résistance & droits de l'homme n°8

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8 Ours Numéro - avril 2008 Directeur de Publication : Jean-Claude Duclos Coordination : Alice Buffet Rédaction : Alice Buffet, Jean-Claude Duclos, Jacques Loiseau, Irène Saya Conception, réalisation : Pierre Girardier Crédits photographiques : Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère Musée d'Histoire de la Catalogne, Teatro Stabile,Yad Vashem Imprimeur : Les Deux-Ponts Tirage : 2 500 exemplaires. Dépôt légal à parution – ISSN en cours Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère / Maison des Droits de l'Homme Ouvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1 er septembre au 30 juin (sauf mardi, de 13h30 à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h) et de 10h à 19h, du 1 er juillet au 31 août (sauf mardi, de 13h30 à 19h). 14, rue Hébert - 38 000 Grenoble tél 04 76 42 38 53 - fax 04 76 42 55 89 www.resistance-en-isere.fr L'entrée dans les musées départementaux est gratuite. Mercredi 30 avril 2008 - 11h : Yom HaShoah Cérémonie commémorative au cours de laquelle seront lus les noms des enfants juifs déportés de l'Isère. Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Vendredi 2 mai 2008 - 20h : Paroles d'étoile Lecture À l'âge des rires, ils ont dû porter l'étoile jaune en zone occupée, quitter leurs parents, apprendre à dissimuler, vivre avec la peur et les cauchemars. Leurs souvenirs sont souvent cruels. Ils ont connu la trahison d'un ami ou d'un voisin, la lâcheté d'un policier servile, l'indifférence glaciale de ceux qui ne voulaient rien voir et rien savoir. Mais ils ont acquis aussi la lucidité des rescapés. Ils ont gardé ce regard d'enfant, sans concession, qui remarque le détail juste et le geste qui sauve... Certains ont trouvé un véritable amour auprès de ces “justes” qui les ont protégés en bravant tous les dangers. Par centaines, plongeant dans leurs souvenirs, ils ont répondu à l'appel de Radio France. Ils composent pour nous l'album de souvenir de la grande famille des enfants du silence. par Paroles en Dauphiné et Anagramme Musée dauphinois : 30, rue Maurice-Gignoux à Grenoble. Lundi 5 mai - 17h30 : Immigration, quels droits, quelle égalité ? Conférence-débat Organisée par la Ville de Saint-Martin-d'Hères dans le cadre du Printemps pour l'égalité Des spécialistes aborderont les conditions de l'exil, du travail, du logement et de la citoyenneté à travers l'histoire des migrants arméniens, espagnols, italiens, algériens et portugais. Les témoignages sur l'immigration et l'actua- lité de ces questions promettent de riches échanges. Avec Jean-Claude Duclos, conservateur en chef, Anne-Marie Bianchi, maître de conférences honoraire, Univer- sité Stendhal, Bernard Emery, professeur d'étude lusophones, Université Stendhal, Almudena Delgado Larios, professeur de civilisation, directeur du Cerhius, Abdelhamid Merad-Boudia, maître de conférences, Université Pierre Mendès-France et Jean-Luc Huard, historien, Centre du patrimoine arménien de Valence. Polytech : 101, avenue Ambroise-Croizat à Saint-Martin-d'Hères Jeudi 15 mai - 18h30 : Camps en France. Histoire d'une déportation Présentation du livre de Guillaume Ribot Ce livre analyse de façon scientifique et rigoureuse le fonctionnement du système d'internement en vigueur en France pendant la Seconde Guerre mondiale. Une partie de ce système répressif souvent méconnu est passée au crible à travers l'histoire d'un homme : Gerhard Kuhn. Ce Juif allemand, expulsé d'Allemagne en 1940, a traversé cinq années d'internement et de déportation, dont deux sur notre territoire, dans différents camps mis en place par le gouvernement de Vichy : Gurs, Rivesaltes, Groupement de travailleurs étrangers de Saint-Privas, Fort Barraux, Drancy puis Auschwitz. L'histoire universelle est ramenée à celle d'un homme au travers de documents nominatifs. En parallèle, le photographe Guillaume Ribot nous questionne sur l'effacement des traces des lieux de mémoire en proposant des images contemporaines de chacun des camps. En partenariat avec l'Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation Avec Guillaume Ribot, Denis Peschanski (sous réserve), directeur de recherche au CNRS et auteur de la préface et Tal Bruttmann, historien. Archives départementales de l'Isère : 2, rue Auguste Prudhomme à Grenoble Samedi 17 et dimanche 18 mai 2008 : Musées en fête – Projection du film Résister, militer, initié par le Musée et réalisé par Michel Szempruch (Repérages), 2008, 66 mn. Autour du témoignage d'une trentaine de militantes et de militants engagés en Isère dans la défense des droits humains des années 1940 à aujourd'hui, ce film propose une réflexion sur les motifs qui poussent les individus à réagir contre ce qu'ils jugent inacceptable et les liens qui unissent la résistance à la militance. Suivant quelques-uns uns d'entre eux dans le milieu où ils vivent et dans le combat qu'ils mènent, il offre une vision stimulante et robo- rative de l'action démocratique participative. En continu, tout le long du week-end. – Le temps d'un week-end, « la boutique » s'installe en plein air, dans la cour du Musée et vous propose de venir découvrir ou chiner de nombreuses publications à des prix défiant toute concurrence ! Samedi et dimanche de 14h à 18h Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Vendredi 29 mai - 18h : Inauguration de l'exposition temporaire Les Résistants de la Viscose Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Samedi 7 et dimanche 8 juin 2008 : Rencontre autour de l'exposition Rester libres ! – Le samedi, un moment d'échanges avec les membres d'associations de défense des Droits de l'Homme en Isère, ultime événement organisé autour de l'exposition. A partir de 14h30, le public est convié à découvrir la création d'un slameur qui intervient, en musique, sur la thématique des libertés. Des visites commentées par les concep- teurs de l'exposition seront aussi proposées dans l'après-midi. – Le dimanche, sera projeté à plusieurs reprises le film Résister, militer réalisé par Michel Szempruch. Musée dauphinois : 30, rue Maurice Gignoux à Grenoble agenda Les projections de Résister, militer Lundi 28 avril - 19h30 La Bobine : 3 bis, rue Clément à Grenoble Un débat suivra la projection Mercredi 7 mai - 20h Mairie de la Terrasse, salle polyvalente Un débat suivra la projection Mardi 13 mai - 18h30 Solexine : 12, rue Ampère à Grenoble Un débat suivra la projection Samedi 17 et dimanche 18 mai - en continu Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère : 14, rue Hébert à Grenoble Dimanche 8 juin - en continu Musée dauphinois : 30, rue Maurice Gignoux Grenoble

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Page 1: Résistance & Droits de l'Homme n°8

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OursNuméro - avril 2008Directeur de Publication : Jean-Claude DuclosCoordination : Alice BuffetRédaction :Alice Buffet, Jean-Claude Duclos,Jacques Loiseau, Irène SayaConception, réalisation : Pierre GirardierCrédits photographiques :Musée de la Résistance et de la Déportation de l'IsèreMusée d'Histoire de la Catalogne, Teatro Stabile, Yad VashemImprimeur : Les Deux-PontsTirage : 2 500 exemplaires.Dépôt légal à parution – ISSN en cours

Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère /Maison des Droits de l'HommeOuvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembreau 30 juin (sauf mardi, de 13h30 à 18h et samedi, dimanchede 10h à 18h) et de 10h à 19h, du 1er juillet au 31 août(sauf mardi, de 13h30 à 19h).

14, rue Hébert - 38 000 Grenobletél 04 76 42 38 53 - fax 04 76 42 55 89www.resistance-en-isere.fr

L'entrée dans les musées départementaux est gratuite.

Mercredi 30 avril 2008 - 11h : Yom HaShoahCérémonie commémorative au cours de laquelle seront lus les noms des enfants juifsdéportés de l'Isère.Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère : 14, rue Hébert à Grenoble

Vendredi 2mai 2008 - 20h : Paroles d'étoileLectureÀ l'âge des rires, ils ont dû porter l'étoile jaune en zone occupée, quitter leurs parents, apprendre àdissimuler, vivre avec la peur et les cauchemars. Leurs souvenirs sont souvent cruels. Ils ont connu la trahison d'unami ou d'un voisin, la lâcheté d'un policier servile, l'indifférence glaciale de ceux qui ne voulaient rien voir et riensavoir.Mais ils ont acquis aussi la lucidité des rescapés. Ils ont gardé ce regardd'enfant, sans concession,qui remarquele détail juste et le geste qui sauve...Certains ont trouvé un véritable amour auprès de ces “justes” qui les ont protégés en bravant tous les dangers.Par centaines, plongeant dans leurs souvenirs, ils ont répondu à l'appel de Radio France. Ils composent pour nousl'album de souvenir de la grande famille des enfants du silence.par Paroles en Dauphiné et AnagrammeMusée dauphinois : 30, rue Maurice-Gignoux à Grenoble.

Lundi 5mai - 17h30 : Immigration, quels droits, quelle égalité ?Conférence-débatOrganisée par la Ville de Saint-Martin-d'Hères dans le cadre du Printemps pour l'égalitéDes spécialistes aborderont les conditions de l'exil, du travail, du logement et de la citoyenneté à travers l'histoiredes migrants arméniens, espagnols, italiens, algériens et portugais. Les témoignages sur l'immigration et l'actua-lité de ces questions promettent de riches échanges.Avec Jean-Claude Duclos, conservateur en chef, Anne-Marie Bianchi, maître de conférences honoraire, Univer-sité Stendhal, Bernard Emery, professeur d'étude lusophones, Université Stendhal, Almudena Delgado Larios,professeur de civilisation, directeur du Cerhius, Abdelhamid Merad-Boudia, maître de conférences, UniversitéPierre Mendès-France et Jean-Luc Huard, historien, Centre du patrimoine arménien de Valence.Polytech : 101, avenue Ambroise-Croizat à Saint-Martin-d'Hères

Jeudi 15mai - 18h30 : Camps en France. Histoire d'une déportationPrésentation du livre de Guillaume RibotCe livre analyse de façon scientifique et rigoureuse le fonctionnement du système d'internement en vigueur enFrance pendant la Seconde Guerre mondiale. Une partie de ce système répressif souvent méconnu est passée aucrible à travers l'histoire d'un homme : Gerhard Kuhn. Ce Juif allemand, expulsé d'Allemagne en 1940, a traversécinq années d'internement et de déportation, dont deux sur notre territoire, dans différents camps mis en placepar le gouvernement de Vichy : Gurs, Rivesaltes, Groupement de travailleurs étrangers de Saint-Privas, FortBarraux, Drancy puis Auschwitz. L'histoire universelle est ramenée à celle d'un homme au travers de documentsnominatifs. En parallèle, le photographe Guillaume Ribot nous questionne sur l'effacement des traces des lieux demémoire en proposant des images contemporaines de chacun des camps.En partenariat avec l'Association des Amis de la Fondation pour la Mémoire de la DéportationAvec Guillaume Ribot, Denis Peschanski (sous réserve), directeur de recherche au CNRS et auteur de la préface etTal Bruttmann, historien.Archives départementales de l'Isère : 2, rue Auguste Prudhomme à Grenoble

Samedi 17 et dimanche 18mai 2008 :Musées en fête– Projection du filmRésister, militer, initié par le Musée et réalisé par Michel Szempruch (Repérages), 2008, 66 mn.Autour du témoignage d'une trentaine de militantes et de militants engagés en Isère dans la défense des droitshumains des années 1940 à aujourd'hui, ce film propose une réflexion sur les motifs qui poussent les individus àréagir contre ce qu'ils jugent inacceptable et les liens qui unissent la résistance à la militance. Suivant quelques-unsuns d'entre eux dans le milieu où ils vivent et dans le combat qu'ils mènent, il offre une vision stimulante et robo-rative de l'action démocratique participative.En continu, tout le long duweek-end.– Le temps d'un week-end, « la boutique » s'installe en plein air, dans la cour du Musée et vous propose de venirdécouvrir ou chiner de nombreuses publications à des prix défiant toute concurrence !Samedi et dimanche de 14h à 18hMusée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère : 14, rue Hébert à Grenoble

Vendredi 29mai - 18h : Inauguration de l'exposition temporaire Les Résistants de la ViscoseMusée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère : 14, rue Hébert à Grenoble

Samedi 7 et dimanche 8 juin 2008 : Rencontre autour de l'exposition Rester libres !– Le samedi, un moment d'échanges avec les membres d'associations de défense des Droits de l'Homme en Isère,ultime événement organisé autour de l'exposition. A partir de 14h30, le public est convié à découvrir la créationd'un slameur qui intervient, en musique, sur la thématique des libertés. Des visites commentées par les concep-teurs de l'exposition seront aussi proposées dans l'après-midi.– Le dimanche, sera projeté à plusieurs reprises le film Résister, militer réalisé par Michel Szempruch.Musée dauphinois : 30, rue Maurice Gignoux à Grenoble

a g e n d a

Les projectionsde Résister, militer

Lundi 28 avril - 19h30La Bobine :3 bis, rue Clément à GrenobleUn débat suivra la projection

Mercredi 7 mai - 20hMairie de la Terrasse,salle polyvalenteUn débat suivra la projection

Mardi 13 mai - 18h30Solexine :12, rue Ampère à GrenobleUn débat suivra la projection

Samedi 17 et dimanche 18 mai -en continuMusée de la Résistance et de laDéportation de l'Isère :14, rue Hébert à Grenoble

Dimanche 8 juin - en continuMusée dauphinois :30, rue Maurice GignouxGrenoble

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n ° 8 a v r i l 2 0 0 8

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A LA COUTURE DE L'HISTOIREET DE LA MÉMOIRE

Si les valeurs des résistants et déportés, fondateurs dumusée, continuent d'écarter le danger, seule l'histoire peutgarantir la pédagogie et la transmission de leur expérienceet de leurs objectifs. Aussi est-ce là, quand les apports dela mémoire et de l'histoire se complètent et se confortent,que le propos du musée reste fidèle à l'esprit de sescréateurs. La recherche des points de jonction, souventmalaisée, exige une ample concertation et parfois mêmedes négociations.C'est pourtant à l'issue de tels échangesque le programme muséographique du Musée de laRésistance et de la Déportation de l'Isère fut conçu. Etc'est par cette même voie, pour tenir compte de l'évolu-tion continue des revendications mémorielles autant quedes progrès de l'historiographie, qu'il est périodiquementréactualisé.

Certes, le contenu et le discours dumusée ne peuvent êtremis à jour constamment. Le coût des réaménagements,les perturbations et les ajustements qu'ils entraînent danslesmodes de visites, les dossiers pédagogiques ou les com-mentaires des visites guidées, exigent en effet de longuespréparations et beaucoup d'organisation.Aussi la tenta-tion de revenir sur les présentations de longue durée,d'apporter tel complément ou de mettre à jour telledonnée, doit-elle être mûrement réfléchie.Une premièreactualisation eut lieu en 2001, sept ans après l'ouver-ture, afin de valoriser l'acquis de plusieurs expositionstemporaires. Elle s'avérait aussi depuis longtemps néces-saire sur les présentations de la Déportation mais ne putêtre réalisée qu'en 2008. C'est à ce réaménagement quece numéro de Résistance & Droits de l'Homme est plusprécisément consacré. On y prendra connaissance desraisons pour lesquelles il fallait la faire et verra com-ment elle fut mise au point, en accord avec toutes lesparties concernées. Certes, les conditions ont changédepuis le début des années 1990, tandis que se préparaitle programme du musée. Si la Shoah devait bien évidem-ment être évoquée, plusieurs associations craignaientalors qu'elle occulte l'histoire des résistants déportés.

[ ]RÉSISTANCE& DROITSDE L’HOMME

éd i to

Journal duMusée de la Résistance et de la Déportation& de la Maison des Droits de l’Homme

Revenir chaque fois que nécessaire sur les présentations de longuedurée est désormais admis des habitués du Musée de la Résis-tance et de la Déportation de l'Isère, de ses partenaires associa-tifs et scientifiques comme des enseignants qui y conduisent leursélèves. Or s'il est une partie du musée qui méritait d'être réac-tualisée c'est bien celle qui présente la déportation.Quatorze ansaprès en effet - puisque rien n'y avait été modifié depuis l'ouver-ture, en 1994 - des données chiffrées étaient devenues fausses etbeaucoup d'autres méritaient, à la lumière des travaux réalisésdepuis, d'être révisées, complétées, précisées.

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Les recherches entreprises dans le cadre du60e anniversaire de la fin de l'universconcentrationnaire, en 2005, notammentcelle du dénombrement des personnes arrê-tées en Isère et déportées, ont permis d'en-richir considérablement la connaissance del'impact de la Déportation en Isère. Maisplus encore que ces données qu'il fallaitintégrer, une nécessité fit vite l'unanimitédans le groupe de travail (CF, ci-contre),celle de cartographier la chronologie dusystème concentrationnaire nazi.Ce moyenapparut susceptible en effet de marquer ladifférence entre la déportation de ceux queles nazis voulaient exterminer (les Juifs, lesTsiganes, les homosexuels...), et de ceuxqui s'opposaient à eux et qu'ils voulaientécraser (les résistants notamment), sansgommer pour autant la globalité dusystème, celle que Germaine Tillion désignesous le nom de «cône concentrationnaire».La question de savoir comment présenterl'absolue singularité de la Shoah, sans la dis-socier totalement du dispositif concentra-tionnaire nazi, revint en effet constamment.Dit plus crûment, comment échapper aurisque d'évoquer la Shoah comme unehistoire strictement juive – ce que tous nospartenaires voulaient manifestement éviter– et comment montrer l'horreur abyssale dugénocide sans minorer l'atrocité du sort desdéportés « politiques »? A cette grave ques-tion, s'en ajoutait une autre toute aussisérieuse : Que montrer de ces monstruositéssans choquer gravement les futurs visiteurs

et notamment les jeunes ? Comment pré-server leur capacité d'analyse et de réflexionen évitant, par des images trop violentes,de les faire désespérer de l'humain ? Cesquestions, bien sûr, ne sont pas nouvelles,ce qui a changé depuis une quinzained'année, c'est l'état d'esprit dans lequel ellessont débattues. Même si chacun avait sespositions, au sein du groupe de travail, lesdébats furent constructifs.

A la carte animée qui montre « le film» del'évolution du système concentrationnaire,de 1933 à 1945, s'ajouta le choix de consa-crer une partie nouvelle au cas des enfantsarrêtés en Isère et déportés. Grâce aux tra-vaux de Tal Bruttmann (CF Déportés del'Isère, MRDI/PUG, 2005, pp. 177 - 267)nous savons notamment que 80 filles etgarçons de moins de 18 ans connurent cesort, dont 3 seulement survécurent, et quedes photographies permettent de connaîtrele visage de 28 d'entre eux. Gageons que leminois de ces enfants exterminés en diradavantage de la singularité de « la solutionfinale » qu'une accumulation de chiffres oude considérations sur l'antisémitisme et lesaccès paroxystiques qu'il connaît sous lerégime nazi.Avant de découvrir le visage deces enfants déportés, d'autres visages défi-lent sur deux écrans vidéo. Sur le premier,quatre femmes témoignent de la Shoah,tandis que, sur le second, cinq résistantsparlent de leur déportation. Ainsi les situa-tions sont-elles distinguées tout en étant

rassemblées dans une présentation com-mune. Espérons que cette solution satisferalesmembres du groupede travail et convien-dra, au-delà, tant aux membres de la com-munauté juive qu'aux familles et amis desautres déportés. La vision et l'écoute de cesneufs témoignages répondent aussi aubesoin de montrer quelques extraits del'abondant corpus d'entretiens vidéofilmés,collectés enRhône-Alpes et en Isère, en 1995et 2005, auprès des rescapés de la Déporta-tion. Une centaine d'heures de ces témoi-gnages, désormais conservés,ont par ailleursdonné lieu à deux films, «Déportés deRhône-Alpes», réalisé parDenis Cugnod en1995, et «Ils ont survécu», réalisé parMichelSzempruch en 2005.

L'identité de chacun des 2 600 déportéscomme les conditions de leur arrestation,maintenant précisément connues, méri-taient aussi de trouver place dans cette pré-sentation. Même si le musée n'est pas unmémorial, soit un lieu de recueillement, ilsemblait logique en effet que l'ensemble desnoms des déportés de toutes les déporta-tions y figurât.On sait en effet que près d'unmillier furent arrêtés parce qu'ils étaientJuifs, un autre millier, parce qu'ils étaientrésistants et les autres, parce qu'ils faisaientpartie des prisonniers de droit communquele gouvernement de Vichy avait décidé delivrer aux Allemands. Ces 2 600 noms défi-lent désormais en continu sur un écranplasma logé lui-même parmi les vêtements

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Actualiser les présentations de la Déportation

é v é n e m e n t

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déposés au musée par les rescapés de laDéportation.Bien évidemment, le nom desprisonniers de droit commun y apparaîtsous une forme suffisamment différentepour être immédiatement distingué desautres. Le nom des Juifs et des résistants,cependant, n'ont pas été différenciés.

Apparus aussi pendant les discussions dugroupe de travail, deux autres points méri-taient encore d'être traités dans le cadre dece réaménagement : les Justes et la mémoirede la Déportation. Un peu plus de 80Isérois, dont une majorité de femmes, sontdésormais localisés sur une carte du dépar-tement.A titre d'exemple, deux cas sont plusprécisément évoqués, celui d'Anne-MarieMingat que nous connaissons plutôt sousle nom de Mimi, ainsi que ceux deCharles etDeniseWestphal dont une vitrinecontient la médaille des Justes, remiserécemment au Musée par Claude Richard-Molard, leur fille. La mémoire de laDéportation, déjà présente au musée, dansles objets ramenés des camps, devait faireen effet l'objet d'un développement supplé-mentaire. C'est désormais le cas.

Maintenant réalisés et fonctionnels, cesréaménagements feront bientôt l'objetd'une évaluation. Nous saurons alors sinos intentions auront été comprises et sile nouveau message, que nous et nos par-tenaires associatifs et scientifiques, voulionscommuniquer de laDéportation, est passé. �

Membres du groupe de travail réunis parl'équipe du musée autour de la réactualisationdes présentations de la Déportation :

Edith Aberdam (Cercle Bernard Lazare)

Camille Armand (Union nationale des Déportés et Internés de France,section de l'Isère)

Dina Assouline (B'nai B'rith, Grenoble)

Philippe Barrière (Professeur agrégé d'histoire, chargé du servicepédagogique du MRDI)

Tal Bruttmann (Historien, chargé de mission à la Ville de Grenoble)

Henry Duffourd (Fédération nationale des Déportés, Internés etRésistants patriotes de France)

Edwige Elkaïm (B'nai B'rith)

Gil Emprin (Professeur agrégé d'histoire, chargé du service pédagogiquedu MRDI)

Pascal Estadès (Amis du Musée de la Résistance et de la Déportation del'Isère)

Pierre Gascon (Union nationale des Déportés et Internés de France,section de l'Isère)

Françoise Gelbart (Conseil Représentatif des Institutions juives deFrance, Grenoble)

Monique Hannoun (Conseil Représentatif des Institutions juives deFrance, Grenoble)

Claude Héraudet (Professeure agrégée d'histoire, chargé du servicepédagogique du MRDI)

Maurice Hugelé (Amicale des Déportés du 11 novembre 1943 et de leursfamilles)

Michèle Josserand (Fédération nationale des Déportés, Internés etRésistants patriotes de France, section de l'Isère)

Marie Lavorel (Doctorante en muséologie, Montréal)

Liliane Levy (Cercle Bernard Lazare, Grenoble)

Jacqueline Madrennes (Amis de la Fondation pour la Mémoire de laDéportation, section de l'Isère)

Claudie Oddoux (Fédération nationale des Déportés, Internés etRésistants patriotes de France)

Michel Rahon (Amis de la Fondation pour la Mémoire de laDéportation, section de l'Isère)

Ada Sadoun (B'nai Brith, Grenoble)

Irène Saya (PEREC, Pour une école républicaine et citoyenne)

Même si, de toute part, l'idée en était rejetée, une concur-rence gênante s'installait.C'est la raison pour laquelle unesolution « médiane » fut tentée, consistant à livrer de laDéportation une vision globale et vaguement consen-suelle sur laquelle il faudrait pourtant revenir un jour.

« Autour du surgissement de la mémoire juive de la Shoahse noue alors un enjeu d'une autre sorte que l'enjeu stric-tement politique, qui intéresse la nature même du phéno-mène concentrationnaire et qui annonce de futurs et dou-loureux réajustements de mémoire » écrivait PhilippeBarrière en 2005 (Déportés de l'Isère, MRDI/PUG,p. 309). Ces réajustements viennent d'avoir lieu, en cemusée participatif, débattus, comme à l'habitude, à la cou-ture de la mémoire et de l'histoire, mais dans la sérénité.

éd i to ( su i t e )

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«Je trouve très important cette approche de la Déportation desenfants, qui marque la différence fondamentale entre l'exter-mination et la déportation de répression. (...)Il est important de montrer que toutes les Déportations, toutce qui avili l'homme touche à l'humanité. Le crime contrel'humanité n'est pas seulement le crime contre les Juifs, c'estle crime contre nous tous, nous sommes l'humanité.Jacqueline Madrennes

Je souhaiterais qu'il n'y ait pas de banalisation de la Déporta-tion de ceux que l'on appelait les «politiques » qui ont luttécontre le nazisme.Maurice Hugelé

Il faudrait peut-être parler de ceux qui ont été internés, avantd'être déportés. Il y a laDéportation des Juifs que tout lemondeconnaît, mais aussi celle des opposants au régime de Vichyqui ont été arrêtés en Isère.Henry Duffourd

Ce qui m'intéresse, c'est de privilégier et de montrer l'histoirelocale.Liliane Lévy

Il est important, à la lumière du travail du père Patrick Desboisen Ukraine, de montrer l'extermination proprement dite, il estutile de lier le système concentrationnaire et les usines, mais ilne faut pas oublier l'extermination. La concurrence desmémoires n'a pas lieu d'être car elle est vide de sens.Irène Saya

Il faut insister sur les rapports entre la Résistance et laDéportation. 60 ans après, nous sommes entrés dans l'ère del'histoire. Les choses se décantent, il y a moins de passion.Pierre Gascon

Quelques-uns uns des avis exprimés par les membres du groupe de travail (février 2007)

Actualiser les présentations de la Déportation

»

Ce que j'attends dans un musée, s'agissant de la Déportation,c'est d'évoquer les réalités, les deux systèmes qui coexistaient,l'un d'annihilation c'est-à-dire l'élimination immédiate etl'autre concentrationnaire, avec toute la réalité et la dureté quil'accompagne, c'est-à-dire envoyer des personnes pour cequ'elles ont fait et non plus pour ce qu'elles sont. Différencefondamentale puisque l'emploi notamment de la main-d'œuvre concentrationnaire est une finalité alors qu'aucontraire la Déportation raciale n'a pas d'objet économiquesinon la spoliation des biens.Tal Bruttmann

Parcours différenciés donc, parce que ce ne sont pas les mêmesDéportations. En deux, cohérence autour de l'antisémitisme,la Déportation raciale, l'extermination finale, en trois, l'idéed'insister sur le retour, la sortie de guerre et en quatre, lesmémoires.Philippe Barrière

On a beaucoup parlé de la singularité des Déportations, quiest évidente,mais on oublie souvent d'insister sur le fait que cesDéportations découlent d'un même système concentration-naire. Il serait souhaitable de les représenter dans l'ensemble dece système et ne pas tenir compte uniquement de leurs singu-larités, sans quoi on en arrive à séparer les choses. (...) Il nefaut pas non plus perdre de vue les valeurs qui animaient lesfondateurs de ce musée, qui sont des valeurs humanistes, autravers des valeurs de la démocratie et de la République.Pascal Estadès

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E r r a t a

Au printemps 2007 était présentée simulta-nément dans dix grandes villes euro-péennes, l’exposition Primo Levi, les jours etles œuvres.Nourrie par le travail d’historiensfrançais et italiens et par de nombreuxdocuments historiques jamais montrésauparavant, l’exposition a permit de déli-miter avec nouveauté et rigueur le parcoursde l’homme, de l’artiste et du témoin.Dansla continuité de cette précieuse collecte, laversion turinoise du Museo diffuso a étéenrichie d’une partie dédiée à la premièremise en scène de Si c’est un homme présen-tée par le Teatro Stabile en 1966, sous ladirection de Gianfranco De Bosio, à partirde l’adaptation dramaturgique faite parPrimo Levi lui-même en collaboration avecPieralberto Marché.

La vie du texte Si c’est un homme ne s’est pasarrêtée le jour de sa réédition chez Einaudien 1958.Primo Levi donne son accord pourune version radiophonique, qu’il supervise,pour la radio canadienne et propose lasienne au Centre de production de la RAIde Turin ; elle sera diffusée le 24 avril 1964.Pieralberto Marché, auteur des versionsradiophoniques et ami de Levi, lui proposealors de travailler à une autre adaptation dutexte, mais cette fois-ci pour le théâtre.« Au début, je m’opposais à sa proposition :il me semblait que Si c’est un homme avaitdéjà changé trop de fois de peau, de l’avoirdéjà cuisiné à de nombreuses sauces, j’avaispeur de fatiguer le public. J’avais égalementla peur du théâtre lui-même : je connaissaistrop peu le théâtre, que ce soit en tant quespectateur ou lecteur pour me lancer danscette entreprise. Le public qui lit et celui qui

écoute la radio est loin, caché, anonyme : lepublic du théâtre est là, il te regarde, il t’at-tend au tournant, il te juge » (Primo Levi,note à la version dramatique de Si c’est unhomme, in Opere, t. I, p. 1159).

Le spectacle est finalement mis en scèneen 1966 par le Teatro Stabile de Turin sousla direction de Gianfranco De Bosio et lascénographie de Gianni Polidori. Ainsiseront convoqués une cinquantaine d’ac-teurs de diverses nationalités, leur nombreet leur diversité linguistique permettent derecréer la « Babel concentrationnaire » évo-quée dans de nombreux témoignages. Lespectacle débute le 18 novembre 1966 auTeatro Carignano de Turin.C’est un succès,il est joué une cinquantaine de fois, mais àcause de l’installation scénographique com-plexe, il ne connaîtra qu’une brève tournée.Si c’est un homme est ensuite présenté enAllemagne, en Angleterre, en France parArianne Mouchkine, à Rome puis de nou-veau à Turin.

Quarante ans après sa mise en scène,le spectacle vit de nouveau grâce à l’extra-ordinaire collection de photographies, descenarii techniques, de notes de mise enscène et d’enregistrements sonores com-pilés dans le montage vidéo réalisé par leTeatro stabile. Les images sont devenues desphotogrammes d’un film jamais tourné ;un souvenir fait d’atmosphères, delumières, de mouvements et de change-ments de scène : une sorte de cinémascopequi restitue au public le souvenir que cequ’a été Si c’est un homme lorsqu’il étaitprésenté sur planches du théâtre. �

Montage vidéo du spectacle Si c’est unhomme de Primo Levi

(Turin, 1966. Dirigé par Gianfranco DeBosio. Produit par le Teatro Stabile deTurin)

Réalisé par Lorenzo Barello, Pietro Crivel-laro,Michela Sessa – Centre d’étude duTea-tro Stabile di Torino

Présenté au Musée de la Résistance et de laDéportation de l’Isère du 24 avril au 12mai2008.

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Déportés de l'Isère,1942, 1943, 1944Presses universitaires de Grenoble(collection « Résistances »), avril 2005

Publier dans leur exhaustivité les listes des personnesarrêtées en Isère et déportées présentait des risques quenous mesurions. Au terme de trois années de lectures,d’échanges et de vérifications, les rectifications, com-pléments et ajouts suivants doivent être faits :

Page 123, au lieu de : Couplet François, présenté àtort comme prisonnier de droit commun, ne pastenir compte du fond grisé et lire :

Couplet François : Né le 5/10/1897 à Vernier (Suisse),arrêté le 22 juin 1944 à la Viscamine à Pontcharra,déporté le 11 août 1944 à Dachau, puis Stutthof,Neuengamme, il décède le 21 avril 1945 à Sandbostel. Les auteurs adressent leurs plus vives excuses auxparents, descendants et amis de François Couplet dontl’engagement dans la Résistance est incontestable.

Page 83, au lieu de : Fléaux François, lire :Flau François : Né le 26/08/1925 à Brody (Territoirede Belfort), rescapé

Page 83, au lieu de : Fléaux Paul, lire :

Flau Paul : Né le 5/11/1923 à Belfort (Territoire deBelfort), rescapé

Page 102, au lieu de Garrivier Louis, Joseph, lire :Garrivier Georges : Né le 5/04/1910 à Crémieu(Isère), décédé à Brême le 26 décembre 1944.

Deux déportés, ne figurant dans aucune des sourcesutilisées mais bien arrêtés en Isère et morts en dépor-tation ont été oubliés. Les auteurs prient leursdescendants, amis et connaissances de bien vouloirexcuser ces omissions. Il s’agit de :

Marius Didier-Roudon : Né le 8/02/1905 àSaint-Martin-d'Hères (Isère), arrêté le 23 mars 1944à Brignoud, déporté le 27 avril 1944 à Auschwitz,puis Flossenbürg où il meurt le 29/10/1944.

Antoine Perrin : Né le 29/01/1906 à Belley (Ain),arrêté le 11 novembre 1943 à Grenoble, déporté le31 mars 1944 à Mauthausen, puis Gusen où il meurtle 9 mars 1945.

Ont été par ailleurs signalés les noms de deuxrésistants isérois déportés dont les noms ne figurentpas dans l’ouvrage car ils n’ont pas été arrêtés enIsère mais dont la mémoire doit être rappelée. Ils’agit de :Marcel Petit : Né le 19/03/1908 à Crémieu (Isère),arrêté le 29 mars 1944 à Posafol (Ain), déporté le 29mars 1944 à Neuengamme, rapatrié le 28 juillet1945.

Francisque Chaleyssin : Né le 18/09/1925 à Lyon(Rhône), arrêté le 11 juin 1944 à Sault-Brenaz (Ain),déporté le 2 juillet 1944 à Neuengamme, rapatrié le12 juin 1945.

Cette liste d’errata est désormais insérée dans lesexemplaires restants de l’ouvrage et sera prise encompte lors d’une éventuelle réédition de l’ouvrage.

Primo Levi

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a n a l y s e

Irène Saya, professeur agrégée de philoso-phie, retraitée. Présidente de l’associationPour une école républicaine et citoyenne.

Réfléchir aux questions que peut poserl’enseignement de la Shoah est une néces-sité permanente ; preuve en est l’émotionsuscitée par l’idée du Président NicolasSarkozy de confier la mémoire d’un enfantjuif déporté à chaque élève de CM2. Certainsignoraient que cet enseignement existe déjàà ce niveau ; il est approfondi en troisièmeet en première et dans les sections littéraireset économiques de Terminale, c’est l’histoirede la mémoire de la Seconde Guerre mon-diale et de la Shoah qui est enseignée. Un évé-nement historique d’une telle portée doit êtrel’objet d’un enseignement progressif puisquela réalité des faits est difficile à regarderen face, à tout âge.

L’équipe qui a travaillé à la refonte del’espace de la Déportation du Musée a bienvu la complexité de l’intégration d’une pré-sentation du génocide dans le crime contrel’humanité perpétré par le nazisme. La des-truction des Juifs a été rendue possible par laguerre menée dans toute l’Europe, différem-ment (ou non) selon qu’on se trouve à l’Estou à l’Ouest. Dans le sillage de la Wehrmachtles Einsatzgruppen massacraient les Juifset leurs ossements sont le sous-sol de toutel’Europe centrale et orientale comme l’aétabli le Père Patrick Desbois. Le meurtre surplace y fut associé à la déportation dans lescamps de l’Aktion Reinhardt et à Auschwitz-Birkenau ou Maïdanek. En Europe occiden-tale, la destruction des Juifs s’est accompliesurtout dans la déportation par train. SergeKlarsfeld a pu établir la liste des victimesjuives déportées de France. Primo Lévi ouAlain Resnais et Jean Cayrol, utilisés dansles classes, associent la déportation et l’exter-mination. Belzec de Georges Moscovitch ouShoah de Claude Lanzmann «montrent »l’extermination immédiate. Expliquer à dejeunes enfants que l’on a traqué, pourchassédans tous les lieux reculés de notre pays,enfants, femmes, vieillards, pour les gazer etles brûler est une tâche difficile, moralementet intellectuellement, pour l’enseignant quine souhaite pas édulcorer la réalité des faits.

Il est apparu assez rapidement que lespropos un peu convenus sur l’ignominie duracisme et sur la nécessité de préserver ladémocratie étaient nécessaires mais insuffi-sants pour rendre compte de la réalité. Long-temps, on a cru qu’il serait possible d’inscrirela Shoah dans ce cadre ; mais il faut bienavouer que d’une part la renaissance du néga-tionnisme, d’autre part les amalgames nom-breux qui se mettaient en place pour bana-liser ou nier les faits, ont rendu cetenseignement « sensible» : la confusion enparticulier entre le racisme et l’antisémitismea entraîné l’enseignement sur de faussespistes. Les termes ont des connotations trèsdifférentes : quand on parle du racisme quipeut exister dans la société, du fait de la per-sistance de problèmes liés au colonialismeet au racisme exterminationiste. Le conflit duProche Orient est l’occasion d’autres confu-sions. Autant il est légitime d’associer à l’en-seignement de la Shoah, l’enseignementd’autres génocides, même s’ils ne se sont pasdéroulés en France, autant il est inutilede fausser la compréhension du réel encomparant par exemple ce qui se passe mal-heureusement avec les expulsions de «sanspapiers » et ce qui s’est passé lorsque lesenfants juifs furent raflés. De tels risques oudérives légitiment aussi le questionnementqui est le nôtre aujourd’hui.

Il est important en effet que chacun se senteune responsabilité dans la transmission dece pan de l’histoire de France. De touteévidence, c’est toujours la connaissance quidoit avoir priorité sur l’émotion même s’ilne peut y avoir d’enseignement sans quel’identification aux victimes soit sollicitée ;d’autant qu’il s’agit d’un événement dontles séquelles sont encore importantes.La pertinence de l’enseignement sera mieuxreconnue si des formations sont mises enplace comme cela est fait dans les Universi-tés d’été organisées par le Mémorial de laShoah destinées aux enseignants de tousniveaux et de toutes disciplines ; si c’est bienaux historiens d’enseigner en priorité,

la participation d’autres disciplines est utile.Au cours de nos enquêtes au sein du travailde l’association P.E.R.E.C, nous avons inter-rogé des professeurs de Lettres, d’Allemand,de Biologie, de Philosophie etc. ; lors ducolloque de janvier 2007 de l’Association desProfesseurs d’Histoire-Géographie qui aréuni des professeurs autour de la questiondes voyages de mémoire, nous avons puconstater que des professeurs de musique oud’arts plastiques apportaient aussi beaucoupà cet enseignement.

Le projet européen depuis la conférence deStockholm instaurant la journée du 27 Jan-vier, a donné à cet enseignement une autredimension. On peut espérer que l’ouverturede l’Europe permettra de nombreuxéchanges sur le sujet ; c’est déjà ce qui se faitlors de séminaires d’été en Pologne et lors ducolloque à la Sorbonne auquel j’ai pu assis-ter en octobre 2007 autour du Père Desbois :on a pu voir à quel point depuis l’ouverturedu rideau de fer et des archives soviétiques,les rencontres devenaient nécessaires entreFrançais, Ukrainiens, Polonais, Israéliens,Allemands, Américains etc. Pour faire pro-gresser la recherche, il va de soi que la ques-tion de l’enseignement de la Shoah n’est pasd’abord une question de pure pédagogiemais une question de connaissance et deconnaissance approfondie. Comme l’a dit lephilosophe Jankélévitch, dans son ouvragel’Imprescriptible, que j’ai souvent fait lire àmes élèves en classe de philosophie, il s’agitd’une période de l’histoire qui fera l’objetd’une méditation et de recherches infinies.

Notre région offre de multiples possibilitésà qui souhaite y retrouver les traces de ces évé-nements ; l’enseignement de la Shoah peut sefaire au niveau local grâce en particulier auxtravaux de Tal Bruttmann mais aussi au planrégional, national et international. C’est ceque l’espace du Musée nouvellement réalisépermet de bien comprendre. Nous n’ensommes probablement encore qu’au com-mencement de la réflexion. �

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b r è v e s

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Disparition, ennovembre 2007, deJoseph Diaferia

Né à Corato, en Italie, le 10 jan-vier 1924, il arrive à Grenoble unan plus tard en compagnie de sesparents.

Durant la guerre, il habitechemin du Chapitre à la Baja-tière et travaille comme méca-nicien dans l'entreprise Soulage,avenue d'Eybens, spécialisée enréparation de matériel roulant.A l'appel des mouvements deRésistance, il participe à lamanifestation patriotique du 11novembre 1943 où il est arrêtépuis déporté à Buchenwald(matricule 39 645).Début février, il est transféré autunnel de Dora, où pendant6 mois il ne verra pas la lumièredu jour, puis en mars 1945 àNordhausen d'où il est libéré le11 avril par l'Armée américaine.Très éprouvé physiquement parsa déportation, il ne reprend unevie normale qu'en 1948.

Pendant près de trente ans, ilne dit rien de son expérienceconcentrationnaire, et c'estgrâce à son petit-fils qu'il puttémoigner et expliquer auxjeunes générations ce que fut ladéportation. L'équipe du muséeconserve de lui, outre le souve-nir d'un homme très chaleu-reux, un témoignage vidéofilméd'une heure trente. Des extraitsde cet enregistrement figurentdans le film « Ils ont survécu»,édité par le musée en 2005.

Parution des mémoiresd'Auguste Celse auxéditions Claude Muller

Le 11 novembre 1943, AugusteCelse est arrêté par les Alle-mands au monument desDiables Bleus à Grenoble,parmi près de quatre centsjeunes grenoblois. Arrêté puistransféré à Compiègne, il estensuite déporté à Buchenwald,Dora puis Ravensbrück. Dèsson retour, il écrit son terribleparcours pour transmettre à sesenfants son histoire avant d'en-fermer ce texte dans son tiroir àsouvenir. Soixante ans plustard, c'est cette mémoireque son fils Jean-PierreCelse et l'éditeur ClaudeMuller publient comme undevoir de mémoire. Ma déportation, AugusteCelse, aux éditions ClaudeMuller, 15 €, disponible enlibrairie.

Eugénie GoldsternÊtre ethnologue et juive dans l'Europe alpinedes deux guerresUne exposition à voir au Musée dauphinois, jusqu'au 29 juin 2008 !

Au-delà de ses travaux précurseurs, dans le domaine de l'ethnogra-phie alpine, l'exposition restitue jusqu'à sa fin tragique, dans unechambre à gaz de Sobibor, le parcours d'une femme d'exception.A ne pas manquer !

«... Elles... !»Deux spectacles sur l'histoire de notre siècle à travers des portraitsde femmes : « ...une femme engagée... » et « ...des femmes éton-nantes... », écrits et interprétés par la conteuse Claudie Rajon, accom-pagnée de l'accordéoniste Franck Fiorucci.

Ils ont pour ambitions de mettre en scène les évènements impor-tants de notre siècle en mettant en récits la vie de Marie-Jo Chom-bart de Lauwe, présidente de la Fondation pour la Mémoire de laDéportation et la vie de femmes, habitantes de Vif, Varces, Saint-Paul-de-Varces et du Gua, anciennes ouvrières des cimenteries Vicat,des tanneries, femmes au foyer ou paysannes. Ces destins, celuiexceptionnel d'une femme courageuse, lucide et brillante et ceux,plus humbles, de ces ouvrières tenaces et aimantes, se rejoignent, secroisent, s'entrelacent pour nous raconter notre siècle, pour nousparler de « nous ».

Le premier spectacle consacré à Marie-Jo Chombart de Lauwe a étéprésenté en mars à Vizille et va être donné dans différents lieux dudépartement jusqu'en août. Le second sera présenté à partir dedécembre. La diffusion de l'ensemble du projet sous la forme d'unetournée sera mise en place en 2009.Renseignements : Histoires d'Argile, 04.76.72.86.17

Carlos Liscano au Musée

A l'invitation de Maria FerraroOsorio, de l'Université Stend-hal, le MRDI recevait, ce 30mars, le grand écrivain uru-guayen, Carlos Liscano. «Vivrec'est résister», déclarait-il d'em-blée, préférant que l'on parlesurtout de littérature et l'actua-lité de son pays plutôt que derésistance. La salle de réuniondu musée était pleine à craquerpour dialoguer avec cettegrande voix de l'Amériquelatine. Comparé à «Si c'est unhomme » de Primo Levi ou«L'espèce humaine» de RobertAnthelme, son ouvrage « Lefourgon des fous » a bien sûrété au centre des discussions.Un auteur à découvrir !