1 l´Ère napolÉonienne dans les arts et l’architecture … · sous le ier empire, le rôle de...

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7 1 L´ÈRE NAPOLÉONIENNE DANS LES ARTS ET L’ARCHITECTURE. LE NÉOCLASSICISME Dans le domaine de la culture, des arts et de l’architecture en particulier, la politique de Napoléon Bonaparte est très active et très féconde. Sous le Ier Empire, le rôle de l’architecture, de la peinture et de la sculpture est de servir la gloire de Napoléon, la gloire de l’Empire. Celui qui, dès le Consulat, organise le pays en créant de nombreuses institutions (le Sénat, la Banque de France, la Chambre de commerce, la Cour des Comptes, mais aussi les lycées et le baccalauréat), conçoit la culture en général comme un instrument politique. À l’instar de beaucoup de ses prédécesseurs, Napoléon se fait glorifier par les sculpteurs et les peintres. Dès 1799, l’effigie napoléonienne est largement exploitée : statues publiques, statuettes, médailles et tableaux naissent dans les ateliers d’artistes. Fasciné par la Rome impériale qu’il veut faire revivre, il entreprend la construction de monuments qui marquent à jamais le visage de Paris. Dans ce contexte, rappelons la colonne de la Grande Armée, érigée au milieu de l’actuelle place Vendôme, réalisée sur le modèle de la colonne Trajane à Rome, l’arc du Carrousel, reprenant l’organisation architectonique et la décoration plastique de l’arc de Septime Sévère et l’arc de Triomphe, plus haut que l’arc de Constantin, mais n’ayant qu’une seule arche. Si on veut faire un vrai pèlerinage impérial à Paris, il faut partir de la rue de Rivoli 1 , baptisée du nom encore républicain d’une victoire du Premier Consul, et suivre cette voie que Napoléon n’a pas pu achever lui-même, mais qui demeure impériale de style et d’ampleur, pour gagner la place du Carrousel. C’est là que, descendu de ses appartements des 1 Bourg de la province de Vérone où, en janvier 1797, Bonaparte a vaincu les Autrichiens.

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1 L´ÈRE NAPOLÉONIENNE DANS LES ARTS ET

L’ARCHITECTURE. LE NÉOCLASSICISME

Dans le domaine de la culture, des arts et de

l’architecture en particulier, la politique de Napoléon

Bonaparte est très active et très féconde. Sous le Ier Empire,

le rôle de l’architecture, de la peinture et de la sculpture

est de servir la gloire de Napoléon, la gloire de l’Empire.

Celui qui, dès le Consulat, organise le pays en créant de

nombreuses institutions (le Sénat, la Banque de France, la

Chambre de commerce, la Cour des Comptes, mais aussi les

lycées et le baccalauréat), conçoit la culture en général

comme un instrument politique. À l’instar de beaucoup de ses

prédécesseurs, Napoléon se fait glorifier par les sculpteurs

et les peintres. Dès 1799, l’effigie napoléonienne est

largement exploitée : statues publiques, statuettes, médailles

et tableaux naissent dans les ateliers d’artistes. Fasciné par

la Rome impériale qu’il veut faire revivre, il entreprend la

construction de monuments qui marquent à jamais le visage de

Paris. Dans ce contexte, rappelons la colonne de la Grande

Armée, érigée au milieu de l’actuelle place Vendôme, réalisée

sur le modèle de la colonne Trajane à Rome, l’arc du

Carrousel, reprenant l’organisation architectonique et la

décoration plastique de l’arc de Septime Sévère et l’arc de

Triomphe, plus haut que l’arc de Constantin, mais n’ayant

qu’une seule arche.

Si on veut faire un vrai pèlerinage impérial à Paris, il

faut partir de la rue de Rivoli1, baptisée du nom encore

républicain d’une victoire du Premier Consul, et suivre cette

voie que Napoléon n’a pas pu achever lui-même, mais qui

demeure impériale de style et d’ampleur, pour gagner la place

du Carrousel. C’est là que, descendu de ses appartements des

1 Bourg de la province de Vérone où, en janvier 1797, Bonaparte a vaincu

les Autrichiens.

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Tuileries (disparus depuis l’incendie de 1871), il passait en

revue la garde impériale. De ces temps, un témoignage demeure:

l’arc de triomphe du Carrousel. Construit entre 1806 et 1808,

il est destiné à célébrer les victoires de Napoléon Ier en

1805. Comme nous l’avons déjà dit, il ressemble

à l’Arc de Septime Sévère à Rome. Des colonnes de marbre rouge

encadrent les trois arcades, et chacune de ses faces est

richement ornée de bas-reliefs rappelant les victoires

impériales. Au sommet, sont placés les quatre chevaux dorés

que Napoléon avait fait enlever de la Basilique Saint-Marc

à Venise, où ils retournent en 1815. Les originaux sont alors

remplacés par des copies, et par la suite, on ajoute un

quadrige avec la statue de la Paix.

Arc de triomphe du Carrousel (Paris)

Mais l’Empereur exige davantage. Il veut perpétuer toutes

les gloires militaires de son règne et fait établir les plans

d’une sorte de porte géante sous laquelle passera toute son

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armée, s’il arrive à donner à la France la paix dont il a sans

doute parfois rêvé. Mais ses revers le devanceront. La

première pierre est posée le 15 août 1806 (c’est Chalgrin qui

commence la construction), mais on sait qu’il faudra la

Restauration et Louis-Philippe pour venir à bout du projet

grandiose de l’Arc de Triomphe de l´Étoile, cette voûte

triomphale qui couronne l’une des plus belles places du monde,

celle de l’Étoile (aujourd’hui, place Charles de Gaulle).

Terminé en 1836, il a une seule arche et il est plus haut que

l’Arc de Constantin à Rome: il a en effet 50 m de haut et 45 m

de large. Ses faces sont décorées de bas-reliefs dont le plus

connu et le plus beau est celui de François Rude qui

représente le départ des volontaires de 1792, connu sous le

nom de la Marseillaise2. En 1920, on place sous l’Arc le

tombeau du Soldat Inconnu. Ajoutons que si l’on est à Paris

pour le 5 mai, anniversaire de la mort de l’Empereur (1821),

il nous sera possible de constater que le soleil se couche

juste dans l’axe, au-dessus de la dalle où repose le Soldat

Inconnu.

2 Le départ des volontaires de 1792 de François Rude (1784-1885) est l’un

des chefs-d’œuvre de la sculpture romantique française.

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Arc de Triomphe de l’Étoile (Paris)

Napoléon fait dégager la place de la Bastille et, place

Vendôme, il fait substituer à la statue de Louis XV la colonne

colossale dont le bronze est celui des 1 200 canons pris

à Austerlitz. Elle est érigée entre 1806 et 1810. Une série de

bas-reliefs en spirale, qui la décore, représente des trophées

et des scènes de batailles napoléoniennes. Au sommet, une

statue de Napoléon Ier en César est posée. Cette œuvre de

Chaudet3 est détruite en 1814 et remplacée par la statue

d’Henri IV. Depuis 1866, c’est une copie de l’original de

Chaudet qui contemple les passants.

La monumentale église de la Madeleine est construite sur

le modèle de la Maison Carrée à Nîmes. Napoléon Ier voulait en

faire un temple en honneur de la Grande Armée. En 1814,

l’église est dédiée à Sainte Marie-Madeleine. Parfait exemple

du style architectural néoclassique, elle a la forme et les

structures d’un temple grec: une large base, une volée de

3 Antoine-Denis Chaudet (1763-1810), sculpteur et peintre, représentant du

néoclassicisme français.

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marches et une colonnade de 52 colonnes corinthiennes de 20 m

de haut. Au fronton, une grande frise, sculptée par Lemaire4 en

1834, représente le Jugement Dernier.

Église de la Madeleine (Paris)

Face à la Madeleine, de l’autre côté de la Place de la

Concorde, se trouve la masse symétrique du Palais-Bourbon,

aujourd’hui, siège de l’Assemblée Nationale française. Édifié

entre 1722 et 1728 par Louise Françoise de Bourbon, fille

légitimée de Louis XIV et de Madame de Montespan, le palais

doit sa façade, construite au début du XIXe siècle par Poyet, à

Napoléon.

La bourse, cette institution qui est au cœur de la vie

financière, doit siéger selon Napoléon dans un édifice

majestueux. C’est lui-même qui choisit son emplacement et

confie à l’architecte Brongniart5 la construction du « Palais

impérial de la Bourse » qui prendra l’aspect d’un temple

antique et qui est aujourd’hui connu sous le nom de Palais

Brongniart.

4 Henri Lemaire (1798-1880), sculpteur et homme politique français. 5 Alexandre Théodore Brongniart (1739-1813) est également chargé, par

Napoléon, de la conception du cimetière du Père-Lachaise.

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Napoléon décide de construire, à Paris, trois nouveaux

ponts - le pont des Arts, d’Austerlitz et d’Iéna - dont deux

font référence à ses victoires remportées en 1805 (Austerlitz6)

et en 1806 (Iéna7). Désireux de laisser une profonde trace dans

l’histoire de la capitale, il fait aménager de nombreux

espaces verts, comme par exemple le Jardin des Plantes,

embellir le Jardin du Luxembourg et construire des dizaines de

fontaines. L’une d’elles, qui doit célébrer la gloire des

armées napoléoniennes, se trouve au centre de la place du

Châtelet. Pour acheminer l’eau dans Paris, il ordonne la

construction des canaux de l’Ourcq, de Saint-Martin et de

Saint-Denis.

Comme on le voit, l’ombre de Napoléon plane partout dans

Paris. Il est donc très curieux de constater qu’aucune place,

aucune rue ou avenue ne porte le nom de cet homme qui a tant

voulu immortaliser son règne. À l’exception de la rue

Bonaparte dans le sixième arrondissement8.

Dans les environs de Paris, les amateurs de l’ère

napoléonienne ne manqueront certainement pas la visite du

château de Malmaison, situé dans le département des Hauts-de-

Seine, dans la petite ville de Rueil-Malmaison. Le château est

lié surtout au nom de Joséphine9, épouse de Napoléon Bonaparte,

qui l’achète en 1799. L’édifice, datant du XVIIe siècle, est

6 Slavkov u Brna en République tchèque, théâtre de la bataille des Trois

Empereurs qui s’y déroule le 2 décembre 1805. 7 Pendant sa campagne de Prusse et de Pologne, Napoléon bat les Prussiens,

le 14 octobre 1806, à la bataille d’Iéna (actuelle Allemagne). 8 Elle reçoit ce nom sous le Consulat, mais était alors beaucoup plus

courte. Rebaptisée sous la Restauration, en 1816, rue Saint-Germain-des-

Prés, ce n’est qu’en 1852, quelques mois après le coup d’État de Louis-

Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, qu’elle reprend son nom, après

avoir été agrandie. L’actuelle rue Bonaparte réunit en effet les anciennes

portions qui correspondaient à la rue des Petits-Augustins, la rue Saint-

Germain-des-Prés et la rue du Pot-de-Fer-Saint-Sulpice, comme l’attestent

certaines plaques de pierre, encore présentes aujourd’hui dans la rue. 9 Marie Josèphe Rose de Beauharnais, dite Joséphine (née en 1763 à la

Martinique, morte en 1814 à Malmaison), est la première épouse de

Napoléon Ier, de 1796 à 1809. N’ayant pas d’enfant avec elle, Napoléon,

soucieux de fonder une dynastie, décide de la répudier. Après le divorce,

il épouse en 1810 Marie-Louise d’Autriche (1791-1847), fille aînée de

l’empereur François Ier d’Autriche, qui lui donnera un fils, l’Aiglon, né en

1811.

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remanié entre 1800 et 1802 par les architectes Percier et

Fontaine pour répondre mieux aux goûts de l’époque. C’est

surtout le parc, peuplé d’une flore exotique, qui porte

l’empreinte de l’impératrice. Un cèdre majestueux, dit de

Marengo, planté par Joséphine et Bonaparte l’année de cette

victoire lors de la campagne d’Italie, est la curiosité du

parc.

Les musées en France et dans beaucoup d’autres pays

possèdent une grande quantité d’œuvres d’art représentant

Napoléon, ses exploits militaires, les événements liés à son

époque et même les membres de sa famille. Les portraits de

Napoléon, peints ou sculptés, reflètent la volonté de

l’Empereur d’instaurer le culte de sa personnalité. Ils

témoignent également de la puissance de l’art, ce moyen de

propagande auquel il croyait.

À l’occasion du 210e anniversaire du sacre10 de Napoléon

dans la cathédrale de Notre-Dame de Paris, l’hebdomadaire Le

Point publie l’article de Jean Tulard, historien et

spécialiste de l’Empire, intitulé Napoléon Ier : le sacre ou la

comédie du pouvoir. Titre qui en dit long sur cette cérémonie

immortalisée par le peintre Jacques-Louis David. Les

dimensions du tableau, dont le titre complet est Sacre de

l'empereur Napoléon Ier et couronnement de l'impératrice

Joséphine dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, sont

impressionnantes : 6,2 m sur 9,8 m. Il en fallait de la place

pour tout ce monde présent à la cérémonie : la famille

impériale11, les ministres, les dignitaires de l’armée, les

sénateurs, les conseillers d’État, les députés du corps

législatifs, les représentants des départements et… le Pape

(Pie VII) qui a un rôle purement symbolique. Il ne fait que

bénir la couronne, il n’est qu’un simple témoin, car Napoléon

10 Le 2 décembre 1804. 11 À la demande de Napoléon, David a représenté sur ce tableau Madame

Letizia, mère de l’Empereur, alors que celle-ci avait refusé de participer

à la cérémonie.

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a décidé de se couronner lui-même et de couronner Joséphine.

Selon certaines interprétations, c’est l’aspect anticlérical

de la cérémonie. L’aspect politique de l’œuvre réside dans le

fait que le couple impérial, le Pape, les cardinaux et les

maréchaux sont placés sur le devant de la scène, en pleine

lumière, tandis que les courtisans et la famille, frères et

sœurs, sont placés en arrière, dans l’ombre. Du point de vue

artistique, le tableau marque la fin du néoclassicisme.

Sacre de l'empereur Napoléon Ier et couronnement de l'impératrice Joséphine

dans la cathédrale Notre-Dame de Paris

Présentons maintenant l’auteur du plus grand tableau

(compte tenu de ses dimensions) de l’histoire de la peinture

française. Jacques-Louis David (né en 1748 à Paris, mort en

1825 à Bruxelles où il est enterré) est le chef de file du

néoclassicisme pictural français. Il est connu non seulement

par ses œuvres mais aussi par la violence de ses convictions

révolutionnaires. En effet, en politique David s’engage aux

côtés des plus extrémistes. Élu député de la Convention, il

vote la mort de Louis XVI en 1793. À la chute de Robespierre

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en juillet 1794, il est emprisonné et c’est de justesse qu’il

échappe à la guillotine. Après la Révolution, il trouve une

nouvelle idole : Napoléon Bonaparte.

L’œuvre pictural de David illustre les rapports ambigus

de la création artistique et de la politique. Néanmoins, elle

est un précieux témoignage d’événements – parfois tragiques –

qui ont jalonné la vie de l’artiste. Dans ce contexte,

rappelons ses tableaux La Mort de Marat12, datant de 1793,

et La Mort du jeune Bara13 (peinture inachevée qui date de

1794). Il nous semble intéressant de citer ici les mots que

Charles Baudelaire a exprimés en 1846 à propos du tableau La

Mort de Marat : « Cruel comme la nature, ce tableau a tout le

parfum de l’idéal. Quelle était donc cette laideur que la

sainte Mort a si vite effacé du bout de son aile ? Marat peut

désormais défier l’Apollon, la mort vient de le baiser de ses

lèvres amoureuses, et il repose dans le calme de sa

métamorphose. Il y a dans cette œuvre quelque chose de tendre

et de poignant à la fois ; dans l’air froid de cette chambre,

sur ces murs froids, autour de cette froide et funèbre

baignoire, une âme voltige » .14

En tant que peintre officiel de l’Empire, David est

chargé de léguer à la postérité des portraits de Napoléon et

des scènes relatant les exploits liés à son règne et à ses

campagnes militaires. Ainsi, entre 1800 et 1803, il peint son

portrait équestre se rattachant à un épisode de la seconde

campagne d’Italie. Ce portrait de propagande existe en

plusieurs versions et a plusieurs titres : Passage du Grand

Saint-Bernard, Bonaparte franchissant le Grand Saint-Bernard

ou Napoléon passant le mont Saint-Bernard. On y voit un

général victorieux et intrépide sur un cheval fougueux. Le

12 Jean-Paul Marat (1743-1793) est un journaliste et homme politique, grande

figure de la Révolution de 1789. Assassiné dans son bain par Charlotte

Corday, il devient le martyr, peut-être le plus célèbre, de la Révolution

française. 13 Joseph Bara, tambour de l’armée républicaine, est tué par les Vendéens. 14 Chalumeau, Jean-Luc : Les 200 plus beaux tableaux du monde. Hachette

Livre, Les Éditions du Chêne 2007, p. 254.

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couronnement de Napoléon devait être commémoré par quatre

compositions. Seulement deux sont réalisées : le Sacre, dont

nous avons parlé, et la Distribution des aigles (1810). Le

tableau, à l’origine intitulé le Serment de l’armée fait à

l’Empereur après la distribution des aigles le 5 décembre

180415, où l’artiste reprend des coutumes des légions

impériales romaines, reflète la fascination de Napoléon pour

la Rome antique, la Rome impériale. Fascination que nous avons

évoquée en parlant des édifices comme la colonne de la place

Vendôme ou encore l’Arc de triomphe du Carrousel.

En 1812, David exécute la commande d’un riche écossais et

réalise un portrait en pied de Napoléon dans son cabinet de

travail aux Tuileries. Il le représente vêtu de l’uniforme

d’officier des grenadiers à pied, arborant les décorations de

la Légion d’honneur et de l’ordre de la Couronne de fer. Les

détails du cabinet de travail sont peints avec minutie. Il y a

tout ce qui évoque l’homme d’État, le législateur et

l’administrateur qui travaille pendant la nuit pour le bonheur

de son peuple : l’horloge marque quatre heures et la bougie

finit de brûler. Le bureau est couvert de papiers, sur l’une

des feuilles, on lit le mot code. La référence au Code civil

est explicite. L’uniforme et l’épée posée sur le fauteuil

soulignent le côté militaire du personnage. Encore un tableau,

dans la série des portraits de propagande, qui sert les fins

politiques de Napoléon. Et il n’est pas le dernier, car les

élèves de David – Gros et Ingres surtout – vont perpétrer la

tradition.

Avant de passer aux œuvres de ces derniers, présentons

encore un tableau très célèbre de David, exposé au Louvre : le

Portrait de Juliette Récamier. Même si elle est restée

inachevée, cette peinture est novatrice, surtout par son

format horizontal qui est, à l’époque, utilisé exclusivement

pour les tableaux d’histoire. Madame Récamier, à demi étendue

15 Le tableau est conservé au Musée de Versailles.

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sur une méridienne, est vêtue d’une simple robe longue blanche

rappelant une robe antique. Son bas retombe en drapé sur le

sol et coupe ainsi la méridienne. Dans la partie gauche du

tableau, on voit un candélabre de style antique. Le

dépouillement du décor, la robe de la jeune femme, le ruban

dans ses cheveux et le style antique du mobilier répondent à

l’idéal néoclassique. Mais qui est cette personne peinte par

David en 1800 ? Madame Récamier (1777-1849), fille d’un

notaire et épouse d’un banquier est une des femmes les plus

admirées de son temps tant pour sa beauté que pour son salon,

où elle reçoit de nombreux écrivains parmi lesquels Benjamin

Constant et Chateaubriand. Son mari soutient financièrement le

premier consul, Napoléon Bonaparte. Elle est le symbole d’une

bourgeoisie aisée et cultivée ayant un goût raffiné, de

l’ascension sociale de la nouvelle élite qui s’impose après

les horreurs de la Révolution.

Portrait de Juliette Récamier

La peinture napoléonienne a pour rôle de mettre en scène

avant tout les fastes de l’Empire et les exploits de

l’Empereur. Parmi les artistes qui continuent, après David,

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à exécuter les commandes officielles, deux noms sont

incontournables : Antoine-Jean Gros et Jean Auguste Dominique

Ingres.

Antoine-Jean Gros (1771-1835), élève de David, est le

représentant du néoclassicisme et du préromantisme dans la

peinture française. Il a le privilège d’assister à un

événement historique : la bataille du pont d’Arcole16. Gros

immortalise cet épisode en peignant un portrait idéalisé du

jeune général victorieux. Le tableau Bonaparte au pont

d’Arcole, aujourd’hui exposé au Musée national de Versailles,

est réalisé en 1801. Il influencera de façon considérable la

carrière de son auteur. Bonaparte, satisfait par l’œuvre,

nomme Gros à la tête de la commission ayant pour mission de

sélectionner les œuvres d’art volées par l’armée napoléonienne

qui devaient enrichir les collections du Musée du Louvre17.

Gros continue à édifier la légende napoléonienne par une série

de tableaux contribuant à la célébration de Napoléon. Son

Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa, datant de 1804,

met en valeur le côté humain et aussi le courage de Napoléon

qui, en 1799, rend visite à ses soldats atteints de la

terrible maladie de la peste et n’hésite pas à s’approcher

d’eux et à toucher les plaies de l’un d’entre eux. La scène

rappelle les tableaux représentant les actes miraculeux de

Jésus18. Cependant, la réalité historique est beaucoup plus

prosaïque. Pour ne pas mettre en danger sa campagne militaire,

Napoléon aurait demandé d’euthanasier les malades en leur

administrant de l’opium. Le médecin en chef de l’expédition

refuse de le faire. Du point de vue artistique, le tableau,

dont se dégage une grande émotion par le goût de l’exotisme

16 La bataille du pont d’Arcole se déroule en novembre 1796 lors de la

première campagne d’Italie. L’armée française, commandée par Napoléon

Bonaparte y remporte une victoire sur les Autrichiens. 17 Même si le musée est créé sous la Révolution, il ne prend réellement son

ampleur que sous l’Empire et c’est à Napoléon qu’il doit la richesse de ses

collections. 18 Au moment où Napoléon Bonaparte devient empereur, cet épisode évoque la

tradition de guérison des écrouelles par les rois de France, qui recevaient

et touchaient des scrofuleux afin de les guérir.

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qui s’exprime dans le décor, les costumes et les couleurs et

par l’exaltation de l’individu, annonce, selon certains

spécialistes de l’histoire de l’art, le romantisme dans l’art

pictural.

Bonaparte visitant les pestiférés de Jaffa

Gros a laissé à la postérité une œuvre importante qui

comprend d’autres scènes historiques dont Napoléon Bonaparte

est le protagoniste principal. De la longue liste de ses

tableaux, mentionnons au moins quelques-uns : Bonaparte

distribuant des Sabres d’honneur aux Grenadiers (1803, exposé

à Rueil-Malmaison), La Bataille d’Aboukir (1806, Versailles),

La Bataille d’Eylau (1808, Louvre), La Bataille de Wagram

(1810, château de Grosbois), La Bataille des Pyramides (1810,

Versailles), Entrevue de Napoléon Ier et de François II après

la bataille d’Austerlitz (1812, Versailles). Ses portraits de

grands personnages du régime et de ses plus grands généraux,

comme Lucien et Jérôme Bonaparte, Murat, Lasalle et autres,

sont également très connus. En 1812, le peintre est chargé par

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Napoléon de décorer la coupole du Panthéon. Sa fresque

représente l’apothéose de Sainte Geneviève, un travail qu’il

n’achève qu’en 1824, tout en étant obligé de modifier ses

intentions artistiques pour satisfaire le roi Louis XVIII.

Gros, tout comme son maître David, a influencé, de

manière très importante les artistes de son époque.

Jean Auguste Dominique Ingres (1780-1867) - que l’on

considère parfois comme l’égal de Raphaël19 - est, sans qu’il

le veuille, l’un des initiateurs du romantisme et du réalisme

dans la peinture française. Son œuvre, par les sujets qu’il

traite, est beaucoup plus variée que celle de son compagnon

d’études à l’atelier de David, Antoine-Jean Gros. Trois

principaux sujets l’occupent : l’histoire, les nus et les

portraits. Même si, au début de sa carrière, Ingres veut

devenir un peintre d’histoire, c’est par ses portraits et

surtout par ses nus sensuels qu’il devient célèbre. En 1801,

grâce à son tableau Achille recevant les ambassadeurs

d’Agamemnon, qui fait partie des collections de l’École

nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, il remporte le

Grand Prix de Rome. La bourse du Prix de Rome lui permettra

d’être pensionnaire à la Villa Médicis20 de 1806 à 1811.

Beaucoup plus tard, de 1835 à 1841, il en sera le directeur.

Profondément marqué par ses séjours en Italie, essentiellement

à Rome, mais également en Toscane, Ingres se passionne pour

l’art classique et pour Raphaël.

19 Raphaël (Urbino, 1483 – Rome, 1520), appelé aussi Raffaello Santi ou

Raffaello da Urbino, est une grande figure de la Renaissance italienne.

Peintre et architecte, il a laissé une immense œuvre, dont le fameux

tableau Les Trois Grâces, conservé au Musée Condé de Chantilly. 20 L’Académie de France à Rome est aujourd’hui plus connue sous le nom de

Villa Médicis. Cette institution accueille des pensionnaires, artistes et

chercheurs, de toutes nationalités. Ils se consacrent à tous les champs de

la création littéraire et artistique et de l’histoire de l’art, ainsi qu’à

la restauration des œuvres d’art et des monuments. De nombreux artistes

mondialement connus y ont séjourné ; parmi eux, les peintres François

Boucher, Jean-Auguste-Dominique Ingres, Jean-Honoré Fragonard, le sculpteur

Jean-Baptiste Carpeaux ou les compositeurs Claude Debussy, Hector Berlioz ,

Charles Gounod et bien d’autres.

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En 1803, le jeune Ingres reçoit la commande d’un portrait

de Bonaparte Premier Consul pour la ville de Liège où ce

dernier passe deux journées en août 1803. En arrière-plan du

tableau, on aperçoit la cathédrale Saint-Lambert de Liège qui,

à l’époque de l’exécution du portrait, n’existe plus. Sa

reproduction serait, selon certaines interprétations de

l’œuvre, le symbole de la restauration de relations

officielles et pacifiques entre la France et la papauté, de

même que de la « protection » de l’Église catholique accordée

par la République suite au concordat de 1801. Le deuxième

portrait de Napoléon, destiné au Corps législatif, date de

1806 (aujourd’hui, au Musée de l’Armée de Paris) et est

intitulé Napoléon Ier sur le trône impérial. Napoléon, en

manteau pourpre et une couronne de laurier sur la tête,

s’identifie aux empereurs romains de l’Antiquité. Les abeilles

dont est parsemé le manteau et l’aigle du tapis sont les

emblèmes choisis pour l’Empire. Le visage grave et solennel,

l’Empereur tient les objets du pouvoir transmis lors du sacre.

On distingue clairement le sceptre avec une statuette de

Charlemagne, la main de justice et une épée qui rappelle la

légendaire épée de Charlemagne, la Joyeuse. La mise en scène

renoue avec les représentations antiques et médiévales de la

souveraineté. Sur le tableau, Napoléon a l’air d’un dieu

austère. Incompris par les contemporains d’Ingres, le portrait

est mal accepté par la critique.

Le plus célèbre nu d’Ingres porte le nom de la Grande

Odalisque21 (1814). En fait, c’est une commande de la sœur de

Napoléon Ier, Caroline Murat, reine de Naples. Commande qui ne

sera jamais payée à cause de la chute de l’Empereur. C’est à

Rome qu’Ingres peint le tableau. En 1819, il l’envoie au Salon

de Paris où son œuvre est violemment critiquée. Aujourd’hui,

en contemplant la beauté majestueuse de ce nu, on se demande

pourquoi, pour quelles raisons il a été jugé si sévèrement.

21 D’origine turque, le mot odalisque désigne une femme de harem.

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Que lui reproche-t-on ? En réalité, ceux qui le critiquent

n’ont pas compris le style et les intentions du peintre.

Certes, la vérité anatomique est négligée22 – ce qui l’éloigne

du méticuleux David, son maître - mais les lignes allongées et

sinueuses du corps nu créent sa beauté et sa sensualité. Par

contre, les détails des tissus, des bijoux, leur or et le bleu

des draperies, exécutés avec minutie, transportent le

spectateur dans un univers exotique, poétique et mystérieux.

Le même mauvais accueil du public a été réservé au premier

grand nu d’Ingres, La Baigneuse, dite Baigneuse de Valpinçon

(1808). Le Bain turc, qu’il peint à l’âge de 82 ans, est

l’aboutissement de ses recherches sur le thème sensuel des

Baigneuses. Une femme vue du dos, au premier plan du tableau,

apparaît également dans d’autres œuvres comme la Baigneuse de

Valpinçon ou bien dans la Petite Baigneuse (1828).

Le Bain turc

Des portraits réalisés par Ingres, nous avons choisi de

présenter celui de Monsieur Bertin (1832). Louis-François

Bertin était journaliste, homme politique et puissant homme

d’affaires, directeur de journal du temps de la monarchie de

Juillet. Son portrait, à la fois psychologique et social, est

22 Le dos allongé aurait trois vertèbres supplémentaires.

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aujourd’hui considéré comme l’un des chefs-d’œuvre d’Ingres.

Exposé au Salon de 1833, ce tableau fit une forte impression,

admiré par certains mais incompris par la plupart.

Dans la sculpture néoclassique traitant le sujet

napoléonien c’est un Italien qui excelle : Antonio Canova

(1757-1822). Canova s’inspire des œuvres antiques, ce qui se

reflète également dans des portraits commandés par la famille

Bonaparte. Son portrait idéalisé et sensuel de Pauline

Borghèse23, sœur préférée de Napoléon Bonaparte, est réalisé

entre 1804 et 1808. Pauline Borghèse Bonaparte en Vénus est le

titre complet du marbre. Cette figure féminine à demi allongée

et presque nue correspond au goût de l’époque qui se manifeste

notamment dans le portrait de Madame Récamier par David ou

dans La Grande Odalisque d’Ingres qui font écho, entre autres,

à la Vénus d’Urbin de Titien. Pose qu’Édouard Manet reprendra

plus tard dans son Olympia. La statue fait partie des

collections de la Galerie Borghèse à Rome.

Pauline Borghèse Bonaparte en Vénus

Napoléon en Mars pacificateur est une œuvre colossale qui,

au niveau de la main gauche, mesure 3,45 m. Canova représente

en marbre blanc le dieu Mars dont les traits sont ceux de

Napoléon Ier. Dans ce nu, il reproduit la pose héroïque,

23 La sœur de Napoléon, Pauline épouse en 1803 Camille Borghèse, membre de

l’une des plus prestigieuses familles romaines ayant compté un pape et

plusieurs cardinaux.

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typique pour les statues du grand empereur romain Auguste. Une

fois finie, la sculpture est refusée par Napoléon qui la juge

« trop athlétique ». Le sort de cette œuvre est intéressant.

D’abord cachée derrière une toile dans la Salle des Hommes

Illustres, après la défaite de Waterloo, le gouvernement

anglais l’achète au Louvre et elle est installée dans la

résidence londonienne du duc de Wellington qui n’est autre que

le vainqueur de la bataille de Waterloo ! Le Musée naval et

napoléonien d’Antibes possède un buste de Napoléon, exécuté

par Canova en 1810. Un autre est exposé au Palais Pitti à

Florence. C’est pour dire que Canova est vraiment le sculpteur

par excellence de Napoléon et de sa famille. Madame Mère

assise sur une chaise est le titre de la statuette

représentant la mère de l’Empereur, Letizia. En ce qui

concerne la posture, l’artiste s’est sans doute inspiré de

celle d’Agrippine assise, statue de la mère de Néron qui fait

partie des collections des Musées du Capitole à Rome.

Justement, même si l’œuvre reçoit un accueil favorable de la

critique lors de son exposition au Salon de 1808, elle

disparaît dans les réserves du Louvre sous prétexte que le

modèle était une mère incestueuse. Avec Marie-Louise, seconde

épouse de Napoléon, Canova s’est montré beaucoup moins

complaisant. Le portrait – image allégorique de la Concorde -

au nez proéminent et aux yeux globuleux qu’il en fait est très

peu flatteur.

Naturellement, l’œuvre de celui qui est considéré comme

le plus grand maître de la statuaire néoclassique reflète les

idéaux et les sujets propres à ce mouvement artistique. Il ne

se consacre pas uniquement à la légende napoléonienne, mais

traite aussi des sujets mythologiques. Au Louvre, on peut

admirer, entre autres, l’une des sculptures de Canova qui

témoigne de la grande virtuosité avec laquelle il travaille le

marbre : Psyché ranimée par le baiser de l’Amour (1793). La

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délicatesse et l’élégance des formes, l’expression des

physionomies en font un véritable chef-d’œuvre.

L’esthétique néoclassique est représentée par d’autres

sculpteurs parmi lesquels nous avons choisi de présenter

François-Joseph Bosio (1768-1845), surtout parce qu’il est

l’auteur de deux œuvres visibles à Paris : le Quadrige de

l’arc de triomphe du Carrousel (réalisé en 1828), s’inscrivant

ainsi sur la liste des artistes, liés en quelque sorte au nom

de Napoléon, et de la statue équestre de Louis XIV qui orne la

place des Victoires. Le Quadrige de la Paix conduite sur un

char de triomphe a remplacé les Chevaux de bronze de

Constantin Ier qui se trouvaient au-dessus de la porte

principale de la basilique Saint-Marc de Venise. Napoléon

Bonaparte les rapporte en 1798 après sa première campagne

d’Italie. En 1815, après la bataille de Waterloo, la sculpture

est rendue aux Vénitiens.

C’est Louis XVIII qui commande à Bosio la statue de

Louis XIV, son aïeul. L’artiste représente le Roi Soleil en

tenue d’empereur romain, monté sur un cheval cabré. La

sculpture est placée au centre de la place des Victoires en

1822. Le Louvre abrite, entre autres, une statue de Bosio qui,

à l’époque romantique, connaît un énorme succès : Henri IV

enfant.

Place des Victoires (Paris)

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Nous ne pouvons clôturer ce chapitre sans consacrer

quelques lignes au style Empire qui, dans le contexte

napoléonien, nous paraît être incontournable. Créé par Percier

et Fontaine24, ce style porte les empreintes liées à l’histoire

personnelle de Napoléon. En tant que chef militaire, il

participe aux campagnes d’Italie et d’Égypte. Grand admirateur

de la Rome antique, il choisit le titre d’empereur et non pas

celui de roi. Ces aspects se reflètent non seulement dans les

arts plastiques et l’architecture mais également dans le

mobilier, les objets de décoration d’intérieur et la mode

vestimentaire. La référence aux antiquités égyptienne, romaine

mais aussi grecque est tout naturellement la principale

composante du style Empire. Les éléments décoratifs servent à

rappeler la grandeur et la gloire de l’Empereur. La feuille de

laurier, la palme, le casque et le bouclier symbolisent la

victoire, le lion et l’éléphant la puissance souveraine. La

force est exprimée par la figure du guerrier à laquelle est

parfois associée une figure féminine ou la figure de la

sphinge25, vigilante gardienne du régime. D’autres motifs sont

largement exploités : « Renommées » , des créatures ayant des

ailes d’anges et jouant de la trompette, chimères souvent à

tête d’aigle, nymphes, aigles rappelant Rome et l’Empire,

cygnes, dauphins et abeilles, ces dernières étant l’emblème de

Napoléon. Avec l’aigle, les abeilles remplacent la fleur de

lys, emblème de la monarchie de l’Ancien Régime.

Le style Empire, grâce à l’exportation de meubles, de

porcelaine, d’orfèvrerie, de pièces en cristal, en marbre, en

bronze doré, de pendules, de tapis, de papiers peints gagne

bientôt d’autres pays de l’Europe, comme l’Espagne,

l’Allemagne, l’Angleterre et surtout la Russie et il est imité

un peu partout en Europe.

24 Charles Percier (1764-1838) et Pierre-Léonard Fontaine (1762-1853), deux

architectes au service de Napoléon, ont joué un rôle décisif dans la

définition et la diffusion du style Empire. 25 Féminin du nom masculin sphinx.