le taurillon dans l'arène n°4
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Magazine en ligne des JE BordeauxTRANSCRIPT
Le Taurillon dans
l’Arène Dans ce numéro :
Edito 1
L’effet direct des
directives : une régu-
larisation attendue
2
Le particularisme
bélarussien au cœur
de l’Europe
3
« Le lobbying est
mal compris » selon
Stéphane Desselas
4
Être lobbyiste à
Bruxelles …
5
Identité nationale : et
l’Europe dans tout
ça ?
6
L’Union européenne,
vue d’ailleurs
L’Agenda
7
8
L’Union européenne à la recherche de sa deuxième jambe
Chaque année, l’Union euro-péenne se donne un thème d’action. Depuis 1983, il s’agit ainsi de faire émerger chez les citoyens une conscience com-mune des défis touchant l’en-semble des pays du continent, en s’appuyant aussi bien sur les institutions que sur les acteurs de la société civile. C’est le thème de la pauvreté et de l’exclusion qui a été retenu cette année et officiel-lement lancé le 17 février der-nier à Paris par Lázló Andor, le nouveau commissaire euro-péen { l’Emploi, aux Affaires sociales et { l’Inclusion. Un tel choix peut étonner, car il concerne un domaine qui n’est pas du ressort de la Communauté, les États mem-bres ne souhaitant pas se délester d’une compétence encore hautement sensible. Pour preuve, l’impossibilité récurrente de trouver un ac-cord à propos de la directive sur le temps de travail. Il est pourtant urgent que l’Union européenne se mêle de la question de la précarité de ses propres citoyens. La réalisation d’un marché com-mun a constitué une idée brillante pour renforcer les
liens unissant des pays autre-fois en guerre, et a d’ailleurs largement contribué à faire de notre continent l’un des plus riches de la planète, mais 17% de la population européenne vit encore sous le seuil de pauvreté. Que peut faire l’UE ? Dans la limite des compétences dispo-nibles, surtout une incitation à la coordination entre États membres, un soutien finan-cier aux différentes initiatives via le Fonds social européen et le Fonds d’ajustement { la mondialisation et une diffu-sion des bonnes pratiques à travers des études comparati-ves (benchmarking). La Com-mission a par ailleurs distin-gué cinq priorités : l’évalua-tion de l’impact social de cha-que politique qu’elle mène, la promotion de l’emploi de qualité, la lutte contre la pau-vreté transgénérationnelle, la réduction de la pauvreté à l’échelle nationale et la mise en œuvre de la Charte des droits fondamentaux. L’affaire n’est pas gagnée d’a-vance. Plusieurs ONG ont en effet déjà décrié la faiblesse du volet social de la stratégie UE 2020, qui doit remplacer la
Stratégie de Lisbonne (à ne pas confondre avec le Traité de Lisbonne). En tout cas, l’Année européenne de lutte contre la pauvreté et l’exclu-sion sociale ne peut qu’être accueillie favorablement en France, où le Traité établis-sant une constitution pour l’Union européenne fut refu-sé au motif qu’il était trop libéral. Il n’est d’ailleurs pas surprenant que le thème de l’année ait été proposé par la France lorsque qu’elle assu-rait la présidence du Conseil de l’UE durant la seconde moitié de 2008… Espérons que les mesures qui seront prises en 2010 pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale permet-tront de donner tout son sens au concept de solidarité européenne, concept que la crise économique actuelle n’a jamais rendu si pertinent. En attendant, les Jeunes Eu-ropéens-Bordeaux tenteront d’apporter leur petite pierre { l’édifice { travers l’organi-sation, avec l’association Entreprendre Ensemble, d’une conférence sur l’Euro-pe sociale.
Solène Meissonnier
Mars 2010, n° 4
Shooting du BDE de Sciences Po Bordeaux pour le Yearbook 2009/2010 - le 11 février 2010
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L’effritement progressif de la
jurisprudence Cohn-Bendit
Mais le juge français s’obstine. La
guerre des juges débute sur fond
d’opposition doctrinale concer-
nant la place faite au droit com-
munautaire dans le droit positif
français.
Ce désaccord jurisprudentiel n’est
pas sans conséquence sur la pro-
tection des droits des justiciables
qui ne savent plus quels sont les
textes communautaires invoca-
bles ou non tant la jurisprudence
sur la question est mouvante.
L’abandon de cette jurisprudence
est souhaitable et souhaitée. Peu à
peu, le Conseil d’État rend des
décisions qui effritent la jurispru-
dence Cohn-Bendit. En 1989, le
Conseil d’État déclare que le juge
administratif ne peut laisser per-
durer des dispositions règlemen-
taires contraires aux objectifs des
directives (CE, Ass, 3 février 1989,
Compagnie Alitalia). Plus récem-
ment, il se dit prêt à contrôler la
conformité des actes règlementai-
res avec le droit communautaire
(CE, ass, 8 décembre 2007, Société
Arcelor Atlantique et Lorraine).La
mort annoncée de la jurispruden-
ce Cohn-Bendit ne fait nul doute.
Et c’est le 30 octobre 2009 que le
Conseil d’État fait sauter le der-
nier verrou quant { l’effet direct
des directives communautaires
dans son arrêt « Madame Per-
reux ».
La consécration du droit com-
munautaire par l’arrêt
« Madame Perreux »
Madame Perreux a fait l’objet de
plusieurs refus de nomination au
poste de chargée de formation à
l’Ecole nationale de la magistratu-
re. En tant que présidente du
syndicat de la Magistrature, elle
se dit victime d’une discrimina-
tion fondée sur l’appartenance
syndicale et invoque l’article 10 de
la directive du 27 novembre 2000
qui aménage les règles de preuve
en matière de discrimination.
Mais, le 2 décembre 2003, le délai
de transposition de la directive
en droit interne est expiré. Pour-
tant, et c’est toute la nouveauté
de l’arrêt, le Conseil d’État recon-
nait l’effet direct d’une directive
non transposée en cas de recours
contre un acte administratif
règlementaire à condition que les
dispositions soient précises et
inconditionnelles. Le Conseil
d’État considère que « tout justi-
ciable peut se prévaloir, { l’appui
d’un recours dirigé contre un
acte administratif non règlemen-
taire des dispositions précises et
inconditionnelles d’une directi-
ve ». Le juge administratif fran-
çais lève le drapeau blanc, c’est la
fin de la jurisprudence Cohn-
Bendit, la fin du conflit.
L’armistice juridique annonce la
réconciliation du droit commu-
nautaire et du droit interne (si
tenté qu’ils aient été fâchés un
jour). Il semble que le droit fran-
çais, et surtout ceux qui le font et
qui l’appliquent, soient résignés {
faire place au droit communau-
taire. Deux fondements justifient
cela : le traité sur le fonctionne-
ment de l’Union européenne
(TFUE) le prévoit dans ses arti-
cles 288 et 291. La ratification du
traité de Lisbonne par la France a
un peu poussé le Conseil d’État {
rendre cette décision, dans un
souci d’adéquation avec le vote
des deux Assemblées réunies en
Congrès le 8 février 2008. Mais
c’est surtout l’article 88-1 de la
Constitution française qui pré-
voit que la transposition des
directives communautaires est
une obligation constitutionnelle.
Durant tout ce temps, le juge
administratif français qui ne
reconnaissait aucun effet direct
aux directives se mettait dans
une position de la plus stricte
incohérence. Ce méli-mélo juri-
dique d’une complexité certaine
trouve finalement une issue dans
L’effet direct des directives :
une régularisation attendue
l’arrêt « Madame Perreux ».
Alors, consécration ou pas consé-cration du droit communautai-re ? Les liens entre le droit inter-ne et le droit communautaire se resserrent toujours plus grâce à cet arrêt, signe de la fin d’une histoire d’amour et de désamour, un « guerre et paix » juridique.
Les effets d’un tel bouleverse-
ment juridique
Mathias Guyomar, rapporteur
public au Conseil d’État s’était
prononcé en faveur de la recon-
naissance de l’effet direct des
directives. Il fallait enfin donner
la possibilité aux justiciables qui
se présentent devant les tribu-
naux administratifs français
d’invoquer une directive non
encore transposée { l’encontre de
l’État. La consécration de cet
« effet vertical ascendant » com-
me la doctrine l’appelle, est une
garantie supplémentaire pour la
défense des droits des citoyens,
mais aussi une manière de sou-
mettre davantage l’administra-
tion française au droit commu-
nautaire.
La jurisprudence Perreux a le
mérite de tomber { pic avec l’en-
trée en vigueur du traité de Lis-
bonne depuis le 1er décembre
2009. L’abandon de la jurispru-
dence Cohn-Bendit est un sym-
bole extrêmement fort de l’amor-
ce d’une harmonisation jurispru-
dentielle entre les juridictions
françaises et la Cour de Justice de
l’Union européenne (CJUE).
Marine Privat
Il fut un temps où les relations
entre le juge national français et le
juge communautaire n’étaient pas
très harmonieuses. Ce temps là est
aujourd’hui révolu et les deux
juges semblent prêts à travailler de
concert. Plus qu’une avancée, un
bouleversement. L’Assemblée du
Conseil d’État a rendu un arrêt le
30 octobre 2009 dans lequel elle
met fin à une jurisprudence de
1978.
Suite { un avis d’expulsion le
concernant, Daniel Cohn-Bendit,
de nationalité allemande invoque
une directive communautaire
pour faire annuler la décision du
ministre de l’intérieur { son
égard. Après avoir essuyé un re-
fus, une procédure s’engage et il
appartient au Conseil d’État de
porter le coup de grâce. La Haute
juridiction déclare qu’une directi-
ve communautaire ne saurait être
invoquée { l’appui d’un recours
dirigé contre un acte administratif
individuel. La réponse est sans
appel, le juge français ne veut pas
faire application d’un droit com-
munautaire de plus en plus enva-
hissant.Cette décision s’oppose
pourtant à une jurisprudence de
la Cour de Justice des Commu-
nautés Européennes qui reconnait
un effet direct des directives dans
les ordres juridiques internes,
dans un souci d’harmonie euro-
péenne et de cohérence des juris-
prudences et des droits (CJCE, 6
octobre 1970, Franz Grad).
Le particularisme bélarussien au cœur de l’Europe
Page 3
sions, comme celle de no-
vembre dernier, de lever
les sanctions à l’encontre
de dignitaires bélarussiens
et le gel de leurs avoirs en
Europe.
Le 18 mars, source du mal
et événement désenchanté,
constitue pour certains
l’occasion de célébrer l’é-
lection du candidat Louka-
chenka, indépendant, jeune
et désireux de militer
contre la corruption et,
ainsi, le choix présidentiel
de la dictature et du réta-
blissement de liens privilé-
giés avec le grand frère
russe. Aujourd’hui cepen-
dant, c’est aussi une oppor-
tunité pour sensibiliser
l’opinion publique aux
violations répétées et scan-
daleuses des droits de
l’homme qui sont perpé-
trées au Bélarus.
Horia-Victor Lefter
Le Bélarus, bien que situé
sous le signe de l’ignorance
de la société civile occiden-
tale, bénéficie néanmoins
d’une certaine unicité. Uni-
cité certes malheureuse,
mais qui l’individualise tou-
tefois des autres Etats de la
région à plusieurs titres.
En effet, l’Etat bélarussien,
né du démantèlement de
l’URSS en 1991, est qualifié
par l’Occident comme la
dernière dictature de l’Euro-
pe. Ce régime autoritaire a
vu le jour en 1995, avec les
premières manifestations de
l’arbitraire présidentiel, un
an après l’élection d’Alyak-
sandr Loukachenka en tant
que Président de la Républi-
que de Bélarus. Depuis,
seize ans se sont écoulés, et
le président s’est fait re-
conduire aussi bien par des
élections fraudées que par
des référendums ayant ren-
forcé ses pouvoirs. Ces preu-
ves d’atteinte { la démocra-
tie ont justifié le maintient
du Bélarus en dehors du
Conseil de l’Europe, seul
péen à ne pas en faire par-
tie.
En outre, le Bélarus est le
seul voisin oriental de l’U-
nion européenne à avoir
accédé à la Politique euro-
péenne de voisinage pour
une période de dix ans
seulement et, le seul, à part
la Fédération de Russie, à
n’avoir jamais exprimé
l’intention d’adhérer un
jour { l’Union. Cette attitu-
de peut être expliquée par
les rapports tendus entre
l’UE et le Bélarus, rapports
qui ont résulté de plusieurs
vagues de sanctions impo-
sées par l’UE suite aux dis-
paritions de personnalités
politiques et aux violations
massives des droits de
l’homme. Récemment, le
pouvoir à Minsk a dissout
l’une des plus importantes
associations de la minorité
polonaise et emprisonné
certains de ses membres.
L’attitude bienfaisante de
la Pologne pourrait condui-
re Bruxelles à revenir une
fois de plus sur ses déci-
FREE BELARUS
Comme tous les ans
depuis 2006, les
différentes sections de la
JEF, y compris les Jeunes
Européens - Bordeaux se
mobilisent pour
sensibiliser les citoyens à
la situation politique en
Biélorussie dans la nuit
du mercredi 17 mars à
jeudi 18 mars.
Le principe est simple :
bâillonner les statues
célèbres de la ville en les
accompagnant de
panneaux appelant à
donner la liberté
d’expression aux
Biélorussiens.
Rejoignez-nous !
Pour plus d’informations,
contacter Solène
Meissonnier au 06 13 11
37 02 ou à
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Fondateur du cabinet Athe-nora Conseil, à Bruxelles, Stéphane Desselas se décrit avec une certaine ironie comme un extrémiste par rapport à ses confrères, tant sa vision d’un lobbying de-vant être réglementé demeu-re avant-gardiste. Il revient sur quelques points essen-tiels de la pratique du lob-bying à Bruxelles.
Fleur Douet : Stéphane Desselas, vous êtes le fon-dateur et directeur du ca-binet Athenora Consul-ting. Pouvez-vous nous décrire votre parcours de lobbyiste ?
Stéphane Desselas : Oui, je suis avocat de formation et j’ai eu la chance de faire un stage à Bruxelles durant mes études, en 1992. Depuis lors, je n’ai jamais quitté les affai-res européennes, que ce soit pour des entreprises (EDF, la Poste…) ou des fédérations européennes. J’ai ensuite découvert le consulting chez
Cabinet Stewart en 2000 avant de créer mon propre cabinet en 2003.
F.D : Le terme « lobbying » a une forte connotation négative, spécialement en France. Pensez-vous que les mesures de réglemen-tation mises en place à Bruxelles et plus récem-ment en France permet-tront que la profession soit mieux considérée ?
S.D : Le lobbying est surtout mal compris et mal connu. La transparence est une bon-ne chose mais il faut aussi beaucoup de pédagogie pour faire reconnaître l’utilité de cette profession y compris pour la démocratie.
F.D : Quelles sont pour vous les armes essentielles d’un bon lobbyiste ?
S.D : Je pense qu’il faut d’a-bord être un bon communi-cant, que ce soit { l’oral ou { l’écrit. Il faut aussi une bon-ne capacité d’adaptation et
de résistance à la frustration assez inévitable. Enfin, je pense qu’une forte éthique professionnelle ne peut qu’aider dans ce métier diffi-cile.
F.D : Y a-t-il des différen-ces notables dans la prati-que du lobbying « à la française » face à leurs homologues étrangers à Bruxelles ?
S.D : Il y a encore de grandes différences en particulier liées { l’importance de la hiérarchie chez les Français, à un fort goût pour le secret et à une propension à faire un lobbying trop idéologique et pas assez technique. Mais il y a aussi de plus en plus de jeunes lobbyistes français très professionnels.
F.D : L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui renforce notamment les pouvoirs du Parlement européen, va-t-elle in-fluencer votre façon de faire du lobbying ?
S.D : Le Parlement européen est et devient de plus en plus une institution clé pour les lobbyistes. Les députés ont beaucoup de pouvoir et la Commission et le Conseil y
« Le lobbying est mal compris », selon Stéphane Desselas (propos recueillis par Fleur Douet)
sont très sensibles. Du fait
de la faiblesse technique des
députés, les lobbyistes ont
une grande carte à jouer. Je
pense aussi que la comitolo-
gie qui se renforce avec le
Traité de Lisbonne va deve-
nir de plus en plus un lieu
clé de l’influence { Bruxelles.
Blog de Stéphane Desselas :
www.stephanedesselas.blogspot.com
Retrouvez l’ensemble
de ces articles dans
leur intégralité et bien
d’autres encore sur le
magazine en ligne, le
Taurillon.org !
Quelques clichés du dernier
café européen des Jeunes
Européens - Bordeaux sur
le thème de « L’Europe et
les régions : quelle force du
lobbying », avec Marie-
Pierre Mesplède (à droite),
représentante de l’Aquitaine
à Bruxelles, Bureau Aquitai-
ne Europe.
Retrouvez l’interview de Marie
-Pierre Mesplède en date du
25 février, réalisée par Delphi-
ne Noel, sur le Taurillon.org !
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Être lobbyiste à Bruxelles …
(propos recueillis par Laurent Nicolas)
Lobbiyste pour une fédération
industrielle à Bruxelles, Elisabeth
travaille au plus près des institu-
tions de l’Union européenne. Elle
revient sur la nécessité d’être
présent à Bruxelles pour peser,
auprès de la Commission et d’un
Parlement de plus en plus impor-
tant depuis l’adoption du traité
de Lisbonne.
Laurent Nicolas : A quoi sert
de déployer des stratégies de
lobbying au niveau euro-
péen ?
Elisabeth : Tout d’abord, avec
le fonctionnement du marché
intérieur et le processus d’inté-
gration européenne, il faut bien
garder en tête que beaucoup de
lois sont décidées au niveau de
l’UE avant de s’appliquer ensui-
te dans les 27, soit de façon
directe (comme par exemple
avec les Règlements) soit par
l’intermédiaire de transposition
en droit national (notamment à
travers les Directives). Dans ce
contexte, une activité de lob-
bying menée au niveau euro-
péen a beaucoup plus d’impact
et d’efficacité : plus on agit à la
source de la décision, plus gran-
des sont les chances de réussite.
Ensuite, c’est aussi une question
de représentativité. Les profes-
sionnels d’un même milieu ont
souvent les mêmes problèmes à
travers l’Europe. Dans ce cas,
pourquoi ne pas s’unir pour
parler de ces problèmes et y
trouver des solutions en com-
mun ? De plus, comme le dit la
devise de la Belgique « l’union
fait la force » : s’organiser au
niveau international permet de
disposer de plus de ressources
(intellectuelles, matérielles,
financières), d’être plus repré-
sentatif et plus crédible aux
yeux des institutions.
L.N : Comment êtes vous per-
çus, et reçus par la Commis-
sion européenne ?
E. : La Commission européenne
a pleinement conscience de la
valeur et de la nécessité de l’ap-
port des représentants d’inté-
rêts. Chaque fonctionnaire en
charge de dossiers souvent tech-
niques et complexes ne peut pas
disposer d’une expertise et d’u-
ne connaissance d’un marché
infaillibles ; les mieux rensei-
gnés restent les professionnels
du terrain. C’est pourquoi la
Commission sollicite en perma-
nence cette expertise, notam-
ment à travers de nombreuses
procédures de consultation des
stakeholders à tous les stades de
l’élaboration d’un texte de loi.
Le but étant de rassembler un
maximum d’information, venant
de points de vue divergents,
parfois opposés, avant de pren-
dre une décision.
Cependant, c’est toujours la
Commission (et/ou le Parlement
et le Conseil, suivant la procé-
dure et le stade d’avancement),
en tant que gardienne de l’inté-
rêt commun européen, qui fait
la part des choses et qui a le
dernier mot. Il n’y a pas de
Commission « à la solde » des
lobbies.
L.N : Quelles sont les princi-
pales différences avec votre
travail auprès du Parlement
européen ?
E.: Les deux institutions n’inter-
viennent pas au même moment
dans les différentes procédures
législatives, leurs rôles sont
différents, le travail de lobbying
doit donc s’adapter { ces para-
mètres.
Les responsabilités et les buts ne
sont pas les mêmes. Alors que
les fonctionnaires de la Commis-
sion ont un point de vue global
et se penchent sur l’intérêt euro-
péen dans son ensemble, un
député défend tout d’abord le
point de vue de sa propre cir-
conscription selon le prisme de
son parti. Un député est aussi
une personnalité qui est beau-
coup plus sous les feux des pro-
jecteurs, il a donc des comptes à
rendre de façon bien plus immé-
diate à travers les électeurs et les
médias qui suivent son activité.
L.N : Que pouvez-vous appor-
ter à un député européen pour
obtenir son soutien sur un
dossier : de l’argent ? une
expertise sur le dossier en
question ? un week-end aux
Maldives ?
E. : Les clichés ont la peau dure.
L’image fausse des pots-de-vin
aux fonctionnaires est très loin
de la réalité des activités de
lobbying. Tout d’abord parce
que les règles sont strictes :
comme dans toute démocratie
qui fonctionne, dans l’Union la
corruption est punie par la loi.
Apporter de l’expertise est tou-
jours possible, c’est le corps du
métier de lobbyiste. Mais de la
même façon que la Commission,
un député reste maître de sa
propre analyse, de ses conclu-
sions et de ses choix. Plutôt que
d’apporter son soutien { un
groupe d’intérêts, un député
cherche tout d’abord { apporter
son soutien aux citoyens de sa
circonscription.
L.N : Comment peut-on amé-
liorer la transparence et la
confiance dans les actions de
lobbying auprès des institu-
tions de l’UE ? Doit-on faire
évoluer la législation actuelle
vers une régulation plus coer-
citive ? Doit on créer un regis-
tre obligatoire des lobbyistes
et de leurs pratiques, comme
cela se fait dans certains États
américains ou au Québec ?
E. : Les registres des représen-
tants d’intérêts existent sur le
site de la Commission européen-
ne et sur le site du Parlement
européen. Il reste facultatif de
s’y inscrire. Néanmoins, je ne
pense pas qu’il soit nécessaire de
le rendre obligatoire : une asso-
ciation ou entreprise qui s’ins-
crit d’elle-même montre une
démarche volontaire de transpa-
rence et se différencie dans un
sens positif de celles qui ne sont
pas inscrites. D’autre part, il faut
noter la particularité des activi-
tés de lobbying : il est très im-
portant de comprendre qu’il n’y
a pas de proportionnalité entre
input et output. C’est-à-dire que
les résultats en termes d’influen-
ce sont tout d’abord difficile-
ment mesurables et que dans
tous les cas ils ne sont pas forcé-
ment connectés aux ressources
qu’on y alloue. Ce n’est pas en
investissant trois fois la somme
du groupe d’intérêts A que le
groupe d’intérêts B aura des
analyses trois fois plus pertinen-
tes, des arguments trois fois plus
percutants ou trois fois plus
d’articles repris dans un texte de
loi. En prenant cela en compte,
imposer des mesures coercitives
de transparence a nettement
moins de force et de sens.
Identité nationale : et l’Europe dans tout ça ?
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Pour la troisième année consécutive, l’association de Sciences
Po Lille « Visions d’Europe » organise un concours destiné à
redonner vie à l’idée européenne. Une délégation de chaque
école est invitée à venir présenter un projet concret favorisant
l’émergence de la conscience européenne dans le domaine de
son choix (nouvelles technologies, musique, sport, éducation...).
Le concours se déroulera le vendredi 23 avril 2010, à Lille. Les
projets seront évalués par un jury de personnalités politiques,
d’universitaires et de journalistes présidé par Corinne Lepage. A
la clé, la possibilité de faire financer son projet à hauteur de
3500€. Pour plus d’informations, contacter Maxime Thuillez à
Lire à ce sujet l’interview des organisateurs du concours en date
du 28 février, réalisée par Maël Brunet, sur le Taurillon.org !
sures et de vieux démons cachés qu’une savante al-chimie sait garder en som-meil. Alors, il suffit d’aller remuer tout cela, d’ouvrir nos vieux livres dormants, d’aller secouer la poussière sur cette bibliothèque en commun, pour donner à son agitateur une bien pé-rilleuse responsabilité.
Après dérapages multiples et tensions titillées, et alors que le gouvernement amor-ce une fin de débat, cet en-jeu doit autant que faire se peut s’en sortir grandi. L’oc-casion pour Les Jeunes Eu-ropéens de s’étonner, et même de s’émouvoir, de l’absence unanime de la question européenne dans un débat qui aurait dû pourtant la prendre en compte, par nature. Fonde-ment de l’identité nationa-le, notre Histoire française ne cesse en effet de se confondre avec celle de son continent. Aucune guerre napoléonienne, nul épisode de la Seconde Guerre mon-diale, rien bien sûr de notre héritage gréco-romain ne
« Communauté de valeur, communauté de culture, communauté de destin ». Ainsi Robert Badinter ré-pondait il y a peu à l’inter-rogation imposée du mo-ment : qu’est ce qu’être Français ?
Quelques mots de ce Sage de la République auraient pu suffire à clore un débat fort mal engagé. S’il n’avait pas fallu la puissance pu-blique pour imposer une introspection que nul ne pouvait objectivement considérer comme une urgence. S’il n’avait pas fallu surtout que l’État considère comme légitime de s’inviter dans l’intimité de notre conscience collec-tive, un endroit où il est rarement le bienvenu.
Ce qui cimente un groupe de femmes et d’hommes en une communauté de destin prend racine dans une His-toire en partage, des in-fluences rassemblées, des contradictions réunies. Surtout, elle relève de bles-
peut s’exonérer d’un enraci-nement profond en l’Histoi-re de tous les peuples d’Eu-rope.
Nullement négation des singularités de notre passé national, il s’agit de recon-naître que ce long chemin de l’Histoire française perd son sens et sa portée si l’on omet sa place dans l’Histoi-re européenne. À ce même titre, ce qui fait que la Fran-ce est la France ne peut se concevoir sans les trajectoi-res philosophiques et reli-gieuses de tout un conti-nent. Le pilier judéo-chrétien de notre système de valeurs se partage avec tous nos peuples voisins. Et les contributions de l’Islam à ce passé en commun ne se limitent pas à un demi-siècle d’immigration franco-française, dès lors que l’on comprend les brassages et les apports de cette religion et de ses peuples { l’Histoi-re et au développement du continent européen dans son ensemble, de la pénin-sule ibérique aux confins des Balkans.
Ne pas perdre de vue com-bien notre identité françai-se s’imbrique par nature dans une conscience collec-tive de tout un continent, c’est donner { un débat jus-que-l{ fait de repli et d’ex-clusion, de l’espoir et de l’ouverture. C’est compren-dre combien la nation n’est pas faite de l’un plutôt que de l’autre, mais combien les uns et les autres s’enrichis-sent mutuellement. Ces quelques évidences rappe-lées, nous entendons déjà les caricatures faire feu. Mort de l’identité française
plongée dans une Europe symbole d’une mondialisa-tion niant les spécificités de chacun ? Le contraire, affir-mons-nous ! Car loin de vouloir faire naître une nou-velle nation qui prendrait la relève des identités nationa-les, ces deux communautés, nationale et européenne, sont légitimes, se complè-tent et trouvent leur place naturellement, dès lors que l’on considère l’Union euro-péenne comme la structure politique la plus à même de protéger les diversités de ses membres contre l’uni-formisation mondialisée. Dès lors que chacun de ses pays a le courage de procla-mer qu’il ne serait pas tout à fait le même sans ce que ses voisins ont fait de lui-même.
Enfin, ce qui fait une com-munauté de destin trouve sa force dans cet héritage partagé mais aussi dans cet avenir à tracer ensemble. Et l’Europe y devient une évi-dence. Immigration, déve-loppement durable, équili-bre du monde, rien de ces grands défis { venir n’au-ront comme pilier un repli national. Dans ce destin à bâtir, la communauté natio-nale ne pourra se contenter de se regarder elle-même. C’est avec ceux avec qui l’Histoire s’est toujours faite que l’avenir se construira. Et comme elle est notre communauté du passé, no-tre communauté de destin, c’est aussi l’Europe.
Jeunes Européens -
France
Page 7
L’Union européenne, vue d’ailleurs
J'adore l'Union européenne. A mon avis, c'est l'événement le plus cool qui nous soit
arrivé au 20e siècle. Il a conduit à un mélange de cultures et de langues très diverses
et à l'élaboration de valeurs et d'idéaux communs tout en permettant le respect des
cultures de chacun. Sur les questions commerciales, l'UE s'est avérée très efficace et,
du point de vue touristique, c'est génial de pouvoir voyager dans tous ces pays sans
avoir à changer de monnaie. En tant qu'Australienne vivant à Londres depuis 5 ans,
je rêve d'obtenir un jour un passeport britannique, qui est en réalité devenu un passe-
port européen. Et quel plus beau cadeau pourrais-je offrir à mes enfants que la possibi-
lité de vivre et travailler dans ce formidable endroit du monde qu'est l'Europe ?
Georgina D., Australie
L’Union Européenne représente pour nous le cheminement des peuples euro-péen vers la paix et la prospérité. La force de l’UE réside dans sa capacité à
rassembler les régions, les peuples et les nations non par la force, mais par le consentement. Un citoyen européen est libre de circuler dans l’espace européen
tandis que nous, en Asie Centrale, malgré 70 ans de cohabitation avec les au-tres peuples au sein de l’URSS, ne pouvons non seulement traverser les frontiè-res sans visa, mais sommes encore témoins de la recrudescence des hostilités
liée à la montée des nationalismes.
Anahita B., 25 ans, Tadjikistan
Jusqu'à maintenant, j'ai seulement voyagé en France et en Espagne, mais je crois que l’Union Européenne est un endroit unique grâce à sa culture an-
cienne. Pour moi, c'est très différent de voir les immeubles qui ont plus de 50 ans, et de voir des ruines. C'est impressionnant ! Je suis habituée aux grands
bâtiments, comme des gratte-ciels. Les Etats-Unis sont un pays très jeune, mais je pense que les Américains peuvent apprendre beaucoup des Euro-
péens : non seulement en architecture, mais j'ai aussi remarqué que les Euro-péens conservent beaucoup plus d'énergie que les Américains ! Vous utilisez
moins de sèche-linge (et aux Etats-Unis, tout le monde a un sèche-linge), vous conduisez des voitures qui consomment moins d’essence et qui polluent
moins l'environnement, vous utilisez plus d’éoliennes dans les montagnes, vous réutilisez les poches pour faire les courses...
Bret W., 24 ans, Etats-Unis
Pour les gens de mon pays, l’UE est souvent idéalisée et vue comme un
eldorado du business. J’étais déjà venu en vacances en France chez de
la famille, donc j’avais déjà une idée de ce qu’était l’UE : je savais que
l’idéalisation de l’Europe était excessive et qu’ils se trompaient. Par
contre, j’ai dû quitter le Sénégal pour faire mes études ici, donc je
pense en effet qu’ils ont raison : il y a plus d’avenir pour moi ici que là-
bas. Le Sénégal c’est un peu les vacances à côté de la France, niveau
financier, la vie y est plus facile qu’ici.
Karim B., 19 ans, Sénégal
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Le Taurillon dans l’Arène est la version bordelaise, mensuelle et papier du Taurillon.org, le magazine en ligne des Jeunes Européens-France. Il regroupe les articles publiés par les Jeunes Européens-Bordeaux et vous informe sur les prochains activités de l'association. Notre objectif
est de montrer que la construction européenne ne se limite pas aux institutions et de promouvoir une Europe citoyenne.
Rédactrice en chef : Marine Privat Relecture : Stéphanie Khoury et Solène Meissonnier
Si vous souhaitez participer { la rédaction du journal ou nous donnez votre avis, n’hésitez pas et écrivez-nous à [email protected]
Pour adhérer { l’association des Jeunes Européens ou être informé de l’actualité de l’association, rendez-vous sur www.jeunes-europeens.org ou www.je-bordeaux.eu
Ce numéro (ainsi que le précédent) a été imprimé grâce au financement de l’Université Montes-
quieu Bordeaux IV et Sciences Po Bordeaux.
L’Agenda SPECIAL ELECTIONS REGIONALES
Mardi 2 mars, 19h
Café français, 5 place Pey-Berland à Bordeaux
Elections régionales 2010 : quelle place pour l’Europe?
Café européen « Rencontre avec les candidats du Parti socialiste » avec :
- Anne-Marie COCULA, vice-présidente du Conseil régional d’Aquitaine, déléguée aux Universités, à l’Edu-
cation et à la Jeunesse, 2è liste Gironde
- Nathalie MANET-CARBONNIÈRE, déléguée aux Affaires européennes au Conseil régional d’Aquitaine,
2è liste Dordogne
- Juliette PERCHEPIED, animatrice fédérale MJS Gironde, liste Gironde
Mercredi 3 mars, à 19h
Salle capitulaire - Cour Mably, 3 rue Mably à Bordeaux
Réunion publique de l’UMP sur le thème « L’Aquitaine en Europe et l’Europe en Aquitaine : enjeux et perspectives » avec :
- Xavier DARCOS, ministre, tête de liste en Aquitaine pour la majorité présidentielle
- Alain LAMASSOURE, député européen, chef de file de Xavier DARCOS dans les Pyrénées Atlantiques
- Alain JUPPÉ, maire de Bordeaux
- Sonia DUBOURG LAVROFF, adjoint au maire à Bordeaux
SPECIAL ELECTIONS REGIONALES
Vendredi 5 mars, à 18h30
Café français, 5 place Pey-Berland à Bordeaux
Elections régionales 2010 : quelle place pour l’Europe?
Café européen « Rencontre avec les candidats du MoDem » avec :
- Martine MOGA, universitaire, 2è liste Gironde
- Adrien DEBEVER, secrétaire fédéral des Jeunes Démocrates Gironde, liste Gironde
- Robert ROCHEFORT, député européen ALDE, circonscription Sud-Ouest, liste Gironde
Vendredi 5 et samedi 6 mars San Sébastian, Espagne Ateliers dédiés à l’Europe organisés par la section de San Sébastian des Jeunes Européens Fédéralistes, dans le cadre du
projet Europe@MyDesk, financé par le programme européen « Jeunesse en action ». Le premier atelier portera sur la pré-
paration de projets européens dédiés à la jeunesse, dans ses aspects financiers, logistiques et techniques. Le second atel-
ier traitera de l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le journalisme européen .
Pour plus d’informations, contacter Filippo de Agostini au +34-657-724592 ou à [email protected]
Mercredi 18 mars à jeudi 19 mars, la nuit Bordeaux Action « Free Belarus »
Dimanche 21 mars à samedi 27 mars
Bratislava, Slovaquie
Séminaire international des Jeunes Européens Fédéralistes sur le thème « Gender Equality : Europe’s Quality?»
Mercredi 24 mars, Sciences Po Bordeaux, heure et amphithéâtre à préciser
Dans le cadre de la Commémoration des 60 ans de la Déclaration Schuman, les Jeunes Européens - Bordeaux organise-
ront une série de conférences sur des thématiques où l’UE pourrait voire devrait développer son action.
Conférence avec Entreprendre Ensemble sur le thème « Quelle politique sociale pour l’Europe aujourd’hui ? » avec Gilles
Savary, ancien député européen PSE ainsi que (à confirmer) des membres du MEDEF et de la CFDT.