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1 AFC Afrique 2 ème JEACC La pertinence de l’information comptable pour la prise de décision au sein des entreprises de petite taille Komivi KOUMAGNANOU Docteur en sciences de gestion Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG) Université de Lomé [email protected] Résumé Le présent article a pour objectif d’analyser la pertinence des informations comptables pour la prise de décisions stratégiques au sein de l’entreprise de petite taille. Pour ce faire, nous avons posé les fondements théoriques de la recherche à travers l’analyse des travaux portant sur l’utilité de l’information comptable. Dans une deuxième étape, nous avons décrit la démarche méthodologique de notre travail. Ainsi, nous avons procédé à l’étude empirique qui est à la fois quantitative et qualitative. Les données collectées ont été ensuite analysées. Les résultats montrent que la plupart des PE produisent l’information comptable à partir des divers documents (cahiers des recettes et dépenses, cahiers de tenue de compte caisse ou banque, documents de prévisions, documents de calcul de coût, documents de suivi, états financiers) qu’elles élaborent et les utilités de l’information comptable sont multiples. Elle est utilisée pour la prise de toutes les décisions stratégiques dans l’entreprise : décisions d’achat, décisions d’investissement, décisions de choix des produits à vendre. Mots clés : Prise de décision, Information comptable, PE, SMT Introduction La fin du vingtième siècle et le début du vingt-unième siècle ont été marquée par une prise de conscience très forte (des normalisateurs comptables) de l’élaboration des normes comptables pour les entreprises de petite taille (Colasse, 2009). Cette prise de conscience est due essentiellement à deux constats. D’abord l’environnement économique des entreprises de petite taille est de nos jours marqué par des mutations fréquentes dues aux phénomènes de mondialisation des échanges et d’intégration économique (Bigou-Laré, 2004). Secundo, pour les entreprises de petite taille, il existe un besoin de maîtrise de l’information et de prise de décisions stratégiques de plus en plus fréquentes (Ngantchou, 2011). Ceci conduit les entreprises de petite taille à s’interroger sur l’apport des modèles comptables et financiers traditionnels quant à leur capacité à fournir des informations pertinentes pour la prise de décisions stratégiques.

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AFC Afrique – 2ème JEACC

La pertinence de l’information comptable pour la prise de décision au sein des entreprises

de petite taille

Komivi KOUMAGNANOU

Docteur en sciences de gestion

Faculté des Sciences Economiques et de Gestion (FASEG)

Université de Lomé

[email protected]

Résumé

Le présent article a pour objectif d’analyser la pertinence des informations comptables pour

la prise de décisions stratégiques au sein de l’entreprise de petite taille. Pour ce faire, nous

avons posé les fondements théoriques de la recherche à travers l’analyse des travaux portant

sur l’utilité de l’information comptable. Dans une deuxième étape, nous avons décrit la

démarche méthodologique de notre travail. Ainsi, nous avons procédé à l’étude empirique qui

est à la fois quantitative et qualitative. Les données collectées ont été ensuite analysées. Les

résultats montrent que la plupart des PE produisent l’information comptable à partir des

divers documents (cahiers des recettes et dépenses, cahiers de tenue de compte caisse ou

banque, documents de prévisions, documents de calcul de coût, documents de suivi, états

financiers) qu’elles élaborent et les utilités de l’information comptable sont multiples. Elle est

utilisée pour la prise de toutes les décisions stratégiques dans l’entreprise : décisions d’achat,

décisions d’investissement, décisions de choix des produits à vendre.

Mots clés : Prise de décision, Information comptable, PE, SMT

Introduction

La fin du vingtième siècle et le début du vingt-unième siècle ont été marquée par une prise de

conscience très forte (des normalisateurs comptables) de l’élaboration des normes comptables

pour les entreprises de petite taille (Colasse, 2009). Cette prise de conscience est due

essentiellement à deux constats. D’abord l’environnement économique des entreprises de

petite taille est de nos jours marqué par des mutations fréquentes dues aux phénomènes de

mondialisation des échanges et d’intégration économique (Bigou-Laré, 2004). Secundo, pour

les entreprises de petite taille, il existe un besoin de maîtrise de l’information et de prise de

décisions stratégiques de plus en plus fréquentes (Ngantchou, 2011). Ceci conduit les

entreprises de petite taille à s’interroger sur l’apport des modèles comptables et financiers

traditionnels quant à leur capacité à fournir des informations pertinentes pour la prise de

décisions stratégiques.

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La littérature avance souvent l’existence dans les petites entreprises (PE) d'une vision

réductrice du système de données comptables. Les dirigeants de PME s’appuieraient plutôt

sur les sources informelles que sur les sources formelles, sur les sources externes que sur les

sources internes, sur les informations non-financières que sur les informations financières

(Bescos et Mendoza, 1998 ; Beldi et Cheffi, 2005 ; Mintzberg, 2006 ; Vallerand et al., 2008).

Mais la faible utilisation de l’information comptable dans les petites entreprises (PE) ne

résulte pas systématiquement d'un choix (Chapellier, 2003). Elle peut aussi être liée au fait

que le dirigeant n’ait pas toutes les clés pour tirer profit de la valeur potentielle de cette

information ou au fait que les informations comptables utiles ne soient pas présentes dans son

entreprise au bon moment.

Or on remarque que quelque soit le type de décision à prendre, le problème de décisions

stratégiques se pose primordialement en terme de pertinence des informations mise à la

disposition des partenaires. Sur le plan financier, la comptabilité générale, principale source

d’information orientée vers l’extérieur (Pigé, 2000), occupe une position centrale dans la

mise en œuvre des décisions stratégiques. Ainsi, dans les grandes entreprises, le système

comptable est très complexe pour assurer un niveau élevé de fiabilité et de contrôle des

informations. Par contre, il n’en est pas de même dans les petites entreprises. Le système

comptable y est très allégé et offre moins de garantie de fiabilité. Cette situation est à la base

des relations difficiles entre les petites entreprises, les banques et les administrations fiscales.

Le cadre d’analyse basé sur la pertinence des informations comptables a très rarement abordé

la question en matière de prise de décisions stratégiques au sein des PME surtout dans un

contexte d’harmonisation et de changement comptables. Cette communication propose une

évaluation du comportement des PME en matière de production de l’information comptable

pour la prise de décision. Ainsi, la question que pose cet article est la suivante : les données

comptables produites au sein des petites entreprises (PE) sont-elles pertinentes pour la prise

de décisions stratégiques ?

1 De l’information comptable à son utilité pour la prise de décisions : une analyse

théorique

Selon Bruns et McKinnon (1993), l’information comptable se définit comme étant une

donnée chiffrée relative à un phénomène économique passé, présent ou futur d’une entité,

ceci à partir d’une observation selon des règles établies. De cette définition, les informations

sont destinées à prendre les bonnes décisions économiques, à montrer l’utilisation rationnelle

et optimale des ressources dans le passé, valoriser et améliorer les performances et les

activités économiques pour l’avenir. Elle met en exergue également l’importance

macroéconomique de l’information comptable et l’influence gouvernementale et fiscale sur

celle-ci.

Pour Walton (2008) l’information comptable est un produit qui a pour objectif principal de

fournir des informations utiles afin de satisfaire les besoins des utilisateurs dans les meilleurs

délais et aux moindres coûts. Cet auteur souligne l’importance microéconomique à influence

commercial des données comptable. Les états financiers n’ont qu’un seul objectif, celui de

fournir une information qui soit utile pour que les utilisateurs prennent des décisions

d’investissement, de crédit et autres décisions similaires d’affectation de ressources (Bigou-

Laré, 2004).

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Au vu de ces définitions, on constate que chaque pays a son propre système comptable qui

s’inscrit dans son environnement politique, juridique, social, économique, culturel et

historique. Les différents systèmes comptables peuvent être inspirés par deux grands modèles

comptables : le modèle anglo-saxon et le modèle continental.

1.1 Les modèles comptables dominants

Comme le souligne Gouadain (2000), l’exercice de positionnement d’un référentiel

comptable suppose de choisir entre deux approches : le modèle anglo-saxon et le modèle

continental.

Dans le modèle anglo-saxon basé sur le système libéral avec des marchés de capitaux très

actifs, les informations comptables sont devenues des éléments essentiels pour les

investisseurs. Les cadres conceptuels comptables du modèle anglo-saxon stipulent que

l’objectif de la comptabilité est de fournir des informations intéressant ses utilisateurs

potentiels et plus particulièrement les investisseurs (Nobes, 1998). Ainsi, les principes

comptables fondamentaux précisent que les états financiers des entreprises doivent fournir

des informations utiles aux personnes qui prennent des décisions notamment aux

investisseurs actuels et potentiels, aux créanciers et à tout autre décideur économique

semblable. De même, le cadre conceptuel du modèle anglo-saxon indique que les états

financiers ont pour but de fournir une information sur le niveau et l’évolution de la situation

financière ainsi que sur la performance de l’entreprise. Les systèmes comptables sont de type

microéconomique à influence commerciale (Colasse, 2009 ; Nobes, 1998). Ces informations

doivent être utiles pour des utilisateurs potentiels qui ont à prendre des décisions

économiques (Hoarau, 1995).

Quant au modèle continental adopté par les pays qui ont une gestion dite centralisée, la

comptabilité sert surtout les intérêts de l’Etat, et vise notamment à diriger et à orienter la

politique économique du pays. En effet, la tenue d’une comptabilité financière est obligatoire.

Les systèmes comptables sont de type macroéconomique à influence gouvernementale et

fiscale (Colasse, 2009 ; Nobes, 1998). Dès lors chaque entreprise dispose nécessairement de

ce système d’information. Les informations comptables dans ce modèle sont orientées vers

plusieurs catégories d’utilisateurs. L’information comptable permet de retracer l’activité de

l’entreprise et ses relations avec ses partenaires.

Au regard des deux modèles, on peut considérer que le référentiel normatif n’est jamais

neutre et qu’il est toujours fondé sur une théorie de l’entreprise et une certaine conception de

sa gouvernance (Charreaux, 1997). Le référentiel du Système Comptable de l’Organisation

pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (SYSCOHADA) marque l’émergence

d’une conception actionnariale et une conception partenariale de la gouvernance. Dans une

vision partenariale, les données comptables permettent le règlement des conflits potentiels

entre les parties prenantes (Pigé, 2013). La structure des soldes intermédiaires de gestion du

SYSCOHADA est fondée sur la volonté de représenter la répartition de la richesse créée

entre l’ensemble des parties prenantes. Dans une vision actionnariale, l’information

financière est produite par les dirigeants et les données comptables doivent permettre un

calcul rationnel de la part des actionnaires (Charreaux, 1997).

C’est sans doute sous cette influence des modèles comptables que les pays de l’OHADA ont

adopté un traité instituant entre autres un cadre comptable harmonisé. Ce cadre comptable est

entré en vigueur dans la plupart des pays signataires et prévoyait un système comptable pour

les petites entreprises (Pérochon 2009 ; Gouadain et Wade 2009)

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1. 2 Système comptable des PE selon le SYSCOHADA

Le besoin d’un système de comptabilité simplifié à partie double au profit des organisations

informelles se justifie notamment par la diversification de plus en plus poussée des activités

que ces organisations mènent et qui implique la nécessité pour elles de disposer

d’informations financières et comptables plus différenciées (Gouadain, 2000). A ce besoin de

différenciation des informations comptables et financières s’ajoute la nécessité pour les

organisations de petite taille (généralement informelles) de remplir les obligations légales et

réglementaires, précise le même auteur. Il importe en effet de rappeler l’une des dispositions

du règlement relatif au droit comptable des Etats membres de l’OHADA qui stipule : « sont

astreintes à la mise en place d’une comptabilité, dite comptabilité financière, les entités

soumises aux dispositions de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial, de l’Acte

uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique et

de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives, les entités publiques,

parapubliques, d’économie mixte et, plus généralement les entités produisant des biens et des

services marchands ou non marchands, dans la mesure où elles exercent, dans un but lucratif

ou non, des activités économiques à titre principal ou accessoire qui se fondent sur des actes

répétitifs, à l’exception de celles soumises aux règles de la comptabilité publique »

(SYSCOHADA, 2017, p.13-14, art. 2). Le référentiel du système comptable OHADA qui

sera mis en vigueur dans les pays de l’OHADA le 1er janvier 2018, prévoit deux1 différents

systèmes comptables auxquels les entités et les organisations doivent se conformer, selon leur

taille et l’envergure de leurs activités. On distingue notamment le système normal et le

système minimal de trésorerie.

Le système minimal de trésorerie concerne les petites entités dont le chiffre d’affaires hors

taxes annuel est, selon le cas, inférieur aux seuils suivants :

- soixante millions de F CFA (60 000 000 FCFA) ou l’équivalent dans l’unité

monétaire ayant cours légal dans l’Etat partie, pour les entités de négoce ;

- quarante millions de F CFA (40 000 000 FCFA) ou l’équivalent dans l’unité

monétaire ayant cours légal dans l’Etat partie, pour les entités artisanales et

assimilées ;

- trente millions de F CFA (30 000 000 FCFA) ou l’équivalent dans l’unité monétaire

ayant cours légal dans l’Etat partie, pour les entités de services.

Il importe de remarquer que pour les PE en général caractérisées par une très petite taille et

un faible volume des transactions, le système normal du SYSCOHADA peut s’avérer très

complexes et donc non adaptés. L’une des réformes du SYSCOHADA actuellement et du

SYSCOHADA révisé (applicable à partir du 1er janvier 2018) est qu’ils comportent un cadre

dérogatoire dans lequel peuvent s’inscrire les petites entités réalisant des recettes maximales

qui ne sont pas supérieurs aux seuils fixés.

Ce système repose sur l’enregistrement, au jour le jour, de toute opération ayant pour

conséquence une modification de la trésorerie. Il s’agit en d’autres termes de toutes les

dépenses et les recettes qui affectent les avoirs de l’entreprise, qu’il s’agisse de la caisse, d’un

1 Le référentiel du système comptable OHADA qui est en vigueur actuellement, prévoit trois différents systèmes

comptables auxquels les entreprises et les organisations doivent se conformer, selon leur taille et l’envergure de

leurs activités. On distingue notamment le système normal, le système allégé et le système minimal de

trésorerie.

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compte bancaire ou d’un compte postal. Ces enregistrements conduisent nécessairement à

l’établissement d’un état des recettes et des dépenses dégageant le résultat de l’exercice. Ce

résultat est pris en compte dans l’établissement de la situation patrimoniale de l’organisation.

Le système minimal de trésorerie repose sur la tenue correcte des livres de recettes-dépenses

et d’un grand livre comprenant très peu de comptes. Comme tout système comptable, la mise

en œuvre du système minimal de trésorerie implique le respect scrupuleux de quelques

exigences minimales vis-à-vis de la comptabilité. Ces exigences se résument pour l’essentiel

comme suit :

- les documents comptables du système minimal de trésorerie doivent regrouper un ou

plusieurs livres de recettes-dépenses, ainsi que plusieurs comptes patrimoniaux et de

gestion. Dans ce cadre le système minimal de trésorerie exigent que soient

enregistrées continuellement dans les livres de recettes-dépenses (sous forme de

journal) et ce, dans l’ordre chronologique, toutes les opérations caractérisant les

activités réelles de l’organisation (PE).

- un nombre minimum de comptes doivent être opérationnels pour le bon

fonctionnement du système. Il s’agit notamment : caisse, capital, résultat, ventes,

autres produits, achats, autres charges. En cas de nécessité, il est possible de créer

d’autres comptes de trésorerie.

Notons que les comptes du système minimal de trésorerie tels que décrits, sont favorables au

respect du principe de la partie double dans l’enregistrement des opérations comptables. Le

respect de ce principe permet au dispositif comptable de générer des états financiers fiables,

sincères, et de servir par conséquent d’instrument de preuve, d’instrument d’information des

tiers et d’instrument de gestion.

1.3 Fondements théoriques de l’utilité de l’information comptable pour les PE

Historiquement, la réflexion académique relative à l’utilité de l’information financière a

connu trois approches majeures. L’approche normative s’intéresse aux caractéristiques de

l’information comptable (Obert, 2003 ; Colasse, 2006). Il s’agit de voir si du point de vue de

la forme, le contenu des états financiers est équivalent aux normes. Ensuite, cette approche

consiste essentiellement à analyser le contenu des dispositions des référentiels dominants.

L’approche utilité ou pertinence de l’information comptable pour le dirigeant analyse les

besoins des managers en information comptable (Ball et Brown, 1968 ; Bouattour, 2012). A

ce niveau, le bilan des recherches empiriques réalisées sur le thème aboutit en effet à des

conclusions assez nuancées. Les résultats souvent partiels, parfois contradictoires, n'apportent

pas de connaissances cumulatives et généralisables (Chapellier, 2003). Peu d'études

confirment l'hypothèse de la non-utilisation absolue des données comptables dans les PE

(Gasse, 1989). Elles révèlent le plus souvent l'existence d'une tendance certes limitée de la

production des données comptables. La vision des PE est orientée vers la production des

documents obligatoires, dans des délais longs et dans le seul but de satisfaire aux obligations

imposées par l'administration fiscale.

Et enfin, l’approche comportementaliste des dirigeants en face de l’information comptable se

concentre sur la réaction du dirigeant en face de l’information comptable (Degos, 1993). Ces

travaux soulignent que certains dirigeants de PE ont un comportement que l'on pourrait

qualifier de passif face aux données comptables. Les recherches mettent en avant les

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difficultés du couplage et des processus décisionnels peu ou pas structurés et I'usage d'outils

structurants des PE (Chapellier, 2003). Donc la vocation initiale des données comptables

serait celle d'une utilisation par des décideurs situés dans des environnements relativement

stables et générateurs d'événements plutôt répétitifs (Dupuy, 1987). Ici, la littérature

démontre que l'information comptable peut, sous certaines conditions, être utile au dirigeant

de PE (Chapellier, 2003).

C’est dans ce contexte que les pays de l’espace OHADA on élaborer le cadre comptable

uniforme pour cette catégorie d’entreprise. Il est à noter que le besoin d’harmonisation et de

changement comptables s’impose à toutes entreprises de petite taille qui ont été amenées déjà

par le passé, à subir d’harmonisation et de changement comptables. Ainsi, il convient

d’étudier l’incidence du cadre comptable des PE sur les utilisations de l’information

comptable.

2 Méthodologie appliquée sur le terrain

Afin d’apporter des réponses à la question de recherche, une approche mixte (approche

quantitative et qualitative) a été utilisée. Il s’agit d’une collecte de données par questionnaire

et suivi après d’un entretien pour comprendre certains résultats obtenus. L'analyse des

données quantitatives est descriptive et multi variée. L'analyse des données qualitatives a

consisté à la transcription et le codage des interviews suivi d'une analyse de contenu.

2.1 Etude quantitative

Pour la constitution de l'échantillon pour l’étude quantitative, nous avons utilisé le répertoire

des entreprises nouvellement élaboré par le Groupement Togolais de Petites et moyennes

Entreprises / Petites et Moyennes Industries (GTPME/PMI). Ce répertoire concerne les

PME/PMI ayant adhéré le groupement jusqu’à juin 2016. Ce fichier contient cent vingt-sept

(127) PME/PMI réparties sur toute l’étendue du territoire togolais. Pour la sélection des

entreprises de notre échantillon, nous avons dans un premier temps retenu cent dix-huit (118)

PME/PMI dont le siège social se trouve à Lomé. Ces entreprises retenues sont ensuite

classées deux catégories : celles qui présentent ses états financiers selon le système norme ou

allégé (soixante-cinq) et celles qui présentent ses états financiers selon le système minimal de

trésorerie (cinquante-trois). Etant donné que notre article porte sur les PE utilisant le SMT,

nous avons retenu les cinquante-trois (53) entreprises sur la base des données du Groupement

Togolais de Petites et moyennes Entreprises / Petites et Moyennes Industries.

Le questionnaire est un questionnaire psychométrique et binaire élaboré à partir de la

littérature et des documents du SYSCOHADA relatifs au SMT. Le questionnaire contient des

questions auxquelles les répondants ont indiqué leur degré d’accord sur une échelle de likert à

trois (3) points. Il est administré de deux (2) façons soit en face à face dans un lieu à

convenance du dirigeant des PE, soit remis aux dirigeants mains à mains pour être retiré

quelques jours plus tard. La collecte a duré un (1) mois et demi pour limiter l’effet de

contamination. Au cours de cette période, sur les cinquante-trois (53) questionnaires

distribués, nous avons collecté quarante-trois (43) questionnaires qui ont fait l’objet de

l’analyse des données.

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Nous avons ensuite saisi les réponses régulières à partir du logiciel Epi data dans un

programme que nous avons conçu à cet effet. Le traitement des données a consisté à mettre

sous forme exploitable les données recueillies au cours de l’enquête afin de favoriser

l’analyse des résultats. Plusieurs étapes ont été nécessaires pour aboutir aux résultats

exploitables. Après avoir recueillis les quarante-trois (43) questionnaires régulièrement

remplis, des scores ont été attribués aux modalités de l’échelle de Likert que nous avons

utilisé. Ainsi pas d’accord correspondait à la note 1, indifférent à 2, d’accord à 3. Et enfin

nous avons généré les résultats en tableaux simples, en tableaux croisés afin d’être analysés et

interprétés. Ceci est fait avec le logiciel SPSS. Les tests de student ont été ont été effectués

pour tester la significativité des moyennes calculées.

2.2 Etude qualitative

L'étude qualitative a porté sur les PE au Togo avec une collecte circonscrite à Lomé. Elle a

touché cinq (5) PE identifiées sur le principe de saturation (Yin, 1990). Leur sélection a suivi

la technique de boule de neige à partir des membres du Groupement Togolais des Petites

Moyennes Entreprises et Petites et Moyennes Industries.

La collecte des données qualitatives s’est effectuée à travers les entretiens individuels

approfondis à l'aide d'un guide semi structuré. Au cours des entretiens, des questions ouvertes

ont été posées afin de permettre aux dirigeants interrogés de s’exprimer librement. Ainsi, des

questions touchant les raisons de l’utilisation des informations comptables par les dirigeants

de PE ont été abordées. Ces questions ont permis également de discuter avec les dirigeants

sur l’utilisation des informations comptables qu’ils détiennent et la manière dont ils en

prennent soins ou les utilisent pour se maintenir dans leur activité de façon pérenne.

L'analyse des données qualitatives a consisté à la transcription et le codage des interviews

suivi d'une analyse de contenu. En effet, l’analyse qualitative, en soi, est une démarche de

recherche de sens (Paillé et Mucchielli, 2003) qui peut se poursuivre à l’aide de différents

outils informatisés ou non, ou de différents processus par lesquels le chercheur tente de

dégager le sens d’un corpus, d’une entrevue ou d’un texte. Le processus de codage consiste à

découper le contenu d'un discours ou d'un texte en unités de sens (mots, groupes de mot ou

phrase), pour ensuite le regrouper et les classer dans des thèmes ou catégories après la

catégorisation. Celle-ci permet après une lecture rapide de quelques (deux (2) ou trois (3))

interviews de repérer les thèmes, les sous-thèmes, les évocations, les mots clés qui

apparaissent le plus souvent dans les expressions des dirigeants interrogés. A la lecture des

entretiens, chaque mot ou groupe de mots (unité de sens) se rattachant à ce thème était

souligné, comptabilisé et synthétisé en un sous-thème.

3 Présentation des résultats

Les résultats proviennent de quarante-trois (43) entreprises sur les cinquante-trois (53)

sollicitées pour l’enquête, soit un taux de retour d’environ 81%. Les caractéristiques, les

sources d’information comptables et l’utilisation des informations comptables dans le cadre

des prises stratégiques au sein de ces entreprises sont présentés.

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3.1 Caractéristiques des PE enquêtées

Cinq (5) paramètres ont été utilisés pour décrire le profil des entreprises ayant constitué notre

échantillon d’étude : forme juridique, secteur d’activité, expérience, sexe, niveau

d’instruction, âge. Le tableau 1 ci-dessous présente le résumé des données sur les trois

premiers paramètres.

Tableau 1 : répartition des PME selon l’expérience suivant les secteurs d'activités et la forme

juridique

Total

Experience % n

Forme

juridique de

l'entreprise

SARL 46,5 20 22,5

SNC 4,6 2 17

EURL 2,3 1 14

EI 46,5 20 16,8

Ensemble 43 19,4

Secteur

d'activité

Commerce 60,5 26 18,6

Industrie 25,6 11 23,55

Services 13,9 6 15,18

Ensemble 43 19,4

Source : données de l’enquête

Quatre (4) formes de statut juridique constituent notre échantillon. Il s’agit des SARL

(Société A Responsabilité Limitée), de SA (Société Anonyme), des EURL (Entreprise

Unipersonnelle à Responsabilité Limitée) et des EI (Entreprises Individuelles). Les

entreprises individuelles et les sociétés à responsabilité limitée dominent notre échantillon et

représentent respectivement 46,5% et 46,5% de l’échantillon soit 93%. Les entreprises ayant

participé à notre enquête sont formées de 13,9% d’entreprises de services, 25,6%

d’entreprises de commerce et 60,5% d’entreprises industrielles. Nous pouvons dire que ces

trois (3) secteurs sont les secteurs de prédilection de la PME au Togo au regard des données

de l’économie togolaise. Les dirigeants des petites entreprises interrogés ont plus de quatorze

(14) ans d’expériences en moyenne. Ces résultats globaux cachent des diversités selon les

secteurs d’activités et la forme juridique des entreprises interrogées.

Tableau 2 : Répartition des PE selon la qualité du répondant suivant les secteurs

d'activités et la forme juridique

Forme juridique de l'entreprise Secteur d'activité Ensemble

SARL SNC EURL EI Commerce Industrie Services

Sexe Masculin 85,0 100 100 80,0 80,8 90,9 83,3 83,7

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Féminin 15,0 0,0 0,0 20,0 19,2 9,1 16,7 16,3

Niveau d'étude

du dirigeant

Inférieur au Bac 45,0 100 0,0 40,0 57,7 27,3 16,7 44,2

BAC 40,0 0,0 100 50,0 42,3 54,5 33,3 44,2

Supérieur au Bac 15,0 0,0 0,0 20,0 0,0 18,2 50,0 11,6

Age moyen 48 53 41 54 53 49 46 51

Source : données de l’enquête

Sur le plan genre, nos résultats montrent que les PE sont moins dirigées par les femmes. Ces

dernières représentent seulement 16,3% des dirigeants de PE interrogés. Les PE enquêtées

dont les dirigeants sont de sexe masculin représentent 83,7% des entreprises interrogées. Les

résultats confirment l’hypothèse généralement admise que les entreprises en Afrique dont le

nombre d’employés apparaît important sont souvent dirigées par des hommes et que les

femmes dirigent plutôt des entreprises de très petite taille en termes d’effectifs. L’analyse

selon les secteurs d’activités montre la même tendance. Parmi les PE enquêtées, celles qui

sont dirigées par les hommes représentent de 80,8% dans le commerce, 90,9% dans

l’industrie et 83,3% dans le service contre respectivement 19,2%, 9,1% et 16,7% qui sont

managées par des femmes. Selon le statut juridique nous remarquons que la tendance reste

inchangée. Dans les SARL, SA et EI plus de 80% des PE enquêtées sont dirigées par des

hommes. Cette absence importante des femmes est très remarquable dans les SNC et EURL

où elles représentent 0,0% des dirigeants.

D’après les données de notre étude consignées dans le tableau ci-dessus, la majeure partie des

entreprises sont dirigées par des personnes âgées de quarante et un (41) ans ou plus. Leurs

dirigeants ont fait de formation. Sur le plan instruction, la majorité des dirigeants de ces

entreprises interrogées ont des niveaux de formation de Bac ou moins (76,2%). Par contre au

niveau des services, environ 50% de dirigeants ont un niveau d’éducation supérieur au BAC.

3.2 Catégories d’informations comptables produites au sein des PE

Pour identifier les catégories d’informations comptables produites au sein des PE, nous avons

établi une liste de documents que les PE doivent élaborer. Ces documents mis en évidence

grâce au système minimal de trésorerie et la littérature. Les résultats montrent que la plupart

des PE apprêtent ces documents (tableau 3).

Tableau 3 : Types de documents élaborés par les PE

Items Réponses (%)

Oui Non Total Cahiers des recettes et dépenses 95,3 4,7 100

Cahiers de tenue des comptes caisse et/ou banque 83,7 16,3 100

Documents de prévision des ventes, achats et autres charges et produits 14,0 86,0 100

Documents d’états financiers (bilan, compte de résultat) 100 0,0 100

Documents pour calculer les différents coûts des produits ou services de

l’entreprise

7,0 93,0 100

Documents de suivi de certains compartiments de l’activité de votre entreprise 16,3 83,7 100

Source : données de l’enquête

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L’existence de ces documents montre que les PE produisent des informations comptables.

Les documents d’états financiers sont élaborés par toutes les PE de notre échantillon. Ensuite,

les cahiers des recettes et dépenses et les cahiers de tenue des comptes caisse et/ou banque

sont tenus par plus de 80% des PE interrogées. Les autres documents sont moins produits par

les PE : pas plus de 17% des cas interrogés. Le tableau 4 ci-après présente l’utilité des autres

documents dans le cadre de l’élaboration des états financiers.

Tableau 4 : Utilité des documents comptables pour l’élaboration des états financiers Intitulés des items Moyenne Ecart type P

Les cahiers des recettes et dépenses servent de référence pour

l’élaboration des états financiers 2,8 0,53 0,00

Les cahiers de tenue des comptes caisse et/ou banque servent de

référence pour l’élaboration des états financiers 2,9 0,43 0,00

Les documents de prévision des ventes, achats et autres charges et

produits servent de référence pour l’élaboration des états financiers 2,4 0,72 0,01

Les documents de suivi de certains compartiments de l’activité de

votre entreprise servent de référence pour l’élaboration des états

financiers

1,6 0,86 0,01

Les documents pour calculer les différents coûts des produits ou

services de l’entreprise servent de référence pour l’élaboration des

états financiers

1,34 0,78 0,00

Source : données de l’enquête

Les PE trouvent que les documents tels que les cahiers des recettes et dépenses, les cahiers de

tenue des comptes caisse et/ou banque, et les documents de prévision des ventes, achats et

autres charges et produits sont nécessaires à l’élaboration du bilan et du compte de résultat,

bref des états financiers. Il revient maintenant d’analyse si ces informations sont utilisées

dans leur processus de prise de décisions stratégiques.

3.3 Utilité des informations comptables au sein des PE au Togo

Afin de se prononcer sur l’utilité des informations comptables au sein des PE, il a été

question d’apprécier l’importance des différents documents pour la prise des décisions. Ces

décisions concernent l’achat, le choix des produits, l’analyse de la concurrence, la réalisation

des investissements. Le tableau 5 suivant montre l’utilité des informations comptables dans le

processus de prise de décisions d’achat au sein des PE.

Tableau 5 : Utilité des informations comptables dans le processus de prise de décisions

d’achat Intitulés des items Moyenne Ecart type P

Les cahiers des recettes et dépenses servent de référence avant tout achat

pour l’entreprise 2,6 0,53 0,00

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Les cahiers de tenue des comptes caisse et/ou banque servent de référence

avant tout achat pour l’entreprise 2,4 0,83 0,02

Les documents de prévision des ventes, achats et autres charges et

produits servent de référence avant tout achat pour l’entreprise 1,8 0,92 0,01

Les documents pour calculer les différents coûts des produits ou services

de l’entreprise servent de référence avant tout achat pour l’entreprise 1,9 0,76 0,03

Les documents de suivi de certains compartiments de l’activité de votre

entreprise servent de référence avant tout achat pour l’entreprise 1,34 0,58 0,01

Les documents d’états financiers (bilan, compte de résultat) servent de

référence avant tout achat pour l’entreprise 1,7 0,91 0,03

Source : données de l’enquête

Les résultats de notre enquête présentés dans le tableau 5 et les tests de comparaison de

moyenne indiquent que les cahiers des recettes et dépenses et les cahiers de tenue des

comptes caisse et/ou banque sont utilisés lors des prises de décisions d’achat. Les moyennes

de ces items sont supérieures et significativement différentes de 2. Par contre, Les moyennes

des autres items sont inférieures et significativement différentes de 2. Ce qui veut dire que les

PE n’ont pas recourt à ces documents (documents de prévision des ventes, achats et autres

charges et produits, documents pour calculer les différents coûts des produits ou services de

l’entreprise, documents de suivi de certains compartiments de l’activité de votre entreprise,

documents d’états financiers) au moment de prendre des décisions d’achat.

Tableau 6 : Utilité des informations comptables pour la prise de décisions relative au choix

des produits à vendre Intitulés des items Moyenne Ecart type P

Les cahiers des recettes et dépenses servent de référence avant tout

choix de produit à vendre 2,8 0,81 0,01

Les cahiers de tenue des comptes caisse et/ou banque servent de

référence avant tout choix de produit à vendre 2,7 0,93 0,00

Les documents de prévision des ventes, achats et autres charges et

produits servent de référence avant tout choix de produit à vendre 1,6 0,92 0,01

Les documents pour calculer les différents coûts des produits ou

services de l’entreprise servent de référence avant tout choix de produit

à vendre

1,8 0,96 0,00

Les documents de suivi de certains compartiments de l’activité de votre

entreprise servent de référence avant tout choix de produit à vendre 1,44 0,63 0,02

Les documents d’états financiers (bilan, compte de résultat) servent de

référence avant tout choix de produit à vendre 1,24 0,83 0,01

Source : données de l’enquête

Les résultats de notre enquête présentés dans le tableau 6 et les tests de comparaison de

moyenne indiquent que les cahiers des recettes et dépenses et les cahiers de tenue des

comptes caisse et/ou banque sont utilisés lors des prises de décisions relatives au choix des

produits à vendre. Les moyennes de ces items sont supérieures et significativement

différentes de 2. Par contre, Les moyennes des autres items sont inférieures et

significativement différentes de 2. Ce qui veut dire que les PE n’ont pas recourt à ces

documents (documents de prévision des ventes, achats et autres charges et produits,

documents pour calculer les différents coûts des produits ou services de l’entreprise,

documents de suivi de certains compartiments de l’activité de votre entreprise, documents

d’états financiers) au moment de prendre des décisions relatives au choix des produits à

vendre.

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Tableau 7 : Utilité des informations comptables pour la prise de décisions concernant la

concurrence Intitulés des items Moyenne Ecart type P

Les cahiers des recettes et dépenses servent de référence avant toute décision

concernant la concurrence 1,56 0,68 0,01

Les cahiers de tenue des comptes caisse et/ou banque servent de référence

avant toute décision concernant la concurrence 1,48 0,84 0,00

Les documents de prévision des ventes, achats et autres charges et produits

servent de référence avant toute décision concernant la concurrence 1,36 0,89 0,00

Les documents pour calculer les différents coûts des produits ou services de

l’entreprise servent de référence avant toute décision concernant la

concurrence

1,8 0,54 0,00

Les documents de suivi de certains compartiments de l’activité de votre

entreprise servent de référence avant toute décision concernant la concurrence 1,7 0,88 0,01

Les documents d’états financiers (bilan, compte de résultat) servent de

référence avant toute décision concernant la concurrence 1,33 0,83 0,01

Source : données de l’enquête

Les résultats de notre enquête présentés dans le tableau 7 et les tests de comparaison de

moyenne indiquent qu’en cas de prise de décisions relatives à la concurrence, les PE ne font

pas recourt aux informations comptables (cahiers des recettes et dépenses, cahiers de tenue

des comptes caisse et/ou banque, documents de prévision des ventes, achats et autres charges

et produits, documents pour calculer les différents coûts des produits ou services de

l’entreprise, documents de suivi de certains compartiments de l’activité de votre entreprise,

documents d’états financiers). Les moyennes des items sont inférieures et significativement

différentes de 2.

Tableau 8 : Utilité des informations comptables avant toutes décisions d’investissement Intitulés des items Moyenne Ecart type P

Les cahiers des recettes et dépenses servent de référence avant toute décision

concernant l’investissement

2,76 0,94 0,00

Les cahiers de tenue des comptes caisse et/ou banque servent de référence avant

toute décision concernant l’investissement

2,8 0,42 0,00

Les documents de prévision des ventes, achats et autres charges et produits

servent de référence avant toute décision concernant l’investissement

1,9 0,36 0,01

Les documents pour calculer les différents coûts des produits ou services de

l’entreprise servent de référence avant toute décision concernant

l’investissement

2,2 0,85 0,00

Les documents de suivi de certains compartiments de l’activité de votre

entreprise servent de référence avant toute décision concernant l’investissement

1,4 0,64 0,02

Les documents d’états financiers (bilan, compte de résultat) servent de référence

avant toute décision concernant l’investissement

2,3 0,74 0,01

Source : données de l’enquête

Les résultats de notre enquête présentés dans le tableau 8 et les tests de comparaison de

moyenne indiquent que les cahiers des recettes et dépenses, les cahiers de tenue des comptes

caisse et/ou banque, les documents pour calculer les différents coûts des produits ou services

de l’entreprise et les documents d’états financiers sont utilisés lors des prises de décisions

relatives au choix des produits à vendre. Les moyennes de ces items sont supérieures et

significativement différentes de 2. Par contre, Les moyennes des autres items sont inférieures

et significativement différentes de 2. Ce qui veut dire que les PE n’ont pas recourt à ces

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documents (documents de prévision des ventes, achats et autres charges et produits,

documents de suivi de certains compartiments de l’activité de votre entreprise) au moment de

prendre des décisions relatives au choix des produits à vendre.

4 Discussion des résultats

Les résultats de nos travaux montrent que les informations comptables apportent une valeur

ajoutée, à des degrés divers aux différents processus de prise de décisions stratégiques au sein

des PE. Ceci va dans le même sens que les travaux d’Alves (2004). Pour lui, les informations

comptables doit fournir une information fiable pour la prise de décisions stratégiques. Il note

cependant qu’une information comptable ne permet pas en soi de garantir la validité des

décisions prises. Les liens entre l’utilisation des informations comptables et les processus

décisionnels sont d’ailleurs assez peu connus. Les recherches menées dans ce domaine sont

d’ailleurs rares et tendent à démontrer que les informations comptables sont finalement peu

utilisées par les décideurs (Alves, 2004 ; Chapellier, 2003).

Mintzberg (1973) identifient quatre situations dans lesquelles l’information comptable est

utile pour le processus décisionnel. Il s’agit de la situation d’allocation de ressources ; de la

situation de règlement de conflit ; de la situation d’entrepreneur et de la situation de

négociation. Contrairement, Kaplan et Norton (1992) pensent que la prise de décisions

stratégiques ne prend pas en compte des données prospectives.

Ces résultats contradictoires s’expliquent par le fait que les processus de prise de décisions

sont identifiés comme des maillons faibles du management dans les PE. La prise de décision

étant centralisée dans les mains du seul dirigeant bien qu’il se fait entouré par quelques

collaborateurs qui n’ont généralement pas assez de pouvoir de décision. La prise de décision

se fonde beaucoup plus sur les expériences passées que sur l’évaluation formelle des

situations.

Nos résultats permettent d’affirmer que les PE ont recourt aux informations comptables dans

le processus de prise de décisions d’achat, d’investissement, de choix des produits à vendre.

L’utilité de l’information comptable pour la prise de décisions d’achat peut d’être justifiée.

En effet, les PE bénéficient une forme de soutien de la part ses fournisseurs. Il s’agit des

crédits fournisseurs. Donc pour garder les relations avec ses fournisseurs, elles utilisent les

cahiers des recettes, des dépenses et les documents de tenue du compte ou du compte banque

afin de connaître le niveau de ses disponibilités. Comme en témoigne les propos d’un

dirigeant suivant : je demande des conditions de crédits auprès de ces fournisseurs, donc il

faut que je sache la somme que je dispose avant d’aller le voir.

La pertinence de l’information comptable pour le processus de prise de décisions

d’investissement peut s’expliquer dans un contexte où les PE sollicitent du financement

bancaire. C’est dans ce sens que Francis et Schipper (1999) soulignent la pertinence d’une

information comptable peut être définie comme sa capacité à estimer la vraie rentabilité

d’une entreprise dans le cadre d’un financement. Les institutions financières sont des acteurs

particulièrement importants dans la vie des PE. Pour financer leur besoin en fond de

roulement d’exploitation, les PE doivent compléter leurs ressources propres par des apports

personnels du dirigeant ou solliciter des créanciers externes. Or les banques sont réticentes

pour financer les PME. Ce qui les oblige à produire des informations comptables.

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Nos résultats mettent en exergue qu’un nombre faible de PE utilise un système de suivi et les

documents de prévisions pour la prise de décisions. Le suivi des activités est la dimension du

contrôle de gestion qui a trait à la notion de surveillance (Bergeron, 1996). Son rôle dans un

système de contrôle de gestion est de constater ce qui se fait en vue fournir les bases

d’information sur le déroulement des activités. Les prévisions permettent l’évaluation et de

savoir si ce qui se passe est conforme à ce est désiré par les dirigeants. Elle est l’élément

déclencheur de la prise de décision (Bergeron, 2002 ; Bayad et Garand, 1998). L’évaluation

doit être faite par rapport à une référence.

Conclusion

Le présent article a pour objectif d’analyser la pertinence des informations comptables pour

la prise de décisions stratégiques au sein de l’entreprise de petite taille. Pour ce faire, nous

avons, dans une première étape, posé les fondements théoriques de la recherche. Dans une

deuxième étape, nous avons décrit la démarche méthodologique de notre travail. Ainsi, nous

avons procédé à l’étude empirique. Ainsi, la collecte des données réelles a été réalisée par

l’administration d’un questionnaire auprès d’entreprises installées au Togo ayant une taille

petite. Les données collectées ont été ensuite analysées. Les résultats montrent que la plupart

des PE produisent l’information comptable à travers les divers documents qu’elles élaborent

et les finalités de l’information comptable sont multiples. Elle est utilisée pour la prise de

toutes les décisions stratégiques dans l’entreprise : décisions d’achat, décisions

d’investissement, décisions de choix des produits à vendre.

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