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LE TAURILLON DANS L’ARÈNE FEVRIER 2014 1 Sommaire : L’Italia, un paese a vocazione europea p.2 Pourquoi un retour au franc serait catastrophique p.3 La garantie européenne pour la jeunesse : un simple effet d’annonce ? p.4 Ukraine guerre civile ou guerre des blocs ? p.5 Erasmus, la renaissance p.6 Les origines antiques de la pensée de l’Europe p.7 Prostitution : la France doit-elle suivre le modèle Suédois ? p.8 Rencontre avec Pauline Tangess p.9 Sotchi : place au sport ! p.10 Schumacher, le sportif qui ne voulait pas s’arrêter p.11 Objectif sur Helsinki p.12 Avrupa Birliği N°18 Rappelons cependant que la décision de soumettre au référendum l’adhésion d’un nouvel Etat au sein de l’UE est le fruit de la réforme constitu- tionnelle de 2008 appuyée par l’ancien chef de l’Etat français. D’aucuns esti- ment d’ailleurs que ce recours au réfé- rendum traduisait la volonté de M.Sarkozy de verrouiller une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union Euro- péenne. De plus, le président de la république peut décider de soumettre cette adhésion au Parlement réuni en Congrès, qui peut alors ratifier le traité d’adhésion d’un nouveau membre en réunissant la majo- rité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. En définitive, la révision cons- titutionnelle de 2008 accorde au chef de l’Etat français le droit de soumettre au peuple ou aux parlementaires l’adhésion d’un nouveau membre. Il est pour l’instant peu proba- ble que le peuple français émette un avis favorable sur cette cohabitation commu- nautaire. Il est d’ailleurs peu probable que la ratification de ce traité se décide sous la présidence de François Hollande, quand bien même il serait reconduit pour un deuxième mandat. Cette déclaration a donc peu de valeur, si ce n’est symboli- que. Les manifestations qui ont secoué la place Taksim l’an dernier nous rappellent que malgré son désir de mon- trer patte blanche, le gouvernement turc a encore des efforts à fournir en matière de consultation des citoyens. Le scandale de corruption qui s’est abattu récemment sur les proches de Recep Tayyip Erdoğan nous rappelle aussi que la Turquie n’est pas épargnée par les vices qui touchent tout pays en pleine expansion économi- que. Néanmoins, si Ankara poursuit ses efforts d’intégration à l’Union, deux choix s’offriront à nous. L’enjeu sera d’appeler chacun à prendre une décision réfléchie qui s’émancipe des préjugés culturels ou religieux. Prendre en consi- dération les données géographiques, économiques, stratégiques et politiques est la première chose à faire. «Unie dans la diversité» est une devise européenne, dont l’obstacle ne réside pas dans l’arri- vée de nouveaux acteurs mais dans la volonté de les intégrer. Ne l’oublions pas ! Théo Girard En janvier, le Président François Hollande a déclaré lors de sa visite en Turquie que l’adhésion de ce pays au sein du concert européen serait soumise dans l’Hexagone à la sentence du référendum. Cette déclaration, venue agrémenter une visite essentiellement motivée par la volonté de conclure un certain nombre d’accords à enjeux économiques et stratégiques, vient confirmer la reprise positive des relations diplomatiques entre Paris et Ankara. En effet, lorsque Nicolas Sarkozy résidait à l’Elysée, la question du génocide arménien et l’hostilité affichée de l’ancien président de la République à l’encontre d’une adhésion de la Turquie dans l’Union avait fait se lever un vent mauvais entre les deux Etats.

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Page 1: Taurillon dans l'Arène Février 2014

LE TAURILLON DANS L’ARÈNE ! FEVRIER 2014

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1

Sommaire :

L’Italia, un paese a vocazione europea p.2

Pourquoi un retour au franc serait catastrophique p.3

La garantie européenne pour la jeunesse : un simple effet d’annonce ? p.4

Ukraine guerre civile ou guerre des blocs ? p.5

Erasmus, la renaissance p.6

Les origines antiques de la pensée de l’Europe p.7

Prostitution : la France doit-elle suivre le modèle Suédois ? p.8

Rencontre avec Pauline Tangess p.9

Sotchi : place au sport ! p.10

Schumacher, le sportif qui ne voulait pas s’arrêter p.11

Objectif sur Helsinki p.12

Avrupa Birliği

N°18

Rappelons cependant que la décision de soumettre au référendum l’adhésion d’un nouvel Etat au sein de l’UE est le fruit de la réforme constitu-tionnelle de 2008 appuyée par l’ancien chef de l’Etat français. D’aucuns esti-ment d’ailleurs que ce recours au réfé-rendum traduisait la volonté de M.Sarkozy de verrouiller une éventuelle adhésion de la Turquie à l’Union Euro-péenne. De plus, le président de la république peut décider de soumettre cette adhésion au Parlement réuni en Congrès, qui peut alors ratifier le traité d’adhésion d’un nouveau membre en réunissant la majo-rité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. En définitive, la révision cons-titutionnelle de 2008 accorde au chef de l’Etat français le droit de soumettre au

peuple ou aux parlementaires l’adhésion d’un nouveau membre.

Il est pour l’instant peu proba-ble que le peuple français émette un avis favorable sur cette cohabitation commu-nautaire. Il est d’ailleurs peu probable que la ratification de ce traité se décide sous la présidence de François Hollande, quand bien même il serait reconduit pour un deuxième mandat. Cette déclaration a donc peu de valeur, si ce n’est symboli-que. Les manifestations qui ont secoué la place Taksim l’an dernier nous rappellent que malgré son désir de mon-trer patte blanche, le gouvernement turc a encore des efforts à fournir en matière de consultation des citoyens. Le scandale de corruption qui s’est abattu récemment

sur les proches de Recep Tayyip Erdoğan nous rappelle aussi que la Turquie n’est pas épargnée par les vices qui touchent tout pays en pleine expansion économi-que. Néanmoins, si Ankara poursuit ses efforts d’intégration à l’Union, deux choix s’offriront à nous. L’enjeu sera d’appeler chacun à prendre une décision réfléchie qui s’émancipe des préjugés culturels ou religieux. Prendre en consi-dération les données géographiques, économiques, stratégiques et politiques est la première chose à faire. «Unie dans la diversité» est une devise européenne, dont l’obstacle ne réside pas dans l’arri-vée de nouveaux acteurs mais dans la volonté de les intégrer. Ne l’oublions pas !

Théo Girard

En janvier, le Président François Hollande a déclaré lors de sa visite en Turquie que l’adhésion de ce pays au sein du concert européen serait soumise dans l’Hexagone à la sentence du référendum. Cette déclaration, venue agrémenter une visite essentiellement motivée par la volonté de conclure un certain nombre d’accords à enjeux économiques et stratégiques, vient confirmer la reprise positive des relations diplomatiques entre Paris et Ankara. En effet, lorsque Nicolas Sarkozy résidait à l’Elysée, la question du génocide arménien et l’hostilité affichée de l’ancien président de la République à l’encontre d’une adhésion de la Turquie dans l’Union avait fait se lever un vent mauvais entre les deux Etats.

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L’ITALIA, UN PAESE A VOCAZIONE EUROPEA

L'Italia è sempre stata al centro del progetto europeo. L'impero romano d'Occidente ha contribuito a formare l'idea europea; il latino, il diritto civile e la religione cattolica hanno lasciato un'eredità incontestabile per la nostra odierna Europa.

Questa vocazione europeista dell'Italia si è manifestata nel corso del processo d’integrazione che ha dato vita all'attuale Unione europea. In effetti, l'Italia è uno dei Paesi fondatori della Comunità economica europea. Questo ruolo di attore protagonista nel processo di costruzione europea è cominciato nel 1941 quando Altiero Spinelli (l'autore della prima Costituzione europea) ed Ernesto Rossi scrissero i principi di un manifesto per il federalismo europeo. Più di altri Paesi, l'Italia ha sempre manifestato un profondo sostegno al processo d'integrazione europea. In effetti, l'identità europea e quella nazionale sono state messe sullo stesso piano, visto che gli italiani, dopo l’esperienza del Fascismo, erano, più di altri popoli, disposti a lasciar da parte gli eccessi nazionalistici a favore del progetto di costruzione europea. L’Europa è stata d’altronde, a partire dal 1957, la principale artefice del boom economico dell’Italia. L’abolizione delle barriere doganali tra i paesi fondatori della Comunità economica europea rappresento’ una formidabile occasione di crescita per l’economia italiana. E questo sostegno dell'Italia al processo d'integrazione europea è continuato, ed è visibile, in primo luogo, nell'opinione pubblica. In effetti, nel corso degli anni, gli italiani si sono mostrati fra i più favorevoli all'unità politica dell’Europa. Questo spiega perché nella fase di preparazione all’entrata nell’Euro, malgrado la grave crisi economica che colpiva il paese, gli italiani hanno accettato le pesanti misure di austerità che il governo di allora aveva imposto per far entrare l’Italia della zona euro. E tutto questo mentre autorevoli partner dell’Italia, come la Germania, si dimostravano scettici sulle possibilità dell’Italia di entrar a far parte della moneta unica.

Anche se gli ultimi governi Berlusconi hanno contribuito a scalfire lo slancio europeista del paese, l'Italia rimane un Paese eurofilo. Meno sensibile, rispetto ai suoi partner, alla crisi di legitimità attraversata dall'Unione europea, la crisi economica ha spinto gli italiani, più che a mettere in discussione l'Unione, ad accettare pesanti riforme del Welfare State (aumento delle imposte locali, riforma delle pensioni...). La Lega del Nord, un movimento xenofobo e anti-europeista, ha recentemente conosciuto un tracollo elettorale, e le più alte cariche istituzionali non fanno mistero del loro attaccamento all'Unione europea. Laura Boldrini, presidente della Camera

dei deputati, ha ricevuto, quando è stata eletta, gli auguri del presidente del Consiglio italiano del Movimento europeo, Pier Virgilio Dastoli, che ha lodato la sua ispirazione federalista. La stessa che anima il Presidente del Consiglio, Enrico Letta, euopeista convinto, che ha co-fondato, nel 2003, il think tank EuropaNova. Letta è stato, dal 2004 al 2006, deputato europeo nel gruppo ADLE (Alleanza dei Democratici e dei Liberali per l'Europa), gruppo parlamentare particolarmente eurofilo.

«L'Europa è il nostro viaggio, scritto da noi stessi, è il nostro orizzonte», ha dichiarato recentemente Enrico Letta. Questa visione europeista, condivisa dalla maggioranza degli italiani, ci spinge a nutrire qualche speranza sul destino dell'Unione europea, spesso troppo maltrattata e denigrata.

Johanna Baysse

Alcide De Gasperi

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A l’approche des élections municipales des 23 et 30 mars mais surtout des élections européennes du 25 mai 2014, il convient d’anticiper les débats entre les différents partis. Parmi ces partis, le Front National se démarque par ses posi-tions souverainistes qui pourraient lui permettre de surfer sur la vague eurosceptique actuelle. Lors de la présidence de Jean-Marie Le Pen (1972-2011), le parti axait sa rhétorique électo-rale essentiellement sur les questions identitaires (immigration et insécurité). L’ascension de Marine Le Pen au Front National a changé la donne, et un thème revient comme un gimmick depuis la crise : celui du retour au franc.

Dans le programme du Front National, de nombreu-ses attaques sont faites à la monnaie unique et un retour au franc fait partie des propositions du parti. En effet, en parcou-rant le programme frontiste, nous pouvons lire qu’ « alors que les vices de l’euro avaient été dénoncés et son échec annoncé dès avant sa naissance non seulement par le Front National mais par les meilleurs économistes, dont les prix Nobel Milton Friedman et Maurice Allais. ». Le programme ne s’arrête pas à une critique de l’euro, il va plus loin : « la France doit pré-parer, avec ses partenaires européens, l’arrêt de l’expérience malheureuse de l’euro, et le retour bénéfique aux monnaies nationales qui permettra une dévaluation compétitive pour oxygéner notre économie et retrouver la voie de la prospérité. Le couple franco-allemand doit jouer ce rôle moteur dans cette concertation et cet arrêt programmé de l’expérience de l’euro ». Ainsi le Front National souhaite un retour aux mon-naies nationales, et que ce retour se fasse conjointement par tous les états membres de la zone euro. Pour appuyer ses dires, le parti national-populiste cite des noms d’économistes presti-gieux ou des rapports scientifiques qui semblent rendre possi-ble et souhaitable un retour au franc.

Il n’en est rien. L’euro est en circulation depuis le 1er janvier 2002, au départ dans 12 pays, aujourd’hui dans 18 pays avec l’entrée de la Lettonie dans la zone euro (UEM) au 1er janvier 2014. Même si l’euro en tant que monnaie, et la zone euro en tant qu’Union Economique et Monétaire sont loin d’être parfaits, un retour au franc serait catastrophique et ce pour deux raisons : politique et économique. L’UEM est le stade quasi ultime de la construction européenne débutée avec la CECA en 1951 et le Marché commun de 1957. Et cette coopération économique va de pair avec la coopération politi-que et la volonté de construire une Europe pacifiée. L’euro en tant que monnaie est un symbole fort de cette construction politico-économique. En effet la monnaie possède les fonc-tions classiques d’unité de compte, d’intermédiaire des échan-ges et de réserve de valeurs. En reprenant l’approche institu-tionnaliste de la monnaie de Michel Aglietta et d’André Or-léan, la monnaie possède une autre fonction. En effet celle-ci « est un rapport social », c’est un lien institutionnel qui unit plusieurs acteurs, et dans le cas de l’UEM elle unit directe-ment les 18 pays qui la composent. Revenir aux monnaies nationales ce serait casser ce lien institutionnel et in fine la construction européenne. D’un point de vue plus économique et pragmatique, un retour au franc entrainerait un renchérisse-ment de tous les produits importés, le franc ne pouvant être aussi fort et crédible que l’euro. La France n’étant pas énergé-tiquement indépendante, les coûts de production des entrepri-ses augmenteraient. Un retour au franc serait également un mauvais signal envoyé à nos partenaires économiques. Si la France adopte des mesures protectionnistes, il sera difficile de profiter d’une monnaie dévaluée dans les performances à l’ex-portation de l’économie française. En effet il serait utopique de croire que les états partenaires ne modifieraient pas leur attitude vis-à-vis de la France. La majorité des échanges de la

France se fait dans la zone euro, d’une part par la proximité géographique, his-torique et culturelle, mais également grâce au régime de change fixe au sein de la zone. Un retour au franc serait synonyme à un retour au régime de change flottant ce qui fragiliserait les échanges avec ces pays.

L’euro et l’action de la Banque Centrale Européenne peuvent et doivent être cri-tiqués tant le manque d’une réelle politi-que de change est criant, et tant le man-que de souplesse de l’euro face à la mo-saïque de situations économiques des pays de la zone euro suscite parfois in-compréhension et colère. Mais la mon-naie unique, même imparfaite, protège les pays de la zone et leur permet d’in-teragir dans de bonnes conditions. Le combat politique ne doit donc pas aller contre la zone euro, il doit aller vers une meilleure zone euro permettant de mieux répondre aux exigences actuelles.

Léo Renaudin

Pourquoi un retour au franc serait catastrophique

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Le 22 avril dernier, les États membres de l'Union Européenne ont adopté une recommandation instaurant une « garantie jeunesse » dans l'ensemble de l'Union européenne. Cette nouvelle initiative vise à lutter contre le chômage des jeunes en Europe en facilitant leur réintégration dans le marché du travail. Ainsi, tous les jeunes de moins de 25 ans devraient dès à présent se voir proposer une offre pour un emploi, une formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement ou la perte de leur emploi.

Depuis quelques mois, les chefs d'Etat et de gouvernement, France et Allemagne en tête, se félicitent largement de ce nouvel accord. « Le futur de notre continent repose sur les perspectives que nous pouvons offrir aux jeunes » souligne Angela Merkel. Pour François Hollande, cette mesure permettra une « action rapide » garantissant « la solidarité ». Mais qu'en est-il réellement ? S'agit-il véritablement d'une mesure révolutionnaire ou plutôt d'un simple effet d'annonce?

Le taux de chômage des jeunes en Europe est particulièrement élevé. En 2013, 23,6% des moins de 25 ans étaient à la recherche d'un emploi, soit 5,7 millions de jeunes dans l'ensemble de l'Union. En Italie ou au Portugal, ce taux s'élève à plus de 30%, les cas les plus alarmants étant l'Espagne (57,7%) et la Grèce (54,8%). Les conséquences sociales et économiques de la non-intégration des jeunes dans le marché du travail sont bien évidemment dramatiques. En 2011, Eurofound a estimé que les pertes annuelles de cette non-intégration s'élevaient à 153 milliards d'euro. Parallèlement, l'Organisation Internationale du Travail (OIT) a estimé à 21 milliards d'euros par an le coût total de la mise en place de ce nouveau dispositif. L'inaction semble donc beaucoup plus coûteuse que l'introduction d'une nouvelle mesure de lutte contre le chômage.

En ce qui concerne la mise en place pratique de la garantie, les financements devraient être directement versés, par l'intermédiaire du Fonds Social Européen, aux régions dont le taux de chômage des jeunes est particulièrement élevé. De même, l'engagement des partenaires sociaux sera essentiel pour assurer une application efficace de la mesure.Preuve de sa vertu, l'exemple de certains de nos voisins européens (Finlande, Suède) ne manquent pas d'être avancés. Le modèle autrichien notamment propose une « garantie

d'emploi et de formation » pour les jeunes entre 19 et 24 ans, veillant à ce que les jeunes chômeurs se voient offrir un emploi dans les six premiers mois suivant leur inscription au Service Public pour l'Emploi.

À première vue, cette nouvelle initiative semble donc être le remède tant attendu pour lutter contre le chômage des jeunes... rien de révolutionnaire pourtant.

Il ne s'agit tout d'abord que d'une recommandation, soit d'une simple incitation adressée aux États membres. Aucune sanction n'étant prévue, il nous faudra compter sur leur seule bonne volonté pour mettre en place cette mesure. La pratique vient conforter cette idée. En effet, ce principe avait déjà été introduit en 2005 par le Conseil. Depuis, celui-ci, mais aussi la Commission et le Parlement n'ont fait que réitérer leurs incitations à l'égard des États membres. Et si l'acte a enfin été décidé en avril dernier, la majeure partie des États discutent encore sur les mesures concrètes et conditions d'application à prévoir.. la mise en place de cette « mesure d'urgence » dans une telle « situation de crise » se fait donc encore attendre.

Au 1er janvier 2014, c'est avec satisfaction qu'a été annoncé le déblocage des fonds. Pourtant en pratique, seulement 6 milliards d'euros ont été mis sur la table pour l'ensemble de la période 2014-2020. Une somme bien dérisoire pour lutter contre le chômage des jeunes dans l'ensemble de l'Union européenne, notamment lorsqu'on la compare aux milliards dépensés pour sauver le système banquier européen.

Enfin, un point rarement abordé est celui de la qualité des offres proposées dans le cadre de cette mesure. Bien nombreux sont les employeurs qui utilisent les stagiaires comme force de travail peu coûteuse. Ainsi, il est à craindre qu'ils ne profitent de cette mesure et de ses financements pour proposer des stages peu ou prou rémunérés, aux conditions médiocres, plutôt qu'un emploi de long terme.

Une garantie européenne pour la jeunesse n'est pas une mesure inintéressante. Bien au contraire, elle montre bien que le chômage des jeunes est une préoccupation grandissante en Europe et qu'il existe une certaine prise de conscience. Pourtant, elle reste encore largement insuffisante. Ce n'est pas seulement une question de financement. Il s'agit également d'être cohérent dans ses actes. Ainsi, il semble paradoxal d'annoncer vouloir combattre le chômage des jeunes tout en soumettant certains pays européens à des restrictions budgétaires drastiques. De grands plans d'investissement pourraient être lancés à l'échelle européenne, favorisant par exemple le développement des énergies du futur – à l'exemple du tournant énergétique allemand – et la création des nouveaux emplois qui y seront associés. Ce dont nous avons réellement besoin ne peut se résumer à des mesures de compensation dérisoires.

Tiphaine Milliez

LA GARANTIE EUROPÉENNE POUR LA JEUNESSE : UN SIMPLE EFFET D’ANNONCE ?

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UKRAINE : GUERRE CIVILE OU GUERRE DES BLOCS ?

C'est à Munich, lors d'un sommet consacré aux questions de sécurité, que les représentants ukrainiens du pouvoir en place et de l'opposition se sont rencontrés le 1er février dernier.

Ce fut l'occasion pour le minis t re des affa i res é t rangères ukra in ien , L e o n i d K o z h a r a , d e revenir sur l'accord d'association avec l'Union européenne que son pays avait décidé de rejeter au mois de novembre après des mois de négociation entre les différents acteurs.

Le chef de la diplomatie ukrainienne a notamment r e c o n n u d e v a n t l e s autorités en présence que cette décision impromptue était le résultat d'une « très attractive proposition russe », manière élégante de reprocher à l'Union européenne son manque d'apports financiers à une époque où l'Ukraine connait des difficultés économiques majeures.

Ainsi, si Bruxelles apparaît mesurée, Moscou laisse quant à elle espérer à Kiev une coopération économique de plus de 15 milliards d'euros et des tarifs du gaz extrêmement avantageux. La Russie faisant feu de tout bois pour parvenir à ses fins, notons que ces promesses sont apparues après des mois de contrôle des frontières et de menaces de rétorsion adressées au président Ianoukovitch en cas de signature de l'accord avec l'Union européenne.

Pour le représentant de l'opposition, Vitali Klychko, ce renoncement à l'accord d'association a été l'élément déclencheur du conflit qui s'est durci depuis la mi-janvier.

Mais comment un simple accord international de coopération a-t-il pu conduire les Ukrainiens au bord de la guerre civile ?

La réponse se trouve en partie dans l'espérance qu'incarne l'Union européenne. Comme le confie un jeune manifestant interrogé par Le Monde*, « on a le choix entre deux civilisations. Entre l'Europe et la Russie. Entre la démocratie et l'autocratie ». L'Europe incarne la paix et la prospérité, la liberté de circulation et celle d'entreprendre, le respect des droits et libertés fondamentales.

Aux antipodes de cette Europe, la Russie évoque pour une grande partie du peuple ukrainien le souvenir douloureux de l'URSS, qui, moins de vingt-cinq ans auparavant, conduisait depuis Moscou les affaires intérieures de l'Ukraine.

Cependant, Vladimir Poutine semble déterminé à reconstituer un espace de domination et à mener à son terme cette lutte d'influence. Si pour l'instant Kiev semble avoir fait le choix de la Russie, l'Union eurasienne dont rêve Vladimir Poutine n'est pas pour demain.

Les autorités bruxelloises, accusées d'ingérence par Moscou, doivent continuer, à l'instar de Catherine Ashton, à se rendre en Ukraine et à tenter de trouver une issue diplomatique à ce conflit.

C'est d'ailleurs ce qu'ont cherché à faire José Manuel Barroso et Herman Van Rompuy lors de la visite à Bruxelles de Vladimir Poutine, en vain tant ce dernier est attaché à la logique datée de bloc contre bloc. Il ne fait pourtant aucun doute que la Russie gagnerait à un rapprochement de l'Ukraine avec l'Union européenne, tant sur le plan commercial que politique.

Dans les jours à venir, les autorités bruxelloises devront prendre leurs responsabilités et défendre leurs valeurs. Pour cela, il semble indispensable de proposer davantage à l'Ukraine en termes économiques comme politiques, mais aussi de répondre à l'arrogance de la Russie par des mesures claires, en refusant par exemple toute nouvelle coopération commerciale dans ce contexte.

L'Union européenne doit cesser d'être le dindon de la farce et avoir conscience des atouts dont elle dispose dans la résolution de ce conflit entre guerre civile et guerre des blocs.

Alexandre Fongaro

* article de Claire Gatinois, Le Monde, 28/01/2014

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L’Europe n’est pas une construction nouvelle. Si le vingtième siècle a fondé l’Union européenne, il n’a fait que donné corps à une pensée européenne plus ancienne qui trouve notamment ses origines dans l’Antiquité grecque et latine. Renouer avec la pensée européenne antique c’est comprendre avec l’essence même du mot Europe son universalité. Une universalité qui permet notamment de saisir avec les origines du concept d’Eu-rope, celles de l’identité européenne dans sa pluralité.L’Europe est un mythe, une idée, un territoire, un art de vivre qu’il faut penser « aux anciens parapets » comme le disait justement Rimbaud.

Du mot et du mythe Europe

Le mot « Europe » n’est que peu utilisé dans le monde antique. Europe est avant tout un mythe, celui d’une jeune princesse enlevée par Zeus. Alors qu’elle cueillait des fleurs dans une prairie, Europe, fille d’Agénor roi de Phénicie, aperçut un beau taureau blanc. Zeus ainsi transformé s’approcha de la jeune fille qui monta sur son dos. Il se précipita vers le rivage le plus proche et rejoint la Crête où les deux amants s’unirent sous un Platane. De leur union naquit la race des Minoens. Ce mythe est présent dans l’imaginaire antique grec et latin. Il apparaît notamment dans les Métamorphoses d’Ovide ou sur les fres-ques murales de Pompéi.

Si comme l’écrivait Paul Valéry dans Note (ou l’Européen) en 1924 les fondements de la pensée européenne sont présents dans la philosophie grecque, peu de philosophes emploient le mot Europe, que ce soient les grands tragiques du Ve siècle ou même Platon. Ainsi cette « machine à fabriquer la civilisation » qu’est la philosophie grecque ne construit-elle pas une pen-sée européenne universelle, un concept fondé sur le mot et l’imaginaire mythique d’Europe qui serait le fondement origi-nel de l’identité et civilisation européenne. Dès lors il faut revenir à cette idée que la notion d’Europe n’a pas de relation d’identité avec celle de civilisation.

Comme l’écrivait Aristote, utiliser le terme Europe sert à diffé-rencier les Grecs de leurs voisins, ces barbares Les Européens sont dans ses écrits ceux qui forment des nations qui manquent « d’organisation politique et de capacité à gouverner leurs voisins. »

Des constructions historiques de l’universalité et de l’iden-tité de l’Europe

Les anciens n’ont pas réellement pensé l’Europe, ils lui ont donné un contenu mythologique et géographique. Elle n’a alors pas d’individualité mais est une expression géographique. Le poète Hésiode qui aurait été le premier à employer le terme à la fin du VIIIe siècle avant Jésus-Christ opposait « ceux qui vivent dans le riche Péloponnèse et ceux de l’Europe ». C’est seulement trois siècles plus tard qu’Hérodote écrivait à propos des trois parties composant la terre : Asie, Libye et Europe. La partie Europe s’étendrait vers l’Est jusqu’au Tanaïs (Don), au Nord après l’Ister (Danube). Des limites géographiques peu claires de l’Europe Thyrienne qui comme le voudrait le mythe s’étendrait « de Phénicie en Crète et de Crète en Lycie ».

C’est donc l’Histoire qui a formé un concept du mot Europe. Comme l’énonça Paul Valéry en 1922 lors d’une Conférence à Zurich, les origines de ce concept sont tripartites et esquissent les contours d’une identité européenne. Ainsi Paul Valéry ex-plicite-t-il que « toute race et toute terre qui a été successive-ment romanisée, christianisée et soumise, quant à l’esprit, à la discipline des Grecs, est absolument européenne ».

De Rome à Athènes, les origines de l’Europe sont éminem-ment politiques. Celles d’une pensée de la cité « idéale » dont le citoyen en est le cœur. Rome donne à l’Europe la Républi-que, née au forum dès 509 avant Jésus-Christ. « Senatus popu-lusque romanus » est plus que la devise de la République Ro-maine, un système politique. La République, c’est la « Res Publica », la chose publique qui concerne à la fois les patri-ciens et les plébéiens.

La Grèce antique a donné quant à elle à l’Europe une origine politique, celle d’un concept : la cité. La cité idéale conceptua-lisée par des philosophes illustres comme Aristote et Platon, trouve sa réalisation effective sur l’Agora d’Athènes. C’est la démocratie athénienne qui est envisagée pour la première fois en 480 avant Jésus-Christ lors de la bataille de Salamine. La Démocratie qui vient du grec « kratos » et « demos » est le pouvoir qui appartient au peuple. Le Christianisme a quant à lui contribué à unifier les territoires et les peuples autour d’une culture commune. L’expression consacrée à cette unification est alors « l’Europa Christiana » qui trouvera notamment son apogée au Moyen-Age avec les Croisades.

Dans le monde antique l’Europe en tant que construction poli-tique, économique et culturelle n’a pas de réalité effective. Car l’Europe ne désigne alors même pas un territoire unifié mais fait référence à un mythe et fait partie de l’imaginaire artisti-que.

De même, l’Europe ne fonde pas la civilisation occidentale, celle des futurs peuples qui seront au cœur du noyau commu-nautaire européen. Elle est construite par l’Histoire. Si l’Eu-rope est universelle, parfois pensée comme l’expression politi-que d’une cité idéale, c’est aussi parce qu’elle trouve son uni-versalité dans la pluralité de ses identités et ses fondements dans un système politique grec et latin : celui du gouvernement du peuple par le peuple. Un concept politique qui sera d’ailleurs conceptualisé et porté aux nues par les philosophes des Lumières qui ne cesseront de penser le Politique avec la République Romaine et la Démocratie Grecque. Aujourd’hui, alors que chaque peuple et chaque nation subit les effets de la crise, l’Union européenne devrait se rappeler de son héritage. Forte de sa pluralité et de son universalité, l’Europe n’est pas qu’une unification régionale. Elle est également une idée et l’expression d’un lien ineffable entre les Européens qui parti-cipent au même destin et regardent vers le même horizon.

Laurène Vernet, Doctorante en Histoire des Relations internationales

LES ORIGINES ANTIQUES DE LA PENSÉE DE L’EUROPE

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La   chronique   d’une   mort   annoncée   a   pour   point   de   départ  l’année  2012.  De   nombreux   députés   européens   tirent  alors   la  sonnette  d’alarme  :  Erasmus  est  en  cessation  de  paiement.  A   la  suite  de  cela,  le  budget  prévisionnel  proposé  par  la  Commission  semble   en   creuser  un  peu  plus   la   tombe   :   une   baisse  de   son  Cinancement,  des  ambitions  dérisoires.Mais   le  sauvetage  aura  lieu,  grâce  à  la  conviction  partagée  par  tous   qu’Erasmus  est  un  programme  essentiel  à  la  construction  européenne  et  qu’il  est   d’un  secours   indispensable  à  cette   jeu-­‐nesse  victime  de  la  crise  économique.C’est   sous   l’apparence  d’Erasmus  +  que   le   très   populaire   pro-­‐gramme  d’aide  à  la  mobilité  renaît  aujourd’hui  de  ses  cendres.

Si   le   nouveau  budget  européen  2014-­‐2020  doit   faire   face   à  une  amputation  conséquente,  le  fameux  programme  Erasmus  échappe  lui  à  la  règle,  et  bénéBicie  même  d’une  augmentation  de   40%  de   ses  moyens  et  d’une   refonte   de   son   squelette   en  un  seul  programme  nommé  Erasmus  +.  Il   semble   que   la  mo-­‐bilité   et   la   coopération   des   secteurs   de   l’éducation   et   des  jeunes  européens  aient  été  hissées  au  rang  de  priorité  par  les  Institutions  européennes.  A  l’I-­‐boat  le  16  janvier,  lors  de   l’ou-­‐verture   ofBicielle   du   tout   nouvel   Erasmus   +   organisée   par  l’agence  2e2f  (Agence  Europe-­‐Education-­‐Formation-­‐France),  Mme   Conway-­‐Mouret,   ministre   déléguée   aux   Français   de  l’étranger  s’exprimait  en  ces  termes  :  «  Erasmus  est  la  traduc-­‐tion  d’une  volonté  en  acte.  C’est  un  choix  résolu  et   emblémati-­‐que  des   institutions,   des   gouvernements   et   des   peuples   euro-­‐péens.  Erasmus  est  aussi   l’incarnation  d’une  Europe  de   la  con-­‐naissance   ;   une   connaissance   riche   de   la   confrontation   des  cultures,  des  modèles  et  des  expériences.  Erasmus  accomplit  un  idéal  humaniste  qui  est  au  cœur  du  projet  européen  »  

A   cette   occasion   ont   aussi   pris   la   parole   Sandrine   Doucet,  députée   de   la   Gironde   ;   Sonia   Dubourg   Lavroff,  adjointe   au  maire   de   Bordeaux,  chargée  des  relations  avec  l'Union   euro-­‐péenne   ;   Anne-­‐Marie  Cocula,  Vice-­‐présidente  du  Conseil  Ré-­‐gion  d'Aquitaine  ;  Vanessa  Debiais-­‐Sainton,  Cheffe  d'unité  à  la  Commission   Européenne,  ainsi  que   le  Président  de   2e2f  An-­‐toine  Godbert.  Ce  lancement  ofBiciel   avait  pour  but  d’associer  à   ce   succès  tous  les  décideurs  de   différents  échelons  territo-­‐riaux,  les   professionnels  de   l'éducation  et   de   la   formation  et  les  partenaires  de   l'agence   ;   qui  contribueront   par  la   suite   à  le  mettre  en  pratique.

Il   n’est  pas   de   doute  qu’Erasmus  +  est  une   révolution.  C’est  un  couplage   des  différents  programmes  qui  auparavant  exis-­‐taient  de  façon  autonomes  (Leonardo,  Erasmus,  Jean  Monnet,  Comenius,  Transversal,  Grundtvig).  Cette  fusion  n’a  pas  pour  but  la   rationalisation  du  budget  mais  au  contraire,  l’élabora-­‐tion   d’un  plan   plus  cohérent,   plus  efBicace,  mais  aussi  plus  visible  auprès  de  ses  bénéBiciaires.  Par  une   augmentation  de  son  budget   total  de   40%   (14,7  milliards  d’euros  pour   la   pé-­‐riode   2014-­‐2020),  Erasmus  +   se   donne  de   nouveaux   objec-­‐tifs  :  alors  que  trois  millions  d’étudiants  avaient  pu  bénéBicier  d’une   expérience   de   mobilité   lors   des   vingt-­‐cinq   années  d’existence  du  programme,  deux  millions  devraient  y  goûter  pour  les  sept  prochaines  anées.  C’est  aussi  l’assouplissement  des   règles   (tout   étudiant   peut  maintenant   partir   jusqu’à   un  total  de  deux  ans)  et  un  élargissement  du  public  ciblé.  

          Copyright  Sophie  Pawlak

Tout comme Mme Conway-Mouret, les intervenants ont fait référence aux vertus indiscutables d’amitié entre les peuples, de paix européenne, en outre de la construction d’un sentiment eu-ropéen permise par le programme vieux de plus de vingt-cinq ans. Toutefois, l’accent a très notablement été mis sur l’améliora-tion de l’employabilité d’une population jeune tout particulière-ment touchée par le chômage. Ainsi, Erasmus + apparaît d’une certaine façon comme un acte désespéré de réaffirmer le pouvoir d’initiative européen ; une maigre contrepartie au nouveau bud-get par ailleurs en baisse. Ce recul de la puissance publique en Europe s’illustre aussi à travers la préférence entérinée par Erasmus + du système de prêt à celui de la bourse, notamment pour les étudiants en master.

Il n’en reste pas moins que ce nouveau programme ravive avec succès un projet d’avenir pour l’Europe, qui reste unique au monde.

Morgane Quémener

ERASMUS, LA RENAISSANCE

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LE TAURILLON DANS L’ARÈNE ! FEVRIER 2014

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PROSTITUTION : LA FRANCE DOIT-ELLE SUIVRE LE MODÈLE SUÉDOIS ?

  Vaste  sujet,  la  question  du  traitement  de  la  prosti-­‐tution   a   secoué   la   France   au  dernier  semestre   2013   lors-­‐que   l'Assemblée   Nationale   a   adopté   la   proposition   de   loi  concernant   la   pénalisation  des  clients.  Une  agitation  qu'on  risque   de   retrouver   en   2014   puisque   le   Sénat   doit   à   son  tour  examiner  le   texte   en  juin.  Tout  d'abord  il  convient  de  déBinir  brièvement  en  quoi  consiste   le  modèle   scandinave,  sur   lequel   prend  exemple   cette   proposition,  pour  ensuite  analyser  ses  résultats.  Il  concerne  principalement  la  Suède  et   la   Norvège,   deux   pays   ayant   développé   la   pénalisation  du  client  dans  le   cadre  de   la   prostitution.  Ainsi  tout   indivi-­‐du   ayant   des   rapports   sexuels   tarifés   est   passible   d'une  amende   variant   de   250   à   7000   €,   mais   également   d'une  peine   de   prison.   L'important   n'est   pas   tellement   dans   le  montant   de   l'amende;   la   pénalisation  renverse   surtout   le  rapport  de  culpabilité  dans  la  prostitution.  Bilan  de  la  pénalisation  en  Suède

  Il   est  difBicile   de   dresser  un   bilan  objectif  de   ces  mesures;  même  l'étude  seule   des  faits  peut  conduire  à  des  conclusions   différentes.   En   Suède,   où   la   pénalisation   du  client  est  en  vigueur  depuis  1999,  il  semble  que  le  nombre  de  prostitués  dans  les  rues  ait   diminué  de  moitié   (passant  de  2500  à  1250).  Cependant,  ce  succès  est  terni  par  la  sus-­‐picion  d'un  déplacement  de   la   prostitution  de   la   rue   vers  internet.   Si  cette  évolution   semble  plausible,  elle   ne   sufBit  pas  à  elle  seule  à  remettre  en  cause   la  pénalisation;  rappe-­‐lons   qu'internet   n'est   pas   un   domaine   sans   loi.   Ainsi   le  travail  policier  continue  sur  internet  où  les  moyens  néces-­‐saires  à   l'investigation  sont  au  moins  aussi  importants  que  sur   le   "terrain".   Mais   c'est   sur   la   société   que   l'impact   de  cette   mesure   apparaît  le  plus  remarquable:  30%  de  la   po-­‐pulation   suédoise   était   favorable   à   cette  mesure   en  1999  contre  70%  aujourd'hui.  Un   changement   de  mentalité   qui  montre  que   l'homme  n'est  pas  prisonnier  de  ses  habitudes.  EfBicace  ou  pas,  la  pénalisation  du  client  a   fait  émerger  une  génération  d'individus  qui  s'opposent  à   la  prostitution,  et  a  permis  d'auréoler  la  Suède  d'une  réputation  de  précurseur  dans   la   lutte   contre  cette   pratique.  Un  prestige   internatio-­‐nal   que   la  France   semble  jalouser;   en  effet  en   juin  le  Sénat  français  examinera   à   son  tour   la   proposition   de   loi  sur   la  pénalisation   des  clients  de   prostitués.  Mais  cette   proposi-­‐tion  ne  fait  pas   l'unanimité,  et  chaque   camp  reprend  à   son  compte   les   valeurs   du   pays  des   Droits   de   l'Homme   pour  appuyer  son   propos.  On  trouve  principalement  deux   criti-­‐ques  concernant  cette  mesure.

La  question  du  droit  au  plaisir

  La  défense  de  la  prostitution  au  nom  du  "droit  au  plaisir"   a   notamment   été   mise   en   avant   par   le   Manifeste  des  343  salauds,   le   texte   anti-­‐pénalisation  écrit  par  un  en-­‐semble   d'intellectuels   et   de   célébrités.  Et  s'il   est  des  argu-­‐ments   pertinents   pour   questionner   la   pénalisation   des  clients,   ce  manifeste   échoue   manifestement  à   les  avancer.  Car   même   s'il   réclame   défendre   "le   droit   de   vendre   ses  charmes",   c'est   bien   celui   d'acheter   les   charmes   d'autrui  qui  est   développé.  Or  l'Etat   n'a   pas  à  garantir  un  tel   droit,  encore  moins  au  nom  du  droit  au  plaisir.  Il  n'est  pas  le  gar-­‐dien  de   toutes  les   pulsions  humaines  et  doit   se   contenter  

de   satisfaire   le   minimum   vital   pour   laisser   les   individus  s'épanouir  librement.  Les  auteurs  de   ce  manifeste,  en  s'au-­‐toproclamant   les   "343   salauds",   ne   s'apparentent   ainsi  guère  au   texte   pro-­‐avortement  de  1971  mais   à   la   parodie  qu'en  a  réalisée  Charlie  Hebdo.  A  ceci  près  qu'à  l'audace  de  la   révélation  d'un  avortement  subi  a  été  préférée  l'absence  de   confession   sur   la   fréquentation  de   prostitués.  Ce  man-­‐que  d'engagement   renforce   l'impression   d'un   texte   qui  ne  croit   pas  en   la   cause   qu'il   prétend   défendre,  un   texte   qui  parle  trop  de  clients  pour  s'intéresser  aux  prostitués.

Toutes  les  libertés  ne  se  valent  pas

  L'autre   critique,   plus  conséquente,   émane   de   dé-­‐fenseurs  de  la   liberté  qui  estiment  qu'une   telle  loi  bride   la  liberté  des  individus.  Cette  critique  porte  un  coup  à  la  pro-­‐position   de   loi  en  mettant  en   avant   le   fait   qu'interdire   la  prostitution   revient   à   limiter   la   liberté   individuelle.   Etre  libre  de   disposer  de   son  corps   c'est  aussi  être   libre   de   se  prostituer.  Cependant  on  peut  penser  que  cette   critique  se  fourvoie   en   pensant   défendre   le   principe   intangible   de  liberté.   En   effet   la   Bin   de   la   prostitution   ne   remet   pas   en  cause   la   liberté   de  disposer  de   son  corps,  mais   celle  de   le  marchander.   La   distinction   est   intéressante   puisqu'elle  permet   de   faire   apparaitre   le   rôle   de   l'argent;   la   liberté  totale   serait   de   tout   pouvoir  échanger   contre  de   l'argent?  Ce   n'est  pas  une   liberté   capitale,  mais  capitaliste.  On  peut  ainsi  questionner  la  pertinence  d'une  association  systéma-­‐tique  de  la  liberté  au  marché.       EnBin,   le   droit   de   se   prostituer  peut   se   réclamer  du  droit  au  travail.  S'il   est  vrai  qu'il  apparait  être   un  droit  incontestable,   il   faut   cependant   se   rappeler   que   même   le  travail  n'est  pas  totalement   libre.  Il   est  d'ores  et  déjà   sujet  à   des  contraintes,  basées  sur  des  notions  éthiques  notam-­‐ment.  Le   SMIC,   l'interdiction   de   la   vente   d'organes  ou  du  lancer  de  nain  sont  autant  de  mesures  qui  régulent  le  mar-­‐ché  du  travail   et   le   brident  au  nom  de   la  dignité   humaine.  La   pénalisation  de   la   prostitution,   en   empêchant   le   corps  humain  de  devenir  une   simple  marchandise,  s'inscrit  dans  cette  lignée.  

  Certes  il   est  vrai  qu'il  est  toujours  délicat  d'impo-­‐ser   des  limites   à   la   volonté   des   individus,  mais   dans  cer-­‐tains  cas  la  défense  aveugle  d'une  idée  abstraite  de  la  liber-­‐té  perd  de  son  sens.  Ainsi  la  mise  aux  enchères  sur  internet  de   la  virginité   de   la   brésilienne  Catarina  Migliori  me   sem-­‐ble  une  bien  triste  célébration  de  la  liberté.

Maxime  Gravier

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LE TAURILLON DANS L’ARÈNE ! FEVRIER 2014

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Après une carrière politique de plus de quarante ans, Pauline Tangess, 71 ans, s’apprête à se retirer dans sa ville natale d’En-ghien-les-Bains. A l’aube de quitter les bureaux du Berlaymont après ses dix ans de présidence de l’Union Européenne, nous l’avons rencontrée pour dresser un bilan de son parcours et de celui de l’Europe, tous deux intimement liés.

Quel regard portez-vous sur votre parcours politique ?

Avant de parler de mon parcours je pense qu’il faut voir l’évolu-tion qu’a connue notre Union depuis plus de trente ans. J’estime que je n’ai fait qu’accompagner ce processus ; mon parcours, aussi intéressant soit-il, ne l’est que parce qu’il reflète celui de l’Union Européenne.

Alors commençons par-là : quel est le point de départ de ces évolutions ?

Je pense qu’il faut remonter à 2014 et la victoire surprise des écologistes aux élections du Parlement européen. Il est néces-saire de se rappeler de la mobilisation citoyenne massive que l’on a connue cette année-là. Et c’est là que j’estime mon par-cours lié à celui de l’Europe car en 2014, avec le mouvement de Jeunes européens que je présidais, nous avons mené une grande campagne auprès de la société civile pour la sensibiliser aux enjeux européens. Si je n’étais pas forcement d’accord avec le programme des écologistes, José Bové a été un excellent prési-dent de la commission et il a su enclencher les changements pour poser des bases saines : une mise à l’écart des lobbies, une commission européenne plus indépendante des gouvernements nationaux et une administration européenne moins autarcique.

Et puis, il y a aussi la question de l’élection du président de l’Union Européenne au suffrage universel direct non ?

Oui bien sûr ! Aujourd’hui on a tendance à oublier cela mais l’ancêtre du président de l’Union, le président de la commission européenne a très longtemps été désigné par les chefs d’Etats des pays membres… L’élection de Sigmar Gabriel en 2019 a été un symbole très fort : c’est la première fois que le peuple euro-péen se choisi démocratiquement un chef.

Vous parlez souvent de symboles, quelle importance leur accordez-vous ?

Une très grande importance, indéniablement. La grande réussite de l’Union européenne c’est qu’elle a réussi à créer un sentiment d’identité européenne, celui-là même dont nous avons cruelle-ment manqué durant la grande crise du début des années 2010. Et cette identité a été créée par des symboles. La suppression du Championnat d’Europe des Nations de football au profit de la Coupe Intercontinentale en est un particulièrement important : nous nous rappelons tous de cette photo de 2024 où les trois ballons d’or Deulofeu, Pogba et Draxler, bras dessus bras des-sous après avoir terrassé l’équipe asiatique en finale, embrassent le drapeau européen brodé sur leur maillot. Cette image a d’avantage fait pour la cohésion d’une Europe multinationale et multiethnique que bien des politiques menées auparavant.

Revenons deux minutes sur la grande crise du début des années 2010 que vous évoquiez. Beaucoup d’historiens esti-ment aujourd’hui que l’Union européenne a failli disparaître lors de cette crise, qu’en pensez-vous ?

Bien sûr, c’est vrai. Je ne sais pas quel âge vous aviez à l’époque mais je vous assure que l’Europe a connu une terrible crise. D’abord économique, elle est ensuite devenu sociale, politique, puis même identitaire. Rappelez-vous des assassinats à répéti-tion chez les antifascistes et les néo-nazis en Grèce ; dans cer-tains pays la situation était à deux doigts de virer à la guerre civile. Cette situation, si elle n’a pas été le fruit de l’Union euro-péenne a néanmoins montré l’incapacité de cette union, telle qu’elle existait à l’époque, à répondre rapidement et efficace-ment aux problèmes qui se posaient à elle. C’est en cela qu’elle a été tenue pour responsable par une partie de la population et c’est donc en cela que les élections de 2014 ont été extrêmement importantes : il fallait à tout prix éviter la dislocation de l’Union européenne et pour cela nous devions montrer qu’elle avait la capacité - et la volonté - d’évoluer. Avec le recul je pense qu’il s’agit des élections les plus importantes de l’histoire euro-péenne.

Le débat politique de l’époque opposait la souveraineté na-tionale au caractère supranational de l’Europe, comment avons-nous dépassé ce débat ?

Le débat était légèrement plus compliqué que cela puisqu’il y avait les eurosceptiques, les fédéralistes, les confédéralistes, les intergouvernementaux, etc. Cela dit oui nous avons bel et bien dépassé ce débat par une forme de fédéralisme doux qui pré-serve les identités nationales. L’identité européenne ne s’est substituée aux identités nationales, elle s’y est ajoutée. L’espe-ranto n’a pas remplacé les langues nationales, il a naturellement trouvé sa place de langue internationale et donc éminemment européenne. Je pense que ce modèle a su séduire au sein de l’Europe puisque le Royaume-Uni par exemple qui avait quitté l’Union européenne en 2017 a choisi de la réintégrer 8 ans plus tard suite à une mobilisation massive et un score de 78% au référendum pour son retour dans l’Union. Mais ce modèle a également su séduire ailleurs qu’en Europe puisqu’il a servi de modèle pour la création de l’UA2L (ndlr : Union pour une Ame-rique Latine Libre) qui, aujourd’hui, est un franc succès.

Quels sont les nouveaux défis pour ceux qui vont vous succé-der ?

Ils sont nombreux et passionnants, je peux vous citer pèle mêle : la mise en place d’un système européen de retraite, une harmo-nisation des systèmes de sécurité sociale, un renforcement de notre place de leader dans les énergies renouvelables, etc.

Propos recueillis par Romain Evano-Allinc

*bien qu'inspirés en partie de faits réels, les personnages et situation

décrits dans cette série sont purement fictifs

Vue sur le quartier du Bourg et la cathédrale, depuis le

quartier de la Neuveville (Fribourg)

RENCONTRE AVEC PAULINE TANGESS*

Le 1er février 2054

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LE TAURILLON DANS L’ARÈNE ! FEVRIER 2014

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SOTCHI : PLACE AU SPORT !

Du 07 au 23 février 2014 ont lieu les vingt-deuxièmes Jeux Olympiques d'hiver à Sotchi, après les polémiques, place au sport !

Sotchi, un choix polémique

Plusieurs mois avant l'ouverture des Jeux, beaucoup de ten-sion flottait déjà dans l'air olympique. Dès le départ, et l'attribu-tion de l'organisation de l'événement à la Russie -arrivée tout juste en tête devant Pyongyang (Corée du Sud)-, des voix s'éle-vaient contre de possibles actes de corruption. Il est certain que ce n'est pas l'argent qui manque au gouvernement russe. En effet, une seconde polémique a éclaté quant à l'importance des dépenses -certains préfèrent le terme de "gaspillage"- allouées à la construction d'infrastructures et à la sécurité. Ces Jeux seront de loin les plus chers de l'histoire, soit un coût de trente-sept milliards d'euros, cinq fois plus que ce qui avait été annoncé et -tenez-vous bien- vingt-cinq fois plus que les derniers JO d'hi-ver de Vancouver. Les critiques ne sont pas seulement liées au montant (astronomique) des frais. Elles concernent aussi les installations, parfois étranges, comme le montre la photo d’un journaliste anglais diffusée et largement partagé sur les réseaux sociaux –notamment par les opposants du Président Poutine. Sur cette image, nous voyons les toilettes hommes du centre olympique de biathlon où deux cuvettes sont posées côte à côte. Sont-ce des « toilettes pour tous » ?

Sotchi, ou le retour de la guerre froide ?

Froid, il le fera certainement de par les températures, mais pas uniquement. En juin 2013, le Parlement russe a adopté une loi interdisant la « propagande homosexuelle » qui s’applique également aux étrangers. L’expression est assez floue, mais elle est venue confirmer l’état d’esprit d’une société très peu ou-verte à la diversité –ceci est un euphémisme. Poutine en tête, pour qui « Berlusconi n’aurait pas d’ennuis judiciaires s’il était homosexuel », pour qui le mariage homosexuel représente « le chemin vers l’autodestruction » et enfin, le même qui a deman-dé aux homosexuels, quelques semaines avant les JO, de « lais-ser les enfants tranquilles s’il vous plaît ». Pour ces raisons et pour d’autres sujets, plusieurs représentants politiques étrangers ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne se rendraient pas en Russie, F. Hollande en tête. B. Obama lui, a préféré ne pas créer de mini-crise diplomatique en déclarant que le boycott n’était pas la solution appropriée.

L’autre grande préoccupation dans la cité balnéaire sera la sécurité. Alors que tout le monde se souvient encore de l’atten-tat à Munich en 1972, les autorités russes ont voulu miser sur un dispositif ultra-sécuritaire et déploieront 40 000 soldats à Sotchi afin d’éviter un drame absolu, sachant que deux attentats ont déjà été recensés durant les deux mois précédant les Jeux. Qu’ils soient d’été ou d’hiver, les JO ont souvent servi à expri-mer des revendications politiques, il faut maintenant espérer que les revendications de 2014 n’aient pas la forme d’une bombe.

Les Jeux Olympiques, c'est aussi du sport !

Bien que l’extra-sportif ait monopolisé l’attention médiati-que jusqu'à maintenant, le sport devra reprendre ses droits dès le 07 février. « Citius, Altius, Fortius » (« plus vite, plus haut, plus fort ») comme le dit la devise. Même si des absences ma-jeures sont à souligner, telles que celles pour cause de blessure de l’expérimentée américaine Lindsay Vonn et de la promet-teuse française Tessa Worley. Au total, quinze disciplines seront au programme dans sept sports olympiques répartis en quatre-vingt dix-huit épreuves, un (autre) record. Huit disciplines font leur apparition : le relai mixte en biathlon, le half-pipe en ski (messieurs et dames), une épreuve par équipe en patinage artis-tique, le relai en luge, le slopestyle en snowboard et en ski (messieurs et dames) et le slalom parallèle en snowboard. En-fin, parmi les quatre-vingt dix nations représentées, la belle histoire de ces Jeux sera la participation de l’équipe jamaïcaine de bobsleigh, qui après avoir réalisé les minima, a appris avec soulagement que le Comité International Olympique financerait les déplacements de l’équipe. Une histoire à ne pas gâcher.

Pierre-Elie Dubois

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Il est si commun de parler de Michael Schumacher comme un hyper-actif obsédé par le risque et l’adrénaline, que les rumeurs ont longtemps couru, après sa chute de ski le 29 décembre 2013, qu’il était en pleine prise de risque inconsidérée en hors-piste à Méribel. Il est vrai que Schumacher n’est pas l’allégorie de la prudence. Pourtant, cet « entre-deux pistes » n’avait rien d’affolant. Tandis que l’Allemand aux 7 titres mon-diaux de Formule 1 se bat pour sa vie dans un lit du CHU de Grenoble, retour sur le parcours hors-norme de ce cancre poly-glotte qui pulvérisa tous les records de sa discipline.

Une ascension fulgurante

Michael Schumacher (« cordonnier » en allemand) est né à Hürth en Allemagne, dans les environs de Cologne le 3 janvier 1969. Comme son illustre prédécesseur nommé plus haut, il est le fils d’un ouvrier maçon. Les conditions modestes de leur éducation sont le seul autre point de comparaison effectif entre Fangio et Schumacher, tant le sport auquel ils ont tout don-né n’était pas le même dans les années 1950 et à l’orée des an-nées 2000. Plus que modeste donc, la famille Schumacher n’était pas prédestinée à accueillir et à élever deux des meilleurs pilotes automobiles du monde (on fait ici référence à Ralf Schumacher, son petit frère, né en 1975). La légende voudrait que leur père ait monté un petit moteur de moto sur le kart à pédales de Michael lorsqu’il avait 4 ans, et l’ait finalement inscrit au club de karting de Kerpen (où il fit ses premières armes) suite à un accident impliquant ledit mini-kart et un malheureux lampadaire.

S’en suivront des victoires et des défaites – surtout des victoires – sur tous les championnats allemands puis internatio-naux (dans des catégories inférieures, comme la Formule 3) jusqu'à l’âge de 22 ans où l’écurie Mercedes le repère et le couve pour la Formule 1. C’est l’équipe Jordan qui lui offrira finale-ment son premier grand prix en Belgique, après que le jeune homme ait impressionné les ingénieurs, qui lui auraient demandé « d’aller moins vite » pour ne pas abimer la voiture.

En 1992, il rejoint Ford-Benetton, écurie avec laquelle il remportera ses deux premiers titres (1994 et 1995).

De « Spoonface » au Baron Rouge

Schumacher a connu bien des surnoms. Si « Schumi » est le plus populaire, et le plus utilisé par la presse spécialisée, il fut aussi affublé du sobriquet de « Spoonface » par ses coéqui-piers. Un surnom qui passera au terme d’une épopée chez la désormais célébrissime « Scuderia », l’écurie Ferrari. Il la re-joint en 1996 en pariant sur les couleurs rouges et le pur-sang emblématique de la marque de luxe, alors que ses voitures n’ont plus gagné un grand prix depuis 1990. Son duel avec le Finlan-dais Mika Häkkinen, mythique pour les connaisseurs, lui fera perdre les titres 1998 et 1999 de peu.

Après quoi, l’histoire est connue. Le tournant XXIe siècle réussit plus à Schumacher qu’à l’équipe de France de

football, qui loin de s’arrêter au titre de 2000, s’arroge également les quatre suivants, faisant de lui l’homme le plus titré de la pla-nète dans sa discipline, le sportif le mieux payé au monde, l’Al-lemand le plus connu et le plus populaire de la planète… Une domination sans partage qui fera presque regretter aux amateurs de F1 le temps de ses luttes avec Jacques Villeneuve (le Cana-dien Champion du Monde 1997) ou Häkkinen.

Un sportif non fair-play ?

Schumacher au volant avait la rage de vaincre. Rage qui l’a parfois conduit devant les plus hautes instances de la Formule 1. Comme en 1997, où lors du dernier grand prix de la saison, il n’a qu’un point d’avance sur Jacques Villeneuve (et en F1, une victoire équivaut à 10 points !). Alors qu’il a dominé le départ de la course, il est peu à peu rattrapé par son rival cana-dien. Et tandis que ce dernier tente une attaque grâce à un frei-nage tardif, Schumacher se rabat sur la voiture de son adversaire au cours d’une manœuvre extrêmement dangereuse. Et liti-gieuse. Finalement, il finira seul dans le bac à sable en laissant filer le titre. En 1994, il avait connu un cas de figure extrême-ment semblable, abordant le dernier grand prix (en Australie) avec un point d’avance sur Damon Hill. Même manœuvre, mais victorieuse puisque Hill finit dans les choux et Schumacher Champion du monde. Lorsqu’en 2006, Schumacher annonça sa (première) retraite, Hill déclara : « Michael Schumacher laissera une trace immense dans l’histoire de notre sport. Il en a aussi laissé une belle sur les flancs de ma Williams à Adélaïde en 1994 ». Quoiqu’on en dise, Schumacher n’a pas remporté 7 titres mondiaux en éjectant ses adversaires hors du circuit.

La difficile retraite d’un hyper-actif

Après une première retraite en 2006 donc, les difficul-tés de Ferrari feront revenir le champion allemand en 2010 pour 3 saisons assez ternes, mais tout de même respectables pour un sportif de 41 ans ! Et depuis, Schumacher, ce fou d’adrénaline ayant eu des multiples accidents de moto, pratiquant ski, surf et natation coulait de jours heureux dans son chalet du Lac Léman. Et jouait au football. Car le pilote allemand fut aussi joueur se-mi-professionnel dans son club du FC Echichens (Suisse). Jus-qu’à Méribel, un hors-piste qui n’en était pas vraiment un, et un rocher qu’il heurta si violemment que son casque se fendit en trois. Mais Michael Schumacher est l’un des sportifs les plus chevronnés au monde. La perspective d’un réveil avec des lé-sions légères est utopique, mais la vie n’est pas terminée pour celui qui se fractura une jambe en heurtant un mur à 200 km/h dans le virage de Slowe, au Grand Prix de Silverstone en 1999. Un an donc, avant de remporter son 3e titre mondial. Son réveil, entamé par les médecins du CHU de Grenoble, nous en dira davantage dans les semaines qui viennent.

Raphaël Gaillard

SCHUMACHER, LE SPORTIF QUI NE VOULAIT PAS S’ARRÊTER

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LE TAURILLON DANS L’ARÈNE ! FEVRIER 2014

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OBJECTIF SUR HELSINKI

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De Stockholm elle n’a pas l’élégance mondaine, de Copenhague les curiosités touristiques, de Saint-Pétersbourg le faste impérial. Surement est-ce celle de ces sœurs du nord dont le nom fait le moins rêver. Son charme est celui, discret, des cœurs qui ne battirent jamais pour un royaume et ses murs semblent parfois sans âge, qui ne furent pas érigés dans l’hu-bris de quelque empire maintenant déchu. Les dorures en sont absentes mais une âme s’exhale de ces rues aux noms impro-bables, que les mains de l’Histoire se sont longtemps dispu-tées.

Elle fut Suédoise, brûlée par les Russes, puis Russe, perdue par les Suédois. Les premiers la fondèrent, en 1550 pour concurrencer l’ancienne Tallinn, les seconds la prirent, pour en 1812 en faire une capitale. Cette double influence y est encore largement perceptible : le suédois, deuxième langue officielle, se lit partout, une statue du tsar Alexandre II orne la place du Sénat, et il n’est pas jusqu’au style architectural ro-

mantique national, dont relèvent la gare centrale ou l’église de Kallio, qui ne trouve écho à Stockholm comme à Saint-Péters-bourg.

Elle ne manque pourtant pas d’une identité qui tout au long du XXe siècle s’est affirmée, et y valsent aujourd’hui ses propres mythes et grandes figures. Les frères réalisateurs Mika et Aki Kaurismäki y possèdent un bar, les ouvrages d’Alvar Aalto la parent et sur Kauppatori, la place du marché, Havis Amanda élève la grâce de son bronze dans lequel les habitants voient l’esprit de la ville.

Helsinki vit enfin avec ses saisons. Contre la mer gelée, son hibernation n’est que de surface et dès l’après-midi la nuit l’enchante. Puis le printemps la transforme, étire ses jours et tout reverdit.

Maxime Moraud

Le dessin du mois

par pierrot