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PASCRENA
RAPPORT DEFINITIF
Ekué KOMLAN
Aout 2013
ETUDE SOCIOLOGIQUE SUR LA REALITE DES PRATIQUES DE
DELIVRANCE DU RECEPISSE POUR LES ORGANISATIONS DE
LA SOCIETE CIVILE
2
SOMMAIRE
1 Introduction………………………………………………………………………………………………. 3
2 Objectifs de l’étude…………………………………………………………………………………… 3
2.1 Objectif général………………………………………………………………………………………… 3
2.2 Objectif spécifique……………………………………………………………………………………. 3
3 Résultats de l’étude …………………………………………………………………………………. 3
4 Méthodologie……………………………………………………………………………………………. 3
4.1 Revue documentaire…………………………………………………………………………………. 3
4.2 Elaboration de questionnaire……………………………………………………………………. 3
4.3 Séances de travail avec la Division des Organisations Civiles et des
Associations (DOCA)………………………………………………………………………………….. 3
4.4 Administration des questionnaires aux associations…………………………………. 5
4.5 Traitement des questionnaires…………………………………………………………………. 6
4.6 Rédaction du rapport………………………………………………………………………………… 6
5 Résultats de l’étude …………………………………………………………………………………. 6
5.1 Cadre juridique de déclaration légale des associations de types Loi 1901… 6
5.2 Structure administrative en charge de la délivrance des récépissés…………. 7
5.3 Mode opératoire de l’octroi du récépissé…………………………………………………. 8
5.4 Difficultés rencontrées par le personnel de la structure en charge de la
délivrance du récépissé…………………………………………………………………………….. 10
5.5 Evolution de la demande et de la délivrance du récépissé………………………… 12
5.6 Analyse des principaux problèmes rencontrés par les usagers………………….. 16
6 Conclusion…………………………………………………………………………………………………. 24
Annexes……………………………………………………………………………………………………… 25
3
1. INTRODUCTION
La présente étude sociologique démontre globalement que la procédure d’obtention du
récépissé d’association est loin d’être une sinécure. Ce serait plus vraisemblablement un
parcours du combattant qui en lasse plus d’un.
Cette étude menée auprès du ministère de l’administration territoriale, de la
décentralisation et des collectivités locales et avec la contribution de 150 associations ayant
fait la demande de récépissé, a permis de faire l’état des lieux de la procédure pour en
révéler les difficultés et les contraintes.
Elle s’est donnée pour mission de présenter la perception qu’ont les usagers de la Division
des Organisations Civiles et des Associations (DOCA) qui est en charge de la réception et de
l’étude des dossiers de demande de récépissé d’association. Elle se limite à la situation des
associations et n’aborde pas celles des ONG, des organisations syndicales et religieuses et ne
couvre pas non plus l’évaluation du cadre juridique régissant la liberté d’association.
Les difficultés rencontrées par les associations sont nombreuses et diverses. Pourtant le
régime de déclaration dans lequel s’inscrit cette démarche et qui émane de la loi de 1901 sur
les associations aurait pu laisser croire que cette formalité aurait dû et pu rester ce qu’elle
devrait être : une formalité. Elle devrait être simple et rapide et pourtant c’est tout à fait
l’inverse que vivent les demandeurs.
Contrairement à ce que les utilisateurs non avertis de ce service public pourrait penser, la
mission des agents qui y travaillent est lourde et rendue extrêmement laborieuse en raison
des insuffisances et dysfonctionnements multiples et de différentes natures. La présente
étude permet de les mettre en lumière.
Heureusement, depuis 2000 et plus particulièrement en 2007 des efforts ont été effectués
par la DOCA pour alléger la tâche aux demandeurs et simplifier quelque peu la procédure.
Cette mini réforme a produit dès 2012 des résultats très significatifs en faveur des
demandeurs et se reflète notoirement au niveau du taux de délivrance de récépissés.
2. OBJECTIFS DE L’ETUDE
2.1. Objectif général
L’objectif global de l’étude est l’amélioration du cadre juridique d’exercice des OSC.
2.2. Objectif spécifique
L’objectif spécifique est d’une part d’avoir une analyse en rapport avec la réalité associative
au Togo de la Loi 1901 pour savoir si elle est adaptée aux réalités nationales et d’autre part
et d’avoir d’autre part des éléments factuels documentés et prouvés de la qualité des
difficultés éprouvées par les OSC pour l’obtention de leur récépissé.
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3. RESULTATS ATTENDUS
Les principaux résultats attendus de cette étude sont :
Des interviews et enquêtes auprès des OSC sont menées dans les 5 régions du Togo ;
Une analyse documentée des réalités d’obtention du récépissé est disponible ;
Un constat et une compilation des faits et des difficultés inhérents aux démarches
d’obtention des récépissés est disponible.
4. METHODOLOGIE
4.1. Revue documentaire
Elle a consisté à rechercher de la littérature sur internet et dans les archives des réseaux et
autres regroupement d’OSC de la place. Cette recherche a permit de retrouver des
documents des faîtières des OSC, FONGTO et UONGTO et des réseaux régionaux et
thématiques. Une attention particulière a été également accordée aux rapports des projets
ayant eu pour objectif l’accompagnement des OSC notamment des projets appuyé par l’UE
ou le PNUD, notamment les projets tels que le PAOSC. De plus, une documentation assez
riche a pu être obtenue auprès du commanditaire lui-même.
En dehors des rapports d’études, recherches et projet, la revue documentaire s’est
intéressée aux bases de données des réseaux en vue d’identifier les OSC devant faire l’objet
du sondage. Cette phase de la revue a permis de compulser une importante liste des OSC
auprès du PNUD, de RELUTET, de FODDET et des réseaux régionaux.
Enfin, la revue documentaire a permis d’accéder à la base de données de la DOCA qui est
très fournie. Elle contient un listing des organisations ayant obtenu le récépissé depuis 2008.
4.2. Elaboration de questionnaire
Trois types de questionnaires ont été élaborés. Le premier est un guide d’entretien destiné à
animer la séance de travail avec la Division des Organisations Civiles et des Associations
(DOCA).
Le second est un questionnaire structuré de trois pages adressé aux usagers de la DOCA qui
feront l’objet du sondage.
Enfin un dernier guide d’entretien a été élaboré pour servir à recueillir des avis auprès de
personnes ressources ayant une connaissance avérée du domaine.
4.3. Séances de travail avec la Division des Organisations Civiles et des
Associations (DOCA)
Dans le cadre de la réalisation de la présente étude sociologique, quatre séances de travail
ont été réalisées avec le service de l’administration publique chargée de la délivrance du
récépissé. Il s’agit de la Division des Organisations Civiles et des Associations (DOCA) du
Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivistes Locales.
Pour faciliter l’entrée de la Consultation au Ministère, une lettre officielle a été transmise au
Ministre de l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivistes Locales
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de sollicitant un rendez-vous pour discuter de la faisabilité de l’enquête auprès dudit
service.
Après bien des péripéties dues à l’indisponibilité du Ministre en raison du scrutin législatif
du 25 juillet 2013, le Ministre a reçu le Consultant et son assistant pour une brève audience.
Il a marqué sn approbation à la réalisation de cette étude en donnant des consignes aux
responsables de la Direction des Libertés publiques et des Cultes et de la Division des
Organisations Civiles et des Associations (DOCA). Il a souhaité pour conclure l’entretien que
cette étude puisse aider le ministère à clarifier le cadre légal des OSC et à créer un minimum
de coordination.
Par suite, un premier rendez-vous a été convenu sur le 21 aout 2013 pour une séance de
travail avec la division concernée.
Ladite séance de travail qui à eu lieu à la date indiquée a permis aux deux membres de
l’équipe de consultants, de discuter en long et en large des sujets inscrits dans le
questionnaire élaboré à cet effet. Il s’agit des textes organiques et des attributions de la
division, de son organigramme, du personnel, des procédures d’obtention du récépissé, des
moyens mis à disposition, des difficultés rencontrés et des approches de solutions. Le Chef
division et son chargé d’étude ont mis à disposition de l’équipe de consultants une
documentation numérique complémentaire aux informations fournies au cours de
l’entretien. Une visite aux locaux de la division a conclu la séance.
Il a été convenu à la fin de la séance qu’une nouvelle séance serait organisée à une date qui
sera fixée de commun accord pour discuter des questions complémentaires.
4.4. Administration des questionnaires aux associations
Tableau N°1 : Répartition par région des OSC ayant participé au sondage
REGION Nombre %
Lomé 48 31
Maritime 25 16
Plateaux 23 15
Centrale 15 10
Kara 25 16
Savanes 17 11
Total 153 100
Au total, 153 organisations ont répondu aux questionnaires du sondage. Cet échantillonnage
a essayé de respecter la représentativité des OSC dans chaque région. Au cours de
l’administration du questionnaire qui a nécessité une mission à travers les 5 régions du Togo
et Lomé, il a été à chaque fois demandé des témoignages permettant d’illustrer tout le
processus d’obtention du récépissé.
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Il faut préciser qu’environ 200 questionnaires ont été ventilés, ce qui implique un taux de
réponse de 77%.
En dehors des OSC, 15 personnes ressource ont été approchées pour livrer leur réflexions et
témoignages sur le sujet.
4.5. Traitement des questionnaires
Le questionnaire structuré des OSC a été généré sur le logiciel Sphinx. A la suite de
l’enregistrement des réponses, un traitement a permis d’apurer les donner et d’établir des
tableaux primaires et croisés. Des tableaux et des tendances ont été établis. Les réponses
des entretiens avec les personnes ressources ont été également analysées et classées.
4.6. Rédaction de rapport
Ces formations analysées ont permis de rédiger le présent rapport à travers les tableaux. Les
éléments recueillis des réponses des entretiens avec les personnes ressources et la DOCA
ont servi également à alimenter la rédaction.
5. RESULTATS DE L’ETUDE
5.1. Cadre juridique de déclaration légale des associations de types Loi 1091
Pour mieux comprendre la situation, un bref rappel juridique s’impose. Sous colonisation
française le Togo va hériter de la loi du 1er juillet 1901 relative à la liberté d’association. Cet
héritage s’effectuera par le biais de deux décrets d’application pris en mai 1946 qui rendent
applicable au Togo le titre premier du décret du 16 août 1901 portant règlement
d’administration publique pour l’exécution de la loi du 1er juillet.
Plus tard, concernant spécifiquement les associations, deux arrêtés vont être pris ; l’un le 17
décembre 2008, il fixe les frais d’étude des dossiers des organisations de la société civile et
de culte. L’autre sera pris le 28 juin 2011 et portera création d’une régie de recettes auprès
du ministère de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités
locales1. Par ailleurs, la Loi n° 2011-10 va fixer les conditions d’exercice de la liberté de
réunion et de manifestation pacifiques publiques. Pour l’essentiel l’arsenal juridique qui
encadre les associations se résume aux textes précités.
Ces dispositions seront jugées archaïques et d’application difficile autant pour les
associations que pour les structures communautaires telles que les comités villageois de
développement (CVD) et les comités de développement de quartier (CDQ). Le mutisme des
textes par rapport aux regroupements d’associations a également été maintes fois relevé par
1 Arrêté n°0067/MATDCL-CAB , Arrêté n°17/MEF/SG/DGTCP/DCP
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les OSC et les études disponibles sur le sujet2 et rencontres organisées3. Il en est de même
de l’insuffisance de dispositions juridiques relatives à la reconnaissance d’une association
jugée d’utilité publique.
5.2. Structure administrative en charge de la délivrance des récépissés
d’association
Au Togo, le service de l’administration publique chargé de la délivrance du statut
d’association conformément à la loi 1901 est la Division des Organisations Civiles et des
Associations (DOCA).
5.2.1. Historique
Pour mieux comprendre la situation, il faut remonter à la période coloniale et l’introduction
de la Loi 1901 dans la colonie togolaise en 1946 par décret pris par l’autorité (confère
Annexe). Elle résulte de la nécessité pour l’autorité coloniale de contrôler la création des
premiers mouvements de lutte pour l’indépendance. A l’indépendance, le Ministère de
l’Intérieur a hérité de cette loi qui n’a subi aucune modification.
On constate une certaine évolution dans l’application de la Loi 1901 au cours des années,
évolution liée aux mutations politiques dans le pays.
5.2.2. Organigramme
La Division des Organisations Civiles et des Associations est un service du Ministère de
l’Administration Territoriale, de la Décentralisation et des Collectivistes Locales logé plus
précisément au sein de la Direction des Libertés Publiques et des Cultes.
5.2.3. Texte organique
Depuis son érection en division 2006 avec le détachement du Ministère de l’Intérieur et de la
Sécurité, ce service en charge de la délivrance des récépissés ne dispose pas de texte
réglementaire.
Son attribution principale est la délivrance de récépissé aux associations nationales et
étrangères, aux groupements y compris les coopératives, aux syndicats et fondations. En fait,
il s’occupe aujourd’hui principalement des associations de développement.
Selon le chef division, des réflexions et propositions ont été engagées mais n’ont pas abouti.
Pour pallier cette insuffisance, le personnel et principalement le chef division travaillent sur
la base de d’initiatives et de prépositions soumises à la hiérarchie
2 Etude COSS/DSRP portant renforcement du cadre juridique, législatif et réglementaire des activités des
organisations de la société civile 3 Atelier de réflexion sur l’efficacité de la structure de gouvernance des ONG qui avait entre autres objectifs de
faire l’tat des lieux et de proposer des pistes en vue de réformer les dispositions issues de la Loi de 1901
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5.2.4. Ressources de la DOCA : Personnel et équipement
Actuellement, la division compte trois agents :
Un (1) chef division
Un (1) chargé d’études
Un (1) agent d’appui
Les deux premiers ont une formation de juriste, tandis que le troisième est un commis de
bureau.
Il est limité à deux (2) bureaux qui accueillent les trois agents. Le second a attendu très
longtemps avant de disposer d’un climatiseur. Un dernier local est affecté aux archives et
reçoit les dossiers des organisations. Son équipement est très sommaire (quelques
étagères).
Officiellement, la division ne dispose pas de l’outil informatique pour la gestion des dossiers
des associations. Mais, afin d’optimiser son travail, le chef division a acquis personnellement
un ordinateur de bureau. Avec environ 11 000 dossiers enregistrés depuis 1990, il est
évident que l’outil informatique est capital.
5.3. Mode opératoire de l’octroi du récépissé
La procédure d’obtention du récépissé à la DOCA comprend 6 étapes : la demande, l’étude,
l’enquête, le dépôt, la délivrance et l’insertion au Journal Officiel.
5.3.1. La demande
Elle comporte différentes pièces à fournir suivant le type d’organisation (association,
fondation, groupement ou mutuelle ou coopérative, syndicat, réseau ou consortium ou
fédération, association internationale ou étrangère). L’ensemble des pièces est déposé à la
DOCA. Selon les statistiques disponibles à la DOCA, environ une moyenne de 700 dossiers
sont reçus par an.
5.3.2. L’étude
Dès réception de la demande se met en place une procédure d’accompagnement en vue de
la finalisation du dossier. Avec l’appui des agents de la DOCA, les demandeurs de récépissé
sont conviés à parfaire les différents éléments du dossier. Selon le chef division, il est
proposé à cet effet aux usagers, des modèles de textes (statuts et règlement intérieur) qui
ont été mis au point par son soin. C’est à la suite de cet accompagnement que le dossier
peut être recevable.
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5.3.3. L’enquête
On peut signaler d’entrée de jeu qu’à l’origine, la loi ne prévoyait aucune procédure
d’enquête. Mais depuis l’amorce de la démocratisation du pays dans les années 90, il est
organisé une enquête autour des membres du Bureau Exécutif ou des membres du Conseil
d’Administration dont la liste est jointe au dossier.
En fait selon les responsables de la DOCA, c’est une enquête de moralité qui est réalisée
autour des premiers responsables de l’organisation. Elle est exécutée en dehors des
communes par la gendarmerie, dans les villes par la police et à Lomé par la Direction
Centrale des Renseignements Généraux (DCRG). A cet effet, les requêtes sont adressées à la
Gendarmerie par l’intermédiaire du Ministère de la Défense et à la Direction Centrale de la
Police Nationale.
Depuis l’année 2007, les enquêtes de moralité systématiques ont été abandonnées sur
proposition de la division. Néanmoins, si les circonstances l’exigent, la division peut
commanditer une enquête policière spécifique sur des dossiers particuliers pour éclairer des
zones d’ombre.
5.3.4. Le dépôt
A la suite du bouclage du dossier et l’accord de la DOCA et le rapport favorable de l’enquête
de police ou de la gendarmerie, le demandeur est invité à payer les frais d’étude de dossier.
Ceux-ci sont versés depuis quelques années auprès d’un régisseur spécialement installé au
par le Ministère des Finances sur la base de deux arrêtés :
Arrêté N° 0067/MATDCL-CAB du 17 décembre 2008 fixant les frais d’étude de dossier
des OSC et de Culte a institué des frais légaux à verser à l’administration publique
dans le cadre de la demande du récépissé.
Arrêté N°017/MF/SG/DGTCP/DCP du 28 janvier 2011 portant création d’une régie de
recette auprès du ministère de l’administration territoriale de la décentralisation et
des collectivités locales.
Le dépôt donne droit à un numéro d’enregistrement qui est communiqué au requérant.
5.3.5. La délivrance
L’ensemble du dossier apprêté permet désormais de préparer le récépissé à la signature du
Ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et des collectivités locales. Il
est donc le seul à décider en définitive de signer ou non le récépissé et du moment opportun
pour le faire.
5.3.6. Insertion au Journal Officiel (JO)
Tout récépissé délivré doit selon la loi, être insérer au journal officiel dans les 30 jours.
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La mise en œuvre de ces différentes étapes connaît de nombreuses difficultés qui
transparaissent d’ores et déjà de la description des effectifs humains affectés à cette mission
que de l’insuffisance du matériel et des équipements de travail. Cependant, d’autres
contraintes émaillent le processus.
5.4. Difficultés rencontrées par le personnel de la structure en charge de la
délivrance du récépissé
5.4.1. Difficultés administratives et juridique/institutionnelles
D’abord, les textes instituant la division ne sont pas complets puisque les textes
d’application de l’arrêté devant la créer n’ont jamais été élaborés. Ce qui signifie qu’on est
en face d’une absence de procédures légales officielles régissant le fonctionnement de la
DOCA. On comprend alors que le fonctionnement de la division ne répond à aucun cadre
légal et peut être à géométrie variable voire aléatoire pour certains requérants ou pour
certaines situations. De plus, les agents n’ont aucune contrainte de temps pour la délivrance
du récépissé en l’absence de tout document de procédure ou d’une note administrative
fixant les délais de délivrance du récépissé.
L’enquête de moralité, quant à elle, soulève de nombreuses interrogations. Alors qu’elle
n’est pas prévue par la loi, à quoi était-elle sensée servir ? Quel type d’information devait
chercher la police judiciaire au cours de l’enquête de moralité pour soutenir ou non le droit
des individus à participer à la direction d’une association ? En fait, nombreuses ont été les
personnes interviewées à se poser la question de sa valeur ajoutée au processus. Elles ont
été également nombreuses à craindre que cette étape ne cache d’autres motifs non avoués.
Ce qui est certain, c’est que la DOCA n’avait aucune maitrise du déroulement de cette
investigation qui est aisément assimilable à un abus d’autorité ?
En tout état de cause, les usagers semblent avoir eu raison, puisque la suppression par le
ministère de l’enquête de moralité systématique a plutôt contribué à accélérer la procédure
depuis 2007.
5.4.2. Insuffisance ressources humaines
La DOCA dispose de peu de ressource humaine : en tout et pour tout, trois agents sont
dévolus à cette division. Mais seuls deux interviennent effectivement dans la procédure
d’obtention du récépissé. Ce qui parait bien peu. Selon les statistiques fournies par la
division, on dénombre une moyenne de 700 demandes par an au cours des 11 dernières
années.
Ce qui revient à dire que chaque agent doit traiter et valider plus d’un dossier par jour. Or
chaque dossier est étudié et traité à plusieurs reprises avec les demandeurs. Ceci est
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corroboré par la fréquence élevée de rejet des dossiers de demandes : près de trois sur
quatre sont rejetés jusqu’à trois fois avant l’obtention du récépissé. Il est donc clair que
malgré toute leur volonté de bien faire et même avec les outils les plus performants, les
agents de la division auront du mal à satisfaire les demandes en temps et en heure. Si on y
ajoute le fait qu’au bout de la chaine, seul le Ministre décide du « droit de vie ou de mort
sur le récépissé4 », l’on comprend alors pourquoi il est si difficile d’obtenir en un temps
raisonnable un récépissé d’association.
5.4.3. Difficultés logistiques
Elles sont liées à la gestion des archives et à l’insuffisance des infrastructures immobilières
5.4.3.1. Gestion inappropriée
Il s’agit tout d’abord de difficultés à gérer matériellement les dossiers de demande et les
récépissés : ce qui soulève un problème d’archivage.
En effet, la DOCA est amenée de part ses attributions à gérer une base de données de
milliers de dossiers. Ceci nécessite évidemment des moyens informatiques. A ce jour, la
division n’en dispose pas, du moins officiellement. Le seul ordinateur de bureau sur lequel
travaille le Chef de division est obsolète et ne dispose pas de logiciel approprié pour gérer les
milliers de données à conserver. Cette insuffisance d’ordre technique n’est pas sans
inconvénient sur le rendement de la division et sur la qualité du service public. En témoigne
la situation suivante qu’un responsable d’association nous a rapportée sur le terrain :
Cette situation est la conséquence d’un problème d’archivage résultant de l’absence de
moyens techniques appropriés. Pendant longtemps, les dossiers ont été gérés
manuellement sans tenir compte des dites techniques. Depuis quelques années, le Chef
division a pu réorganiser quelque peu les archives et on en est aujourd’hui à un archivage
4 Expression utilisée par un responsable de Réseau d’associations très connu au cours du sondage effectué sur le
terrain.
« Je suis responsable d’une association de média. J’ai déclaré mon organisation et obtenu le
récépissé en 2005. J’ai été complètement surpris de constater trois ans après qu’une autre
organisation déclarée en 2008 porte le même nom que ma structure. Ce qui ne devait pas
arriver à mon sens. Le drame c’est que le responsable de la deuxième organisation m’a appelé
et sur un ton très peu courtois m’a accusé de tenter d’usurper l’identité de son association. Il a
fallu qu’on se rencontre et que je lui démontre l’antériorité de mon récépissé par rapport au
sien » Extrait d’un entretien avec un responsable d’association.
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acceptable avec un classement par date par numéro de récépissé et par classeur. Mais il ne
s’agit que d’une partie des dossiers. En fait le problème d’archivage ne peut être réglé que
par la mise à disposition de l’outil informatique avec des logiciels adaptés à la gestion de
base de données.
5.4.3.2. Manque de locaux appropriés
L’une des tâches de la division consiste à gérer et conserver les dossiers mais l’équipement
ne permet pas la conservation optimum des dossiers en l’absence de climatisation. C’est un
complément essentiel à la réalisation complète des attributions de la division. Il s’agit de
disposer de locaux à température et taux d’humidité requis pour conserver le mieux possible
les dossiers. Ces locaux devant être équipés de meubles à rayons facilitant le classement des
dossiers. Et pourquoi ne pas penser à un archivage numérique de ces dossiers.
Ces difficultés affectent énormément la capacité de délivrer dans un délai raisonnable les
récépissés.
5.5. Evolution de la demande et de la délivrance du récépissé
5.5.1. Evolution de la demande du récépissé
Graphe N° 1: Répartition des demandes de récépissé enregistrées au DCA (2002 à 2012)
Il faut préciser pour commencer que plus de 11 000 demandes ont été enregistrées par le
ministère depuis l’ouverture démocratique en 1990. La demande de récépissés par les OSC a
été étudiée sur la période allant de 2002 à 2012 sur la base des données fournies par la
DOCA. Au total, plus de 8000 demandes ont été enregistrées sur les onze années étudiées.
De façon générale, on constate une augmentation constante de la demande de 2002 à 2008
puis une certaine inflexion jusqu’en 2012 : de 596 demandes en 2002 à 980 en 2008 et 858
en 2012. Sur toute la période, on peut observer une valeur moyenne de plus de 700
13
demandes annuelles. Ces demandes émanent de toutes les régions du pays et concernent
toute la gamme de domaines d’intervention des OSC.
5.5.2. Evolution de la délivrance des récépissés
5.5.2.1. Tendance générale de l’évolution de la délivrance du récépissé depuis
2002
Graphe N°2 : Répartition de la délivrance du récépissé au DCA (2002 à 2012)
Selon tous les témoignages des responsables des OSC, la délivrance du récépissé a toujours
posé des problèmes. A l’instar des demandes, la délivrance de récépissé a crû depuis 2002.
Sur la période étudiée, il a été délivré 4326 récépissés. D’à peine 200 récépissés en 2002, la
DOCA a délivré en 2012 plus de 850 récépissés soit une augmentation de plus de 400%. En
fait, la courbe d’évolution de la délivrance du récépissé a connu une évolution en quatre
phases. D’abord, elle a connu une phase stable où le nombre de récépissé a tourné autour
de 200 par an sauf en 2003 (96 récépissés) de 2002 à 2005. Puis elle a connu une croissance
à pic suivie d’une baisse. Il s’agit des années 2006 à 2008 où le nombre de récépissés
délivrés est passé de 526 à 125. Depuis 2009, la délivrance de récépissés augmente
graduellement ; elle avoisine le chiffre de 900 en 2012.
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Graphe N°3 : Evolution du taux de délivrance du récépissé au DOCA (2002 à 2012)
Depuis cette année-là, le nombre de récépissés délivrés a régulièrement augmenté pour
arriver à un chiffre record de 858 récépissés délivrés en 2012 surpassant pour la première
fois le nombre de demandes dans l’année. C’est une prouesse à laquelle personne ne
s’attendait mais elle est réelle. Et elle est assez significative car elle est de 10 points (110%).
Cette évolution permet d’atteindre une moyenne de presque 400 récépissés par an. Ceci est
une très grande évolution si l’on se rappelle qu’en 2003, on en était à seulement 96. Ceci
prouve que les réformes opérées par la DOCA ont porté leurs fruits.
5.5.2.2. Répartition par région
L’étude s’est intéressée à la répartition par région de la délivrance du récépissé (confère
Tableau N°2).
Tableau N°2 : Evolution de la délivrance des récépissés par région de 2010 à 2012
2010 2011 2012 ENSEMBLE TAUX
MARITIME 126 188 225 539 25
PLATEAUX 55 79 87 221 10
CENTRALE 27 27 42 96 4
KARA 34 34 48 116 5
SAVANES 15 24 29 68 3
LOME 320 371 425 1116 52
TOTAL 577 723 856 2156 100 Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013
Sur la période de 2010 à 2012, au total 2156 récépissés ont été délivrés. La Région Maritime
et Lomé représentent 77% et Lomé à elle-seule accueille plus de 50%. Cette tendance est
15
régulière puisqu‘en 2011, Lomé rassemblait plus de 55% des récépissés. Sur ces trois années,
dans toutes les régions, le nombre de récépissés obtenus a régulièrement augmenté. De
plus, on remarque que le nombre de récépissés diminue au fur et à mesure qu’on s’éloigne
de la capitale sauf pour la Région de la Kara qui supplante la Région Centrale dans cette
évolution géographique. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que la Région de la Kara compte
7 préfectures alors que la Région Centrale n’en compte que 5.
5.5.2.3. Répartition par domaine d’intervention Tableau N°3 : Evolution de la délivrance des récépissés par domaine d’intervention de 2008 à 2012
Période Ensemble Domaine 2008 2009 2010 2011 2012 TAUX
Agriculture - Elevage 2 26 26 40 27 121 4
Culture - Artisanat - Sport 12 36 49 79 98 274 10
Droit l'homme - Démocratie - Bonne gouvernance 5 23 55 46 64 193 7
Droits de l’enfant 5 21 33 47 69 175 6
Environnement - Développement durable 12 58 130 50 100 350 13
Genre - Droits de la femme 9 21 39 57 51 177 7
Humanitaire - Action Sociale 17 46 59 69 94 285 11
Jeunesse - emploi 4 29 42 24 66 165 6
Lutte contre la pauvreté 6 9 14 75 53 157 6
Renforcement des capacités - Formation 3 7 16 1 39 66 2
Santé - Nutrition - Planification familiale - 4 28 47 73 71 223 8
Scolarisation - Alphabétisation 0 3 18 62 26 109 4
Autre 46 116 49 100 100 411 15
TOTAL 125 423 577 723 858 2 706 100 Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013
L’étude s’est intéressée aussi à la répartition par domaine d’intervention de l’obtention du
récépissé sur les cinq dernières années (confère Tableau N°3). On remarque une répartition
éparse de l’attribution du récépissé selon les domaines d’intervention. En dehors d’un
groupe d’associations classées "Autre" qui représente 15% des récépissés, il est difficile de
considérer qu’un domaine est « privilégié » : trois ont des taux compris entre 10 et 13%
(Environnement - Développement durable, Humanitaire - Action Sociale, Culture - Artisanat
– Sport) et trois autres ont des taux d’établissement du récépissé situés entre 7 et 8% (Droit
l'homme - Démocratie - Bonne gouvernance, Genre - Droits de la femme, Santé - Nutrition -
16
Planification familiale). Il a été difficile de vérifier par les statistiques d’obtention du
récépissé cette affirmation relevée dans les Actes du Colloque sur les relations entre l’état et
la société civile, PAOSC 2006, qui dont les travaux ont laissé entendre que les organisations
de défense des droits de l’Homme se considèrent comme persécutées du moins sur les cinq
dernières années. Des témoignages prouvent cet état esprit qui est prégnant au sein des
organisations des droits de l’Homme.
Un autre responsable d’une ONG des droits de l’Homme a affirmé au cours de l’entretien
que l’obtention du récépissé pour son organisation a été un véritable parcours du
combattant.
5.6. Analyse des principaux problèmes rencontrés par les usagers
5.6.1. Longs délais de délivrance du récépissé
Tableau N°4 : Taux de satisfaction par rapport au délai d’obtention du récépissé
Nombre Taux
Oui 39 26%
Non 109 74%
Total 148 100% Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la
délivrance du récépissé, août 2013
L’un des griefs principaux portés par les usagers sur le processus de délivrance du récépissé
est la longueur du délai entre le dépôt du dossier de demande et l’obtention réelle du
précieux document. Officiellement et selon les textes du DOCA, aucun délai n’est prescrit. Ce
qui en soi n’est pas réglementaire. A la pratique, l’enquête effectuée auprès des usagers
montre que près de trois sur quatre d’entre eux n’en sont pas satisfaits (Tableau N°4). Selon
leurs déclarations, ce délai dans la plupart des cas est trop long. Ceci peut être observé dans
le Tableau N°5 ci-après :
Tableau N°5 : Délai d’obtention du récépissé
0 à 3 mois
3 à 6 mois
6 à 9 mois
9 à 12 mois
12 à 18 mois
18 à 24 mois
24 à 30 mois
30 à 36 mois
Plus de 36 mois NSP Total
Nb 13 10 6 26 7 14 3 4 21 37 141
% cit. 9% 7% 4% 18% 5% 10% 2% 3% 15% 26% 100%
Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013
« Ce fut une véritable bataille avec le ministère qui a duré plus de 6 ans. J’ai fini par me dire
qu’on n’aura plus jamais le récépissé. Je suis convaincu que c’est parce qu’on travaille dans le
domaine des droits de l’homme. Avant les années 2000, c’était trop difficile. » Extrait d’un
entretien avec un responsable d’association de défense des droits de l’homme.
17
On observe dans ce tableau que seul 9% des demandeurs ont pu disposer du récépissé au
bout de 3 mois. Ce taux s’élève à près de 40% pour le délai d’une année. Entre 12 et 36 mois,
seul 20% des associations arrivent à l’obtenir. Elles sont 15% des sondées à se faire établir le
précieux document au-delà de 3 ans. Il faut noter qu’un quart des personnes interrogées
n’ont pas pu déterminer le délai. Il est donc clair que l’opinion des usagers du service de
délivrance du récépissé est largement justifiée en ce qui concerne leur non satisfaction par
rapport au délai.
Les participants au sondage se sont également prononcés sur les raisons qui expliquent à
leurs yeux la longueur du délai de délivrance du récépissé (confère Tableau N°6 ci-après).
Tableau N°6 : Raison de la délivrance tardive selon les usagers
Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013
Les usagers ont relevé avec raison le problème de l’insuffisance du personnel évoqué plus
haut. Apparemment, celui-ci saute aux yeux. Cette évocation a retenu l’attention d’un quart
d’entre-eux. Une autre raison y subséquente est la négligence ou l’incompétence du
personnel. A l’observation et à la suite des entretiens avec le personnel, cette évocation ne
semble pas justifiée puisque celui-ci a su proposer des solutions en vue de l’amélioration de
leurs prestations. Il faudra rappeler également que le Chef de division a dû acquérir par ses
propres moyens un ordinateur de bureau en vue de faciliter le travail. Enfin, des
témoignages ont révélé que le personnel de la DOCA vient travailler les samedis et autres
jours non ouvrables.
Une troisième évocation a très à l’épineux problème du pot de vin ou autre appel de fonds.
Celle-ci est ressortie chez pratiquement le tiers des personnes touchées. Selon toute
vraisemblance, les usagers ont interprété les délais assez longs comme une invite déguisée
au versement de pot de vin. La pratique est assez répandue dans les services publics selon
les usagers. Elle est ancrée dans les habitudes. Un quart des usagers l’ont affirmé.
Evocation Nombre % obs.
Insuffisance de personnel 35 23%
Négligence ou incompétence du personnel 42 28%
Sollicitation directe ou indirecte de pot de vin 46 30%
Désir d'empêcher la création d'association ou blocage politique 39 26%
18
Le personnel reconnaît que les requérants font des cadeaux divers pour service rendu. Selon
ces fonctionnaires, « personne n’est bête pour refuser un cadeau surtout de l’argent ». Mais
ils ont pris soin d’ajouter qu’en fait ces cadeaux ne peuvent changer fondamentalement le
cours des choses puisque c’est le Ministre qui décide ou non de signer le récépissé.
Enfin, la quatrième évocation fait référence à des raisons politiques. Selon les usagers, il
existe une volonté manifeste de l’administration d’empêcher les citoyens de créer des
associations, ce qui reviendrait à laisser trop d’espace de liberté aux citoyens. Cet espace de
liberté d’association pourrait se retourner contre le pouvoir politique en place. C’est ce qui
justifierait d’ailleurs que les associations de droits de l’Homme se sentent plus que les autres
persécutées. Il s’agit là de commentaires de responsables d’une association intervenant dans
le domaine de la bonne gouvernance. L’un d’entre eux a complété son témoignage en
affirmant que pour restreindre la marge de manœuvre de ces associations qui viendraient à
nuire au pouvoir en place, ce dernier en aurait mis en place par personnes interposées des
méthodes destinées à reléguer aux calandres grecques les demandes de récépissé. Cette
manœuvre selon lui existerait depuis la période coloniale et aurait été révélé durant la
conférence nationale.
A contrario, certains citoyens pensent que les associations ont des buts inavoués5, ce qui
expliquerait les enquêtes approfondies pour déceler les ambitions cachées des associations
en création:
:
5 PASCRENA, Mission d’étude cartographique expérimentale de la société civile de la Région des savanes et de
la Région Maritime, Rapport final, mai 2013, page 218.
Pour déposer mon dossier, je me suis informé chez un ami qui a pu se le faire délivrer assez
rapidement. Il m’a indiqué que si le dossier est prêt, il faut y ajouter une somme de soixante
mille francs. Là tu es sûr de l’avoir dans les meilleurs délais. Et c’est ce que j’ai fait. J’ai été
récompensé. Mais c’est quelque chose que j’ai fait à contre cœur. Je me suis dis que c’est
ainsi que fonctionne notre administration. Témoignage d’un usager résident à
Lomé.
J’ai déposé ma demande récépissé depuis un an sans résultat. J’ai donc décidé de le suivre
et j’effectuais des visites régulières à la DOCA. Comme je venais de l’intérieur, l’un des
agents en blaguant me demandait si j’avais ramené une spécialité de mon lieu de
provenance. A force, dès mon arrivée à Lomé, j’allais au marché pour lui acheter quelques
produits pour les lui offrir. Témoignage d’une requérante de l’intérieur
« Les OSC existent mais elles sont souvent créées à la veille des élections. Elles sont créées pour
des buts politiques ». Extrait d’un entretien avec un censeur de lycée dans la
Préfecture de l’Oti, mars 2013.
19
En vue de faire accélérer cette procédure de délivrance qui dure trop longtemps, les usagers
ont imaginé des solutions palliatives :
Tableau N°7 : Solutions palliatives selon les usagers à la délivrance tardive
Source : Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013
Selon le tableau ci-dessus, la solution la plus utilisée est la « Mise à contribution d'un tiers »,
elle a été citée par 41% des usagers. Elle prend des formes diverses : c’est un parent direct
ou indirect qui connaît le personnel de la DOCA ou encore une connaissance du même
village ou de la même ethnie que lui ; c’est encore quelqu’un qui peut avoir une autorité
quelconque supposée sur le personnel ou des relations très étroites avec lui.
Une autre variante de cette solution est la sollicitation d’une rencontre avec le Ministre ou
avec un autre cadre du même ministère. Cette forme étant plus administrative alors que
souvent la précédente est informelle. Un usager sur cinq affirme l’utiliser.
Mais la seconde solution par ordre d’importance (22%) à l’usage est le pot de vin. Ainsi le
non versement de pot de vin serait, pour de nombreux usagers, la cause de la longueur du
délai de délivrance, mais il serait également une des solutions palliatives à cette difficulté.
Enfin, la lettre de relance, la solution purement administrative ne requiert l’assentiment et la
pratique que de 9% des demandeurs.
En définitive, il apparait que l’intervention des tiers est pour les citoyens le meilleur moyen
de faire bouger les choses puisqu’elle est à l’usage de près de deux usagers sur trois.
Enfin, selon les investigations, en vue de contourner la longueur du délai, certains usagers se
contentaient de se limiter au numéro d’enregistrement obtenu au moment de l’acceptation
du dossier dûment corrigé et accepté par la DOCA. Ce palliatif a fait long feu puisque à partir
d’un certain moment, les partenaires techniques et financiers qui appuient les OSC ont
refusé de s’en contenter. Il était donc devenu impératif que seul le récépissé d’association
faisait foi de l’existence légale des OSC.
5.6.2. Difficulté dans la constitution du dossier et la rédaction des documents
requis
Le dossier de demande de récépissé comporte en général, les pièces suivantes : une lettre
de déclaration, les statuts, le Règlement Intérieur, la liste des responsables (Bureau Exécutif
Solution Nombre % obs.
Pot de vin 34 22%
Mise à contribution d'un tiers 62 41%
Courrier de relance 13 9%
Sollicitation de rencontre avec le Ministre ou un cadre 31 20%
20
ou Conseil d’Administration), les copies de pièce d’identité des responsables, deux
enveloppes timbrées et une chemise à sangle.
Cette liste a été mise en place par les responsables de la DOCA (confère Annexes). Pour les
usagers, la constitution de ce dossier est un problème. Dans une étude toute récente de
PASCRENA, les associations ont pu évoquer les raisons de la non possession du récépissé. Et
selon leurs dires, « la difficulté à constituer le dossier ou la longueur des procédures de son
obtention »6 est une des raisons qui l’explique. Cette affirmation a été faite par les
associations des Régions Maritime et des Savanes.
En fait, pour bon nombre de personnes qui mettent en place une association, la rédaction
des textes constitue un véritable casse-tête. Puis après y être parvenu, souvent avec l’aide
d’un tiers, commence une phase délicate au niveau du dépôt.
Celle-ci consiste souvent à parfaire selon les agents de la DOCA les textes juridiques,
notamment les statuts et le règlement intérieur. Ces agents affirment être assez rigoureux
sur cet aspect, ce qui conduit les usagers à faire de nombreux va-et-vient pour corriger et
recorriger les textes jusqu’à ce que ceux-ci soient acceptables aux yeux des responsables de
la division.
La formulation des buts et objectifs de l’organisation au regard des domaines d’intervention
reste souvent la partie la plus difficile. Et comme il se pose le problème de ressource
humaine, l’on comprend que le délai s’allonge.
La solution qui consisterait à utiliser un canevas préétabli ne plairait pas au responsable du
service dans la mesure où selon lui, chaque association est différente.
La principale conséquence de la rigueur dans la rédaction des textes est le rejet des dossiers.
6 PASCRENA, Mission d’étude cartographique expérimentale de la société civile de la Région des savanes et de
la Région Maritime, Rapport final, mai 2013, page 120.
Un usager du service affirme tout admiratif devant le soin mis à faire les textes dit : « Ils sont
tellement méticuleux sur la rédaction des textes juridiques qu’ils corrigent même les points sur
les i ». Un usager de la DOCA.
21
Graphe N°4 : Nombre de rejet du dossier
Source : - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013
Le graphe ci-avant montre la fréquence de rejet des dossiers de demande de récépissé. On y
remarque que seuls 14% des usagers ont pu faire passer leur dossier sans rejet c'est-à-dire
du premier coup. Ce taux est vraiment faible. 40% on essuyé un rejet tandis que ce taux
monte à presque 75% pour 3 rejets.
Si on prend en compte le fait que les demandes viennent de toutes les régions du pays, on
comprend aisément le calvaire que vivent les usagers qui arrivent des Régions Centrale, de la
Kara et des Savanes.
Cette multiplication a bien sûr une répercussion négative sur le coût du processus.
5.6.3. Centralisation de la procédure
Il n’y a qu’un seul service de l’administration publique qui est en charge de la délivrance du
récépissé. Il s’agit de la DOCA et ce service est situé à Lomé. Ainsi le dépôt de tous les
dossiers de déclaration d’association ne peut se faire qu’à Lomé. En dehors d’une
déconcentration de ce service ou de la mise en œuvre de la décentralisation, les usagers de
la partie septentrionale (Régions Centrale, de la Kara et des Savanes) pays sont obligés de
faire le voyage sur la capitale et à plusieurs reprises au regard de la pratique constatée. Cette
situation les pénalise doublement. En dehors des difficultés constatées dans le processus de
délivrance du récépissé, les usagers des régions sus-citées doivent subir toutes les
conséquences de voyages multiples notamment les frais de déplacement et les frais de
séjour. Ceci peut être une des explications du faible taux de récépissés dans lesdites régions
(confère Tableau N°2). Cette situation est confortée par la récente étude du PASCRENA dans
la Région des Savanes7 dans laquelle il et relevé que la longueur des procédures de son
obtention est la raison de sa non possession.
7 PASCRENA, Mission d’étude cartographique expérimentale de la société civile de la Région des savanes et de
la Région Maritime, Rapport final, mai 2013, page 204.
22
Par ailleurs, il est apparu dans des années antérieures que certains usagers se contentaient
de déclarer leurs organisations auprès des Préfets. Il s’agit essentiellement de groupements.
A ce titre, ils recevaient un document signé du Préfet qui leur permettait d’exercer.
Afin d’alléger la procédure pour certains demandeurs, deux Préfectures dans la partie
septentrionale du pays (Tchaoudjo et Oti) ont accepté de réceptionner les demandes et de
les transférer par courrier officiel à la DOCA.
5.6.4. Enquête de personnalité et de moralité longue
Pour réaliser l’enquête, la Gendarmerie procède à une collecte d’information discrète autour
de la personne relativement à comportement dans la vie sociale, même dans son ménage ;
le cursus scolaire et de formation et le casier judiciaire sont passés au peigne fin. Et sur la
base des informations recueillies, l’officier traitant produit un rapport favorable ou
défavorable. Habituellement, aucune notification n’est faite au demandeur sur les
conclusions de l’enquête surtout quand elle est défavorable.
En définitive, on a constaté selon les responsables de la division que la gendarmerie réalise
une enquête discrète tandis que la Police procède autrement : les concernés sont convoqués
presque manu militari au commissariat. Il n’est pas rare selon de nombreux témoignages de
responsables d’associations enquêtés que la Police leur demande de payer le papier et les
frais de déplacement de leurs agents.
5.6.5. Le coût généré par le processus de délivrance du récépissé
Les usagers se sont également prononcés sur le coût lié à l’obtention du récépissé (confère
tableau N°8). Ce coût comprend : les déplacements, la communication téléphonique,
éventuellement les pots de vin, bref les dépenses totales effectuées dans le cadre de ce
processus. Seuls dix personnes dit n’avoir pratiquement rien dépensé pour s’approprier le
récépissé. Près de la moitié des usagers interrogés (46%) ont évalué les coûts à plus de
50 000F CFA. Ce montant parait assez exorbitant pour un document officiel qui était gratuit
jusqu’en l’an 2008. Un petit calcul permet de se rendre compte que ce montant est dépasse
le double du SMIG avant sa revalorisation il y a quelques années. L’autre moitié des
demandeurs a chiffré les dépenses entre 5000 et 50 000F.
En définitive, le coût du processus est prohibitif et devient ainsi un facteur limitant de
l’obtention du récépissé.
Histoire d’une organisation islamique : le dossier de demande stipulait que ladite organisation
est de type association de développement à caractère religieux. Suite à l’enquête de minutieuse par
rapport aux textes, aux objectifs, au fonctionnement et aux observations de terrain, il a été constaté
l’organisation n’est pas de type association de développement mais une structure de propagation
religieuse et à ce titre devait être orientée vers la division des cultes. (DOCA)
23
Tableau N°8 : Coût lié à la délivrance du récépissé
Source : Statistiques de la DOCA - Etude sur la délivrance du récépissé, août 2013
Il est utile de préciser que c’est en 2008 que par arrêté N° 0067/MATDCL-CAB du 17
décembre 2008 fixant les frais d’étude de dossier des OSC et de Culte a institué des frais
légaux à verser à l’administration publique dans le cadre de la demande du récépissé
(confère Annexe).
5.6.6. Refus de retrait des récépissés
Au cours des entretiens avec le personnel, de la DOCA il a été fait un constat assez
particulier : certains demandeurs ne viennent pas retirer les récépissés. La division compte
dans ses archives plus de 2000 récépissés non retirés dont certains datent de dix ans. Ce
phénomène s’expliquerait certainement par la lassitude des usagers par rapport à la durée
du service fourni par la DOCA. Un des usagers ayant participé au sondage a déclaré que la
longueur du processus est très dommageable aux OSC. Il arrive souvent qu’elles sollicitent le
récépissé pour constituer un dossier de financement. Et le processus ayant trop trainé, le
délai expire et pour le demandeur, « le récépissé n’a plus sa raison d’être » du moins dans
l’immédiat. C’est ce qui explique souvent le non retrait du document. Pour d’autres,
l’attente a été tellement longue qu’ils en sont lassés et renoncent à poursuivre le processus.
Et l’organisation fonctionne sans pièce juridique officielle. Un membre du personnel
témoigne aussi :
Ce témoignage est révélateur de l’état d’esprit qui habite un certain nombre d’usagers
complètement déçus par la qualité du service public.
Coût en F CFA Nombre %
5000 à 10000 8 6%
10000 à 15000 10 7%
15000 à 20000 13 9%
20000 à 25000 3 2%
25000 à 30000 18 13%
30000 à 35000 8 6%
35000 à 40000 1 1%
40000 à 45000 0 0%
45000 à 50000 17 12%
Plus de 50000 65 46%
Total 143 100%
Je suis de Dapaong et l’année dernière, j’ai pris mon congé. Pour en jouir j’ai décidé de me rendre dans
mon village natal. J’en ai profité pour emporter avec moi quelques récépissés de la préfecture de Tone
qui trainaient avec nous. J’ai été surpris que certains n’ont pas daigné venir les retirer bien qu’ayant
pris soin de les appeler avant mon départ et à mon arrivée sur les lieux. J’ai dû ramener encore ces
récépissés à Lomé. Je pensais leur rendre service. (DOCA)
24
6. CONCLUSION
On constate au vu de tout de qui précède que le processus d’obtention du récépissé
d’association est loin d’être une partie de plaisir. C’est un parcours extrêmement difficile et
coûteux. Tous les désagréments qui en résultent découragent beaucoup de citoyens qui avec
une bonne volonté se décident à mettre leur ressources et leur temps au profit du
développement de leur pays.
L’Etat gagnerait beaucoup à améliorer la situation telle que décrite qui ne profite à
personne. D’une certaine manière, les réformes déjà engagées ont commencé à produire
leurs fruits depuis quelques années. Il est souhaitable que ces transformations aillent en
profondeur et permettent à tous les citoyens quel qu’il soit et où qu’il se trouve d’apporter
sa pierre à la construction de la nation togolaise engagée dans un vaste chantier de
développement à la sortie des crises à répétition qui l’ont secouée.
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