résistance & droits de l'homme n°2

8
n°2 décembre 2005 1 Ce même refus de l’inacceptable... Ce n’est pas la première fois, au musée de la Résistance, que la création photographique nourrit la réflexion sur les résistances. Les expositions de Guy Martin-Ravel (Halabja mon amour, 1996) sur les Kurdes qui, survivant aux bombardements, avaient réintégré les ruines de leurs maisons, de Jacqueline Salmon (Sangatte, le hangar, 2003), à propos de l’épreuve des exilés, candidats à une vie meilleure, ou de Guillaume Ribot (Si nous cessions d’y penser..., 2003) attirant l’attention sur l’effacement des traces matérielles de la Shoah, pour ne citer que ces trois là, ont montré de quel pouvoir de conscientisation l’image photographique est investie quand elle rencontre l’Histoire. Or les photographies des Tchétchènes, rame- nées ces dernières années de Grozny et d’Ingouchie par Maryvonne Arnaud, ont ce pouvoir. Aucune des données historiques relatives à l’histoire du Caucase, aucune des meilleures analyses des sociologues, des politologues, des journalistes et des humanitaires qui se penchent sur la question tchétchène ne saurait en contester le message. Ce qu’elles montrent, et disent, assemblées en exposition, contribue déjà en effet à l’Histoire, celle d’une popula- tion meurtrie, abîmée, saccagée parfois, mais jamais vraiment résignée : Résistante ! Nous ne pleurerons pas, nous ne plierons pas, nous n’ou- blierons pas, peut-on lire depuis le début des années 1990 sur le mémorial de la déportation de Grozny. Chacun des regards photographiés semble dire ces mots. Certes, la résistance qu’ils expriment ne saurait être comparée à celle que des Français, dans les années 1940, opposèrent en petit nombre à l’occupant nazi et au gouvernement collaborateur de Vichy. Rien de cette histoire là ne peut être en effet raisonnablement rapproché de celle des Tchétchènes, si ce n’est, pourtant, ce même refus de l’inacceptable, commun à toute résistance. Mais d’autres questions soulèvent ces photos et justifient encore un peu plus leur présence dans ce Musée qui se mue en Maison des Droits de l’Homme : Que peuvent-ils bien valoir ces Droits dans ce pays exsangue, ruiné par la guerre et quel avenir y auront les enfants qui grandissent là ? …/… [ ] Visages de la douleur Plasticienne et photographe, Maryvonne Arnaud a rapporté de deux voyages en Tchétchénie les images et les sons qui constituent l’exposition « Sur[exposée] ». Rencontre avec celle qui oriente toujours son objectif entre ombre et lumière. Comment avez-vous été amenée à vous rendre en Tchétchénie ? On pourrait dire que c’est une suite logique. En 1992, j’ai obtenu une bourse de l’Europe, qui proposait de travailler sur « l’Europe en construction ». J’avais alors axé mon travail sur les territoires d’Europe en crise : je m’étais ren- due à Tchernobyl, à Dubrovnik, à Liverpool, et à Berlin parce que dans tous ces lieux se jouaient de manière exa- cerbée des choses qui existent ici de manière diffuse. Plus tard, mon travail m’a conduit à Sarajevo, à Alger, ou à Johannesburg... En 2004, Joseph Dato (ndlr : Délégué aux missions internationales Médecins du Monde) m’a demandé si j’accepterais de me rendre dans le Caucase… Il y a des jours où l’on dit oui... j’y suis donc allée en mai 2004 puis en mai 2005. Médecins du Monde m’a permis d’organiser ce voyage dans de bonnes conditions. …/… RÉSISTANCE & DROITS DE L’HOMME édito Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation & de la Maison des Droits de l’Homme Sur[exposée] l’expo

Category:

Documents


3 download

DESCRIPTION

Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère

TRANSCRIPT

Page 1: Résistance & Droits de l'Homme n°2

n ° 2 d é c e m b r e 2 0 0 5

1

Ce même refus de l’inacceptable...Ce n’est pas la première fois, au musée de la Résistance,que la création photographique nourrit la réflexion surles résistances. Les expositions de Guy Martin-Ravel(Halabja mon amour, 1996) sur les Kurdes qui, survivantaux bombardements, avaient réintégré les ruines de leursmaisons, de Jacqueline Salmon (Sangatte, le hangar,2003), à propos de l’épreuve des exilés, candidats à unevie meilleure, ou de Guillaume Ribot (Si nous cessions d’ypenser..., 2003) attirant l’attention sur l’effacement destraces matérielles de la Shoah, pour ne citer que ces troislà, ont montré de quel pouvoir de conscientisationl’image photographique est investie quand elle rencontrel’Histoire. Or les photographies des Tchétchènes, rame-nées ces dernières années de Grozny et d’Ingouchie parMaryvonne Arnaud, ont ce pouvoir. Aucune des donnéeshistoriques relatives à l’histoire du Caucase, aucune desmeilleures analyses des sociologues, des politologues, desjournalistes et des humanitaires qui se penchent sur laquestion tchétchène ne saurait en contester le message.Ce qu’elles montrent, et disent, assemblées en exposition,contribue déjà en effet à l’Histoire, celle d’une popula-tion meurtrie, abîmée, saccagée parfois, mais jamaisvraiment résignée : Résistante !

Nous ne pleurerons pas, nous ne plierons pas, nous n’ou-blierons pas, peut-on lire depuis le début des années 1990sur le mémorial de la déportation de Grozny. Chacun desregards photographiés semble dire ces mots. Certes, larésistance qu’ils expriment ne saurait être comparée àcelle que des Français, dans les années 1940, opposèrenten petit nombre à l’occupant nazi et au gouvernementcollaborateur de Vichy. Rien de cette histoire là ne peutêtre en effet raisonnablement rapproché de celle desTchétchènes, si ce n’est, pourtant, ce même refus del’inacceptable, commun à toute résistance. Mais d’autresquestions soulèvent ces photos et justifient encore un peuplus leur présence dans ce Musée qui se mue en Maisondes Droits de l’Homme : Que peuvent-ils bien valoir cesDroits dans ce pays exsangue, ruiné par la guerre et quelavenir y auront les enfants qui grandissent là ? …/…

[ ]

Visages de la douleurPlasticienne et photographe, Maryvonne Arnaud arapporté de deux voyages en Tchétchénie les images etles sons qui constituent l’exposition « Sur[exposée] ».Rencontre avec celle qui oriente toujours son objectifentre ombre et lumière.

Comment avez-vous été amenée à vous rendreen Tchétchénie ?On pourrait dire que c’est une suite logique. En 1992, j’aiobtenu une bourse de l’Europe, qui proposait de travaillersur « l’Europe en construction ». J’avais alors axé montravail sur les territoires d’Europe en crise : je m’étais ren-due à Tchernobyl, à Dubrovnik, à Liverpool, et à Berlinparce que dans tous ces lieux se jouaient de manière exa-cerbée des choses qui existent ici de manière diffuse. Plustard, mon travail m’a conduit à Sarajevo, à Alger, ou àJohannesburg... En 2004, Joseph Dato (ndlr : Déléguéaux missions internationales Médecins du Monde) m’ademandé si j’accepterais de me rendre dans le Caucase…Il y a des jours où l’on dit oui... j’y suis donc allée en mai2004 puis en mai 2005. Médecins du Monde m’a permisd’organiser ce voyage dans de bonnes conditions.

…/…

RÉSISTANCE& DROITSDE L’HOMME

é d i t o

Journal duMusée de la Résistance et de la Déportation& de la Maison des Droits de l’Homme

Sur[exposée]

l ’ e x p o

Page 2: Résistance & Droits de l'Homme n°2

Comment abordez-vous cette exposition ?J’avais envie que les gens ressentent ce quej’ai moi-même ressenti là-bas, ce sentimentd’enfermement, cette vie empêchée, inter-dite, cette immense injustice. Il me semblaitque le lieu : le Musée de la Résistance et dela Déportation de l’Isère / Maison des Droitsde l’Homme s’y prêtait bien pour différentesraisons, tout d’abord pour ce que signifie« Maison des droits de l’homme » et pourla diversité tant d’âge que sociale de sonpublic. Ce qui m’intéresse également c’estque cette exposition offre une possibilitéde s’inscrire dans une autre temporalité,en marge de ce que nous renvoient lesmédias qui nous surchargent d’informa-tions, d’images, lors de certains événementsdramatiques et spectaculaires où tout estamalgamé, sans nous permettre pour autantde comprendre les causes d’une situation,parfois avec beaucoup de cynisme et denon-dits. Reste alors pour l’auditeur ou lespectateur seulement un sentiment d’im-puissance. Le contexte de cette expositiontente de changer la réception des images,de leurs contenus : on peut rester, douter,méditer puis revenir...

Comment avez-vous travaillé ?Lors du premier voyage, j’ai essentiellementfait des portraits photographiques, à Grozny

notamment. J’ai été ébranlée par ce premiercontact, même si j’ai toujours tendance àchercher l’espoir plutôt que le désespoirdans mon travail... J’y suis retournée un anplus tard, avec l’idée de faire des imagesd’intérieur. Je crois que ce qui m’avaitle plus émue, c’était de voir ces gens quis’installent dans des habitats très précaires,censés être provisoires mais dans lesquels ilsrestent bien souvent trois, cinq, dix ans...,sans aucune perspective de fin. Les inté-rieurs racontent beaucoup sur leurs habi-tants. J’ai aussi réalisé lors du deuxièmevoyage un travail de prises de sons. Je vou-lais que l’on puisse entendre ces voix et cettelangue tchétchènes.

Pourquoi avoir choisi d’utiliser plusieursmédias ?J’essaie souvent dans mon travail d’exposi-tion d’approcher les visiteurs de différentesmanières, de dérouler plusieurs narrations.Mais je ne voulais pas d’effets spectaculaires :je trouve que le monde, et particulièrementle monde de l’art contemporain, est de plusen plus dans l’effet, le sensationnel. Je vou-lais simplement être au plus proche de laréalité. J’ai donc opté pour la photographieet la prise de son. Il me semble que le sonretranscrit une ambiance et une autre formed’émotion : ces voix, qui ne racontent que

des histoires terribles, ébranlent, secouent.Je pense notamment à une femme quiraconte comment son fils a été enlevé deuxjours auparavant, au milieu de la nuit,progressivement, sa voix s’efface, s’éteintpresque. Cette perte de voix me semble direbeaucoup sur la douleur, la peur, l’inhu-manité. Son silence nous rapproche d’elle.

Il y a aussi un texte d’Abdelwahab Meddeb.Je ne voulais pas de légendes, mais un textequi accompagne les images, qui chemineavec le spectateur, parce que l’image seulepeut être trompeuse et dire avec vraisem-blance tout et son contraire. A l’inverse,les mots écrits, à lire apportent de la com-plexité, de la distance, parfois un sens caché,dans une situation où l’on ne peut passe permettre de simplifier.

Au final, votre travail se rapproche-t-ild’une démarche journalistique ou plastique?C’est un regard humain, simplement, untémoignage sur certains de mes contem-porains, nés là-bas, si près, en Tchétchénie.L’appareil photographique me permet dem’approcher au plus près pour sentir,penser une situation et ses enjeux. Quandje vais dans ces lieux, je comprends surtoutl’immensité de ce que j’ignore et alors jeme sens vide, très seule face à ce monde à

2

TCHÉTCHÉNIESur[exposée]

Visages dela douleur

Page 3: Résistance & Droits de l'Homme n°2

3

saisir. C’est aussi pour cela que j’ai sollicitéAbdelwahab Meddeb : il me semblait queson héritage des textes anciens et sa manièrede penser aujourd’hui sans discontinuitéavec le passé, m’aideraient à comprendrel’incompréhensible.

Qu’est-ce qui vous a le plus marquéesur place ?Je crois que ce sont les contrastes. Les Tchét-chènes ont une incroyable envie de vivremalgré la peur permanente. Ils viventsouvent dans des caves, des tentes, desappartements réinvestis, d’anciennes établesou usines, héritage de l’époque soviétique.Souvent la lumière provient des seulesgazinières, c’est très impressionnant… Malgré cela, les enfants jouent, les grands-mères bavardent devant leur tente et lesjeunes femmes restent très coquettes mar-chant en talons aiguilles dans des ruines!Il y a un côté presque surréaliste dans toutcela. Et puis il y a toutes ces imagesd’abondance et de rêve sur leurs murs. J’aiété très touchée par leur hospitalité, leursens exceptionnel de l’accueil, leur dignitéface à l’objectif photographique. w

l ’ e x p o

Non sans concertation avec le Comité Tchétchénie deGrenoble, à qui il faut être reconnaissant de répéter :« N’oubliez pas la Tchétchénie ! » et de renouveler lesoccasions d’y revenir, tables rondes et projections de filmspermettront aussi d’en savoir plus sur ces régions duCaucase. En liaison avec la Maison de la photographie lestravaux de Maryvonne Arnaud donneront aussi matièreà un débat qui promet d’être vif sur les rapports duphotojournalisme et de la création photographique.Autant de rendez-vous sur lesquels ce deuxième numérode Résistance & Droits de l’Homme, revient en détail.

é d i t o ( su i t e )

Contrastes et confinementsAucun sens de lecture n’est suggéré à l’entrée de l’exposi-tion : comme l’histoire de la Tchétchénie, elle ne sembleavoir ni début ni fin... Les photographies en noir et blancde Maryvonne Arnaud, dont il faut s’approcher pourdiscerner les détails, saturent un espace clos et sombre,propice à la restitution du confinement auquel sontcondamnés les Tchétchènes. Les lieux de vie exigus ouvrentd’ailleurs d’étranges fenêtres sur le monde : villas améri-caines, cornes d’abondance et autres top-models ornentles quelques murs qui tiennent encore debout. Pourtant,la vie que l’on voudrait mettre sous scellé reprend inexo-rablement le dessus : les éclats de rire masquent les éclatsd’obus, et pendant que la végétation s’ancre sur les pierresébranlées, les jambes des femmes se hissent au sommet detalons hauts pour défier les gravats. Visages rayonnants etbras entrecroisés, les familles se recomposent devant unobjectif que l’on devine attractif et guident le visiteur jus-qu’à la petite pièce centrale, lieu de parole et véritable foyerde l’exposition. Là, pendant que le regard s’attarde surles mots d’Abdelwahab Meddeb, l’oreille s’accroche auxintonations d’une multitude de récits. Histoires de rapts,de morts et de survies, elles viennent dire ce qu’on leurdemande de taire, voix tantôt frêles et tantôt âpres qui s’en-tremêlent autour d’un fil ténu : l’espoir d’être entendues. w

Page 4: Résistance & Droits de l'Homme n°2

l a p u b l i c a t i o n

Pour une poétique politiqueOn doit à Abdelwahab Meddeb, écrivain,poète et directeur de la revue Dédale entreautres, un texte accompagnant les photo-graphies de Maryvonne Arnaud. Ce texte,intégralement retranscrit dans la publica-tion, est également visible au sein de l’expo-sition Sur[exposée]. Paroles d’un hommede Lettres…

Pourquoi avoir accepté d’écrire ce texte ?Cela a d’abord été une occasion de renoueravec Maryvonne Arnaud : nous avions déjàété amenés à travailler ensemble il y a unedizaine d’années, au cours d’un voyage quiretraçait l’itinéraire de Rimbaud jusqu’àAden. Et puis le sujet tchétchène me pas-sionnait et les photographies de Maryvonneont été très incitantes. J’ai écrit ce texte aprèsles avoir véritablement « incorporées » etj’ai tenté de trouver un ton tendu vers laméditation, même s’il s’agit d’un sujet poli-tique. Quoiqu’il en soit, je suis très contentque la bibliothèque gagne un bel ouvrage…

Les photographies de Maryvonne Arnaudont-elles été votre principale sourced’inspiration ?J’avais déjà une idée de ce qu’il en était dela Tchétchénie, notamment grâce aux écritsprécédents de deux amis que sont JuanGoytisolo et André Glucksmann, et ceux de

Tolstoï, qui sont très importants. Il y avaitaussi les propos de Milana (une étudiantetchétchène arrivée récemment à Paris, et àqui ce texte est dédié, ndlr), que j’avaisrencontrée quelques temps auparavant.Muni à la fois de l’empreinte des photos, ducheminement de la parole avec Milana etdes souvenirs de tous ces écrits, je me suisattaché à souligner l’injustice faite à laTchétchénie, due au fait qu’on n’en parlepas ou peu, qu’elle n’est pas inscrite parmiles grandes causes et qu’elle est un théâtrerevendiqué et récupéré par l’intégrismeislamiste et terroriste international, alorsque c’est une tout autre histoire qui se joue.

Laquelle précisément ?Il y a toujours une part d’énigme mais il meparaît très clair que ce conflit a sa généalogiepropre, inscrite dans un rapport historiqueavec la Russie, qui est devenu probléma-tique tant sur le plan politique qu’idéolo-gique. En tout cas, on ne peut pas com-prendre le phénomène en lui-même, il nepeut être compris que dans le cadre del’histoire de l’Etat russe, de sa volontéd’hégémonie et de la résistance de la partdu peuple tchétchène. D’autre part, il estsurdéterminé par les questions que posel’islam aujourd’hui : en cela, c’est un évé-nement majeur à tous points de vue, qui

participe du présent et de l’avenir duMonde.Dans ce texte, vous parlez des Tchétchènesplus que de la Tchétchénie…Cela me vient tout simplement des photo-graphies de Maryvonne,qui ont cette dimen-sion humaine. Je crois qu’on oublie tropsouvent « l’humanité des humains ». Lors-qu’on est face à une cause, je crois que lameilleure façon de parler d’un problèmegénéral, c’est de le prendre par sa singularité.

Maryvonne Arnaud dénonce la manièredont les médias s’emparent du problèmetchétchène. Leur adressez-vous le mêmereproche ?Je ne pense pas que la Tchétchénie ait étéparticulièrement bien ou mal traitée par lesmédias, simplement, ceux-ci ont leur éco-nomie propre et posent un immense pro-blème : ils sont à la fois utiles et nuisibles, àune époque où le récit est devenu détermi-nant. C’est l’une des choses qu’a comprisele terrorisme international d’ailleurs etselon moi, bon nombre d’attentats specta-culaires ne sont pas commis pour eux-mêmes, mais en raison de la place qu’ilsoccuperont dans les médias. Je trouve quece qui est tragique, c’est qu’il faut toujoursde l’événement spectaculaire pour que lesproblèmes soient médiatisés. w

4

Sur[exposée]Tchétchénie Sur[exposée].Photographies de MaryvonneArnaud accompagnées destextes d’Abdelwahab Meddeb,publié aux éditionsle bec en l’air, 2005, 20 €

Page 5: Résistance & Droits de l'Homme n°2

La Tchétchénie : deux guerres en 10 ans

Le Comité Tchétchénie Créé en février 2003 sous l’impulsion deJoseph Dato (Délégué aux missions inter-nationales Médecins du Monde) le ComitéTchétchénie Grenoble sensibilise depuisl’opinion publique sur le sort des Tchét-chènes, en s’appuyant essentiellement surl’action culturelle. Projection de films, (onse souvient notamment de « Danse avec lesruines » et « Les enfants condamnés deGrozny » de Mylène Sauloy), mise en placed’expositions, organisation de conférencesse succèdent ainsi régulièrement. Fort de ses67 adhérents, le Comité Grenoble est l’undes plus importants de France et le soutienrenouvelé des institutions lui a permis, outrela possibilité de mener une réflexion et d’in-former tout un chacun sur l’évolution de lasituation, de préparer l’accueil de plusieursfamilles tchétchènes à Grenoble, ainsi quecelui d’un étudiant, Zaourbek Anasov. Unebourse de trois ans a d’ailleurs été accordéeà ce dernier par la région, lui permettantde préparer un doctorat d’économie à l’Uni-versité Pierre Mendès France. Enfin, le 17novembre dernier, c’est un colloque« Médias et humanitaire » qui a été organisépar le Comité et Humacoop.Articulé autourde trois tables rondes, il s’est attaché àconfronter de nombreux acteurs (respon-sables humanitaires, journalistes, élus)autour de « l’instrumentalisation humani-taire des crises », « des crises oubliées » etdu rôle que tiennent les médias et l’huma-nitaire dans l’information. w

Une permanence a lieu le 1er et le 3e lundide chaque mois de 18h à 20h, dans les locauxde “Artisans du Monde” :7, rue Très-Cloîtres 38000 GrenobleCoordonnées du Comité38 rue St Laurent – 38000 GrenobleTél : 04 76 25 77 50 - 06 12 64 15 82Fax : 04 76 42 50 [email protected] : www.caucase.fr

5

La Tchétchénie : 2 guerres en 10 ans.1er novembre 1991 Déclaration d’indépendance de la Tchétchénie.11 décembre 1994 Intervention des troupes russes, début de la première guerre.31 août 1996 L’accord de Khassaviourt entre Alexandre Lebed, alors chef du Conseilde sécurité russe, et M. Aslan Maskhadov, chef des indépendantistes tchétchènes,met fin à la guerre.27 janvier 1997 M. Maskhadov devient président lors des premières élections libres7 août 1999 Raid sur le Daghestan conduit par le chef islamiste tchétchène Chamil Bassaev.25 août 1999 L’armée de l’air russe bombarde des positions islamistes du Daghestanet des villages tchétchènes situés près de la frontière, début de la Deuxième guerre.Septembre 1999 Début du bombardement de Grozny (jusqu’en mars 2000)28 mars 2000 Election de M. Vladimir Poutine, dès le premier tour, à la présidence de laFédération de Russie.Avril 2000 Moscou annonce la fin des opérations militaires en Tchétchénie, mais lesattentats se multiplient contre l’armée russe.Juin 2000 Vladimir Poutine place la Tchétchénie « sous administration présidentielledirecte ».23-26 octobre 2002 Un commando tchétchène prend en otage 700 spectateurs àl’intérieur du théâtre de la Doubrovka de Moscou. L’assaut des forces spéciales se solderapar 115 morts russes plus la quasi-totalité des Tchétchènes.22 novembre 2002 Lors d’un sommet informel, le président George W. Bush et sonhomologue russe évacuent leurs divergences sur la Tchétchénie au nom de l’allianceantiterroriste.26 mars 2003 Référendum sur la nouvelle Constitution, qui confirme l’appartenance dela Tchétchénie à la Fédération de Russie : officiellement, 85 % des Tchétchènes votent et96 % disent oui.Avril 2003 Suite à un rapport de la commission Bindig, l’Assemblée parlementaire duConseil de l’Europe demande la création d’un Tribunal pénal international ad hoc pourla Tchétchénie.Avril-mai 2004 Fermeture des derniers camps officiels de réfugiés en Ingouchie,aboutissement d’une politique incitative et coercitive de plusieurs années pour fairerevenir des réfugiés en Tchétchénie, alors que ni les conditions matérielles, ni lesconditions de sécurité ne sont assurés.Mai 2004 Le président tchétchène prorusse Akhmad-Khadji Kadyrov est tué dansun attentat à Grozny. De nouvelles élections sont fixées pour le 29 août 2004.Septembre 2004 Prise d’otages d’enfants, de parents et d’enseignants dans une écoleà Beslan (Ossétie du Nord) par un groupe d’hommes armés demandant le retraitdes troupes russes de Tchétchénie. Suite à l’intervention des forces spéciales russes,le bilan est de 320 morts dont 155 enfants et plus de 500 blessés.8 mars 2005 Le président Aslan Maskhadov est tué à Tolstoï-Iourt, sa mort estrevendiquée par le FSB russe.

Sources : Le Monde diplomatique, juin 2003

Page 6: Résistance & Droits de l'Homme n°2

Le Cahier n°2 de laMaison des droitsde l’Homme

Rassemblant les actes desconférences de la saison2003-2004, ce numéro pré-sente les interventions desrencontres Religions et Droitsde l’Homme (Jean Halpérin,Michel Simon, RachidBenzine, Arnaud Dotezac,Roger Lesgards), Ethique etDroits de l’Homme (MichèleGuillaume-Hofnung), lesnouvelles technologie de l’in-formation et de la communi-cation : garant ou ennemi deslibertés individuelles? (Chris-

tophe Pallez et Jean Frayssinet), Citoyenneté,démocratie et Droits de l’Homme (FrancineBest, Gérard Cellier) et Pour une éducationaux Droits de l’Homme (Robert Trocmé). Lapublication sera disponible à l’accueil duMusée de la Résistance et de la Déporta-tion de l’Isère dès janvier 2006 w

La Charte de Grenoble,60 ans aprèsTable ronde – Mardi 18 avril à 18h30Archives départementales de l’Isère

Le 24 avril 1946, les représentants des étu-diants français se rassemblent en congrèsnational à Grenoble. Porteurs des valeurs dela Résistance et décidés à participer,dans tousles domaines, à la reconstruction du pays, ilsadoptent un document, la « charte de Gre-noble », considéré depuis comme l’acte denaissance du syndicalisme étudiant français.Dans le cadre des projets « Mémoires vivesétudiantes en Rhône-Alpes », à l’invitationdes Archives départementales de l’Isère, desArchives municipales de Grenoble et duMusée de la Résistance et de la Déportationde l’Isère / Maison des Droits de l’Homme,des acteurs, signataires de la charte de 1946et des chercheurs débattront en table rondeautour de ce moment fondateur.

Avec les participations de Paul Bouchet,Pierre Rostini, Jean-Marie Lustiger et deschercheurs Alain Monchablon et RobiMorder (GERME, Groupe d’études et derecherche sur les mouvements étudiants).

Table ronde animée par Jean-Claude Duclos(Musée de la Résistance et de la Déporta-tion) et Jean-Philippe Legois (MissionCAARME/ CME). w

Le cinquième festival isérois du film surla Résistance du 22 au 29 mars 2006Organisé depuis cinq ans par Les Amis de la Résistance - ANACR, le festival propose durantune semaine, des projections et des rencontres autour de réalisateurs, d’écrivains et detémoins, dans toute l’agglomération grenobloise.

Argentine 1976 - 2006Temps de Mémoire, Vérité et JusticeLe 24 mars 1976, le gouvernement d’Isabel Peron était renversé par une junte militairedirigée par le général Jorge Rafael Videla. La dictature que connaîtra l’Argentine jusqu’en1984 fera quelques 30 000 morts ou disparus et des milliers d’éxilés.Pour rappeler ces événements, le collectif « Argentine 1976-2006 » constitué d’associationsd’exilés argentins, latino-américains et de sympathisants français de l’agglomérationgrenobloise organise une série de manifestations, de mars à juin 2006, avec la participationdu mouvement des Mères de la Place de Mai.Au programme, cycle de cinéma argentin, concert de tango, spectacle de danse, conférenceset exposition (Los Hijos, Tucuman veinte años despues, Les Fils, Tucuman vingt ans aprèsprésentée au Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère / Maison des droits del’Homme du 5 avril au 8 mai 2006).Renseignements et programme complet : [email protected] - Fax 04 76 21 94 17

b r è v e s

6

Extraits de la programmation :

Jeudi 23 mars à 18h30 - Librairie Le Square à GrenoblePrésentation, en présence des auteurs, du livre “La mort à 15 ans”, série d’entretiens entrele résistant André Rossel-Kierchen, l’un des accusés du “procès de la Maison de la Chimie”(1942) et l’écrivain Gilles Perrault.

Samedi 25 mars à 15h - Médiathèque Kateb Yacine à Grand PlaceLes deux hommes seront également présents à la projection du documentaire “Un prin-temps 42” de Jean-Louis Saporito et Elda Feltrin sur le Procès de la Maison de la Chimie.

Dimanche 26 mars 2005 à 15h - Musée dauphinois à Grenoble En partenariat avec le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère Projections des documentaires du journaliste Patrice Morel - à 15h : “Glières 44. Le cortège des ombres”- à 16h : “Vercors 44. Le rêve des hommes jeunes”Suivies d’un débat, à 17h, avec le réalisateur et les historiens Gilles Vergnon et Gil Emprinsur l’histoire et la mémoire du maquis du Vercors

Mardi 28 mars à 20h30 - Cinéma Le Méliès à Grenoble En partenariat avec le Collectif Argentine 1976-2006, à l’occasion du 30e anniversaire ducoup d’état militaire en Argentine, et en présence d’une “mère de la place de Mai”Projection du film “Kamchatka”, de Marcelo Piñeyro.

Renseignements et programme complet : Amis de la Résistance-ANACR : 04 76 47 04 49

à paraître

Les chefs de la Junte en avril 1979 : l’amiral Massera et les généraux Videla et AgostiColl. MRDI, fonds P. Ripert

Les Folles de maià Buenos AeresColl. MRDI, fondsP. Ripert

Page 7: Résistance & Droits de l'Homme n°2

p r o c h a i n e e x p o

l e s c o n f é r e n c e s

7

Les droits de l’enfantLe Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère / Maison des droits de l’homme proposeune réflexion sur les droits de l’enfant autour d’une exposition et de conférences.

En partenariat avec le collectif Argentina1976-2006

Los Hijos, ce sont ces enfants argentins, desannées 1976 - 1984 dont l’un ou les deuxparents ont “disparu”sous la dictature mili-taire. Aujourd’hui, à l’heure où la grandemajorité des responsables de ces crimesvivent encore en toute impunité, ces enfantsdevenus grands clament “NI OUBLI NIPARDON” et s’organisent en associationspour enquêter sur la vie de ces criminelspuis manifester afin de rendre publiquesleurs actes.L’exposition présente 38 portraits et témoi-gnages de ces jeunes adultes, originairesdu Tucuman, la plus petite des provincesd’Argentine où s’abattit une répressionféroce. w

mardi 14 mars 2006 - 18h30aux Archives départementales de l’Isère 2, rue Auguste Prudhomme à Grenoble

organisée par la section iséroise des Amis dela Fondation pour la mémoire de la Dépor-tation. En partenariat avec le Musée.

Les droits de l’homme sont le plus profon-dément bafoués quand sont violés ceux desplus vulnérables, les enfants. L’humanité apris conscience de l’absolue nécessité deprotéger les enfants, premières victimes desconflits armés.Malgré l’adoption par l’ONU d’une conven-tion internationale sur les droits de l’enfants(1989), des millions d’enfants sont morts dufait de la guerre, ou handicapés à vie, arra-chés à leur famille, ou encore transformésen guerriers. On leur a volé leur enfance,quels adultes deviendront-ils ?

avec Marie-Jo Chombart de Lauwe, prési-dente de la Fondation pour la Mémoire dela déportation résistante, déportée à Ravens-brück puis à Mauthausen.

Renseignements :[email protected]

Cette réflexion se poursuivra àl'automne 2006, autour de laConvention internationale desdroits de l'enfant, au cours d’unerencontre avec

le Docteur Daniel Halpérin,président de l'association Janusz Korczack

Los Hijos, Tucuman, veinte años despues

Les fils, Tucuman, vingt ans après Photographies de Julio Pantoja Du 5 avril au 8 mai 2006

Les enfants dans les guerres

Page 8: Résistance & Droits de l'Homme n°2

8

a g e n d a

Tchétchénie une affaireintérieure?jeudi 12 janvier 2005 - 18h30

Comment comprendre le long conflitqui oppose la Russie au petit territoiretchétchène ? Pourquoi aucune solutionpolitique n’a-t-elle encore pu êtretrouvée ? Quel est le poids desparticularités régionales (le “chaudroncaucasien”) par rapport aux enjeuxgéostratégiques ? Autant de questionsauxquelles répondra Aude Merlin,doctorante en Science-politique,spécialiste du Caucase et co auteur d’unouvrage de référence paru aux éditionsAutrement, en 2005, “Tchétchénie uneaffaire intérieure ?”

Droits de l’Homme etTchétchénie ?jeudi 26 janvier 2005 - 18h30organisée en partenariat avec la FIDH,la fédération iséroise de la Ligue des Droitsde l’Homme et Médecins du Monde-Grenoble

On estime à près de 200 000, le nombredes victimes civiles des deux guerresde Tchétchénie. Un chiffre qu’il va falloirrevoir à la hausse car malgré la“normalisation” annoncée haut et fortpar le gouvernement de VladimirPoutine, les exactions de l’armée russe àl’encontre de la population -essentiellement des hommes sous couvertde chasse aux “terroristes” - continuent.Malgré la censure des autorités russes,les médias occidentaux en saventsuffisamment. Dès lors, commentexpliquer le peu d’empressementdes instances internationales àcondamner la Russie et à agir pour quecessent les violations avérées aux droitsde l’homme ?

avec Sacha Koulaeva, chargée deprogramme Europe de l’est/Asie centralede la Fédération Internationale des Liguesdes Droits de l’Homme (FIDH)et Joseph Dato, délégué aux missionsinternationales à Médecins du Monde

Table ronde sur les rapportsentre histoire,photojournalisme etcréation photographiquejeudi 9 mars 2006 - 18horganisée en partenariat avec la Maison dela photographie avec Maryvonne Arnaud,plasticienne et auteure des photographiessur la Tchétchénie,

Laurent Gervereau, historien, spécialistede l’image, directeur de la revue L’Imageet du site imagesmag.net et PascalKober, journaliste et photographeindépendant (Maison de la photographie).

Résistance & Droits de l’HommeNuméro 2 - décembre 2005Directeur de la publication : Jean-Claude DuclosRédaction : Jean-Claude Duclos, Anne-Sophie Pico,Cécile Vargas, Audrey Passagia Conception, réalisation : Pierre GirardierCrédits photographiques : Musée de la Résistance et de laDéportation de l’Isère, Maryvonne ArnaudImprimeur : Imprimerie des Deux-PontsTirage : 11 300 ex.Dépôt légal à parution ISSN en coursMusée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère Ouvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembre au 30 juin(sauf mardi, de 13h30 à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h)et de 10h à 19h, du 1er juillet au 31 août (sauf mardi, de 13h30 à19h).

14, rue Hébert - 38000 Grenoble tél 04 76 42 38 53 - fax 04 76 42 55 89www.resistance-en-isere.fr

L’entrée dans les musées départementaux est gratuite.

Cycle de conférencesautour de l’exposition Tchétchénie Sur[exposée]. Une vie dans l’ombre, photographiesde Maryvonne Arnaud Proposées en partenariat avec le Comité Tchétchénie de Grenoble,trois rencontres se succèderont de janvier à mars.Elles se déroulent aux Archives départementales de l’Isère : 2, rue Auguste Prudhomme à Grenoble.