apprentissage de l lutta e - uv2s |...
TRANSCRIPT
APPRENTISSAGE DE LA LUTTE
Traditionnellement, en sports de combat, l'apprentissage se présente comme une succession de prises à assimiler, dans l'ordre de difficultés supposées croissantes, d'exécution.
Les progressions d'apprentissage ne se différencient que par la présentation des prises dans un ordre différent, selon la conception propre à une école ou un professeur.
Sous le vocable : Initiation et Perfectionnement, nous présentons un schéma d'apprentissage au contenu différent de celui qui est généralement utilisé.
Le thème central de notre travail est le contrôle.
Qu'est-ce que contrôler ?
Contrôler son adversaire c'est le tenir ;
C'est le mettre en difficulté ; C'est se protéger.
1) Tenir son adversaire. Les lutteurs sont torse nu. Pour
exécuter une prise, il est nécessaire de saisir l'opposant. On établit le contact. Dès qu'il y a saisie, les lut-leurs forment un couple solidaire ; c'est-à-dire que toute action de l'un est transmise à l'autre (ph. 1).
2) Mettre en difficulté. Par cette saisie, un des lutteurs
(ATA) peut imposer à l'autre (DEF)
une attitude inconfortable (1). ATA peut faire déplacer DEF, le tasser sur ses appuis, le dresser sur les pointes des pieds, etc. Bref, DEF a ses possibilités d'évolution diminuées.
Ex : ATA saisit le bras de DEF et y appuie le poids de son corps (ph. 2). Cette saisie conduira DEF à réagir d'une façon qui permettra à ATA l'éxécution d'une certaine prise.
3) Se protéger. La saisie a son contraire. DEF,
même le bras pris, peut accomplir certaines prises. Si tel est le cas, on dira que DEF a tourné le contrôle à son avantage. Pour que ATA conserve l'initiative, il doit prendre certaines précautions, corriger son attitude, ou neutraliser les possibilités de DEF.
Nous avons pu, en compétition, observer un certain nombre de contrôles à partir desquels les prises et les enchaînements de prise sont exécutés.
Pour l'initiation, nous avons choisi quatre contrôles, riches en possibilités d'enchaînement. Ce sont :
Le contrôle en bras intérieur ; Le contrôle en bras dessus ; Le contrôle en jambes ; Le contrôle en tête.
Remarque I : Faut-il commencer le travail d'initiation de
bout ou au sol ? Nous pensons pour notre part que l'initiation doit être menée de pair, debout et au sol. La part plus importante donnée à l'une ou l'autre partie dépendra davantage des conditions de travail, du professeur ou des progrès plus ou moins rapides réalisés par les élèves.
Remarque II : Ce schéma d'apprentissage correspondra
plus particulièrement à des élèves de 12 à 15 ans.
a) avant cet âge, il est préférable de se limiter à des jeux d'attaque-défense et des thèmes de lutte beaucoup plus libres.
b) après 15 ans (âge moyen bien entendu), l'Intervention du professeur dans les exercices doit être plus fréquente et les explications plus nombreuses. L'adolescent et l'adulte aiment à comprendre le pourquoi de leurs actions ; les exercices proposés seront davantage « analysés ».
Remarque III : A qualités égales, les progrès réalisés
par les élèves sont bien entendu liés à leur passé physique. Les étapes seront franchies plus ou moins rapidement selon que l'élève aura déjà pratiqué :
Des jeux d'attaque-défense ; Les familles d'exercices d'Hébert (surtout
lever-porter) ; De la gymnastique ; Un autre sport de combat ; Quelque activité physique que ce soit.
INITIATION A LA LUTTE
I. — LUTTE DEBOUT
A ce stade de l'initiation, nous ne différencions pas la lutte libre de la lutte gréco-romaine.
Présentation de la lutte, de l'objectif du combat, des interdictions essentielles du règlement.
PREMIER THEME : LES CONTROLES
A) ATA SAISIT DEF EN « PRISE DE BRAS INTERIEUR » (photo 2).
1) Demander à DEF d'enlever son bras. ATA doit le conserver le plus longtemps possible (photo 3).
Inverser les rôles à chaque fois. 2) DEF ayant le bras pris, doit
amener ATA sur le dos. ATA doit rester équilibré (photo 4).
Inverser les rôles. 3) ATA tient le bras de DEF et
doit amener DEF sur le dos. DEF doit rester équilibré (photo 5).
Inverser les rôles. 4) A partir de la même saisie, l'un
et l'autre peuvent attaquer (photo 6). Inverser les rôles. Objectifs : En 1) ATA doit « s'accrocher » à
DEF car l'important en lutte est de (1) Nous avons préféré ATA et DEF à
UKE et TORI termes communément employés habituellement, même pour la lutte.
CHARLES KOUYOS SPÉCIALISTE LUTTE INS. PIERRE TABERNA PROFESSEUR EPS, CREPS DE MONTRY
41
Revue EP.S n°109 Mai-Juin 1971. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés
pouvoir tenir quelque chose (voir technique : « les contrôles »).
DEF doit apprendre à utiliser son deuxième bras et s'habituer à enlever ce qui le gêne.
En 2) ATA doit être stable sur les appuis et équilibré sur DEF. C'est la condition nécessaire à la réalisation des enchaînements futurs.
La faute principale est que ATA s'équilibre seul. DEF, quant à lui, apprend à riposter même avec un bras pris.
En 3) ATA doit enchaîner selon les réactions d'équilibration de DEF.
Il apprend à voir et à sentir dans quelle direction l'action doit se dérouler (avant, arrière, droite ou gauche).
En 4) Nous arrivons au combat proprement dit. Recherche de la vitesse d'exécution des actions.
L'avantage doit être à celui qui tient le bras.
B) ATA SAISIT DEF EN PRISE EN BRAS DESSUS (photo 1).
Nous retrouvons les quatre exercices cités.
En 1 et 2, l'équilibration de ATA doit se faire en tirant et soulevant son adversaire à soi, poids du corps essentiellement sur jambe arrière.
C) ATA SAISIT DEF EN PRISE EN TETE (photo 7).
Mêmes exercices.
D) ATA SAISIT DEF EN PRISE EN JAMBE INTERIEUR OU EXTERIEUR (photo 8).
Mêmes exercices.
DEUXIEME THEME : ENCHAINEMENT DE CONTROLES
ATA et DEF, dans la forme classique du « pousse-pousse », essaient l'un et l'autre d'imposer leurs contrôles et de les combiner, contrôle bras intérieur - tête - bras dessous -jambe, etc.
TROISIEME THEME : ETUDE DE FONDAMENTAUX
Nous entendons par là « les formes de corps », les modes d'exécution qui pourront être transférés aux différents contrôles.
Ce sont : Le hanché, La demi-souplesse,
Les décalages arrières ou crochets en lutte libre,
Les « passages dessous » (ramas-sement de jambe, passage arrière, bras à la volée, etc.)
Chaque type a des caractéristiques qui lui sont propres et qu'il est nécessaire d'avoir assimilé pour augmenter ses possibilités d'enchaînement. Pour étudier chaque famille, il est préférable, pour motiver ses élèves, de prendre une technique répertoriée, connue ; mais l'étude de cette technique ne doit porter que sur les caractéristiques de la famille et non sur la caractéristique particulière au mouvement.
Prises choisies : 1 — Hanché - tour de hanche en
tête ou bras roulé. 2 — Demi souplesse - bras dessus-
dessous. 3 — Décalages arrière - crochet
intérieur. 4 — Passages dessous - double ra-
massement de jambes.
LE HANCHÉ.
Caractéristiques (photo 9) Analysons schématiquement les
actions de DEF et de ATA. 1) DEF exécute une rotation en
l'air pour arriver sur les épaules. Cela suppose un système de couple.
a) une force vive agit vers l'avant et le bas sur le haut du corps de DEF : c'est la tirade des bras, le poids du corps de ATA.
b) une force vers le haut sur le bas du corps de DEF : DEF est soulevé du sol par l'action des jambes de ATA.
c) un point d'appui pour la rotation : la hanche de ATA.
2) ATA effectue en outre 3/4 de tour jusqu'à l'arrivée au sol ce qui nécessitera un pivot.
Points importants du hanché. Le hanché s'exécute essentielle
ment lorsque DEF est en position : buste fléchi vers l'avant, pied droit en arrière (si la prise s'exécute à droite).
a) ATA doit tirer DEF le plus fortement possible vers l'avant pour établir le contact et créer le premier type de force.
b) pour soulever efficacement, ATA doit avoir ses appuis le plus près possible de ceux de DEF.
Le hanché est facilité si ATA a le pied gauche entre les pieds de DEF, pied droit légèrement devant,
les jambes fléchies permettent de soulever (photo 9).
c) la hanche est mise en barrage en même temps que ATA tire sur le haut du corps.
Si ATA ne sort pas suffisamment la hanche, DEF peut surpasser en pas de valse ou ceinture de côté.
Il y a contact étroit entre la hanche de ATA et le bassin de DEF pour fournir un point d'appui nécessaire à la rotation (photo 10).
Pour effectuer le 3/4 de tour, ATA effectue le pivot sur la plante du pied droit d'abord, puis sur le pied gauche qui a été ramené, ce qui permet à ATA :
De poursuivre sa rotation, De ne pas tomber sur DEF, De pouvoir éventuellement faucher
avec la jambe droite (lutte libre) (photo 11).
Lors de la « projection » ATA arrondit le dos, ce qui entraîne une accélération de la prise. ATA doit en outre penser à établir le contact au sol par son épaule droite, le plus près possible du pied gauche de DEF. Educatifs :
1) Pour DEF roulade avant par-dessus ATA ; DEF glisse sur le dos de ATA (photo 12).
2) DEF à plat ventre sur le dos de ATA. ATA fléchit sur les jambes, saisit un bras de DEF par-dessous et exécute un début de roulade avant (photo 13 et 14).
Cet exercice permet de sensibiliser au barrage du corps, sensation à retrouver avant de « plonger » au tapis en entraînant DEF.
SOUPLESSE OU DEMI-SOUPLESSE.
Caractéristiques (photo 15). Dans la demi-souplesse, ATA arrive
au sol sur l'épaule. Dans la souplesse, ATA prend contact sur le front.
1) la rotation en l'air de DEF obéit aux mêmes lois que celles du hanché. 2) ATA résout le problème différemment :
Le point d'appui est le ventre de ATA ;
ATA n'exécute pas de rotation dans l'exécution. Points importants.
Les pieds de ATA sont à l'intérieur de ceux de DEF, ce qui permettra à ATA de soulever DEF.
Au départ ATA est en appui sur pied arrière, quand il ramène son pied entre ceux de DEF, celui-ci est alors déséquilibré vers l'avant.
42
Revue EP.S n°109 Mai-Juin 1971. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés
Tête et dos de ATA sont en extension au départ ;
L'extension des jambes de ATA décolle DEF du sol ;
Le cambré permet à ATA d'accélérer la projection. Le ventre de ATA est collé au bassin de DEF ;
Le cambré attire le haut du corps de DEF vers l'avant.
Fautes essentielles. ATA ne colle pas son ventre sur
le bassin de DEF : pas de point d'appui.
ATA ne soulève pas DEF, ses jambes sont tendues.
Le cambré se fait trop tôt ou ne se fait pas : ATA tombe sur le dos.
La demi-souplesse s'exécute indifféremment sur DEF en position droite, ou buste penché vers l'avant.
Educatifs. 1) ATA et DEF se tiennent en
bras dessus. ATA fléchit sur les jambes, s'as
seoit, exécute un « pont » sur une épaule (ph. 16-17).
2) Départ en souplesse avec aide : DEF contrôle l'exécution de ATA (ph. 18).
ATA recherche le temps fort des jambes.
Progressivement ATA ne s'appuie plus sur les mains de DEF.
3) Exécution du bras dessus en demi-souplesse avec aide (ph. 19).
Un partenaire tient le bras de DEF qui entoure les reins de ATA. L'extension de ATA et l'arrivée au sol sont ainsi contrôlées par l'aide.
Si le cambré est défectueux, l'aide tire sur le bras ce qui a pour effet d'amener ATA sur l'épaule (ph. 20).
DECALAGE ARRIERE.
Caractéristiques (ph. 21 - 22). DEF n'effectue pas de rotation, il
tombe directement sur le dos, en chute arrière.
ATA effectue une poussée vers l'arrière pour déséquilibrer DEF.
ATA empêche DEF de reculer ses appui en se suspendant de tout son poids sur DEF par l'intermédiaire de son bassin.
En lutte libre, ATA peut enlever un appui de DEF par un crochet de jambes.
Points importants. Pour que la poussée soit efficace
et que ATA ne soit pas déséquilibré
sur son arrière, la jambe qui pousse ne doit pas être rapprochée de celle de DEF (ph. 22).
Tout le poids du corps de ATA doit tasser DEF sur son (ou ses) talon (s).
La poussée de ATA sur DEF est transmise par l'épaule de ATA qui entre violemment en contact avec le ventre de DEF.
Le corps de ATA est proche de 45°.
Le meilleur moment pour porter cette prise, est lorsque DEF résiste à une action de ATA vers l'avant.
PASSAGE DESSOUS.
Caractéristiques (ph. 24]. DEF est fixé sur ses appuis, buste
incliné vers l'avant. ATA déplace tout son corps pour
se retrouver sous les bras de DEF : corps droit en contact avec les jambes de DEF, appuis au niveau de ceux de DEF.
Il peut être dans la position : un genou ou les deux genoux au sol, enfin en flexion de jambes, fesses sur talons.
Points importants. 1) Pour arracher son adversaire,
ATA doit être sur genou intérieur dressé afin que le poids du corps de DEF passe par cet appui (ph. 24).
2) La technique « fesses-talons » nécessite un bon équilibre général et des cuisses solides.
3) Il faut mettre le genou au sol du côté où ATA pivotera (ph. 25).
Ex. : a) amené à terre en passage arrière, genou intérieur au sol.
b) enfourchement, genou arrière au sol.
c) bras à la volée en hanché, genou extérieur (ph. 23) etc.
Ces « passages dessous » s'exécutent en avançant d'abord le bassin ; son inertie permettra alors de ramener avec vigueur le buste de ATA en contact de celui de DEF (ph. 26).
La fixation de DEF sur ses appuis se fera de façon plus favorable sur DEF qui avance.
QUATRIEME THEME. Les « fondamentaux » étant plus
ou moins acquis, leur transfert pourra se faire dans pratiquement tous les contrôles :
Ex. : Contrôle en bras intérieur 1/2 souplesse
en bras dessous - 1/2 souplesse en bras dessus - 1/2 souplesse, etc.
Certaines formes d'exécution se prêteront davantage à un contrôle particulier.
Ex. : le hanché en contrôle en bras intérieur.
Ayant essayé les différents contrôles, les quatre fondamentaux, le lutteur peut choisir sa prise favorite, une « arme » préférentielle qui corresponde à ses goûts, à son tempérament, à sa morphologie.
Cette prise favorite pourra d'ailleurs ne pas être définitive et changer au cours de l'évolution du lutteur et de l'enrichissement de son expérience.
CINQUIEME THEME. Perfectionnement de la prise favo
rite. Automatisation sous forme de ré
pétitions. Correction de l'attitude adaptée à
cette prise. Précautions à prendre pour éviter
une parade ou une riposte. Amélioration de la vitesse d'exé
cution. Etude de la meilleure opportunité
d'exécution. REMARQUES
I. — Nous pensons que, à ce niveau, l'initiation est assurée :
le lutteur a une vue d'ensemble de ce que doit être la lutte ;
il a pris conscience de ce qui est essentiel en lutte ;
l'étude des « fondamentaux » lui a donné un certain potentiel d'exécution ;
enfin, il est arrivé à se déterminer (il a en effet choisi une attitude de lutte, et une arme d'attaque qui lui sont propres).
Bien entendu, il sera souvent indispensable de revenir sur un thème déjà étudié.
M sera nécessaire au lutteur de revoir : l'étude d'une forme du corps, l'étude des saisies, etc. La progression dans l'apprentissage est
circulaire, du moins le pensons-nous (voir croquis ci-dessus).
1 — étude des contrôles 2 — enchaînement de contrôles 3 — étude des fondamentaux 4 — application des fondamentaux sur les
contrôles 5 — prise favorite. II. — Il peut exister des types d'exécution
très individuels qui forment chacun le seul élément d'une famille.
C. KOUYOS - P. TABERNA. (à suivre)
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Ballery : « Toute la lutte » Ed. Arcadien-
nes. Paris Petrov : - Lutte libre » Sofia, 1966 Kawaishi : « Ma méthode de judo » Ed.
privée Otaki : « Judo for young men » Kodansha
International LTD - Tokyo Watanabe and Lindy Avakian : « Secrets
of judo » Charles E. Tuttle Company -Tokyo.
44
Revue EP.S n°109 Mai-Juin 1971. ©Editions EP&S. Tous droits de reproduction réservés