résistance & droits de l'homme n°1

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n°1 novembre 2005 1 En demandant, en décembre 2001, à l’équipe du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère d’instruire le projet d’une Maison des Droits de l’Homme, nous avions déjà lié très étroitement la future maison au musée. Au fil des rencontres, des échanges, des débats et des publications, la relation est devenue tellement évidente qu’il est maintenant inconcevable de les dissocier l’un de l’autre. Les valeurs de la Résistance ne peuvent être disjointes, en effet, de celles des droits de l’Homme proclamés à l'issue de la Seconde Guerre mondiale par les Nations-Unies. Intitulé précisément Résistance & Droits de l’Homme, ce nouveau journal vient confirmer cette relation. Grâce à la valorisation culturelle et pédagogique de la mémoire et de l’histoire, les motifs pour lesquels des hommes et des femmes sont entrés en Résistance, sont ainsi mis en connection directe avec la défense des droits fonda- mentaux de la personne humaine. Les résistants et les déportés, fondateurs du musée, qui tenaient à ce que leur histoire aide les générations suivantes à éviter les périls auxquels ils furent eux-mêmes confrontés, sont ainsi exaucés. Gratuit, comme le sont tous les musées départementaux depuis le 1 er janvier 2004, ce journal accompagnera désormais chacun des événements dont le Musée de la Résistance et de la Déportation / Maison des Droits de l’Homme sera le cadre. Ce premier numéro vient ponc- tuer le soixantième anniversaire de la libération des camps par une réflexion sur la transmission de la mémoire de la Shoah, autour des travaux et de l’exposition de Yad Layeled. Nous sommes reconnaissants au centre culturel juif de Grenoble de l’avoir proposé et nous nous souve- nons du message de Primo Levi « L’homme est et doit être sacré pour l’homme, partout et toujours ». Une phrase qui nous rappelle, s’il en était encore besoin, que Résistance & Droits de l’Homme sont inséparables, définitivement. André Vallini Président du Conseil général Député de l’Isère [ ] L’exposition du 10 au 28 novembre 2005 L’histoire de la Shoah est aujourd’hui connue grâce à la multiplication des témoignages et au travail des histo- riens. Le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère tel qu’il est inauguré en 1994 est relativement pauvre en informations sur le sort des Juifs en Isère pendant la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, il saura intégrer les progrès de l’historiographie à ses présenta- tions. Ainsi, suite à l’exposition Etre Juif en Isère de 1939 à 1945, inaugurée en 1997, un espace consacré à ce même sujet vient compléter les présentations de longue durée en 2001, tandis que la rénovation de la salle de la Dépor- tation est prévue en 2006. Par ailleurs, l’histoire de la mémoire de la Shoah a également été explorée au gré des conférences et des partenariats : Annette Wieviorka, encore à Grenoble en septembre dernier, Georges Bensoussan, Philippe Mesnard et Philippe Barrière sont quelques-uns des conférenciers qui se sont exprimés sur ce sujet. Or, en cette année du 60 e anniversaire de la découverte des camps, jamais la mémoire de la Shoah n’a été aussi présente sur la scène publique, poursuivant en cela un mouvement amorcé depuis les années 1980 …/… RÉSISTANCE & DROITS DE L’HOMME édito Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation & de la Maison des Droits de l’Homme

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Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère

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En demandant, en décembre 2001, à l’équipe du Muséede la Résistance et de la Déportation de l’Isère d’instruirele projet d’une Maison des Droits de l’Homme, nousavions déjà lié très étroitement la future maison au musée.Au fil des rencontres, des échanges, des débats et despublications, la relation est devenue tellement évidentequ’il est maintenant inconcevable de les dissocier l’unde l’autre. Les valeurs de la Résistance ne peuvent êtredisjointes, en effet, de celles des droits de l’Hommeproclamés à l'issue de la Seconde Guerre mondiale parles Nations-Unies.

Intitulé précisément Résistance & Droits de l’Homme, cenouveau journal vient confirmer cette relation. Grâceà la valorisation culturelle et pédagogique de la mémoireet de l’histoire, les motifs pour lesquels des hommes etdes femmes sont entrés en Résistance, sont ainsi misen connection directe avec la défense des droits fonda-mentaux de la personne humaine. Les résistants et lesdéportés, fondateurs du musée, qui tenaient à ce que leurhistoire aide les générations suivantes à éviter les périlsauxquels ils furent eux-mêmes confrontés, sont ainsiexaucés.

Gratuit, comme le sont tous les musées départementauxdepuis le 1er janvier 2004, ce journal accompagneradésormais chacun des événements dont le Musée de laRésistance et de la Déportation / Maison des Droits del’Homme sera le cadre. Ce premier numéro vient ponc-tuer le soixantième anniversaire de la libération des campspar une réflexion sur la transmission de la mémoire dela Shoah, autour des travaux et de l’exposition de YadLayeled. Nous sommes reconnaissants au centre cultureljuif de Grenoble de l’avoir proposé et nous nous souve-nons du message de Primo Levi « L’homme est et doit êtresacré pour l’homme, partout et toujours ». Une phrase quinous rappelle, s’il en était encore besoin, que Résistance& Droits de l’Homme sont inséparables, définitivement.

André ValliniPrésident du Conseil général

Député de l’Isère

[ ]L’expositiondu 10 au 28 novembre 2005L’histoire de la Shoah est aujourd’hui connue grâce à lamultiplication des témoignages et au travail des histo-riens. Le Musée de la Résistance et de la Déportation del’Isère tel qu’il est inauguré en 1994 est relativementpauvre en informations sur le sort des Juifs en Isèrependant la Seconde Guerre mondiale. Par la suite, il sauraintégrer les progrès de l’historiographie à ses présenta-tions. Ainsi, suite à l’exposition Etre Juif en Isère de 1939à 1945, inaugurée en 1997, un espace consacré à ce mêmesujet vient compléter les présentations de longue duréeen 2001, tandis que la rénovation de la salle de la Dépor-tation est prévue en 2006.

Par ailleurs, l’histoire de la mémoire de la Shoah aégalement été explorée au gré des conférences et despartenariats : Annette Wieviorka, encore à Grenoble enseptembre dernier,Georges Bensoussan,Philippe Mesnardet Philippe Barrière sont quelques-uns des conférenciersqui se sont exprimés sur ce sujet. Or, en cette année du60e anniversaire de la découverte des camps, jamais lamémoire de la Shoah n’a été aussi présente sur la scènepublique, poursuivant en cela un mouvement amorcédepuis les années 1980 …/…

RÉSISTANCE& DROITSDE L’HOMME

éd i to

Journal duMusée de la Résistance et de la Déportation& de la Maison des Droits de l’Homme

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En présentant « Et tu le raconteras à tesenfants... », exposition itinérante réalisée parle Musée Yad Layeled en Israël et accueillieavec le partenariat du Centre culturel juifde Grenoble, le Musée s’intéresse, cette fois,à la mémoire de la Shoah, telle qu’elle s’estdéveloppée en Israël. L’exposition retrace eneffet l’histoire de la fondation de l’un despremiers lieux de mémoire de la Shoah enIsraël : la Maison des combattants des ghet-tos (Beit Lohamei Haghetaot).

En avril 1949, à l’occasion du 6e anniversairede l’insurrection du ghetto de Varsovie, ungroupe de survivants des mouvements dejeunesse de Pologne et de Lituanie fondenten Galilée, un lieu de mémoire et de viedédié à tous ceux qui ont disparu dans laShoah : Lohamei Haghetaot, le musée et lekibboutz des Combattants des Ghettos.

Pour ces résistants, parmi lesquels figurentdes personnalités emblématiques de la

Résistance juive comme Zivya Lubtkin etYitzak Zukerman, cette création s’inscritdans un double projet : construire unesociété nouvelle, pleine de vitalité et éleverun monument commémoratif à la mémoirede leurs familles et de leurs communautésd’origine disparues.

La volonté de s’adresser aux plus jeunes seconcrétise en 1995 par la création de YadLayeled, musée mémorial dédié au millionet demi d’enfants juifs assassinés pendant laShoah et destiné spécifiquement auxenfants.Ainsi, l’exposition “Et tu le raconteras à tesenfants...”est-elle une réalisation de l’équipede Yad Layeled. Elle est conçue pour êtreexploitée par les enseignants du primaire,en lien avec une mallette pédagogique qui,reprenant la démarche du Musée, permetaux élèves de découvrir des destins indivi-duels d’enfants pendant la Shoah.Outre les deux musées, l’ensemble Beit

Lohamei Haghetaot

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l ’ e x p o

La mémoire de la Shoah en IsraëlLorsqu’en 1949, des résistants rescapés du ghetto deVarsovie fondent, en Galilée, le kibboutz des combat-tants des ghettos, un Israélien sur trois est alors unsurvivant de la Shoah. Pourtant, tout comme en France,ceux-ci doivent affronter l’incompréhension de lasociété dans laquelle ils tentent de s’insérer. L’attitudede la population à leur égard est faite d’un mélange demépris - ne se sont-ils pas laissés conduire « commedes moutons à l’abattoir » ? -, de pitié devant leursmalheurs et de culpabilité, le Yishouv (le foyer juif enPalestine avant la création de l’Etat d’Israël, en 1948),n’ayant rien pu faire pour empêcher l’exterminationdes Juifs d’Europe. Les survivants, eux-mêmes, tout ens’organisant en associations, veulent se fondrent dansla population et devenir de parfaits Israéliens.

Ce n’est donc pas un hasard si l’un des premiers lieux de mémoire consacré à la Shoah en Israël valorise la résistance des Juifs faceau nazisme. Là encore, on note une similitude avec la France, où l’expérience concentrationnaire n’est acceptable pour l’opinion quesi elle est le prolongement d’une activité de résistance.En 1959, est votée la loi portant création de la Journée du Souvenir et de l’Héroïsme. En accord avec l’idéal sioniste, l’Etat israélienentend avant tout valoriser la mémoire combattante et résistante, plutôt que celle des victimes.

Mais, en 1961, se déroule un événement qui va donner à la mémoire de la Shoah une orientation totalement nouvelle. C’est en effeten avril que s’ouvre à Jérusalem le procès du SS Adolf Eichmann, responsable de la mise en œuvre de l’extermination des Juifsd’Europe. Pour Israël, il s’agit de faire de ce procès un “Nuremberg” juif. Cent-dix témoins sont convoqués à la barre. Pour lapremière fois, la parole des rescapés est entendue de tous. L’impact tant en Israël qu’en Europe et aux Etats-Unis est considérable.A la vision massifiée de la Shoah (les “6 millions” de morts) qui l’emportait jusque-là, se substitue l’idée que les victimes et les resca-pés sont des personnes singulières porteuses d’une histoire qui leur est propre. Aux yeux des Israéliens, ces rescapés constituentdésormais le seul lien qui demeure avec la culture juive anéantie. Cette conception prévaut toujours en 1995, lorsque Yad Layeled(mémorial des enfants) est inauguré, à proximité de la Maison des combattants des ghettos. Ainsi, sur un même site, se dressent àla fois un musée qui exalte la vaillance et un mémorial dédié aux enfants, victimes “absolues” de la Shoah. Entre les deux, 46 ans sesont écoulés. w

Le procès d’Adolf Eichmann. Jérusalem, 1961

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14, rue Hébert

chronologie...1963 Création du Comité du Muséede la Résistance dauphinoise1966 Inauguration (14, rue J.J. Rousseau)du Musée de la Résistance Dauphinoise1970 Le musée prend le nom deMusée de la Résistance et de la Déportation1986 Le Conseil général de l'Isère acceptede prendre le relais et de mettre à l'étudela création d'un musée départemental1990 Création d'un conseil scientifique,composé pour moitié d'anciens Résistantset Déportés, représentants de l'associationdu Musée et pour l'autre d'historiens, afinde discuter et d'approuver le programmemuséographique du futur musée.1993 Exposition de préfiguration auMusée dauphinois : Les années noires - Larépression à Grenoble pendant l'occupation1994 (1er juillet) Inauguration (14 rueHébert) du Musée de la Résistanceet de la Déportation de l'Isère dans le cadredu cinquantenaire de la Libération1999 L'association du musée devientl'Association des amis du Musée de laRésistance et de la Déportation de l'Isère2001 (décembre) A la demande duConseil général, le projet d'une Maisondes Droits de l'Homme (MDH) est instruitau sein du Musée de la Résistanceet de la Déportation de l'Isère (MRDI),2002 (27 février) Présentation du projetde la MDH aux associations de l'Isère2002 (16 novembre) Mise en placedu Conseil consultatif de la MDH 2003 (15 février) Rencontres de la MDHau musée de la Révolution française enprésence de représentants de la Marchedes femmes2003 - 2005 Poursuite des rencontres dela MDH, édition des cahiers de la MDH,lancement d'un site Internet et d'unbulletin communs au Musée et à laMaison : Résistance & Droits de l'Homme

Une maison dans un muséeDe l'important travail de négociation, menéde 1990 à 1994 dans le cadre du Conseilscientifique du MRDI, résulte l’engagementde privilégier :

1– l'approche chronologique, en raison dela priorité à donner à la pédagogie,2– les spécificités iséroises de l’histoire de laSeconde Guerre mondiale,3– l'actualité des valeurs de la Résistance.

Ces choix ont engagé durablement la poli-tique pédagogique et culturelle du musée.Ainsi, à la question souvent posée “Pourquoile musée ne dénonce-t-il pas aussi le stali-nisme et les goulags ?” la réponse est claire :il ne l’exclut pas mais n’y accorde pas deplace, dans ses présentations de longuedurée, parce que ce n'est pas à ces maux-làque la Résistance iséroise s’est affrontée,mais au nazisme, au fascisme et à la colla-boration du gouvernement de Vichy. Al'autre question, elle aussi souvent formu-lée, de savoir “Pourquoi le musée se mêle-t-ilde l'actualité, au lieu de se contenter de l'His-toire ?”, il suffit de se reporter à la volontédes résistants et des déportés qui se sontexprimés lors de la préparation du pro-gramme du musée départemental : “Plusjamais ça !”. Gustave Estadès, l’un des fon-dateurs du musée, avait souhaité lui-mêmevoir figurer ces trois mots en lettres géantesdans l'entrée du futur musée. Force est de leconstater : lorsqu’une discussion s'engage

avec des élèves, au musée, elle déboucheinvariablement sur l’actualité du monded’aujourd’hui.

C’est ainsi, parce que le musée a pour mis-sion de mettre en évidence l’actualité desvaleurs de la Résistance, que la décision duConseil général de l’associer à une Maisondes Droits de l’Homme entre en parfaitecohérence avec les objectifs que lui avaientdonnés ses fondateurs. On sait ensuite, com-ment de 2003 à 2005, des rencontres se sontsuccédées, afin de partager le projet de laMDH et de le doter de réflexions fonda-trices. Les Cahiers de la MDH sont là pouren rendre compte. « On peut imaginer qu'àcôté de ces dialogues “savants”- disait déjàMaryvonne David-Jougneau, le 27 février2002 - les conflits interculturels de la régionpuissent trouver aussi dans cette Maison unlieu d'accueil où des médiateurs, animés dumême esprit, aideraient à mettre en œuvre lareconnaissance de l'Autre au sein d'unecitoyenneté qui a, elle aussi, ses règles à res-pecter et à faire respecter. On peut ainsi conce-voir la Maison des Droits de l'Homme commeun lieu de formation permanente à la citoyen-neté, citoyenneté française et européenne,mais aussi à la “citoyenneté planétaire” dontnous parlent certains penseurs qui vont déjàplus loin dans l'Utopie ». Le dialogue entreRésistance & Droits de l’Homme, dont lemusée-maison est désormais le cadre,devrait permettre de réaliser cet objectif. w

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c o l l o q u e

Quel avenir pour les Musées de laSeconde Guerre mondiale dans lesAlpes occidentales ?Inéluctablement, le souvenir de la SecondeGuerre mondiale s’éloigne. Que vont deve-nir les musées, centres d’histoire et lieux demémoire dédiés à la Résistance, la Dépor-tation ou, plus largement, à l’histoire de laSeconde Guerre mondiale ? Pour répondreà cette question, le Musée de la Résistanceet de la Déportation de l’Isère, l’associationdes amis du Musée et l’Institut d’histoire dela Résistance et de la Société contemporaine“Giorgio Agosti” de Turin (Istoreto) ontvoulu partager leurs expériences, confron-ter leurs positions et connaître l’opinionde quelques experts.

w les 23 et 24 novembre à Turin,au Museo diffuso della Resistenza,della Deportazione, della Guerra, deiDiritti e della Libertà

w les 25 et 26 novembre à Grenoble,à la Maison des Sciences de l’Homme- Alpes, sur le campus universitaire.

C’est à Pascal Estadès, président de l’asso-ciation des Amis, héritière de l’associationdes membres fondateurs du Musée, querevient l’initiative de ce colloque. Confron-tée à la disparition progressive des témoins,l’association s’interroge sur les valeurs quedéfendront ces musées et sur la nécessairearticulation entre résistance d’hier et résis-tances d’aujourd’hui.

Par ailleurs, le colloque est une nouvelleétape d’un fructueux partenariat transfron-talier entre le Musée de la Résistance etde la Déportation de l’Isère et l’Institutd’histoire de la Résistance et de la Sociétécontemporaine de Turin (Istoreto).Cette coopération remonte à 2003. Il s’agis-sait alors, dans le cadre du programmeInterreg Mémoires des Alpes / Memoriadelle Alpi, 1939-1945" et en lien avec despartenaires issus des départements alpins etde Suisse, de proposer, au moyen d’uneexposition, une histoire commune de laSeconde Guerre mondiale à l’échelle desAlpes occidentales. Bilingue, “Alpes enguerre,Alpi in guerra. 1939-1945”a été pré-sentée simultanément des deux côtés desAlpes : à Grenoble, Chambéry, Turin et dansle Val d’Aoste.Pour Ersilia Alessandrone Perona, directrice

de l’Istoreto, le colloque est l’occasion decomparer la situation des musées de laRésistance et de la Déportation des deuxcôtés des Alpes occidentales. Car les diffé-rences sont évidentes. Tandis qu’en France,ces musées existent depuis parfois plusieursdécennies grâce aux efforts des témoins età l’appui des institutions régionales etlocales, en Italie les conflits des mémoires,les clivages et les dissensions entre résistantset déportés ont longtemps limité les fonda-tions de musées et ralenti leur développe-ment. Aujourd’hui, si les conservateursfrançais s’interrogent sur l’avenir de leursmusées, en Italie on constate l’essor demusées et de lieux de mémoire d’un nou-veau type, ancrés au territoire, historiquesplus que commémoratifs, exploitant le tra-vail scientifique et les archives des Institutsd’histoire de la Résistance. Les uns et lesautres, pourtant, se posent les mêmes ques-tions sur le rapport entre le passé et le pré-sent. Ils se demandent en particulier com-ment adapter la fonction civique, éducativede ces musées aux expériences et aux lan-gages des nouvelles générations, face auxchangements des « cadres sociaux de lamémoire » et de la composition de nossociétés. w

Le programme complet du colloque est disponible à l’accueil du Musée de laRésistance et de la Déportation de l’Isère (04 76 42 38 53) ou téléchargeable sur le site :http://www.resistance-en-isere.fr

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Composé de six ateliers successifs,le colloque se déroulera en deux temps :les 23 et 24 novembre à Turin,au Museo diffuso della Resistenza,della Deportazione, della Guerra,dei Diritti e della Libertà

les 25 et 26 novembre à Grenoble,à la Maison des Sciences de l’Homme -Alpes, sur le campus universitaire :

Vendredi 25 novembre9h : Séance d’inauguration présidéepar Christine Crifo, Vice-présidentedu Conseil général de l’Isère, chargéedes actions départementales de mémoire

9h30 : ATELIER 4. Table ronde

Les musées de la Seconde Guerremondiale, acteurs et partenaires

Témoins, historiens, muséographes,associations, enseignants, politiqueset médiateurs, le rôle tenu par chacun deces acteurs varie d’un musée à l’autre,en fonction de leur histoire et du messagequ’ils véhiculent. Quelle est leur placed’un musée à l’autre ? Comment leur rôlea-t-il évolué dans le temps et commenttirer partie des synergies favorisées parle musée quand ces différentes catégoriesd’intérêt s’y retrouvent ?

Sous la présidence d’Anne-Marie Granet-Abisset, historienne, maître de conférenceen histoire contemporaine, UniversitéPierre Mendès-France, Grenoble.

Thérèse Cousin, membre du bureau del’association des professeurs d’histoireet de géographie,Christine Crifo, vice-présidente duConseil général de l’Isère, chargée desactions départementales de mémoire,Isabelle Doré-Rivé, conservatricedu Centre d’Histoire de la Résistanceet de la Déportation de Lyon,Pascal Estadès, président de l’Associationdes Amis du Musée de la Résistanceet de la Déportation de l’Isère,Valter Giuliano, assesseur à la Culturede la Province de Turin,Jean-Marcel Humbert, conservateurgénéral du Patrimoine à l'Inspectiongénérale des Musées (DMF),chargé des Musées d'Histoire.

14h30 : ATELIER 5

L’avenir des musées de laRésistance et de la Déportation

De nombreux musées de la Résistanceet de la Déportation survivent à leursfondateurs, acteurs-témoins de la période.Tous traitent d’événements qui ne cessentde devenir plus lointains mais auxquelsdes valeurs demeurent attachées.Pourront-ils continuer longtemps ?Comment y défendre une muséologie desvaleurs et des idées qui ne puisse pas êtresuspectée de parti pris ?

Comment les responsables de quelques-unes de ces institutions, en Rhône-Alpeset Piémont, imaginent leur devenir ?

Sous la présidence de Pascal Estadès,président de l’Association des Amis duMusée de la Résistance et de laDéportation de l’Isère.

Le Musée de la Résistanceet de la Déportation de l’Isèrepar Jean-Claude Duclos, conservateur enchef.La Maison Mémorial des Enfants juifsexterminés d’Izieupar Geneviève Erramuzpé, directrice.Le Musée de la Résistanceet de la Déportation de Besançonpar Elizabeth Pastwa, conservatrice.L'Istituto piemontese per la Storia dellaResistenza e della società contemporaneapar Ersilia Alessandrone Perona, directrice.

Samedi 26 novembre9h30 : ATELIER 6. Table ronde

Les résistances d’aujourd’hui,quelle place dans les musées ?

La mémoire unit par définition le passéproche au présent. Avec le temps,inéluctablement, les hommes et lessociétés changent, et cette mémoire necesse de s’exprimer différemment, au filde l’actualité. Comment les musées, pourrester en phase avec la société, peuvent-ilsajuster leur action à ces changements ? Ens’ouvrant ainsi aux « résistancesd’aujourd’hui » ? Mais, entrecomparaisons pertinentes et abus, voiredétournements, de mémoire, se pose laquestion de la légitimité de cesrapprochements entre luttes passées etcontemporaines au sein des institutionspubliques. Pourtant, l’approcheanalogique n’est-elle pas devenueindispensable pour que le lien entre hieret aujourd’hui conserve un sens ?

Sous la présidence de Maryvonne David-Jougneau, philosophe

Philippe Barrière, professeur agrégéd’histoire, chargé du Service éducatif duMusée de la Résistance et de laDéportation de l’Isère,Gil Emprin, professeur agrégé d’histoire,chargé du Service éducatif du Musée de laRésistance et de la Déportation de l’Isère,Olivier Ihl, professeur agrégé desUniversités en Science Politique, directeurde l’IEP de Grenoble, directeur de Cerat-UMR pacte (CNRS),Henri Leclerc, avocat au Barreau de Paris,président d’honneur de la Ligue françaisedes Droits de l’Homme (sous réserve).Burkhard Schwetje, responsable de lasociété d'édition multimédia Zadig.Storia, cultura, multimedia, co-auteur dusite du Musée virtuel des intolérances(www.museodelleintolleranze.it).

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Disparition de Pierre BrouéPierre Broué, éminent historienet militant engagé, s'est éteint, à Grenoble,dans la nuit du lundi au mardi 26 juillet,à l'âge de 79 ans.Il naît à Privas (Ardèche), en 1926, dansune famille de fonctionnaires, et s'éveilleà la chose politique avec les événementsdu 6 février 1934, le front populaireet la guerre d'Espagne.Engagé très tôt dans les maquis d'Ardèche,il poursuit la lutte au sein des Jeunessescommunistes puis adhère au trotskysme,qui représente à ses yeux la continuité dumarxisme. Toute sa vie sera marquée parce double engagement d'historien,spécialiste du mouvement ouvrier et demilitant. D'abord enseignant en régionparisienne, il arrive à Grenoble dans lesannées 1960 et enseigne l'histoirecontemporaine à l'Institut d'étudespolitiques. Ses travaux, animés parl'objectivité et la recherche de la vérité,renouvellent l'historiographiedu communisme, jusqu'alors soumiseà l'interprétation stalinienne.Parmi ses nombreux écrits, citons :La Révolution et la guerre d'Espagne(1961, en collaboration avec EmileTémime), La Révolution allemande(1971), Trotsky (1988), Histoire del'Internationale communiste, 1919-1943(1997), Meurtres au maquis (1997).En tant qu'enseignant à l'IEP deGrenoble, Pierre Broué dirige denombreux mémoires d'étudiants, dontcelui d'Evelyne Galéra et Jean-LouisVercruyssen sur “La Manifestationdu 11 novembre 1943 à Grenoble”.Ainsi nous en avait-il livré, dans lapublication du Musée, “Mémoires dedéportés” (1995), une analyse très fine.En novembre 1975, il participe aucolloque, “Grenoble et le Vercors”, dirigépar Pierre Bolle, moment décisif pourl'histoire de la Résistance, celui du passagede témoin entre les résistants et leshistoriens universitaires.Il est également collaborateurdu “Dictionnaire biographiquedu mouvement ouvrier” (Le Maitron),pour lequel il rédige de nombreusesnotices de résistants isérois. w

h o m m a g e

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Seyssins, seyssinet-Pariset

1939-1945,Mémoires d'iciet d'ailleursLe recueil de témoignages,publié en juindernier à l'initiative des deux communes,met en lumière les parcours de vie d'unecinquantaine d'enfants, d'adolescents etd'adultes pendant la Seconde Guerre mon-diale, sur l'ensemble du territoire français.Une large part de l'ouvrage donne la paroleà Jean Grey, Jean Mocetti et Roger Rahon,tous trois déportés rescapés des camps deconcentration. Les extraits de témoignagessont accompagnés d'éclairages historiqueset de documents d'époque. De la vie quoti-dienne à la vision de la mort, l'ouvrageaborde de nombreux thèmes restés très vifsdans les mémoires des témoins de l'époque.Une exposition a été réalisée liant le contextehistorique aux témoignages recueillis. w

La Tronche

Vécus des temps deGuerre 1939-1945Lors des Journées du Patrimoine, en sep-tembre dernier, la mairie a présenté cetteexposition qui croise témoignages d'habi-tants et documents issus des archives muni-cipales. Articulée autour de trois thèmes :la vie quotidienne, la Résistance notammentà travers l'exemple du foyer Brise des neigesoù sont cachés de nombreux enfants juifsgrâce à Eva Péan Pagès, et la répression,l'exposition propose un itinéraire danstrois lieux différents de la commune. w

La Mure

Mémoires croisées, Seconde Guerremondiale Alpes-Piémont-Haute SilésieC'est le titre d'une exposition à trois voix, réalisée par le lycée de la Mure, avec le lycée d'Albaen Italie et celui de Pszczyna en Pologne, dans le cadre d'un projet européen Comenius.Retraçant les événements de la Seconde Guerre mondiale sur ces trois territoires, l'exposi-tion en croise les mémoires et aborde l'implication citoyenne du devoir de mémoire.Les élèves du lycée de La Mure ont choisi de travailler plus spécifiquement sur la notion decrime contre l'humanité et sur la Résistance, bénéficiant de l'aide logistique du muséeMatheysin où l'exposition a d'ailleurs été présentée du 28 mai au 18 septembre 2005. w

Pont-en-Royans

Témoignages filmésLa communauté de communes de La Bourne à l'Isère qui regroupent douze communesautour de Pont en Royans est à l'origine d'une collecte de témoignages filmés sur la périodede la Seconde Guerre mondiale qui s'est effectuée au printemps dernier. Les rencontresavec les témoins, adolescents ou jeunes adultes à l'époque, étaient structurées autour deplusieurs thèmes : l'organisation de la vie quotidienne, les relations avec le maquis, lesdestructions faites durant l'occupation allemande, la période de la reconstruction...Au fil des témoignages, se font jour des vécus différents de ceux des urbains confrontés auxdifficultés du ravitaillement mais marqués par une angoisse permanente face à l'occupantallemand. A l'expérience tragique du maquis du Vercors, s'ajoute la vision des famillesdont les habitations, les fermes ont été brûlées par les Allemands en juillet et août 1944. Cesentretiens filmés sont désormais conservés au Musée de la Résistance et de la Déportationde l'Isère. w

Pour plus de renseignements :Association Autres Horizons,133 avenue de Grenoble - 38180 Seyssins04 76 84 92 72

Avec le 60e anniversaire de la Libération en 2004 puis celui de la Libération des camps, en 2005,les initiatives conduites autour de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale se sont multipliées.Le Musée de la Résistance et de la Déportation a accompagné, en Isère, ces commémorations enfournissant une aide documentaire et historique. Retour sur quelques-unes de ces réalisations.

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b r è v e s

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www.resistance-en-isere.fr : attention, nouveau site !

Le DVDIls ont survécubientôt disponible

Produit par le Musée dans le cadre du60e anniversaire de la Libération des campset réalisé par Michel Szempruch, ce docu-mentaire de 34 minutes traite du retourdes déportés. Il fera l'objet d'une éditionDVD, courant 2006 comparable à celle de,“Comme un vent de liberté. La libérationde l'Isère”. Que ceux qui souhaiteraient uti-liser ce film, en attendant s’adressent auMusée. Des copies sur DVD pourront leurêtre prétées. w

Dans le prolongement de la réflexion sur les relations entre le Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère et de la Maison desDroits de l'Homme, un site Internet commun est en ligne depuis le 8 novembre.Nouveau graphisme, navigation simplifiée, présence de nombreuses ressources sur la Seconde Guerre mondiale en font un outil majeurpour tous ceux qui souhaitent se tenir informés de l'actualité du Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère / Maison des droitsde l'Homme ou à la recherche d'informations sur les années 1939-1945. w

Retour de déportés, Paris mai 1945, collection MRDI

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a g e n d a

L'esclavagisme hier etaujourd'hui : dialogue pourla démocratieConférence-débatavec Eloi Coly, conservateur de la« Maison des esclaves » de Gorée (Sénégal)

Le Conseil général dans le cadre de sapolitique de coopération décentraliséeorganise, chaque année, avec un collectifd'associations, la semaine de la solidarité.L'édition 2005 se déroule du 12 au 20novembre et propose, parmi d'autresrendez-vous, cette conférence surl'esclavage, co organisée par l'associationAfro.Cultures.

mercredi 16 novembre 2005 à 18h30

Archives départementales de l'Isère2, rue Auguste Prudhomme38000 Grenoble

Entrée libre.Programme complet :[email protected]

Médias et Humanitaire

ColloqueCo-organisé par Humacoop, Médecins duMonde et le Comité Tchétchénie deGrenoble, ce colloque réunirajournalistes, politiques et spécialistes del'action humanitaire au cours de troistables rondes : “Les leçons du Tsunami :l'instrumentalisation humanitaire descrises”, “Les crises oubliées : Tchétchénie,Darfour, Afghanistan” et enfin, “Lesmédias et l'humanitaire : quel rôle dansl'information ?”

Jeudi 17 novembre 2005 à 15h

Auditorium de la MC2 :Maison de la Culture de Grenoble

Entrée libre.Programme complet et réservation :[email protected] / 06 12 64 15 82

Etablir l'histoire del'immigration algérienne.Bases, méthodes, objectifsSéminaire publicproposé par l'association Algériensen Dauphiné 1955 - 2005 et le Muséedauphinois autour des travauxde Paul Muzard sur la mémoireet l'histoire de l'immigration algérienneen Isère et en vue de leur éditionprochaine. Il s'inscrit dans le cadrede l'opération Traces 2005, conduiteen Rhône-Alpes par Aralis.Limitée à une soixantaine de participants,cette rencontre est ouvert à tous ceux,chercheurs, militants associatifs et autresque la démarche intéresse. Prenant appuisur la recherche qui vient d'être conduiteà Grenoble, la réflexion porterasuccessivement sur les matériauxdisponibles (archives, mémoire orale…),leurs stratégies de traitement, les enjeuxd'une telle entreprise et ses finalités.

Vendredi 2 décembre 2005 de 9h30 à 17h

Musée dauphinois30, rue Maurice Gignoux à Grenoble

Entrée libre dans la limitedes places disponibles.Renseignements et inscriptions :04 76 85 19 26

Femmes et Paix

C'est le nom de l'opération conduitepar le Conseil général de l'Isère, dans lecadre de sa politique en faveur des droitsdes femmes à l'occasion du centièmeanniversaire de la remise du prix Nobelde la Paix, avec la participation deplusieurs associations (Mouvement pourla Paix, Ligue des Droits de l'Homme,Ligue internationale des Femmes pour laPaix et la Liberté, Centre d'InformationsInter-Peuples et Mouvement contre leRacisme et pour l'Amitié entre lesPeuples). Sont ainsi proposées, uneconférence-débat : “Bertha Von Suttner,une vie pour la paix” par Jean-PaulVienne, vice-président du Mouvementpour la Paix, le mardi 6 décembre à18h30, dans l'hémicycle départementaleet une exposition “Les femmes prixNobel”, présentée du 7 au 16 décembre,Salle Berlioz de l'Hôtel du département (7, rue Fantin Latour à Grenoble).

Résistance & Droits de l'HommeNuméro 1 - novembre 2005Directeur de la publication : Jean-Claude DuclosCoordination : Cécile Vargas Rédaction : Jean-Claude Duclos, Jacques Loiseau,Anne-Sophie Pico, Cécile Vargas Conception, réalisation : Pierre GirardierCrédits photographiques : Musée de la Résistance et de laDéportation de l'Isère, Maryvonne ArnaudImprimeur : Imprimerie des Deux-PontsTirage : 3 000 ex.Dépôt légal à parution ISSN en coursMusée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère Ouvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembre au 30 juin(sauf mardi, de 13h30 à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h)et de 10h à 19h, du 1er juillet au 31 août (sauf mardi, de 13h30 à19h).

14, rue Hébert - 38000 Grenoble tél 04 76 42 38 53 - fax 04 76 42 55 89www.resistance-en-isere.fr

L'entrée dans les musées départementaux est gratuite.

prochaine expoTchétchénie(Sur)exposée.Une vie dans l'ombre.

Photographies de Maryvonne Arnaud (10 décembre 2005 - 20 mars 2006)

En 2004, la photographe MaryvonneArnaud s'est rendue à plusieurs reprisesà Grozny et dans les camps de réfugiéstchétchènes d'Ingouchie.Les photographies qu'elle en a ramenéesmontrent les souffrances, la misère et ladésespérance de la population d'unerégion ruinée par la guerre. Pluslargement, elles permettent d'aborder laquestion du respect des droitsfondamentaux de la personne humaineen situation de long conflit.