cette semaine n°91

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  • 7/31/2019 Cette Semaine N91

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    CETTE SEMAINEQuatorzime anne Apriodique hiver 2006 n91 Prix libre ou abonnement

    Mais aujourdhui le crpuscule est rouge...

    Le coucher de soleil est ensanglant...

    Nous sommes tout prs de la tragique clbration

    du grand crpuscule social.

    Dj le temps a sonn avant laube les premiers coups

    dun jour nouveau sur les cloches de lhistoire.

    Basta, basta, basta !

    Cest lheure de la tragdie sociale !

    Nous dtruirons en riant.

    Nous incendierons en riant.

    Nous tuerons en riant.Nous exproprierons en riant.

    Et la socit croulera.

    La patrie croulera.

    La famille croulera.

    Tout croulera, parce que lHomme libre est n.

    Est n celui qui, travers les pleurs et la douleur,

    a appris lart dionysiaque de la joie et du rire.

    Lheure est venue de noyer lennemi dans le sang...

    Lheure est venue de laver notre me dans le sang.

    Basta, basta, basta !

    Que le pote transforme sa lyre en poignard !

    Que le philosophe transforme sa sonde en bombe !Que le pcheur transforme sa rame

    en une formidable hache.

    Que le mineur sorte des antres touffantes

    des mines obscures arm de son fer brillant.

    Que le paysan transforme sa bche fconde

    en une lance guerrire.

    Que louvrier transforme son marteau

    en faux et en haches.

    Et en avant, en avant, en avant !

    Il est temps, il est temps il est temps !

    Et la socit croulera.

    La patrie croulera.

    La famille croulera.

    Tout croulera, parce que lHomme Libre est n.

    En avant, en avant, en avant, joyeux destructeurs.Sous le noir tendard de la mort,

    nous conqurerons la Vie !

    En riant !

    Et nous en ferons notre esclave.

    En riant !

    Et nous laimerons en riant !

    Parce que les hommes srieux ne sont

    que des gens qui savent agir en riant.

    Et notre haine rit...

    Elle rit rouge. En avant !

    En avant, pour la destruction totale du mensonge

    et des fantasmes !En avant, pour la conqute intgrale

    de lIndividualit et de la Vie !

    Renzo Novatore, Verso il nulla creatore (1921)

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    2Cette Semaine / dcembre 2006

    Retour sur les meutes de novembre 2005 En partant des faits... 3

    Caen, contre les THT et la socit nuclaire 5 Nouvelles de la guerre sociale 6

    Italie Turin : Arturo est revenu ! 8 Vrone : Courage, fais-toi tuer 9 Bologne : Ici on nous torture 10 Lecce : Attaque contre la dmocratie 11 Lecce : A propos dun crachat 11 Face toi 12 A lair libre 15

    Espagne Brves du dsordre 18

    Fies : Lettre de Gilbert Ghislain 18 Trois ans sans pouvoir les serrer dans nos bras 20

    Allemagne Brves du dsordre 22 La prison de Aachen, par Gabriel Pombo da Silva 24 Solidarit avec Jos Delgado Fernandez 25

    Mexique Oaxaca, quest-ce que lAPPO ? 26 Chroniques de Oaxaca 28 Oaxaca, lAPPO et ses leaders 30

    Chili Au Chili a continue ! 32 Rpression contre les anarchistes 33 Lettre des compagnons arrts en septembre 34 Brves de lordre 35 Nous avons brl la cathdrale Castrense 36 Faisons sauter Las Ultimas Noticias 36

    Argentine A propos de lathne A. Fortunato 37 Dehors, mais do ? 38

    Uruguay, En soutien aux vandales de C. Vieja 38

    Belgique Prisons, une nime dclaration de guerre... 40 Meurtre de Fayal : En temps de guerre 42 Brves du dsordre 43

    Renzo Novatore, extrait de 1Verso il nulla creatore (1921) Etienne de La Boetie extrait du 44Discours de la servitude volontaire (1548-1552)

    CETTE SEMAINE

    BP 275 54005 Nancy cedex francehttp://cettesemaine.free.fr/[email protected]

    Abonnement : 12.50 euros / an(15.50 euros hors de france)

    bien entendu, les personnes qui

    souhaitent recevoir le journal nontpas forcment se poser la question delabonnement, une demande suft

    2d dition revue et corrige.

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    3 Cette Semaine /dcembre 2006Retour sur les meutes de novembre 2005

    LARVOLTEDENOVEMBRE (on verra quil ne sagit pas quedmeutes) a commenc le 27 octobre 2005 Clichy-sous-Bois, aprs la mort de deux jeunes qui taientpoursuivis par des flics. Ce qui au dbut semblait ne devoir

    tre quune meute localise, phnomne courant aprsce type de drame, a chang de nature lorsque la rbellionsest tendue progressivement lensemble du territoire.Ltat durgence a t dclar le 8 novembre suivant. Lapolice a estim tre revenue une situation normale le17 novembre, en se fondant notamment sur le fait que, lanuit prcdente, seules 98 voitures avaient t brles surle territoire franais, alors que la moyenne ordinaire est, hors meutes , de 90 par nuit...Chaque groupe ou groupuscule politique se devaitde produire une analyse de cet vnement, et le plussurprenant nest pas tant que quasiment tous centrentleurs propos autour de pleurnicheries sur les voituresparticulires des vrais proltaires incendies par unlumpenproltariat inconscient, stipendi, dsespr etautres conneries. Non, le plus surprenant cest de constaterquils nont rien vu des FAITS.Durant toute cette rvolte, les mdias et les politiquesont fait du nombre de vhicules brls le mtre talonde lamplitude du mouvement. Durant toute cettervolte, les mdias et les politiques ont mis en avant(explicitement ou implicitement) un strotype de lacteurde ces pratiques incendiaires, et chacun sest imagin le jeune-dlinquant--casquette , lasocial hyperviolentqui terrorise son quartier, le desperado en guerre contre

    tous et tout. Cest partir de la construction fantasmede cet archtype dshumanis, le jeune des banlieues cher au sensationnalisme mdiatique, que beaucoup ontpu affirmer que les jeunes lycens* dferlant sur les manifspour dpouiller seraient les mmes que ceux qui ont tacteurs de la rvolte de novembre. Peut-tre que pour unepetite partie dentre eux cela est vrai... mais peu importe.Ce dont il sagit l, cest de construire artificiellementune catgorie ad hoc pour y ranger tous ceux que lon necomprend pas, on assiste la cration dun monstre, delAutre qui ne peut tre quun barbare sans rationalit.

    Mais la ralit na pas grand-chose voir avec cesfantasmes.

    Les arrestations ont montr que les groupes dincendiairesntaient constitus ni en tant que bande de cit ni commebande ethnique , mais plutt comme groupe de copainsdcole, de foot... ce nest pas un dtail, il ne sagissait pasde dfendre un territoire ou une identit quelconque. Lespetits groupes dincendiaires sont constitus dentre troiset quinze personnes qui nont en commun que le fait desubir leur condition de proltaires, ils sont indiffremmentbasans ou blancs, habitent dans des barres ou dansdes pavillons, ils ne font partie ni de la catgorie des

    dlinquants professionnels (ceux-l se garderont biendattirer le regard de la police sur eux) ni de celle des bni-oui-oui, ils sont simplement de la zone grise, de la conditionmoyenne des jeunes de banlieue.

    Schmatiquement, on peut dire que trois types de pratiques interconnectes ont eu lieu en novembre, etqui renvoient trois types de personnes agissantes.La plus mdiatise, et de loin, a t lincendie de voitures

    particulires. On a pu constater quelle tait le fait degarons trs jeunes, souvent de moins de quinze ans.En se focalisant exclusivement sur ce type dactes, lesmdias et le ministre de lIntrieur ont cherch occulterles autres aspects de la rvolte, bien des gards plusintressants. Nanmoins un peu de jugeote permettaitde constater que si lon retire du nombre annonc devhicules incendis la moyenne normale de 90 voituresquotidiennes, si lon retranche galement la part devhicules qui ne sont en rien des voitures du voisin -cest--dire les vhicules de lEtat (et oui, ceux des servicespublics, quelle horreur !), EDF, GDF, la Poste, les autobuset autocars incendis par parkings entiers - si lon noubliepas de mettre de ct les automobiles des entreprises delocation et de concessionnaires qui sont parties en fumequotidiennement par dizaines voire par centaines, si lonconsidre que cest parfois la voiture du maire, du dput,du facho, ou celle drobe un bourge en centre-ville...alors le prtendu phnomne de la guerre dsespre detous contre tous ne peut rester au centre de lanalyse.Le second type de pratique, les meutes proprementdites, cest--dire les moments daffrontement intenseset organiss avec les flics, ont t peu nombreuses maisdures et longues. On a ainsi vu des affrontements serpter plusieurs jours de suite, avec des guet-apens

    tendus aux flics et, plusieurs reprises, des tirs darmes feu en direction des forces de police. Ces meutes sont lefait de bandes de quartier homognes, des jeunes garonsde tous ges souds par une appartenance territoriale.Parmi les villes o ces meutes ont clat, on peut citerentre autres : Clichy et Montfermeil (do tout est parti),Le Mirail et La Reynerie (Toulouse), La Grande Borne(Grigny), Aulnay-sous-Bois, La Paillade (Montpellier),Rosny-sous-Bois... Pointe--Pitre. Ce qui les a caractrisescest que, contrairement dhabitude (et oui, en Francenous connaissons cet oxymore de lmeute habituelle), leprtexte au dclenchement ntait pas d une injusticeparticulire faite lun des membres de la communaut (lacit), mais la solidarit, lidentification un sort commun,cest--dire la rsistance une situation dinjustice gnralefaite tous.La troisime forme de pratique sapparente de la gurilla urbaine . Des groupes peu nombreux de jeunesentre 18 et 25 ans, mobiles, ont choisi des cibles prcises etse sont organiss pour les incendier. Le choix des objectifstait trs clair : lEtat et les entreprises. Tous les types debtiments publics ont t viss : commissariats et postesde police, btiments municipaux (mairies, gymnases, MJC),bureaux de poste et dEDF, coles... ainsi que des vhiculesde service public. De nombreuses entreprises locales ont

    aussi t vises : des concessionnaires automobiles, desentrepts, des surfaces de vente et centres commerciaux...Des vengeances cibles ont t ralises contre lesvoitures, les domiciles, les permanences politiques desmaires et des dputs.

    Novembre : en partant des faits...

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    4Cette Semaine / dcembre 2006 Retour sur les meutes de novembre 2005

    Cest ce phnomne qui a t central dans la rvolte denovembre : des centaines de groupes se sont formspour saffronter avec lEtat. Surgissant de nulle part, serpandant telle une nappe dhuile, quelques dizaines demilliers de jeunes proltaires se sont rapidement organisspour frapper de manire diffuse. Sans mots dordre maisen frappant toujours plus juste, sans organe de liaisonmais parfaitement synchrones, communiquant entre eux travers leurs actes.Enfin, un phnomne plus difficile cerner ne peut pas trepass sous silence. Limplication dans la rvolte a parfoisdbord la catgorie initialement implique, savoir lesjeunes garons de banlieue. Disons tout dabord que cesderniers nauraient pas pu agir comme ils lont fait sils

    navaient bnfici dune forme de soutien, mme passif,dune bonne part de la population des territoires o ilsagissent. Mres, surs, pres, voisins, nombreux sont ceuxqui ont pris fait et cause pour les mmes de leur quartieret ont tmoign notamment de leur hostilit envers la

    police. La prsence des mmes ainsi que de nombreux militants radicaux lors des comparutions immdiates abien souvent transform les halls des palais de justice debanlieues en terrains de contestation et daffrontement. loccasion des procs ou aprs, les tribunaux ont aussi tla cible dactions directes (cocktails Molotov sur la faadedu TGI de Bobigny, vhicules de police incendis danslenceinte du TGI de Bordeaux...) .Dautres proltaires plus trs jeunes se sont galementappropris la pratique pyromane pour apporter leurcontribution au dbat en cours en incendiant leurentreprise. Notons ce sujet que linterprtation quia souvent t avance par la presse selon laquelle lesentreprises auraient t incendies par des jeunes quiprotestent car elles nembauchent pas assez les gens ducoin (assisterait-on la naissance dun syndicalisme dungenre nouveau ?) ne repose sur aucun fait constat. Bien aucontraire, les quelques personnes ayant t condamnespour avoir incendi des entreprises taient ou avaient tles employs de ces tablissements.

    Ces quatre phnomnes sont videmment lis les unsaux autres. II semblerait pourtant que la rvolte, en serpandant en cercles concentriques autour de Clichy(dabord la Seine-Saint-Denis, puis la rgion parisienne, puisle Nord, puis toute la France et mme un peu la Belgique etlAllemagne), ait souvent commenc, les premiers jours,par des incendies de voitures pour se structurer ensuiteen actions plus cibles et plus organises. Les formes lesplus spontanes ont ainsi laiss place des formesdavantage aguerries ...A aucun moment, la rvolte de novembre na pris laspectdune guerre ethnique, et cela se voit aussi bien par le choixdes cibles que par lorigine de ceux qui ont t interpells.Les enfants de limmigration y sont en proportion exacte deleur importance dans la population de proltaires qui sestrvolte, ni plus ni moins. De mme, la dlinquance ny esten rien surreprsente. Ceux qui se sont rvolts sont limage de la population des quartiers quils habitent.Les vnements de novembre ne peuvent tre perusque comme une radicalisation et une massification dunmouvement de rvolte des jeunes proltaires urbains quisecoue les banlieues franaise depuis bientt trente ans.Au cours de ces trois semaines a t brl un quart desvhicules qui le sont en moyenne chaque anne, et lesobjectifs attaqus ne reprsentent que 30% des actions

    ralises annuellement. La rvolte de novembre est unpisode dune rvolte permanente, la lutte de classe. Cenest que sur la base des faits prcdemment cits quellepeut tre analyse et critique.

    Torpedo

    * La volont de rendre tranger la comprhension est telle quelon dnie ces pradolescents gs dentre 12 et 15 ans le fait quilssoient collgiens ou lycens. Les mdias, le ministre de lIntrieur, lessyndicalistes et les gauchistes les nomment faux lycens , comme sila scolarit ntait pas obligatoire jusqu 16 ans. On affirme ainsi quilschappent toute rationalit... alors que ce sont videmment les mdias,les gauchistes et les syndicalistes qui se mettent ainsi hors du monderel.

    [Tir de Meeting, revue internationale pour la communisation,n3, novembre 2006, pp. 31-33]

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    5 Cette Semaine /dcembre 2006

    Suite lannonce de la construction de nouveaux racteurs EPR F lamanville, denouvelles lignes EDF trs haute tension ( THT) vont tre construites dans lebocage normand et mayennais pour joindre la centrale nuclaire de Flamanville au

    rseau national et breton. Ces lignes nous semblent plus dun titre dangereuses,mais au del cest bien la relance du programme nuclaire qui est nfaste, ainsi que lemonde et la socit qui laccompagnent.

    Les T.H.T. sont dangereuses. Les effets des champs lectromagntiques sur notre santet celles des animaux sont aujourdhui largement connus. Notamment avec les leucmiesinfantiles. Elles sont destructrices de la faune et plus particulirement du btail. Ce nest paspour rien que RTE et EDF proposent des ddommagements. Cest l le prix du silence. Lemme prix qui fait taire les nord-cotentinois achets coup dargent atomique.

    Lutter contre les T.H.T., cest lutter contre lEPR Flamanville et ailleurs, et contre lasocit nuclaire en gnral. Le nuclaire et le monde dans lequel il prolifre est dangereux.

    Dangereux par les dsastres environnementaux et sanitaires quil gnre, de Tchernobyl Cherbourg. Dangereux par la prolifration de larme atomique quil abrite. Dangereux parlexploitation de lAfrique Noire (comme lexploitation des mines duranium au Nigria) et deses dictatures quil entretient et par la socit policire de contrle quil participe dvelopper.Ainsi depuis quelques annes, un certain nombre de simulations daccidents nuclaires ontservi de laboratoire aux gestions autoritaires des foules qui ne manqueront pas de simposer entemps de catastrophes cologiques majeures ou de crises sociales importantes.

    Le nuclaire passe toujours en force, et ce depuis sa cration parce quil est lune des faces dessocits capitalistes contemporaines. Cest ainsi quil sest dvelopp au cours des annes 70en France. A coup de CRS contre les populations locales. Et le voile dmocratique dont lesnuclocrates dEDF, AREVA ou RTE se parent ne doit pas nous illusionner. Il ny a pas denuclaire citoyen, pas plus que de nuclaire durable. Ils ont dj dcid pour nous et ne plierontque devant notre propre dtermination.

    Cest pour cette raison que nous ne pouvons laisser la lutte entre les mains des marchands derves qui nous promettent que 2007 et les prsidentielles arrteront le programme nuclaire,ou ceux qui, comme entre autres les Verts, jouent double jeu comme au Conseil Rgional deBasse-Normandie, o leur abstention a permis une motion pro-EPR de passer... ce nest pasen ngociant que lon obtiendra quoi que ce soit, mais en sorganisant pour inverser le rapportde force par la lutte et laction directe : la manifestation, les occupations de sites, les sabotages,les perturbations de runions...

    [email protected]

    [Tract distribu le 28 octobre 2006 la manifestation de St Hilaire du Harcout (Manche)]

    Nous nous sommes organis-e-s en collectifdepuis peu. Nous sommes principalementcaennai-se-s. Pour certain-e-s dentre-nousla lutte anti-nuclaire nest pas nouvelle.Nous tions un certain nombre parexemple organiser un espace autonomeavec la coordination contre la socit

    nuclaire au sein du Village AlternatifAutogr et Anti-Nuclaire davril dernier Cherbourg.

    Nous nous sommes runi-e-s autour dunprojet commun contre le nuclaire etla socit dans laquelle il se dveloppe.Pour afrmer notre refus du nuclaireet de ses dsastres quotidiens de laBilorussie Cherbourg. Pour dnoncerla prolifration de larmement nuclaire etle dveloppement de la socit de contrlesocial et policier qui lui sont intimementlis. Pour sopposer la dictature de sonarmada dexperts et lexpropriation de nos

    propres vies qui sy dploient. Egalementpour remettre en lumire le lien entrenuclaire et capitalisme et insister sur lancessit de rompre avec la notion dedveloppement fut-il durable...

    Nous nous sommes runi-e-s galementautour de pratiques communes :1actiondirecte contre les nuclocrates et leursentreprises de destruction du vivant, lerefus des logiques lectoralistes et duftichisme organisationnel (politique ousyndical), la rappropriation de lhistoirede la lutte antinuclaire, travers lardition de textes anciens ou plus rcents,lchange dinfos et danalyses sur laquestion du nuclaire.

    Toute notre nergie sera pour vous !

    CONTRELASOCITNUCLAIRE, CONTRELEST.H.T.PRENONSNOSLUTTESENMAINS

    Aprs que lenqute dutilit

    publique ait t boucle, les

    travaux prparatoires la

    construction de nouveaux

    racteurs nuclaires EPR

    ont commenc Flamanville

    (Manche). Paralllement ce

    nouveau monstre, est en route

    un projet de ligne trs haute

    tension (THT) qui doit acheminer

    llectricit de ce futur racteur

    nuclaire EPR de Flamanville

    vers le sud pour la raccorder au

    rseau. Il sagit de construire une

    ligne double 400 000 volts sur

    environ 150 kilomtres, entre

    Priers dans la Manche jusqu la

    ligne Rennes/Le Mans.

    Si le trac dnitif nest

    pas encore dcid, RTE (le

    gestionnaire de la ligne)

    commence dj draguer les

    lus, tandis que des gomtresdevraient pointer leur nez. Bien

    entendu, les partis de gche

    (Verts en tte qui par leur

    absention ont pourtant permis

    au conseil rgional de Basse-

    Normandie de voter une motion

    favorable lEPR, tout comme ils

    soutiennent le TGV Lyon-Turin)

    et les citoyennistes comme le

    Rseau Sortir du Nuclaire ou la

    Confdration Paysanne basent

    tout sur les recours juridiques

    et les prochaines chances

    lectorales.

    Plusieurs manifestations locales

    anti-THT ont dj eu lieu, n juin

    Laval (2000 personnes), le 29

    juillet St L (300 personnes)

    et le 28 octobre St Hilaire du

    Harcout (3500 personnes). A

    cette occasion, les compagnons du

    CRAN nouvellement cr Caen

    ont distribu le tract ci-contre,

    proposant une autre approche de

    la lutte dans le coin.

    Nuisances techno-industrielles

    LE COLLECTIF RADICALEMENTANTI-NUCLAIRE (CRAN)

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    6Cette Semaine / dcembre 2006

    Nouvellesde la guerre sociale 18 septembre, Toulouse

    (presse) Sept hommes originaires des pays

    de lEst se sont vads lundi soir du centrede rtention administrative de Cornebarrieu,prs de Toulouse, o ils sjournaient avantune ventuelle reconduite la frontire. Deuxde ces sans-papiers ont t repris quelquesheures plus tard. Les vads ont prot dunedfaillance du matriel de surveillance etdu systme de scurit pour schapper ducentre de rtention qui dispose dun rseaude camras et dune salle de surveillancedote de 48 crans de contrle, a-t-on indiqude source syndicale. 70 agents sont chargsde faire fonctionner le centre de rtentionadministrative de Cornebarrieu, un btimentde 4.600 m2 implant au bout des pistes (nord-ouest) de laroport de Toulouse-Blagnac etinaugur n juin.

    19 septembre, Corbeil-Essonnes

    (presse) Deux CRS ont t blessssrieusement alors quils patrouillaient bord dun vhicule banalis mardi vers 22hdans la cit des Tarterts Corbeil-Essonnes.Le vhicule banalis, bord duquel les deuxCRS patrouillaient, a t la cible de jets deprojectiles. Le chef de bord, un capitaineadjoint de la CRS n3 de Quincy-sous-Snart

    (Essonne), est alors sorti du vhicule et a tviolemment assailli par une vingtaine dindividus.Le conducteur sest prcipit pour lui portersecours. Ils ont t rous de coups au visage et surtoutes les parties du corps, alors quils se trouvaientau sol, prcise la prfecture. Le chef de borda subi un traumatisme crnien et facial important,des contusions aux membres suprieurs etinfrieurs et deux dents casses. Il a t transfr lhpital de la Piti-Salptrire Paris auservice maxilo-facial pour une interventionchirurgicale. Le conducteur du vhicule souffredun traumatisme facial, de contusions aux cteset larcade sourcilire a t ouverte. Il na pas

    t hospitalis et une ITT de 15 jours lui a tprescrite, toujours selon la prfecture. Daprsles derniers lments dont disposent lesenquteurs de la Sret dpartementale delEssonne, deux ou trois individus ont caillassle vhicule des CRS. La trentaine dindividus quiont ensuite surgi et ont violemment agresssles deux policiers ntaient pas dissimuls dansdes fourrs mais jouaient au football sur unterrain situ proximit.

    20 septembre, Haumont

    (presse) Trois policiers ont t blesss, dont unsrieusement au bras, lors daffrontements avec

    la famille et les voisins dun automobiliste quivenait dtre interpell son domicile, dans leNord, rapporte la police.Une patrouille de police a pris en chassemercredi soir vers minuit un automobiliste

    qui a refus de sarrter un contrle Aulnoye-Aymeries, prs de Maubeuge.

    Lautomobiliste a t identi et unequipe de policiers de Maubeuge sestrendue chez lui, Hautmont, pourlinterpeller. Lhomme a t menott etau moment o les trois policiers tentaientde le faire entrer dans leur voiture, desmembres de sa famille et des voisinssen sont pris aux forces de lordre. Unetrentaine de personnes ont entour lespoliciers. Lun deux a t frapp coupsde barre de fer par le frre du conducteurinterpell. Les policiers se sont dgagsen utilisant du gaz lacrymogne et ontappel des renforts. Le pre et le frrede lautomobiliste ont t interpells. Leconducteur, bien que menott, sest chapp.Un brigadier-chef de Maubeuge souffre dunetriple fracture au coude. Le responsablergional du syndicat Alliance Police, Jean-ClaudeVanelslander, sest dit surpris dune telle violencedans un quartier calme et de la part de personnesinconnues des services de police.

    29 septembre, Paris

    (presse) Un policier du XIXe a t bless latte hier en n daprs-midi aprs un jet deprojectile. Victime dune plaie ouverte, il a t

    conduit lhpital de la Piti-Salptrire pourdes soins. Ce fonctionnaire et son collgueprocdaient au contrle didentit de deuxhommes rue Archereau, prs de la cit desOrgues-de-Flandres, quand un groupe dunetrentaine de personnes sest interpos. Un deshommes contrls sest alors saisi dune pierrequil a jete en direction du policier avant deprendre la fuite.

    30 septembre, Paris

    (presse) Limmeuble de la rue Greneta (IIe),qui abrite le sige national du syndicat depolice Alliance, a t la cible dune tentative

    dincendie dans la nuit de vendredi samedi.Peu aprs minuit, un container ordures enfeu a t projet contre la porte du btiment.Cette poubelle aurait t drobe dans une rueadjacente.

    1er octobre, Paris

    (presse) Le collge Elsa-Triolet Paris (XIIIe)sera partiellement ferm pendant une semaine la suite dun incendie criminel survenu dans lanuit de samedi dimanche, a annonc dimanchesoir la Mairie de Paris dans un communiqu.Selon cette source, le feu sest dclar dansle bureau des surveillants du collge, rue Yeo-

    Thomas (XIIIe), et atteint plusieurs locaux,condamnant provisoirement laccs des lves une partie de ltablissement.

    1er octobre, Mureaux

    (presse) Sept policiers ont t lgrementblesss lors dincidents avec des riverains,dimanche soir, dans le quartier sensible desMureaux (Yvelines), apprend-on auprs dusyndicat Synergie ofciers. Une voiture depolice a t dvalise et brle, a-t-on ajout demme source. Selon la version des policiers, lesincidents ont dbut peu aprs 19h lorsquunautomobiliste a refus de se soumettre uncontrle pour foncer dlibrment sur lunedes deux voitures de police qui lui barraientla route.

    Commotionns, les trois occupants du premiervhicule se sont rfugis dans la seconde voiturede police car des riverains commenaient lescaillasser. Des dizaines de personnes se sont alorsregroupes autour de la seconde voiture en criantvous ne sortirez pas vivants du vhicule, a ditPatrick Trotignon. Lun des policiers aurait alorstir une fois en lair pour tenir la foule en respecttandis quune pierre lance par un manifestantheurtait la bombe lacrymogne que lun de sescollgues sapprtait lancer. Cette bombe aexplos avant dtre lance, neutralisant plusieursde nos collgues, a rapport le syndicaliste. Lafoule a ensuite dvalis la premire voiture depolice abandonne sur place, une 306 Peugeot,semparant de ash-balls, armes tirant des ballesen caoutchouc , et de munitions, avant de la brler,a-t-il dit.Toutefois, selon des tmoins interrogs surplace lundi matin par lAFP, les jeunes ntaientquune cinquantaine au plus. Des tmoins ontassur lundi avoir t rvolts par la brutalitavec laquelle, selon eux, les policiers ont arrtle suspect. Ils lont tran direct hors de la voiture...Nous on est arrivs et on a dit : Cest pas normal,allez-y mollo ! Aprs, il y a eu des jets de pierres, lespoliciers se sont sauvs et ils ont laiss la voiture.

    Selon les tmoins, six des sept policiers se sontenfuis et un est all se rfugier dans une colematernelle voisine.

    Nouvelles de la guerre sociale

    [CRS aprs un accident du travail Corbeil-Essonnes, le 19 septembre 2006]

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    8Cette Semaine / dcembre 2006 Italie

    MARS 1998, au cours dune brillanteopration de police, suite auxenqutes excutes par le Digos[quivalent des RG franais] Petronziet diriges par le juge Laudi et son

    ami Tatangelo, trois compagnonsanarchistes sont incarcrs : EdoardoMassari dit Baleno, Maria SoledadRosas dite Sole et Silvano Pelissero,accuss dtre les auteurs de plusieursattaques et sabotages anti-TAV[quivalent du TGV] contre diffrentesstructures et contre la Sitaf, la socitqui gre lautoroute de Frjus. En mmetemps, trois maisons occupes sontperquisitionnes : la Casa di Collegnoqui est expulse, lAsilo situ viaAlessandria est expuls et roccuple lendemain, et lAlcova qui nest pas

    expulse grce la prsence et lamobilisation des compagnons.

    Pendant tout le mois de mars, Turina les honneurs des mdias nationaux,pour ces faits et suite aux actionsconsquentes de protestation desanarchistes et des squatters quimaintiennent la pression dans la ville.Le 28 mars, Baleno est retrouv pendudans sa cellule de la prison des Vallette.

    Vu le climat du moment et le lynchagemdiatique, la famille et ses amis exigentque les journalistes soient absents desfunrailles qui se drouleront Brossodans le Canavese ; et de fait, diverstristes sires continuent de jeter de laboue et de calomnier Baleno. Celui quise distingue parmi tous est DanieleGenco, scribouillard dun journal decampagne, La sentinella del Canavese,et correspondant local de lAnsa[quivalent de lAFP]. Celui-ci staitdj acharn contre Edo dans le passlors de ses prcdentes incarcrations.Dj connu, il a courageusement dcid

    de venir fourrer son nez aux funraillesen faisant des photos en douce,dcision qui ne lui cotera que 40 joursdhpital, un colis pig et une escorteconsquente de carabiniers. Vu les tatsdme du moment, dautres journaleuxaperus au loin sont agresss et chasss,y compris ceux de la soi-disant gche. Cemme Genco balancera Arturo commetant lun de ses agresseurs, tandis quesuite aux indications de trois tmoins,des mandats darrt sont lancs contrelui, Luca et Drew.

    Luca sera arrt chez lui, Drew aprsune anne de clandestinit se rendra,et Arturo vient enn de rentrer chezlui, huit ans et demi aprs [passs enclandestinit].

    Depuis quil est parti, Arturo na pasoffert une seule minute de sa vie laprison, il a choisi de rester un hommelibre, il na jamais exprim de repentirsur les faits de Brosso. Mieux, il les

    a revendiqus dans plusieurs lettresadresses aux compagnons comme uneaction juste, mene par lui et toutes lespersonnes prsentes.

    Nous partageons sa position et sonchoix, nos ennemis dhier sont lesmmes quaujourdhui.

    Le projet TAV sest plus ou moinsdvelopp, tout comme la lutte et larsistance contre lui. De quelquespersonnes parses qui luttaient il y a dixans, la bataille est aujourdhui mene

    par la valle tout entire.

    Les mmes journalistes sont toujoursl, et toujours comme des chacalsgaux eux-mmes, toujours au servicedu pouvoir ou du politicien de service,avec la mme dmagogie prte jouerles pompiers ou jeter de la boueen fonction de la situation ou despersonnes concernes.

    Laudi et Tatangelo, encore en vogue,continuent allgrement denvoyeren taule ceux qui expriment leurdissensus et luttent. Idem pour les ics, lidentique, peut-tre avec quelquesdegrs supplmentaires, mais tout cecinest que rhtorique...

    Il ne nous appartient pas de proclamerlinnocence ou la culpabilit, ce nestpas notre faon dagir et de penser.Au contraire, nous esprons que desgures comme celles de Genco puissentrecevoir au plus tt et au moins aussiintensment un traitement analogue.A prsent, nalement, aprs une

    longue absence, suite la rcente loisur lindulto [sorte de remise de peinegnrale], nous pouvons retrouver, enhomme libre, Arturo nos cts.

    BIENVENU.Quelques prsents Brosso

    El Paso

    [Traduit de litalien. Tir de Masticatorinon6, novembre/dcembre 2006, p.2]

    Arturo est revenu !On pourrait croire que lhistoire ouverte

    en mars 1998 Brosso est maintenant

    dnitivement termine. Luca a t acquitt

    dnitivement en appel en mars 2003 et

    Arturo est revenu dexil en novembre 2006

    en homme libre aprs huit annes et demi de

    clandestinit.

    Il faudrait pourtant avoir la mmoire courte

    pour oublier que les deux principaux journaux

    de lanarchisme organis ont entre autreimmdiatement condamn lattaque contre

    la crapule de journaleux Genco, allant jusqu

    parler d agression au got de squadrisme

    [pratique des fascistes de Mussolini qui

    dfonaient les militants de gauche dans les

    annes 20] (1).

    Ou que les squatters de Turin ont prot

    des ashs mdiatiques pour rcuprer toute

    lattention sur eux (2) plutt que de la porter

    sur le TAV en Val Susa (une des formes de

    solidarit nest-elle pas au contraire de

    continuer la lutte mene par les compagnons

    incarcrs ?). Sans compter les divers

    pisodes qui en disent trop long. Dinterviewen fausse confrence de presse, de tentatives

    individuelles dempcher la rage de se

    dchaner lors de la grande manifestation de

    10 000 personnes suite la mort de Baleno en

    communiqu policierqui voudrait indiquer

    lEtat vers qui se tourner aprs lenvoi de colis

    pigs au procureur Laudi, la merde Genco

    et divers politicards du coin (3). Certains se

    paieront en outre linfme luxe de collaborer

    deux livres utilisant sources policires, lettres

    et dtails intimes et privs pour dfendre

    leur version dun vaste complot contre les

    squats (4), avant dutiliser jusqu la nause

    comme les derniers des charognards Soledad

    et Edoardo pour renforcer leur lgitimit en

    Val Susa ces dernires annes.

    Alors, nous saluons avec joie le retour

    dArturo qui a su avec dtermination et

    dignit continuer de lutter loin des griffes

    du pouvoir. Alors, nous assistons avec plaisir

    la rsistance contre le TAV en Val Susa. Mais

    nous noublions pas non plus le prix pay par

    ceux qui nont pas attendu les foules pour

    sopposer cette uvre de dvastation, ni ces

    moments o, lorsque soufait la tempte, il

    est des anarchistes contorsionistes qui ont

    prfr se muer en mtorologues plutt que

    daffronter les vents contraires.

    (1) SoitA rivista anarchica et Umanit Nova,

    journal de la Fdration Anarchiste Italienne.

    (2) VoirUltima fermata, dallattacco contro lAlta

    velocit in Val Susa alla difesa degli spazi occupati a

    Torino, ed. NN, juin 1998, 94 p.

    (3) Le texte Niente schi, niente applausi : fuori

    dallo spettacolo daot 1998 sign Barocchio,

    Asilo, Cascina, Alcova, Prinz, Delta, Gabrio,

    La Casa se conclut par : A ceux qui nous

    voudraient terroristes et clandestins, nous

    rpondons que nous ragirons ouvertement

    toute forme de violence par laction directe,

    publique et collective, comme nous lavonstoujours fait (cest nous qui soulignons).

    (4) Le scarpe dei suicidi de Tobia Imperato, ed.

    Fenix (Turin), 2003 etAmor y anarquia - la vida

    urgente de Maria Soledad Rosas 1974-1988 de

    Martn Caparrs, ed. Planeta (Buenos Aires).

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    Ici on nous torture

    Les murs sont faits pour diviser, isoler, cacher.Au-del des murs du Cpt de Bologne, plus de110 personnes sont caches, et volontairementoublies.Les Centri di Permanenza Temporanea (Cpt,centres de rtention), contrairement leurfausse et hypocrite dnition, sont de lugubresprisons dans lesquelles sont enfermEs cesmigrantEs dont lunique faute est de se trouversans permis de sjour.En passant au-del des barbels, nous avonsrussi parler directement avec les jeunesdtenuEs, recueillant les rcits de leurexprience.En solidarit et appui aux luttes quils mnent lintrieur du Centre, nous reportons ici

    leurs dnonciations et leurs accusations, aussibien contre la Misericordia (entreprise quigre ce business lucratif et sanglant) et sescollaborateurs que contre lindiffrence socialediffuse.

    Ici on nous torture

    Ils hurlent avec rage que ceux qui grentle Centre gagnent un paquet de fric sur latte de chaque prisonnier (la capacit estthoriquement de 100 places, 72 euros par

    personne).Selon la loi, ils ne pourraient pas prolongerla dtention au-del de soixante jours, maisoutre le fait que certains y sont depuis plusde soixante-dix jours, il arrive souvent quilssoient relchs pour une brve priode avantdtre replacs l intrieur... et que le compteurreparte zro. Quatre jeunes ont protestla semaine dernire contre leur dtentionprolonge. Lun deux venait dtre repris etramen dedans, bien que sa compagne soitenceinte.Les cellules mesurent 5 mtres sur 3, et chacunecontient 5 ou 6 personnes qui dorment sansmatelas, partageant deux chaque couverture.Ils ne peuvent avoir que peu de vtements,quils doivent laver sans savon ni lessive. Lundeux nous a montr ses sandales, les seuleschaussures autorises.La nourriture, insistent-ils, nest pas seulementmauvaise, mais pourrie ; beaucoup ont peur demanger parce quils sont ensuite frapps dunesomnolence trange et puisante, cause selontoute probabilit par des psychotropes insrs,sans le dire bien sr, dans la bouffe.

    Ils ne russissent jamais voir le mdecin :lunique mdicament qui leur est prescrit estlAulin [sorte daspirine].En ce moment, 7 reclus auraient besoin desoutien mdical parce que toxico-dpendants

    mais le service autoris dlivrer les produitsde substitution nest jamais contact.Nous avons discut avec une jeune lle enceintede quelques mois qui na vu le mdecin quuneseule fois et na pas t relche comme cela sefait, mme lorsque le dlit est lger, en taule.Les hommes en viennent de graves actesdauto-mutilation, an dtre envoys lhpital : lun a mang du verre, puis sestvad des urgences. Aux mdecins, comme lInspecteur du camp, peu importent lesprotestations des dtenus, et encore moins quesoit interne une femme de 75 ans.Pour viter les rvoltes, les immigrs sontenlevs en pleine nuit de leur lit an dtreexpulss de force. Toute tentative de rbellion

    est durement rprime par la police : ils disentenn, que les tabassages sont permanents, queceux qui sont en uniforme les frappent coupsde matraque quand a leur prend.En ce moment, un homme, enferm clefset spar de ses compagnons, est en grvede la faim et de la soif depuis plusieurs jourspour protester contre le fait quils lui refusentde sortir en promenade depuis une semaine,mesure exceptionnelle devenue permanente(beaucoup dautres le soutiennent en menant leur tour une grve de la faim). Dans le

    Cpt, tout, de lheure de promenade aux soins,est la discrtion des trois travailleurs de laMisericordia.

    Ces lagers de la dmocratie (nous ne trouvonspas dautre mot pour dnir un lieu o despersonnes de cultures diffrentes sont interneset recluses dans des conditions inhumainesuniquement parce quelles sont dpourvuesdun bout de papier) comptent sur le silencecomplice de cette zone grise qui, activement oupassivement, contribue maintenir ce systmemoderne dlimination des indsirables.Une opposition relle aux Cpt ne peut quepasser par la mise en discussion du monde quiles a gnrs, tout en sachant quon ne parle pasdune entit abstraite mais quelle est formedune ralit concrte et individualisable.

    Rassemblement 14h tous les samedisdevant le Cpt de via Mattei en solidarit avecles reclusEs, pour en nir avec ces campsdinternement

    Des ennemis de toutes les frontires

    (CP 228 40124 Bologna centro)

    [Traduit de litalien.Tract distribu le 8 novembre 2006 Bologne]

    Parmi les compagnons

    italiens qui luttent plus

    spciquement en solidarit

    avec les immigrs et contre les

    Cpt, outre ceux de Lecce etde Turin dont nous avons dj

    traduit plusieurs textes dans

    les numros prcdents, il y a

    ceux de Bologne. En plus de

    rassemblements hebdomadaires

    devant le centre de rtention

    et de diverses initiatives, ils

    organisaient n novembre trois

    jours contre le lager de cette

    ville.

    Nous avons choisi, une fois nest

    pas coutume, de traduire un

    tract qui dcrit simplementla dtention de ce lager. Nous

    ne pensons pas que savoir

    concrtement quelles

    conditions sont rduits les

    immigrs qui y sont enferms

    60 jours pour le seul fait de ne

    pas avoir un bout de papier

    puisse remuer la zone grise de

    lassentiment, lindiffrence ou

    la rsignation. Mais nous avons

    voulu proter des brefs instants

    que ces compagnons ont vol

    aux gardiens pour discuter

    par-del les barbels lors dun

    de leur rassemblement, pour

    rappeler la ralit de ces centres

    de rtention, objets de rvoltes

    et dvasions frquentes.

    Pour sentir aussi, mme sil ny a

    l rien que de douloureusement

    banal, la ralit de ces

    camps dinternement qui,

    intrinsquement lis au monde

    qui les a produit, sincarnent

    aussi dans des structures et leurs

    serviteurs. Elles se nomment

    par exemple Ibis, Air-France,

    Bouygues ou la Croix-Rouge de

    ce ct-ci des Alpes.

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    11 Cette Semaine /dcembre 2006Italie

    DETEMPSENTEMPS, quelque coup de thtre vient divertir le spectateur de lennuyeusection de la paix sociale ; une scnographie romantique et rassurante pour penser quemme les intouchables sont un jour ou lautre touchs...

    Parfois il se trouve comme il y a quelques mois Lecce que a tombe jusque sur desadministrateurs, de hauts prlats et des journalistes, qui sentent alors leur honorabilitvaciller sous le coup denqutes qui mettent partiellement en lumire la corruption et lestransferts de grosses sommes dargent. Mais ne nous effrayons pas, car Lecce, malgrlrosion marine, on russit bien vite trouver tout le sable ncessaire pour enfouir lescandale. Et dire que beaucoup lavaient prvu... sagesse populaire ! La sagesse mme designorants qui suggre que tout exercice du pouvoir est fond sur labus et lexploitation, alorsquaujourdhui nombreux sont ceux qui prfrent se rassurer en croyant que les garantiesdmocratiques nous prservent du pire. Dommage que ces garanties soient videmmentutilises pour protger les puissants et leur vie prive, alors que tout acte dopposition directet auto-organis est, lui, utilis pour lancer des accusations de terrorisme contre tout unchacun.

    De fait, des exploits et des proltaires, des opposants et des rebelles dcrits comme violentsou dangereux criminels nissent tous les jours sans trop de manires sur les pages desjournaux, devant les tribunaux et en prison.

    Dpeints comme de terribles terroristes, trois de nos compagnons sont incarcrs depuisune anne et demie en attente de jugement parce quaccuss dassociation subversive. Leurlutte contre les centres de rtention (Centri di Permanenza Temporanea) a mis au jour lanature carcrale et exceptionnelle de ces lieux, et combien cette entreprise a t fructueusepour la curie, entreprise quelle a toujours appele centres d accueil. Une affaire construitesur le dsespoir de milliers de migrants, sans parler de la brutalit des mthodes du directeurdu centre : don Cesare Lodeserto. Cette lutte courageuse a aussi contribu la fermeture de

    ce fameux lager, bien quil ait suft de peu pour rhabiliter le directeur et ses bonnes uvres.

    Il y a quelques mois, un de nos compagnons se trouvant face lui, escort de ses gardes ducorps personnels, a trouv bon de lhonorer dun crachat solennel (qui a tap dans le mille).Rapidement, les mdias ont dcrit le fait comme un attentat violent de la part dun fanatique,dangereux et prsum anarchiste (comme si tre anarchiste tait en soi un dlit). Ceci plusdautres articles de journaleux doratoire, dvoile sans lombre dun doute le but des mdias :criminaliser et crer linquitude pour jeter le discrdit sur ceux qui sopposent aux puissantsconnus (quils soient dhonorables visages souriants ou dminents groins couverts dor),faire peur et apprivoiser les braves gens.

    A prsent, don Lodeserto, loin de tendre lautre joue, a port plainte et pourrait rclamerquelques milliers deuros pour laver loffense subie et porter sa veste chez le teinturier.Nous sommes convaincus que laccusation de menace publiqueindiscrimine, lance contrequiconque dcide de lutter sans couverture institutionnelle, ne prendra sens que tant que lesindividus continueront tout accepter de faon inerte, ingurgiter de grossiers mensongeset dlguer la justice sociale, la solidarit, la culture et beaucoup dautres choses encore lEtat. Eh bien, tout un chacun est capable de lancer un crachat, il ny a pas de papiers signer, ni de timbres payer : c est une petite libert quon peut tous se permettre... et a noussemble le minimum.

    Quelques anarchistes mal levs Non prsums

    Jeudi 9 novembre 9 heures devant le Juge de Paix de Lecce, via Brenta (derrire le Bardu Commerce) se tiendra le procs contre le compagnon accus davoir crach sur Cesare

    Lodeserto. Montrons-lui notre affection et notre solidarit.

    [Traduit de litalien. Tract distribu Lecce dbut novembre 2006]

    ATTAQUECONTRELADMOCRATIE !(crier au loup ! au loup ! pour mieux manger les moutons)

    SUR UN CRACHAT,UNFAUXPROCS

    ET SA MYSTIFICATIONAujourdhui 9 novembre, sest

    droule la premire et dernireaudience du procs contre un

    anarchiste accus d outrage

    personne charge du culte, devantle Juge de Paix de Lecce. Lpisoderemonte au 26 mai dernier, lorsque le

    compagnon, se trouvant face lex-directeur du CPT Regina Pacis,

    don Cesare Lodeserto, la salu parun crachat. Ce geste avait provoqu

    la plainte du prtre tabasseur (lesvicissitudes qui lont impliqu lors de

    violences brutales contre des immigrsenferms dans le Cpt sont fameuses),

    ainsi quune seconde plainte pourrefus de dcliner son identit et

    rsistance agent asserment ; les

    habituels ics intervenus en dfensedu puissant prlat avaient loign lecompagnon avec leurs mthodes

    peu orthodoxes.

    Ces derniers temps pourtant, la curiede Lecce et la Fondation ReginaPacis tentent de laver leur imagetche de sang et de rhabiliter la

    gure de Lodeserto, dj condamndeux fois et qui doit affronter un

    autre procs pour squestration depersonnes. Cest ainsi que la plainte

    pour outrage a t retire ce matin,

    et le compagnon a accept que ce soitfait, comme le prvoyait la procdure.Personne na rien demand linfmecur, il a port plainte puis la retireselon ses intrts du moment. Il lui a

    t fait comprendre dune autre faonque rien ne pourra effacer son uvre

    de maton, soutenu par les plushautes sphres des puissants

    et des exploiteurs.

    Les mdias, dans leur rle deterroristes, ont retourn la situation

    en disant que lanarchiste a prsent

    des excuses et que le prtre lui apardonn. Une afrmation si loinde la vrit que mme le code deprocdure pnale na rien prvu

    ce sujet.

    [Traduit de litalien]

    Opration Nottetempo:Les audiences contre les compagnons

    de Lecce se poursuivent, avec toujoursSalvatore Signore, Cristian Paladini

    et Saverio Alemanno en rsidencesurveille (cela fait plus dun an

    et demi quils sont incarcrs enprventive). Les dernires audiences

    ont eu lieu les 21 septembre et 19novembre, la prochaine est xe

    au 18 janvier 2007.

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    AU DBUT, ce ntaient que quelquesvoix. Quelques unes mais pleinesdassurance, animes dun caractrepremptoire d plus aux artices de la

    ncessit stratgique qu la puissanceeffective de ses propres moyens. Puisles voix ont commenc se multiplier,quantitativement et qualitativement, etsont devenues un petit chur. Ici et l, onest pass des paroles aux faits. Des parolesridicules et des faits mdiocres dirontcertains, mais ce sont toujours des paroleset des faits ! Par les temps de disette quenous traversons, il faut bien le reconnatre,ce ne sera pas un oasis dans le dsert, pasmme un mirage. Lopportunisme quiinfeste depuis toujours les ambitions desuns et laphasie qui annihile depuis tropdannes lintellect des autres ont fait lereste.Cest dsormais ofciel. En lisant les texteset les communiqus diffuss sur la toile etailleurs, il est devenu impossible de nepas se rendre compte quil y a un tas debraves compagnons de divers horizons lintrieur du mouvement qui veulentsacoquiner, nouer des alliances, combinerdes actions densemble... pour combattrelennemi commun. Basta du sectarisme !

    Basta des prjugs idologiques ! Place aufront uni anticapitaliste.

    Cest unis quon vainc

    (un quelconque politicien)

    Cette proposition nest ni nouvelle ni

    originale. Si a na pas fonctionn hier,on ne comprend pas bien pourquoi adevrait marcher aujourdhui. Peut-trefaudrait-il le demander ses dfenseursactifs. Mme si, dire vrai, il faut

    reconnatre une nouveaut par rapport ce qui a dj t accouch (et avort)par le pass. Si le point de dpart restele mme la conviction que lunion fait

    la force le contexte dans lequel noussommes a pourtant profondment chang.En des temps quelque peu lointains, denombreux compagnons furent pris parlagitation frontiste parce quils pensaientquil sufsait dun coup dpaule pourmettre lennemi en difcult. La rvolutiontait dans lair, au coin de la rue, et unecollaboration active semblait pouvoirlacclrer. Aujourdhui, au coin de larue, il ny a que limmanquable camra devido-surveillance.Que cela soit clair, lennemi est toujoursplus en difcult, mais nous le sommesencore plus que lui. Les rapports ne sontdonc plus de force, plutt de faiblesse.On sunit pour se porter rciproquementla poisse. Ce nest pas un hasard si lesprurits frontistes se font le plus souventsentir autour de la question carcrale,comme si lombre menaante et sombre dela taule devait pousser serrer les rangs.Certains, en manque de nombre sur lequelcompter, ont eu lillumination : si lEtat nefait pas trop de distinction lorsquil sagit

    de nous fourrer tous dedans, pourquoidevrions-nous en faire lorsquil sagit derester tous dehors ? Et allons-y avec lesmanifestations en commun o on peutmarcher cte cte et les assemblescommunes o on peut parler ensemble etsapplaudir volont. Face la rpressionqui nous met sur la dfensive et nous unitdans la disgrce, il est plus facile doublierla rvolte qui nous lance lattaque et nousspare dans le plaisir. Quen est-il de cettervolte ? Quel est son sens ? (Et pendant

    quon y est, comment diable fait-on pourconfondre la lutte contre la rpression etle soutien politique avec ceux qui sontrprims ?)Il y a vraiment de quoi se poser desquestions en assistant cette expressiondamour entre rvolutionnairesautoritaires et anti-autoritaires. Que lespremiers, cours de nigauds qui fairela cour sagitent pour trouver une berge,est plus que comprhensible ; mais lesseconds, pourquoi se prtent-ils doncau jeu ? Un jeu qui non seulement nen

    vaut pas la chandelle, mais pas mme lepauvre bout qui lillumine. Il ne suftpas de rpter la ritournelle lunion faitla force, impeccable dans sa certitude

    FACETOI

    Le mouvement anarchiste italien

    (autonome des organisations) tait

    dj sorti affaibli de lenqute Marini

    qui en septembre 1996 a tent de faire

    condamner de nombreux compagnons en

    inventant une organisation dnommeORAI. Si on rajoute cela les vicissitudes

    turinoises lies la lutte en Val Susa

    de 1998 (avec lassassinat de deux

    compagnons), il abordait ce nouveau

    millnaire passablement amoindri.

    Cela na pourtant pas empch la

    multiplication des attaques anonymes

    se revendiquant de lanarchisme ds

    avant Gnes en 2001 et la renaissance

    ou laccroissement du dynamisme de

    diffrents groupes dans plusieurs villes

    (de Rovereto Pise, de Milan Lecce, en

    passant par Bologne ou Cuneo).

    Deux donnes sont pourtant venues

    bouleverser la donne. Outre la rpressionqui a frapp toujours plus large en

    envoyant de nombreux compagnons en

    taule pour dimaginaires associations

    subversives, les attaques fascistes se

    sont multiplies avec lassentiment dun

    gouvernement limage dun pays o le

    fascisme sest souvent fait populaire, tandis

    que le manque collectif de perspectives

    se faisait toujours plus cruellement

    ressentir. Certes, de campagnes contre

    les biotechnologies en rseau contre la

    machine expulser, et sans oublier les

    collectifs sur le thme des nuisances

    environnementales, il ne manque pas de

    luttes parcellaires. Mais cela ne sauraitni compenser les rexions autour du

    projet insurrectionnaliste des annes 80

    ni le manque douverture aux explosions

    sociales dans le reste de lEurope et

    du monde ou aux luttes sociales du

    territoire italien.

    Les deux textes que nous avons traduit

    ici sont le reet de rexions internes

    qui ont travers le mouvement partir

    de 2004. Le contexte en est la fois la

    critique du vieux rexe frontiste

    dalliance et dinitiatives communes avec

    les chapelles marxistes en dcomposition

    (des autonomes lultra-gauche) face lennemi commun (la rpression tatique

    ou les attaques fascistes), et la ncessaire

    intervention dans les luttes pour enn

    cesser de tourner en rond en se

    plaignant de son propre isolement ou de la

    rsignation des proltaires.

    Alors que rgne ici (en dehors des

    orgas bien sr) depuis bien longtemps

    la culture de la tactique plutt que de la

    cohrence entre les moyens et les ns, de

    la radicalisation des masses plutt que la

    participation sur ses propres bases la

    guerre de classe, ou encore des relations

    caractre plus familial que fondes sur

    des projets auxquels se mleraient lesafnits, nous avons pens que ces deux

    textes doutre-Alpes pouvaient leur tour

    constituer des prmices de discussions

    intressantes entre nous.

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    mathmatique. Except pour lesingnieurs de la rvolution, il devrait trebien connu que cela ne peut fonctionnerque lorsque sunissent des lments quipossdent plus de points communs que dediffrences. Autrement, que pourrait-onfaire ensemble ?Certains rpondront sans doute que cestune question de puret. Et bien non,au contraire : il sagit dune questionpratique. Des lments ayant des projetsopposs, des dsirs opposs, des idesopposes, ont bien peu faire ensemble.A moins que les uns ou les autres, outous deux, ne renoncent leurs propresprojets, leurs dsirs, leurs ides. Non pas des aspects secondaires et ngligeablesde ceux-ci, mais lessence fondamentalequi en constitue la raison dtre. Ou ils yrenoncent vraiment, devenant autre choseque ce quils sont (et avant de combattre

    lennemi on commencera peut-tre par sedisputer avec de vieux amis) ; ou bien ilsne cdent pas au compromis, ils refusenttout renoncement et ne peuvent alorsplus rien faire ensemble. Rien, parce queles projets, les dsirs, les ides ne sontpas de pures abstractions qui nexistentque sur quelque feuille de papier, maisinvestissent tous les champs possibles delaction pratique, en sont lexpression, et ilnest alors pas possible de faire en mmetemps une chose et son contraire. Ce sera

    certainement possible pour les acrobatesdu transformisme capables dtrefavorables aux prisons du peuple le lundi,pour la destruction de toutes les prisonsle mercredi et enn sympathisants despeines alternatives le samedi mais quenest-il de ceux qui ont toujours dfendu lacohrence entre les moyens et les ns ?

    Il pse sur le frontisme la suspicionde ntre quun expdient tactique pour

    prparer lhgmonie communiste(Dictionnaire de politique, d. Utet)

    Que de malignit y a-t-il dans le monde,nest-ce pas ? Et pourtant, il suft de jeterun il aux textes diffuss jusqu prsentpour constater quon ny trouve aucunetrace de quoi que ce soit danarchiste, alorsquy abondent les tirades autoritaires.Certes, les anarchistes ont aussi leur partdans le cours de ces initiatives communes ;comme main duvre ils sont bien gentils.Mais le ton, inutile de le cacher, ce sontles autres qui le posent. Il y en a pourtoutes les nuances de labjection, de lancessit dun programme qui guideles luttes, jusqu lexigence de lancerdes campagnes politiques usageet consommation des militants, le toutassaisonn dappels au devoir, sousles auspices de la victoire, aux saluts ceux qui sont tombs avec honneur.Programme, honneur, politique, victoire,devoir... tous ces concepts sur lesquels

    se serait dchane lironie iconoclasteanarchiste il y a quelques annesrecueillent aujourdhui au contraire,sinon un vaste consensus, au moins de lacuriosit et une indiffrence complice.Comment en est-on arriv ce point ? Eneffet, on peut se le demander, mme si lesrponses pourraient sonner de manireplutt dsagrable. Cest peut-tre unhasard si lagitation frontiste a commenc se propager aprs que les rapports entrecompagnons plus proches soient partis en

    miettes (ce qui, par ailleurs, sest produitdans les deux camps) ? Mais si on nest pasen mesure de faire des choses ensembleavec ceux qui sont plus proches, commentpeut-on penser russir le faire avec ceuxqui sont plus loigns ? Cest peut-tre unhasard si la tournure actuelle a trouv unterrain fertile l o le critre dafnit (ontrouve des compagnons sur la base desides quils ont dans la tte) a laiss place celui daffectivit (on trouve les ides surla base des compagnons quon a autour desoi) ? Mais si nos compagnons ne sontplus ceux qui partagent notre vision dumonde, mais plutt ceux qui nous sontgnriquement sympathiques, jusquoslargira ce front et au nom de quoi ? Est-ce un hasard si unir ce qui est diffrent,pour ne pas dire oppos, est plus facilelorsque le brouillard qui bouche la vueest tel quon ne saisit plus les diffrences ?Mais une fois la critique mise au ban, vuecomme une source de discorde pluttquutilise comme un instrument declarication, comment peut-on penser

    maintenir sa propre autonomie et viterde devenir une masse de manuvrepour dautres ? Est-ce un hasard si cetteouverture vers des militants politiquescorrespond une certaine mance, pour

    user un euphmisme, envers de possiblesdbouchs sociaux des luttes ? Navait-on pas toujours soutenu que la questionsociale ne peut en aucune manire treconfondue avec la question politique ? Ce

    qui passe par la tte des rvolutionnairesautoritaires est facile imaginer. Animauxpolitiques en voie dextinction, ils sontcontraints pour survivre denvisagerune collaboration avec les anarchistes ;pour eux, nous sommes sincres, au fonddu fond. Il serait en revanche beau etintressant de savoir ce qui passe par latte de ces anarchistes. Malheureusement,il est inutile dattendre une rponse deceux qui sont barricads depuis longtempsderrire un silence quils voudraient digne,mais qui en ralit nest quembarrassantautant pour le confusionisme quilsous-tend que pour les bassesses quilalimente. Que ces anarchistes aillentdonc faire les idiots utiles pour les menesautoritaires, si a les aide se sentir actifs.Libres de croire que trois pels noirs plustrois pels rouges font une multitude dervolutionnaires...

    Au lieu de nous lamenter de seretrouver tous seuls, nous aurions d

    toujours chercher, en tout temps, en

    chaque lieu et vnement, tre seulscontre tous ... Nous ne devons vouloirde compromis daucune sorte, daucune

    voie dtourne, daucune alliancequivoque, daucune aide de faux amis,daucun expdient de canaille. Nousdevons entrer seuls en lice, sans secompter et sans compter les ennemis,sans autre force qui ne soit la ntre(un vieil anarchiste italien, 1920)

    Non, ce nest pas du masochisme. Cest

    le fruit dune certaine manire de vivrela vie, et donc sa transformation radicale.Une manire qui ne se base pas surlaspect quantitatif du problme, maissur celui qualitatif. Nous sommes peu

    Italie

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    nombreux, cest vrai. Nous sommes seuls,cest vrai. Et alors ? Nous navons jamaisdfendu la tyrannie du nombre. Si nousltions, nous serions des dmocratesrformistes. Au contraire, navons-nouspas toujours dfendu quune tincellepeut sufre incendier la prairie ? (Unemtaphore reprise avec une certainehypocrisie par certains frontistes : maissi un petit briquet et la contributiondu vent sufsent, quoi leur serventles fronts largis ? A brasser du ventavec leur atulences idologiques ?)Nous continuons penser que ce nesera aucune avant-garde, aucuneminorit active qui fera la rvolution,mais quune telle uvre dmesure nepeut qutre le rsultat de forces socialesimpossibles prvoir, impossibles contrler, impossibles diriger, maispossibles dchaner. En deux mots, nous

    ne pouvons que viser tre le dtonateurdune explosion sociale, ou bien en largirles effets une fois dclenches. Et alors,pourquoi toute cette peur et cette honte cause de notre nombre rduit ?Dans la Russie de 1917, sur unepopulation de 185 millions de personnes,les anarchistes taient au maximum 3000.Mais dans des conditions sociales quiavaient mut, au cur de la tempte, ces3000 anarchistes reprsentaient un teldanger pour la dictature bolchvique quil

    a fallu leur extermination immdiate. Ceci,parce quau cours dune rupture sociale,tout devient possible, mme limpossible.La libert si longtemps rprime, tenueen bride par les coutumes sociales, estdifcile contenir une fois dchane : ellese diffuse, stend, contamine ce quellerencontre sur son chemin. Des citoyenshonntes qui le jour davant taientdes esclaves soumis deviennent desrvolts pleins daudace. Cest vriabledans toutes les rvoltes, dans toutes lesinsurrections, dans toutes les rvolutionsde lhistoire. Cest justement pour celaque a na pas de sens de se compter et decompter nos ennemis, dans lespoir que lersultat nal soit en notre faveur. Laissonsaux autres cet objectif odieux.Lide quantitative de la rvolution, cellequi ncessite une organisation solide, avecun programme prcis, une stratgie dnie,qui uvre rassembler progressivementsous ses drapeaux les compagnons nde faire front face lennemi de classe,cette ide est typiquement autoritaire et

    centralisatrice. Cest une ide qui peutse vanter davoir derrire elle plus dunsicle de dfaites et de trahisons, en plusdun sicle dinfmie. Cette ide, quiagonise depuis des annes, invoque

    prsent notre aide. Et nous, plutt que demettre n ses jours, nous nous efforonsde la ranimer ? Est-ce vraiment nousquil revient de contribuer organiserdes initiatives au cours desquelles sont

    couls les images pieuses de Staline et leslauriers du Che ? Peut-tre parce y a-t-ilaussi des compagnons braves et dignesparmi les autoritaires ? Mais l nest pas laquestion. Cest plutt : pour quel mondese battent-ils ? De quelle substance estfaite leurs rves ?Ne nous faisons pas dillusions. Noussommes vraiment peu la surface de laterre dsirer une libert absolue dansun monde priv de toute domination. Sinous avons vraiment cette perspective

    cur, dans son unicit, si nous nevoulons pas quelle devienne une lefolklorique perdue dans le grand archipelde la gauche, nous devons tirer auclair labysse qui nous spare de ceuxqui habitent sur cet archipel. Certainsentendent unier (cest--dire rduireles diffrentes units autonomes en untout homogne et organique) parcequils pensent quhomognisationrime avec efcacit, ils veulent que lesindividus se transforment en masse, ilsesprent centraliser le mouvement en unegrande force. Mais dautres entendentau contraire diffrencier pour permettre chacun dagir comme il le dsire,prfrent que les masses se transformenten individus, veulent dcentraliser lemouvement en une myriade de groupesautonomes. Une ventuelle union entreautoritaires et anti-autoritaires ne peutqutre une affaire politique, qui sera aubnce exclusif de ceux qui possdentune mentalit politique.

    Lchez le certain pour lincertain.Descendez dans la rue(un ennemi de lennui)

    Mais vous nen avez pas ras-le-bol des

    cabrioles de la politique ? Vous ntes pasencore fatigus des compromis tactiquesqui promettent tout et ne tiennent rien ?Qui en plus de ne rien vous apportervous privent de ce que vous tes ? Vousne vous sentez pas encore pathtiques etignobles en singeant den bas les bouffonsde Palais ? Alors, Fassino avec Prodi, lesDisobbedienti avec Rifondazione, Folliniavec Fini, les anti-imperialistes avec lescommunautaristes, Pecoraro Scanioavec Diliberto, les anarchistes avec lesautonomes ; non larticle 270 du codepnal, oui au rfrendum sur le statut destravailleurs ; Milan nous avons perdu, Bologne nous avons gagn, Rome nousavons fait match nul...Abandonnons une fois pour toutes lepalais et ses couloirs, quils soient grandsou petits ; descendons dans la rue. Cestvrai, nous y trouverons de nombreux

    tres en chair et en os rsigns, mais aussipeu de militants politiques endoctrins.Et alors ? Cest l que sont les exploits,cest parmi eux quil faut semer le germede la rvolte, et non au milieu desrestes certains dj avaris duneclasse politique avide de revanches. Lesexploits sont sourds et indiffrents,alors que les militants politiques sontattentifs et disponibles ? a veut direquon cherchera le moyen de secouer lespremiers, plutt que de sallier avec les

    seconds. a veut dire quon chercherale moyen dimpliquer les premiers dansdes vnements inconnus, leur faireentendre des paroles insouponnables,briser les limites de leur pense plutt quede convoquer les seconds aux initiativeshabituelles, leur faire gueuler de fadesslogans, couvrir tout le territoire parun travail politique. Pour faire que lespremiers snervent, pour les chambouler,les faire sortir hors deux, plutt que delisser le poil des seconds, les persuader, lesconduire derrire nous.Dans ce texte, on ne propose pas desolutions, on pose des problmes. Maissi on ne pose pas le problme, commentpeut-on chercher la solution ? Mais touta est absurde cest bien plus difcile !Mais tout a est absurde cest quasiimpossible ! Cest vrai. Si, si, cest vrai.Mais quest-ce que nous voulions faire, aujuste ? Ah ouais, la rvolution...

    [Traduit de litalien. Texte qui a circuldbut mai 2005]

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    A lair libreNotessur la rpressionet ses contours

    Nous devons abandonner tout modle, ettudier nos possibilitsE.A. Poe

    LESNOTESQUISUIVENT naissent dune exigence :celle de rchir ensemble sur la situationactuelle an de trouver le l dune perspectivepossible. Elles sont le fruit de plusieurs discussionsau cours desquelles se sont mlangs le bilancritique dexpriences passes, linsatisfaction propos des initiatives de lutte actuelles et lespoir dans lespotentialits existantes. Elles ne sont pas la ligne dun groupeen comptition avec les autres, ni ne sous-tendent la prtention etlillusion de remplir les vides de vie et de passions projectuelles

    partir de laccord plus ou moins formel sur certaines thses. Sielles contiennent certaines critiques dplaisantes, ce nest pas pourle got en soi de les remuer, mais plutt parce que je crois quil estaussi urgent de se dire les choses dsagrables. Comme toutes lesparoles de ce monde, elles ne trouveront un cho que chez ceuxqui ont une exigence identique. En somme, une petite base dediscussion pour comprendre ce quon peut faire, et avec qui.On sait par exprience quune des plus grandes forces de larpression est de semer la confusion et de distiller la mance parmiles autres aussi bien quen soi-mme, et de crer des fermeturesidentitaires et des suspicions plus ou moins paralysantes. En cesens, plus tt seront approfondis certains problmes, et mieuxce sera. Des temps difciles se prparent, au cours desquels noshabitudes pratiques et mentales ne seront pas quun peu secoues.

    Sil est vrai que le prjug le plus dangereux est celui de penser nepas en avoir, cela me ferait toutefois plaisir que ces notes soientcritiques pour ce quelles disent, sans lecture a priori. Un tel dsiren explique le ton aussi bien que le style.

    Une maison inhabitable

    La situation dans laquelle nous nous trouvons me semble tre cellede ceux qui se barricadent entre quatre murs pour dfendre desespaces dans lesquels ils nont pas envie de vivre. Cest pourquoidiscuter douverture, dlargissement et dalliances cache le fait quenous sommes en train de dfendre une maison en ruines dans unquartier inhabitable. La seule issue me semble tre dincendier leslieux et daller lair libre, en y chassant lodeur de moisi. Maisquest-ce que a veut dire, en dehors de la mtaphore ?Lpoque dans laquelle nous vivons est si prodigue enbouleversements que nos propres capacits dinterprter lesvnements, et encore plus de les prgurer, sont tombes (ou sonten train de le faire) sous les dcombres. Si ceci concerne tous lesrvolutionnaires, les visions du monde et de la vie bases sur lesmodles autoritaires et quantitatifs en sortent particulirement enpiteux tat. Les gestionnaires des luttes des autres ne grent plusque dinutiles reprsentations politiques de conits dj pacis ;et les luttes qui percent la pacication se laissent toujours moinsgrer. Lillusion du parti sous toutes ses formes est dsormais lecadavre dune illusion.La disposition, lalignement et la dissolution des forces en prsence,

    dans les petits comme dans les grands conits sociaux, est toujoursplus mystrieuse. Ce qui a toujours t un de nos traits distinctifune vision non homogne et non cumulative de la force, unerpulsion pour la dictature du Nombre correspond en partieaux conditions sociales actuelles et aux imprvisibles possibilitsde rupture quelles contiennent. Des transformations elles-mmes

    de la domination travers son rseau destructures, de technologies et de savoirs auxvnements comme la gurilla en cours en Irak,

    nous pouvons tirer quelques enseignements. Ilsemble clair que les conits se droulent toujours

    moins au sens dun affrontement de deux armes oufronts, et toujours plus au sens dune myriade de pratiquesdiffuses et incontrlables. Une domination faite de mille

    nuds pousse ses ennemis se rendre plus imprvisibles.Une faon non centralise de concevoir les actions et les

    rapports nest pas seulement plus libertaire, donc, mais aussiplus efcace contre les mailles du contrle. Si une telle conscienceexiste sur le plan thorique, nous ne russissons pas toujours lappliquer dans nos propositions pratiques. Dun ct on

    afrme que le pouvoir nest pas un quartier gnral (mais pluttun rapport social), dun autre pourtant on propose des initiativesqui le reprsentent ainsi. Je pense que nous devrions chercher lesformes daction plus adquates nos caractristiques et nos forces(quantitatives et qualitatives). Malheureusement, nous continuonsde penser quagir quelques uns doive forcment vouloir direagir de manire isole. Cest ainsi que face lincarcrationde compagnons et, plus gnralement, lexacerbation de larpression, ce sont toujours les mmes propositions qui sortent : lerassemblement, la manifestation, etc. Il ne sagit pas, bien entendu,de critiquer ces formes de protestations en tant que telles, maisla mentalit qui le plus souvent les accompagne. Dans certainscontextes actuellement surtout locaux, lintrieur dune sriedinitiatives, mme la manifestation ou le rassemblement peuvent

    avoir leur sens. Mais lorsque cet entrelacement entre les formesdactions manque, et, surtout, lorsquon raisonne entre strictscompagnons, je pense que rpter certains modles nit par crerun sentiment dimpuissance et par reproduire le mcanisme connudes chances plus ou moins militantes. L aussi, il y a besoin dairfrais. On peut sorganiser, mme cent, en voulant, pour intervenirde faon intressante en manifs plus ou moins vastes. Mais si onest cent et pas un de plus, disons, pourquoi faire une manif ? Quepeuvent faire cent compagnons dans une ville dont ils connaissentles points nvralgiques ? Quest-ce que nous enseignent toutes cesluttes qui, au niveau mondial, redcouvrent lusage passionnant etpotentiellement subversif du blocage ?Beaucoup se sont rendus compte que le problme de la rpressionne peut tre rduit au cercle des rvolutionnaires. La rpression

    directe comme indirecte implique des franges toujours pluslarges de la population. Cest la rponse dune domination quisent crouler la terre sous ses pieds, consciente de labme qui secreuse entre linsatisfaction gnrale et la capacit de rcuprationde ses serviteurs historiques : les partis et les syndicats. Sans enapprofondir ici les raisons, il suft de dire que si les subversifsparlent autant de prison cest parce quil est toujours plus faciledy nir et quils sentent, en mme temps, la ncessit de ne pas selimiter, face un tour de vis complexe, la dfense de ses proprescompagnons incarcrs. L commencent les problmes. Si onne russit pas sopposer la rpression indpendamment desindividus sur lesquels elle sabat, alors chacun dfendra ses propresamis et compagnons, ceux dont il partage les ides, les passions etles projets et cest invitable quil en soit ainsi. La solidarit contrela rpression, lorsque cette dernire frappe des rvolutionnairesavec lesquels on na aucune afnit, doit tre bien distincte dusoutien aux projets politiques quon ne partage pas ou qui sontjustement antithtiques ses propres dsirs antipoliticiens. Or, plusle cercle des initiatives se restreint aux rvolutionnaires, plus on

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    risque justement daider ressusciter des hypothses autoritairesheureusement en ruines. Plus elle est vaste, vice et versa, et plus lesdeux niveaux (celui de la solidarit contre, et celui de la solidaritavec, cest--dire de la complicit) sont bien sparables. Ainsi, il estplutt tonnant que, sachant la porte sociale et universelle de lamanie rpressive, il soit propos comme solution de plusieurscts lunit daction entre... les composantes rvolutionnaires.De cette faon, non seulement on sisole du reste des exploits quisubissent comme nous le poids du contrle social et de la icaille,mais on sillusionne aussi sur un des aspects non ngligeables : unetelle unit daction a un prix (peut-tre pas dans limmdiat, si lesrapports de force sont favorables, mais la longue si). Si plutt quedtre cent anarchistes une initiative, nous sommes cent cinquanteparce que nous rejoignent cinquante marxistes-lninistes, et quepour obtenir cela on doit signer des afches et des tracts rdigsdans un jargon plus ou moins impntrable, il sagit peut-tre ldun quelconque largissement ? Ne serait-il pas plus signicatifdorganiser une initiative, mme dix, mais en affrontant lesproblmes ressentis par beaucoup et en exprimant des contenusplus proches de notre faon de penser et de sentir ? Quant lasolidarit spcique avec nos compagnons lintrieur, il existebien dautres formes...Je ne voudrais pas que cette attitude soit lue comme une fermeture

    idologique ou comme la recherche dune hgmonie sur dautresgroupes. Cest justement pour ne pas raisonner en termes de sigles,de chapelles et de formalismes quil vaut mieux que les propositionssoient larges et claires, sans avoir comme interlocuteurs des groupespolitiques prcis, mais au contraire tout un chacun qui se sentconcern : ensuite, ceux qui veulent participer dgal gal sontles bienvenus. Si les autres rvolutionnaires appliquaient la mmemthode, cela serait protable tous. Il otte un air dalliancesplus ou moins de convenances que je trouve irrespirable. Les frontsuniques, les units daction entre forces rvolutionnaires bien au-del dun objectif spcique de lutte, dans laquelle on se confronteavec toute personne intresse, quelle soit un camarade ou pasfont partie, pour moi, de la dfense dune maison inhabitable.Et ceci, indpendamment de combien Pierre ou Paul sont des

    personnes gentilles, correctes ou sympathiques ; cest un problmede perspectives. Rpondant Bordiga,Malatesta dit une fois plus ou moins cela :Mais si, comme le prtendent ces marxistes,les diffrences entre eux et nous sont si subtiles,pourquoi plutt que de vouloir nous faire adhrer leurs comits ne viennent-ils pas dans lesntres ?. Faire les choses entre anarchistes,donc ? Pas du tout. Agir sur des bases claires,mme quelques uns, mais sadresser tousles exploits, tous les insatisfaits de cetteperptuit sociale. Et insrer dans ce quenous disons et faisons quil sagisse dunelutte contre les incinrateurs, contre les

    expulsions ou pour un toit le problmede la prison (et donc de nos compagnons lintrieur). Non pas en juxtaposant ouen collant au reste la question carcrale,mais au contraire en dvoilant les liensrels sur la base de lexprience commune.Nimporte quelle lutte autonome se heurte,un jour ou lautre, la rpression (soit enlaffrontant ouvertement, soit en se repliantpour lviter). Mme les occupations demaison posent le problme de la police, des intrts quelledfend, du contrle des quartiers, des ghettos et des taules.Lauto-organisation sociale est galement toujours une auto-dfense contre la rpression.

    Sauter au cur de loccasion

    Nous avons, sous certains aspects, une occasion historique : celledintervenir dans des conits sociaux prsents et venir sansmdiation. Si les pigones des forces autoritaires qui ont touff tantdlans subversifs sont, comme nombre et projets, mal en point,pourquoi les aider sortir de leur dsastre ? Pourquoi sattarderparmi les momies alors que le vent soufe fort ? Eux font des calculspolitiques, nous pas. Cest dans lexprience pratique quon verra

    qui est vraiment pour lauto-organisation. Basons-nous sur cela.Avec le redploiement rformiste gnral, les quelques composantesanticapitalistes et anti-institutionnelles sont comme des incendiesdans la nuit la tentation est donc forte de sen tenir strictementen de de certaines barricades. Mais ce nest pas l que rsidenotre force. Fourier disait quune passion est rvolutionnaire sielle permet une lvation immdiate du plaisir de vivre. Cela mesemble tre le critre le plus able. Je sais que de nombreux jeunesse sont rapprochs de certains milieux anarchistes parce quils ontdcouvert quon vit mieux avec la solidarit et le courage de sespropres ides. Pourquoi ? Parce que le poids de la marchandise etdu travail est moins fort lorsquon laffronte ensemble, parce que lescomportements hors-la-loi sont contagieux pour ceux qui aiment lalibert, parce que les rapports amoureux peuvent tre plus sincres

    et plus satisfaisants sans bride, parce que dans lunion de la penseet de laction se renouvelle, comme le disait Simone Weil, le pactede lesprit avec lunivers. Voil ce que lenthousiasme celui de lalgret soucieuse et non pas celui de la frivolit dcourageantedevrait apporter nos pratiques. Parce que porter la panique lasurface des choses est passionnant ; parce quil ny a pas de ftesans rupture de la normalit. Laissons dautres certains langagesde militants tristes et fuyons les modles que connat et attend lepouvoir.On ne sortira pas du gu sur lequel on se trouve actuellement parquelque initiative, mme bien russie. Il faut savouer que les tempsseront plutt longs. Trouver des afnits relles, exprimenter nouveau des formes daction collective articules et imaginatives,berner le contrle policier, sont des possibilits rinventer au

    milieu de mille obstacles. Oui, mais en attendant les compagnonssont dedans, en attendant la rpression schauffe pourrait-on nous rpondre. Mais la meilleure chose que nous puissions

    entreprendre pour les compagnons incarcrs nest-elle pas de rendre socialement dangereuse cetteexigence de vie pour laquelle ils sont enferms ?

    En un sens, il est inutile de se regarder dansdes miroirs politiques qui nous disent que

    nous sommes nus. Mieux vaut unenudit consciente que quelque habit tissdillusions. Mieux vaut recommencer

    zro, loin de lodeur de cadavres et dubric--brac idologique incomprhensible auxindsirables de ce monde.

    Voil, il y a besoin pour de multiplesaspects dune forte secousse qui porte descomportements inous dans les rapportsindividuels comme sur la place publique. Non

    pas au sens du got de jouer les histrions etde faon autopromotionnelle dans une sorte de

    veine artistique notoirement cadavrique, maiscomme une nouvelle exigence de vie qui safrme

    effrontment. Dune tension thique qui ne confondejamais oppresseurs et opprims, et qui npuise pas

    son propre soufe contre les serviteurs du pouvoiren cherchant sen librer, par la violenceaussi mais pour aller au-del. Il y a besoindune nouvelle bont, arme et rsolue, capablede bouleverser les calculs de boutiquiers de nos

    contemporains, capable de faire du mprisde largent un comportement individuelet social. Il y besoin, en somme, quelinsupportabilit de ce monde de son

    Italie

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    travail comme de ses maisons, de ses biens de consommationcomme de sa morale trouve sa propre expression irrsistible,constante, quotidienne. Cest dans notre vie que se joue la guerresociale, parce que cest dans la vie de tous les jours que le capitaltisse son rseau dalination, de dpendance, de petites et grandescapitulations. Cest l lalpha et lomga de toute subversionsociale.

    Ne dites pas que nous sommes peu...

    Dites seulement que nous sommes. Cest ainsi que commenaitun autocollant antimilitariste il y a plusieurs annes. Il continuaitensuite en disant quil sufsait de quelques nuages noirs pourobscurcir le ciel. Il ne sagit pas uniquement dune astuce deloptimisme, mais aussi dune exprience relle.Pendant de nombreuses annes au moins une quinzaine il y a euen gnral peu dattention dans le mouvement anarchiste dactiondirecte (celui qui est autonome de la Fdration Anarchiste et dusyndicalisme, pour tre clair) aux conits sociaux et aux formes plusou moins signicatives dauto-organisation des exploits. Outre lesraisons historiques (le grande pacication des annes 80), ctait d un problme de mentalit. De nombreux compagnons qui parlaientdinsurrection un fait indubitablement social percevaient la

    socit comme un espace peupl presque entirement desclaves etde rsigns. Avec un tel regard, ils restaient ainsi suspendus entre lesdclarations de principe et leurs expriences effectives : indcis surle fait de mener une rvolte ouvertement solitaire, lents ouvrir leurporte des possibilits collectives (cest peut-tre de l, qui sait, quenaissait une certaine rancur ensuite balance dans les polmiquesentre compagnons). A ct de cette faible sensibilit aux luttes quirompent avec la massication mais qui sortent cependant decette massication, sest en revanche dveloppe une certainecapacit dintervention autonome lie une diffusion signicativede pratiques dattaques contre les structures de la domination (dunuclaire au militaire, en passant par les banques, les dispositifsde contrle technologique ou les laboratoires de vivisection). Aprsent, quelque chose est en train de changer, comme si une

    exigence individuelle confuse rencontrait de nouvelles conditionssociales et voici que des compagnons parlent limprovistede lutte de classe, parfois en empruntant lectures et jargon aumarxisme. Mais bien souvent, au-del de la rhtorique des tracts, lavision de la socit est reste la mme : autour de nous, en somme,il ny a que des complices du pouvoir. Je pense que dans tout ajoue pour beaucoup un manque dexprience de luttes socialesdirectement vcues et stimulantes. Quelques tentatives locales ontexist et existent, sans toutefois rejoindre cette difcult instructivedes conits plus larges. Encore une fois, nous sommes sur un gu.Certaines rexions pratiques sont nes sur la base des diffrentsblocages raliss par les travailleurs ou par dautres (1). Nous nousy sommes jets nombreux, demandant ces luttes beaucoup plusque ce quelles pouvaient exprimer sauf pour retourner chez soi

    en se plaignant de la servilit des exploits. Dautres occasions nemanqueront pas, pas plus quune plus grande attention de notrepart. Mais a ne suft pas.Je pense que cest moins que jamais le moment de renoncer au gotde laction directe, mme peu nombreux. Mais celle-ci devraitseulement tre majoritairement lie des contextes sociaux, des insatisfactions perceptibles. Combien doccasions avons-nousperdues (aprs Gnes, au cours des blocages contre les trains dela mort [qui transportaient armes et troupes italiennes en partancevers lIrak], aprs Nassiriya [o 19 carabiniers ont explos duncoup en Irak en novembre 2003], au cours de la tragdie duCap Anamur [bateau dimmigrs que la marine italienne a laisscouler au large des ctes], etc.) ? Le temps est llment au seinduquel vivent les hommes, et la rvolte est faite doccasions. Nousdevrions mieux tudier nos possibilits, plutt que de tourner ainsisouvent en rond. Il y eut diverses nobles exceptions, bien entendu(plusieurs actions aprs Gnes, dautres contre les biotechnologiesou la machine expulser, certains sabotages contre la guerre, etc.),mais sporadiques, entoures du bruit provoqu par une rhtorique

    inutile, par des proclamations au vent et une distinction pratique(et thique) tout sauf claire sur qui sont les ennemis. Et justementen une priode o, face la violence indiscrimine dont semparenttoujours plus souvent des instances de rsistance et de librationdes damns de la terre, cette clart serait ncessaire. Surtout de lapart de ceux qui rptent sans cesse que la meilleure thorie estla pratique, mais laissent ensuite au hasard beaucoup de ce quilsfont (2). Peut-tre qublouis par les effets spciaux du spectacle,nous sommes les premiers peu croire aux consquences de nosactions (nous laissant aller l peu prs), ou bien en exagrer laporte (nous laissant prendre par lillusion mdiatique). Il y a desconsquences qui continuent produire des causes.

    Le grand jeu

    Le grand jeu, me semble-t-il, rside dans la capacit de runir unecertaine dose de non-conformisme quotidien (perturber partouto cest possible la normalit sociale, des dbats citoyens auxfoires la consommation et labrutissement culturel, du travail la paranoa du contrle) avec la clrit daction au momentopportun. En tant des vhicules de la joie de vivre et non desCassandre du futur effondrement du capitalisme. Pour que lactionanonyme et destructrice exprime la construction dune vie qui ne

    soit pas anonyme. Trop vague ? Certes, et il ne pourrait pas en treautrement. Sagissant du plus srieux des jeux, cest chacun dejouer la partie. Les difcults existent et sont normes, vu la perteprogressive des espaces dautonomie, tragiquement rods par lesystme social actuel et ses mille narcotiques technologiques. Etpourtant, les limites rsident surtout dans notre rsolution et notrefantaisie, lourds que nous sommes du fardeau de lhabitude desgestes, des paroles, des rapports. Une rencontre plus large entreles diffrents milieux natra des parcours respectifs dautonomiede pense et de lutte, non pas dune somme de forces dicte parlurgence. Alors, les discussions ne seront pas un ballet immobilede phrases toutes faites, mais au contraire loccasion dapprendreles uns des autres, de faire nalement communiquer les modes devivre, cest--dire les mondes rciproques. Alors retrouverons-nous

    la conance et lenthousiasme, et quelque chose qui ressemble une exprience commune pourra natre.

    La rvolte est aussi la rencontre entre la lgret et la rigueur.

    Un ami de Ludd

    [Traduit de litalien. Texte qui a circul en septembre 2004]

    Ndt:1. LItalie connat peu de grands mouvements sociaux la franaise. Aussila grve sauvage des traminots et chauffeurs de bus de dcembre 2003 avecblocage des dpts a-t-elle pris au dpourvu les compagnons, qui aprs untemps de latence se sont lancs dans les grandes villes avec enthousiasme

    dans des pratiques de solidarit (voir les traductions de Quale Guerra dansCette Semaine n87, fvrier/mars 2004, p.19). La reprise de la lutte en ValSusa contre le TAV partir de septembre 2005 a souvent constitu pournombre dentre eux la premire exprience de lutte sociale et populairelargie.2. Nous y voyons l une claire allusion critique aux mthodes de laFdration Anarchiste Informelle alors naissante, dont plusieurs actionsrevendiques consistaient en lenvoi de colis pigs, laissant au hasard delacheminement postal et des personnes charges douvrir le courrier desgrands de ce monde le soin dtre cibles ou ct de la plaque.

  • 7/31/2019 Cette Semaine N91

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    18Cette Semaine / dcembre 2006

    A la seora Mercedes Gallizo,Directrice Gnrale des InstitutionsPnitentiaires,

    Estime seora, je suis un prisonnier FIES,rcemment sorti de lisolement, aprslavoir subi ces 15 dernires annes. Lergime FIES a t cr en t 1991 par desmembres de votre parti pour faire face auxnombreuses mutineries et autres actionsperptres au cours de ce mme t. Touten permettant au passage dcarter lesprisonniers les plus vindicatifs, il a pudonner une nouvelle optique la politiquecarcrale espagnole et la rendre conformeaux ncessits europennes. Mon intention

    nest pas de madresser linstitution quevous reprsentez, mais la personne quiporte le titre de Directrice Gnrale...Il y a trois ou quatre mois, vous avezvisit le Centre Pnitentiaire dAlbolote Grenade. L, vous avez eu loccasion devous entretenir avec diffrents dtenus.Lun dentre eux, Claudio Lavazza, a tlongtemps soumis au rgime FIES.Je connais trs bien Claudio, car cestun compagnon et ami avec lequel jaipartag plusieurs annes disolement et

    de nombreuses vicissitudes. Claudio estun prisonnier anarchiste qui a subi huitans durant le rgime FIES pour ses idespolitiques et son parcours dlictuel. Ilest sorti disolement en mars 2005 et

    vous avez eu loccasion de parler aveclui, puisquil a t lu dlgu gnraldes dtenus de la centrale dAlbolote...Vous vous tes prsente l-bas entourepar une foule de gardiens et par ceuxqui semblaient tre vos gardes du corps.Mais il a t jug plus opportun de fairesortir ceux qui vous