne sont pas des individus diffrents de ceux quise trouvent dehors. Ils ne sont ni pires, ni meilleurs. On ne voit alors pasen quoi la parole dun damn de la Terre deviendrait intressante ensoi uniquement parce quil est incarcr. Si une rvolte fait sens pournous, cest parce quon peut sy reconnatre, y dfendre des contenuset y dvelopper des pratiques offensives (cest--dire qui remettent encause la domination et les rapports quelle produit). Quant la ques-tion des rvolts, cest encore autre chose. Sil ny a a priori pas besoinde les connatre pour lutter contre une oppression commune, ce nestpar contre qu partir de contenus et de perspectives partages quonpeut se lier les uns aux autres sans calcul politique.

    Pour briser et dpasser les sparations du capital au sein des luttes,

    mme lorsque celles-ci sont partielles, il sagit donc de tenter de cons-truire une rciprocit relle. Or lidologie afrmant que nous devonsdfendre de faon acritique tout enferm dans sa particularit (diffu-sant ses courriers ou ses tmoignages, assistant ses procs, soutenantses positions,...) ne le permet tout simplement pas. Cette extriorit (onest pas enferm dans la mme cage, on subit des types de contrle oudexploitation diffrents,...) conduit de fait un renoncement thoriqueet pratique au nom dimaginaires sujets politiques qui seraient seulsdpositaires lgitimes des luttes 2.

    Faire sortir des histoires de bouffe prime ou non-hallal au mme titreque des affrontements, prsenter des expriences dauto-organisationen mme temps que mettre en contact les retenus avec des journalistesdonne ainsi le sentiment que les camarades qui ont men ce long travailsemblent au fond guids par cette logique prisonnieriste. Un sentimentencore renforc dans le bouquin par labsence de tous les actes de soli-darit extrieurs autres que les manifs. Mais aussi par le fait de passer

    sous silence le caractre rsolument offensif de certaines dentre elles(5 avril Joinville par exemple) ou de ne publier propos des centresitaliens quun seul tmoignage victimiste (et pourtant, il y a depuis desannes des rvoltes lintrieur et de la solidarit lextrieur).

    Enn, parce que la seule alternative la rtention, aux expulsions, auxarrestations, cest la libert, il sagit prsent de ne pas laisser seuls lesinculps de lincendie du centre de Vincennes, mais aussi de continuer lutter contre la machine expulser, pour la libert justement. Cellede tous et toutes.

    1. Avocats, voire survie de leur famille, comme cela nest pas prcis sur le 4e decouverture. Ce nest pourtant pas tout fait la mme chose que les bncessoient reverss aux retenus inculps suite lincendie ou bien un baveux et dautres.2. Dans la mme veine que les prisonniers et la prison (les retenus et les CRA) :louvrier quand il sagit dusine, la famille quand il sagit dun assassinat policierou le paysan du coin quand il sagit dune ligne haute tension, etc. Comme si

    ctait leur usine, leur mort ou leur montagne. Comme si on ne vivait pastous de mmes rapports dexploitation, de contrle ou de domination. Commesi les usines, la police ou la dvastation de lenvironnement ne nuisaient pas chacun dentre nous.

    Note critiqueautour dun livre

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    [Afchetrouvesurlesmursde

    plusieursvillesennovembre2008]

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    19 Cette Semaine /dcembre 2008Crachez ici !

    Lundi 25 aot 14h sest droul au TGI deMarseille le procs dune personne ayant re-fus de se soumettre au prlvement ADN.

    Un rassemblement de soutien runit 80

    personnes devant le tribunal. Ds 13h30 undispositif policier se met en place lentredu tribunal. Prtextant un procs sensi-ble et une prtendue surcharge dans lasalle, un barrage empche de rentrer dansle btiment.

    Cette affaire est donc traite en premier.La juge commence par une prsentationdu cadre de linterpellation : expulsiondun squat (avec GIPN et Cie) sur lequelcourt une plainte pour dgradation. Puisvient le palmars de laccuse, constitu dequelques menus dlits et la qualication

    en rcidive du refus de prlvement bio-logique. Demande de prlvement ritrpar les ics, suite une che de recherchelance automatiquement par le Fichier Na-tional Automatis des Empreinte Gntique,pour la seule raison quelle la dj refus.Laccuse, interroge sur les raisons de sonrefus, reste ferme sur ses positions : refusdu dterminisme gntique* et refus dune

    socit de contrle o chaque individu esttrac comme une marchandise, un numro,un code barre.

    Le procureur met laccent sur le fait quil y a

    dautres manires dexprimer son dsaccordface la loi et requiert un mois avec sursisen soulignant que la loi, pour tre quitable,doit tre la mme pour tous. La juge prciseque ce nest pas aux magistrats de faire laloi, et que leur rle consiste simplement lappliquer. Elle interroge ensuite lac-cuse sur ses garanties de reprsentation,semblant tre rassure par une promessedembauche. Lavocat de la dfense plaidesur la disproportion entre lacharnementdes poursuites et le vide du dossier. Il de-mande la justice dentendre les raisonsidologiques du refus et dappliquer un ju-

    gement clment, compte tenu du prol delaccus et de la pertinence de ses propos.Press que la foule, venue en soutien devantle tribunal, dgage de l, la cour suspendlaudience immdiatement pour dlivrerson verdict rapidement : 300 euros de joursamendes**, soit 30 jours 10 euros, avec20% de rduc si lamende est paye dansle mois.

    Il est certain quil nest pas inutile de semobiliser sur et autour des procs, et quece genre de mobilisation ne peut que fairepencher la balance du ct des accuss, tantil est vrai que le rapport de force, aussi mi-

    nime soit-il, incommode et drange la justiceet ses sbires...

    Solidarit avec tous ceux et celles qui pas-sent sous le glaive de la justice.Pour en nir avec cette socit du contrleet de lexploitation.

    * Thorie scientique qui prtend associer des gnes des comportements sociaux(dlinquance, homosexualit, rvolte...) ;comme si la pauvret, lexploitation ou lin-justice nen tait pas la cause ; comme si lapolitique nexistait plus, rduite un dbat

    de spcialiste en biologie.** Soit la personne paye la somme to-tale, soit elle va en prison pour le nombre dejours associs la peine.

    [email protected],30 aot 2008

    Compte-rendu du procs pour refus de prlvement ADN

    [Afche trouve sur les murs de plusieurs villes, dcembre 2008]

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    SquatenCvennes

    Avril 2007, nous, paysan-nes sans terre, reprenons lactivit duPrat del Ronc St- Germain-de-Calberte, en Cvennes lozrien-nes ... Lieu abandonn depuis 10 ans. Les terres sont dfriches

    et cultives. Petit petit le lieu reprend vie : four pain, poules, po-teries, marachage, plantation darbres fruitiers ..., mais aussi projec-tions de lms, soires dbats, chantiers collectifs, journes dchan-ges ... Multitudes de projets eurissent. Ds lors, la prfecture poussele propritaire anglais porter plainte et traner les habitant-es de-vant la machine judiciaire dont ils savent trop bien quils ne sortirontpas gagnants. Aprs 2 procs riches en agitation, lavis dexpulsion estsigni partir du 20 juin.

    Mardi 22 juillet 2008, le jour se lve, le Prat del Ronc repart pour unejoyeuse journe de surveillance des alentours.6h du matin, les guets voient arriver sur le sentier qui mne au Prat,

    les chiens de garde de lordre tabli. Lalerte est lance et rveille leshabitant-e-s qui se regroupent devant la maison. Pas de temps per-dre, le chantier barricade est lanc, fermeture de la maison, blocage duchemin avec du tout venant.

    6 h15 : Une cinquantaine de gendarmes (y compris les locaux) dontune quarantaine de gardes mobiles, plusieurs RG, une brigade canineet lhuissier, se retrouvent bloqus devant la barricade, ct de lamaison. Nous sommes une vingtaine leur faire face. Leur interventionet le rapport de force sont invitables. Cette fois, il nest pas en notrefaveur, vu les forces dployes (bombe lacrymo, tazer, dle matra-que), mais notre dtermination ne chira pas. En attendant larrivedes camarades, nous dcidons de gagner du temps en regroupantnos affaires au ralenti (sans oublier les pauses caf !). Au bout de 2hgrattes, lhuissier demande de rentrer dans la maison. Essuyant notre

    refus, la icaille dclare la dernire sommation. Aussitt dit, aussittfait : entre 9h et 9h45, les chiens 4 pattes mordent, et leurs homolo-gues 2 pattes frappent, tranglent et matraquent. Ils nous tranentjusqu la sortie de la piste du Prat. A ce moment, tant un peu plusnombreux, des petits groupes se forment, tentant de harceler les ics- qui quadrillent la maison - au moyen de diverses interventions sur lazone surprotge et de cris de rvolte exprimant rage et dgot. 11 h :Les uniformes rentrent dans la maison. Nous continuons de crapahu-ter dans la montagne et rcuprons le plus daffaires possible et nospoules ; les ics autorisant laccs la zone quils tiennent deux llesuniquement. Regroups non loin de l, nous assistons au saccage enrgle des jardins. Chargement des affaires, insulte aux ics, vaine ten-tative daccder lintrieur de la maison, nous plions bagage dans letumulte pour aller nous organiser ailleurs. Il est 15 h00.

    Pendant ce temps-l, Florac, on contrle tous les prols qui ne cor-respondent pas la carte postale famille nombreuse, marchands, tou-ristes. Aujourdhui, lordre rgne la sous-prfecture, et par la force onlapplique jusquau fond des montagnes.Le Prat del Ronc est nouveau vou devenir un lieu mort. Mais nous,nous restons vivants et combatifs, rsolus dvelopper des pratiquesautonomes visant la rappropriation de nos vies. Il nous appartient tous dagir pour montrer notre dsaccord face aux aberrations de laproprit prive ; dafrmer, en paroles et en actes, la libert de vivrecomme il nous plat, et de lutter avecforce et courage contre cet ordre inique.

    Rester silencieux cest les soutenir !

    [email protected],26 juillet 2008

    Expulsion muscleau Prat del Ronc

    Le 24 Juillet Florac, place du march, deux jours aprslexpulsion muscle des habitants du Prat Del Ronc, en-combrement de cartons, informations, occupation duneagence immobilire, intervention policire.

    U

    NE TRENTAINE DE PERSONNES, les bras char-gs de meubles et de cartons, circulentdifcilement au milieu de la foule com-

    pacte de touristes venus dcouvrir le rve lozrien .Tous pensent voir venir de nouveaux commerants et denouvelles marchandises, et pensent au proche plaisir dac-complir leur rle : consommer, consommer pour dcou-vrir, consommer pour svader. Mais les cartons ne con-tiennent aucun de ces fantasmes. Ni eco-marchandises, niproduits de la ferme dans son emballage rustique maismoderne, ni gadgets sophistiqus idaux pour le cam-ping. Cest la mmoire encore vive de lexpulsion que lesnouveaux arrivants expriment sur la place. Sans-papiers,sans-logis, sans-terres, matraqu-e-s, expuls-e-s, les ci-toyens continuent consommer. Tout est calme, Chut ! .Leuphorie mercantile est trouble. Certains, interrompusdans leurs transactions, dcideront de fuir pour aller se sa-

    tisfaire ailleurs. Dautres proteront des minutes de rpitpour se dtourner du commerce et sinformer.

    Quelques mtres plus loin, la boutique Causse Cven-nes Immobilier vante paisiblement ses maisons idalaccueil touristique , idal rsidence secondaire , idal accessibilit , idal calme et plaisance . En or-ganisant les transactions de proprits prives, les agencesimmobilires prennent une place de choix dans la gestioncapitaliste de lhabitat et de laccs aux terres.

    En Cvennes comme ailleurs, le logement est un marchjuteux qui doit rapporter toujours plus. Peut importe lereste, cest le fric qui compte. Surfant sur la vague na-ture qui valorise le capital foncier en campagne, lesagences immobilires font leur beurre. Les fermes de-viennent des gtes, les hameaux des rsidences pavillon-naires, les terres arables des terrains de camping et des

    Au march deFlorac

    Squats

    [Faux numro du Midi Libre paru fn juillet 2008]

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    supermarchs : cest le jeu et a rapporte. Selonles principes de rentabilit, le tout est propos haut prix ceux qui en ont les moyens. La ges-tion du foncier, suivant la logique carte-postale,saccompagne dune politique de normalisationet daseptisation tout crin : les installations sontultra-rglementes et contrles. Tous le mondedoit, de fait, suivre le mouvement. Les habitants

    sont les esclaves des nouveaux marchs, destins assurer le confort des heureux saisonniers(amnagements routiers, tl-communication,tourisme, vente) avec, pour seul espoir, dac-qurir un jour, au terme dune vie de labeur etde soumission, un lopin de paradis o passer sesvieux jours.

    Dans la boutique tout est calme. Inutile de sin-quiter pour la bonne marche des affaires, pourles sans-logements et ceux qui refusent le chan-tage : la police est l pour faire rgner lordre.Lexpulsion des mauvais-payeurs et des squat-ters est ncessaire leur commerce. Commentrussir leur racket sans menace ? Entendant le

    rcit de cette expulsion, cest le cur lger queles marchands peuvent penser leurs bnces.Lco-bio propagande assure limage de mar-que et les prots. Et la rpression est l pourdissuader toute manire de vivre non-conforme.Encore une fois, les choses se troublent. Lac-tivit de lagence est subitement interrompue,pointe du doigt et dnonce. Ctait plus quencessaire. Pour rsoudre ce problme, le pro-pritaire-patron (Marcel Savajol, Prsident delofce du tourisme de Florac-Ispagnac) appelle,comme prvu, la gendarmerie. Cest le sourireaux lvres quarrivent des gendarmes. Eux aussiconnaissent leur rle, tout comme ils le connais-saient deux jours plus tt en expulsant. Alors

    qu labri des regards le pouvoir dvoile touteson abjection et sa violence, en place publique lesapparences doivent tre sauvegardes. Cest sousune pluie dinvectives que les expulseurs dhierseront chasss. Pour organiser le retour au calmedes commerants, des lus, le sous-prfet, et leursmdias se runiront quelques jours plus tard. Af-rmant leurs valeurs (rayonnement conomiquede la rgion, ncessit de mesures rpressives...),ils esprent mettre n toute contestation.

    Malgr ce quont pu voir les passants Florac, eten dpit de nombreuses discussions, la manipu-lation mdiatique commence. Loccupation estre-qualie en squestration , linformationdistribue devient pagaille, bousculades etviolences , une ptition circule (Midi Libre du25 et 28 juillet).

    La diffamation et les mensonges de ceux qui ontintrt ce que rien ne change nous accompagneinvitablement, pour nous isoler, nous marginali-ser, et dtruire toute solidarit.

    Nous continuerons troubler et dnoncer ce quinous dtruit, nous exploite et veut nous rduire une survie misrable. Sexprimer, expliquer,porter la contradiction... sont des armes qui nousrestent pour mettre mal ce meilleur des mondeso rien ne dborde.

    [Paru le 30 juillet 2008 surhttp://lapicharlerie.internetdown.org]

    Squats

    Fresnes

    Verdict du procs suite la manifLe 14 octobre 2008 a eu lieu le procs concernant la manifestation sous les murs dela prison de Fresnes le 2 juillet dernier.

    Il sest droul en prsence de nombreuses personnes solidaires et face 3 juges.Laudience, relativement longue, a largement port sur le contenu de la banderoleincrimine, Comme Vincennes feu aux prisons . Laccusation retenue tait pro-vocation la commission de destructions, dgradations et dtriorations volontairesdangereuses pour les personnes, non suivie deffets. Face au raisonnement droulpar le procureur et la juge qui menait les dbats, selon lesquels ce ne sont videm-ment pas les ordures en toge de leur espce qui font crever les prisonniers en taulemais de dangereux irresponsables qui les amnent commettre lirrparable (enloccurrence dtruire ce qui les dtruit), les trois accusEs prsentEs1 ont rafrmleur solidarit avec les prisonniers et prisonnires qui se rvoltent contre la situationqui leur est faite. Ca a t aussi loccasion de reposer le caractre insupportable detoute forme denfermement et de rejeter la vision manipulatoire que peuvent avoirles esprits troits qui tentent de circonscrire toute forme de rvolte des injonctionset un jeu politiques.

    Contre cette banderole (qui na pu tre attribue spciquement personne), le pro-cureur a requis 2 mois avec sursis et 800 euros damende + une amende non dniepour le refus de prise ADN et des peines plus lourdes pour la personne accuse enplus doutrage et de port et transport dartices non dtonants (des fumignes).

    Le 4 novembre a eu lieu le rendu du procs : 3000 euros damende avec sursispour 3 personnes, en application de larticle 24 de la loi du 29 juillet 1881 quirprime ceux qui auront notamment par des discours, cris ou menaces profresdans des lieux ou runions publics, soit par des crits ou imprims () distribusou exposs dans des lieux ou runions publics, soit par des placards ou des af-ches exposs au regard du public, provoqu ( ) commettre les dgradationsou dtriorations dangereuses pour les personnes dnies par le livre III du codepnal, ainsi que pour le refus de relevs signaltiques (photos+empreintes).En revanche, il y a eu relaxe sur le refus de prise ADN au motif que le dlit prvu etrprim [par la dite loi de 1881] nest pas compris dans lnonc de larticle 706-55

    du Code de procdure pnale permettant linscription des empreintes gntiques desprvenus au FNAEG. Comme quoi, a vaut le coup de refuser de se faire cher gn-tiquement ! La quatrime personne, dclare coupable des autres dlits spciques,a pris 3000 euros damende ferme. Personne na fait appel.

    Mais quittons l le terrain judiciaire qui nest vraiment pas le ntre, et continuons lutter pour la destruction de toutes les prisons.

    1. La quatrime personne ne sest pas prsente au procs.

    [Publi le 6 dcembre 2008 sur Indymedia Nantes]

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    Nous ne revendiquons rien. On nattend riende personne. Face la rpression et lexploita-tion, organisons nous-mmes la rsistance. On

    aura ce quon prendra. On sen fout du droit.

    I quand la petite troupede gens masss au pied du 69 rue de laRpublique reoit ce SMS de revendicationsign les occupants du toit du globe .

    Dans la journe du samedi 22 novembre,des banderoles (Ils investissent, nous aussi)avaient t dployes depuis un immeubleoccup depuis quelques jours, au moment ola manifestation pour le droit au logementpassait sous les fentres du btiment.Alors que les ministres du logement, de lur-banisme, de lamnagement du territoire etdu dveloppement durable devaient se ru-nir le lundi 24 Marseille, un petit groupe degens avait dcid de se rapproprier un de cesinnombrables lieux vacants de la rue de la R-

    publique. Depuis des annes, le patrimoineimmobilier de cette rue comme de lensembledu primtre Euromed passe de mains enmains : banques, fonds de pensions, etc. quiont vid le quartier de ses habitants coupsdexpulsions, dintimidations, dincendies,etc. Aujourdhui, la moiti de la rue appar-tient ATEMI, dont la banque Lehmann bro-thers, largement actionnaire, est dsormaisen faillite. Do ces quelques slogans crissous les banderoles: La rue de la rpubliqueest vide, reprenons-la , Lehmann brothers estmort, vive la crise ! .Le soir mme, une discussion tait proposedans le lieu pour construire ensemble les ripos-

    tes et solidarits venir contre lamnagementurbain et ses expulsions (extrait du tract). Ilsagissait aussi demble de faire vivre col-lectivement cet ancien htel avec son bar (leGlobe) au rez-de-chausse. Le projet ntaitpas de faire une occupation spectaculaire etphmre mais de prendre un espace pourhabiter et vivre ensemble, crer un espacede discussions et de rencontres qui puissentfaire merger des solidarits concrtes faceaux oensives des urbanistes.Il est 20h30. Une soixantaine de personnesmangent et discutent, entasses dans le bar,quand les ics donnent lassaut. Ils explosentla vitrine alors que des personnes se trouventjuste derrire. Sensuit une course poursuitedans limmeuble. Les gens reuent dans les

    tages en rigeant des barricades de fortunederrire eux pour ralentir lavance des gar-des mobiles. Ce qui sest rvl relativementecace. Tout le monde se retranche au der-nier tage et un petit groupe monte mmesur le toit. Ce ne sont pas spcialement leshabitants du lieu et le tout nest pas vrai-ment prmdit. La cinquantaine de person-nes reste au dernier tage se fait nalementsortir de limmeuble et squestrer dans la ruequi est bloque, mais les occupants du toit duGlobe demeurent.

    Pendant ce temps, quelques personnes seregroupent dans la rue de la rpublique et

    hurlent non aux expulsions . Peu peu, despassants les rejoignent, le trac est bloqupar un imposant dispositif policier : CRS,gardes mobiles, BAC. Sur le toit comme dansla rue, personne ne cde aux basses manu-vres des ics : chantage (Descendez du toitet on libre tout le monde), intimidations,pressions de la BAC... Une quarantaine depersonnes de la caravane du logement (re-groupement dassociations pour le droit aulogement) dbarquent. Les ics relchentla cinquantaine de personnes parques. Ettout le monde se regroupe. Tout au long dela nuit, pleins de gens restent, arrivent ou se

    relaient. Il y a eu jusqu 150/200 personnesdans lattroupement malgr le froid.

    Au dbut, la situation est un peu ottante : lapolice est manifestement dans lindcision.On imagine que a tlphone dans tous lessens. Les autorits se concertent. Parallle-ment, les occupants de la rue sont eux aussidans lexpectative. Une poubelle ambe, unevoiture de ic est caillasse et rien ne sepasse. Cest lattente.A lintrieur, les keufs tentent de mettre lapression aux occupants du toit et saccagentle lieu. Une ribambelle de ngociateurs serelaient pour les faire descendre, dont le

    commissaire divisionnaire et le sous-prfet,mais rien ny fait. En bas, la caravane du lo-gement apporte des boissons chaudes et dela boue fort rconfortantes par ce temps degrand mistral.Des couvertures, de la nourriture et un m-gaphone sont discrtement fournis aux occu-pa