revue ultimatum 2007-2008_final

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ULT!MATUM REVUE 2007-2008 * Par l'Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante

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  • ULT!MATUMREVUE

    2007-2008 * Par l'Association pour une Solidarit Syndicale tudiante

  • SOMMAIRE P4

    dito. Pourquoi une revue sur la grve?

    P7Lois pciales :

    Dmocratie en pril

    P9Syndicalisme de combat et

    concertationnisme

    P13International :

    -France : La lutte contre le CPE -Colombie : entre rpression et

    dfense de lducation publique-tats-Unis : dsorganisation

    syndicale

    P17Grve 2005 : Histoire & rcupration

    P20Retour sur les mouvements sociaux:

    -Conflit la STM-Retour sur la grve des CPE

    -Citoyens et citoyennes contre Loto-Qubec

    P22La meilleure dfense cest

    lattaque

    P26Perte de session & menaces

    dadministration en temps de grve

    P28La boucle dmocratique

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    Bloc techniquecrivains et crivaine : Conseil excutif, Julie Descheneaux, Jean-Christophe Gascon, Alex Desrochers, Philippe Morin, Liliana Pardo, Micheal da Cruz, Guillaume Manningham, Marie-Michle Whitlock, Jean-Franois Filia-trault, Genevive Simon, Marie-Christine Brossard-Couture, Philippe Gauvin, Martine Poulin, Marc Bissonnette, Gabriel Dumas.Correction : Valrie Soly, Philippe Fortier-Charette, Genevive Paquette, Claudelle Baillargeon, Marie-Eve Ruel.Photos : David Simard, Louis-David Lalancette-Renaud, Csar Astudillo, MaliasMontage : Louis-David Lalancette-RenaudLecture critique : Alex Desrochers, Franois Baillargeon, Jean Christople Gascon, Julie Descheneaux.La Revue Ultimatum 2007-2008 a t produite 19 septembre 2007Dpt lgal la Bibliothque Nationale du Qubec : ISSN 61999, No. 619994Tirage : 12 000 exemplairesImprimeur : Payette & SimmsDistribution : On fait notre possible!

    P25Lexprience du Front commun de 1972

    P28Moyens daction

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    [...] prise en otage [...] , [...] scher les cours [...] , [...] se plaindre le ventre plein [...] : voil comment la dernire grve tudiante a t qualifie, venant montrer autant de conceptions errones, darguments dma-gogiques, contre les moyens de pression tudiants. Cette revue, ddie aux grves et autres mobilisations sociales, vise avant tout, non pas lever la grve comme une finalit atteindre, mais de faire le point sur ce moyen qui continue de faire ses preuves. Nous ne pouvons quesprer que cet outil serve en quelque sorte de mmoire au mouvement tudiant.

    Un premier prjug dconstruire est celui qui montre la grve comme un jeu de plaisir ou un simple boycott des cours. Le soi-disant schage de cours nest quune des consquences des grves tudiantes, permettant dat-teindre un double objectif : dune part, il permet de faire pression sur le gouvernement et les institutions postse-condaires. Car aprs tout, sans des classes remplies, il ny a pas de diplmes distribuer et pas plus de futur-e-s

    travailleurs et travailleuses. Dautre part, le dclenchement de la grve libre les tudiants et les tudiantes, pour

    que le maximum puisse participer l intensification des moyens de pression. La grve est un espace de rappro-priation trs formateur et un exercice dmocratique et en ce sens il faut constamment dbattre de nos revendi-cations et nos bases organisationnelles. Ce travail, ardu certes, est aussi ce qui donne force et cohsion au mouvement.

    La grve nest pas la seule issue des mouvements sociaux, mais la forte majorit des soulvements populaires du dernier

    sicle ont t initis coup de grves. Mai 68, le mouvement contre la guerre du Vietnam et les manifestations de Tian an men ne sont que quelques exemples de ces vnements qui restent imprgns dans notre mmoire collective. Et force nous est de constater que sans le dclenchement de grves, ces mouvements populaires nauraient jamais pris

    l ampleur qui les a fait marquer l histoire rcente. Cest justement parce que des gens ont os se lever pour affirmer

    haut et fort leur volont de proposer une alternative l ordre dominant que leur action a chang le cours des choses.

    Une autre particularit des grves mentionnes plus tt, cest davoir t inities par des mobilisations tu-diantes. En effet, la population tudiante agit souvent comme l instigatrice de grands mouvements so-ciaux revendiquant un changement social. La priode des tudes permet de prendre un recul, de critiquer et repenser la socit et les idologies qui la construisent. Dailleurs, la charte de Grenoble tait catgorique lors-quelle a dfini les tudiants et les tudiantes comme des jeunes travailleurs et travailleuses intellectuel-le-s.

    Ainsi, en rassemblant des textes sur l action politique passe et prsente, cette revue sinscrit videmment dans la

    campagne annuelle offensive de l ASS. Grve ou non, il faut sinspirer des luttes du pass pour aller de l avant. Mais

    plus encore, nous voulons que cette revue ait un caractre durable, l instar du projet de socit que nous voulons mettre

    de l avant. Mme si nous nous battons de prime abord pour nos propres conditions, nos luttes comme nos revendica-tions sinscrivent toujours dans un cadre plus large. Terminons sur cette citation anonyme laisse sur un mur de Paris :

    Grve gniale

    Rve gnral

    DITORIAL Par le Conseil

    excutif de l ASS

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    partager :*Projet de socit*

    pour une ducation :de qualit, accessible et gratuitePourquoi ?*Parce que lducation est un droit. Parce que cest un droit, comme le droit de vote, comme le droit la sant, personne ne doit tre exclu pour une quelconque raison.

    *Parce que le savoir cest le pouvoir. Une socit dmocratique peuple digno-rants et dignorantes est une dictature dguise, contrle par une poigne dindividus.

    *Parce que lducation est richesse. Tous et toutes doivent pouvoir exprimer et exploiter son plein potentiel sans tre limit-e-s pour des raisons conomiques. Lducation est le meilleur moyen descalader lchelle sociale, il permet donc aux moins fortun-e-s de quitter la prcarit.

    *Parce que le savoir est collectif. Lducation dune personne sert la socit. Les mdecins, les enseignant-e-s et mme les artistes amliorent notre qualit de vie. Par consquent, en tant que socit nous devons contribuer leur formation.

    *pour nous joindre: tl: 514-390-0110 ou Web: gratuitescolaire.info*

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    lOis

    MIRROIR (dformant) MDIATIQUE

    29 mars 2007, lors de la manifestation pour la gratuit scolaire, certains mdias ont

    affirm que nous tions environ 500 personnes dans les rues. Pourtant, quand je regarde cette vido* je vois des milliers de

    gens... Pourquoi cette erreur? tait-ce volontaire?

    *http://www.youtube.com/watch?v=24beYdD5uC4

  • En 2004, le gouvernement Charest adoptait le projet de loi 142, imposant les conventions collectives, lentente patro-nat/employ-e-s qui rgit les conditions de travail, plus de 500 000 travailleurs et travailleuses de la fonction publique, interdisant par le fait mme tous moyens de pression. Le Bu-reau international du travail et la Ligue des droits et liberts dnoncent son caractre anti-dmocratique. Le projet de Loi 142, ou plus prcisment la loi C-43, fait cer-tainement partie du top 5 des ralisations les plus contestes du gouvernement Charest. Les dcrets gouvernementaux du Conseil excutif ainsi que les lois sous billon qui ont mis fin au dbat parlementaire constituent un bel exemple des limi-tes de la dmocratie parlementaire. Ce genre de recours bureaucratique, lgal mais illgitime pour la popu-lation, sont des mesures exceptionnelles utilises par des gouvernements dans l eau chaude , dans des contextes politiques de haute contes-tation sociale. Mesures anti-dmocratiques? Elles dmontrent sans aucun doute le carac-tre arbitraire des gouvernements qui, dans lhistoire, les ont utilises pour billonner la population.

    Les lois spciales au Qubec

    Ce nest que dans la dcennie des annes 1960 que la grve devient un recours lgal pour les travailleurs et les travailleuses, de mme que la syndicalisation en tant que telle.

    En mme temps, ltat assure son encadrement en limitant le recours cet ultime moyen de pression lchance des conventions collectives. Depuis ce temps, prs dune dizaine de lois spciales ont t utilises par ltat, lgislateur officiel, pour servir ses intrts demployeur.

    La loi C-43 (projet de loi 142) du gouvernement Charest met brusquement fin aux ngociations des conventions collectives du secteur public aprs 12 mois de pourparlers. Malgr une reconnaissance commune des finances prcaires du Qubec, ltat et les syndicats ne sentendaient pas. Pourquoi, en effet, ce sont les travailleurs et les travailleuses qui doivent payer la note, directement sur leurs conditions de vie telles que la sant et la scurit au travail? Accompagnant ce geste brutal dimposition des conditions de travail, le gouvernement Cha-rest force le retour au travail (quelques syndicats taient en grves tournantes) et interdit tout moyen de pression collec-tif (dont la grve) et individuel (une journe de maladie peut devenir un moyen de pression!). Des amendes sales allant jusqu 35 000 $ sassurent du respect de ces mesures.

    La clart et la force de la loi de 2005 sont ingales dans lhistoire du Qubec, nonobstant peut-tre les pripties de 1982-1983. La grve des enseignantes et des enseignants, r-pliquant la coupure de 21 % de leur salaire. Cette mobilisa-tion a t sauvagement rprime. Le gouvernement a forc le retour au travail en rendant la grve illgale et a appliqu la double journe de coupe : pour chaque jour de grve, deux annes danciennet sont perdues.

    Quelques spcificits dfinissent chacun des contextes poli-tiques et conomiques o les gouvernements ont eu recours aux lois spciales. Somme toute, cest toujours une grande diffrence danalyse de la conjoncture entre les syndicats et ltat qui a oblig ce dernier imposer sa vision des choses.

    Par exemple, en 1982-1983, en pleine rcession co-nomique du ptrole, le gouvernement de Ren

    Lvesque cherche conomiser au maximum dans les salaires de la fonction publique.

    Croyant plutt que cest prcisment lin-tervention de ltat qui permet la crois-sance conomique, les syndicats refusent cette analyse nolibrale et essaient de contrecarrer les projets de coupures du

    gouvernement.

    Lois spciales : des mesures de guerre

    Les conflits de travail deviennent une guerre ouverte : une guerre des chiffres sur linterprtation des donnes co-nomiques, une guerre sociale pour la dfense du bien com-mun et une guerre de pouvoir politique entre la population et son gouvernement. Les lois spciales sont un affront de haute envergure pour les employ-e-s qui sont aussi, et en tout pre-mier lieu, des citoyens et des citoyennes. Ltat qubcois, le plus grand employeur du pays - faut-il se le rappeler - na jamais hsit fusionner ses rles demployeur et de lgisla-teur. Depuis quand les patrons font la loi?

    Historiquement, deux types de lois spciales sur la ngocia-tion ont t utiliss. Le premier concerne davantage le dcret des conventions collectives : ltat arrte les ngociations et impose, sous forme de loi, lensemble de ses revendications. Il utilise proprement parler son autorit suprme, cest--dire quil entremle ses pouvoirs demployeurs et dtat qui lgifre les lois. La ngociation entre ltat et la socit civile, que ce soit le mouvement tudiant ou le mouvement syndical, devient complexe compte tenu du pouvoir arbitraire du gou-vernement mettre fin toute ngociation et quil ait raison sur toute la ligne.

    Dans dautres cas, les lois spciales du gouvernement concer-nent directement lillgalit de tous moyens de pression. En-levant ainsi le droit la grve, les syndicats sont enchans accepter larrt des mobilisations. Et sans moyens de pres-sion, comment faire entendre ses revendications? Dans tous les cas, ces politiques gouvernementales font foi dune

    R * ULT!MATUM * 07-08 R * ULT!MATUM * 07-08 7

    prilPar Julie Descheneaux

    Lorsquun acte

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    lOis SpCialEs : dMocRatiE en

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    rpression syndicale sans borne. La grve est un droit auquel lensemble des employeurs doit se plier : autant les multinationales que les PME ou les gouvernements. Nier le droit lgal et l-gitime de faire des moyens de pression pour ap-puyer nos revendications, cest reconnatre que les pouvoirs ne sont pas quilibrs. Tous les pou-voirs se retrouvent ainsi entre les mains dune lite conomique et politique.

    Solidarit syndicale : df ier les lois spciales

    Contre le pouvoir absolu de ltat qui peut, en toute lgalit, dcrter les conventions collecti-ves, rendre illgales des grves du jour au lende-main, arrter des leaders syndicaux ainsi quim-poser des amendes aux salari-e-s et syndicats, un choix simpose pour la population. Sindigner, sans plus? Ou dfier les lois spciales? En 1983, des syndicats ont brav les lois du gouvernement, quitte tre royalement pnaliss. Or, non seu-lement des gains concrets leur ont t concds, mais en plus, aprs une bataille juridique de lon-gue haleine, la Cour suprieure du Qubec leur a donn raison sur toute la ligne.

    La reconnaissance juridique de labus de pouvoir du gouvernement dans le dossier de 1982-1983 na pourtant pu tre ralise que grce une mobilisation sans prcdent. Cest en effet parce que des syndicats ont dfi la loi 105, rendant il-lgal tous moyens de pression, et que des profes-seur-e-s en ont subi les contrecoups, que la Cour suprieure du Qubec a pu reconnatre les effets nfastes de la loi. Si une loi nest pas dfie, com-ment sattendre ce quelle soit illgale? Quelle lgitimit un syndicat a-t-il de clamer lillgalit dune loi qui est respecte par tous et toutes? Il est clair que dans le dossier des lois spciales, alors que le gouvernement use son pouvoir lgis-lateur pour arrter les ngociations, seule la soli-darit syndicale est un contrepoids la hauteur. Lorsquun acte illgal est commis par lautorit qui dcide de sa lgalit ou non, cest la popula-tion que revient la tche de le dnoncer.

    Par contre, dans le domaine juridique, lil-lgalit dune loi nest pas si vidente. La frontire entre illgitimit et illgalit est mince. La prsence dmesure davis juridiques quant au projet de loi 142 est cet effet assez loquente. Lanalyse des firmes patrona-les est entre autres loppos des firmes saveur syndica-les et humanistes. Toutefois, mme le Bureau internatio-nal du travail, une bran-che de lONU tripartite (syndicale, patronale et tatique) parle du non-

    respect des droits du travail en ce qui concerne la loi 142. Quant ses possibilits dapplica-tion au mouvement tudiant qui contrevien-drait la loi en entravant le travail des pro-fesseur-e-s, seuls lavenir et la motivation des gouvernements lappliquer nous le diront. Cest, dans tous les cas, la force de la rplique qui est prometteuse pour contrecarrer les contrecoups.

    Bien que lgales, mais tout de moins il-lgitimes, les lois spciales des gouverne-ments pour arrter les ngociations avec les syndicats et retirer le droit de grve sont une porte dentre pour une mobilisation mas-sive. Cette raction gouvernementale est un exemple parfait de la mauvaise foi en temps de ngociation. Il prouve en plus que ltat est dans un contexte favora-ble et que dans tous les cas, seule la po-pulation peut le forcer ngocier en faveur des positions dassembles gnrales. Pour contrer le pou-voir absolu que ltat soctroie lorsquil dcide de retirer des droits aussi fondamentaux que le droit la ngo-ciation et le droit de grve, il faut ragir.

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    Loin dtre un bloc homogne, le mouvement tudiant qubcois est travers par deux tendances : le syndicalisme de combat et le concertationnisme. La premire, dont se r-clame lASS, voit la dfense de nos droits par la cration dun rapport de force permanent face ltat et nos adminis-trations. La seconde, dont se rclament la FECQ et la FEUQ, tend privilgier la ngociation la mobilisation. De cette diffrence rsulte un conflit, parfois froce, entre les organi-sations se rclamant de ces deux tendances.

    Parfois prsente comme une simple guerre de clochers, la lutte que se mnent ces deux tendances a des racines histo-riques profondes. Leurs cadres danalyse et leurs expriences de luttes se contredisent sur trop daspects. Crer des ba-ses communes ncessaires lunion savre impossible dans ce contexte : il suffit dune analyse compare de leurs diffrents aspects pour sen convaincre.

    Fondements de base

    Le syndicalisme tudiant de combat part du principe que ltat capitaliste possde des intrts spcifiques en contra-diction avec les ntres. Alors que nos intrts vont dans le sens dune ducation accessible, gratuite et de qualit, le rle de ltat est de veiller au bon fonctionnement du systme ca-pitaliste en dfendant les intrts de la minorit qui en tire les ficelles. Pour le cas du systme dducation, il le fait travers une srie de rformes nolibrales, tels des hausses de frais et un arrimage au march. Avant dtre vu comme un outil permettant le dveloppement de lesprit critique essentiel la participation active dans la socit, le systme dducation est plutt vu comme un moyen de rendre les individus dociles afin de bien les intgrer aux rouages du march capitaliste. Les structures du systme dducation sont dailleurs faites sur mesure pour cette classe dominante. Par exemple, la composition des conseils dadministration de nos institutions assure aux reprsentants et reprsentantes proches de len-

    treprise prive la majorit des voix. Pour faire contrepoids cette logique, nous navons quune alternative : construire et entretenir un rapport de force collectif!

    Les organisations concertationnistes ne reconnaissent pas lexistence du conflit social entre les intrts tudiants et ceux de ltat et des administrations locales. Ces derniers sont plu-tt vus comme des arbitres neutres rgulant les intrts des diffrents groupes de pression. Dans ce contexte, ltat est un collaborateur avec lequel nous devons maintenir une bonne entente.

    Revendications

    Pour un syndicat de combat, la pleine dfense de nos intrts exige une rupture avec lido-logie dominante. Un syndicat de combat a donc ncessai-rement des revendications larges avec loptique de crer un projet de socit progres-

    siste densemble. Ainsi, un syndicat de combat satta-que de manire large aux structures ducationnelles actuelles afin de rebtir lducation, et plus largement, lensemble de la socit, sur de nouvelles bases plus dmocratiques et plus solidaires. Suivant ce projet, un syndicat de combat nhsitera pas se solidariser avec dautres luttes progressistes, telles les luttes ouvrires, fministes, autochtones, environnementales et autres, afin de crer un vaste mouvement unitaire pour la justice sociale.

    Pour les organisations concertationnistes, lnergie est plutt mise tenter de conserver une paix sociale avec ltat. Elles se donnent donc des revendications plus ralistes qui ne sortent pas du cadre nolibral actuel. De cette manire, el-les vitent dtre une puissante force de changement social et se condamnent ntre que la courroie de transmission des intrts de la classe dominante en nos rangs. Lorsque vient le temps de ngocier, leur volont de rester raliste les oblige parfois proposer elles-mmes limposition de

    Syndicalisme de

    combatconcertationnisme

    et

    Par Jean-Christophe Gascon

    Nous navons quune alternative :

    construire et entretenir un

    rapport de force collectif!

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    mesures anti-sociales. titre dexemple, la FECQ a propos, pendant la grve de 1996, de prendre largent pour le gel des frais dans les avantages sociaux des professeur-e-s.

    Moyens daction

    Pour un syndicat de combat, la rupture avec lidologie domi-nante passe logiquement par la cration dun rapport de force assez puissant pour faire plier ltat. quoi bon intgrer des structures dcisionnelles faites sur mesure pour nous carter? Ainsi, nous fonctionnons par escalade de moyens de pression. Partant parfois de la simple ptition, nous pouvons aller jusqu la grve gnrale en passant par loccupation de bureaux, le blo-cage conomique, la perturbation de conseil dadministration, etc. (voir ce titre, larticle sur les moyens daction la page 28). Lide est que la classe dominante se trouve dans la situation o cder nos intrts est plus avantageux que maintenir les leurs.

    Quant aux organisations concertationnistes, ce nest quen de rares occasions quelles appellent la mobilisation gnrale. Ce nest qu la suite de lchec ou de la stagnation des ngociations que celles-ci prennent part la lutte, gnralement en profitant dune vague mobilisatrice cre par une organisation combative. Cest ce moment quelles se heurtent leur contradiction cen-trale : mener la lutte contre la classe dominante tout en mainte-nant les liens ncessaires pour tre entendus sur leurs tables de lobby. Il en rsulte un caractre de lutte ambigu, que lon ne peut qualifier de vritable lutte. Elles mettent en place des moyens de pression, mais sassurent de ne pas dpasser le stade nuisible leur bonne entente, ce qui en dfinitive revient privilgier les simples actions symboliques et les relations mdiatiques dont le rapport de force rel est presque nul.

    Dmocratie directe ou dmocratie reprsentative

    Comme le pou- voir est dans le nombre, un syndicat de combat tend vers la dmocratie directe, cest--dire, la prise de dcisions par lensemble des membres. Ainsi, linstance dmocratique suprme est lassemble gnrale, lieu idal pour dbattre de nos objectifs et de notre stratgie, pour prendre des dcisions col-lectives. Les membres lu-e-s sur les instances du syndicat sont des dlgu-e-s et non des re-prsentants ou des reprsentantes. Leur rle est dagir dans le sens des mandats das-sembles gnrales qui elles-mmes doivent assu-rer une surveillance pour viter labus. De manire plus large, un syndicat de combat est aussi un lieu dapprentissage de la dmocratie directe dans le but den largir la pratique. Contre la dmocratie reprsentative qui nous fait croire

    que notre pouvoir rside dans un vote aux quatre ans, la dmocratie directe oppose lide que nous devons prendre notre pouvoir en main, par limplication quotidienne dans les enjeux qui nous concernent.

    Quant aux organisations concertationnistes, leur lob-byisme repose sur cette dmocratie reprsentative. Les assembles gnrales sont beaucoup moins frquentes, voire parfois totalement absentes. Les excutants et les excutantes sont considr-e-s comme des reprsentants et des reprsentantes et non comme des dlgu-e-s. Leurs structures sont centralises et il est plus compliqu pour la base de les intgrer. Par exemple, plusieurs documents de fonctionnement des fdrations tudiantes sont difficile-ment accessibles et leurs ngociations avec ltat sont sou-vent tenues secrtes. Cela vite de donner des outils aux membres afin de mener une mobilisation qui perturberait leur bonne entente, si chre aux concertationnistes.

    Information et mobilisation

    Une dmocratie directe efficace prsuppose une population tudiante informe sur les diffrents enjeux qui la concer-nent. Voil pourquoi un syndicat de combat met beaucoup dnergie afin de produire suffisamment de matriel din-formation pour garder les membres inform-e-s. Aussi, dans un cadre de rupture avec lidologie dominante, un syndicat de combat produira un contrepoids aux mdias de masse par la prsentation dune analyse centre priori-tairement sur les besoins de lensemble de la population.

    De par leurs stratgies axes sur la dmocratie reprsen-tative, les concertationnistes nont pas besoin de compter sur une base informe et mobilise. Ainsi, peu de temps est accord la production et la diffusion de matriel dinformation comparativement au temps donn lespa-ce mdiatique et aux ngociations huis clos avec le gou-

    vernement. Cette attitude cre un foss entre lexcutif et la base. Plutt que de comp-ter sur la force du nombre, elles prfrent compter sur la capacit de n-gociation

    d e s r e p r -

    sentantes et reprsentants.

    Lutte permanente ou lutte ponctuelle?

    Pour un syndicat de combat, conserver la base informe et

    mobilise implique de susciter des luttes permanentes. Cest pour se faire que lASS runit plusieurs

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    mesures anti-sociales. titre dexemple, la FECQ a propos, pendant la grve de 1996, de prendre largent pour le gel des frais dans les avantages sociaux des professeur-e-s.

    Moyens daction

    Pour un syndicat de combat, la rupture avec lidologie domi-nante passe logiquement par la cration dun rapport de force assez puissant pour faire plier ltat. quoi bon intgrer des structures dcisionnelles faites sur mesure pour nous carter? Ainsi, nous fonctionnons par escalade de moyens de pression. Partant parfois de la simple ptition, nous pouvons aller jusqu la grve gnrale en passant par loccupation de bureaux, le blo-cage conomique, la perturbation de conseil dadministration, etc. (voir ce titre, larticle sur les moyens daction la page 28). Lide est que la classe dominante se trouve dans la situation o cder nos intrts est plus avantageux que maintenir les leurs.

    Quant aux organisations concertationnistes, ce nest quen de rares occasions quelles appellent la mobilisation gnrale. Ce nest qu la suite de lchec ou de la stagnation des ngociations que celles-ci prennent part la lutte, gnralement en profitant dune vague mobilisatrice cre par une organisation combative. Cest ce moment quelles se heurtent leur contradiction cen-trale : mener la lutte contre la classe dominante tout en mainte-nant les liens ncessaires pour tre entendus sur leurs tables de lobby. Il en rsulte un caractre de lutte ambigu, que lon ne peut qualifier de vritable lutte. Elles mettent en place des moyens de pression, mais sassurent de ne pas dpasser le stade nuisible leur bonne entente, ce qui en dfinitive revient privilgier les simples actions symboliques et les relations mdiatiques dont le rapport de force rel est presque nul.

    Dmocratie directe ou dmocratie reprsentative

    Comme le pou- voir est dans le nombre, un syndicat de combat tend vers la dmocratie directe, cest--dire, la prise de dcisions par lensemble des membres. Ainsi, linstance dmocratique suprme est lassemble gnrale, lieu idal pour dbattre de nos objectifs et de notre stratgie, pour prendre des dcisions col-lectives. Les membres lu-e-s sur les instances du syndicat sont des dlgu-e-s et non des re-prsentants ou des reprsentantes. Leur rle est dagir dans le sens des mandats das-sembles gnrales qui elles-mmes doivent assu-rer une surveillance pour viter labus. De manire plus large, un syndicat de combat est aussi un lieu dapprentissage de la dmocratie directe dans le but den largir la pratique. Contre la dmocratie reprsentative qui nous fait croire

    que notre pouvoir rside dans un vote aux quatre ans, la dmocratie directe oppose lide que nous devons prendre notre pouvoir en main, par limplication quotidienne dans les enjeux qui nous concernent.

    Quant aux organisations concertationnistes, leur lob-byisme repose sur cette dmocratie reprsentative. Les assembles gnrales sont beaucoup moins frquentes, voire parfois totalement absentes. Les excutants et les excutantes sont considr-e-s comme des reprsentants et des reprsentantes et non comme des dlgu-e-s. Leurs structures sont centralises et il est plus compliqu pour la base de les intgrer. Par exemple, plusieurs documents de fonctionnement des fdrations tudiantes sont difficile-ment accessibles et leurs ngociations avec ltat sont sou-vent tenues secrtes. Cela vite de donner des outils aux membres afin de mener une mobilisation qui perturberait leur bonne entente, si chre aux concertationnistes.

    Information et mobilisation

    Une dmocratie directe efficace prsuppose une population tudiante informe sur les diffrents enjeux qui la concer-nent. Voil pourquoi un syndicat de combat met beaucoup dnergie afin de produire suffisamment de matriel din-formation pour garder les membres inform-e-s. Aussi, dans un cadre de rupture avec lidologie dominante, un syndicat de combat produira un contrepoids aux mdias de masse par la prsentation dune analyse centre priori-tairement sur les besoins de lensemble de la population.

    De par leurs stratgies axes sur la dmocratie reprsen-tative, les concertationnistes nont pas besoin de compter sur une base informe et mobilise. Ainsi, peu de temps est accord la production et la diffusion de matriel dinformation comparativement au temps donn lespa-ce mdiatique et aux ngociations huis clos avec le gou-

    vernement. Cette attitude cre un foss entre lexcutif et la base. Plutt que de comp-ter sur la force du nombre, elles prfrent compter sur la capacit de n-gociation

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    sentantes et reprsentants.

    Lutte permanente ou lutte ponctuelle?

    Pour un syndicat de combat, conserver la base informe et

    mobilise implique de susciter des luttes permanentes. Cest pour se faire que lASS runit plusieurs

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    associations tudiantes, et ce, mme lextrieur des grandes mobilisations, pour construire un rapport de force permanent avec ltat. Le fait dtre constamment lafft pourrait ven-tuellement permettre de profiter dune brche pour mener une lutte offensive. Cette lutte permanente est ce qui nous permet de conserver et transmettre notre culture organisationnelle. Autrement, celle-ci se perd et nous devons constamment re-commencer la machine zro, minant considrablement la qualit de nos luttes.

    Pour les organisations concertationnistes, la lutte nest en-visage que de manire ponctuelle lorsquelles ont constat lchec de leur concertationnisme traditionnel. Il en rsulte

    un caractre de lutte des plus dsorganiss.

    Comme elles nont pas dvelopp avec le temps une culture de lutte, elles nont pas les outils organisationnels pour mener une lutte efficace et se retrouvent gnralement la remorque de la mobilisation mene par la frange combative.

    Tirer les leons de lhistoire

    la lumire de cette analyse, confirme par des sicles dhis-toire de lutte sociale, loption combative savre tre la seule voie efficace pour assurer la dfense et la promotion de nos droits. Que ce soit la journe de travail de huit heures, le droit lavortement ou la mise sur pied du rgime dassurance-chmage, les gains sociaux ont tous t obtenus par la lutte.

    Le mme principe sapplique au niveau du mouvement tu-diant qubcois : les plus gros gains ont t raliss dans les annes 1970 et 1980 alors que la stratgie du syndicalisme de combat tait prdominante. Depuis son dclin au profit de la monte en flche des fdrations tudiantes au dbut des an-nes 1990, les pires reculs ont t enregistrs. Il est donc plus que jamais temps de redonner au syndicalisme de combat le rle davant plan qui a si bien servi notre cause. Depuis 2001, lASS travaille en ce sens afin de redonner espoir en un pro-jet de socit progressiste.

    ---Rfrences

    PIOTTE, Jean-Marc, Le syndicalisme de combat, Montral, Les ditions Albert St-Martin, 1977, 268 pages.

    PIOTTE, Jean-Marc, Du combat au partenariat: interventions critiques sur le syn-dicalisme qubcois, ditions Nota bene, 1998, 269 pages.

    MARSAN, Benot, Pourquoi le syndicalisme tudiant, disponible au http://www.asse-solidarite.qc.ca/documents/fr/recherches_analyses/Pourquoi%20le%20syndicalisme%20%E9tudiant.pdf

    LASS runit plusieurs associationstudiantes, et ce, mme lextrieur des grandes mobilisations, pour construire un rapport de force permanent avec ltat.

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    Bien souvent, la rsignation et le fatalisme empchent les gens de se battre pour leurs droits. Trop souvent galement,

    les grands mdias capitalistes nous tiennent dans lignorance face aux mouvements sociaux dici et ailleurs. Il ne faudrait

    surtout pas sinspirer dautres expriences de luttes victorieuses comme celle qui opposa la jeunesse proltaire

    et tudiante contre le CPE (Contrat premire embauche) en France au printemps 2006.

    Contexte

    Soulignons que cette mobilisation contre le CPE est dune ampleur jamais vue en France depuis les grandes grves

    tudiantes et ouvrires de mai 1968. Elle est dailleurs en lien avec le contexte interne de la France puisquil y a eu une

    importante mobilisation qui a men au refus de la constitution europenne. Cette constitution est juge par

    plusieurs comme tant un accord favorisant laccumulation de profits pour les capitalistes europens au dtriment des

    droits sociaux, culturels et conomiques des populations.

    galement, en novembre 2005, les banlieues franaises sagitent et dimportantes meutes ont lieu suite au meurtre

    de deux jeunes par les forces policires Clichy-sous-Bois le 27 octobre. Nicolas Sarkozy, alors ministre de lIntrieur,

    dclare la guerre la racaille . Il avait dj affirm vouloir nettoyer au Krcher les banlieues en juin 2005, le Krcher tant un appareil haute pression pour nettoyer la salet.

    Au-del de ces lments dclencheurs, cest le chmage en-dmique et la discrimination raciale qui forment les bases de

    lagitation lgitime de novembre 2005.1

    INTER

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    La lutte contre le CPE en Francepar Guillaume Manningham

    Mouvement tudiant dans le monde

    Le mouvement tudiant, lchelle plantaire, est en perptuelle lutte pour lamlioration de sa condition. Quil se situe dans des pays en d-veloppement o la violence et la rpression sont les armes favorites des gouvernements, ou dans les pays industrialiss o laccs lduca-tion est sans cesse menac par les politiques nolibrales des diff-rents gouvernements, le mouvement tudiant consiste en un pilier im-portant de la mobilisation sociale. Que ce soit en France, en Colombie ou aux tats-Unis, des regroupements tudiants sorganisent sur des bases combatives pour mener la lutte du

    droit social.

    R * ULT!MATUM * 07-08 R * ULT!MATUM * 07-08 13

  • INTER

    NATIO

    NALLa prcarit accentue pour

    limiter le chmage et les rvoltes

    Prcdemment la rvolte des banlieues, le gouvernement a mis en place en aot 2005 le CNE (Contrat nouvelles em-bauches), un contrat de travail pour les entreprises de vingt salari-e-s maximum. Durant la priode dite de consolidation de lemploi de deux annes, la rupture, sans annoncer le mo-tif de licenciement, est possible moyennant un pravis court et une indemnit de 8 % sur le total de la rmunration2. Le MEDEF (Mouvement des entreprises de France) et le FMI (Fonds Montaire International) se sont dits satisfaits, mais le gouvernement aurait pu aller plus loin dans la soumission la prcarit de la main-duvre franaise3.

    Effectivement, cest ce qua fait le gouvernement franais en adoptant la Loi pour lgalit des chances le 31 mars 20064. Elle instaure en France diverses mesures relatives lemploi et lducation. Lamendement le plus polmique de la loi cre le CPE, cette goutte qui fait dborder le vase de la prcarit en accentuant les clauses du CNE. Dans les deux premires an-nes dun emploi, peu importe le nombre de salari-e-s dans lentreprise, les travailleurs et les travailleuses de moins de 26 ans peuvent se faire licencier sans motifs. Le CPE touche un lment-cl, symbole du pouvoir patronal et de la condition ouvrire : le licenciement. Le CPE nest que la pointe de la

    Loi pour lgalit des chances qui inclut : lapprentis-sage ds 14 ans, le travail de nuit 15 ans, le service civil volontaire partir de 16 ans et la cration de zones fran-ches exonres dimpts pour les entreprises 5.

    La lutte tudiante et ouvrire face Loi sur lingalit des chances

    Dans cette lutte contre le CPE, les jeunes ne se battent pas seulement pour leurs droits tu-diants, mais aussi pour leurs droits de futur-e-s

    travailleurs et travailleuses. Lappel lunit dans la lutte avec les jeunes proltaires et les organisa-

    tions syndicales est donc parfaitement logique. Au d-but du mois de fvrier 2006, on assiste aux premiers mouvements de grves tudiantes et la premire

    mobilisation nationale le 7 fvrier runissant 700 000 personnes. Un mois plus tard, le mouvement de grve

    commence prendre de lampleur, des assembles gnrales sont tenues et il y a vote

    de grve illimite avec du piquetage et dans cer-tains cas, des occupations de campus. Le personnel

    de certaines universits entrent galement en grve6.

    Sans se laisser abat-tre par la rpres-sion, il y aura plus de 5 000 arres-tations tout au long du combat,

    le mouvement est rejoint par

    les lyces, sorte de cgeps, qui dynamisent la lutte. Plusieurs actions coups de poing ont lieu comme le blocage de voies ferres, dautoroutes, daroports et la perturbation de bu-reaux gouvernementaux ou du MEDEF. Le 4 avril, ont lieu les plus grande mobilisations runissant plus de 3 millions de personnes. Grenoble par exemple, 60 000 personnes manifestent pour une ville de 400 000, ce qui est norme. Le gouvernement plie, en ce qui concerne le CPE, quelques jours plus tard, mais conserve le reste de Loi sur lgalit des chances.

    Le mouvement est divis entre le syndicalisme de lutte et le corporatisme. Des campus associs la Coordination Natio-nale tudiante (runissant le courant tudiant syndical dmo-cratique bas sur les AG, notamment les organisations SUD7 et FSE8) font la grve jusquau 1er mai9. En fait, il existait un courant corporatiste principalement compos de lUNEF (Union nationale des tudiants de France) qui freinait au dbut le mouvement de la grve et ensuite, vu lampleur du mouvement, a rclam seulement le retrait du CPE. La Coor-dination Nationale tudiante rclamait un retrait complet de la Loi sur lgalit des chances et du CNE. Aussi, elle deman-dait entre autres des emplois stables pour tous et toutes, un rinvestissement dans lenseignement suprieur et larrt du traitement rpressif des mouvements sociaux.

    Le mouvement a permis de renforcer les liens entre gn-rations de travailleurs et de travailleuses. Le fatalisme de la prcarit, qui accablait les jeunes, a recul. Les agissements de collaboration nuisible de lUNEF ont t dvoils, comme ceux des fdrations tudiantes lors de la grve de 2005 au Qubec. Dans cette lutte, la conscience et lorganisation des exploits-e-s ont progress tout comme la comprhension des mcanismes du capitalisme, de ses mdias et de la rpres-sion de lappareil dtat bourgeois travers sa justice et ses forces policires. nous, ici au Qubec, de sen inspirer pour affronter courageusement le gouvernement en comptant sur nos propres moyens.

    ---1.Centre danalyse stratgique du gouvernement franais, Violences urbaines de lautomne 2005, http://www.strategie.gouv.fr/article.php3?id_article=353

    2.Ministre du Travail de France, Contrat nouvelles embauches, http://www.travail.gouv.fr/informations-pratiques/fiches-pratiques/contrats-travail/contrat-nouvelles-embauches-cne-2250.html 3. Le FMI applaudit , LHumanit, 22 juillet 2005, http://www.humanite.fr/2005-07-22_Po-litique_Le-FMI-applaudit 4.SUD-tudiant, La Loi pour lgalit des chances : petite analyse pour y voir plus clair, http://www.sud-etudiant.org/article.php3?id_article=457 5.Ministre de lEmploi, de la Cohsion sociale et du Logement, http://www.cohesionsociale.gouv.fr/breves/un-contrat-premiere-embauche-pour-les-jeunes-648.html

    6.RFI, CPE: la situation senvenime pour Villepin, http://www.rfi.fr/actufr/articles/075/arti-cle_42355.asp

    7.Site de SUD-tudiant, http://www.sud-etudiant.org/ 8.Site de la Fdration syndicale tudiante, FSE, http://www.luttes-etudiantes.com/ 9. Toutes nos luttes sont politiques et internationales et Les jeunes ont fait reculer le gou-vernement, entrevue avec un camarade tudiant de la facult Paris-8 Saint-Denis , Partisan, http://vp-partisan.org/images/PDF/p203.pdf

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  • Dans notre pays, en Colombie, la lutte pour la dfense de lducation publique, gratuite et de qualit se veut la bannire derrire laquelle sunissent les tudiants et les tudiantes uni-versitaires et du secondaire. Or, notre mouvement, qui sort de quelques annes dapathie, est prsentement en pleine ef-fervescence. Dans les derniers mois, trois Rencontres Nationales dUr-gence du Mouvement tudiant Universitaire nous ont permis dunir nos forces. De mme, les tudiants et tudiantes du secondaire nous dmontrent jour aprs jour que lide dun monde meilleur et plus juste gagne du terrain. En plus de la dfense de lducation publique, gratuite et de qualit, notre mouvement social doit se montrer solidaire des autres luttes progressistes. Ainsi, nous revendiquons le droit la vie : pour toutes et tous les camarades, paysans et pay-sannes, autochtones, travailleuses et travailleurs assassin-e-

    s, perscut-e-s, squestr-e-s et exil-e-s. Nous exigeons la restauration morale de la Patrie : il nous

    faut changer en profondeur cet tat. Or, de puissants intrts travaillent

    contre notre projet dun monde plus libre et plus juste. Les tats-Unis et leur Plan Colombia, leur Zone de Libre-change des Amriques (ZLA) et leur accord de libre-change bilatral avec notre pays manoeuvrent pour maintenir les ingalits de la Colombie. Notre engagement pour un monde plus juste nous mne combattre le trait de libre-change, la privatisation des entre-

    prises tatiques et, en particulier, le Plan National de Dveloppement du gouvernement qui rduit les budgets de lassistance sociale, de la sant et

    de lducation au profit, nous le sa-vons, de la machine de guerre du gouvernement. Cest pour ces motifs que la rpres-sion et la propagande du gouver-

    nement sabattent sur nous. Le Prsident Alvaro Uribe, dans des discours tlviss, qualifia ainsi de nombreuses repri-ses les tudiants et tudiantes de terroristes, les assimilant des criminel-le-s. Plusieurs universits, dont les tudiantes et les tudiants staient organis-e-s en campements (occupa-tions), ont souffert dinterventions militaires qui provoquent lviction des tudiants et des tudiantes, la destruction et la violence. Si les mouvements tudiants de tous les pays subis-sent la rpression un moment ou un autre, celle que nous avons subie est particulirement violente. Une escouade sp-cialise dans la rpression, mieux connue sous le nom desca-dron de la mort ou anti-tudiants, fait ainsi des ravages dans les mobilisations estudiantines. Militants et militantes enlev-e-s, bless-e-s ou tu-e-s : cest le pain quotidien des organisations pro-gressistes de notre pays. Parmi les martyrs : Julian Andrs Hurtado, finissant en techniques mdicales de lUniversit del Valle, as-sassin de deux balles la tte en octobre dernier. Cependant, la lutte pour la dfense de lducation continuera, dans les rues, dans les salles de classe et partout o pourront tre entendues nos voix, nos ides et notre projet de socit.

    Photos disponibles: picasaweb.google.com/informartes

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    COLOMBIE : ENTRE RPRESSION & DFENSE DE LDUCATION PUBLIQUE

    Par Liliana Pardo, militante de lUniversit de District Francisco Jos de Caldas & traduit par Philippe Morin

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  • Entre sweatshops, guerres et ducation : la dsor-ganisation du mouvement tudiant tats-unien

    Le mouvement tudiant tats-unien se veut prsentement un ensemble confus de quelques organisations nationales et de leurs succursales locales ainsi que dune myriade de groupes de taille, dinfluences et de vitalits variables. Il est important de mentionner que les acteurs du mouve-ment tudiant sont, au mieux, marginaux dans la politique amricaine. Lexistence dun mouvement tudiant est at-teste, mais le pouvoir de celui-ci a t trs limit depuis la fin des annes 1970. Les principales organisations nationales sont, dune part, celles qui se concentrent sur des enjeux spcifiques. Parmi celles-ci, USAS (United Students Against Sweatshops) et SSDP (Student for Sensible Drug Policy) luttent respecti-vement contre les ateliers de misre (sweatshops) et pour la dcriminalisation des drogues douces. Bien que les groupes travaillant sur un enjeu spcifique comme USAS et SSDP aient connu du succs rcemment, il savre extrmement difficile de sorganiser autour de questions sadressant particulirement aux tudiants et tudiantes. Sans douter de la pertinence de ces organisa-tions, il faut reconnatre quelles sont rarement contrles par des tudiants et tudiantes et que les luttes sont sou-vent orientes hors des campus. Il en rsulte que les ques-tions de pouvoir tudiant, daccessibilit aux tudes ainsi que les autres revendications historiques du mouvement tudiant sont trop souvent relgues une importance se-condaire. Quant au mouvement tudiant proprement dit, plusieurs organisations aux orientations diffrentes y sont actives. USSA (United States Student Association) se concentre sur des enjeux tudiants, mais se montre incapable (ou dsintresse) mobiliser les tudiants et tudiantes au-del dune stratgie de lobbying. Paralllement au lobby de USSA, la rmergence de la SDS (Students for a Democra-tic Society), qui se veut lhritire du mouvement tudiant combatif des annes 1960 et 1970, est prsentement en train de changer la donne. Avec sa campagne antimilitaris-te et pour le pouvoir tudiant, la SDS voit des dizaines de chapitres se mettre sur pied dans diffrents campus uni-versitaires et secondaires du pays. En juillet 2007, la SDS avait recens 50 chapitres dans des coles secondaires r-parties dans 25 tats ainsi que 148 chapitres universitaires. Toutefois, la structure de la SDS est diffrente de celle dun syndicat national : cest plutt lamalgame de centaines de

    groupes souhaitant travailler en coalition.

    En plus de ces groupes tudiants nationaux, cer-taines organisations dtudiants et dtudian-tes de couleurs et de groupes

    construits autour dune analyse anti-raciste se veulent des lments incroyablement importants pour le mou-vement tudiant tats-unien.

    MEChA (Movimiento Estudiantil Chicano de Aztln) souhaite forcer une plus grande accessibilit aux tudes en plus de lutter sur les fronts anti-imprialistes, anti-sexistes, anti-racistes et contre lhomophobie. MEChA, qui compte 47 chapitres universitaires seulement en Californie, sest avre lorganisation qui connut le plus de succs dans la lutte contre des mesures nolibrales, comme laugmentation des frais de scolarit et les atta-ques aux programmes daction positive (affirmative ac-tion). lexception de MEChA et peut-tre de la SDS, il ny a pas de groupes tudiants de grande ampleur qui combattent pour laccessibilit aux tudes et qui soient en mesure de lier les luttes locales qui se multiplient au pays, avec des initiatives pour un systme dducation plus accessible et de meilleure qualit. En fait, rcemment, le mouve-ment tudiant tats-unien, dsorganis et fragment, sest content de luttes pour dfendre le statu quo.

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    Par Micheal da Cruz, tudiant lUniversit Brown et traduit par Philippe Morin

    tats-Unis* * * * * * * * * * * * * * * * * * * * * *Dsorganisation syndicale

    R * ULT!MATUM * 07-0816 R * ULT!MATUM * 07-08

  • Le mouvement tudiant est un milieu o les gnrations de mi-litants et militantes se renouvellent rapidement. tous les ans plusieurs quittent et plusieurs sintgrent dans les associations tudiantes. Cest pour cette raison que la mmoire collective du mouvement est si prcieuse et si fragile. Larticle qui suit se propose dentretenir cette mmoire en revenant sur une bataille encore rcente, la grande grve gnrale du printemps 2005.

    La grve de 2003, un chec clairant

    Presque tout le Qubec se souvient de la grve tudiante de 2005. On se souvient de plusieurs semaines de grve, de nom-breuses personnes manifestant tous les jours dans les rues, du carr rouge, etc. Moins de gens se souviennent cepen-dant de lorigine de cette grve, de ses revendications de base. Cette lutte a t pour lASS le rsultat de plusieurs annes de mobilisation au sein du mou-vement tudiant.

    En 2003, lASS a lanc le mot dordre dune grve gnrale illimite contre la hausse des frais au niveau collgial. Cet appel na pas t fructueux, pour plusieurs raisons, notamment par manque dorganisation, de mobilisation, mais aussi cause de lopportunisme des fdrations tu-diantes. Durant lt 2003, la FECQ sortait sa ha-che de guerre en criant au scandale dans les journaux. Ds la rentre, toutefois, la FECQ invitait son camp de formation le ministre du nouveau gouvernement libral, Pierre Reid, et se dclarait prte donner sa chance au cou-reur ... chance quil a effectivement saisie en faisant adopter la funeste contre-rforme de lAFE dans les mois suivants. LASS a tent de poursuivre lappel la grve, sans succs. C e t chec a cependant eu ses bienfaits en

    fournissant de prcieuses leons. Il a dune part permis aux mi-

    litants et militantes de constater lampleur de lorganisation nces-saire au dclenche-ment dune grve.

    Dautre part, le travail de mobilisation de

    la population

    tudiante sur lurgence de prendre le moyen de la grve pour dfendre nos droits tait loin dtre perdu. Cest aussi depuis cette

    campagne que lagratuit

    scolaire sest mise prendre de

    plus en plus de place dans le discours de

    lASS.

    Lorigine des revendications

    En pensant la grve tudiante de 2005, lex-pression qui sonne aux oreilles de la majo-

    rit de la population, cest : 103 millions $ de coupure dans les bourses . Pour-

    tant, cette grve exigeait beaucoup plus que 103 millions $ : ses

    objectifs allaient au-del dune question de chif-

    fre et dargent. Aprs consultations de leurs

    grve 2005 :

    hIST O i RE & rC U P Ratio NPar Marie-Michle Whitlock

    R * ULT!MATUM * 07-08 R * ULT!MATUM * 07-08 17

  • assembles gnrales, les associations membres de lASS ru-nies en Congrs au mois de septembre 2004 avaient statu sur certaines revendications envoyer au gouvernement sous forme dultimatum. Le lancement de cet ultimatum allait de pair avec le dclenchement de moyens de pression pour obtenir satisfaction nos demandes. Cet ultimatum rpondait aux attaques du gou-vernement dans le systme de laide financire aux tudes, mais exigeait aussi des amliorations lAFE. LASS ne se contentait pas du simple statu quo, et cest ce qui a fait sa force.

    Lultimatum exigeait notamment le retrait de la rforme de lAFE (dont la coupure de 103 millions $ tait un aspect), loctroi de lautonomie financire ds le dpart du domicile familial, le respect de lintgrit du rseau collgial le tout dans une perspective de gratuit scolaire et dradica-tion de lendettement tudiant.

    Lultimatum tait galement diffus aux autres associations tu-diantes, invites se positionner en assembles gnrales sur les revendications et les moyens daction. Plusieurs associations tudiantes ont rpondu lappel. Le 23 octobre, date butoir de lultimatum, le gouvernement, lui, navait donn toujours aucune rponse

    Face ce silence, une fois de plus runie en Congrs la fin octo-bre, lASS poursuit sa campagne de mobilisation et lance un ap-pel la grve gnrale. Elle organise une premire manifestation denvergure le 19 novembre. Il est dsormais vident que la grve est le seul moyen dobtenir satisfaction.

    Pour atteindre ses objectifs, lASS a constat la ncessit de regrouper dautres forces aux siennes, de former une coalition. Mais une coalition doit sentendre sur des bases communes sans lesquelles il ny a aucune pertinence sunir. Les membres de lASS et dautres associations tudiantes avaient dj dcid en assembles gnrales que les revendications de lultimatum seraient les revendications de la grve. Ctait plutt logique, puisque cet ultimatum avait t envoy au gouverne-ment, dans les mdias et que la mobilisation de la population avait t faite sur ces bases de-puis la fin septembre. Pourtant, sous le pr-texte de runir le plus de gens possible, lASS a

    pris la dcision en Congrs de diminuer sa plateforme de reven-dications. Plusieurs revendications ont alors t supprimes, tel que la demande de lautonomie financire ds le dpart du domi-cile familial, revendication qui amliorait nettement le systme de lAFE.

    LASS planifie la grve; les fdrations tudiantes gardent le silence

    Pendant que lASS planifiait un plan daction allant vers la gr-ve gnrale illimite, que les membres de lASS organisaient les assembles gnrales et mobilisaient contre la rforme de lAFE et pour la ncessit de faire la grve, les fdrations tudiantes taient inactives et silencieuses. Elles prfraient reprsenter les tudiants et tudiantes dans les congrs du Parti libral et au Sommet des gnrations , plutt que dtre au cur de lorgani-sation et de la mobilisation de la population tudiante.

    LASS a produit des journaux, organis des tournes dans les cgeps et universits, a organis des actions et a fait plusieurs runions dorganisation pour dbattre des modalits de dclen-chement de la grve, des bases de la coalition, des relations avec les mdias, etc. Pendant ce temps, les fdrations restaient tou-jours aussi silencieuses Lorsque la grve fut dclenche, le 24 fvrier 2005, les fdrations dclaraient dans les mdias que ce ntait toujours pas le temps et que la grve ntait pas envisage. En fait, elles voulaient une fois de plus donner sa chance au coureur , le nouveau ministre Fournier qui venait de remplacer Reid lducation . Lorsque le mouvement prit de lampleur et que certains membres des fdrations, en rupture avec leur orga-nisation, furent aussi en grve, la FECQ et la FEUQ neurent pas le choix daller de lavant dans la grve. La FECQ lana lappel le 3 mars et la FEUQ suivit le 8 alors que dj 70 000 tu-diants et tudiantes faisaient la grve. Cest cette seule condition quelles pouvaient esprer conserver le monopole de la reprsenta-tion et la ngociation avec le gouver-nement en cartant la CASS de ce rle.

    La CASS, une russite risque !

    La coalition que lASS a fonde tait peut-tre ncessaire lors de cette grve, mais chaque Congrs amena des risques de rupture entre ses membres. Les membres de la CASS avaient comme point commun la plateforme de revendications, un moyen de pression, la grve, ainsi

    quune structure

    R * ULT!MATUM * 07-0818 R * ULT!MATUM * 07-08

  • dmocratique, cest--dire que les assembles gnrales taient, pour cette coalition, la base du mouvement de grve. Ces trois conditions taient essentielles pour que plusieurs associations tudiantes travaillent ensemble.

    Les problmes sont venus du fait que ces associations tudian-tes nadhraient pas toutes au syndicalisme tudiant de combat comme lASS le prconisait. Alors, lorsquil tait question de moyens daction, de mobilisation et de mdias, les divergences au sein de la CASS se faisaient sentir. chaque semaine, soit chaque Congrs, les dbats sur les stratgies de ngociation, des actions lgitimes et des mdias taient trs difficiles. Certaines associations tudiantes exprimentaient pour la premire fois le syndicalisme de combat alors que dautres avaient une culture syndicale datant de plusieurs annes; des disparits bien difficiles niveler en si peu de temps. Cest en partie ce qui explique que la grve, bien que plus longue et plus populeuse que toute autre, ne dploya que relativement peu de perturbations denvergure.

    Entente rabais

    Le ministre fit une premire offre le 15 mars 2005, trois semaines aprs le dclenchement de la grve par la CASS. Cette offre tait tellement peu gnreuse que mme les fdrations durent la rejeter. Dans les jours qui suivirent, au plus fort de la lutte, la FEUQ se montra nanmoins ouverte au compromis. Finalement,

    cest le 1er avril que le gouvernement et les fdrations prsent-rent une entente de principe qui prvoyait le remboursement des 103 millions $ tal sur quelques annes. Au passage, des millions de dollars de bourses coups depuis lautomne 2004 ne seraient pas rembourss. De plus, le reste de la rforme restait en vigueur. Bref, les fdrations se contentaient de moins que le statu quo.

    Mme si cette offre russit finalement mettre un terme la gr-ve aprs encore deux semaines de rsistance en semant la di-vision et en sapant le moral de bien des grvistes, il faut souligner que plus de 110 000 tudiants et tudiantes se sont prononc-e-s pour le rejet loffre. Une victoire bien amre pour les fdra-tions tudiantes.

    Depuis le printemps 2005, les fdrations tudiantes nont cess de payer le prix de ce sabotage du rapport de force spectaculaire construit par plus de 185 000 grvistes pendant des semaines. Pendant que la FEUQ connaissait la division et les dsaffiliations massives, que la FECQ tait frappe dinertie, lASS au contraire a vu gonfler ses rangs et accrotre son rayonnement. Il reste main-tenant savoir si le ple combatif du mouvement tudiant pourra se prparer, mieux que ne ltait la CASS en 2005, poursuivre jusquau bout la lutte pour ses propres revendications et contrer les tentatives de rcupration et de sabotage qui ne manqueront pas dtre rdites.

    R * ULT!MATUM * 07-08 R * ULT!MATUM * 07-08 19

  • IntroductionPar Alex Desrochers

    Les diffrents mouvements sociaux orchestrs par les syndicats, autant tudiants, travailleurs et travailleuses, avec la collaboration des organismes communautaires, mnent la lutte pour lamlio-ration de leurs conditions et pour lamlioration des conditions de vie de lensemble de la population. Leurs luttes, parfois peu m-diatises, souvent dvalorises dans les mdias de masse, soppo-sent contre les diffrents gouvernements pour les faire plier face leurs revendications. En tant que mdia alternatif, il est donc im-portant de laisser une place de choix ces groupes et ainsi parler des luttes quils ont menes au cours des dernires annes.

    Conflit la STM Par Jean-Franois Filiatrault

    Aprs quatre mois de ngociations infructueuses concernant leur convention collective, le syndicat du transport de Montral en-trait en grve mardi le 22 mai suite un vote favorable 97 %. Le vendredi 25 mai, les employ-e-s sont dj de retour au travail sans quaucune concession nait t faite par la partie patronale. Pourquoi un moyen de pression ayant fait ses preuves tant de fois sest-il rvl aussi peu efficace?

    Premirement, lultimatum mis par le ministre du Travail, M. David Whissell, spcifiait que si la grve tait encore en cours vendredi en aprs-midi, le gouvernement allait devoir prendre ses responsabilits . Durant les 24 heures prcdentes, Mario Dumont et lAction dmocratique du Qubec avaient soumis la possibilit de dposer une loi spciale obligeant le retour au tra-vail des grvistes [voir larticle Lois spciales : dmocratie en p-ril, page 7]. M. Whissell stait, au dbut, fortement oppos sin-grer dans le processus de ngociation jugeant le tout exagr et disproportionn face la situation. Pourtant le lendemain cest avec le soutient infaillible de son parti quil a prsent son ultimatum. Une convergence de la vision des partis politiques et la couverture destructrice des mdias de masse face cette grve furent en grande partie responsables de la fin radicale que prit ce moyen de pression. Deuximement, le manque de conscientisation auprs de la po-pulation a conduit une absence complte de solidarit sociale. Limage nfaste projete par les mdias de masse, qui ont prfr se centrer sur les inconvnients causs la population plutt que de parler des raisons qui ont menes la grve, aura dtruit le moral des employ-e-s de la socit de transport. La population fut si peu informe, que pour bien des gens, les 2 200 syndiqu-e-s taient majoritairement composs de personnes ayant pei-ne leur secondaire 5 et tant trop bien pay-e-s. Pourtant, selon lInstitut des statistiques du Qubec, les salaires la STM seraient infrieurs la moyenne des entreprises prives. De plus, daprs la CSN, 1 700 des 2 200 employ-e-s sont spcialiss dans leur

    domaine de travail et reprsentent une main- doeuvre unique au Qubec.

    La grve a pratiquement perdu tout son pouvoir ds que le mi-nistre du Travail a lanc son ultimatum le 23 mai en aprs-midi. Sachant lavance que la grve ne durerait plus trs longtemps, la STM na rien eu faire pour briser le mouvement. Elle a dailleurs reconnu ne pas avoir acclr le rythme des ngociations suite lultimatum, considrant que celui-ci ne sappliquait pas elle.

    Quant aux demandes syndicales, elles sincluaient dans une convention pour trois ans stipulant une augmentation de salaire de 3 % 3,5 % par anne et llimination de la clause de droits acquis du rgime de retraite. Cette dernire revendication rev-tait une trs grande importance car si rien ntait fait, un cart risquait de se crer entre les gnrations quant la qualit de leur retraite avantageant les employ-e-s qui seront retrait-e-s dici 15 ans. Pour ce qui est de laugmentation de salaire, elle se di-vise en deux. 2 % comme amlioration de salaire et de 1 1,5 % comme couverture du pouvoir dachat. De son ct, la STM offrait le gel des salaires pour 2007 avec une augmentation de salaire de 2 % par la suite pour une dure de cinq ans. Une des raisons qua avances la STM pour refuser les demandes syndicales, est que la STM se retrouverait dans une situation financire instable.

    Retour sur la grve des CPEPar Genevive Simon

    De 2003 2006, le syndicat des Centres de la Petite Enfance de Montral et de Laval ngociait avec lAssociation patronale des CPE une convention collective pour les ducateurs et les duca-trices. Ne dbouchant sur aucune entente satisfaisant les deux parties, ils et elles entrrent en priode de ngociation en autom-ne 2006. La msentente tait fonde principalement sur deux enjeux : la cration dune nouvelle catgorie demploy-e-s, soit celle daide-ducateur ou daide-ducatrice, et le versement des ajustements salariaux de lordre de 2 %.

    Les ducateurs et les ducatrices des CPE sopposaient fermement la cration des nouveaux postes de travail. Les aide-ducateurs ou aide-ducatrices engag-e-s seraient pay-e-s 5 $ de moins de lheure que les ducateurs et ducatrices form-e-s. De plus, ces derniers et dernires passeraient de 25 70 % moins de temps avec les enfants quactuellement, remplac-e-s pour beaucoup de tches (endormir les enfants, servir les dners, etc.) par des nou-veaux et des nouvelles employ-e-s. Bien que les ducateurs et les ducatrices des CPE reconnaissent le besoin dune forme daide dans les CPE, ils et elles refusent que cela se fasse au dtriment du dveloppement de lenfant et lencontre du bon sens pda-gogique.

    Le gouvernement avait galement promis une aug-mentation de salaire de 2 % ds le 1er avril 2006,

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    Retour sur les mouvements sociauxmo

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    R * ULT!MATUM * 07-0820 R * ULT!MATUM * 07-08

  • et ce, au niveau national, chose qui, en automne 2006, ntait toujours pas faite. Devant la mauvaise foi n-

    gocier de la partie patronale, les ducateurs et ducatrices dcidrent de frapper plus fort. Dans le cadre dune escalade

    des moyens de pression, les syndiqu-e-s votrent lunanimit un plan daction incluant 6 jours de grve, et ce, jusquau 31 mars 2007. Labsence dun dbouch dans les pourparlers entre les deux parties, malgr les grves dune ou deux journes, poussa les ducateurs et les ducatrices des CPE de Montral et de Laval voter par la suite 90 % en faveur dune grve gnrale illimite compter du 5 mars 2007.

    Devant cette srieuse menace de dbrayage et face leur manque dappui flagrant, la partie patronale neut gure le choix de signer les conventions collectives, de laisser tomber lide de cration de nouveaux postes et de verser les augmentations de salaire jusqu la date chue des nouvelles conventions collectives, de mme que de faon rtroactive.

    Comme la si bien dit M. Pascal Joly, administrateur et porte-parole de lAPCPE (lAssociation Patronale des CPE) : Cest la menace de la grve qui nous a incits bouger.

    Comme quoi la grve en tant que moyen de pression aura, encore une fois, fait ses preuves

    Citoyens et citoyennes contre Loto-Qubec : une

    lutte sans pareil, une victoire incontestable

    Par Marie-Christine Brossard-Couture

    Un regard intimiste sur lhistoire de la lutte contre le projet de casino Pointe Saint-Charles

    Bien que le fiasco de Loto-Qubec et ses partenaires dans le pro-jet de dmnagement du casino dans le bassin Peel soit de lhis-toire connue pour la plupart dentre nous, bien peu connaissent lampleur de la mobilisation citoyenne dont elle merge. Voici le rcit, quelque peu abrg, dune lutte bien comparable, en ter-mes de rpartition des forces, au combat opposant David contre Goliath.

    Il tait une fois un quartier dfavoris qui connaissait de nom-breuses difficults, telles que des problmes de jeu, de violence conjugale, de dcrochage scolaire, de chmage, etc. Situ dans le sud-ouest de Montral, Pointe-Saint-Charles subissait, en plus de ces enjeux quotidiens, la pression du dveloppement immobi-lier du centre-ville. Heureusement, au sein de ce quartier vivait une population active et solidaire, paule par divers organis-mes, principalement regroups autour dune table de concerta-tion. On a donn cette table pour mission de lutter contre la pauvret, dfendre et promouvoir les intrts de la communaut ainsi quamliorer les conditions de vie dans le quartier. Son nom: Action-Gardien.

    Un jour de juin 2005, la socit du Havre, en partenariat avec Loto-Qubec et le Cirque du Soleil, annonce la construction dans le bassin Peel dun complexe de divertissement. Le complexe, denvergure internationale, comprendrait une salle de spectacle, un quai des artistes, des htels et restaurants de luxe, un casino,

    un chapiteau... Le tout aurait un cot estim 1,175 milliard, dont le financement proviendrait en grande partie des fonds publics.

    Action-Gardien avait lamnagement du quartier comme proc-cupation et travaillait dj depuis quelques annes dvelopper un projet sur ces mmes terrains. La Table prend donc position contre le projet. Les arguments avancs sont laugmentation des problmes sociaux relis au jeu et la hausse de la criminalit, de la spculation immobilire, de la circulation automobile et de la pollution engendrs par larrive du casino. Action-Gardien va plus loin et amorce un dbat public qui touche lensemble de la population : quel rle doit jouer ltat dans la promotion du jeu? Pour rpondre cette question, il demande la mise en place dune commission parlementaire sur le sujet.

    Pour contrecarrer le projet, Action-Gardien organise une mo-bilisation, dans laquelle la population du quartier occupe une grande place. Les citoyens et citoyennes forment des assembles publiques, signent des ptitions, font une campagne de lettres, une manifestation, de nombreux outils daffichage, des textes danalyse, etc. Pendant une dizaine de mois, Action-Gardien aura produit une trentaine de communiqus de presse ainsi que de nombreuses confrences de presse. La lutte stend lext-rieur du quartier et ailleurs au Qubec. En bout de ligne, prs de 300 groupes et regroupements signent la dclaration dAction-Gardien.

    De lautre ct, Loto-Qubec prpare sa contre-offensive, et ce, avec des moyens financiers dune tout autre chelle. Elle met en place un bureau de projet, une table de concertation locale, fait lachat de pleines pages de journaux, forme une coalition dappui (avec la Chambre du commerce, Tourisme Montral et la Socit du Havre). De plus, elle commande des sondages, fait une campagne de publicit pour le jeu responsable, fait miroiter des promesses demplois, etc. Bref, elle fait tout pour discrditer, minimiser lopposition et taxer dimmobilistes les arguments de leur interlocuteur.

    En fvrier 2006, la Direction de la sant publique publie une analyse-choc sur les impacts que le dmnagement du casino au bassin Peel aurait sur les populations avoisinantes, plus spcifi-quement celles des quartiers dfavoriss. Le rapport confirme les arguments avancs par les opposants au projet. Il va mme plus loin en avanant que cest le pire endroit pour construire le casi-no. Peu aprs, le rapport Coulombe, command par le gouverne-ment libral pour tudier les impacts possibles du projet, soulve les mmes inquitudes. Cependant, les conclusions de lanalyse de la Direction de la sant publique ainsi que celles du rapport Coulombe recommandent une priode de mdiation plutt que lradication du projet.

    Pointe-Saint-Charles et mme partout au Qubec, la mobili-sation est son comble. Quelques jours aprs la publication du rapport, un coup de thtre met fin au conflit. Le Cirque du Soleil se retire en tant que partenaire du projet, visiblement cause du climat dincertitude cr par la controverse autour de celui-ci. Suite la perte de son principal alli, Loto-Qubec dcide de mettre fin au projet.

    La morale de cette histoire? Bien des choses, mais une en par-ticulier Peut-tre que cette histoire devrait plutt commencer par : Il tait une fois un quartier valoris par sa population ac-tive et vigilante, sa communaut solidaire, son rseau dorganis-mes communautaires impliqu et une volont de fer , non?

    mouv

    ement

    s soc

    iaux

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  • Les grves tudiantes au Qubec sont riches en enseignement. Certaines, dfensives, sont menes en rponse une attaque ou une menace des gouvernements et demandent simplement le statu quo. Dautres, offensives, visent lamlioration de lacces-sibilit et de la qualit de lducation en proposant des alternati-ves concrtes. Dautres encore sont un mlange des deux genres. Nous comptons ici les distinguer les unes des autres pour valuer celles permettant davantage davances.

    Les grves offensives : 1968 et 1978

    Lors des grves de 1968 et 1978, le mouvement tudiant est confiant de la justesse de ses revendications et il nattend pas que le gouvernement bouge pour agir. Ces deux grves se droulent dans un contexte de prosprit conomique, dbullition socia-le et de transformation du systme dducation. Par exemple, lUnion gnrale des tudiants du Qubec (UGEQ) est fonde en 1964 et les premiers cgeps ouvrent leurs portes en 1967. Les besoins sont criants en matire dducation et la population tu-diante le fera clairement savoir aux gouvernements.

    La grve de 1968 sinscrit dans la ligne de la campagne de lUGEQ pour la cration dune deuxime universit francophone Montral, mais ratisse plus large. Doctobre dcembre se suc-cdent les occupations et les manifestations nationales tandis que des lock-out sont dcrts par les administrations de cgeps. Le gouvernement tient la ligne dure jusqu la fin, ce qui donne une impression de dfaite amre. Ainsi, des associations sont dissou-

    tes pour favoriser limplication dans des groupes politiques plus radicaux. Toutefois, cette impression est errone, dans la mesure o la plupart des revendications sont atteintes peu aprs.

    Quant elle, la grve de 1978 se saisit des lments de la plate-forme du Parti qubcois (PQ) en ce qui concerne lducation. Fort de la fondation de lAssociation nationale des tudiants du Qubec (ANEQ), le mouvement tudiant choisit de prendre les devants pour une lutte offensive et de rafrachir la mmoire au gouvernement quant ses mandats non appliqus... Cette grve met en lumire le virage droite du gouvernement. En effet, ce-lui-ci traite la population tudiante de privilgie et commence lier le concept dutilisateur-payeur lducation. Cest aussi lors de cette grve que le dbat entre concertationisme et syndi-calisme de combat commence au sein du mouvement tudiant. Nanmoins, la tnacit du mouvement force le gouvernement cder et les rsultats obtenus viennent confirmer la victoire de laile combative de lANEQ.

    Les grves dfensives : 1990 et 2005

    Lorsque les gouvernements se sentent en confiance, ils se per-mettent dattaquer le systme dducation. Cest ce qui arrive en 1990 et en 2005. En ces deux occasions, le mouvement tudiant se contente de revendiquer le statu quo, sans russir lobtenir. Notons que ces annes se caractrisent par la prsence dorgani-sations tudiantes de concertation telles que la Fdration des tudiantes et des tudiants du Qubec (FQ), future FEUQ, et la Fdration collgiale tudiante du Qubec (FCQ), future

    Par Philippe Gauvin & Martine Poulin

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  • FECQ, qui mineront le syndicalisme de combat.En 1989, le PLQ est rlu et annonce la fin du gel des frais de scolarit. Le mou-vement tudiant se remet pniblement de la grve de 1988. Davantage sur la dfensive,

    lANEEQ se trouve pactiser avec la FQ pour mener la lutte, ce qui implique son lot de compromis. Elles conviennent dun plancher de dpart beaucoup trop lev. Il nest jamais atteint et la grve tarde tre dclenche. Elle est certes radicale, mais clate et mal coordonne. Le gouvernement libral, fort dun mandat frachement obtenu, ne fait aucune concession et pr-tend que lamlioration de lAFE, qui nest quune augmentation des prts, suffit. Pire encore, les hausses se poursuivent pendant les annes suivantes. Enfin, lANEEQ en sort encore plus divise puis disparat tandis que les fdrations tudiantes en sortent grandies.

    En 2005, cest encore une fois le PLQ qui est au pouvoir. Il sat-taque aux mouvements et aux programmes sociaux pour ce quil appelle la ringnierie de ltat. Cette dernire inclut une rfor-me de lAFE qui a pour effet de rduire les bourses et daugmen-ter lendettement tudiant, entre autres choses. Le mouvement tudiant est lent ragir : il faut attendre presque un an pour que la grve gnrale soit dclenche. Il sagit toutefois dune des grves les plus longues et de celle laquelle participent le plus de gens et dassociations de lhistoire. LAssociation pour une Solidarit Syndicale tudiante (ASS) et la coalition quelle met sur pied jouent un rle de premier plan dans cette mobilisa-tion et revendiquent davantage que labolition de la rforme. Ce-pendant, les fdrations tudiantes, qui demandent moins que labolition de la rforme, ngocient lissue de cette grve sans la Coalition de lASS largie (CASS). Fait nouveau, lentente conclue avec le gouvernement est massivement rejete au sein du mouvement tudiant. Cette entente mne un rsultat en de du statu quo et laisse un profond sentiment de dfaite

    Les grves dfensives caractre offensif : 1974, 1986-88 et 1996

    Ces grves sont particulirement intressantes puisquelles mon-trent quil est possible de contrer les attaques des gouvernements en y opposant des alternatives concrtes. Face des rformes

    nfastes, la population tudiante ragit en demandant plus que le retour au statu quo. Leur succs est ingal puisquil ne faut pas

    oublier que, si le gouvernement a jug bon dagir, cest quil est en position de force. Toutefois, les rsultats nous montrent quen demandant plus, on obtient davantage.

    En 1974, le mouvement tudiant se rorganise et mne une nouvelle lutte, ragissant linstaura-tion de tests daptitude aux tudes universitai-res (TAEU) et une rforme de lAF. Dj aux prises avec la contestation syndicale, le gouver-nement nentend pas affronter le mouvement tudiant et abolit les TAEU avant que le mou-vement ne prenne trop dampleur. Qu cela ne tienne, les associations tudiantes sentent que lheure est laction et dcident de sattaquer la question de lAFE et bientt plus dune trentaine dassociations sont en grve. Les re-vendications saffinent au gr des rencontres nationales; on passe ainsi dune volont de pallier la rforme une ambition de mo-dification plus profonde de lAFE. Cette at-titude combative a pour effet de permettre des amliorations concrtes tout en stimu-lant un sentiment de victoire. Dans la foule

    de la grve et de la reprise des rencontres nationales, lANEQ est cre.

    Dans les annes 1980, le contexte dbullition sociale des annes 1960-1970 est rvolu. Lconomie vacille et les mouvements so-ciaux sombrent davantage dans le concertationnisme. Le gou-vernement libral se prpare sattaquer lducation en re-mettant en question sa promesse de maintenir le gel des frais de scolarit. LANEEQ sinscrit alors contre-courant en figno-lant la grve de 1986 sans se contenter dexiger le maintien de la promesse librale : elle rclame notamment une amlioration substantielle de lAFE. Il sagit dune grve clair : elle stend rapidement et ne dure que deux semaines. Le gel est maintenu et on propose lANEEQ des rencontres pour discuter de lAFE. Forte de cette victoire rapide, la direction de lANEEQ soutient lide dune trve, mais certaines associations sy opposent, ar-guant quil faut poursuivre la grve jusqu lobtention de gains immdiats lAFE. La trve est nanmoins adopte.

    Toutefois, les ngociations sur lAFE pitinent. En 1988, lANEEQ dcide de mettre de la pression sur le gouvernement en dclenchant une grve de trois jours avec lide de la trans-former en grve gnrale illimite. Cest le moment que choisit le PLQ pour annoncer quil mettra un terme au gel sil est rlu. Ainsi, le moment de lancer la grve est on ne peut plus mal choi-si, puisquil est clair quune autre grve sera ncessaire dans les 2 ans pour contrer le dgel si les libraux reprennent le pouvoir. Par consquent, le mot dordre est peu suivi et le mouvement sessouffle sans lobtention de quelque acquis que ce soit. Le tout se termine par un repli stratgique qui laisse un sentiment amer de dfaite.

    Les annes 1990 se poursuivent sous le signe de la concertation. LANEEQ disparat, ce qui laisse les fdrations comme seules organisations hgmoniques. Il faut attendre 1995 pour voir le retour dune nouvelle organisation prnant le syndicalisme de combat : le Mouvement pour le Droit lducation (MDE). Aprs avoir remis le gel des frais de scolarit en application, le PQ me-nace de dgeler les frais de scolarit nouveau. Cest dans

    R * ULT!MATUM * 07-08 R * ULT!MATUM * 07-08 23

  • ce contexte que le MDE lance une campagne de grve gnra-le illimite en 1996 dont les revendications dpassent le gel, et ce, avant quune dcision ministrielle finale ne soit rendue. Le mouvement se rpand rapidement avec un taux de participation mineur des associations membres des fdrations. Ce sont tout de mme elles qui ngocient lissue de la grve, ce qui mne la promesse du maintien du gel, mais aussi des reculs impor-tants.

    Conclusion

    Ainsi, nous remarquons que, dans un contexte idal, les grves offensives sont porteuses damliorations concrtes. Les gr-ves dfensives mnent quant elles des reculs. Quoi de plus normal : de tels mouvements se contentent dexiger le statu quo et perdent au change lors des ngociations. Enfin, les grves dfensives/offensives obtiennent des rsultats plus varis, en fonction de ltat dorganisation des forces en prsence. Notons que lorsque la population tudiante est convaincue de la justesse de ses revendications, elle obtient plus que le statu quo (1974). Lorsquelle est hsitante et divise, elle nobtient que le statu quo (1986) ou on la force de tratres compromis (1996).

    En fin de compte, il semble que deux choses distinguent les gr-ves de 1968, 1974 et 1978 des autres : un contexte socio-politique plus favorable et, consquemment, le rassemblement du mou-vement tudiant derrire un syndicalisme de combat hgmoni-que. Lmergence dun courant de droite politique et conomi-que dans les annes 1980 et, consquemment, lapparition dune tendance concertationniste au sein du mouvement tudiant qui vient le fragiliser de lintrieur semblent avoir un impact nga-tif considrable. Ce qui mne la rflexion suivante : comme nous avons principalement de lemprise sur notre mouvement, veillons rassembler le plus dassociations possible autour du ple du syndicalisme de combat. De la sorte, nous pourrons af-faiblir le concertationnisme, ce qui permettra peut-tre au mou-vement de reprendre loffensive et ainsi dtre au-devant dune nouvelle vague dbullition sociale!

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