bien qu'elle semble incroyablement abstraite, le design thinking* est

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  • 2014, Vronique Hillenwww.veroniquehillen.com

  • 101 repres que jai dcouverts pour innover grce au design thinking

    Fondatrice et Doyenne de Paris-Est d.school

    VRONIQUE HILLEN

  • introduction

    tous ceux qui ont vcu lexprience du design thinking...Jespre que ce livre sera source dinspiration pour tous ses lecteurs.Ce livre est la rsultante dun voyage physique, intellectuel, motionnel. Chaque concept voqu a t inspir, vcu et partag, plus ou moins intensivement. Ainsi, je remercie :- celle avec qui jai vcu le plus intensivement ces dernires annes cette merveilleuse aventure dexploration et de cration quest Paris-Est d.school, Claire, inspirante, dynamisante et ralisatrice,- tous les lves de nos programmes depuis 2007 avec une palme mue pour les GIs et les ME310,- tous les professeurs qui sengagent dans cette aventure et nous font confiance,- tous nos partenaires acadmiques, et en premier lieu Stanford pour sa bienveillance, son ouverture et sa volont dchanger et de partager : Larry, Mark, George, Banny, David, Bernie, George...- tous nos partenaires industriels qui croient en notre projet pdagogique et le soutiennent intellectuellement, humainement et financirement,- tous nos collgues qui croient, participent et construisent au quotidien notre grand projet.

    tous ceux qui liront ce livre...Jestime que ce livre ne mappartient pas. En Europe, la cration appartient son auteur. En Inde, la cration appartient son public, puisque lauteur a dj t trs privilgi davoir eu le luxe de pouvoir sadonner cette activit. Ce livre appartient donc ses lecteurs, puisque son principe de cration est quil serve de base de futures ditions (thmatiques, acadmiques, dentreprise...), et puisque seule la capacit de rappropriation de lunivers du design thinking par le lecteur est source de valeur pour lui : plus ces repres structureront sa pense et son action, plus il saura les scnariser : car seule la pratique lui permettra de matriser cette transdiscipline.

    Votre bienveillance est requise pour une lecture enrichissante...Linsertion multiple de termes anglosaxons pourra agacer ou irriter plus dune personne, ce qui serait bien comprhensif. Ce choix volontaire dutiliser les mots anglais comme concepts et points de dpart a un double objectif :- le premier est de reconnatre et montrer lorigine de notre discipline qui reste encore bien ancre dans la Silicon Valley; leur traduction immdiate naurait pas permis de mettre en exergue son berceau californien.- le deuxime est dexplorer la richesse culturelle et smantique quoffrent la traduction et linterprtation par rapport au contexte original*.

    * Nous avons cependant avec Jean-Franois Pernotte travaill la traduction de tous ces termes, afin de favoriser la rappropriation de cet univers par des rfrents franais.

    I

  • pourquoi ceci ?

    Quand on veut faire dcouvrir notre univers, la premire question est toujours : mais cest quoi le design thinking ? Trop souvent, jentends de la part de ceux qui pensent savoir, une rduction drastique trois variables au plus : cest de la crativit et du prototypage, avec (ventuellement lide) dquipes multidisciplinaires. Cest un peu comme si on disait de la France quelle se rduit au bret et la baguette. Ou de lAllemagne la saucisse et la bire. Certes, ce sont des caractristiques (peut-tre) dominantes (encore que je nen sois vraiment pas sre pour le bret !). Mais le danger est dtre proche de la caricature et de passer ct des subtilits dun univers bien plus riche, profond, inspirant.

    Le design thinking est comme une culture : quand vous visitez nimporte quel pays, vous en dcouvrez toutes ses richesses, son architecture, sa cuisine, ses styles vestimentaires, son patrimoine... Soit vous y passez comme un touriste press et nen captez quune minuscule partie avec des jugements de valeur tranchs. Soit vous y vivez comme un autochtone, tout en tant curieux, tonn et avide, alors vous en sentez toute la richesse, parfois dune faon plus profonde et plus subtile que les habitants eux-mmes. Car vous avez le regard extrieur, la curiosit de comprendre et dapprendre, le plaisir de la dcouverte et lenvie dy rester.

    Pour moi, le design thinking est comme une culture dans un pays donn. Quand je lai dcouvert, jai eu le fort sentiment dune vidence : Voil, cest bien cet univers auquel jappartiens. Je lai enfin trouv.

    La richesse de cet univers ma inspire et continue de minspirer. Jai cherch les codes. Je les ai interprts. Je joue avec eux pour scnariser un univers la fois fidle aux canons du design thinking mais rinvent en fonction des objectifs et contextes donns.

    Ceci retrace ma learning story : mes recherches, mes explorations, mes prototypes, mes exprimentations, mes dcouvertes. Je destine ce carnet tous ceux pour lesquels cet univers a t scnaris : tous ceux qui ont bien voulu participer au dfi dtre forms par nos programmes; tous ceux qui veulent nous rejoindre prochainement la d.school. Jespre que ce carnet sera aussi agrable lire que le plaisir que jai eu lcrire, et aussi inspirant pour vous que mon propre voyage.

    Vronique Hillen

    II

  • notre qute du graal :concevoir le produit culte

    La qute du Graal de tout innovateur est de concevoir et de lancer un produit culte. En fonction du cycle de lindustrie, cela peut tre tous les 6 mois comme dans la mode ou toutes les dcennies, comme pour les mdicaments, voire tous les 30 ans, comme pour des produits dpendant dinfrastructures.

    Quest-ce quun produit culte ? Ce nest pas un parfum, cest Chanel n5 ; ce nest pas un livre, cest Harry Potter ; ce nest pas une montre, cest une Swatch.

    La notion de produit est transcende au profit de la marque qui incarne lessence de lobjet, mieux que dans la dnomination du produit gnrique. Les gens ont une relation affective forte avec le produit culte qui traverse le temps et les cultures. Il devient un symbole, un repre historique. Il est simple en apparence et pourtant le fruit dinnovations de rupture, tant dans lidentit de lobjet que dans la faisabilit technologique et le modle conomique.

    Je vous invite couter la confrence de Marc Giget ce sujet :

    Produits cultes et best-sellers, les secrets des grandes innovations ,

    Les mardis de linnovation, disponible sur Vimeo (disponible sur vimeo.com/41075601).

    III

    http://vimeo.com/41075601

  • linnovation,cest voyager pour explorer...

    Trouver le produit culte est une aventure et pour vivre cette aventure, on a besoin dexplorateurs, doutils de navigation et dun navire...

    La boussole pour un voyage dexploration fructueux est de garder en mmoire ce qui fait de la valeur pour ceux pour qui on veut innover... Pour qui / pourquoi sont des mystres dcouvrir sur des terres inconnues...

    Mais pourquoi partir pour un si dangereux voyage ?

    Un explorateur comme Christophe Colomb a un projet, celui dtre le premier dcouvrir une route ou des terres jusque l inconnues. Sa premire motivation est la reconnaissance dtre le premier trouver ce monde inconnu. Il lui faut trouver des financements pour le bateau, lquipage et son matriel. Si chacun est prt prendre de trs grands risques, cest pour la promesse de richesses futures, surtout pour celui qui finance.

    Rien nexiste, tout le monde rve. Et pourtant il faut dj ngocier sur dhypothtiques trouvailles...

    Les terres inconnues vers lesquelles linnovateur veut naviguer est le monde extrieur lentreprise: Pour qui innover est le premier mystre dcouvrir lors de ce voyage. Comprendre ce qui fait sens pour ceux pour qui on veut innover est la rose des vents. Les comprendre mieux quils se connaissent eux-mmes (de lidentification de leurs problmes les plus oprationnels leurs rves les plus intimes) puis tre capable den dessiner les contours est le premier objectif : cest la carte de navigation quil faut dessiner pour les expditions venir...

    IV

  • fiabilit, performance ou pertinence ?

    Fiabilit et performance sont des valeurs importantes dans la russite dune entreprise, mais ce sont des prisons cognitives pour innover.

    La pertinence doit guider la performance et la fiabilit.

    Dans les oprations, les organisations sont contraintes par la recherche permanente de fiabilit : lobjectif est de produire des rsultats cohrents et prvisibles par la matrise de processus analytiques rigoureux et constamment rpts (rfrence R. Martin, 2009). Dans la recherche et dveloppement, les organisations sont domines par la recherche permanente de performance technique : lobjectif est de produire des rsultats suprieurs aux rfrentiels standards dans une dimension physique donne (vitesse, prcision) grce la matrise de nouvelles technologies. La cration de nouvelles connaissances est domine par la pense analytique, base sur deux formes de logique, linduction et la dduction. Ni la notion de performance, ni de fiabilit ne sont des critres dexcellence pour innover. Seule la pertinence par rapport au contexte donn sera dterminante. Pour innover, les organisations doivent tre domines par la recherche de cette pertinence : par rapport leurs clients, mais aussi leurs non clients, crateurs de futurs marchs, ainsi que par rapport leurs capacits internes dfinies par leurs ressources tangibles et intangibles. Lobjectif de la pertinence est de produire des rsultats qui correspondent un objectif dsir (rfrence R. Martin et la notion de validity ). La cration de nouvelles connaissances est domine par lintuition base sur labduction et qui doit tre guide par lart dobserver, de stonner, de sinterroger, dexprimenter.

    Frapper juste, avant de frapper fort.

    V

  • exploration versus exploitation

    Le modle dentreprise souvent rencontr est une socit qui sest cre sur une innovation principale, dcline en plusieurs produits qui ont t optimiss au fil du temps. Le risque est dtre victime du travers de lexploitation. Exploiter le filon de la premire innovation est une excellente stratgie. Il est mme vital pour une entreprise de capitaliser sur ce quelle sait faire de mieux. Mais dans un contexte concurrentiel, il faut aussi savoir retourner lorigine de ce qui a permis cette trouvaille, rapprendre de son territoire mais aussi en identifier de nouveaux, et trouver dautres opportunits dinnovation : cest lexploration.

    Un des dfis de nos entreprises est de trouver lquilibre entre exploiter et explorer. Objectifs, modes de raisonnement et principes divergent, do des tensions. Mais les deux sont ncessaires une stratgie vertueuse.

    Les entreprises qui auront le plus de succs dans les annes venir vont quilibrer la matrise analytique et loriginalit intuitive dans une interaction dynamique que jappelle le design thinking.

    Traduit de R. Martin, The Design of Business, 2009, p. 6.

    Une personne ou une organisation inspire par la discipline du design thinking cherche constamment un quilibre fructueux entre validit et fiabilit, art et science, intuition et analyse, exploration et exploitation.

    Traduit de R. Martin, The Design of Business, 2009, p. 62.

    VI

    adapt de R. Martin, The Design of Business, 2009, p.20.

    Grer un business et optimiser lexistant

    Connaissances explicites

    Efficacit sans risque

    Recherche de fiabilit, court terme

    Intelligence rationnelle

    Induction et dduction

    Raisonnement analytique avec des donnes du pass

    Comprendre des mystres et crer de nouvelles opportunits

    Ambigut, incertitude

    Risques, long terme

    Recherche de pertinence

    Intelligence motionnelle

    Induction et abduction

    Raisonnement intuitif avec cration dhypothses sur le futur

    EXPLOITATION

    EXPLORATION

  • comment partir en voyage ?

    Tout explorateur, aussi fou et tmraire quil soit, sait que prparer son voyage dune faon la plus minutieuse possible est un pr-requis pour affronter les imprvus qui ne manqueront pas de jalonner sa route. La prparation au regard de lexprience est gage de russite. Le bateau, lquipage et les outils de navigation sont trois piliers indispensables ce voyage vers des terres inconnues.

    Ce carnet est structur sur ces trois piliers* :

    Le navire (lieu de cration) symbolise le lieu o lon innove. Comme les explorateurs lors dans des grandes expditions du XVme sicle, ce lieu quest le bateau permettra de naviguer vers des terres inconnues, dexplorer, de dcouvrir et dy ramener ses dcouvertes. Plus quun lieu de travail, cest un lieu de vie. Il doit accompagner le voyage de nos explorateurs dans toutes ses phases. Il doit apporter une scurit motionnelle par rapport aux dangers du monde extrieur explorer. Il doit isoler pour mieux analyser. Il doit inspirer pour mieux crer. Il doit faciliter la ralisation de toutes les ides pour pouvoir ensuite les tester dans le monde extrieur.

    Lquipage (quipe projet) symbolise lquipe-projet qui innove. Comme les explorateurs lors des grandes expditions passes ou des courses actuelles, tout le monde participe la vie du bateau dans toutes ses phases, tout en ayant son rle de prdilection selon son expertise et sa personnalit. La constitution dune quipe est clef pour toute aventure. Chaque personne apporte son point de vue, son vcu, sa sensibilit, ses comptences, ses faons de faire, ses envies, ses rves.

    Les outils de navigation (mthode) : Portulans, cartes de Toscanelli, globes terrestres sont des cartes du territoire explorer, toujours approximatives avec le dernier tat des connaissances. Crer des cartes de navigation en explorant des terres inconnues tait un objectif des premires expditions. Explorer ces territoires pour y dcouvrir de nouvelles richesses est lultime objectif de ces voyages. Aprs la phase dexploration vient la phase dexploitation. Arbaltes, quadrants, astrolabes, sont des instruments permettant de se positionner pour trouver ou retrouver son chemin dans un voyage dexploration.

    * Traduction de notre triptyque de rfrence Place, People, Process.

    VII

  • VIII

    table des matires

    PLACELe navire 1 Stanford University

    2 Living Labs

    3 d.schools

    4 Hasso Plattner Institute / School of Design Thinking

    5 Aalto University / Design Factory

    6 Paris-Est d.school

    7 Espace et tat desprit

    8 2 Studio / Garage / Loft

    9 9 points de repre

    10 Latelier

    11 Espace projet

    12 Espace Fun

    13 Cuisine

    14 Espace Zen

    15 Brainstorming Room

    16 Bibliothque

    17 Matriothque

    18 Petit salon

    19 Le canap rouge

    20 Un lieu pour une culture

    21 Ceci vous appartient !

    22 Allez ouste, dehors !

  • IX

    table des matires

    23 Manifeste de nos valeurs

    24 Je fais, donc je suis

    25 Empathie

    26 Bienveillance

    27 Optimisme

    28 Confiance crative

    29 Intuitif et analytique

    30 Lintuition

    31 Les risques du QI

    32 Intelligences multiples

    33 Intelligence motionnelle

    34 Un profil en T

    35 Dduction et induction

    36 Abduction

    37 Dtour cratif

    38 Divergences et convergences

    39 quipe multidisciplinaire ?

    40 quipe transdisciplinaire !

    41 Collaboration radicale

    42 Epistmologies

    43 Constructivisme

    44 Pragmatisme

    45 Une aventure humaine

    46 Communaut

    47 Une icne : David Kelley

    48 Un pilote : Larry Leifer

    49 Un matre penser: Banny Banerjee

    50 Ingnieurs

    51 Designers

    52 Les 10 visages de lInnovation

    53 Les anthropologues

    54 Les interprtes culturels

    55 Les pollinisateurs

    56 Les passeurs de technologie

    57 Les exprimentateurs

    58 Les conteurs

    PEOPLELquipage

  • PROCESS

    X

    80 Conversations dynamiques

    81 Les personnages authentiques

    82 Benchmarks

    83 Lart de voir les besoins latents (Insight)

    84 Lart de voir des suites logiques (Pattern)

    85 Lart de voir juste (Frameworks)

    86 Impratifs

    87 PoV (Point of View)

    88 Crativit

    89 Rgles du Brainstorming

    90 Gnration post-it ?

    91 Slection des ides

    92 Lart de prototyper

    93 Diffrents types de prototypes pour diffrents objectifs

    94 Prototypes dexprience : Tests avec les utilisateurs

    95 Les petits pas gagnants

    96 Storyboard

    97 Imaginer lexprience idale

    98 Storytelling, ou lart de raconter une histoire

    99 Rflexivit

    100 chec ou apprentissage ?

    101 Learning Story

    table des matires

    59 Contexte dambigut

    60 Mystres, heuristiques et algorithmes

    61 Problmes dfinis versus flous

    62 volution des risques

    63 Briefs

    64 Le brief Design Thinking

    65 Contraintes et dialectique

    66 Design centr utilisateurs

    67 Design dexprience

    68 IDEO + d.school@Stanford

    69 Inspiration

    70 Idation

    71 Implmentation

    72 Lart de recadrer

    73 Penser par le dessin (visual thinking)

    74 Futur probable (foresight)

    75 Recherches ethnographiques (needfinding)

    76 De la diffrence avec une approche marketing traditionnel

    77 Fonctions versus Exprience (affordances)

    78 Utilisateurs extrmes

    79 Lart dobserver

    Les outils

  • Bien quelle semble incroyablement abstraite, le design thinking* est en fait concrtement ancr dans

    les quipes et les projets, bien sr, mais aussi dans des espaces physiques ddis linnovation.

    Tim Brown, Change By Design, 2010

    * La traduction franaise du titre de cet ouvrage ( lEsprit Design ) favorise linterprtation selon laquelle la culture design est la culture design thinking. Notre pratique montre que ce sont deux cultures diffrentes en France.

  • le navire

    Le navire symbolise le lieu o les quipes-projet innovent. Les espaces constituent la partie la plus visible et immdiatement perceptible par tout visiteur de notre univers. Lespace permet de faire un voyage rapide dans cette culture quest le design thinking. Il permet de crer un tat desprit et celui que nous recherchons est un tat desprit dexploration. Le rfrentiel pour les entrepreneurs de la Silicon Valley est le fameux garage o tout a commenc, ce sera le studio pour les architectes et designers. Pour ME310 Stanford, ce fut le loft au 5me tage du btiment aujourdhui dmoli du doyen de lcole de mcanique Frederick Terman, qui inspira notamment Hewlett et Packard.

    Lespace permet de dfinir clairement un territoire : attention, si vous entrez dans cet espace, vous franchissez les frontires de notre royaume, vous devez en respecter les rgles et les coutumes, pourrait-on dire. Lespace permet de dfinir un dehors et un dedans. Le respect de nos valeurs affiches sur le pilier dentre du studio et de nos espaces de travail est revendiqu.

  • Nos espaces sont scnariss selon trois niveaux :

    - Symbolique : incarner ltat desprit dexploration (versus un tat desprit dexploitation) et ses valeurs,- motionnel : crer le confort dun nid douillet pour nos quipes,- Fonctionnel : soutenir les quipes dans leurs diffrentes activits.

    Les repres ddis lespace sont structurs en deux blocs :

    - les rfrentiels du monde du design thinking dans le mouvement des d.schools, avec linfluence des laboratoires de vie europens,- les 9 rfrentiels qui structurent la scnarisation de nos espaces, suite mes observations lors de mon sjour dans la Silicon Valley ; cette scnarisation ne doit pas faire oublier limportance de la rappropriation et de la personnalisation des espaces par les quipes, afin dviter quils ne deviennent quun showroom.

    videmment le navire a pour mission de dcouvrir des nouveaux mondes : il faut donc le quitter, le plus souvent possible, pour aller sur le terrain, vritable lieu dimmersion et de ralisation.

  • Au coeur de la Silicon Valley, la mecque des innovateurs, Stanford est le symbole, le point de ralliement et la source dinspiration par excellence.

    Cest un lieu, un cosystme, un concentr dunivers et de disciplines trs diffrents, o les uns et les autres sont anims par le mme tat desprit : transformer ces nouvelles connaissances en des produits qui feront leur fortune de demain en tant quentrepreneurs. Stanford est un ple dexcellence qui attire les meilleurs du monde entier. Quand le navire attire le meilleur quipage... Cest aussi un lieu o le design thinking est dj riche dune longue histoire faite de nombreux projets.

    1

    Entre de Stanford University, Palm Drive, aot 2008

    stanforduniversity

  • living labs

    Le premier "Living Lab" fut cr en 2006 Helsinki en Finlande sur les applications mobiles dans la ville. Sous la prsidence finlandaise de lUnion europenne, dans le cadre des initiatives pour la comptitivit par la promotion de linnovation, plus dune cinquantaine ont t crs en Europe.

    Lobjectif initial est de mettre en place un environnement pour la conception partage dinnovations centres sur les besoins des individus .

    Ce laboratoire de vie permet de tester en grandeur nature diffrents produits ou services innovants en regroupant acteurs publics, entreprises et utilisateurs*. Cest une approche de rsolution des problmes radicalement nouvelle. Les Living Labs sont la version europenne du design thinking.

    * Dfinition de BeRgvall-KReBoRn, eRiKsson, sthlBRst,A Milieu for Innovation Defining Living Labs, 2009

    2

    Notre partenaire industriel Lapeyre la d.school pour tester et amliorer les prototypes avec les tudiants.

  • Aprs avoir rencontr David Kelley et Tim Brown IDEO en 2004, Hasso Plattner, fondateur de SAP, a t convaincu par limportance dune formalisation acadmique du design thinking. Il finance alors deux d.schools : lune luniversit de Stanford, puis lautre Potsdam.

    partir de cette impulsion, David Kelley, fondateur dIDEO, rassembla une quipe pour crer en 2005 la premire d.school Stanford, avec le manifeste suivant :- former de futurs innovateurs tre des penseurs et des faiseurs de ruptures,- utiliser le design thinking pour inspirer des quipes multidisciplinaires,- favoriser des collaborations radicales entre les tudiants, les professeurs et lindustrie,- sattaquer de grands projets et utiliser le prototypage pour dcouvrir de nouvelles solutions.

    Elle a commenc sur un tage de btiment, puis a t transfre dans un btiment dont lintrieur avait t parfaitement refait, puis dans son nouveau btiment qui a permis de regrouper le corps professoral et les diffrents programmes en design de Stanford. Elle offre aujourdhui une quinzaine de cours aux tudiants de toutes disciplines du campus. Elle a inspir nombres duniversits internationales pour la conception de programmes multidisciplinaires axs sur linnovation, soit sur le mme modle avec un btiment ddi et des programmes ouverts tous tudiants, soit en intgrant ltat desprit dans des cours existants.

    d.school(s)

    d.manifesto de la d.school de Stanford

    3

  • hasso plattner institute -school of design thinking

    La School of Design Thinking est ne en 2005 sur le campus de luniversit de Potsdam, en parallle la d.school de Stanford, au coeur de linstitut ddi linformatique HPI, fond par Hasso Plattner en 1998. Le btiment hberge les espaces ddis loffre de cours et de programmes de recherche en design thinking. Tant du ct du corps professoral que des lves, laccent est mis sur la multidisciplinarit. Ce partenariat permet une diffusion de la culture de la Silicon Valley en Allemagne.

    4

    Uli Weinberg, directeur de HPI - School of Design Thinking

  • La Design Factory, cre en 2008 Helsinki, se dfinit comme une plateforme exprimentale. Bnficiant dun btiment de 3500 m2 ddi et scnaris, elle cherche se redfinir constamment afin de crer lenvironnement idal, tant physique, social et mental, pour accompagner les cooprations internationales et interdisciplinaires entre diffrents acteurs intresss par le design afin de dvelopper des nouveaux produits. Elle se dfinit comme un hub apprenant de chercheurs, tudiants, professeurs et industriels. Elle accueille plus de 250 tudiants par an de toutes disciplines (ingnierie, conomie, arts), travers une dizaine de programmes, tous sous format projet, et abrite un incubateur.

    aalto university - design factory

    5

  • Dans le cadre de lappel projets dIDEFI (Initiatives dExcellences pour la Formation Innovante), le Ministre de lEnseignement et de la Recherche a labellis le projet de cration de la premire d.school franaise. Paris-Est d.school est porte par un consortium compos de lcole des Ponts ParisTech, lESIEE, lUniversit de Paris-Est Marne-la-Valle, lcole des Ingnieurs de la Ville de Paris et lcole dArchitecture de la Ville et des Territoires. Le projet d.school est financ sur le programme dInvestissements dAvenir lanc par ltat et mis en oeuvre par lANR. Sa mission est de devenir un dmonstrateur des pdagogies du futur en innovation par la discipline du design thinking.Situe dans le nouveau btiment Coriolis, elle offrira une douzaine de cours tous types dlves de niveau Master. Ces cours sont assurs par des quipes enseignantes des partenaires qui ont adopt cette philosophie et transform leurs pdagogies. Au-del de ses partenaires, la d.school est ouverte tout enseignant qui souhaite monter un tel cours dans son tablissement, franais ou tranger.

    paris-est d.school

    Le btiment Coriolis,cocon de Paris-Est d.school

    6

  • espace ettat desprit

    Tout un chacun peut ressentir une diffrence dtat desprit en fonction du lieu dans lequel il se trouve : la campagne, la mer, la ville, la montagne... Le bureau, la maison, une soire, un magasin...

    travers la scnarisation de nos espaces et certains codes, nous cherchons crer un tat desprit dexploration qui favorise nos valeurs : confiance crative et rciproque, solidarit, travail dquipe... Les espaces doivent tre autant fonctionnels qumotionnellement confortables.

    7

    Des tudiants devant la baie de San Francisco.

  • Dans la tradition du design industriel hritier du mouvement Arts&Craft, le studio est le nom donn au lieu cratif des designers. Dans la tradition de la Silicon Valley, cest le mythe du garage o linventeur a ralis ses premiers essais pour dmontrer la faisabilit technique de son ide.

    Dans le phnomne des d.schools, on parle plutt de "loft": un espace ouvert avec une grande hauteur de plafond rassemblant jusqu une douzaine dquipes.

    studio / garage / loft

    8

    Des tudiants en plein atelier au studio de Paris-Est d.school

  • Visiter diffrents espaces ddis la cration de produit (appels loft, garage, studio) dans la Silicon Valley ma fait comprendre que malgr leur apparence premire vue dsorganise, ils taient toujours structurs selon 9 points de repre :

    cuisine espace fun

    bibliothque 7s shop / atelier

    espace projet matriauthque

    espace zen salon

    brainstorming room

    Nos espaces ont commenc avec un demi-tage, soit 150 m2 pour trois quipes temps plein (douze tudiants par an) et un cours hebdomadaire de quarante lves. Aujourdhui, nous disposons de 300 m2 avec accs une salle de prototypage de 400 m2, huit salles de cours et un amphithtre dans un nouveau btiment nergie positive des plus innovants.

    Lamnagement, aussi modeste quil soit, doit crer une rupture dtat desprit par rapport des amnagements classiques. On doit se sentir dans un tat desprit dexploration, dexprimentation...

    points de repre

    99

  • Un atelier nest jamais plus de sept secondes de tout espace projet, do le nom anglophone, le 7s shop.

    Pourquoi ? Pour que, concrtement ou symboliquement, les ides deviennent une ralit le plus tt possible. Tout le monde a des ides. Le principal est de leur donner "forme" / "vie", une ralit tangible, mme sous sa forme la plus rudimentaire.

    Ces prototypes du carton aux kits lectroniques permettent de rconcilier "lesprit", "la main" et "le coeur" : une ide de lesprit sincarne par la main et fait appel au coeur, quand on peut la toucher et ressentir.

    latelier (7s shop)

    10

  • espace projet

    Chaque projet a accs un espace ddi dans le studio (dune salle ferme personnalise des lots reconfigurables et dfinis par des panneaux amovibles) o lquipe travaille. Les informations affiches (problmatique, pour qui on innove, pourquoi, solutions gnres et testes, rsultats, planning...) permettent une immersion rapide de lquipe, ainsi quune communication efficace avec tout visiteur. Un panneau blanc est constamment disposition pour capter toute ide. Toute personnalisation sous-entend un investissement motionnel et gnralement une plus forte implication de lquipe. La structuration et clart des informations est aussi symptomatique de cet espace que de la dynamique dquipe.

    11

    Espace projet de lquipe Valeo, ME310 2013-2014

  • La joie favorise la crativit et le jeu un esprit dquipe. Que ce soit un baby foot, une console de jeux, quelques peluches mascotte, une perruque, quon y joue ou que ce soit symbolique... le principal est de garder en mmoire quil faut garder son esprit denfant, la fracheur du regard, lenvie de jouer, encore et encore.

    On ne peut tre un innovateur srieux tant quon na pas lenvie ni la capacit de jouer. M. schRage, Serious Play, Harvard Business School Press, 2000

    espace fun

    12

  • Lieu de restauration (24h/24 pour certains), lieu de rencontres informelles, lieu de convivialit... La cuisine est au centre de la vie des quipes dans la Silicon Valley.

    Les SUDS (Slightly Unorganized Design Session) font partie de notre processus pdagogique : on se retrouve dune faon informelle pour partager quelques douceurs. Dans la tradition de Stanford, ce sont des moments o tout le monde est invit, ce qui favorise les rencontres imprvues, des conversations tout azimut. Dans la tradition franaise, la nourriture joue aussi un rle important. tre tous ensemble dune faon dcontracte resserre les liens de la communaut.

    cuisine

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  • Aprs avoir travaill depuis des semaines, la tte est pleine dides, de penses, de questions, lactivit du studio est intense... Il est temps de se dconnecter ! Que ce soit un sige oeuf, une yourte, un petit jardin, une pice isole et garnie de fatboy, le principal est de se sentir coup de lactivit du monde. Se retirer dans un lieu apaisant et faire le vide est le meilleur moyen pour voir se dessiner le chemin parcouru et la nouvelle voie quil faut prendre. Ce moment de rflection personnelle ( rflexivit ) est une partie intgrante du cheminement dexploration.

    espace Zen

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  • brainstorming room

    Lobjectif principal est de crer un tat desprit dexploration collectif, de rflchir tous ensemble, que ce soit pour analyser ou trouver des solutions. Cest une gymnastique intellectuelle collective qui doit respecter des principes fidles nos valeurs. Nous utilisons les 7 rgles dor dIDEO. Nous varions les agencements despace pour en mesurer limpact sur la dynamique de groupe... et peut tre que pendant cette sance rien nmergera, mais les esprits seront bouillonnants avec une confiance collective dans leurs facults cratives...

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  • "Food for thought", diront certains... Les livres sont l pour nous rappeler nos sources dinspiration (mentors, des success stories, des objets inspirants...), nous inviter la rflexion aprs laction, la pense analytique aprs lintuition, et nous encourager diffuser nos nouvelles connaissances. Les livres sont l pour nous rappeler lattitude prne par Henri Bergson :

    Agir en homme de pense, penser en homme daction. h. BeRgson

    bibliothque

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  • matriothque

    La matire inspire les ralisations. Pour rapidement donner naissance ses ides via des prototypes aussi rudimentaires quils soient, il faut disposition au moins du carton et du papier... mais souvent bien plus ! Une matriothque se construit au fil du temps en fonction de la nature des projets.

    On en trouve dans de nombreux studios, fidles la tradition Arts&Craft du design industriel. Certains les aiment numriques (notamment en codesign pour avoir des informations telles que leur impact environnemental), dautres ne supportent pas cette dmatrialisation... Alors, pourquoi pas les deux ?

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  • Petit Salon : nous lavons baptis ainsi. Un espace o on peut se rencontrer comme si on tait chez soi avec des amis dans un bon canap autour dune table basse. Vous ne pouvez que vous regarder, discuter, changer, dbattre, ressentir largument et lmotion de lautre... pour sopposer la froideur des salles de runion o chacun est derrire son ordinateur en train de traiter ses emails quotidiens, tandis quun orateur dverse une dluge dinformations et de chiffres via une prsentation.

    petit salon (living room)

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    Le premier Petit Salon aux dbuts de la d.school

  • le canap rouge

    Dans lespace de rencontre trne gnralement le fameux canap rouge : aprs une dizaine de lieux visits dans la Silicon Valley, je me suis aperue que cette pice matresse et symbolique tait toujours prsente.

    Le rouge symbolise de faon universelle le principe vital, sa puissance, sa force et son clat. Il entrane, encourage, provoque... Son rouge nous rappelle quil nous faut rester passionns, encore et encore.

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    Le studio de la Paris-Est d.school quip de son canap rouge (Steelcase)

  • Mme si le lieu est un repre fondamental, il ne doit pas devenir un sanctuaire. Ltat desprit quil incarne doit tre partag par tous dans lentreprise. Pour moi, le plus important est que le design thinking devienne une discipline qui permette de crer une culture adapte linnovation, et tout particulirement linnovation de rupture.

    Cest pourquoi nous croyons limportance de le diffuser par la formation : dvelopper des comptences, cest--dire des savoirs, savoir-tre et savoir-faire selon cette discipline pour crer une culture avec des valeurs comme louverture, la proactivit, lexploration, le collaboratif, la rapidit daction, la cration de valeur pour ses clients et non clients, lhumilit...

    Crer une nouvelle culture prend du temps. Cest un vrai travail dorfvre.Culture = quand le lieu devient toute lentreprise.

    un lieu pour une culture

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  • Mes recherches mont montr limpact sur la dynamique dquipe dune personnalisation des espaces. David Kelley* raconte limportance pour une quipe dacheter une aile davion pour ses espaces.

    Cette rappropriation par les quipes est fondamentale. tant donn le temps pass, le studio devient vite une deuxime maison. Organiser sous forme de challenge, cest aussi un excellent exercice pdagogique.

    Est matre des lieux celui qui les organise , Richelieu Construire son espace dinnovation est une tape clef : cest un signe de reconnaissance, tant dans limportance que la hirarchie dune organisation accorde linnovation, que dans la visibilit auprs des employs. Crer son espace, cest crer les conditions fonctionnelles, symboliques et motionnelles pour innover.

    Vous trouverez aussi de prcieux conseils pratiques ce sujet dans le livre de la d.school de Stanford appel Make space, How to set the stage for creative collaboration de S. Doorley et S. Witthoft.

    * The Deep Dive, ABC nightline, pisode consacr IDEO

    ceci vous appartient !

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    Sapproprier le studio ME310 ds le dbut danne.

  • Sortez du navire ! Dehors sur le terrain ! Le navire est un refuge aprs avoir explor. Or pour explorer, il faut videmment aller la rencontre de lunivers pour lequel on veut innover : observer, interviewer, tester.

    Innover, et encore moins apprendre innover, nest pas un exercice intellectuel qui se pratique dans les murs dune salle, dune entreprise ou dune cole. La pertinence de lexploration ne saffine que par et travers la rencontre avec le monde extrieur.

    allez ouste, dehors !

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    Des tudiants en exploration sur tous types de terrains...

  • Ensemble, nous pouvons faire des choses extraordinaires.

    Tom Kelley, The 10 faCes of innovaTion, 2008

    Nous sommes solidaires,

    emports par la mme plante,

    quipage dun mme navire. anToine De sainT exupry, Terre Des hommes, 1938

  • lquipage

    Les points de repres lis la scnarisation des quipes sont articuls sur 4 amers :

    Une premire navigation fait entrer le lecteur dans la dynamique intellectuelle des quipes en termes de valeurs dont les premiers rles sont attribus lempathie, la bienveillance, loptimisme, la confiance crative, laction et le risque.

    Une seconde construit une srie de repres consacrs aux raisonnements cognitifs mobiliss chez lindividu par le design thinking pour crer un profil en T , cest--dire combinant intuition et raison, raisonnements analytiques (i.e. dduction et induction) et capacits cratives (i.e. abduction) soit rapides et ponctuelles (via le brainstorming) soit lentes et mergentes (via limagination). Les connaissances cres relvent alors dune pistmologie lie au pragmatisme, au constructivisme et la phnomnologie.

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  • Ces deux navigations reposent sur la dynamique dquipe : contrairement au mantra aujourdhui trs populaire, lquipe multidisciplinaire nest pas en soi une condition suffisante de russite et cest sa capacit transdisciplinaire et de collaboration radicale qui est en jeu pour relever les dfis de linnovation. Lexploration est une aventure humaine inoubliable qui vous transforme jamais car elle donne une libert suprme: celle de concevoir et raliser les projets auxquels vous croyez. Cette aventure ne va pas sans une multitude de doutes, et le doute peut faire perdre lexplorateur sa foi dans un nouveau monde et sa route pour latteindre. Ainsi, il a besoin dappartenir une communaut qui y croit et qui est marque par des rfrents qui sont des explorateurs ayant russi et qui clairent les autres dans leur voyage (voir concepts n 47, 48, 49).

    Enfin, tout au long du voyage, lquipe est guide par une posture dominante (n52), en fonction des phases et des activits mener. Celui le plus dou dans lquipe peut prendre la position de leader ce moment-l. 4 des 10 visages clefs prsents par Tom Kelley dans le tout premier livre consacr au design thinking (en 2008) sont mon sens les plus structurants : lanthropologue, le polinisateur, lexprimentateur et le conteur (n53, 55, 57, 58). Les passeurs de technologies (selon A. Hargaddon) et les interprtes culturels (selon Verganti) sont aussi inspirants (n54, 56) pour guider les quipes multidisciplinaires dont le designer et lingnieur sont les plus motivs pour crer de nouveaux produits, de par lorigine historique de leur rle.

    3

    4

  • manifeste denos valeurs

    a Sattaquer des problmes mal ou non dfinis (versus problme dj dfini)

    a Rechercher des solutions possibles et appropries au contexte (versus recherche de LA solution unique)

    a Rsoudre des problmes par recherche de solutions (versus par analyse exhaustive du problme)

    a Mode de pense constructif, collectif et associatif (versus mode de rflexion critique, analytique et individuel)

    a Allier conception et ralisation (versus je pense et dautres feront )

    a Garder comme boussole ce qui fait sens pour qui on veut innover (versus poursuivre ses ides et penser quon a raison)

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  • je fais, donc je suis

    Plonge dans la culture de la Silicon Valley, je me suis vite aperue dune diffrence culturelle fondamentale avec la France : nous mettons laccent sur la supriorit de lesprit (hrit du clbre adage Je pense donc je suis de Descartes), ce qui dvie rapidement en une critique systmatique de toute ide mise (et cest pourquoi je propose de modifier cet adage en Je critique donc je suis ).

    Dans la Silicon Valley, avoir des ides, mme si elles sont toujours accueillies avec bienveillance, a moins de valeur que de les raliser.

    Limportant, cest la capacit de faire. Lentrepreneur est sacr. Mme sil choue.

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    quipe Valeo, ME310 2014

  • empathie

    Lempathie, premire qualit de tout innovateur.

    Dev Patnaik, fondateur et PDG de Jump Associates, professeur de needfinding lUniversit de Stanford et auteur du livre Wired to Care, souligne limportance pour tout innovateur de matriser cet art de se projeter dans les ressentis des autres : Quand on sort de soi-mme, on souvre la possibilit de voir de nouvelles opportunits de croissance et En mettant les gens face face, cela dclenche une rponse empathique. La mmoire charge motionnellement de cette exprience sert de guide pour crer une vraie vision .

    Cest un antidote contre un monde dabstraction. Cela donne sens aux chiffres.

    Lempathie permet dadopter les diffrentes perspectives des personnes concernes en se projetant dans leurs ressentis et leurs expriences.

    Benjamin, tudiant ME310 pour Lapeyre, en test avec des seniors lEHPAD Fondation Favier Val de Marne.

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  • bienveillance

    Chaque fois que quelquun dit je ne crois pas aux contes de fes, il y en a une quelque part qui meurt .J.M. BaRRie - Peter Pan, 1904

    Louverture desprit ncessaire toute quipe dinnovateurs les rend trs sensibles au doute : ne pas croire en eux, cest prendre le risque de les blesser et de dcourager leur dsir daction en tuant toute envie, voire tout espoir.

    La bienveillance est essentielle pour instaurer la confiance crative ncessaire, ainsi que laudace dexplorer une ide qui, premire vue, semble impossible. Lencouragement de ses pairs par laccueil constructif de toute ide est typique de la Silicon Valley. Ce nest quainsi quil est possible dentreprendre, davoir des ides, des initiatives et de tout faire pour les transformer en ralit.

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  • Driv du mot latin optimus , signifiant meilleur, le mot peut tre utilis comme une doctrine, une tournure desprit ou une impression (dfinition Le Robert).

    Cest dans cette dernire dfinition que lon trouve le sens qui en fait une de nos valeurs : un sentiment de confiance heureuse dans lissue, le dnouement favorable dune situation. Cest cet espoir, parfois candide et mme naf diront certains franais, qui est moteur de la volont dinnover :

    Les optimistes semblent dtermins sattaquer aux problmes de front, en prenant des mesures actives et constructives pour les rsoudre ; les pessimistes sont plus enclins abandonner les dmarches ncessaires pour atteindre leur but. Traduit de scheieR, caRveR et BRidges, 2001.

    optimisme

    Le rseau SUGAR ME310 lorsde lEXPE 2014 Stanford.

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  • linauguration du nouveau btiment de la d.school de Stanford University le 7 mai 2010*, David Kelley expliqua que parmi tous les lments du processus de design thinking, le plus important tait de crer chez les lves une confiance crative**, faiblesse des systmes ducatifs des meilleures universits : Lessentiel des concours dentre Stanford est construit de faon ce quil nexiste quune bonne rponse la question et quil incombe ltudiant de le rapporter lenseignant.

    La rsultante est quune grande partie de ces lves les plus brillants sont mal prpars voire incapables de rsoudre des problmes non structurs ou flous. Crer une confiance crative signifie que les lves non seulement construiront une conviction de ce quil faut faire partir de leur comprhension de qui est utile pour ceux quils veulent innover via leurs recherches ethnographiques, mais aussi identifieront comment raliser cette vision. La confiance sacquiert dans la capacit didentifier des ides pertinentes par rapport aux gens pour qui on veut innover, et celle de savoir les raliser.

    * site de BoB sutton : bobsutton.typepad.com** concept repris de son TED talk en mars 2012 et dans son livre publi en 2013, Creative Confidence avec son frre Tom Kelley

    confiance crative

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    http:/bobsutton.typepad.com

  • intuitif et analytiqueLe design thinking combine deux types de raisonnement radicalement diffrents bass sur deux types de logique, lune analytique (avec la dduction et linduction), lautre intuitive (avec labduction). En bref, labduction cre, la dduction explique et linduction vrifie.

    Il est trs difficile pour un individu dtre analytique et intuitif en mme temps. Les processus et outils du design thinking favorisent lapprentissage de cette alternance.

    R. Martin dans son livre The Opposable Mind (2007) souligne cette capacit chez les leaders quil appelle pense intgre (integrative thinking).

    Lintuition est un don sacr et la raison, une fidle servante. Nous avons cr une socit qui honore la servante, en oubliant le don.

    alBeRt einstein

    Rodin Collection sur le campus de Stanford University.crdit : Patrick Anglard, 2009

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  • lintuition

    Lintuition est, selon la premire dfinition dite philosophique du Robert, une forme de connaissance immdiate qui ne recourt aucun raisonnement. Il ajoute une dfinition quil qualifie de courante, ( sentiment plus ou moins prcis de ce quon ne peut vrifier, de ce qui nexiste pas encore ), lassimile linspiration et loppose la dduction et linduction.

    Lide que ce soit intuitif a malheureusement contribu crer une bote noire autour des processus de cration des designers et un rejet des organisations. Or, cest la faon dont cette intuition est inspire qui est clef : le design thinking prend comme premire source dinspiration la comprhension des individus.

    Cest pourquoi jestime que notre ingnierie pdagogique doit favoriser et cultiver lintuition bien inspire: dis-moi comment tu tinspires, et je serai mme dapprhender ton expiration, notamment la validit de tes ides. Plus lintuition est sollicite (et donc non contrlable), plus les sources dinspiration doivent tre explicites et vrifies (collecte des donnes par exemple).

    Lintuition, cest comme la face immerge de liceberg.

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  • Dans un monde en rapide changement tant dans la nature que dans la vitesse, lintuition et la capacit daction deviennent des atouts dterminants ; il faut ressentir les volutions du monde extrieur son entreprise, se forger des convictions et sengager rapidement dans laction, comme guid par lintuition.

    Le risque de non faire ou de faire trop tard sont les risques les plus inhrents une pense exclusivement analytique. Celle-ci permet certes de comprendre le monde qui nous entoure mais elle reprsente un blocage fort au passage laction (en identifiant notamment toutes les raisons de ne pas faire !). Le risque pour une entreprise est de se faire emporter par le vent de lhistoire, avec une obsolescence de son portefeuille produit.

    Le monde daujourdhui est caractris par labondance et lautomatisation, comme le souligne Daniel Pink dans son livre A whole new mind. Une capacit crer de grands concepts avec une capacit motionnelle forte (high-concept and high-touch capabilities) est clef dans cette nouvelle conomie. Le QI doit sassocier au QE.

    les risques du qi

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  • Lenseignement du design thinking montre que les lves mobilisent diffrentes faons de penser, chacune faisant appel diffrentes formes dintelligence*.

    Dr. Charles Burnette, professeur lUniversity of Art de Philadelphie, a montr comment sept dentre elles doivent tre mobilises et dveloppes au niveau pdagogique : intra personnelle, linguistique, logico mathmatique, musicale, spatiale, kinesthsique, interpersonnelle. Dans un enseignement traditionnel bas sur une discipline, seule une de ses formes est gnralement privilgie afin datteindre une expertise. Les systmes ducatifs favorisent lintelligence logico mathmatique et donc une pense analytique. Dans un enseignement bas sur le design thinking, cinq au moins doivent tre mobilises, pour ressentir, crer et agir dune faon approprie par rapport au contexte.

    * h. gaRdneR : Frames of Mind : the theory of multiple intelligences, London : Heinemann, 1983.

    intelligences multiples32

  • intelligence motionnelle

    Jai une intelligence motionnelle et je suis extrmement mal laise face quelquun qui a une intelligence analytique. Lui me prend pour un charlatan, car je trouve la solution avant mme quil ait pos la question, et moi pour un laborieux, parce quil se sent oblig de passer par un accouchement douloureux pour rsoudre le problme pos.

    Haag, C. et Sgula J. Gnration Q.E : le quotient motionnel, arme anticrise. 2014, p. 49.

    Comprendre les autres est un lment essentiel de notre dmarche, quelle que soit ltape (inspiration, idation, implmentation*). Le concept dintelligence motionnelle ma permis de dcliner lempathie en comptences acqurir. Cette notion a t dfinie par D. Goleman dans son livre Emotional Intelligence , selon deux comptences : conscience de soi et gestion de soi ; conscience des autres et gestion des autres. Innover est une aventure dquipe, avec des succs et des checs, des espoirs, des rves, des dceptions, des dmotivations... Pour naviguer et arriver bon port, le capitaine et son quipe ont besoin dun QE lev.

    * voir concepts n 69, 70, 71.

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    Paperbike Competition de la promo ME310 Paris. Octobre 2013

  • un profil en t

    Cest le profil que cherche dvelopper la transdiscipline quest le design thinking, et tout programme interdisciplinaire.

    La combinaison dune expertise avec une capacit douverture, de motivation, dengagement et daction dans dautres domaines, est la clef de vote du profil dinnovateur.

    La T-shaped person est quelquun qui a de grandes comptences - un crivain, designer ou architecte exceptionnel, un ingnieur ou une autre profession - : cest la partie verticale de leur T.

    Puis la partie horizontale est leur capacit montrer une empathie et un intrt collaborer avec dautres disciplines et construire dautres pices du processus ou encore jouer diffrents rles. .

    T. Brown interview par Adam Bryant pour The New York Times, le 24 octobre 2009.

    Lexpertise permet lindividu de contribuer au processus cratif. Sa capacit collaborative est dfinie par deux lments principaux : lempathie pour comprendre le problme dans la perspective de lutilisateur ; lintrt voire la pratique dautres disciplines ncessaires sa rsolution. Lquilibre entre le degr dexpertise et la capacit collaborative dpend du problme et contexte donn.

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  • La dmarche dductive (la logique de ce qui doit tre, comme dirait R. Martin) part de la thorie pour lappliquer un cas pratique.La dmarche inductive part dobservations du terrain pour mener la thorie.

    La plupart des grandes entreprises et de nos systmes ducatifs sont domins par ces deux formes de logique, la dduction et linduction. Ce sont des outils trs puissants qui ont permis de comprendre le monde naturel et physique qui nous entourent. Ces deux modes fonds dans la tradition scientifique permettent celui qui mne ce type de raisonnement de dclarer la fin si laffirmation est vraie ou fausse. Plus la connaissance a avanc, plus notre civilisation a accumul des rgles dductives partir desquelles les individus raisonnent. Dduction et induction sappuient sur des donnes venant du pass et nont jamais t sources de nouvelles ides (comme la dmontr Peirce). Le risque de leur hgmonie est denfermer la conscience humaine dans une rationalit abstraite.

    dduction et induction

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  • Charles Sanders Peirce(1839 - 1914)

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    Charles Sanders Peirce, une des figures de lcole des pragmatistes amricains, explicita ce mode de raisonnement quest labduction, et le formatisa comme une troisime forme de logique : labduction, la logique de ce qui pourrait tre.

    Lobjectif de labduction est dexplorer de nouvelles donnes, dy trouver des pattern (suites logiques, voir n84) et de suggrer des hypothses plausibles avec lutilisation des catgories adquates. Labduction, cette logique dexploration, est selon lui corrle au pragmatisme puisque pour quune affirmation (ou hypothse) ait du sens, elle doit avoir des consquences pratiques.

    Ainsi, imaginer un futur plausible na de sens quen le maillant avec la ralit, non seulement en amont mais aussi en aval de la conception.

    abduction

  • La pense crative a pour caractristique de ne pas suivre la ligne droite des enchanements dicts par la loi des causalits, mais de faire un saut, un dtour. Cest une rebelle. A linstar de Christophe Colomb, elle part pour chercher les Indes lenvers, quitte dcouvrir un continent fabuleux qui nest pas attendu. Toutes les descriptions du processus cratif dcrivent cette sortie de route.

    g. aznaR et s. ely - lmergence des ides, Futuribles n366 - Septembre 2010

    Aznar et Ely distinguent deux postures cratives :- lune dite dynamique, intronise par le brainstorming, incarne dans des ides, caractrise par la vitesse ;- lautre dite sensible invitant limagination, produisant des sensations et des images, caractrise par la lenteur. Nous cherchons enclencher des dtours cratifs par une posture sensible, plus quune crativit dbride.

    dtour cratif

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  • 38

    Une quipe Innovacteurs propose un plan daction la population locale de Pambamarca en quateur (2014).

    Le design thinking implique une alternance de phases divergentes et convergentes. La phase convergente est une phase de slection de linformation ou de solutions (ce que je comprends, ce que je retiens comme piste, ce que je choisis parmi des possibilits). Lobjectif est de faire des choix. La phase de divergence est une phase de recherche dinformations pertinentes de natures trs diffrentes ouvrant des pistes prometteuses. Lobjectif est de multiplier les options possibles et de crer des possibilits.

    Jai observ que plus lamplitude et la frquence des phases sont leves, plus lquipe est performante. Le risque dans la divergence est de se perdre. Cela prend toujours beaucoup de temps. Lintuition est clef. Le risque dans la convergence est de ne pas tre pertinent ou suffisamment riche. Faire des choix est toujours frustrant pour un innovateur car il faut savoir renoncer. Ainsi, il est prfrable de ne pas choisir par rapport soi mais de chercher ce qui est utile pour autrui et ralisable par lquipe. Cest souvent la rencontre avec lutilisateur qui va permettre une quipe de converger sils ne sont pas daccord entre eux.

    divergences et convergences

  • quipe multidisciplinaire ?

    Que ce soit dans la Silicon Valley ou en France, linventeur ou le designer solitaire existent encore. Les projets (et les problmes rsoudre) ne cessent cependant de se complexifier, ce qui demande de faire appel des expertises et disciplines diffrentes, do limportance grandissante accorde aux quipes multidisciplinaires.

    Comme la crativit et le prototypage pour le processus, la tendance est mme de rduire le design thinking au niveau de lquipe sa multidisciplinarit. Cette composition serait gage de succs. Dexprience, ce qui devait tre la "dream team" devient rapidement la "hell team"...* Au mieux, les uns et les autres se respectent en rduisant leurs ambitions et cherchant un compromis mou sur quelques ides faciles. Quand les personnalits et les ambitions sont plus marques, la dynamique dquipe devient houleuse. Faute de langage commun, les incomprhensions se multiplient et les conflits sont latents, entranant divergences dapprhension qui gnralement clatent sous forme de conflits dans la dfense tyrannique de ses ides considres comme les meilleures. Cest la diffrence entre multidisciplinarit et transdisciplinarit.

    Lquipe multidisciplinaire est une condition (presque) ncessaire mais non suffisante.

    * Le rve devient un cauchemar.

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  • 8quipe transdisciplinaire !

    Le design thinking a pour objectif de crer une colle entre les membres dune quipe multidisciplinaire i.e. une culture et un langage communs aux diffrents membres dune

    quipe. Le design thinking est une transdiscipline permettant des quipes multidisciplinaires dinnover. Ne linitiative de Jean Piaget en 1970, le concept de transdisciplinarit sappuie sur lide

    de fluctuations de frontires entre les disciplines et trois postulats : interaction entre le sujet et lobjet ; notion de complexit et dintermaillage ; diffrents niveaux de ralit en rupture les uns par rapport aux

    autres (selon B. Nicolescu, Prsident du CIRET, chercheur au CNRS).Lenseignement de cette transdiscipline quest le design thinking a pour objectif de faire naviguer lquipe

    dans la mme direction : une comprhension collective et partage du contexte, des principes de design, des solutions possibles et appropries, ainsi que dun engagement collectif dans leur ralisation et dissmination.

    Toutes ces disciplines, et bien dautres, contribuent depuis longtemps au dveloppement de produits et de services nouveaux, mais aujourdhui, elles cohabitent lintrieur de lquipe, dans un espace commun et en

    exploitant les mmes processus.

    T. Brown, Change by Design, 2010, p. 27

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    Une quipe dtudiants en sance dethnographie lcole de Limaya (Tunisie, 2014).

  • "Collaboration radicale" est un des mantras de la d.school de Stanford, comme lambitionnait son mythe fondateur (voir la clbre napkin, concept n3). tudiants, industriels, professeurs, soit des personnes dexpriences, dhorizons, denjeux radicalement diffrents, collaborent sur des projets communs. Ce type de collaboration dite radicale est la base dun enseignement de la discipline du design thinking.

    Apprendre, imaginer et faire ensemble crent une culture base sur lchange, le respect et lenrichissement mutuel grce des perspectives diffrentes, la fertilisation croise, le maillage dexpriences et de comptences...

    Face la complexit croissante des produits, services, systmes et expriences concevoir, le mythe du gnie solitaire dont les ides gniales peuvent sauver le monde est remplac par le pragmatisme dune collaboration interdisciplinaire et enthousiaste.

    collaboration radicale

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  • Emmanuel Kant(1724 - 1804)

    pistmologiesTravailler en quipe multidisciplinaire gnre des conflits ds la confrontation de diffrentes perceptions du monde qui nous entoure. Pour chaque personne, ses perceptions sont souvent lies sa propre discipline, chacune sappuyant sur un rapport diffrent la connaissance. Comprendre lexistence de diffrentes pistmologies est essentiel pour comprendre les dynamiques dquipes.Sinterroger sur la production des connaissances et leur validit est au coeur de lenqute pistmologique. Au positivisme logique de lpistmologie cartsienne, lpistmologie kantienne cre une premire opposition en plaant lexprience comme vritable gnrateur de connaissances :

    Ainsi, dans le temps, aucune connaissance ne prcde lexprience et toutes commencent avec elles. e. Kant, Critique de la Raison Pure, 1781.

    Kant a initi la rflexion tout en restant dans son intellectualisation. La phnomnologie prend pour point de dpart lexprience en tant quintuition sensible des phnomnes afin dessayer den extraire les dispositions essentielles des expriences ainsi que lessence de ce dont on fait lexprience . Husserl a poursuivi en restant encore avec lide de cogito de Descartes et de vrit absolue ( je ne puis douter que je doute, donc je suis ). Cest Merleau-Ponty qui franchit le pas : ressentir le monde par le corps est suffisant comme preuve dexistence (je ressens, donc je suis).

    Si la thorie du design sest souvent tourne vers le nopositivisme, la pratique du design montre une tendance envers le pragmatisme et le pluralisme, avec des phnomnologistes dans les deux domaines. R. Buchanan, Wicked problems in design thinking, Design Issues, 1992, vol. 8

    Le design thinking est rsolument ancr dans le pragmatisme, le constructivisme et la phnomnologie.

    42

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    Marshmallow challenge: la tour va-t-elle tenir ? constructivisme

    Entre ltre et le connatre, le faire. P. valRy, Cahiers, Tome 1

    La posture dominante adopte vis--vis des connaissances conditionne notre systme ducatif et les valeurs associes. Aujourdhui force est dy constater une prdominance du positivisme et des sciences de lanalyse. Crer un modle ducatif alternatif bas sur lobservation du monde rel, la dcouverte, la crativit et limagination, ainsi que lexprimentation et litration, est une rupture pistmologique, base sur le constructivisme et le pragmatisme.

    Le constructivisme soppose au positivisme pour expliquer ce quest la connaissance, comment elle est engendre et comment en apprcier la validit. Jean-Louis Le Moigne, auteur de trois tomes sur le sujet*, souligne la congruence pistmologique entre trois uvres quils surnomme les trois V du constructivisme : Vico, Vinci, Valry. Vico, professeur de rhtorique luniversit de Naples, pronona en 1708 le premier discours sur la mthode des tudes de notre temps o il affirme que le vrai et le faire sont une seule et mme chose et o il y nonce la thorie du Verum Factum : le vrai est ce qui est fait et que seul celui qui a fait peut connatre le rsultat de son opration . Il oppose aussi le principe de lIngenium au principe de lanalyse qui fonde les mthodologies cartsiennes : lIngenium (gnralement traduite par gnie) est cette facult mentale qui permet de relier de manire rapide, approprie et heureuse des choses spares . Dans louvrage Introduction la mthode de Lonard de Vinci, Paul Valry, lge de 24 ans en 1894, analysa comment celui-ci produisait dans ses carnets des connaissances scientifiques (mcanique, hydrodynamique, physiologie, biologie) aussi originales que riches, partir de ses observations et exprimentations. Paul Valry met en avant non seulement la richesse des connaissances scientifiques enseignables transmises par ces carnets, mais aussi la mthode cognitive mise en uvre pour les construire, loppos du positivisme et ses quatre hypothses fondatrices de Descartes qui constituent la convention pistmologique de rfrence de la plupart des communauts scientifiques.

    * voir J.L. le Moigne, Le Constructivisme, Tome 3, LHarmattan, 2003, p. 41-46.

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    La baie de San Francisco(crdit : Patrick Anglard, 2009)

    pragmatismeLe pragmatisme vient du grec pragma, action, ce qui atteste du souci dtre proche du concret, du particulier, de laction et oppos aux ides abstraites et vagues de lintellectualisme*. C. S. Peirce fut le premier crer le concept et en voquer le principe (comme pour labduction). W. James le popularisera en 1907 travers un livre dnomm Pragmatisme: nest vrai que ce qui a des consquences relles dans le monde. Lintelligence a pour fin la capacit dagir, et non la connaissance.

    Selon la perspective pragmatique, penser une chose revient identifier lensemble de ses implications pratiques, car pour Peirce et ses disciples, seules ses implications confrent un sens la chose pense*. Disciple de ce mouvement, J. Dewey sengagea en matire pdagogique sur des mthodes favorisant lapprentissage par laction. Dans son ouvrage Experience and Nature, paru en 1925, il considre lexprience comme le socle commun et indiffrenci partir duquel lexistence se diffrencie .

    Selon moi, le constructivisme explique le comment et le pragmatisme le pourquoi : comment crer des connaissances riches et originales partir du monde rel pour pouvoir agir dans ce monde rel. Le design thinking est la pdagogie hritire de ces deux pistmologies.

    * source Wikipedia (fr.wikipedia.org/wiki/Pragmatisme)

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Pragmatisme

  • 45

    Le rseau ME310 de Stanford et ses partenaires dans le monde.

    une aventure humaine

    Imaginer, concevoir, raliser et lancer un produit culte est une aventure humaine inoubliable qui procure une des plus grandes satisfactions professionnelles.

    Comme les premiers explorateurs au XVme sicle, laventure commence par explorer un nouveau monde qui, transpos dans lancien, est source de cration de valeur.

    Comme toute aventure, cest une srie de pripties et de rebondissements : du plaisir de lquipe tre ensemble dpend la capacit les affronter, les transcender, encore et encore... Lquipe traverse des moments forts, dautres difficiles. La fin des projets est toujours un moment mouvant.

  • Appartenir une communaut de praticiens est fondamental pour toute personne dsirant innover et dautant plus grce au design thinking. Dans chaque d.school, le rle et limportance de la communaut sont fondamentaux dans la cration, le dveloppement et la survie de cet univers.

    Nous appartenons depuis 2008 au rseau international acadmique ME310 qui comporte une douzaine duniversits sur 4 continents, ce qui regroupe une vingtaine de partenaires industriels, une trentaine de professeurs, une trentaine dassistants pdagogiques, une trentaine de coachs et plus dune centaine dtudiants. Cette communaut permet doffrir un enrichissement mutuel par la diversit et la mme envie de ralisation. Chacun apporte une perspective, une expertise et une sensibilit qui lui sont propres. Chacun respecte le mme dsir dentreprendre, de faire, de raliser, tous fidles ltat desprit de la Silicon Valley et du design thinking.

    communaut

    Pontificia Universidad

    Javeriana, ColombiaUniversity of Queensland, Australia

    Tokyo Daigaku

    Fukuoka Kougyou Daigaku, Japan

    Kyoto Institute of Technology, Japan

    Tokyo Metropolitan Institute of Technology, Japan

    Lule Tekniska Universitet, Sweden

    Kungliga Tekniska Hgskolan, Sweden

    Teknillinen korkeakoulu, Finland

    Product Innovation Engineering program, Sweden

    SUPAERO,France

    University of St. Gallen, Switzerland

    Paris-Estd.school,

    France

    Hasso Plattner Institute, Germany Technische

    Universitt Mnchen, Germany

    Universidad Nacional Autnoma de Mxico

    Stanford University, USA

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    Les universits partenaires de Stanford pour le programme ME310

  • une icne :david kelley

    David Kelley : fondateur dIDEO et de la d.school Stanford, il incarne le design thinking. Il utilisa cette expression pour faire comprendre que pour lui, le mot design devait tre interprt non pas comme un nom (i.e. un objet digne dtre expos dans un muse) mais comme un verbe (i.e. un processus applicable tout type de problmatique).

    Ingnieur, ancien lve de Stanford et du cours ME310, il a travaill dans de grandes entreprises amricaines. Du par cette exprience, il a fond son propre cabinet, vritable incubateur pour des dizaines de secteurs, des centaines dentreprises.

    La cration de la d.school a permis le passage de cette pratique du design thinking en la cration dune transcipline acadmique. Elle reprsente lopportunit de diffuser aux nouvelles gnrations sa philosophie de laction, son got de lexprimentation, sa confiance crative, ses valeurs humanistes et sa capacit de rflexivit*.

    * ndlr : jai cr ce mot pour traduire lexpression anglaise self-reflection ou la capacit rflchir sur soi-mme,

    notamment sur ses actions, voir fiche n99.

    47

  • Larry Leifer, professeur Stanford, a cr le rseau international du cours historique en innovation lcole de gnie mcanique de Stanford, ME310 Design Innovation.

    Ce cours, cr en 1969 par un professeur venant du MIT, a t pionnier et a rvolutionn les mthodes pdagogiques, partant du principe que les ingnieurs en mcanique avaient besoin dautant de pratique que de thorie. Collaborer linternational pour aider une entreprise innover prpare les tudiants leurs futurs dfis.

    En tant quacadmique, notre mission est de crer les conditions idales pour que nos tudiants puissent innover.

    l. leifeR, interview en 2008 Stanford University

    Depuis ma rencontre avec Larry Leifer, je nai cess de minterroger et de rechercher ces conditions, au point dcrire ce livre.

    un pilote :larry leifer

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  • Banny est la premire source dinspiration la d.school de Stanford pour repenser le rle et la place du design thinking par rapport aux enjeux du dveloppement durable.

    Sa pense est en perptuel mouvement et sappuie sur une rflexivit extraordinaire, une exprience en tant quarchitecte, ingnieur doptimisation nergtique, designer IDEO, et professeur la d.school, nourri dune spiritualit indienne.

    Reconnu par tous ses lves, il a cette merveilleuse capacit de les transformer jamais en leur donnant la confiance, ltat desprit, les connaissances et les outils pour eux-mmes transformer grande chelle le monde qui les entoure.

    un matre penser : banny banerjee

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  • Le mot ingnieur vient du mot latin ingenium (que lon peut traduire par gnie) dsignant llment inn en lhomme de productivit, de crativit, de capacit de dpasser et de transformer le donn, quil sagisse de la spculation intellectuelle, de la cration potique et artistique, du discours persuasif, des innovations techniques, des pratiques sociales (A. Pons). Vico (1744) opposa la fertilit de lingenium la strilit de la mthode analytique et dductive de Descartes. Hlne Verin, dans La gloire des ingnieurs retrace lpistmologie des ingnieurs et souligne lhistoire de cette profession en France influence par les corps. Lingnieur se dmarque du scientifique en dveloppant des solutions rpondant des problmes socitaux, techniques et commerciaux en combinant non seulement connaissances scientifiques mais aussi ingniosit. Dans le rfrentiel anglosaxon (comme pour la National Society of Professional Engineers), la raison dtre des ingnieurs est de faire le lien entre les avances scientifiques et leurs applications pour satisfaire les besoins des hommes et amliorer leur qualit de vie. Une typologie des ingnieurs est souvent dresse par objet dtude (couramment appel discipline scientifique) : gnie civil, mcanique/biomcanique, lectrique/lectronique, informatique De la rsultante de ses actions, dpendra le positionnement de lingnieur dans lentreprise. J.-B. Say dveloppa en 1828 sa thorie de lentrepreneur dans son cours complet dconomie politique pratique faisant du chef dentreprise lui-mme celui dont la responsabilit est dappliquer la science lindustrie, comme si ctait une vidence que lingnieur doit tre un entrepreneur

    ingnieurs

    50

  • Hartmut Esslinger, designer allemand qui sest install San Francisco dans les annes 1980 pour crer Frog Design, distingue 4 types de designers dans son livre A Fine Line :

    les designers classiques, quils soient en entreprise ou dans leurs propres studios, qui cherchent un quilibre entre attractivit motionnelle et attractivit fonctionnelle en crant des produits alliant utilit, plaisance et scurit.

    le designer solitaire artiste qui utilise son nom comme une marque.

    le designer inconnu dune entreprise qui se positionne en fonction de limportance donne au design (du style la stratgie).

    le designer holistique qui comprend les besoins et enjeux de natures diffrentes (technologiques, sociales, cologiques, conomiques, esthtiques...) pour crer des objets physiques et virtuels qui sont inspirants dans leur utilit, beaut, responsabilits sociales et cologiques, et servant les intrts stratgiques dune entreprise. Leur mission forme les fondements dune stratgie base sur linnovation et guide sa mise en oeuvre.

    designers

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  • les 10 visages de linnovation

    Aprs son premier livre The Art of Innovation qui dvoilait en 2004 lexprience et les processus dIDEO, Tom Kelley, le frre de David Kelley, fondateur dIDEO, a crit un deuxime livre appel The Ten Faces of Innovationpour mettre en exergue les rles incarner tout au long du processus dinnovation.Ils sont classs en trois groupes correspondants trois phases de son processus dinnovation : apprendre, organiser, construire.

    Les rles dapprentissage sont lanthropologue,

    lexprimentateur, et le cross-pollinisateur. Les rles

    dorganisation sont le coureur dobstacles, le collaborateur

    et le directeur. Les rles de construction sont larchitecte

    expriment, le designer scnariste, le soigneur et le

    storyteller.

    Ce livre est pour moi le plus pdagogique et accessible

    pour comprendre le design thinking.

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  • les anthropologues

    Les premiers anthropologues europens se sont appuys sur les voyages dexploration pour tudier et comprendre les peuples des nouveaux mondes dans leurs composantes physiques et culturelles. Le travail sur le terrain avec une observation participante sest impos comme une caractristique mthodologique.

    Adopter une attitude dantropologue est la premire tape de toute dmarche de design thinking, Tom Kelley en souligne toute limportance en le plaant comme une unique et indispensable source de connaissances pour toute dmarche dinnovation :

    Lanthropologue apporte lorganisation de nouveaux apprentissages et de nouveaux clairages en observant les comportements humains et en dveloppant une grande comprhension des interactions physiques et motionnelles quont les gens avec les produits, les services et lespace.

    Traduit de t. Kelley, J. littMan, The Ten Faces of Innovation, 2008.

    Une srie doutils et mthodes ont t dveloppes pour guider lobservation dune recherche ethnographique (voir partie III).

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    Conversation dynamique avec un utilisateur pour le projet GDF SUEZ (ME310 2012).

  • les interprtes culturels

    Dans son livre Design-driven innovation, Verganti soppose au paradigme des innovations centres sur les utilisateurs de la Silicon Valley quil considre ntre gnrateur que dinnovation incrmentale : cest la capacit dune entreprise faire des propositions cratrices de sens radicalement nouveaux la socit dans son ensemble qui dtermine sa capacit dinnovation de rupture. couter, interprter et haranguer ( listening, interpreting, addressing ) en sont les tapes clefs.

    Les notions dinterprtes et prototypes culturels sont au coeur du processus de crer et diffuser des nouveaux sens et langages. La diffrence mthodologique est moins forte que la revendication elle-mme. Limportance donne la cration de nouveaux sens (meanings) est cependant riche de perspectives pour crer de nouvelles expriences.

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    Dcouverte de la culture de lananas au Togo (Innovacteurs 2014).

  • La pollinisation croise, cest le fait de croiser deux pollens de fleurs diffrentes, pour crer une nouvelle espce.

    Le cross-pollinator a la capacit de jongler entre des ides, des technologies, des concepts apparemment sans rapport pour les associer dans des combinaisons nouvelles. Ils sont souvent trs ouverts desprit, curieux dans des domaines varis, ont envie dapprendre, de partager leur dcouvertes, voire denseigner. Ils sont souvent spcialistes du hack, cette capacit utiliser lexistant dans un autre contexte pour crer quelque chose de nouveau.

    Le pollinisateur explore dautres industries et cultures, puis traduit ses dcouvertes et rvlations afin de rpondre aux besoins uniques de votre entreprise. Traduit de t. Kelley, J. littMan, The Ten Faces of Innovation, 2008.

    les pollinisateurs

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  • Elve de Robert Sutton (professeur la Business School de Stanford), Andrew Hargaddon a men des travaux de recherche sur les cabinets de design tel quIDEO (quil qualifie de technology brokers dans son livre How Breakthough Happens) et lincubateur dEdisson.

    Ses analyses montrent que leur processus dinnovation est de trouver comment recombiner les gens, les ides et les objets. Il distingue deux phases ces stratgies de recombinaison :- la premire (bridging distant worlds) implique de mettre en correspondance des univers qui signorent. Ces cabinets dincubation travaillent dans diffrentes industries et peuvent percevoir plus rapidement comment rsoudre les problmes dun univers grce aux solutions dun autre.- la deuxime phase (building new worlds) implique de crer de nouvelles communauts autour de ces nouvelles combinaisons innovantes.

    les passeurs de technologie

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    crdit : Patrick Anglard, 2009

  • lesexprimentateurs

    Dernire des trois figures apprenantes, lexprimentateur incarne lapprentissage par le faire et lessai. Donner une forme tangible le plus rapidement possible des ides abstraites est une caractristique de ces grands inventeurs quont t Lonard de Vinci ou Edisson. La pense se nourrit de la main. Penser et faire se combinent.

    Lexprimentateur prototype de nouvelles ides en continu, en apprenant par un processus dessais clairs et derreurs.

    t. Kelley, J. littMan, The Ten Faces of Innovation, 2008.

    Ce qui distingue lexprimentateur de linventeur est lobjectif recherch qui est moins de dmontrer la faisabilit technique dune ide que de la tester auprs des utilisateurs pour qui il veut innover. La culture de lexprimentation avec les utilisateurs dans un contexte rel est au coeur des valeurs du design thinking.

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    Les rsidents de la Fondation Favier Val de Marne testent le parcours de sant conu et ralis par une quipe Innovacteurs 2014.

  • Prsentation de fin de trimestre du projet Valeo (ME310 2014).

    Les petites histoires crant les grands mythes fondateurs dentreprises (le garage de HP Palo Alto) ou le buzz autour dun nouveau produit sont typiques de la Silicon Valley (un iPhone oubli sur une table de caf crant la rumeur). Lors du lancement de ses nouveaux produits, lart scnique de Steve Jobs tait connu de tous.

    Le conteur construit sur une morale interne et un savoir externe travers des rcits contraignants qui communiquent une valeur humaine fondamentale ou qui renforcent un trait culturel spcifique.

    T. Kelley, J. liTTman, The Ten Faces of Innovation, 2008.

    Les avantages sont multiples pour crer crdibilit et changement smantique li la rupture... Il faut cependant se mfier des formules trop simplistes et ne pas oublier que lart de raconter une histoire fait appel lart de la rhtorique. Revenir aux principes fondamentaux comme les cinq canons de Cicron est fondamental, comme le souligne Rod Taylor, professeur de rhtorique Stanford jusquen 2013 aujourdhui Nashville.

    les conteurs

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  • mauvais ouvrier,il ny a pas de bons outils.

    proverBe franais

    Il arrive parfois quon ne retourne pas le sablier aussi rapidement quil le faudrait tandis que dautres fois, on le fait trop tt.

    ChrisTophe ColomB,sur lvaluation du temps et des distances

    dans son voyage dexploration

  • Jai recens une douzaine de processus et plus dune centaine doutils lis au design thinking. Cest un univers en expansion et cette expansion reflte la rappropriation de cette discipline en fonction des contextes dutilisation (thmatiques, artefacts, objectifs pdagogiques, types dorganisation, mode ducatif ou processus interne dune entreprise...). Pour rester fidle une logique dexploration, et la rfrence la plus structurante et inspirante du design thinking, nous avons fait le choix de privilgier lapproche de Tim Brown (2008, 2010) qui dcrit ce processus comme un systme despaces, plutt que comme une squence linaire dtapes prdfinies et successives. Lexploration de ces trois espaces (inspiration, idation, implmentation), sous forme de diffrentes activits relies entre elles, fournit les balises de ce voyage dexploration (n69, 70, 71). Dans chacun de ces espaces, lquipe fait des dcouvertes qui, soit alimentent une avance progressive dans ce quon pourrait qualifier de processus, soit remettent en cause les hypothses de dpart les plus fondamentales, avant de progresser nouveau.

    Cest pourquoi jai privilgi la description de ces activits dans cette partie intitule en franais outils : inspiration, idation, implmentation, en privilgiant ce premier espace dexploration quest linspiration (n 69, 72, 87) parce quil est le plus dlicat vivre pour les quipes ainsi qu enseigner.

    les outils

  • Avant de dcrire ces diffrentes activits, chacune constituant une vraie aventure et un apprentissage pour lquipe, il me paraissait important de souligner que le design thinking vise rsoudre des problmes flous (n61) dans un contexte de forte ambigut (n59), voire comprendre des mystres (n60) pour transformer ces nouvelles connaissances lies aux besoins et attentes latents des gens, utilisateurs en puissance, en de nouveaux marchs. Le risque dans lexploration (n62) est de ne pas tre pertinent au regard des volutions de la socit. Lopportunit est de rinventer lexprience des utilisateurs (n 66, 67) par des avances dialectiques permettant dintgrer le champs des contraintes (n65), tout en combinant dsirabilit (motionnelle et fonctionnelle), faisabilit technologique et viabilit conomique (n64).

  • t. caRleton

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    contextedambigut

    Fin des annes 1980 Stanford, un programme de recherche en coopration avec des entreprises est mis en place sur la notion dambigut. ME310 (qui sappelait jusquen 2008 Design Entrepreneurship) tait pilot avec le mantra Preserve Ambiguity si cher Larry Leifer.

    Dans un langage mathmatique, un degr lev dambigut se caractrise par des variables non connues, ainsi que des relations fonctionnelles et algorithmiques non connues.* Lambigut se diffrencie de lincertitude o les donnes et les relations fonctionnelles sont donnes mais leurs valeurs considres comme insatisfaisantes par celui qui veut rsoudre le problme.

    Dans un langage commun, on pourrait dire que la situation est trs difficile comprendre.

    * schRadeR, Riggs, and sMith, Fvrier 1993.

    ProblemFinding

    ProblemDefining

    ProblemSolving

    HIGH

    TIME

    LOW

    UncertaintyCurve

    AmbiguityCurve

    Figure 2. A Broader Spectrum of Complex Problem Solving

    Source : t. caRleton

    FORESIGHT RESEARCH DESIGN

  • crdit photo : Patrick Anglard, 2009

    R. MaRtin, The Design of Business, 2009.

    mystre

    heuristique 60

    algorithme

    mystres,heuristiques et algorithmes

    Pour gnrer de la valeur dans les entreprises, Roger Martin dans son livre The Design of Business souligne limportance dquilibrer lexploration de nouvelles connaissances (innovation) et lexploitation de connaissances existantes (efficacit oprationnelle). Il dmontre comment le design thinking acclre le processus entre la dcouverte dun mystre (problme flou), son heuristique (principe donnant une direction pour gnrer des solutions) et son algorithme (formule rplicable et fiable garantissant le succs).

    Identifier des nouveaux marchs avant ses concurrents (dcouverte dun mystre) cre un avantage comptitif certain. Comprendre comment les satisfaire avant ses concurrents (heuristique) est la seconde tape : une faon simplifie de comprendre ce mystre et de le transformer en quelque chose dexploitable par exploration des possibilits.

    Convertir cette offre crative en une srie doprations (algorithme) permet de crer le modle conomique : un processus oprationnel garantissant le mme rsultat en suivant une squence dtapes particulires. Deux domaines principaux sont sources de mystres et cration de valeur : technologies et marchs.

  • Si les causes ne sont pas juste mal identifies mais ambigus, si le problme ne correspond aucune catgorie dj identifie, si la solution change le problme, et si cest un problme sans fin... alors ce doit tre un problme super mchant !

    Alors quune pense analytique permet de rsoudre des problmes difficiles exigeant de nombreuses tapes logiques pour trouver la solution, le design thinking vise rsoudre des problmes considrs comme mal dfinis (ill-defined) ou affreux / mchants (wicked). Ce fut Horst Rittel, mathmaticien et planificateur, qui fut le premier en 1960 introduire cette notion :

    Un type de problmes lis aux systmes sociaux, qui sont mal formuls, o linformation est confuse, o il y a de nombreux clients et dcideurs avec des valeurs conflictuelles, et o les ramifications dans tout le systme sont parfaitement confuses.

    h. Rittel, dans les annes 1960, cit par Richard Buchanan, 1995.

    problmes dfinisversus flous

    61

  • Entre la phase dexploration et la phase dexploitation, il y a une inversion entre opportunit et risque : en exploration, la recherche de concepts pertinents maximise les opportunits de crer de nouveaux marchs ; plus linspiration est forte, plus les chances de viser juste le sont, et plus lopportunit de rvolutionner les rgles de lindustrie lest. Dans cette phase, la faisabilit technique et conomique est reporte et seule laggrgation possible de technologies existantes est voque comme une piste possible de faisabilit.

    Quand les concepts deviennent matures, jugs par leur degr de pertinence gnralement pendant la phase didation, lordre des priorits sinverse : il faut frapper fort dsormais. Ainsi, limportance est donne la faisabilit, technique et conomique, juge par l degr de fiabilit (reliability) et la capacit matriser les risques par lentreprise. Larsenal des outils classiques (business plan, tudes de march, pitchs) est alors lordre du jour pour obtenir lapprobation dune direction gnrale de lancer ce nouveau plan de dveloppement. Frapper juste pour frapper fort, ai-je lhabitude de dire pour dissocier la phase dexploration et la phase dexploitation, tout en soulignant limportance cruciale de combiner conception et excution pour russir une stratgie dinnovation.

    volution des risques

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    Test dune camra avec les pompiers de Seine et Marne.

  • Issu et adopt du milieu de la communication, le brief est notre point de dpart pour crer un nouveau produit ou service. Ce sont les instructions donnes par le partenaire

    au dbut du projet. Elles incluent gnralement lobjectif atteindre, le contexte dans lequel le produit est destin servir, les principales contraintes identifies, et quelques critres dfinissant de bonnes propositions. Les ntres sont simplifis lextrme et se structurent selon la phrase (magique !) suivante: rinventer tel ou tel produit pour telle ou telle personne dans un contexte donn .

    Il peut tre aussi court quune petite voiture fiable et conomique (brief donn par Louis Schweitzer pour la Logan) ou plus dtaill sur une ou deux pages. Plus un brief est prcis et clair, plus il est facile

    et efficace dy rpondre. Dans la ralit, cest rarement le cas ! La capacit le redfinir est une clef du processus, et une fois bien pos, la solution devient vidente.

    Cest une dfinition de la problmatique ou dune opportunit.

    N. Cross, Design Thinking : Understanding how designers think and work. 2012, p. 64.

    briefs

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  • La dfinition officielle du design thinking est donne par Tim Brown, PDG dIDEO :

    Le design thinking est une discipline qui utilise la sensibilit, les outils et mthodes des designers pour permettre des quipes multidisciplinaires dinnover en mettant en correspondance attentes des utilisateurs, faisabilit technologique et viabilit conomique.

    t. BRown, Design Thinking, Harvard Business Review, 2008.

    Sa reprsentation graphique est iconique et riche denseignements. Lintersection des trois cercles constitue par exemple notre brief. Lobjectif est de crer une nouvelle exprience sous contraintes de combiner attractivit pour les utilisateurs, faisabilit par les technologies existantes et viabilit conomique grce au modle conomique de notre partenaire. Le point dentre est la comprhension de ceux pour qui on veut innover.

    le brief design thinking

    Source: IDEO

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  • contraintes etdialectique

    Demandez un designer sa diffrence avec un artiste et il vous rpondra trs probablement sa capacit travailler sous contraintes. Dans son livre si souvent rdit How designers think, Lawson dfinit un modle danalyse en distinguant les contraintes externes de celles internes au problme, les diffrents acteurs gnrateurs (client, utilisateur, lgislateur, designer) et la nature de ces contraintes ( lorigine de , pratique, forme, symbolique). Il faut savoir les analyser et les prendre en compte, puis les dpasser dans une avance dialectique.

    La dialectique si importante dans lAntiquit est une faon de chercher des connaissances par lexamen successif de positions distinctes voire opposes. Ce type de raisonnement a t popularis par le fameux plan recommand pour toute dissertation philosophique thse/antithse/synthse . Ces