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Journal Utimatum sur la grève mondiale

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Page 1: Ultimatum Novembre 2012

SOLIDARITÉ, COMBATIVITÉ, DÉMOCRATIEVol. 12, No. 4 Novembre 2012

l'Association pour une Solidarite Syndicale etudianteLe journal de

Après plus de six mois de grève etpendant cette session chargée,nous voulons tout d’abord saluer ladétermination de l’ensemble desétudiantes et des étudiants. Bienque la session ait été éprouvante

pour plusieurs, nous ne pouvons qu’être emballé-e-sde constater que nos efforts ont porté fruits. Cefurent deux années intenses de travail, d’actions etde répression. Nous ne pouvons en effet passer soussilence les trop nombreux et nombreuses arrêté-e-squi vivront encore beaucoup de stress dans les moisà venir, alors que plusieurs risquent même des peinesjudiciaires abusives et injustifiées.

Or, après quelques semaines au pouvoir, nousconstatons que le Parti québécois a déjà reculé surl’un de ses engagements principaux, et l’une de nosrevendications  : l’abolition de la taxe santé. Ce recultotal témoigne du manque de volonté politique d’unparti de qui nous attendons encore de voirconcrétiser les grands changements progressistes

promis. Qu’en sera-t-il de la hausse des frais descolarité? Le Sommet sur l’éducation sera-t-il unemanière de nous imposer des mesures néolibéralessous le couvert d’un soi-disant «   consensus  »? Nousne sommes pas dupes  : ces stratégies de concertation,en rassemblant un groupe restreint d’individuschoisis par le gouvernement qui ont bien tropsouvent comme mandat de ne représenter que leurpropre personne, sont venues par le passé légitimerdes mesures régressives.

Quelles stratégies devons-nous alors adopterpour nous faire entendre? Comment conserver lesacquis de la grève de 2012 et peut-être même aller enchercher d’autres? Ce sont des questions importantesqui méritent d’être débattues dans toutes lesassemblées générales, qu’elles soient étudiantes ousyndicales. À la lumière de nos agissements passés,nous ne pouvons que réaffirmer l’importance de ladémocratie directe dans la construction d’un réelrapport de force.

Sommet sur l'éducation

La fin n’estpas ausommetThomas Nérisson, étudiant ensciences, lettres et arts

D’ici quelques mois, un sommet surl’éducation aura lieu au Québec. Nousen parlons depuis quelques temps déjà,mais nous n'en savons toujours que trèspeu. Dans ce contexte porter unjugement surcelui-ci tientdavantagedela spéculation que d’autre chose. Mais ilne faut pas croire que d’y participer estnécessairement ce qu’il y a de mieuxpour le mouvement étudiant. Parfois, ilvaut mieux savoir se taire et s’exprimeraumomentoù cela comptevraiment.

Voir page 2 : « Lutte » Voir page 2 : « Sommet »

De la lutte nationale à la lutte mondialeLe conseil exécutif de l'ASSÉ

Spécial

international

Des mêmes attaques naissent les mêmes luttes

Page 2: Ultimatum Novembre 2012

Novembre 201 22

En ce sens, le congrès del’ASSÉ a voté la tenue d’unsecond Rassemblementnational étudiant (RNE) quiaura lieu la fin de semaine du1er et 2 décembre prochains.Ce rassemblement nonpartisan réunira l’ensembledes associations étudiantesdu Québec qui souhaitent yparticiper. Les comités demobilisation et les autresgroupes étudiants sontégalement invités àparticiper en tantqu’observateurs. Le but estde réunir le plus grandnombre d’associationsétudiantes sans que les

organisations nationales, y compris l’ASSÉ, ne viennentinfluencer les débats. Nous avons fait l’expérience auprintemps passé d’une mobilisation forte et populaire  :c’est essentiellement parce que les positions nationalesétaient soutenues par la base. Après avoir mené une grèvehistorique, il est important de se rassembler pour en fairele bilan. Ce que nous avons appris, nous devrons y recourir

dans les prochains mois. Le mouvement étudiant doittrouver des stratégies communes en vue du sommet surl’éducation afin de rendre l’éducation accessible et nonmarchandisée! Pour de plus amples informations sur leRNE, vous pouvez consulter le site Internet suivant :www.rassemblementetudiant2012.org .

D’ici là, nous devons rester mobilisé-e-s! Indexationdes frais de scolarité, assurance-qualité, recherchescommercialisables, ces mesures s’inscrivent dans unemarchandisation mondiale des biens communs. Lesmenaces néolibérales envers l’éducation ne sont pasinhérentes au Québec. Australie, Angleterre, Chili,Colombie, partout, les étudiants et les étudiantes doiventfaire face à ces attaques. Il n’y a qu’une riposte possible  : lesyndicalisme de combat! C’est pourquoi nous vous invitonsà sortir dans les rues, le 22 novembre prochain, afin dedénoncer cette marchandisation de l’éducation dans unmouvement de solidarité internationale. La campagne degrève de 2012 fut une source d’inspiration pour l’ensembledes mouvements sociaux à travers le monde. Nous avonsfait la démonstration qu’il est possible de renverser desmesures d’austérité lorsque nous nous organisonscollectivement et que nous utilisons des moyens d’actioncombatifs. Maintenant, soyons solidaires avec les luttes denos camarades à l’international. Le 22 novembre prochain,soyons nombreux et nombreuses! No pasarán!

La fin n'est pas au sommet... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

De la lutte nationale à la lutte mondiale.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

De l'éducation humaniste à l'éducation marchande... . . . . . 3

Amérique latine: un aperçu des luttes étudiantes.. . . . . . . . . . . 4

La semaine de solidarité internationale... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

Où en est le reste du Canada... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5

Pour la gratuité, pas n'importe comment... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6

De la précarité en Europe... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

De l'austérité et des femmes... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7

Grève des professeur-e-s à Chicago: Défendre

l'éducation publique... . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Dans ce numéro...

L’Ultimatumestproduitpar le

comitéjournal del’ASSÉ, ses

collaborateursetcollaboratrices.

Il estmontéaveclelogiciel libre

Scribusetimprimépar les

travailleursettravailleuses

syndiqué-e-sdePayette&Simms.

Rédaction : Herman Goulet-

Ouellet, Delphine Labrecque-

Synnott, le Conseil exécutif,

Valérie Plante-Lévesque, Beatriz

Muñoz, Thomas Nérisson, Jean-

François Roy-Plourde, Louis-

Philippe Véronneau, Hugo Bonin.

Révision :Marianne Chauveau,

Gabriel Dumas, Herman Goulet-

Ouellet, Laurence Jutras, Delphine

Labrecque-Synnott, Nadia

Lafrenière, Thomas Nérisson,

Valérie Plante-Lévesque, Hugo

Séguin-Bourgeois, Marie-Ève

Tremblay, François Poitras.

Graphisme : Herman Goulet-

Ouellet, Delphine Labrecque-

Synnott.

Photos : International Student

Movement.

Tirage : 15 000 exemplaires.

Dépôt légal à laBibliothèque

Nationale duQuébec : ISSN :

61999, No. 619994.

Pournous joindre:

[email protected]

Grâce à notre grève, nous avons mis fin à la hausse desfrais de scolarité. Nous pouvons en tirer fierté.Cependant, nous devons garder à l’esprit que ce que

nous avons gagné n’est que temporaire. Ce qui décidera dumaintien ou non de ce gel dépend d’une conséquenceinattendue de la grève  : le sommet sur l’éducation supérieure.

Aux premiers abords, un tel sommet peut sembler être unebonne idée et une intention louable du Parti Québécois (PQ).Certains se montrent même très enthousiastes à son égard.Mais rien n’est assuré, que ce soit la pertinence de cette réunionou la satisfaction de nos revendications. Pour cela, rester sur nosgardes face à cette initiative est primordial.

Des invité-e-s indésirablesActuellement, le sommet sur l’éducation est toujours au

stade des consultations préliminaires1. Cependant, certainséléments se mettent déjà en place, dont les groupes qui serontinvités à y participer. Outre les acteurs principaux comme lesassociations étudiantes, certaines regroupements économiquescomme la Fédération des chambres de commerce du Québec(FCCQ), représentant des entreprises et des gens d’affaires,semblent bien vouloir s’y incruster2.

Que des groupes tels que la FCCQ puissent avoir leur mot àdire lors du sommet met en doute la légitimité qu’on peut luiaccorder. Les personnes touchées par ses conclusions seront lesmembres de la communauté universitaire dont les intérêts nesont pas ceux des entreprises. Ces dernières défendent uneéducation qui aurait pour unique fonction la formation d’unemain-d’œuvre. Mais elles ne tiennent pas compte des élémentsimportants des études postsecondaires qui nous donnent lesmoyens de survivre à notre monde de démagogues.

Cependant, Pierre Duchesne, le ministre de l’Éducationsupérieure, a fait savoir à la délégation de l’Association pourune solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) que ces groupes ontune place importante dans la société et qu'il ne souhaitait pas lesexclure.

Des résultats incertainsNous savons déjà que nos revendications ne seront pas

exaucées. En 2005 le PQ désirait «  accroître l’accessibilité envisant, à moyen terme, la gratuité et l’universalité complète dusystème d’éducation  »3. Aujourd’hui, il défend l’indexation4. Unsi grand changement dans le discours de ce parti met en doutesa volonté d’appliquer la moindre de nos revendications et la

pertinence de défendre quoi que ce soit devant lui. Après tout, ilsera le seul à décider des résultats concrets du sommet et, s’il adéjà une idée claire de ce qu’il désire, nous ne pourrons pas leconvaincre. De plus, si nous décidions d’y participer, nous nousretrouverions cantonné-e-s dans une position minoritaire d’unpoint de vue idéologique. L’apparente cohésion qui existaitentre les fédérations étudiantes et l’ASSÉ n’était qu’unévénement d’exception dans un contexte de grève. MartineDesjardins, la présidente de la Fédération étudiante universitairedu Québec (FEUQ), a déjà balayé de la main toute possibilité defront commun avec l’ASSÉ lors du sommet5.

Un choix à faireÀ n’en pas douter, il s’agira d’une formidable tribune pour

diffuser nos idées. Mais il n’est pas nécessaire de nous enfermerderrière des portes closes pour faire cela. L’attention du Québecsera portée sur les enjeux de l’éducation supérieure. Que ce soitpar l’entremise du sommet ou par nos propres moyens, nousaurons l’écoute de la population. Elle est celle que nous désironsréellement convaincre.

Ignorant tout des modalités du sommet, il est toujours troptôt pour pouvoir lui tourner le dos. Mais que nous y participionsou non, nous pouvons déjà dire que cela ne réglera pas tous lesproblèmes auxquels nous faisons face. Fonder trop d’espoir ence sommet nous mènerait à une profonde déception.

Suite de la page 1 : « Sommet »

Suite de la page 1 : « Lutte »

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http://creativecommons.org/licenses/by-nc-

sa/2.5/ca/.

1 . Anonyme. « Québec lance ses discussions en vue du sommet sur

l ’éducation   », 9 octobre 201 2, http://www.radio-

canada.ca/nouvel les/Politique/201 2/1 0/09/005-duchesne-sommet-

education-rencontres.shtml, (21 octobre 201 2).

2. LECAVALIER, Charles. «   La FEUQ doute qu’i l y ait un front commun  »,

(9 octobre 201 2),

http://fr.canoe.ca/infos/quebeccanada/education/archives/201 2/1 0/201 2

1 009-225336.html, (21 octobre 201 2).

3. Anonyme. «   Statuts du Parti Québécois  » , juin 2005,

http://pq.org/sites/default/fi les/Programme2005.pdf, (28 octobre 201 2)

4. BOISVERT, Li l i . «   Marois annule la hausse des droits de scolarité et

ferme Genti l ly-2  » , 21 septembre 201 2, http://www.radio-

canada.ca/nouvel les/Politique/201 2/09/20/004-pauline-marois-

scolarite.shtml, (21 octobre 201 2).

5. LECAVALIER, Charles. op. cit.

Page 3: Ultimatum Novembre 2012

3Vol.1 2, no.4

De plus en plus, on nous dit qu'étudier est un«  investissement rentable ». Commentsommes?nous passé-e-s d'une société prônant ledroit à l'éducation à une société considérantl'éducationcommeunevulgairemarchandise?

L'université humaniste

Àses débuts au XIe siècle, l'université était très

influencée par l'Église catholique. Une de sesmissions était de servir d'outil de reproduction du

clergé. À toutes fins pratiques, elle était une grossemachine où l'on faisait rentrer de jeunes hommes d'uncôté, pour qu'il en ressorte de l'autre côté des hommesprêts à servir les fins de l'Église.

Cette vision de l'éducation est cependant remise enquestion au XVIIIe siècle. Les Lumières -  un mouvementculturel et philosophique qui cherche à se défaire de lasuperstition et de l’oppression de l'Église et de l'État  -critiquent l'emprise de l'Église sur l'université. Selon lespenseurs de l'époque, l'université devrait plutôt être unlieu d'émancipation où le partage du savoir, la collégialitéet l'esprit critique devraient être mis de l'avant. Ce modèled'éducation, un modèle humaniste, est celui qui fût le plusrépandu dans le monde jusqu'en 1980.

Au Québec, cette vision de l'éducation était entreautre présente dans le rapport Parent, le rapport fondateurdes cégeps et du réseau des universités du Québec.1 Cedernier avançait également qu'il devait y avoir unéquilibre à l'intérieur de l'université. Cet équilibre devait sefaire entre les exigences de la sphère économique et unevision de l’éducation la définissant comme un droit et unbien commun. Plus spécifiquement, il devait y avoir uncompromis entre une formation créant des travailleuses etdes travailleurs compétent^e^s dans leur domaine et descitoyen^ne^s doté^e^s d'un esprit critique pouvant leurpermettre de remettre en question les dérives modernes.

Un changement insidieuxMalheureusement, cet équilibre n'existe plus. Depuis

le début des années 1980, la mission première del'université n'est plus la transmission du savoir, mais bienla production d'argent.

Pire encore, cette transformation se fait d'unemanière insidieuse  : plutôt que d'être issue d'un débat desociété, elle est imposée par des regroupements d'éliteséconomiques mondiales comme le Fonds monétaireinternational (FMI), la Banque mondiale et l'Organisationde coopération et de développement économiques(OCDE)2 dans un processus de mondialisation del'éducation supérieure, et ce, souvent à l'encontre de lavolonté des communautés universitaires.

Ce genre de changement est souvent le résultat del’application de plusieurs réformes à première vuedéconnectées  : l'assurance-qualité, les subventions derecherche ciblées et le changement de mode definancement des universités. Ce ne sont que quelquesexemples que l'on a pu observer au Québec dans les dixdernières années. Il est bien important de comprendre queces mesures forment un grand tout issu d'un projetpolitique bien précis. Elles se renforcent entre elles pourformer une vision cohérente d'un nouveau monde, d'unrenouveau du capitalisme en crise qui tente d'utiliserl'éducation pour relancer la croissance.

En ce sens, l'université marchande ressemble

beaucoup à celle du XIe siècle  : elle devient un outilpolitique que les riches et les puissant^e^s tentent des'accaparer pour augmenter leur profit et leur pouvoir.

L'université marchandeL'université marchande est donc un modèle où

l'université devient une machine à brevets et à diplômes.L’État finance à coups de millions la recherche et ledéveloppement au détriment de l'éducation. Par la suite,les résultats sont revendus aux compagnies privées pourune fraction de leur valeur réelle. On privatise donc lesprofits et on collectivise les pertes.

Plutôt que de voir l'éducation comme une façon des'épanouir et de s'émanciper, on nous répète que nousachetons un bien, un diplôme ne servant qu'à avoir accèsau marché du travail. Et cette idée a fait bien du chemin  :lors de la grève, les personnes déposant des injonctionsconsidéraient qu'elles avaient droit au service qu'ellesavaient acheté!

On nous dit que nos universités et nos cégeps doivent«  être rentables  ». Le système de santé « coûte » del'argent à l'État, et pourtant, on comprend bien pourquoi lamission première de ce dernier doit être de soigner lapopulation et non de dégager du profit. Pourquoi devrait-ilen être autrement avec une institution qui joue un rôleaussi vital que l'université?

Face àune droite mondialisée, unemobilisationmondiale

Nous le voyons bien, l'éducation est maintenant dansla ligne de mire de la mondialisation. Partout, nous faisonsface à un ennemi commun qui tente de prendre notreéducation pour en faire une marchandise. Et il est clair queseul̂ e^s, nous ne pourrons pas gagner.

L'ampleur de l'attaque demande une réponseéquivalente  : la semaine de solidarité internationale est unbon début. Si nous voulons un jour cesser de laisserl'économie diriger nos vies, nous devons comprendre queseule une réelle mobilisation mondiale pourra renverser lavapeur et empêcher le naufrage de l'université et de lasociété avec elle.

... seule une réelle mobilisation mondiale pourra renverserla vapeur et empêcher le naufrage de l'université et de la

société avec elle.

Marchandisation de l'éducation

De l'éducationhumaniste àl'éducationmarchandeLouis-Philippe Véronneau, étudiant ensciences pures

1 . Comme l'UQAM, l 'UQTR, l 'UQAR, etc.

2. Trois organisations internationales incroyablement

influentes sur l 'économie planétaire.

Page 4: Ultimatum Novembre 2012

4

Mouvements étudiants & luttes contre l'austérité à l'international

La défense et le combat pour une éducationpublique de qualité et gratuite est la principalerevendication qui se fait entendre dans différentspays d’Amérique latine. La vie des ces peuples estassujettie aux politiques d’investissementcolonialistes1 et interventions militaires despuissances impérialistes, desquelles découle laréforme néolibérale de l’éducation. L'assurancequalité, l'apprentissage par compétences, lescoupures des budgets nationaux dans unedynamique d’affaiblissement majeur dufinancement étatique, la création des institutionséducatives à but lucratif, les systèmes privés decrédits et l'arrimage des programmes d’études avecles besoins des entreprises privées sont monnaiecourante.

Les cas les plus représentatifs sont le Chili, le PortoRico, la Colombie, le Pérou et le Mexique. Au Chili,la gratuité scolaire a été complètement démantelée

sous la dictature de Pinochet et un système de crédit privéa été implanté. Le Porto Rico subit le modèle étasunien oùla gratuité et l’aide économique effective n’existent pas.Cette dernière a d'ailleurs comme condition la participationau service militaire sélectif. Si la gratuité scolaire existeencore dans quelques écoles en Colombie, elle est parcontre dans un processus lent de démantèlement au Pérouet au Mexique.

Des mobilisations d'ampleurEn 2011 et 2012, on a vu l’essor de fortes mobilisations

en Amérique latine. Le Chili étant tristement le meilleurexemple d’un modèle néolibéral, le mouvement s’estorganisé et a déclenché une grève générale illimitéenationale sous la revendication d'une éducation publique,gratuite et de qualité. Le mouvement étudiant a réussi àpopulariser le concept de l’éducation comme droit à travers

le pays, encourageant du même coup les étudiants etétudiantes du monde entier à protester.

En Colombie, la lutte contre la réforme de loi 30, quivisait la privatisation totale de l’éducation supérieure, apoussé toute la diversité d’organisations qui composent lemouvement étudiant colombien à s’organiser dans uneseule coalition nationale étudiante, la MANE2. La lutte aforcé le gouvernement à annuler sa loi et le mouvements’est aussitôt remis en branle afin de créer une loialternative sur l'éducation supérieure.

Au Mexique, le 3 octobre 2011, plus de 30  000 jeunesont pris les rues en demandant une augmentation dubudget et de l’accessibilité. Au Pérou, les étudiants etétudiantes ont été surpris et surprises positivement parl’annonce de l’augmentation de 30% du budget enattendant l’implantation de la réforme exigée lors dumouvement historique de 20083. Au Honduras, lesétudiants et étudiantes ont occupé les écoles pendant sixsemaines pour lutter contre la privatisation qui visait ledémantèlement de l’éducation technique et le cycle

Amérique Latine

Un aperçu desluttes étudiantesBeatriz Muñoz, étudiante en linguistique

Du 14 au 22 novembre prochain se dérouleraune semaine de solidarité internationale.Durant cette semaine, des milliers de personnes –étudiants et étudiantes, travailleurs ettravailleuses – exprimeront leur refus de lamarchandisation de notre éducation. Ici commeailleurs, ce phénomène est bien réel; dans l'encandu marché mondial, l'éducation se vend ets'achète, se négocie et se monnaie. Nous avonsconstaté le printemps dernier comment cettetransformation de nos universités et nos cégepsétait défendue vigoureusement – violemment,dirons-nous – par l'État québécois et son brasarmé. La brutalité policière dont nous avons étévictimes récemment (dont la tristement célèbrematricule  728 représente l'exemple le pluséloquent) n'estpas qu'uneréalité locale.

Adopter un point de vue mondial...

S'il faut adopter un point de vue mondial, c'estparce que l'éducation entre peu à peu dans unprocessus de marchandisation mondiale. Les

chantres du néolibéralisme orchestrent l'éducationdans un contexte de «  compétition internationale  »1.L'éducation, dès lors, ne reflète plus la réalité et lesdifférences des communautés; elle reflète l'uniformitéde l'économie globale.

Participer à la semaine de solidarité internationale– en organisant des journées de grève, desmanifestations et des actions – c'est démontrer notreconscience collective. Mais au-delà de ladémonstration, il s'agit de l'émergence d'un pouvoircollectifà partir de cette conscience collective.

Partout dans le monde, comme cela se produitquotidiennement d’ailleurs, des gens prendront la rue.La seule différence c'est que cette fois, toutes ces

personnes en seront conscientes. Des gens du Québec,certainement, mais aussi du Mexique, de l'Inde, du SriLanka, de l'Indonésie, de la Grèce, des États-Unis, de laSerbie, de l'Italie, de l'Allemagne, de l’Irlande, du Marocet de la France. Ici, les deux éléments majeurs de notrepouvoir collectif se réunissent  : la force du nombre et laconscience du nombre.

… et revenir au point de vue nationalMais malgré la nature internationale de cette

semaine de mobilisation, il ne faut pas oublier que nosactions prendront place dans les rues québécoises. Ellesseront couvertes par les médias québécois et analyséespar l'élite politique du Québec. Cette semaine sera doncaussi l'occasion rêvée d'envoyer un message clair auParti québécois  : nous sommes toujours mobilisé-e-s,nous sommes forts et fortes. Avec le Sommet del'Éducation supérieure qui arrive, durant lequel nousdevrons nous battre pour élever nos voix au-dessus descris tonitruants des banques et des grandes entreprises,cette semaine de solidarité internationale n'est pas ànégliger dans notre mobilisation.

Plus d'informations sur la mobilisation vers lasemaine de solidarité internationale sont disponiblessur http://ism-global.net/GES_fr.

Mobilisation

La semaine de solidaritéinternationaleHerman Goulet-Ouellet, étudiant en sciences informatiques et mathématiques

La lutte pour l’éducation publique, gratuite, de qualité et émancipatricecontinue d’être menée de front et en vigueur par les mouvements étudiants

d’Amérique latine en harmonie avec les luttes étudiantes mondiales.

1 . À ce sujet, l ire l 'article sur la marchandisation de l 'éducation

en page 3.

Page 5: Ultimatum Novembre 2012

Vol.1 2, no.4, novembre 201 2 5

Mouvements étudiants & luttes contre l'austérité à l'international

Le mouvement étudiant dans le reste du Canada(Rest OfCanada – ROC) est en général peu connupar les étudiantes et étudiants au Québec. Au delàdes différences en termes d'institutions etd'accessibilité, les associations et les fédérationsétudiantes canadiennes ont aussi leurs spécificités.Cependant, alors que les attaques sur l'éducationauniveaufédéral sefontdeplus enplus pressantes,connaître le mouvement étudiant canadienpourrait se révéler un atout dans la constructiond'alliancespancanadiennes.

Collèges et universités

L’éducation postsecondaire dans le ROC diffèresignificativement de celle du Québec, car il n'existepas d'équivalent au cégep. Après le secondaire,

chaque étudiante ou étudiant dans le système canadienpeut entrer dans un collège (orienté vers la formationprofessionnelle uniquement) ou une université.

Dans les deux cas, des frais de scolarité s'appliquent,fortement différenciés selon les programmes. La moyenneen 2011 (excluant le Québec et les frais afférents) était de2675$ par année au collégial et 4932$ à l'université, ce quifait en sorte que le niveau d'endettement estincroyablement haut, atteignant en moyenne 27 000$après un baccalauréat.

Associations étudiantes localesTant au collège qu'à l'université, la population

étudiante est représentée auprès de l'administration parune association étudiante locale. Celles-ci sont similaires àcelles que l'on trouve au Québec et offrent un ensemble deservices assez importants à leurs membres : destraditionnels agendas aux assurances en passant par desconseils juridiques et des banques alimentaires.

Il existe toutefois quelques différences. La plusimportante est certainement l'absence d'assembléesgénérales décisionnelles et régulières. Du fait de leurgrande taille – 10 000 membres au minimum – le pouvoirdes associations repose souvent dans les mains de leurConseil d'Administration, composé du conseil exécutif etdes délégué-e-s de chaque programme ou faculté. Cetteassociation générale qui représente tous les étudiants etétudiantes d'un campus n'a jamais d'assemblée générale.D'un autre coté, les associations étudiantes dedépartement ou de faculté, qui pourraient en tenir du faitde leur plus petite taille, sont souvent inactives et surtoutpeu politisées.

Associations étudiantes provinciales etnationales

La plupart des associations étudiantes de campussont affiliées à soit une fédération provinciale, nationaleou même aux deux paliers. De plus, la plupart desfédérations provinciales sont elles-mêmes affiliées à unefédération nationale. Sans être nécessairement affiliées, lesfédérations provinciales sont généralement alignéespolitiquement avec l'une des deux fédérations nationales:la Canadian Federation ofStudents (CFS/FCÉÉ-Fédérationcanadienne des étudiantes et étudiants – centre gauche)ou la Canadian Alliance ofStudent Associations (CASA –Alliance canadienne des associations étudiantes – centredroite).

Concernant les similarités entre les deux, notons quele manque de démocratie et de transparence est unecritique qui revient souvent. Étant donné l’absence ou lemanque d'assemblées générales, la plupart des décisionsprises au niveau national le sont par les exécutifs locaux,

se basant rarement sur des mandats provenant de leursmembres.

Pour ce qui est de leurs différences, la CASA sedéfinit ouvertement comme lobbyiste et compte sur lesrencontres avec les députés et ministres pour faire avancerses revendications. La CFS, quant à elle, produit plusieursrecherches étoffées et mise sur la mobilisation de sesmembres pour défendre une éducation accessible.Toutefois, le degré de mobilisation reste relativementfaible et, mis à part des occupations symboliques et unemanifestation nationale annuelle, les actions de la CFSrestent trop peu perturbatrices pour que se construise unvéritable rapport de force vis-à-vis du gouvernement.

Alliances ?Dans ces conditions, est-il possible de créer des

alliances avec les associations étudiantes du ROC ? Laréponse n'est pas simple. Tout d'abord, le manque dedémocratie des associations étudiantes canadiennes risqued'être un obstacle important. Dans ce cas, il revient auxmembres de ces associations de revendiquer un plusgrand degré de démocratie interne tout en s'impliquantmassivement dans les structures.

Considérant la stratégie lobbyiste de CASA, il sembleque le potentiel d’alliance soit plus porté vers la CFS.Cependant, plusieurs associations étudiantes anglophonesau Québec ont quitté la CFS dans les dernières années(Concordia, les cycles supérieurs de McGill) et ont étépoursuivies en justice par l'organisation, ce qui rend lesrapports entre les militantes et militants du Québec et laCFS plutôt tendus.

Malgré ces obstacles, les dernières attaques dugouvernement conservateur font en sorte qu'il devienturgent pour le mouvement étudiant québécois de porterson attention sur Ottawa. Si de leur côté, inspiré-e-s par lecaractère démocratique de la grève de 2012, les étudiantset étudiantes du Canada parviennent à reprendre lecontrôle de leur mouvement, les possibilités d'alliancesseraient plus qu'intéressantes.

Mouvements étudiants

Où en est le restedu CanadaHugo Bonin, étudiant à l'Université de York

commun de trois ans dans l’éducation secondaire. EnRépublique Dominicaine, on luttait pour un investissementen éducation correspondant à 4% du PIB. Le mouvementétudiant du Porto Rico s’est mobilisé contre la colonisationde son pays, la militarisation de l’université et pour lagratuité, tandis que le Costa Rica dû plutôt lutter contre descoupures dans le budget gouvernemental. Le Brésil aobtenu plus d'argent en éducation et de bourses ainsiqu’une loi de discrimination positive d’accessibilité.

Une organisation combative etcontinentale

Dans cette perspective de lutte, le mouvementétudiant éprouve aussi le fort désir d’aider à l’émancipation

des peuples du continent. Ainsi, l’OCLAE (en français,l'Organisation étudiante continentale latino-américaine etdes Caraïbes) regroupe 28 organisations membres4 sous lesprincipes de l’anti-impérialisme et de l’unification despeuples latino-américains. Aujourd’hui, l’OCLAE travaille àla formation d’une Table latino-américaine de l‘Éducation,un espace démocratique pour réfléchir à un modèleéducatifqui réponde à la réalité de l'Amérique latine.

La lutte pour l’éducation publique, gratuite, de qualitéet émancipatrice continue d’être menée de front et envigueur par les mouvements étudiants d’Amérique latineen harmonie avec les luttes étudiantes mondiales.

1 . Voir à titre d’exemple: le Plan Colombie, les différentsTraités de libre-

échange entre les États-Unis, le Canada, l’Europe et différents pays

d’Amérique latine; projets miniers et énergétiques des

multinationales.

2. Mesa Amplia Nacional Estudiantil. http://manecolombia.blogspot.ca/

3. Après les fortes manifestations à Huancavelica contre la création de

l’Université Autónoma deTayacaja (UNAT), projet développé en

coupant le budget de l’Université Nationale de Huancavelica.

4. Le mouvement étudiant latino-américain est composé par des

organisations à caractère politique de gauche très diverses qui sont

en constante contradiction. Toutes ne sont pas représentées à

l’OCLAE.

Page 6: Ultimatum Novembre 2012

Novembre 201 26

En qualifiant la gratuité scolaire«  d'irréaliste  », le Parti Québécois manqueautant de perspective globale que lorsque leParti Libéral martelait que nous avions lesfrais de scolarité les plus bas en Amérique duNord. Les exemples de gratuité scolaire dans lemonde sont nombreux et diversifiés. Alors quecette option sera discutée dans les prochainsmois au Québec, nous devons avoir desrevendications claires et imaginer notre propremodèle. Désirer un système sans barrièrestarifaires n'est pas suffisant, il est plusimportant que jamais de réfléchir sur lesystème que nous voulons en nous basant surceuxexistantailleurs.

Le mouvement étudiant québécois doit garderen tête que l'atteinte de la gratuité scolaire nedoit pas se faire au détriment des autres

revendications qui l'animent. À quoi nous servirait lagratuité scolaire si l'éducation n'était plus accessibleou encore marchandisée? C'est pourtant le cas decertains pays.

Accessibilité sacrifiée en FranceLe système scolaire universitaire français est

empreint d'élitisme et n'est donc pas plus accessibleque s'il était tarifé. Pour entrer dans une desuniversités publiques contingentées, la réussite d'untest d'admission est nécessaire. L'option d'étudierdans de grandes écoles privées imposant des frais descolarité est aussi possible. La qualité del'enseignement du côté de l'enseignement public n'estmalheureusement pas toujours à sa pleine capacité,ce qui pousse les gens vers le privé. Cette mêmetendance est d'ailleurs visible au sein du système desanté québécois, alors que de plus en plus de gens setournent vers le système de santé privé, qui crée unmodèle à deux vitesses où les plus fortuné-e-s sontprivilégié-e-s. Ceux et celles qui ont la chance deréussir l'examen d’accueil font souvent partie d'uneclasse sociale déjà privilégiée puisque leur réussiteimplique souvent deux ans de préparation intensivepour ces tests. On doit donc pratiquement sacrifierdeux ans de sa vie pour accéder à la gratuité scolaire.Or, ce n'est pas tout le monde qui peut se permettrede cesser le travail rémunéré pour se consacrer àtemps plein à ses études.

Arrimage au marché en SuèdeLa situation en Suède est bien différente, mais

tout aussi problématique. La gratuité scolaire y estmarchandée de façon scandaleuse, ce qui entre encontradiction avec le principe d'une éducation librede l'entreprise privée lié à notre vision de la gratuité.Les admissions sont effectuées selon une analysed'employabilité basée sur la carrière désirée après lesétudes. À titre d'exemple, on offrira une possibilité deredirection à une étudiante ou un étudiant désirantfaire de la recherche fondamentale en biologie versune carrière en génie bio-médical qui produit plus debrevets dans l'immédiat. Ce faisant, on valorise

certains programmes et on divise les fonds de façoninéquitable afin de financer ces derniers. Le parcoursscolaire n'est donc pas axé sur l'épanouissement,mais sur les besoins du marché suédois et mêmemondial. L'État ne tente que de rentabiliserl'investissement qu'il met en la personne qui désireétudier, comme un actionnaire. On peut toutefoistirer une leçon de ce modèle  : contrairement à ce quecraignent les opposant-e-s à la gratuité scolaire, il n'ya pas d'éternel-le-s étudiants et étudiantes.1 Commec'est le cas avec les étudiants et étudiantes du cégepici, les autres barrières financières ne s'effacent paslorsqu'on est aux études. On doit toujours payer sonloyer et sa nourriture, ce qui incite à ne pas demeureraux études durant une longue période malgrél'instauration de la gratuité scolaire.

Dépendance à l'État auVenezuelaLe modèle scolaire bolivarien2 amène lui aussi

un problème auquel le mouvement étudiant aréfléchi. En nous positionnant pour une éducationlaïque et libre de toute forme de discrimination, nousavons fait le choix d'exclure toute idée préconçue denos écoles afin de laisser toute la place à la créativitéet à l'apprentissage des individus. Toutefois, auVenezuela, l'éducation accessible à tous et à toutesvient servir la révolution bolivarienne. L'universitén'est désormais plus un milieu de réflexion, mais unorgane de promotion des idéaux du parti au pouvoir.

Rester organisé-e-s malgré la gratuitéRevendiquer la gratuité scolaire et espérer que

tous les maux de l'éducation universitaire au Québec

se régleront ainsi n'est donc pas une stratégiegagnante à adopter. Il faut pousser la réflexion plusloin que les arguments économiques et relevant del'accessibilité pour s'assurer une université à notreimage. Le syndicalisme de combat devra perdurerpour conserver nos acquis obtenus par la lutte. Lapersévérance des étudiants et étudiantes du Mexiquequi, grâce à un gel des frais depuis 1910, ont obtenuune facture étudiante décente pour l'ensemble desétudiants et étudiantes de l'Université nationaleautonome de Mexico, est un exemple pour nous touset toutes. Ils et elles ont dû se battre à plusieursreprises, la dernière fois en 1999, pour réaffirmerl'importance d'une éducation accessible et gratuite3.

Pour plus d'informations sur la gratuité scolaire,tant ici qu'ailleurs, informez-vous sur la tournée deformation sur la gratuité scolaire à [email protected].

À quoi nous servirait la gratuité scolaire si l'éducationn'était plus accessible ou encore marchandisée?

Éducation

Pour la gratuité,pas n'importecommentValérie Plante Lévesque, étudiante engéographie

1 Selon le gouvernement du Québec, la durée moyenne des

études au cégep dans le secteur préuniversitaire est de 2,4

ans et de 3,8 ans dans le secteur technique.

2 Ce système fut mis en place au Vénézuela après l 'élection

de Chavez en 1 999. La révolution bolivarienne tire son

nom d'un héros des indépendances en Amérique du Sud,

Simon Bolivar.

3 Pour en savoir plus consultez le Mémoire sur la gratuité

scolaire sur le site web de l 'ASSÉ, asse-sol idarite.qc.ca.

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7Vol.1 2, no.4

Si les individus font faillite depuis longtemps,les grandes corporations ne font plus faillitegrâce aux plans de sauvetage. Aucun État n'ajamais été aussi près de faire banqueroute quela Grèce actuelle, suivie de près par l'Espagne, lePortugal et l'Italie.

Deux chercheurs allemands ont étudié lesconséquences qu'aurait à l'international lafaillite de la Grèce. Selon eux, la crise

économique globale qui en découlerait réduirait lacroissance des 42 principales économies de laplanète (environ 90% du PIB mondial) de 17 200milliards d'euros entre 2013 et 2020. On comprendmaintenant pourquoi la « troïka des bailleurs defonds de la Grèce (l'Union européenne, la Banquecentrale européenne et le Fonds monétaireinternational) »1 octroie des prêts astronomiques surune durée qui se comptera bientôt en générations.Maintenant, quand on sait que cette étude quiannonce la catastrophe en cas de faillite a étécommandée par le groupe Bertelsmann, soit lepremier groupe européen de communication etquatrième au niveau mondial, on se doit de tenircompte de l’orientation préétablie de celle-ci. Cetteétude a pour conséquence de légitimer toute formed’austérité et cache les avenues alternatives utiliséesen Argentine et en Islande2.

Mettre fin à la désinformation de masseen Grèce

Ces études à saveur économique sont facilementaccessibles et même parfois transmises par les médiasde masse. Il en est autrement des actions entreprisespar les nombreux mouvements de révolte européens.Depuis 2010 en Grèce, les rues sont régulièrementoccupées, les manifestantes et les manifestants,réprimé-e-s. Le mouvement de mobilisation grecactuel a commencé à se former en décembre 2008lorsqu'un étudiant a été tué par les forces policièrespendant une manifestation contre l'austérité.

Les semaines suivantes ont été marquées parl'occupation de centaines d'écoles et de bâtimentsadministratifs, notamment ceux de la Directiongénérale de la police d’Athènes et par l’explosion duposte de police le plus près du lieu du crime, del’académie de police d’Athènes, de succursales debanques et des services de renseignement nationaux.La mobilisation a atteint un nouveau sommet le 5 mai2010 alors qu'une grève générale a paralysé le pays eta permis à plus d'un demi-million de personnes demanifester à Athènes. En octobre 2011, le présidentPapandréou a décidé de soumettre l’accord deremboursement de la dette signé avec le FMI enréférendum : « La volonté du peuple grec s'imposera ànous »3 a-t-il affirmé. Malgré un refus majoritaire(62%), le gouvernement a appliqué tout de même lesmesures de l’accord. Une belle leçon de démocratie…

Quel pays sera le suivant?Avec la montée des taux de chômage, l’Espagne,

le Portugal et l’Italie vivent depuis plusieurs mois desmoments de protestation massive. Plusieursdéclarations de personnes politiques encouragentaussi les populations à se révolter. « Ils devraient fairepreuve de plus d’effort, laisser leur zone de confort encherchant du travail ailleurs »4 a dit, non pas Jean

Charest ou Lucien Bouchard, mais Pedro PassosCoelho, premier ministre portugais. Dans lesprochaines semaines, l’Espagne se dotera de sa propreloi 12. Une loi interdisant de photographier et defilmer les forces policières et prochainement, une autrequi permettra à la justice d’incarcérer pendantplusieurs mois des personnes participant à des actionsd’occupation, de blocage des transports en commun,ou qui résisteraient aux policiers et aux policières et,aussi, un an d'emprisonnement aux « terroristes » quidiffuseraient de l’information sur des actions par des«  moyens publics  »5.

Pour terminer, le 14 novembre prochain setiendra l'une des plus grandes grèves en Europe. Dessyndicats de nombreux pays débraieront etmanifesteront contre un système qui peine àcamoufler ses contradictions. Mais évidemment, cen’est pas par la télévision que vous obtiendrez del’information.

De la précaritéen EuropeJean-François Roy-Plourde, étudiant ensciences politiques

Partout à travers le monde, les femmes luttentpour des meilleures conditions de vie et pour lareconnaissance de leurs droits. Ce qu'on oublietoutefois dedire, c'est que, depuis quelques temps,ces luttes sont souvent invisibilisées, car elles senoientdans les luttesmenées contre les politiquesd'austérité. C'est que les femmes, de par leurvulnérabilité sociale, sont les premières touchées– et le plus durement – par ces «  politiques deredressement  ».

Pertes d'emplois et travail précaireLes femmes occupent la majorité des emplois

précaires, souvent à contrat ou à temps partiel. Ce genred'emploi disparaît bien rapidement lorsque l'économieralentit, ou les heures de travail sont diminuées. Ainsi,aux Philippines, « sept travailleurs licenciés sur dix, àcause de la crise financière, sont des femmes »1. Lesfemmes forment aussi une grande part de la populationau chômage, et n'ont donc pas été épargnées lors desréformes de l'assurance-emploi, souvent partieintégrante des plans d'austérité. Les critèrescontraignants poussent les chômeurs et chômeuses versdes emplois moins bien payés, avec moins d'heures, et

situés plus loin. Par exemple, en France, il estmaintenant impossible de refuser un emploi dans unrayon de 60 km, qui implique une absence de plus de 12heures ou des déplacements de plus de 4 heures entre ledomicile et le lieu de travail2.

Les coupes dans la fonction publique affectentaussi particulièrement les femmes, et ce de deux façons.Tout d'abord, la fonction publique étantmajoritairement féminine, les coupes d'emplois et lesbaisses de salaires sont souvent dirigées vers lesemployées. Ensuite, parce qu'elles constituent souventles principales utilisatrices de ces services, que ce soit lesgarderies subventionnées, les prestations familiales oules soins de santé (la prise en charge de personnesmalades au soin de la famille est souvent assumée pardes femmes). On peut aussi penser aux subventions auxorganismes luttant contre la violence faite aux femmes,récemment diminuées au Canada, ou aux fermetures decliniques d'avortement en France ces dernières années.

La perception que les femmes occupent une placesecondaire dans la société aggrave également leursconditions de vie lorsque l'argent vient à manquer.Ainsi, dans certains pays, l'inscription scolaire à l'écoleprimaire ou secondaire coûtant trop cher pour lesparents, les filles sont retirées de l'école et travaillent oumendient pour aider leur famille. Pire encore, la Banquemondiale estimait en 2009 que le taux de mortalitéinfantile chez les jeunes filles augmenterait durant lacrise puisque leur statut « inférieur » fait qu'elles sontles premières à souffrir du manque de nourriture.3

Qui remplacera les services publics?Le travail effectué autrefois à l'intérieur de services

publics à bas coûts (garderie, bibliothèque et activitésculturelles pour enfants, soins de santé à domicile) ne

disparaît pas quand ceux-ci sont coupés. On relèguesimplement la charge de travail dans la sphère privée,où le travail est effectué surtout par des femmes. Ce quiétait autrefois pris en charge par l'État est maintenantindividualisé, en suivant la logique du modèlenéolibéral. Comme le disait Margaret Tatcher, «  there isno such thing as society  », seulement la famille et dutravail invisibilisé.

Féminisme

De l'austérité etdes femmesDelphine Labrecque-Synnott, étudiante ensciences humaines

1 . “Grèce : Violents heurts lors de la journée de grèvegénérale.” http://lejournaldusiecle.com/201 2/1 0/1 8/grece-violents-heurts-lors-de-la-journee-de-greve-generale/

2. En 2001 , le gouvernement argentin a refusé de contracterun prêt auprès du FMI . Alors qu'en 2008, les islandais etislandaises ont rédigé leur propre constituion.

3. Kefalas, “Grèce : un referendum sur le sommet européen.”http://www.lefigaro.fr/conjoncture/201 1 /1 0/31 /0401 6-201 1 1 031ARTFIG00600-grece-un-referendum-sur-le-sommet-europeen.php

4. Nodé-Langlois, “Le premier ministre portugais consei l leaux jeunes de partir.”http://www.lefigaro.fr/conjoncture/201 2/07/04/20002-201 20704ARTFIG0061 1 -le-premier-ministre-portugais-consei l le-aux-jeunes-de-partir.php

5. “Espagne: Jusqu’à un an de prison pour appel à lamanifestation sur les réseaux sociaux.”http://lejournaldusiecle.com/201 2/1 0/20/espagne-jusqua-un-an-de-prison-pour-appel-a-la-manifestation-sur-les-reseaux-sociaux/

1 . Organisation internationale de la Francophonie, « Crise

économique  : les femmes frappées de plein fouet »,

http://genre.francophonie.org/spip.php?article965, (4

novembre 201 2).

2. Vie féminine, «   Dégressivité des al locations de chômage  :

la précarité des femmes va encore s’aggraver  !   »

http://www.viefeminine.be/spip.php?article2476, (3

novembre 201 2).

3. Organisation internationale de la Francophonie, op. cit.

Page 8: Ultimatum Novembre 2012

Avant de recycler ce journal, faites-le passer Novembre 201 2

L’Association pour une solidarité syndicaleétudiante (ASSÉ) est un syndicat étudiant nationalqui regroupe près de 65  000 membres dansplusieurs associations tant collégialesqu'universitaires à travers le Québec. L'ASSÉincarne une vision combative du syndicalismeétudiant, et met l'information et lamobilisation deses membres au cœur de son plan d'action. Plusqu'une simple association, l'ASSÉ se veut unvéritable syndicat voué à la défense des intérêtsdes étudiants et étudiantes du Québec,notamment, en combattant pour une plus grandeaccessibilité à l'éducation postsecondaire.

Pour le droit à l'éducation

L'éducation est un droit fondamental, nécessairepour la santé de la démocratie, et non un simpleservice monnayable. Chacune des luttes de l'ASSÉs'inscrit dans cette volonté de permettre àl'ensemble des citoyens et citoyennes du Québecd'avoir accès à une éducation gratuite, publique,accessible, laïque et de qualité, libre de touteforme de discrimination. C'est dans cette optiqueque nous nous battons constamment pourabattre, une par une, toutes les barrières

économiques que les gouvernements posentdevant nos cégeps et nos universités.

Pourun syndicalisme combatif et

démocratique

Mais on ne peut dissocier l’analyse de la pratique :à des revendications progressistes correspondune stratégie d’action progressiste. Cettestratégie, à travers l’histoire des luttes étudiantes,s'est nettement démarquée : le syndicalismeétudiant de combat. Au Québec, comme partoutailleurs, c’est à travers les campagnes menées parles mouvements combatifs, misant sur lamobilisation et l'action de masse, que lesprogrammes sociaux les plus importants ont étéobtenus. Cela implique d'abord le développementde pratiques syndicales dynamiques etdémocratiques. À ce titre, il faut multiplier lesoccasions de débats, élaborer collectivement desanalyses, ne pas craindre la confrontation desidées et surtout leur donner l’espace pour aboutirà des prises de décisions collectives. L’assembléegénérale – lieu décisionnel ouvert à tous lesmembres d'une association – est lamatérialisation de cette culture démocratiquecombative. Les décisions prises en Congrès –instance suprême de l'ASSÉ – découlent desmandats décidés dans les différentes associations

membres. Celles-ci conservent en tout tempsleur autonomie, et donc le droit de se dissocierd'une décision du Congrès.

Pourune véritable solidarité syndicale

La grève générale de l'hiver 2012 l'a bien faitressortir  : c'est d'abord grâce aux actionsconcertées et à la solidarité des étudiants etétudiantes face au gouvernement libéral que lemouvement de grève a pu prendre une ampleursans précédent dans l'histoire du Québec. Cettegrève représente bel et bien la consécration despratiques syndicales combatives dans lesassociations étudiantes  : jamais les revendicationsétudiantes n'auraient pu avoir une telle voix sansune mobilisation de cette ampleur. Jamais celle-cin'aurait atteint de tels sommets sans une culturedémocratique ouverte. S'affilier à l'ASSÉ, çasignifie justement partager des structuresdémocratiques, et partager avec les autresassociations les réflexions et les ressources.S'affilier à l'ASSÉ, c'est contribuer à bâtir unmouvement étudiant fort etsolidaire, capabledemaintenirun rapport de forcepermanent avec legouvernement.

Cet automne, les professeur-e-s de Chicago sesont aussi mobilisé-e-s contre lamarchandisation de l'éducation et pour lasauvegarde de l'école publique. Leurgrève, qui aduré sept jours (du 5 au 13 septembre) a étél'occasion de ramener à l'avant-plan un débatnational sur le système d'éducation primaire etsecondaire.

Au-delà des hausses de salaire

Les hausses salariales n'ont pas été un enjeumajeur du conflit, le syndicat et la ville s'étantentendus rapidement sur une hausse de 2 à 3%

par an. Cependant, le maire de Chicago, RahmEmmanuel a dû renoncer à lier les hausses de salairesaux performances des enseignants et enseignantes.

La principale revendication du Chicago UnionTeacher (CUT) concernait l'évaluation du corpsprofessoral à l'aide de tests passés par les élèves,identiques d'une école à l'autre. Ces tests, qui sontapparus dans les dernières années dans plusieursÉtats américains, servent à mesurer la performancedes enseignants et des enseignantes et des écoles.Pour Emmanuel, en cas de résultats trop faibles, lesenseignants et enseignantes pourraient êtrerenvoyé^e-s et les écoles, fermées. Celles-ci

ouvriraient éventuellement de nouveau, mais avec unpersonnel neuf, ou encore sous la forme d'école àcharte, souvent privée et non syndiquée. Ces écolessont indépendantes des commissions scolaires etfonctionnent selon un mode de financement semi-privé.

École à charte vs école de quartierPour les professeur-e-s, cette formule peut

mener à la fermeture de nombreuses écoles en milieudéfavorisé, où les enfants réussissent moins bien.Dans la dernière décennie, 86 écoles publiques ontété fermées à Chicago, et on compte maintenant 103écoles à charte dans le district. Selon le syndicat, il yaurait une volonté des élu-e-s d'ouvrir 60 autres

écoles sur ce modèle dans les cinq prochainesannées1. Selon le CUT, énormément d'argent duChicago Public School (CPS)2 est investi dans lacréation et le support des écoles à charte, plutôt quedans l'allocation de ressources aux écoles de quartier.De plus, les conditions de travail dans ce type d'écolemènent à un haut taux de roulement du personnel,créant un environnement instable pour les élèves.

Une victoire partielleDans l'entente conclue, les tests permettront

toujours d'évaluer les professeur-e-s, mais la mise àpied suite à de mauvais résultats sera plus difficile àréaliser. Les professeur-e-s auront aussi plus de tempspour améliorer leurs résultats et pourront faire appelde l'évaluation. Les professeur-e-s mis-e-s à pied suiteà des coupures de personnel ou à des fermeturesd'école seront prioritairement embauché-e-s pourcombler des postes ailleurs.

Le syndicat demandait également une réductionde la taille des classes et des ressourcessupplémentaires dans les écoles des quartiersdéfavorisés. 512 professeur-e-s spécialisé-e-ssupplémentaires (art, éducation physique, musique)devront être embauché-e-s, mais les classes ne serontpas réduites.

Bien sûr, l'entente entre le CUT et la ville deChicago est loin d'être parfaite. Elle a cependantgalvanisé les syndicats aux alentours. Ainsi, plusieurssyndicats d'enseignants et d'enseignantes dans l'Étatde l'Illinois ont récemment décidé de partir en grève,à la suite des résultats obtenus par leurs collègues.

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Grève des professeur-e-s à Chicago

Défendrel 'éducationpubliqueDelphine Labrecque-Synnott, étudiante ensciences humaines

1 MaryWisniewski , « Chicago's Emanuel faces new clash

with teachers on school closings », 2 novembre 201 2

http://www.chicagotribune.com/news/sns-rt-us-usa-

schools-chicagobre8a201 h-201 21 1 02,0,7632033.story.

2 L'équivalent d'une commission scolaire.

Qu'est-ce que l'ASSÉ