tohu bahu n3 - février 2017

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JOURNAL DU LYCEE IMMACULÉE CONCEPTION février 2017 Rédacteurs : Louis Dréano, Coline Lappeman, Jennifer Collin, Anne Dubouch, P-A Gallouet Éditorial par Louis Dréano Si le terme fait peur, il faut être lucide : nous sommes en crise politique car tous les repères sautent : implosion du PS, affaire polémique pour le candidat des Républicains, réorganisation dynamique autour du Front de Gauche, montée en force du FN dans les statistiques, la nébuleuse « En Marche » qui floute le clivage gauche-droite. Phénomène des faux- semblants ? En ce début de février, il y a ce dangereux sentiment d’être bouleversé à trois mois des élections. Comme si tout se renversait et allait continuer à se renverser. Outre Atlantique, notre ami Donald continue de faire trembler le monde : retour sur la loi de régulation financière Dodd-Franck, l’ancien de la Goldman Sachs Steven Mnuchin au Trésor, le fervent libre-échangiste Sean Spicer en tant que porte-parole de la Maison Blanche… Quelle incohérence ! Les Américains ont voulu combattre les « élites » technocrates, c’est plutôt les grands banquiers qu’ils protègent, ceux qui ont fait sauté la finance en 2007 ! Le 27 janvier, Trump signe un décret interdisant aux ressortissants de sept pays musulmans jugés dangereux d’entrer sur le territoire américain. La réaction a eu une ampleur considérable (en photo ci-dessus, des hommes en prière à l’aéroport de Dallas). Lors de l’éditorial d’octobre 2016, on soutenait que le journal était un « mur d’expression », un lieu de confrontation chacun pouvait écrire. Pour ce numéro, l’effectif est excessivement réduit. Ainsi on ne peut assumer à la fois la quantité et la qualité du journal. Cela suppose une question peu sympathique : les lycéens de l’Immac ont-ils des choses à dire ? De ciel et terre, on vous attend au tournant pour la prochaine publication. 1 Source : Dallas Morning News

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Page 1: Tohu bahu   n3 - février 2017

JOURNAL DU LYCEE IMMACULÉE CONCEPTIONfévrier 2017

Rédacteurs : Louis Dréano, Coline Lappeman, Jennifer Collin, Anne Dubouch, P-A Gallouet

Éditorial par Louis Dréano

Si le terme fait peur, il faut êtrelucide : nous sommes en crisepolitique car tous les repèressautent : implosion du PS,affaire polémique pour lecandidat des Républicains,réorganisation dynamiqueautour du Front de Gauche,montée en force du FN dansles statistiques, la nébuleuse« En Marche » qui floute leclivage gauche-droite.Phénomène des faux-semblants ? En ce début defévrier, il y a ce dangereuxsentiment d’être bouleversé àtrois mois des élections.Comme si tout se renversait etallait continuer à se renverser.

Outre Atlantique, notre ami

Donald continue de fairetrembler le monde : retour surla loi de régulation financièreDodd-Franck, l’ancien de laGoldman Sachs StevenMnuchin au Trésor, le ferventlibre-échangiste Sean Spicer entant que porte-parole de laMaison Blanche… Quelleincohérence ! Les Américainsont voulu combattre les« élites » technocrates, c’estplutôt les grands banquiersqu’ils protègent, ceux qui ontfait sauté la finance en 2007 !Le 27 janvier, Trump signe undécret interdisant auxressortissants de sept paysmusulmans jugés dangereuxd’entrer sur le territoireaméricain. La réaction a eu une

ampleur considérable (enphoto ci-dessus, des hommesen prière à l’aéroport deDallas).

Lors de l’éditorial d’octobre2016, on soutenait que lejournal était un « murd’expression », un lieu deconfrontation où chacunpouvait écrire. Pour cenuméro, l’effectif estexcessivement réduit. Ainsi onne peut assumer à la fois laquantité et la qualité dujournal. Cela suppose unequestion peu sympathique : leslycéens de l’Immac ont-ils deschoses à dire ? De ciel et terre,on vous attend au tournantpour la prochaine publication.

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Source : Dallas Morning News

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Le Manifeste des quatre commandements du journaliste libre par Albert Camus

Les extraits que nous publions sont issus d’un article qui devait paraître le 25 novembre 1939 dans« Le Soir républicain », un quotidien limité à une feuille recto verso qu’Albert Camus codirigeait àAlger. Camus dénonce ici la désinformation qui gangrène déjà la France en 1939, mais sonmanifeste va plus loin. Il est une réflexion sur le journalisme en temps de guerre, et plus largement,sur le choix de chacun, plus que celui de la collectivité, de se construire en homme libre. Tombantdessus, nous ne pensions pas qu’il pouvait sonner, à bien des égards, toujours aussi juste.

« Ce qu'il nous plairait dedéfinir ici, ce sont lesconditions et les moyens parlesquels, au sein même de laguerre et de ses servitudes, laliberté peut être, non seulementpréservée, mais encoremanifestée. Ces moyens sontau nombre de quatre : lalucidité, le refus, l'ironie etl'obstination. La luciditésuppose la résistance auxentraînements de la haine et auculte de la fatalité. Dans lemonde de notre expérience, ilest certain que tout peut êtreévité. La guerre elle-même, quiest un phénomène humain,peut être à tous les momentsévitée ou arrêtée par desmoyens humains. Il suffit deconnaître l'histoire desdernières années de lapolitique européenne pour êtrecertains que la guerre, quellequ'elle soit, a des causesévidentes. Cette vue claire deschoses exclut la haine aveugleet le désespoir qui laisse faire.Un journaliste libre, en 1939,ne désespère pas et lutte pource qu'il croit vrai comme si sonaction pouvait influer sur lecours des événements. Il nepublie rien qui puisse exciter àla haine ou provoquer ledésespoir. Tout cela est en sonpouvoir. […] En face de lamarée montante de la bêtise, ilest nécessaire égalementd'opposer quelques refus.Toutes les contraintes dumonde ne feront pas qu'unesprit un peu propre accepte

d'être malhonnête. » (...)« On peut poser en principequ'un esprit qui a le goût et lesmoyens d'imposer la contrainteest imperméable à l'ironie. Onne voit pas Hitler, pour neprendre qu'un exemple parmid'autres, utiliser l'ironiesocratique. Il reste donc quel'ironie demeure une arme sansprécédent contre les troppuissants. Elle complète lerefus en ce sens qu'elle permet,non plus de rejeter ce qui estfaux, mais de dire souvent cequi est vrai. […] La vérité et laliberté sont des maîtressesexigeantes puisqu'elles ont peud'amants. »(...)« Cette attitude d'espritbrièvement définie, il estévident qu'elle ne saurait sesoutenir efficacement sans unminimum d'obstination. Biendes obstacles sont mis à laliberté d'expression. Ce ne sontpas les plus sévères quipeuvent décourager un esprit.Car les menaces, lessuspensions, les poursuitesobtiennent généralement enFrance l'effet contraire à celuiqu'on se propose. Mais il fautconvenir qu'il est des obstaclesdécourageants : la constancedans la sottise, la veulerieorganisée, l'inintelligenceagressive, et nous en passons.Là est le grand obstacle dont ilfaut triompher. L'obstinationest ici vertu cardinale. Par unparadoxe curieux mais évident,elle se met alors au service de

l'objectivité et de latolérance. » (...)

« Voici donc un ensemble derègles pour préserver la libertéjusqu'au sein de la servitude.Et après ? dira-t-on. Après ?Ne soyons pas trop pressés. Siseulement chaque Françaisvoulait bien maintenir dans sasphère tout ce qu'il croit vrai etjuste, s'il voulait aider pour safaible part au maintien de laliberté, résister à l'abandon etfaire connaître sa volonté, alorset alors seulement cette guerreserait gagnée, au sens profonddu mot. » (...)

« Oui, c'est souvent à son corpsdéfendant qu'un esprit libre dece siècle fait sentir son ironie.Que trouver de plaisant dans cemonde enflammé ? Mais lavertu de l'homme est de semaintenir en face de tout cequi le nie. Personne ne veutrecommencer dans vingt-cinqans la double expérience de1914 et de 1939. Il faut doncessayer une méthode encoretoute nouvelle qui serait lajustice et la générosité. Maiscelles-ci ne s'expriment quedans des cœurs déjà libres etdans les esprits encoreclairvoyants. Former ces cœurset ces esprits, les réveillerplutôt, c'est la tâche à la foismodeste et ambitieuse quirevient à l'homme indépendant.Il faut s'y tenir sans voir plusavant. L'histoire tiendra ou netiendra pas compte de cesefforts. Mais ils auront étéfaits. »

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INTERNATIONAL

À travers l’Asie par Louis Dréano – selon Le Monde et Asialyst

Chine

Le président chinois Xi Jinping(en photo ci-contre) a frappéun grand coup lors de sondiscours d’entrée à laconférence de Davos. Enprofitant du profil bas desdirigeants américains, enpleine transition entre deuxadministrations, et du désarroiactuel du camp occidental, il avolé la vedette à tout le mondeen se présentant comme lechampion toutes catégories dela mondialisation et du libre-échange. C’est bien le monde àl’envers que présente cetteédition 2017 de Davos : dansles démocraties du mondeoccidental développé, lamondialisation et le libre-échange sont la cible desattaques d’un puissant courantpolitique, incarné par DonaldTrump. Et c’est le présidentchinois, héritier de Mao, quivient rassurer les élites dumonde des affaires sur le bien-fondé de ce concept qui arévolutionné l’économiemondiale depuis la fin du XXesiècle. Pour exposer lessolutions possibles, Xi Jinpingn’a pas reculé devant desaccents quasi sociaux-démocrates : il faut « amortir »les chocs de la mondialisation« de telle sorte qu’ellebénéficie à tous », «rééquilibrer le processus », lerendre « plus inclusif etdurable », « trouver unéquilibre entre efficacité etégalité ». Il s’est même faitapplaudir lorsqu’il a assuré quec’était là « une responsabilitéque doivent endosser lesdirigeants de notre temps :

c’est ce que les peuplesattendent de nous ». Cela,semblerait-il, marque untournant qui affirme la Chinecomme pouvoir rayonnantdans le monde. Face à Trump,Xi Jinping annonce une

véritable guerre commerciale.

Corée du Sud

Annoncé comme le favori de laprésidentielle sud-coréenne,Ban Ki-moon a brusquementannoncé son retrait de lacourse ce mercredi 1er février,et même de la politique engénéral. Depuis son retour enCorée du Sud le 12 janvierdernier après dix ans passés àNew York, le diplomate avaitpourtant sérieusement envisagéde se présenter à laprésidentielle sud-coréenne.Bien qu’il n’ait jamaisofficiellement déclaré être encourse, il avait organisé unesérie d’apparitions publiques etétait largement attendu pourrejoindre le parti au pouvoirSaenuri de la présidente ParkGeun-hye. Probablement, lesespoirs présidentiels de Banont vacillé à cause des attaquespolitiques continuelles despartis d’opposition et desmédias progressistes, sansoublier les accusations decorruption impliquant sesproches et lui-même. Deuxaffaires ont terni son image. La

première concerne 230,000dollars de pots-de-vin touchéspar l’ex-patron de l’ONU desmains de l’homme d’affairesud-coréen Park Yeon-cha. Ceque Ban a nié en bloc.Deuxième affaire gênante : lebureau du procureur généraldes Etats-Unis à New Yorkaccuse le frère et le neveu duhaut diplomate d’avoir tenté decorrompre un fonctionnaire duMoyen-Orient pour faciliter lavente d’un bâtiment auVietnam. « Mon patriotismepur et ma fierté ont été souilléspar des calomnies et de faussesinformations. Mon objectifd’un changement fondamentalde la politique a perdu de sonsens », a ainsi déclaré Ban Ki-moon (en photo ci-dessous).

États-Unis

En se rendant à Séoul le jeudi2 février et à Tokyo lelendemain, le nouveausecrétaire à la défense, JamesMattis, a insisté sur la soliditéde l’engagement américainauprès de ces alliés. Cemessage est bien nécessairepour les rassurer. Passeulement parce que le voisinnord-coréen dit s’approcher deson premier essai de missilebalistique de longue portée.Mais surtout parce que, durantsa campagne, Donald Trump amenacé de retirer une partiedes 28 500 soldats américains

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stationnés au sud du 38eparallèle si Séoul n’acceptaitpas de payer davantage pourleur présence. Il est alléjusqu’à ne pas s’opposer àl’idée que Japonais ou Sud-Coréens développent, à leurtour, l’arme nucléaire pourassurer leur propre défense demanière autonome.Pareillement, l’abandon par lesEtats-Unis de l’accordcommercial TPP (PartenariatTranspacifique) entre treizeÉtats, sans la Chine, a été actédès le premier lundi de DonaldTrump dans le bureau Ovale, le23 janvier. Faute d’avoiravancé un plan B, ce retraitlaisse toute la région dans ledoute. La ministre des affairesétrangères australienne, JulieBishop, a exhorté vendredi 27janvier l’Amérique à ne pasreculer dans la région : « Nouspensons que les États-Unissont la puissance indispensabledans tout l’Indo-Pacifique. »

Japon

Akihito (en photo ci-contre),âgé de 83 ans, souhaite seretirer, ce qui devrait être réglépar une loi spéciale. Lacommission chargée par lepremier ministre Shinzo Abed’examiner la questiond’abdication, a rendu sesrecommandations, lundi 23janvier. Deux hypothèses sontenvisagées : une révision ducode de la Maison impériale oubien une loi spéciale autorisantAkihito, et lui seul, à abdiquer.Cette dernière option estprivilégiée par la commission.Ces scénarios doivent servir debase au débat entre les

dirigeants des partis afin deparvenir à la rédaction d’unprojet de loi qui sera soumisaux parlementaires en avril.L’abdication pourrait intervenirfin 2017.

Il paraît raisonnable qu’enraison de son âge, l’empereurAkihito envisage de se retirer.Son attachement aux valeurslibérales incite aussi à penserqu’il pourrait souhaiter mettrela monarchie japonaise enaccord avec son temps. Enabdiquant, il « humaniserait »la figure impériale.

Philippines

Le président Rodrigo Duterte atemporairement suspendu lesraids antidrogues menés par lapolice, le temps d’épurer sesrangs corrompus, mais il apromis que la lutte contre lesnarcotrafiquants sepoursuivrait jusqu’en 2022.Cette annonce fait suite à lamort de l’homme d’affairessud-coréen Jee Ick-joo, enlevéà l’automne par la brigade desstupéfiants, puis assassiné ausiège même de la PNP àQuezon City, au nord deManille. Dans un discours auxaccents comminatoires, leprésident Rodrigo Duterte (enphoto ci-contre) n’a pas hésitéà jeter l’opprobre sur les forcesde l’ordre : « Vous, les

policiers, vous êtes corrompusjusqu’à la moelle. C’est dansvotre sang » ; estimant que 40% d’entre eux se livraient à desactivités illégales. Plus de 7000 personnes ont été tuéesdans cette lutte antidroguequ’Amnesty Internationalcondamne de « crime contrel’humanité ».

Taïwan

L’avènement de Donald Trumpà la Maison-Blanche ouvre àTaïwan une périoded’incertitude à l’aube del’année du coq. Alors que legouvernement de Tsai Ing-wensemble miser sur unresserrement des relations avecla nouvelle administrationrépublicaine, l’opinionpublique taïwanaise a peur desreprésailles économiques de laChine. Effectivement, débutjanvier, Tsai Ing-wen s’est nonseulement rendue en Amériquecentrale (Honduras, Nicaragua,El Salvador et Guatemala),mais lors de son voyage parHouston, elle s’est entretenueavec plusieurs responsablesrépublicains de premier plancomme le sénateur Ted Cruz.Autant de gestes quimobilisèrent les habituelscontre-feux de la fièreRépublique Populaire. Undegré supérieur dans la tensiondiplomatique sino-taïwanaise ?

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La construction démocratique birmane toujours sous le joug du Tatmadaw par Louis Dréano

Depuis le 1er novembre 2016,près de trente mille Rohingyas,victimes d’exactions, ont fui leMyanmar. Si Aung San SuuKyi a instauré une conférencede paix avec tous les groupesarmés en septembre dernier,des divisions ethniquesdemeurent. Un an après sonélection, toujours tributaire desgénéraux, elle doit aussi faireface aux problèmeséconomiques intérieurs.

Démocratie sous obéissance

Il subsiste encore ce sentimentparadoxal parmi lesparlementaires birmans.L’armée, dite « Tatmadaw »,reste effectivement unemenace consciente sur cettedémocratie naissante. « À toutmoment, nous pourrions êtreemmenés en prison », ironisele député Win Htein, fidèled’Aung San Suu Kyi. Sousdifférentes formes, une juntemilitaire dirigeait le paysdepuis 1962. Aujourd’hui elleencadre encore le nouveaurégime : « Les généraux ontpris l’initiative du changement,et ils sont incontournables »admet le journaliste MyintZaw. Certes, la dictature n’estplus, mais ce premiergouvernement civil, opéré parHtin Kyaw maisprincipalement mené par MmeSuu Kyi, doit se satisfaired’une Constitution écrite en2008 par et pour l’armée. Ettant que cette dernière ne serapas amendée, on ne pourra pasparler de véritable démocratieau Myanmar car il faut avanttout relever le défi de lacohésion nationale.« L’obéissance est absolumentnécessaire. C’est pour le bien

de la constructiondémocratique et de laréconciliation nationale. Lasituation demeure très fragile.Il nous faut assurer la cohésionface aux militaires » assumeWin Htein.

Volontariste, Mme Suu Kyi(ci-dessus) a convoqué, du 31août au 4 septembre 2016, uneconférence dite de « Panglongdu XXIe » – en référence àcelle organisée par son père en1947, dessinant à l’époque lescontours d’une Union birmane.« Sans la paix, nous nepouvons répondre aux besoinsdes citoyens » affirme-t-elle.Or, comment établir la paixquand le pays n’a connu que laguerre depuis l’indépendanceen 1948 ? Ainsi négocier avecla Tatmadaw reste essentiel :« par le passé, note l’analysteMin Zin, on voyait la juntemilitaire comme l’ennemicommun. Désormais laTatmadaw travaille encollaboration avec legouvernement sur le processusde paix ». Lors de laconférence de septembre 2016,il était difficile de s’entendre etd’ouvrir les négociations. Desurcroît, il y avait de grandsabsents : notons l’armée Wa,l’armée Ta’ang de libération –sur lequel le cinéaste chinoisWang Bing a réalisé unsaisissant documentaire en

2016 – l’armée de l’Arakan etl’armée de l’alliancedémocratique nationale duMyanmar. Le projet defédéralisme, autrefois écartépar l’armée, est aujourd’hui àl’ordre du jour et garant de lacohésion du pays. Toutefois,« on risque de voir apparaîtreune fédération d’États dessinéesur des bases ethniques »,explique Carine Jaquet,spécialiste du Myanmar. Ensomme, « une reproduction dece que la majorité Bamar aimposé durant des décenniesaux minorités ».

Une icône démocratique

Pourtant, les Birmanscomptent sur Aung San SuuKyi, opposante historique,adulée et prix Nobel de la paixen 1991. Son portrait est vendusur les trottoirs aux côtés decelui de son père, le généralAung San, héros del’indépendance assassinéquand elle avait 2 ans. Lesmêmes phrases reviennent enboucle : « Aung San Suu Kyinotre mère » ; « Je lui faisconfiance » ; « Elle lutte pournotre pays ». Certainsdénoncent un culte de lapersonnalité autour d’unefemme réputée peu conciliante.Elle doit aujourd’hui semontrer à la hauteur de cesespoirs. Toutefois, « lesproblèmes ne peuvent êtrerésolus par un seul cerveau »alerte Lut Latt Soe, directricedu journal The People’s Age.Le peuple a aussi sa part àjouer.

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Prisonniers politiques oubliés

Le sort des prisonnierspolitiques restant en détentionreste un sujet piquant, en dépitdu nombre important deprisonniers libérés à la fin de lamandature précédente. LaLND – Ligue Nationale pour laDémocratie, parti d’Aung SanSuu Kyi – avait effectivementpromis de libérer. Dès avril2016, 180 auraient été libérésmais rien d’autre n'auraitabouti après le printemps. Lepassé de ces habitants réprimésdemeure une chape de plomblatente au Myanmar. Ilsseraient 200 à avoir succombéà la torture ou aux mauvaistraitements entre 1962 et 2011,pour la plupart lors de larépression du mouvementdémocratique de 1988. Ilsn’auront pas vu le résultat descombats auxquels ils ontparticipé. Selon l’Associationd’assistance aux prisonnierspolitiques (AAPP), deux millepersonnes ont été détenuespour raisons politiques au plusfort de la répression. « Uneréconciliation ne peut se fairesans une reconnaissance de cequi s’est passé » plaide ledirecteur de l’AAPP, M. BoKyi. A ses yeux, un monumentdu souvenir ou un travail demémoire serait essentiel. Legouvernement se montremalgré tout timide.

Potentiel économique soustension

La Birmanie, qui était l’un despays les plus riches d’Asie duSud-Est dans les années 1950,est aujourd’hui classée dans lacatégorie des pays les moinsavancés. En 2014 et 2015, ellea réalisé des taux de croissancede l’ordre de 7,5 % – 8,3 %prévus pour 2016 selon la

Banque mondiale – l’un desplus forts de la région, tiré parle secteur de la construction,de l’industrie manufacturière etle dynamisme des exportationsde gaz. A la suite de larencontre avec Obama enseptembre 2016, la levée dessanctions internationalesdoivent en outre accélérerl’afflux et la diversification desIDE. Le pays disposeeffectivement d’atoutsimportants : des matièrespremières abondantes (mines,bois, gaz et pétrole), un marchéde plus de 51 millions deconsommateurs, une maind’œuvre bon marché, unpotentiel touristique encorelargement sous-exploité et uneintégration régionale forte, dufait de son appartenance àl’ASEAN depuis 1997 et deses liens étroits avec la Chineet l’Inde.

Cependant, l’ouverture aux

marchés extérieures ne profitepas véritablement aux paysansqui correspondent à 70 % de lapopulation. En effet, laconfiscation des terres pourdes projets de développementpar l’armée ou par desentreprises cronies augmente lenombre de paysans sansressources. Durant des années,l’armée a assurél’enrichissement des hautsgradés en développant desconsortiums impliqués danstous les secteurs del’économie. Un véritable Étatdans l’État. L’extraction dugaz, des pierres précieuses etdes ressources naturelles dansdes zones où vivent lesminorités ethniques a servi demanne. Ce faisant, legouvernement de Mme SuuKyi souhaite remettre à plat leslicences octroyées pourl’extraction minier dans l’Étatkachin notamment. De même,il a promis de redonner lesterres aux propriétaires spoliésd’ici à avril 2017. « Nousdevons offrir des emplois, etégalement former notre maind’œuvre, déclare M. Ki KiGyi, l’un des dirigeants deGénération 88, mouvement dela jeunesse pour la démocratie.Je crains que les entreprisesétrangères ou les organisationsnon gouvernementales quis’installent, attirées par lesévolutions récentes de notrepays, ne monopolisent lesressources humaines audétriment des investisseurs etdes projets locaux ».

Intolérance religieuse faceaux Rohingyas

« La peur, l’angoisse, laviolence sont enracinées dansnotre société » rappellel’écrivaine et directrice du PenClub Ma Thida. Ainsi, les

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violences exercées depuis 2012contre la minorité musulmane,en particulier les Rohingyas,sont à ses yeux desconséquences du passé : « Onopprime le plus faible parcrainte du plus fort. La fureurqui ne pouvait s’exprimerautrefois par peur de la junte selibère sans retenue ? Elle estattisée par les rumeurs qui serépandent sur les réseauxsociaux ». Par ailleurs, AungSan Suu Kiy se montre trèscirconspecte et creuse face àl’intolérance religieusegrandissante. Alors quel’armée est accusée denettoyage ethnique dansl’Arakan, elle s’agace descritiques récurrentes de lacommunauté internationale surle sort des Rohingyas : descentaines de personnes ontainsi défilé à Kuala Lumpur, àJakarta, à Bangkok devantl’ambassade de Birmanie endemandant l’arrêt du« génocide » en décembredernier. Cependant, legouvernement birman rejetteavec force les accusations demassacres et a annoncé la miseen place d’un comité nationalen charge d’enquêter sur lasituation dans cet État.

Sous le précédentgouvernement, les extrémistesbouddhistes invoquaient

régulièrement un prétenduboom démographiquemusulman qui risquait dediluer la culture et lestraditions bouddhistes. Ilsestimaient que la porosité de lafrontière avec le Bangladeshpermettait à de nombreuximmigrés musulmans des’infiltrer. Ils expliquaient quela polygamie pratiquée parcertains hommes musulmans,faisait galoper la natalité dansles régions proches duBangladesh. L’Arakan sembleaujourd’hui faire face à uneautre menace liée à cesrestrictions : la radicalisationde certains d’entre eux etl’utilisation des tensions parles réseaux djihadistes. Legouvernement a attribué laresponsabilité des attaques augroupe Aqa Mul Mujahidin, liéau RSO, un mouvementrohingya fondé dans les années1980 pourtant considérédissous. Financé par l’extérieuret dirigé par un Bangladaisentraîné par les Talibanspakistanais, le groupe de 400militants aurait armé etpersuadé des jeunes de recourirà la violence. En septembre2014, Al-Qaïda avait déjàannoncé la création d’unebranche qui « hisserait ledrapeau du djihad » en Inde, auBangladesh et en Birmanie, aumoment où l’État islamique

tentait d’étendre son pouvoiren Afghanistan, au Pakistan etau Cachemire.

Une Commission consultativesur l’Arakan, dirigée par KofiAnnan, ancien secrétairegénéral de l’ONU, a été miseen place le 23 août 2016. D’iciun an, elle a pour objectif deproposer à la conseillère d’ÉtatAung San Suu Kyi dessolutions pour la préventiondes conflits, la protection desdroits fondamentaux,l’assistance humanitaire, lamise en place d’institutions etle développement de l’Étatd’Arakan.

À la fin janvier, Ko Ni,conseiller juridique musulmand’Aung San Suu Kyi, a été tuépar balle à l’aéroport deRangoun. Cet homicideconstitue un reflet des lourdestensions interconfessionnellesdu pays auxquelles legouvernement du LND doitrésolument faire face.

« L’icône de la démocratie birmane ménage les militaires » par Christine Chaumeau – Le MondeDiplomatique, Janvier 2017, n°754« Les prisonniers politiques oubliés » par Christine Chaumeau – Le Monde Diplomatique, Janvier2017, n°754

http://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2017/01/31/la-birmanie-rongee-par-l-intolerance-religieuse_5071973_3216.html#tqYu60rVjT02u1bU.99http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/birmanie/presentation-de-la-birmanie/http://www.info-birmanie.org/wp-content/uploads/2007/03/La-Birmanie-un-nouvel-eldorado_-10-id%C3%A9es-re%C3%A7ues_Info-Birmanie_-Janvier-2014.pdfhttps://asialyst.com/fr/2016/11/25/birmanie-armee-accusee-nettoyage-ethnique-contre-rohingya/https://asialyst.com/fr/2016/11/21/birmanie-quelle-appartenance-religieuse-pour-51-millions-dhabitants-du-pays/

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Minerais au cœur des groupes armées et des intérêts étrangers en RDC par Louis Dréano

« L’Afrique a la forme d’unrevolver dont la gâchette setrouve au Congo. » Un demi-siècle après l’indépendance del’ancien Congo belge, en 1960,le mot de Frantz Fanon – undes fondateurs du couranttiers-mondiste – sonne toujoursaussi juste. À Kinshasa –capitale de la Républiquedémocratique du Congo (RDC)– l’impéritie politiqueaccentue les tensions interneset armées du pays.Effectivement, legouvernement congolaisnommé le 20 décembre, datede la fin du second et dudernier mandat du présidentJoseph Kabila (en photo ci-dessous), voit son sort déjàscellé. Après trois semainesinterminables de dialogue sousl’égide de l’église catholique,l’accord entre la majoritéprésidentielle et l’opposition aenfin été signé le 31 décembre2016, offrant à Joseph Kabilale temps de la transition d’unan pour enfin organiser desélections fin 2017. D’ici-làdemeure le chaos.

En deçà de l’instabilitépolitique, le Congo cristallisedes intérêts de ressources tantpour les groupuscules armésque les investisseurs étrangers.À l’est du Congo, la région duKivu constitue un lieu deconflit sans nom qui perduredepuis vingt ans. La journaliste

Justine Brabant rappelle queles humanitaires dénombrentjusqu’à 7 millions de tués –chiffre contestable car il eststrictement impossible depouvoir compter les victimes.Initialement, le génociderwandais aurait provoqué cettesérie de conflits par un affluxde réfugiés et de génocidairesau Zaïre – ancien nom de RDC– depuis 1994. Il subsistedepuis une frontière trèsporeuse entre être rebelle etparticiper à l’armée, entre êtreen guerre et être en paix, dansla mesure où, dès 1996, legouvernement de Kinshasa afinancé ces groupes armés quirègnent en partie aujourd’huiet maltraitent la populationcongolaise. Toutefois, géantéconomique de l’Afriquecentrale, la Républiquedémocratique du Congo détientles premières réservesmondiales de coltan et lesquatrièmes de cuivre. Cela faitd’elle une zone stratégiquepour les industries du mondeentier : australiennes,chinoises, canadiennes, sud-africaines ou américaines, cessociétés se sont vu qualifier parl’écrivain In Koli Jean Bofanede « touristes à but lucratif ».Depuis 2003, plusieursrapports du groupe d’expertsdes Nations unies sur lescauses économiques du conflitdans l’est de la RDC ont misen lumière le lien entre lesmilices armées etl’exploitation, pour le comptede sociétés étrangères, deminerais stratégiquesindispensables à la fabricationde certains appareilsélectroniques comme lestéléphones portables.

Affichant une volonté dechanger les pratiques,Washington veille désormais àeffectuer avec diligence toutesles vérifications concernantl’origine de sesapprovisionnements enminerais. Les Etats-Unis ontmême abandonné le Nord-Kivu après l’adoption en 2010de la loi Dodd-Frank. Celle-ciexige que les sociétés cotées enBourse outre-Atlantiquerendent publique l’origine decertaines matières premières –étain, tantale, tungstène, or –contenues dans leurs produits,afin de prouver qu’elles neproviennent pas de la RDC oude l’un de ses neuf payslimitrophes. En mai 2016, ungroupe américain, Freeport-McMoRan, a par ailleurs cédéà China Molybdenum, pour 2,6millards de dollars, la plusgrande mine de cuivre et decobalt de RDC, TenkeFungurume, située dans leKatanga.

Une mine très lucrative aussipour les groupes armésprésents en RDC : le traficillégal de charbon décime laforêt du plus ancien parcnaturel africain dans le Nord-Kivu. Samedi 7 janvier,Etienne Kivu Mabwanano, 44ans et chef traditionnel dugroupement Bishusha, a étéassassiné de trois balles alors

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qu’il se rendait vers la forêt.Certains avancent une querellede chefferie, les sicairesauraient pris la fuite. Il estainsi aisé de disparaître dansles collines et les hautsplateaux de cette régionfrontalière du Rwanda et del’Ouganda, ravagée par lesguerres et toujours infestée parune myriade de groupes armés.Dans la forêt d’où se dégagentd’épaisses fumées grises, desbûcherons et desmanutentionnaires s’attellent àcouper les arbres à la hache ouà la tronçonneuse, à brûler lebois et à empaqueter lesbraises dans des conditionseffroyables, sous lasurveillance d’hommes armésde kalachnikovs. Qu’importe sile parc national des Virunga estclassé sur la liste du patrimoinemondial de l’humanité « enpéril ». Sous pression foncièreet démographique décuplée par

l’arrivée de deux millions deréfugiés rwandais fuyant legénocide, les maîtres de cebusiness déjà recherchés pour« crimes de guerre » et viséspar des sanctions des Nationsunies. Nichés dans des pochesdu parc naturel le plus anciend’Afrique, les rebellesrwandais des Forcesdémocratiques pour lalibération du Rwanda (FDLR)règnent sur cette industrielucrative avec la complaisancede certains militaires etpolitiques congolais, selonl’ONU. La production illégalede charbon estimée à 293 000tonnes par an assure auxorganisations criminelles de larégion un profit net variantentre 12 et 35 millions dedollars, selon un rapportd’avril 2015 du programmedes Nations unies pourl’environnement. Suffisantdonc pour entretenir des

milliers de combattants,acquérir armes et munitions etcorrompre des officiels.

Face à cette pétaudière, il n’estque trop difficile pour lacommunauté internationaled’assurer la stabilité et lasécurité en RDC. Le bilan de laMONUSCO – Mission del'Organisation des Nationsunies pour la stabilisation enRépublique démocratique duCongo créée en 1999 par larésolution 1279 pour maintenirla paix – reste particulièrementcontestable dans la mesure oùelle n’a pas dénoncé le rôlenéfaste du Rwanda quifinançait des mouvementsarmés déstabilisants l’est duCongo. De même, elle n’a pasremis en question les fraudesautour des élections de 2011qui établirent l’arrivée deJoseph Kabila au pouvoir.

« Omniprésence des intérêts étrangers » par Sébastien Broca – Le Monde Diplomatique, décembre2016, n°753https://www.youtube.com/watch?v=O6ODgLCBqX0 – Justine Brabant sur Médiaparthttp://lemonde.fr/planete/article/2017/01/14/en-rdc-le-trafic-du-charbon-de-bois-seve-de-la-guerre_5062692_3244.htmlhttp://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/01/04/en-rdc-la-crise-est-aussi-economique-5057573-3212.html#3WMu3gTeHce5f2jB.99http://lemonde.fr/afrique/article/2016/12/31/en-rdc-pouvoir-et-opposition-sont-pratiquement-arrives-a-un-accord_5056038_3212.html

Piotr Pavlenski, ennemi de Poutine, demande l’asile en France par Louis Dréano

Le 23 janvier dernier,Médiapart a organisé unegrande réunion publiqueintitulé « Sonnons l’arme ! »au Théâtre du Rond-Point àParis. Parmi les invités quipartagèrent leurs témoignagesse trouva Piotr Pavlenski.L’homme aux traits enfoncésvient effectivement dedemander l’asile en France cemois-ci, dans le risqued’écoper dix ans de prison en

Russie et de perdre la garde deses deux enfants.

Piotr Pavlenski est un artistepolitique. Il a pu se faireentendre par ses performancesde chaire, de souffrancephysique, celles où le corps estl’unique matériel d’expression.Pour lui, « l’art est le sens(existence) et un travail avecses sens (corps) ». En 2012, ilse coud la bouche immobile(ci-contre) devant le tribunaloù les Pussy Riots serontcondamnées à deux ans de

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prison pour vandalisme etincitation à la haine religieuse.Cette performance symbolisele silence de l’opinionpublique russe face au pouvoir.Le 10 novembre 2013, ilréalise « fixation »,performance extraordinairedans laquelle il se cloue nu lestesticules sur la Place Rougede Moscou – de surcroît le jourde la fête de la police russe (!).Résolument politique, Piotrparle ici d’une métaphore dufatalisme dans la société russe.L’année suivante, il se tranchele lobe de son oreille gauche,assis sur le mur du centrepsychiatrique Serbsky deMoscou, dénonçant ainsicomment l’État russe utilise lapsychiatrie pour des finséminemment politiques (enphoto ci-dessous). « Le corpsest un élément que le pouvoiret l’État essaient de discipliner.Quand j’utilise mon corps dansmes performances, je montrece que l’État fait à la société.C’est une métaphore de ce quiarrive au corps social ».

Lors de la soirée de Médiapart,Piotr Pavlenski offre untémoignage de l’intérieure dela Russie de Poutine. Depuisl’élection de Poutine en mars2012, il y a ce sentiment d’êtreconfronter à un pouvoirformellement bureaucratiqueoù les accusations mineures etadministratives deviennentlourdes et pénales. Le FSB –service secret de sécurité russe,ancien KGB – s’est émergéeprogressivement dans lasociété comme une solidestructure protégeant le pouvoir.Celui-ci se compose degroupuscules paramilitairescherchant à provoquer lapagaille – on pense à sonimplication en Ukraine lors del’annexion de la Crimée à laRussie (2014). A bien deségards, cette violence, cette« terreur rouge » est commeenracinée dans la culture russe.La présidence de Poutinemontre bien l’affirmation de lalégitimité du FSB tant il est leporte-parole même de cetteorganisation.

Après 7 mois de prison, lalibération de Piotr Pavlenski en2016 est instrumentalisée enun exemple du « bontraitement » de l’État russe auregard de ses opposants.Comme si finalement

l’administration de Poutineétait humaniste etcompréhensible. Pour Piotr,cette libération s’inscrit plutôtdans un processus pervers etvolontariste du FSB. En effet,après sa sortie, des hommes luipropose des armes pour faireun attentat contre le Kremlin.Finement déguisée par le FSB,cette invitation au terrorismeest refusée par Piotr, nesouhaitant pas finir commeOleg Sentsov en Ukraine – enaoût 2015 ce réalisateurukrainien est condamné à 20ans de prison pour« préparation d’actesterroristes » lors de la crise deCrimée. Plus tard, enseptembre 2016, Piotr fait larencontre d’une jeune femmese disant comédienne dans unthéâtre d’opposition. Celle-cidénonça une supposéeinvitation de l’artiste russe etde son amie à une soirée quiaurait mal tourné chez eux –évidemment, Piotr révèle iciencore un coup monté.Appelée « piège de miel »,cette pratique de la délationrappelle les temps sombres duKGB. En cela, Piotr estconvaincu que « letotalitarisme, ce n’est pas queles camps, ce sont des millionsde citoyens qui font de ladélation ».

https://www.youtube.com/watch?v=WyI5nHF-Or4 – Soirée Médiapart « Sonnons l’alarme! »http://www.courrierinternational.com/video/russie-piotr-pavlenski-lartiste-de-lextreme

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La politique de l’offre sous François Hollande par Louis Dréano

Le bilan économique deFrançois Hollande resteracontrasté, à l'image del'inversion timide en 2016 de lacourbe du chômage, qui avaitété érigée comme un « enjeumajeur » de son mandat. Pourcela, la politique de l’offredevait contrecarrer laconjoncture.

Le 31 décembre 2013, lePrésident de la Républiqueannonce des futurs allègementsmassifs des cotisations socialesdans le cadre du « Pacte deresponsabilité ». Un an plustôt, dans la foulée du rapportde Louis Gallois, legouvernement avait déjà crééle Crédit d’Impôt pour laCompétitivité et l’Emploi –CICE – qui attribuait auxentreprises un crédit d’impôtéquivalent à 4% de la partie deleur masse salariale inférieureà 2,5 fois le SMIC, un taux quisera progressivement porté à7% en 2017. Au total, ce sont41 milliards d’euros, soitquasiment deux points de PIB,qui abonderont les caisses desentreprises cette année.

L’objectif de cette politique del’offre était de baisser le coûtdu travail pour que lesentreprises puissent embaucherplus, réduire leurs prix pourregagner des parts de marchéet intensifier leurs efforts enmatière de recherche etdéveloppement (R&D) etd’investissement. Quatre ansaprès l’entrée en vigueur duCICE, les résultats se font

encore attendre : le dernierrapport du comité de suivi duprojet montre qu’aucun effetobservable surl’investissement, la R&D et lesexportations s’est fait sentir. Ledéficit commercial a replongéau premier semestre de 2016,seulement entre 50 000 et 100000 emplois créés ousauvegardés selon FranceStratégie. Sur l'année 2016,100 000 chômeurs ont quittéles listes de Pôle emploi et letaux de chômage baisser de 0,4point, pour se stabiliser à 10 %au troisième trimestre de 2016.Cette baisse du coût du travails‘est également accompagnésde contrats aidés, de primesaux très petites entreprises(TPE), et d‘une considérableréforme du code du travailavec la loi El Khomri (2016)après la tentative delibéralisation économique de laloi Macron (2015). Parailleurs, cette dernière n’a pastenu ses promesses : lalibéralisation du transport,symbole de la loi, a faitexploser l’offre dans unpremier temps, sans pourautant éviter sa concentrationcomme aujourd’hui. Toutefois,une politique de l’offre neporte théoriquement ses fruitsqu’à moyen terme. D’ici-là, ilfaudra encore attendre, à moinsque la prochaine élection fasserenverser la donne.

L’échec de la politique del’offre peut s’expliquer par lamauvaise concentration desaides sur des secteurs plus

exposés à la concurrenceinternationale. En effet, nosvoisins européens etprincipaux concurrents ontégalement baissé le coût dutravail, ce qui a écartél’Hexagone du bénéfice d’unecompétitivité hors-prix. Sansaucune contrepartie exigée, lesentreprises ont pu gérer à leurgré ce cadeau et maintenir àflots leur trésorerie asséchéepar l’austérité. A contrario, lesdépenses publiques ontsensiblement baissé, déprimantla demande intérieure etrisquant de dégrader la qualitédes biens publiquesindispensables à lacompétitivité des entreprises.

Finalement, pour l’économistePhilippe Aghion, FrançoisHollande ne s’est pas mis enposition de réaliser le défi deréconcilier innovation etmobilité sociale. Il ne seraitvenu à cette économie del’offre que peu à peu, trop tard,à reculons et de manière tropindécise. Pour Thomas Piketty,il faut remettre en question lescritères de convergenceeuropéens. Les États-Unis ontsu faire preuve de plus desouplesse budgétaire pourrelancer la machine. Acontrario en France, lechômage a grimpé de 7 à 10%en dix ans, ce n’est pas à causede la rigidité du marché dutravail mais plus probablementà cause de la rigidité descritères budgétaires.

« La politique de l’offre fait un flop » par Marc Chevallier – Alternatives Economiques, Janvier2017, n°364https://www.franceculture.fr/emissions/le-billet-economique/retour-sur-le-bilan-economique-duquinquennat-hollandehttp://tempsreel.nouvelobs.com/politique/election-presidentielle2017/20161202.OBS2080/francois-

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DOSSIER

L’histoire en question ? entretien réalisé auprès de Loïc Bouillé et Marie-Agathe Schousboë

En septembre 2016 est publié Le Récit du commun de Jocelyn Letourneau et Françoise Lantheaume.Contre les idées reçues d’un manque de connaissances historiques et de l’absence de tout récitcommun, l’enquête dévoile un rapport enchanté qu’entretiennent des élèves français issus de touthorizon avec leur « histoire nationale ». Cette étude établit un constat positif de l’enseignement del’histoire. Loïc Bouillé et Marie-Agathe Schousboë ont accepté de participer à l’entretien pour nousdonner leur éclairage sur cet enseignement et son évolution, ils ont des choses à dire !

A quoi sertl’histoire ?

LoïcBouillé :D’abord,cela permetd’avoir uneculturegénérale pour comprendre leprésent. Sans connaître lepassé, on ne peut pas se situer.Il permet aussi de prendre durecul par rapport auxévénements. On n’est pas dansla réaction immédiate, sansréflexion. L’histoire doitégalement permettre dedévelopper l’analyse demanière générale, non passeulement par rapport auxévénements mais par rapport àn’importe quelle situation.C’est une gymnastique mentalequi nous permet de prendre unpositionnement argumenté.

Marie-AgatheSchousboë :L’Histoireest l’étudedu passé.Sert-elle àquelquechose ?

C’est une question délicate quiappelle à des réponses variées.Aux uns elle servira à laconstruction d’une identité(stéréotype de l’histoirecomme outil idéologique), aux

autres elle sera undivertissement parmi d’autres(stéréotype de l’histoireanecdotique). Au pire, elle estperçue comme une longue listede dates et personnages.Chacun doit construire sapropre relation avec l’Histoire.A titre personnel, je voisl’Histoire comme une grille delecture incontournable dumonde qui nous entoure etparfois, aussi, comme unmoyen de lui échapper.

Quels sont les objectifs del’enseignement de l’histoire aulycée ? Diffèrent-ils de ceuxd’il y a vingt ans ?

M-A. S : L’enseignement del’Histoire au lycée et les débatsdont il fait l’objet révèle à quelpoint c’est un sujet critiquedans notre société. On noteral’objectif de l’année deTerminale : « initiation aumonde contemporain ». Le butest de comprendre notre passéà différentes échelles maisaussi de travailler descompétences intellectuellesindispensables à tout adulte :analyse, argumentation,critique.

L.B. : Pour ce qui est del’enseignement, on passe d’uncours d’histoire au collège oùl’on commence à analyser, àun cours au lycée où l’on

réalise une réflexion beaucoupplus complète. Quand oncommence en seconde avecl’analyse de document, il fautêtre sûr que l’élève comprennebien ce que l’on lui propose. Apartir cela, il utilise sa culture,ses connaissances et lesconstats qu’il émet, pour sefaire une idée du problème àrégler. Ce n’est plus « 1515Marignan » ou la connaissancepour la connaissance, ce quiétait le cas jusqu’aux années70 et 80 où l’on apprenait lesdépartements français, lesdates par cœur. Désormaisc’est terminé, l’histoire est unoutil car face à n’importe quelévénement, on a recours auxconnaissances et à uneréflexion pour se positionner.Trump, par exemple, c’estl’histoire immédiate auquel onpeut faire des parallèles avecdes anciens présidentsaméricains. Ce n’est plusuniquement avoir une opinionpar rapport à sa chevelure. Ilfaut prendre du recul.

Quelles sont les nécessités dela société auxquellesl’enseignement de l’histoire aulycée peut répondre ?

M-A. S. : Voici quelquespropos d’historiens célèbres,dans lesquels je me retrouvetotalement : - Antoine Prost : « La premièrefinalité de l'enseignement de

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l'histoire est de permettre auxélèves de comprendre lemonde social et politique danslequel ils vivent en leurdonnant le vocabulaire et lasyntaxe nécessaires pournommer les réalités(aristocratie vs bourgeoisie,population agricole vspopulation rurale,gouvernement vsadministration, etc.). Sil'histoire constitue aujourd'huiencore le moyen privilégié depenser la société, c'est parceque la France s'est pensée elle-même depuis le milieu duXIXe siècle à traversl'histoire »- Philippe Joutard : « Il est eneffet indispensable deconstruire chez les élèves lesens du temps, en combattantd'une part le « présentisme »par lequel notre sociétéremplace les héros par desstars éphémères et érige lezapping au rang de pratiquereine, et l'immobilisme d'autrepart, qui se traduit tant par lesfondamentalismes, quisouhaitent fixer la société dansun âge d'or mythique, que parles excès de lapatrimonialisation, lorsqu'elleest synonyme d'enfermementdans le passé et non delibération par la connaissanceraisonnée de ce passé. Il estimportant d'apprendre auxélèves la bonne gestion dutemps et de ses différentsniveaux ».

L.B. : Il s'agit des nécessités àla fois de l’histoire et del’enseignement civique. On abesoin de faire comprendreaux élèves qu’ils doivent êtreacteurs, citoyens. Quand onétudie une période, admettonsl’arrivée d’Hitler au pouvoir en1933, il est important de savoirquel a été le rôle du citoyen

pour que l’élève puisse sedemander : pourquoi voter oupourquoi ne pas voter ? et sioui, pour qui ?Fondamentalement, l'histoiresert à faire des citoyens quiréfléchissent. De plus, lorsqueles élèves comparentdifférentes périodes ou pays, ilfaut qu’ils comprennent que cequ’ils auraient pu entendre deleur environnement personneln’est finalement qu’unemanière de considérer leschoses. Par exemple, la Guerred’Algérie était taboue pour lagénération qui me précédait.Aujourd’hui ça ne l’est pluscar on est moins influencé parles acteurs de cette guerre.Entre le témoignage et l’étudescientifique de l’événement, ilfaut se faire une idée globale etnon pas « émotionnelle ».Sinon, on n’est plus citoyenmais partisan.Par ailleurs on a toujoursl’impression que ce que l’onvit est normal et existe depuistrès longtemps. Mais parexemple, pour arriver à unsystème politique convenable,depuis la Révolution française,on en a passé des révolutions !De même que pour le droit devote. Aujourd’hui cela paraîtnormal de voter dans unisoloir. Peut-être demain, lesystème évoluera, on voudravoter et faire des référendumsnumériquement comme cela aété proposé en Espagne, sanspasser par des intermédiaires.Il faudra des citoyens au senscritique aiguisé dès lors car ondemandera de s'exprimer surbeaucoup plus de sujets...

Quelle est l’évolution del’enseignement de l’histoire entermes de pédagogie ?

L.B. : Jusqu’aux années 80 et90, on faisait des cours

magistraux où l’élève devaituniquement apprendre.Aujourd’hui on doit faireréfléchir l’élève qui doitutiliser ses connaissances pourrépondre de manière organiséeà un sujet problématisé.Également, les supports vontêtre totalement changés, on faitappel au numérique et au web,non pas pour obteniruniquement des informationsmais pour exercer son espritcritique. Autre élément, leprofesseur va aborder un autrepositionnement. Hier ilapportait son savoir,aujourd’hui tous les élèves ontaccès aux ressources et auxconnaissances. Le professeurva donc devenir, de plus enplus, un « consultant de luxe ».Il va être là pour confirmercertains aspects et faireréfléchir sur la connaissanceque l’élève aura trouvée. Onparle de « pédagogieinversée », c’est l’élève quiapporte la connaissance et nonle professeur. Le coursmagistral utilisé seul est unemanière d’enseigner quidevient complètementcaduque, on est dans unerévolution numérique donc jecrois que cela va encorechanger. C’est d'ailleurspourquoi on commence àrepenser différemment nosinfrastructures. Pour 2018,dans le futur amphithéâtre, onpourra fonctionner comme à lafac avec des cours magistraux,puis à côté, on ajoutera desheures en petits groupes pourque l’élève travaille la mise enaction de la réflexion. Pourl’anecdote en 2004, c’était lesélèves qui montraient auprofesseur commentfonctionnait un ordinateur. Sion ne s’adapte pas à cetteévolution rapide, on risqued'être dépassé.

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M-A. S. : Sous la IIIeRépublique, l’Histoire est vueà travers le prismeRépublicain, elle doit servir deroman national, avec deshéros. Il s’agit surtout de coursmagistral, de faits et dates àapprendre par cœur. Avec lesguerres mondiales, notrematière devient le support pourenseigner les droits del’Homme. L’UNESCOconseille « d’enseigner unehistoire aussi universelle quepossible dans laquelle le passédes peuples non-européensserait considéré en lui-même ».Les programmes ne l’intègrenttoutefois pas tout de suite etc’est plus les méthodes quiévoluent : des méthodes plusactives basées sur la critiquedocumentaire. Les manuelsmultiplient les documents quideviennent lentement lessupports de méthodes plusinductives. - Les années 1960 et 1970 sontmarquées par de dynamiquesdébats sur l’école. Le contexteest favorable aux pédagogiesactives, souhaitant attiser lacuriosité des enfants et le désird’apprendre en décloisonnantles disciplines. Introduction del’histoire économique etsociale et revendication d’une« pédagogie par objectifs » - Les années 80 s’érigent enpériode de retour à une histoireplus traditionnelle. AlainDecaux, en « Une » du Figaromagazine lance un cri d’alarme: « Français, on n’enseigneplus l’histoire à vos enfants ».Les nouveaux programmes enreviennent à une écrituretraditionnelle : continue,politique, événementielle.- Les années 90 : la pédagogieen histoire est basée sur ledocument.- Actuellement, c'est le retour

du récit, un meilleur équilibreentre magistral, dialogué,activités à partir de documents,comme l'explique M. Bouillé.

Quelle est la différence entrel’histoire enseigné au lycée etl’histoire enseigné àl’université ?

L.B. : Face à des professeursqui ont réalisé des thèsespendant toute leur carrière, à lafaculté, on n’est plus du toutdans le même registre. A monépoque, le professeur donnaitun cours qui n’était pastoujours complet, parfois unpeu orienté, on devait lired’autres historiens quidonnaient une version un peudifférente et il fallait, le jourdes examens, répondre avec lecours du professeur maiscritiquer à l’aune des autressources. L’université a dûchanger. Aujourd’hui il y a les« MOOC », c’est-à-dire descours sur internet à distance.Tout est dématérialisé mais ongarde le besoin d’une présencehumaine car il n’y a pas que lesavoir en tant que tel. En tantque responsable du lycée, jepense qu'il ne doit pas y avoirune trop grande distorsionentre l’enseignement au lycée,en terminale, et dansl’enseignement supérieur.

M-A. S. : Plusieurs élémentsdiffèrent tant sur le fond que laforme : les cours d’Histoire enuniversité se déroulent enCours Magistral et TravauxDirigés. Lors des coursmagistraux, le professeurcommunique son cours sansque vous puissiez intervenir, enparticulier dans les grandsamphis. Dans de petitesfacultés, cela peut êtredifférent. Les TDs, en petit

groupes, permettent plusd’interactions et de travailler laméthode de critique dedocument. Les volumeshoraires consacrés à chaquesujet sont bien évidemment laraison pour laquelle onapprofondit beaucoup plus àl’université : on étudie les faitshistoriques mais passeulement, nous avonségalement le temps de nousinterroger sur les courantshistoriques, les interprétationsde tel ou tel événements.Chaque année, les quatrepériodes historiques sontétudiées (rappel : Antiquité,Médiévale, Moderne etContemporaine). Les sujets ausein de ces périodes varientd’une université à l’autre enfonction des objectifs del’université, des professeurs etdu cursus choisi. Il faut doncêtre très autonome en faculté,savoir prendre des notes etrapidement, aller consulter desoi-même les référencesbibliographiques. L'accès auxsources est aussi plus facilegrace au numérique.

Comment devient-onhistorien ? Quelle est ladifférence entre l’enseignantd’histoire et l’historien ?

L.B. : L’historien varechercher pour produire del’histoire. Ecrire un livre, c’estcomme mener une enquêtepolicière. Il faut trouver lesressources, les croiser pour lesvalider, prendre du recul, liredes travaux complémentairesou précédents. C’est un travailde synthèse sans pour autantfaire une compilation.L’historien va prendre dessources pour les interrogerdifféremment. L’histoire vadonc être en perpétuelle

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évolution à laquelle contribuel’historien. Par exemple, il y atoute l’histoire sociale qui s’estconsidérablement développéedans les années 70. De même,on commence à étudier desthèmes qui semblaientcomplètement inintéressants ily a encore dix ans commel’histoire de l’informatique.Certains disent effectivementque son ampleur relève de ladécouverte de l’imprimerie oude l’Amérique en 1492. Avantl’histoire, c’était del’événementiel alorsqu’aujourd’hui, il y a beaucoupplus d’histoire sociale,économique, technologique,les contenus sont largementdifférenciés. C’est en croisantdifférents pans que l’on créeune nouvelle branche del’histoire, en réactualisant lessources. A côté, le professeurest un « porte-parole » qui vasensibiliser et faire comprendrel’histoire.

M-A. S. : Pour devenirhistorien, le parcours classiqueest de suivre une formationuniversitaire en Histoire(Licence, Master puisDoctorat), voire Histoire del’Art ou Archéologie. A partirdu niveau Master – mais mêmeavant si possible – il ne fautpas hésiter à faire des stages enchantiers de fouilles,laboratoire, musée, pour seconstituer un réseau et surtout,commencer des publicationsd’articles. Les premièrespublications sont en généralbasées sur les mémoires demaster et doctorat bienévidemment. Ce parcours peuttoutefois varier en fonction dela période étudiée. Un historiende l’Antiquité devra maîtriserles langues anciennes et peutainsi débuter ses études parl’ENS/prépa littéraires. Il

existe ensuite de nombreusespasserelles pour rejoindre unmaster d’Histoire oud’Archéologie. L’essentiel estd’acquérir des basesdisciplinaires étendues etsolides et d’avoir une rigueurscientifique de mise. Etre historien se définit à monsens par une activité derecherche et de publicationscientifique. La recherche estune activité passionnante ! Oncherche, on enquête, on vit, onrespire les sources ! A ce titre,être historien et être professeurd’histoire dans le secondairesont deux métiers trèsdifférents. Rares sont lesenseignants du secondaire àêtre historien, c’est-à-diretoujours impliqués dans larecherche scientifique. Lapréoccupation de l’enseignantest principalement de savoircomment enseigner tel ou telaspect de l’histoire tandis quel’historien s’interroge surl’Histoire elle-même.

Face aux critiques de«laxisme», dans quelle mesurepeut-on dire que lesprogrammes d’histoire aulycée ont été amincis ? Y a-t-ilune vraie baisse quantitativedes connaissances ?

L. B. : Tout dépend de ce quel’on donne comme objectifs àl’histoire. Si ce n’estuniquement que lesconnaissances, « c’était mieuxavant ! » car il n’y avait pas cetaccès à l’information. Parcontre, savoir utiliser sesconnaissances, ça devient làplus intéressant. Enl’occurrence, on ne va pas direque les gens connaissaient plusde choses hier qu’aujourd’hui,on va utiliser les faitshistoriques différemment.

C’est devenu un faux débatque de traiter l'histoirequantitativement car lesconnaissances utiliséesévoluent comme lestechnologies pour les exploiter.Pour les programmes« amincis », on croisemaintenant les chapitres aulieu de les réciter. C’est plus laréflexion qui prime sur laconnaissance pure.

M-A. S. : Les programmessont très vastes. Ce qui estaminci c’est le volume horairepour traiter ces programmes,qui eux, sont toujours si cen’est encore plus chargés ! Lesexigences au bac sontdifférentes. A mon époque parexemple, nous devionsconstituer les croquis par nousmême, les sujets tombant aubac étant différent de ceux-étudiés dans l'année. L’étudede documents devait comporterun tableau de confrontation desdocuments puis une synthèse.

Pourquoi le programme deTerminale s’intéresse-t-il à despériodes plus longues, plusvastes et plus actuelles ? (« Les États-Unis et le mondedepuis 1918 à nos jours », « La Chine et le monde depuis1949 »)

L.B. : Depuis que FernandBraudel a étudié le temps longavec sa fameuse« Méditerranée », on étudieavec plusieurs échelleschronologiques. La difficultéen histoire est de faire desanalyses d’une histoireimmédiate validée. On vaparler d’événementsimportants aujourd’hui, cartrès médiatisés, et quand onprend du recul sur celles plusanciennes, on se rend compteque dix ans après les gens qui

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analysent la situationimmédiatement onteffectivement fait des erreurscar ils n'avaient pas tous leséléments, toutes les archives,etc. Donc faire la comparaisonentre aujourd’hui et il y a centans nous permet de poser desquestions – procédé que l’onne faisait pas il y a cinquanteans. Etudier des temps longspermet de réaliser une analysede l’histoire immédiate peut-être plus complète. De plus,lorsque l’on analyse lesévénements, très souvent onvoit que les racines quipeuvent les provoquer sont trèsanciennes, et beaucoup plusque ce que l’on ne le croit carla mentalité des gens s’ancredans les générationsprécédentes. C’est peut-êtremoins vrai aujourd’hui grâceaux différentes sourcesd’information, mais il faut s’enméfier.

M-A. S. : Les programmestentent de concilier lesavancées historiographiques etla demande de la société. Desquestions assez inédites ontfait leur apparition commel’étude des royaumes africainsmédiévaux. Des reformulationstémoignent de la volontéd’intégrer les dynamiquesscientifiques récentes (ex : « lacolonie » appréhendée commel’espace géographique de larencontre coloniale) ou derendre intelligibles des débatsmémoriels (introduction del’étude de la traitetransatlantique en 4e). Lesnouveaux programmes deLycée sont davantage enrupture avec les cyclesprécédents. Ils zooment sur desmoments historiquesspécifiques ou étudient unequestion sur le temps long,héritage de l'histoire

Braudélienne (Terminale/ex : «Médias et opinion publiquedepuis l’affaire Dreyfus). Celadépend aussi fortement despersonnalités présentes dans leConseil Supérieur desProgrammes. La commissionchargée des programmes estcontrainte par un cadragehoraire très strict, contraignant.

Y aurait-il pas un manque derecul face aux événementsd’hier (élections d’Obama) quideviennent très vite des objetsd’études historiographiques ?

L.B. : Le recul est uniquementpossible si on tire expériencedes erreurs d’interprétationd’hier. C’est d’autant plusdifficile de faire de l’histoirecontemporaine avec des élèvesqui n’ont pas forcément laculture ou l’intérêt. Il faut queles événements immédiatssoient des objets d’étude carsinon, l’histoire seraitdéconnectée, on parleraittoujours de nos amis lesGaulois et les élèves necomprendraient pas dans quelmonde ils vivent, ni le lienentre le passé qui peut servird’expérience et le présent.

M-A. S. : Oui, pour l'historienil y a clairement un manque derecul. Toutefois, comme ditplus haut, c’est aussi un besoinde la République et descitoyens. Quelques remarques :- Les programmes intègrentdes éléments très récents(jusqu’à la crise économiquede 2007/2008). C'est l'histoiredes temps présents, couranthistorique aujourd'hui reconnu.Si les faits chronologiquesqu’on nous demanded’enseigner sontincontestables, il faut faireattention à leur interprétation

historique, les historiensn’ayant pas tous les tenants etaboutissants pour analyser cesfaits. Il faut donc être trèsprudent et critique.- On nous demande decommenter les événementsactuels (attentats, électionsetc.). Ce n’est pas de l’histoiremais du journalisme.Toutefois, c’est là un desenjeux de notre travaild’enseignants d’Histoire :expliquer ces événements à lalumière de la rigueurhistorique et faire comprendrecomment on fait l'histoire del'histoire !

Pourquoi étudier des périodesplus vastes et donc moinsprécises ? : « la place desfemmes dans la société au XXe», « la population active dansla société française au XXe »(programme de Première S)

L.B. : Quand on est dans laprécision, on va être dans uncontexte particulier, alors quecomprendre les différentescrises dans le temps va nousfaire penser que nous sommesactuellement dans une situationqui soit loin d’être pérenne.Également, étudier plusieursapproches nous permet devalider le mode de réflexion.L’histoire, c’est aussi savoir cequ’il nous reste commeexplications face auxévénements passés.

M-A. S. : Ces sujets sont enréalité très intéressants et desclés de lecture de nos sociétés.On ne peut pas comprendrel’évolution de la sociétéoccidentale jusqu’à nos jours(objectif des programmes) sansétudier ces deux aspects.Hélas, ces sujets doivent êtretraités en tellement peu

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d’heures qu’effectivement, ilsperdent toute leur substance etleur intérêt.

Est-ce la fin des Rois deFrance et de Napoléon ? Lesprogrammes d’histoire dePremière et Terminaleabordent en uniqueperspective le XXe (hormis « la difficile affirmationrépublicaine entre 1880 et1890 »)

M-A. S. : Rois de France etNapoléon sont traités encollège, ils font donc partie dela scolarité obligatoire.

L.B. : Je n’ai jamais vuNapoléon en histoire àl’université, et en une ou deuxheures en lycée. On va alorsêtre dans une manièred’appréhender les diversesconnaissances plutôt que detout connaître en profondeur.Personnellement, ça ne medérange pas de survoler quedes parties de l’histoire deFrance dès lors que les élèvesont les outils pour approfondir.Ici encore, on est entrel’histoire quantitative etl’histoire qui sert d’outild’analyse. On a l’impressionde survoler car il n’y a plus cesrepères obligatoires, maisc’est plus intéressantaujourd’hui d’avoir les outilsque d’apprendre bêtement.

A partir de quand peut-onparler d’instrumentalisationde l’histoire et non plus desymboles communs ?

L.B. : On peut parlerd’instrumentalisation ou detentative d’instrumentalisation,et cela s’est fait à différentes

époques. Par exemple, à la findu XIXe siècle lorsqu’il a fallureconquérir l’Alsace-Lorraine.On a alors utilisé l’histoirepour cette reconquête et forméà l'école de bons petits soldats.De même, on pense au régimede Vichy en 39-45, qui validaitun certain nombre d’idées quileur étaient propres.Aujourd’hui on peut toujoursavoir cette disposition-là. Parcontre, le fait d’être plus« éclairé » grâce aux facilitésd'accès à l'information – jepense par exemple aux prisesde position des intellectuels,des académiciens, au corpsd’agrégés en histoire qui estextrêmement puissant – celapermet de mettre justement engarde. Quand il était questionde faire un musée de l’histoirede France il y a quelquesannées, ces gens-là se sontexprimés et cela a évité defaire peut-être une erreur, il y aeu des débats intéressants quien sont sortis. Ici, je ne parlepas d’instrumentalisation maisdans la mesure où l’on veutfaire un musée de l’histoire deFrance, on ne part pas avec lesmêmes objectifs pour tout lemonde. L’instrumentalisationvolontaire ou involontaire peutexister, maintenant l’intérêt estde laisser les gens qui ont unavis sur le sujet s’exprimer etcontredire pour avertir desinterprétations possibles.

Peut-on enseigner l’histoire etrester impartial ?

L.B. : Je peux avoir mon avispersonnel sur une question àtraiter mais je n’ai pas le droitde le dire en classe. A partir dumoment où il y a une situationpolémique, il faut donner laparole aux différents

protagonistes, on n’a pas dejugement à donner. C’est pareilque lorsque l’on écrit un livred’histoire, on ne doit pas êtredérangé par notrepositionnement. Et justement,je peux me faire l’avocat dudiable dans les débats en EMCpour faire réagir !

Quels sont les thèmescontroversés et difficiles àaborder au lycée ?

L.B. : Pour la Guerred’Algérie, il aura fallu attendrele début des années 2000 pourque l’on puisse faire un courssans rencontrer l’animosité decertains parents d'élèves careux avaient vécu cette période-là. Ce que l’on pouvaitaffirmer avec du recul etl’analyse historique necorrespondait pas toujoursavec ce qu’ils avaient vécu.Après cela dépend du lycée oùl’on est. Aborder le conflitisraélo-palestinien dans unlycée où il y aurait les deuxobédiences revient plus à seréférer aux faits et éviter laconfrontation, sans pour autantne pas laisser nécessairementla parole aux élèves. Un thèmeest difficile à aborder lorsquel’événement a été douloureuxet aura suscité des émotions. Ilfaut grossièrement troisgénérations pour que l’émotioncommence à s'estomper. Il fautdu temps pour calmer lesesprits. C’est pourquoi c’estdifficile d’être professeurd’histoire. Il y a la passion, lasoif de connaissance, lavolonté de se positionner etpuis la volonté de transmettrela possibilité de comprendre lemonde qui nous entoure.

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AU CŒUR DU LYCÉE

Oscar Wilde or the importance of a theatrical activity: A special interview with theSecondes E by Coline Lappeman

Last December 2016 Year 11students had the opportunity toprofit from a drama workshop.Thanks to this activity,organized by the Englishteachers, they all acted in frontof their classmates throughoutthe three-hour-long program.The editor-in-chief andjournalist, Louis Dréano, andI, Coline Lappeman, asked oneof the classes to know moreabout this experience.

Louis: Hello everyone.Thank you for having ushere today. As we all knowyou participated in a groupactivity a few weeks ago. Soto begin with, could youmaybe sum up the content ofthe workshop you did? Whatdid it consist in?

Julian: We had differentactivities. For example, we hadto act parts of a play, whichwas the major activity. We alsocreated status in pairs.

Louis: When was it? Did youdo this in “A.P.” or in yourregular English Class?

Gauthier: It happened in theregular English Class.

Coline: How long did it last?

Julian: About three hours.

Louis: First of all, what wasthe first step?Coline: Did you have to actout a scene?

Théo H.: For most of us, wecould act with gestures.

Coline: Did you have torecite lines from the play andact out some scenes?Louis: Did you have to learnit by heart?

Theo G: Yes, indeed, althoughwe played a scene we hadalready studied and learned inclass.

Coline: What is the name ofthe play?

Theo G: The Importance ofBeing Earnest by Oscar Wilde.

Coline: Well then, did youlearn something about OscarWilde? Who was he?

Gauthier: He was Irish andborn in Dublin. He wasimprisoned because of hissexual orientation, as he washomosexual and it was notaccepted at the time. He diedin Paris on 13th Novemberright at the beginning of the20th century, in 1900.

Louis: And you did thisacting workshop with anAustralian woman, didn'tyou ? Is she Still in France?Where is she now? How oldis she and what is her name?

Theo H.: Hannah is thirty. Butnow she is gone. She has goneback to Paris a couple weeksago.

Louis: What was yourinteraction with her?Obviously, as she is a nativespeaker, was it difficult to

understand her? And whatabout her accent?

Theo G: We understood mostof what she said quite well andher accent didn't bother us.

Louis: Actually what did youlearn from this activity? Howdo you feel now? Are youmore self-confident when youspeak in English?Coline: Did it help you tospeak more easily in Englishclass or in general?

Gauthier: Yes, it has helped usalot. We had an English testabout our scenes the day afterso Anna helped us a lot withthe pronunciation and theemotions.

Louis: Before the activity,did you have anxiety, stress,fear? You had indeed tospeak three hours long,didn't you ?

Gauthier: Not really, because itseems it went by very quicklyfor us.

Coline: Has it been difficultfor some of you? Was it thefirst time you act? Or maybesome of you are part of adram club?

Gauthier: It's not been difficult,because personally last year Idit drama in class.

Louis: But it was in French,wasn't it?

Gauthier: No it wasn't. It wasin English.

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Louis: Now, we are going tomove to another aspect ofthis activity, which would beyour point of view about thisexperience. For you, whatwere the advantages of this?Did you enjoy it?

[unanimous affirmativeanswer!]

Louis: Have you improvedyour English?

Martin: Yes, we have and nowwe have the ability to act muchbetter.

Louis: What about thenegative sides?

Julian: According to ourschedule, we normally havetwo classes on Tuesdayafternoons.Alexis: In order to prepare thisactivity we had to stay an extrahour.Gauthier: Then the day of theactivity, we worked threehours, which was hard.

Louis: Would you like to doit again?

Unanimous response:: It wasquite a good experience.

Louis: We would like now tofocus more on the content ofthe story. Firstly, do some ofyou still have in mind thetext? Can someone say somewords of the play?

Gauthier [quotes the play]:“Yes, Lady Bracknell, I was[found] in a handbag – asomewhat large, black leatherhandbag with handles to it – a[normal] ordinary handbag infact.”

Coline: Which character is

it? Is it an important one?

Gauthier: The character Jackplays a major role in the play.

Louis: Then how manycharacters are there?

Simon: Five.

Louis: Could you tell us theirnames ?

Simon: We have Jack, MissPrism, Algernon, Gwendolen,Cecily Cardew and LadyBracknell.

Louis: What is the storyabout?

Simon: Jack deeply lovesGwendole and Algernon whofalls in love with Cecily.

How does the story end ?

Killian: Jack discovered hewas the cousin of Gwendolyn.

Did you like this story?

Theo H.: I did like it, becauseit was quite unexpected.

What surprised you the most?

Theo H.: The fact that Jackdiscovered his identity and thathis name was not actually Jackbut Ernest.

Romain: Jack also discoveredthat he is the brother ofAlgernon.

[We then asked how manyJacks, Gwendolens andAlgernons had been played;each time, four hands wereraised]

For you, what was the most

interesting character to play?

Gauthier: Jack is the mostenjoyable one. He possessesdifferent personalities andnames. At the beginning, hisname is Jack and Ernest. Whatis funny moreover is thatGwendolyn first liked Earnestbetter than Jack.

Louis: So he has to change,doesn't he ?

Gauthier: And in the end hefinally can be called the nameErnest because it is originallyhis.

Coline: Who was the villain,the “bad guy” in the story?

Lea: From my point of view,Algernon and Gwendolyn arethe bad characters, I didn'treally like them.

Gauthier: Personally I think itis Lady Bracknell because shedoesn't approve the marriagebetween Jack and Gwendolyn.

What type of relations arethere between Jack,Gwendolen and LadyBracknell?

Killian: Lady Bracknell isJack's aunt at the end of thestory and Gwendolyn is LadyBracknell's daughter.

Coline: Before we leave, wewould like to know moreabout what you think of yourfuture. What do you plan ondoing after Seconde? Has thebeginning of the yearinfluenced you enough tothink about highereducation, later, that wouldinvolve English?Louis: Do you think Englishis important for you?

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[Editor's note: For some ofthem, it is difficult to learnEnglish, but we clearly sawthey tried their best.]

Julian: After school, I want togo to Australia, so Englishmeans a lot to me.

Louis: Is it because of theAustralian comedian actress[Editor's note: Hannah,formerly mentioned] you'vemet?

Julian: No actually it is adream.

Louis : What do you plan ondoing there?

Julian: Just to live there.

Louis: Traveling all over thecountry? What about work?

Julian: What is the mostessential for me is to travel,yes. Then I would also like towork.

Killian: English is veryimportant for our future jobsbecause everybody speaksEnglish and it is aninternational language.

Coline: Do you haveanything else to add?

Theo G: The drama workshop

was very interesting andimportant for us, because it canhelp us to express more easilyour feelings using bodylanguage. As for me, it hashelped me a lot.

Louis and Coline: Thank youvery much for your attentionand your time, that was apleasure meeting you andtalking all together.

We would like to thank theEnglish teacher Mrs Madelon,who genuinely offered us theopportunity to interview herclass and let us discover thiswonderful activity.

Immaculée Conception par Jennifer Colin

Une institution composée d’histoires,Passée de la guerre à l’éducation

D’un champ d’observation à une salle de classe,Mais un unique la compose.

L’appréhension d’un devoir ou d’une attaque,Des élèves ou des soldats non présents,Peu importe école ou quartier général

Des valeurs avant tout.

Une foi chrétienne transmise,Des connaissances divulguées,

Des relations partagées,Des découvertes fascinantes.

Une culture enseignée,Un savoir-faire exercé,

Bref, une seule organisationL’Immaculée Conception.

Envoyez vos textes, écrits, poèmes, chansons, articles, etc. à l’adresse :[email protected] r

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EXPRESSION

Top 4 des personnages de Jeux-Vidéos m'ayant marqué par Pierre-Ambroise Gallouet

J'ai plusieurs loisirs auquotidien. Je lis, je sors, jedessine, j'écris... Et puis, jejoue à des jeux-vidéos. Unefois n'est pas coutume, jevoulais vous parler brièvementde mon expérience avec lemonde vidéoludique ! J'ai doncchoisi 5 personnages qui m'ontmarqué afin d'en parler àtravers eux. Histoire de vousavertir : je vais spoiler sanspitié. Alors, si vous désirezjouer à ces jeux et apprécierl'histoire qu'ils racontent,méfiez-vous ! Vous êtesprêt ? ... AU DERNIERÉPISODE DE GAME OFTHRONE, GEORGEMARTIN ARRIVE ET TUETOUT LE MONDE AVANTDE REPARTIR SUR LEFAUCON MILLÉNIUM !Pardon, pour cette frayeur.C'était tentant ! Bref. Allons-y !

Sans (Undertale)

Sorti en 2015, Undertale abeaucoup fait parler de lui surla toile ! C'est donc un jeu quim'a marqué très récemmentmais assez pour que j'en parle.Vous incarnez un enfant quitomba dans le royaume desmonstres. Votre mission vadonc consister à rentrer chezvous en atteignant la barrièremagique retenant tous lesmonstres sous terre. Tâcheardue ! Car, au cours de votrepériple, vous rencontrerez uneflopée de personnagesloufoques mais attachants.Parmi eux : Sans le squelette.Sans est un squelette grandcomme votre personnage,fainéant avec un amour pour

les jeux de mots et autres traitshumoristiques.

Paradoxalement, il semble êtrel'un des personnages les plusoccupés entre son poste desentinelle, de juge,d'humoriste, de vendeur dehot-dog etc... Il est le grandfrère de Papyrus, membre de lagarde royale, qui le fait enragerdevant son laisser-aller. Alors,qu'est-ce que ce personnage ad'intéressant ? Sans vient d'unmilieu scientifique où il appritl'existence d'un moyen desauvegarder pour le joueur. Apartir de là, va s'opérer undéclic chez lui : toutes sesévolutions, tout ce qu'il sepasse autour de lui n'a aucunsens. Puisque, sans crier gare,tout peut se réinitialiser etredevenir comme avant lesaventures du joueur. À partirde là, Sans va tomber dans uneespèce de nihilisme où sonsourire et sa fainéantisemasqueront son désespoir. Il vavolontairement refuser des'impliquer dans votre aventure(pour vous arrêter parexemple). Ce n'est qu'à la toutefin de la route Génocide,consistant à massacrer tous lesmonstres sans pitié, qu'il vaagir. Car ce n'est bien qu'aprèsvous avoir vu assassiner tousses amis et son frère chéri qu'ilne va plus pouvoir "n'en avoirrien à faire". Et comment va-t-il agir ? En vous faisant vivrele combat le plus "casse-dents"de votre vie contre lui. Enbref : « a bad time » !

Le Prince de Perse (Prince ofPersia: la Trilogie des Sables

du Temps)

Tout le monde commet deserreurs. Mais si vous aviez lepouvoir de remonter dans letemps, beaucoup penserait àles changer pour les fuir.L'histoire du Prince de Perseest celle-ci : un jeune princeveut prouver sa valeur auprèsde son Père. Au cours d'uneguerre contre le Maharadja, ilrécupère un artefact magique :la dague du temps. Celle-ci luioffre le pouvoir de manipulerle temps à sa guise. LeMaharadja vaincu, le père duprince s'en va chez son ami lesultan de Azad. Alors, qu'ensigne d'amitié, le roi lui offre lesablier du temps, son vizirpousse le prince à l'ouvrirgrâce à la dague.

Malgré lui, le Prince va libérerles sables du tempstransformant toutes lespersonnes du palais enmonstres. Toutes, sauf trois : lePrince, le Vizir et la fille duMahardja : Farah. Au bout denombreuses péripéties,incluant la mort du Roi dePerse des mains de son fils, lePrince et Farah vont s'allier etparvenir à changer le cours del'histoire. Ils avertissent leMaharadja de la traîtrise duVizir et tout rentre dans l'ordre.Seulement, à peine sortit duguêpier, le Prince se voitpoursuivi par le gardien duTemps : le Dahaka des mythesperses. Il parvient à le semer età se réfugier sur l'île du Temps.Parvenant à le vaincre et àsauver l'Impératrice de l’Île, lePrince part avec elle pourBabylone. Seulement, arrivéslà-bas, la ville est mise à sacpar personne d'autre que... Le

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Vizir qui n'est jamais mort àcause du retour dans le Temps.En possession de la dague dutemps, le vieillard setransforme en divinité ets'apprête à réduire enesclavage la ville. Le Prince,alors partiellement corrompupar les sables, va partir l'arrêteret apprendre que son père futtué par des monstres. Au débutjeune et orgueilleux, le Princeva tout au long de son voyageinitiatique s'assagir etapprendre à ne plus fuir seserreurs. Cette série estvéritablement emplie de poésieet nous plonge dans uneatmosphère orientalecomplètement magique. Etcomme on nous le rappelle sijoliment tout au long del'intrigue « Certains voient leTemps comme une rivière, aucours certain et tranquille.Mais je peux vous le dire : ilsse trompent ! Le Temps est unocéan en pleine tempête ! »

Jade (Beyond Good & Evil)

S'il y a un truc qui m'agace surles réseaux sociaux, ce sont lespersonnes sur les pages dejournaux. Il n'y a pas, je crois,un article sans quelqu'un pourcrier au "complot du grandméchant système", à de"l'endoctrinement" ou encore à"la manipulation des médiaspar les grands méchantspolitiques/illuminatis/capital/milliardaires/InsérerUnCroquemitaineTrèsVilainPasBeau" àchaque article ne leur faisantpas plaisir. Car, bienévidemment, un bon articledoit avant tout être en accordavec leurs idées. Bon, le sujetde cet article n'étant ni lefanatisme ni les complotistes,je ne vais pas m'étendredessus. Toutefois, quel est lelien avec ce jeu ? Et bien c'est

simple : vous incarnez... unejournaliste en herbe devantrévéler au public un complotmilitaire d'envergure. Dans cejeu, vous incarnez Jade. C'estune jeune femme journalistequi s'occupe d'orphelin dans lephare d'Hyllis. La planète estsous invasion extraterrestre.Au fil de l'aventure, Jade vadécouvrir que cette invasionest sous complicité de la forcearmée locale : les SectionsAlphas. Celles-ci kidnappentles hyliens afin de les livreraux envahisseurs. Le travail deJade, aidée par le réseau Iris,un groupe de résistants, sera dedévoiler la vérité sur cecomplot à la population. De filen aiguille, d'action en action,d'infiltration en espionnage,Jade va se révéler être plusqu'une simple hylienne. Ellesera à la fois le symbole dumensonge des militaires et,littéralement, la source despouvoirs du chef desenvahisseurs aliènes : le prêtreDomz. (D'où son attaque. Enplus, c'est une jolie allégorie dela Vérité.). Cela va donc laplacer au cœur même del'avenir de la planète, elle quipeut faire se soulever la forcedu peuple ou l'avidité destueurs. Je crois que c'est grâceà ce jeu que j'ai acquis durespect pour le journalisme.Alors à ceux prêts à insulter depauvres gens qui ne font quevous informer, écoutez messages paroles : arrêtez de ragerchez mon berger.

Le Lion Rouge (The Legendof Zelda : The Wind

Waker) : Zelda !

Ma franchise préférée de jeu-vidéo ! Poésie, action,personnages attachants,histoire épique... Quoi demieux pour me plaire ? Et le

personnage dont je vais vousparler est tiré du premier jeuZelda auquel j'ai joué. Il y alongtemps, un héros tout devert vêtu triomphait du mal.C'était le héros du Tempsd'Ocarnia of Time, triomphantde Ganondorf. Depuis, lemonde a été englouti sous lesflots et n'est plus qu'un vasteocéan parsemé d'îles. Pourquoi? Le héros du temps n'estjamais revenu. Et Ganondorf,lui, si. Les dieux, pourempêcher Ganondorffraîchement libéré de nuire (enmettant la main sur la Triforce,pouvoir divin), vont engloutirle royaume. Mais lorsqueGanon se réveilla, et àl'impulsion de ses kidnappingsde jeunes filles aux oreillespointues, le bateau nommé"Lion Rouge" va se réveiller.Le Lion Rouge est le bateau deLink, le héros principal desjeux. Il s'agit d'un bateauparlant à tête de lion est decouleur... ben rouge. Il est lecompagnon de notre jeunehéros dans sa quête.

Au milieu de l'aventure, il varévéler sa véritable identité : leroi défunt du royaumed'Hyrule. C'est une âme perduequi n'a pu se détacher de laterre par amour de sonroyaume. Royaume, dont il nereste plus que le château et unemaigre bande de terreprotégées sous les flots par lesdieux. Ce n'est qu'à la toute findu jeu qu'il parvient enfin à sedétacher du passé et à accepterde confier le flambeau à lanouvelle génération. Il va alorsdemander aux dieux dedétruire pour de bon Hyrule et

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de donner un avenir à Link etZelda, qu'il appelleaffectueusement « sesenfants ». Il est l'exemple del'adulte qui refuse de céder laplace, hanté par la gloire du

passé qu'il contemple autravers d'artefacts sans valeur.En cela, sa fin est belle. Et elleest d'autant plus belle qu'elle aannoncé un souffle nouveaudans la saga : une renaissance

d'Hyrule débarrassé des cyclesde la haine. Et c'est peut-êtreça qui est beau : ce phœnixrenaissant éternellement de lacendre.

Opinion par Anne Dubouch

Maman fut choquée lorsqu'ellel'apprit. Elle dit c'estl'Apocalypse, et son visagetout déconfit le confirmait. Jene pouvais pas comprendre sapensée : rien de grave ne s'étaitpassé, alors pourquoi penser àune future éventuellecatastrophe ? Les médiasavaient donné une mauvaiseimage de LUI, et maman setrouvait influencée par eux.Elle n'avait pas d'opinionpersonnelle, donc elle suivaitjuste les idées actuelles. Elle

me décevait. Papa déclara quec'était une bonne chose. Il ditque le pays avait besoin d'unhomme énergique et déterminépour le guider. Son souriretraduisait son sentimententhousiaste. Je pouvaiscomprendre qu'un hommeénergique serait utile à lanation, qu'il redonnerait dutravail aux chômeurs, qu'ilréduirait l'immigrationclandestine, mais je ne pouvaispas voir une personne avec unpetit peu d'expérience en

politique prendre le pouvoir.De plus, IL était raciste...Quant à moi, je n'étais ni pourquelqu'un, ni contre qui que cesoit : j'étais tout simplementperdue. Je ne pouvais paschoisir de camp, puisque lesopinions des médias étaient encontradiction avec les autres,donc il n'y avait pas de vérité.Tout cela me fatiguait. DonaldTrump était élu auxPrésidentielles aux États-Unis,et bientôt il vivrait à la MaisonBlanche.

Quelques conseils autour des élections par Pierre-Ambroise Gallouet

Ça peut paraître évident maison consulte les programmes dechaque candidat avant de voterpour l'un d'eux. Cela vouspermettra de savoir lequel estplus en accord avec vosconvictions intimes et laraison. On ne dirait peut-êtrepas ainsi, mais de nombreusespersonnes votent plus pour unparti ou une tête qu'unprogramme. Bien sûr qu'il estimportant de voir lapersonnalité du candidat !Toutefois, ce n'est pas parcequ'un Adolf Hitler paraissaitsympathique en 1933 qu'illaissa une Allemagne biengrande à sa sortie... (Et hop! 1point Godwin facile!)*

Ne consultez pas les réseauxsociaux pour en apprendre plussur un candidat. Les réseauxsociaux sont souvent unfourre-tout de ragots, rumeurs,

on-dits etc. Et pour cause : ilsne sont pas informés etspécialistes ! Oui oui. C'est durà croire mais Internet n'est pasle refuge de la Vérité. Même siAntoine Daniel disait que «toutce qui est sur Internet estvrai» ! N'ayez pas peur deconsulter des livres émanant dedes spécialistes ou toutsimplement les sites officielsdes partis afin de tenir poursûres vos informations.*

Je sais que c'est une traditionsur le net, mais ne vous laissezpas abuser par ceux qui disentque le grand méchant«système» est secrètementdirigé par les banques, lesriches, les européens, lesaméricains... Et pourquoi pasles illumatis, les reptiliens oules reptilluminazis tant qu'on yest ? D'abord, il va falloir leprouver... et c'est généralement

là où les complotistes onttendance à perdre patience...Hein? Quoi? Mais non je nesuis pas dans le complotvoyons! Quelle question! rirejaune*

Ne partez pas du principe quevotre vote ne sert à rien. Biensûr qu'il sert à quelque chose !À exprimer son opinion. Ceserait illusoire de se dire queson seul vote a peu de pouvoir.D'abord, car si vous raisonnezà l'échelle 1 contre 60 millions,évidemment que vous pèserezmoins que ces millions degens. Vous n'êtes pas lenombril du monde quandmême! Ensuite, si vousraisonnez sur le principe de «sion perd ça sert à rien », non carvous aurez exprimé dansquelle partie de la populationvous vous trouvezidéologiquement. Si un (bon)

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candidat gagne une élection à51% contre 49%, il aurait toutintérêt à tendre un peu l'oreillevers son opposition car il nedisposerait pas d'une majoritéconfortable comme un DeGaulle.* Plaît-il? Si aucuncandidat ne vous sied quefaire? C'est simple: voterblanc. Au moins vous aurezexprimé votre indécision. Car,dans le cas où vous penserezqu'il est préférable de

s'abstenir, ne venez pas vousplaindre après que descandidats ne vous plaisant passoient élus: vous ne pourrezpas dire grand-chose. Vousavez refusé de vous exprimer.Tant pis! «Tant fait pas monp'tit loup, c'est la vie ne pleurepas» comme disait Perret. Vousme trouvez acide ? Il y a dequoi : nos ancêtres se sontbattus pour obtenir le pouvoirde s'exprimer et d'être un poids

dans la vie politique. Simaintenant, on crache dans lasoupe, nous nous mettons endanger nous-mêmes : onaccepterait volontairement dene plus avoir ce pouvoir dedécision. Et pour des gens quihaïssent la dictature, cela seraitironique. Le vote est un droitde citoyen. Alors, tous auxurnes !

La Méditerrannée – photo prise par Giorgos Moutafis et publiée dans The Guardian

Mamahba, Guinéen de 17 ans, secouru au large de la Libye par le chalutier Golfo Azzurro

Envie de réagir ?Envoyez vos écrits à l‘adresse : [email protected]

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