résistance & droits de l'homme n°10

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n°10 novembre 2008 1 Tandis que résonnaient encore les paroles de Robert Badinter, invité à Grenoble en 1998, à l’occasion du 50 e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, l’idée commençait à naître de créer un lieu fédérateur, dédié aux Droits de l’Homme. Le nouvel exécutif du Conseil général de l’Isère, à qui j’ai proposé la création d’une Maison des Droits de l’Homme (MDH), en décembre 2001, a approuvé ce projet, indissociable de la mémoire des luttes pour les libertés menées dans notre département. La MDH a donc vu le jour dans le prolon- gement du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère (MRDI). Des cycles de rencontres ont été orga- nisés ; les Cahiers de la Maison des Droits de l’Homme, dont le n° 3 est sous presse, en publient les actes ; un site Internet et ce bulletin ont été créés, sous le titre commun de Résistance & Droits de l’Homme, afin de bien mar- quer la filiation des engagements et des actions, et de justifier leur traitement au sein du MRDI. Plusieurs expositions et autant de publications ont rappelé des évènements douloureux et amené des réflexions sur le génocide des Arméniens, la guerre en Tchétchénie, la guérilla en Colombie, la dictature argentine… De 2006 à 2008, une exposition du Musée dauphinois, Rester libres ! passe en revue, des Allobroges aux militants d’aujour- d’hui, les principales luttes menées ici, au nom de la liberté et des Droits de l’Homme, associée elle-même à deux publications et un film : Résister, militer… Enfin, durant ces dix dernières années, le Musée de la Résistance- Maison des Droits de l’Homme, a considérablement renforcé ses liens avec les associations de l’Isère qui œuvrent pour la défense des Droits de l’Homme. Riche d’un millier de contacts, un réseau départemental est désormais, en ligne sur le site www.resistance-en-isere.fr. Ces contacts et les réflexions qu’ils génèrent constituent un atout considérable pour la suite. Cette année, nous commémorons le 60ème anniversaire de la DUDH, c’est l’occasion pour le Conseil général de manifester son engagement et sa volonté d’agir pour le respect des valeurs universelles exprimées dans chacun des trente articles de la déclaration. Nous serons ainsi partenaires de très nombreuses initiatives des associations. Le Musée [ ] RÉSISTANCE & DROITS DE L’HOMME édito Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation & de la Maison des Droits de l’Homme Il est peu d’événements dans le monde qui n’aient de témoin ou de porte-parole à Grenoble ! Tel est en effet le cas de toutes les grandes communautés urbaines d’aujourd’hui, faites de composantes d’origines si diverses qu’elles finissent par refléter la diversité des cultures et des vécus de l’humanité tout entière. Ainsi de l’Asie du Sud-Est et plus précisément du Cambodge, dont un millier d’Isérois au moins sont originaires. Pourquoi ? Parce qu’entre 1975 et 1979, près d’un million sept cent mille personnes yfurent les victimes d’un régime barbare et qu’une partie des rescapés trouva ici refuge. Deux temps, deux expositions …/… Face au génocide des Cambodgiens photographies de Dominique Mérigard à partir du 7 novembre 2008 …/…

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Journal du Musée de la Résistance et de la Déportation

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Tandis que résonnaient encore les paroles de RobertBadinter, invité à Grenoble en 1998, à l’occasion du50e anniversaire de la Déclaration Universelle des Droitsde l’Homme, l’idée commençait à naître de créer un lieufédérateur, dédié aux Droits de l’Homme. Le nouvelexécutif du Conseil général de l’Isère, à qui j’ai proposéla création d’uneMaison desDroits de l’Homme (MDH),en décembre 2001, a approuvé ce projet, indissociable delamémoire des luttes pour les libertésmenées dans notredépartement. La MDH a donc vu le jour dans le prolon-gement du Musée de la Résistance et de la Déportationde l’Isère (MRDI).Des cycles de rencontres ont été orga-nisés ; les Cahiers de la Maison des Droits de l’Homme,dont le n° 3 est sous presse, en publient les actes ; un siteInternet et ce bulletin ont été créés, sous le titre communde Résistance & Droits de l’Homme, afin de bien mar-quer la filiation des engagements et des actions, et dejustifier leur traitement au sein du MRDI. Plusieursexpositions et autant de publications ont rappelé desévènements douloureux et amené des réflexions surle génocide des Arméniens, la guerre en Tchétchénie,la guérilla enColombie, la dictature argentine…De 2006à 2008,une exposition duMusée dauphinois,Rester libres!passe en revue, des Allobroges aux militants d’aujour-d’hui, les principales luttes menées ici, au nom de laliberté et des Droits de l’Homme, associée elle-même àdeux publications et un film : Résister, militer… Enfin,durant ces dix dernières années, leMusée de la Résistance-Maison des Droits de l’Homme, a considérablementrenforcé ses liens avec les associations de l’Isère quiœuvrent pour la défense des Droits de l’Homme. Riched’un millier de contacts, un réseau départemental estdésormais, en ligne sur le site www.resistance-en-isere.fr.Ces contacts et les réflexions qu’ils génèrent constituentun atout considérable pour la suite. Cette année, nouscommémorons le 60ème anniversaire de la DUDH, c’estl’occasion pour le Conseil général de manifester sonengagement et sa volonté d’agir pour le respect desvaleurs universelles exprimées dans chacun des trentearticles de la déclaration. Nous serons ainsi partenairesde très nombreuses initiatives des associations. Le Musée

[ ]RÉSISTANCE& DROITSDE L’HOMME

éd i to

Journal duMusée de la Résistance et de la Déportation& de la Maison des Droits de l’Homme

Il est peu d’événements dans le monde quin’aient de témoin ou de porte-parole àGrenoble ! Tel est en effet le cas de toutes lesgrandes communautés urbaines d’aujourd’hui,faites de composantes d’origines si diversesqu’elles finissent par refléter la diversitédes cultures et des vécus de l’humanité toutentière. Ainsi de l’Asie du Sud-Est et plusprécisément du Cambodge, dont un millierd’Isérois au moins sont originaires. Pourquoi ?Parce qu’entre 1975 et 1979, près d’un millionsept cent mille personnes y furent les victimesd’un régime barbare et qu’une partie desrescapés trouva ici refuge.

D e u x t em p s ,d e u x e x p o s i t i o n s

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Face au génocidedes Cambodgiensphotographies de Dominique Mérigardà partir du 7 novembre 2008

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Ecoutons L. Sinhan : « Mon deuxième fils aété déporté dans la province de Takéo. On l’afait travailler jusqu’à ce qu’il ait été malade.Ils lui ont fait des piqûres et il est mort. » ouL.Sophal : « Je voudrais également parler demon oncle, Ly Chan, le grand frère de monpère. Il a été parmi les premiers à être arrêté.On ne l’a plus jamais revu. Il avait deuxenfants qui étaient professeurs à PhnomPenh,Ly Puthy et Ly Puthorn. Toute la famillea été liquidée. ». Tous témoignent de cesdestins familiaux brisés à jamais. Résistantà l’oubli ils gardent au fond d’eux-mêmesla mémoire des leurs disparus autant quedes coupables qui doivent être jugés : « Jesuis très heureux de voir un tribunal interna-tional, mais trente-trois ans ont passé. Cepen-dant, tant que la justice ne sera pas rendue,on ne pourra pas tourner la page. Je demandeaussi où sont les autres responsables, en dehorsde ceux qui ont été mis en accusation et ceuxqui sont morts ? – Pol Pot est décédé en 1998?- Ils sont en train de diriger le pays ! S’ils

peuvent se maintenir au pouvoir, c’est grâceà leur politique où se mêlent les enlèvements,les arrestations, la corruption. J’ai toujourspensé à mes compatriotes. Je vois toujours leslarmes de ceux qui souffrent au Cambodge,qui sont privés de liberté et des Droits del’Homme. Je me dis toujours que la tragédiedu Cambodge continue » dit R.Tat.

Récemment recueillis, ces témoignagesméritent un écho particulier en ce 60e anni-versaire de la Déclaration Universelledes Droits de l’Homme. D’où l’idée deleur consacrer une exposition, susceptibled’alimenter, durant sa présentation, uneample réflexion sur les génocides quecertains préfèrent appeler crimes de masse,sur lamémoire qu’il faut nécessairement enconserver pour éviter qu’ils ne se reprodui-sent mais aussi sur la justice qui doit êtrerendue dans le cadre des tribunaux pénauxinternationaux. S’agissant de la mémoiredes victimes des Khmers rouges, et plus pré-cisément de l’un des plus importantscentres de détention et de torture, S-21, unimpressionnant travail existait, réalisé parle photographe Dominique Mérigard :« À S-21 - dit-il -, tout n’est que violence,souffrance et cruauté. L’utilisation de la

torture dans le but d’extorquer l’aveu decrimes réels ou, le plus souvent, imaginairesnous ramène au temps de l’Inquisition. Laplupart des prisonniers du centre étaientconsidérés comme des hérétiques qui, aprèsavoir œuvré pour l’Angkar (« l’Organisation»), avaient perdu la foi en la révolution et sou-haitaient lui nuire. Les purges à l’intérieur duParti et au seinmême de S-21 rappellent cellesmenées en URSS et en Chine communistes.(…) Et les exécutions massives des prison-niers de S-21 à Choeung Ek, le « champ de lamort » à quinze kilomètres de Phnom Penh,ressemblaient plus à l’abattage d’animauxqu’à la mise en œuvre d’une peine capitale.Les tortionnaires khmers rouges avaient misà profit les conseils desVietnamiens, des Chi-nois et des Russes, mais l’univers du camppouvait également s’apparenter au systèmeconcentrationnaire mis en place par les nazislors de la Seconde Guerre mondiale. »

Ces considérations suffisent pour justifierla présentation des travaux de DominiqueMérigard au Musée. Nous lui sommesreconnaissants de l’avoir accepté et fiers deles présenter, de novembre 2008 à avril2009.

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l ’ e x p o

Face au génocidedes Cambodgiens

S-21

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de la Résistance-Maison des Droits de l’Homme, vousinvitera, en compagnie des Isérois d’origine cambod-gienne, à revenir sur l’un des crimes de masse majeursduXXe siècle.Cette réflexion,proposée aussi dans le cadredu 60e anniversaire, permettra d’évoquer la questionessentielle de la justice internationale. L’actualité nous lemontre : le rappel aux valeurs universelles de la DUDHest indispensable.Avec le Musée de la Résistance-Maisondes Droits de l’Homme, nous continuerons à direet montrer pourquoi. �

Christine CrifoVice-présidente du Conseil général de l’Isère, déléguée aux

actions de mémoire et aux Droits de l’Homme

éd i to ( su i t e )

Au cours de la préparation de cette exposi-tion, cependant, les témoignages recueillisauprès d’Isérois d’origine cambodgiennefurent beaucoup plus nombreux que prévu.S’y joignirent des documents, des photogra-phies, des objets et d’autres témoignagesencore, liés cette fois à leur installation, auxaides qu’ils reçurent et aux possibilités qu’ilstrouvèrent de demeurer là et de s’intégrer àla population iséroise. La matière devintrapidement d’une telle richesse que le pro-jet de réaliser un long métrage susceptiblede valoriser la force des témoignages filmés,naquit aussitôt.Quant aux informations quisurgissaient et renseignaient aussi l’actiondes associations telles le Secours Catholiqueou le Comité dauphinois de secours auxréfugiés (GDSR), elles constituèrent un telensemble qu’il ne put être question de lesassocier, comme prévu, aux photographiesde Dominique Mérigard. Aussi la décisionfut vite prise de réaliser une deuxième expo-sition qui, d’avril à septembre 2009, présen-tera le refuge cambodgien en Isère etmettra dignement en valeur, avec la parti-cipation des associations partenaires etnotamment de celle des Cambodgiens del’Isère, les documents collectés. �

Ossements découverts dans un charnier aulendemain du régime khmer rouge, 1984Coll. Somalay Hennequin

Famille cambodgienne installée dans unedes chambres du centre d’hébergement ouvertpar le Secours Catholique à Lumbin (Isère),23 décembre 1975Coll. Le Dauphiné Libéré. © Le Dauphiné Libéré

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Affiche du Comité dauphinois desecours aux réfugiés du Sud-Estasiatique pour sensibiliser l’opinionpublique au sort des boat people,1979 ou 1980, fonds Comitédauphinois de secours aux réfugiésdu Sud-Est asiatique, coll. École de lapaix de Grenoble.

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Un partenaire privilégié :

l’Ecole de la paixDès leur création, le Musée de la Résistanceet de la Déportation et l’Ecole de la paixétaient destinés à travailler ensemble. Eneffet, les résistants et les déportés qui fon-daient ce Musée, dans les années 1960,annonçaient déjà qu’ils le créaient pour leprogrès de la paix dans le monde. Quant àl’Ecole de la paix, qui ouvre ses portes àGrenoble il y a dix ans, son objectif est clair :développer une pédagogie de « la culturede la paix ».

Tout juste créée, lors du 50e anniversaire dela DUDH, l’Ecole de la paix participait aucollectif qui avait été constitué pour mar-quer l’événement et se rapprochait ainsi duMusée de la Résistance et de la Déporta-tion de l’Isère qui l’avait initié, aux côtésd’Amnesty International et le la Ligue desDroits de l’Homme notamment. Ensuite,les équipes apprirent à se connaître et s’ap-précier, et quand au début des années 2000,le Conseil général de l’Isère demande qu’unprojet de Maison des Droits de l’Hommesoit instruit au sein du Musée de la Résis-tance, c’est spontanément que l’Ecole de lapaix y prend part. Des échanges qui eurentlieu alors, évoquons ici ceux qui permirentde partager, notamment en 2004, autourd’une exposition itinérante, nombre deréflexions sur la Colombie, les FARC, IngridBetancourt... Disposés à continuer, c’estassez vite du Cambodge qu’il fut question.

Du côté de l’Ecole de la paix, la mobilisa-tion provoquée par le génocide fut l’une descauses majeures de sa création. Aussi était-il logique d’y revenir pour son dixièmeanniversaire. Le souci d’aider le peuple cam-bodgien à se reconstruire reste par ailleurspartagé par les membres de son équipe.Aussi des actions se poursuivent, ici etau Cambodge, dont la connaissance et lacompréhension méritent d’être améliorées,tant elles sont riches d’enseignement pourl’humanité entière. �

Des enseignements à tirer

Tragédie universelle par définition puisqu’elle nie à des humains le droit de vivre, le géno-cide pose avec une acuité sans égale la question des Droits de l’Homme. L’expérience enavait déjà été faite, tant à propos de la Shoah que du génocide des Arméniens : chaque fois,était apparue la nécessité de ne surtout pas faire désespérer de l’humain et de montrer,au-delà des horreurs du désastre accompli et des difficultés à s’en défaire, quelles étaient lesrésistances, les secours, les tentatives de réparation, les avancées de la justice, les possibili-tés de résilience…

Marcel Lemonde, juge au Tribunal Khmers rouges, estime comme indispensable l’exercicede la justice internationale.Réfléchir aux valeurs qui feraient l’assentiment de tous les peuplesde la terre sans rien altérer des cultures de chacun, demeure d’une grande nécessité dansl’actualité du monde perturbé d’aujourd’hui. Puisse ce 60e anniversaire offrir l’occasion,grâce au Cambodge, de faire progresser cette idée. �

Inaugurationdes locauxde l’Écolede la paix àGrenoble,mai 1998

Coll. Écolede la paixde Grenoble

Marcel Lemonde, l’un des deux magistrats français du tribunal international cambodgien chargé dejuger les Khmers rouges, Phnom Penh, 2007

Coll. Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens

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DominiqueMérigard

Pouvez-vous nous dire quelques mots de votreparcours de photographe ?Mon premier réel contact avec la photogra-phie a eu lieu à l’école Estienne, l’école dulivre à Paris. J’y ai eu d’illustres prédéces-seurs comme Robert Doisneau, ÉdouardBoubat ou Willy Ronis. C’est en 1989, peude temps après avoir découvert ses imagesque j’ai rencontré Bernard Plossu, un autregrand nom de la photographie française.C’est lui qui m’a montré la liberté aveclaquelle on pouvait pratiquer la photogra-phie. Avec le temps, j’ai trouvé ma propreécriture photographique et la mémoire, letemps, la trace, sont devenus mes axes derecherche privilégiés.

Dans quel contexte avez-vous connu leCambodge ?Je suis allé au Cambodge pour la premièrefois en décembre 1994, invité par une ONGfrançaise, pour enseigner la photographieet le graphisme à l’École royale des Beaux-Arts de Phnom Penh. Cette mission étaitcouplée à une résidence d’artiste. La situa-tion dans le pays était encore tendue et, peuavant mon départ, le ministère français desAffaires étrangères a voulu annuler oureporter ma mission. J’ai insisté pour par-tir quand même et, une fois sur place, j’aidécouvert un pays qui contrastait avecl’image véhiculée par les médias, de dange-rosité totale due aux Khmers rouges.

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Dans quelles conditions et pourquoi avez-vousréalisé la série photographique Témoin S-21 ?Comme je l’explique dans mon livre TémoinS-21. Face au génocide des Cambodgiens, jen’ai pas choisi de travailler sur ce sujet.C’est arrivé par hasard, parce que mes étu-diants m’ont emmené visiter S-21 dès lelendemain de mon arrivée à Phnom Penh.J’ai ensuite voulu transmettre ce que j’avaisvu et surtout ressenti alors, mais également,en contrechamp, montrer toute l’humanitéqui se dégageait des Cambodgiens que jerencontrais.

Pourquoi la présentation de vos photographiesau Musée vous paraît-elle avoir du sens ?Ces photographies résultent d’une ren-contre avec l’histoire et j’ai voulu témoignerde cette rencontre de la façon la plus justepossible. Je pense qu’il est aussi logique quece travail soit présenté dans un Musée d’his-toire plutôt que dans une galerie d’art. Lapertinence est encore plus grande quand onconnaît les liens étroits des Cambodgiensavec l’Isère, pays d’accueil de nombred’entre eux. J’ai hâte d’avoir leur sentimentsur les images qui vont être exposées.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur leparcours que vous proposez ainsi au visiteur ?Ce que je veux communiquer au visiteur,c’est le choc visuel et émotionnel qui a étéle mien à S-21 et la prise de conscience dece qu’avait été ce lieu symbole de l’histoiredu Cambodge sous le régime des Khmersrouges. Ce choc a été suivi d’un question-nement qui se matérialise au travers desportraits de Cambodgiens que j’ai réalisés :pourquoi et comment le génocide avait puavoir lieu et comment ils y avaient survécu.

Qu’avez-vous retiré de votre deuxième voyageau Cambodge, en avril 2008, soit presquequinze ans après avoir réalisé ce travail pho-tographique ?Ce retour au Cambodge a été pour moi trèsémouvant. J’ai retrouvé mes anciens étu-diants. Ils ont tous trouvé leur place dansla société et font partie de cette classemoyenne qui a réussi à émerger après toutesces années d’instabilité. À côté de cet aspectpositif, j’ai pu constater à quel point lasociété cambodgienne est divisée. D’un côté,les personnes qui ont l’argent, en profitentet le montrent de manière ostentatoire. Del’autre, celles qui n’en ont pas, la majoritéen fait, particulièrement dans les cam-pagnes. Le fossé se creuse et ne semble pasprès de se combler, bien au contraire, aurisque que la société n’explose.

Avez-vous le projet d’y retourner à nouveau,dans un avenir proche ?En effet, et dès que l’exposition au Muséeaura commencé. Je vais continuer de tra-vailler sur les traces du génocide en réali-sant notamment une série de portraits depersonnes nés entre 1975 et 1979, durantla période khmère rouge. Ces images serontaccompagnées d’entretiens réalisés par une

journaliste. Je souhaite également continuerde saisir le bouleversement urbanistique quesubit actuellement Phnom Penh.

Mon histoire avec le Cambodge n’est,de toute évidence, pas terminée… �

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p u b l i c a t i o n s

Réalisée en étroite relation avec les parte-naires de l’exposition, et en premier lieul’École de la paix de Grenoble et l’Associa-tion des Cambodgiens de l’Isère, la nouvellepublication du Musée répond à plusieursobjectifs : ceux de donner des clefs de lec-ture pour comprendre l’histoire contempo-raine du Cambodge, d’aborder les procèsactuels des responsables Khmers rouges etla diversité des réflexions qu’ils occasion-nent, de livrer une première restitution dutravail de mémoire qu’a engagé le Muséeavec les Cambodgiens de l’Isère et les per-sonnes qui leur ont été solidaires lors durefuge dans le département.

Ainsi, parmi les contributions que le Muséea sollicitées auprès d’ “experts” issus dumonde universitaire et de la société civilecambodgienne, citons celle de l’historienBernard Bruneteau analysant le processusgénocidaire khmer rouge et sa singularitéou encore celles du juge Marcel Lemonde etde François Ponchaud débattant du prin-cipe de justice universelle à l’entame desprocès internationaux de Phnom Penh. Cetensemble d’une dizaine de textes mêle lesapproches historique, juridique, politique,voire philosophique.

Les témoignages du génocide, au cœur del’ouvrage, nous renvoient quant à eux à latragique réalité des années sombres durégime de Pol Pot. Pour terribles que soientleurs vécus, on ne peut être que frappé parla grande force morale qui se dégage despropos recueillis. Tous y expriment la mêmedétermination à voir juger les responsablesde ces crimes.

L’histoire de ces rescapés est aussi celle,réconfortante, d’un grand élan de généro-sité en France. Ainsi, en Isère et dansd’autres départements, militants associatifs,simples bénévoles déployèrent une activitéremarquable pour favoriser l’intégration desréfugiés du Cambodge mais aussi du Laoset du Vietnam – en proie à des régimes auto-ritaires – de 1975 jusqu’au début des années1990.

Somme toute, le Musée propose par cetouvrage le premier récit d’une histoirequi jusque-là avait été ignorée, celle desCambodgiens de l’Isère.

Face au génocidedu Cambodge à l’Isère

La section spéciale S-21 à Phnom Penh,aujourd’hui musée du Crime génocidaire,fut, entre 1975 et 1979, sous le régime dePol pot, la plus sinistre des prisons. C’est àl’exploration de la mémoire de ce désastreque nous convie Dominique Mérigard àtravers des photographies qui explorent sanseffets la fragile frontière entre l’humain etl’inhumain. Ainsi que le souligne BernardPlossu dans la préface du livre, ces images« disent l’indicible », avec une rigueur qui« témoigne juste ».

Témoin S-21.Face au génocide des Cambodgiens,Dominique Mérigard, préface BernardPlossu, Editions Le bec en l’air, 2008,64 pages, 22 €.

Face au génocide, du Cambodge à l’Isère, un ouvrage duMusée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère –Maison des Droits de l’Homme, novembre 2008,200 pages, 21 €.

Témoin S-21Face au génocide des Cambodgiens

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Le 10 décembre 1948, 48 états signatairesadoptent la Déclaration Universelle desDroits de l’Homme (DUDH), dans le cadrede l’Assemblée générale des Nations Unies(ONU). Inspirée de la Déclaration des Droitsde l’Homme et du Citoyen de 1789, ce textetémoigne aussi de la nécessité de donner àl’humanité, au lendemain de la SecondeGuerre mondiale, la possibilité de se ressai-sir et de redonner un sens positif à sonhistoire. 60 ans après, des organisations conti-nuent d’intervenir sur toute la planète pourle respect de droits souvent bafoués. Dansle seul département de l’Isère, quelque 850associations militent pour leur défense àtravers quantités de causes. Le 10 décembre2008, la DUDH a soixante ans !

Afin de célébrer cet événement, le Muséede la Résistance et de la Déportation del’Isère -Maison des Droits de l’Homme s’estengagé dans plusieurs réalisations.

Les Droits de l’Homme racontésaux collégiens de l’IsèreLa Déclaration Universelle des Droits del’Homme est le principal texte internatio-nal affirmant les droits humains. Etudiée enéducation civique de la sixième à la troi-sième, est-elle pour autant connu des col-légiens ? Un document intitulé Les Droits del’Homme racontés aux collégiens de l’Isère,à l’usage des enseignants et des collégiensisérois, vient ainsi d’être réalisé par leMRDI-MDH. Ayant vocation à être utilisécomme un outil d’accompagnement desprogrammes scolaires, ce documentprésente l’ensemble des articles de la Décla-ration et son histoire, comme il fait aussiapparaître au regard de l’expérience desjeunes militants associatifs agissant aujour-d’hui dans notre département, les diffé-rences qui existent entre la théorie et la pra-tique des Droits de l’Homme. Les brochuresont été adressées aux principaux de chaquecollège du département, mi-octobre.

Le programmedes manifestationsPour cet anniversaire, des associations et desinstitutions iséroises, rassemblées autour duConseil général de l’Isère et de la Ville deGrenoble, proposent, de novembre àdécembre 2008, de célébrer les Droits del’Homme, au fil d’événements signalés dans

un riche programme qui sera diffusé àpartir de la mi-novembre. Près d’une tren-taine de manifestations sont organiséesautour des articles de la DUDH : confé-rences, expositions ou encore projectionsqui seront l’occasion de sensibiliser le grandpublic à la question des Droits de l’Homme.

En lien avec ces manifestations, deux tempsforts sont organisés durant la semaine du8 au 14 décembre. L’ouverture de la semaineaura lieu le lundi 8 décembre, à la Maison

de l’Avocat, en présence des élus du Conseilgénéral de l’Isère, de la Ville de Grenoble etdu Barreau de Grenoble. Plusieurs person-nalités d’envergure nationale devraient éga-lement se joindre à ce lancement.

Le 10 décembre, jour anniversaire, unemarche collective des associations en faveurdes Droits de l’Homme déambulera dansles rues de Grenoble, pour se rendre sym-boliquement sur le parvis des Droits del’Homme, au Jardin de Ville. �

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é v é n e m e n t

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l a p r o c h a i n e e x p o

Le train s’arrêta à GrenobleMémoires de républicains espagnols

Le 18 juillet 1936, les troupes du Maroc, commandées par le géné-ral Franco, débarquent dans la péninsule : toutes les garnisonsse soulèvent contre le gouvernement de la République espagnole.Les deux camps reçoivent une aide étrangère et l'Espagne devientle champ de bataille du fascisme contre le socialisme. L'URSS, four-nit aux républicains, des techniciens, du matériel et une impor-tante aide financière. L'Allemagne et l'Italie apportent leur soutienaux nationalistes, principalement sous forme aérienne (LégionCondor) et l'Italie par l'envoi de quelque 50 000 volontairesfascistes.La guerre d'Espagne, surtout dans le domaine de l'aviation, devientle banc d'essai des armes et des techniques nouvelles. Que l’onse souvienne, le 26 avril 1937, du bombardement de Guernica !Les premiers volontaires étrangers, aux côtés des Républicains, sontdéjà sur place, essentiellement des réfugiés politiques allemandset italiens. En septembre 1936, est créée une centurie française,dénommée Sébastien Faure. L'acte fondateur des Brigades inter-nationales est la réunion du présidium de l'Internationale com-muniste qui se tient à Moscou le 18 septembre 1936. D'après lesestimations, 32 000 volontaires étrangers ont combattu dans lesBrigades internationales de l'automne 1936 au printemps 1939,dont 10 000 français, parmi lesquels une trentaine d’Isérois.En Isère, à l'été 1937, un premier convoi de 450 réfugiés espagnolsest réparti entre l'école Vaucanson et le centre d'hébergement deVoiron, avant d’être regroupé au Fort-Barraux à l'automne.Le 2 février 1939, 1850 réfugiés arrivent en gare de Grenoble etsont dirigés sur le Palais de la Houille Blanche ; le lendemain, undeuxième convoi, comprenant 580 réfugiés, les rejoint.Le 13 juillet 1939, l'ensemble des réfugiés quittent Grenoble pourle camp d'Arandon, près de Morestel. Parmi les brigadistes quijoueront un rôle important dans la Résistance, quelques figures sedessinent notamment Marco Lipszyc, Georges Polotti, GabrielFaure et Joseph Sisti. Pour ces hommes, la Résistance est la suitelogique de leur engagement en Espagne.

A partir d’une trentaine d’affiches proposées par l’Institut CGTd’histoire sociale (Lyon) relatives à la Guerre d’Espagne (les mou-vements républicains, l’intervention ou la non intervention, la soli-darité internationale, les Brigades…) l’exposition abordera à lafois, la situation des Espagnols républicains, réfugiés en Isère, etl’engagement dans les Brigades, d’hommes qui vont s’illustrerde nouveau dans la Résistance en Isère. Outre le partenariat del’Institut d’histoire sociale, cette opération bénéficie aussi de celuidu Casal català de Grenoble grâce auquel des témoins ont été repé-rés et vidéofilmés et des collectes de photographies et de docu-ments ont été effectuées. �

Marco Lipszyc, brigadiste puis chef départemental des FTPde février à mai 1944. Coll. MRDI

Arandon, 25 septembre 1939. Réfugiés espagnols. Coll. particulière

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c o u r r i e r

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LLee ccoouurrrriieerr ddeess vviissiitteeuurrssDepuis 1994, le musée prend des rides.Il doit se transformer, se rendre plusmoderne, s’agrandir, acquérir de nouveauxdocuments et devenir « lumineux »pour éclairer nos héros. F. C.

Désolé, mais de nombreux aménagementsont eu lieu dans le musée, depuis 1994. En2001, plusieurs parties des présentations,sur l’internement et les maquis, notam-ment, ont été actualisées. Consécutivementà l’exposition temporaire « Être juif enIsère », en 1997, une partie nouvelle a étéconçue sur la situation des Juifs en Isère etla résistance juive. Suite aux collectes et auxrecherches effectuées dans le cadre du60e anniversaire de la fin du système concen-trationnaire, la présentation de la Déporta-tion a été entièrement refaite en 2008, enri-chie de données nouvelles. Actuellement,c’est la dernière partie des présentations,celle qui relie la Résistance et ses valeurs auxquestionnements d’aujourd’hui, dont lerenouvellement est à l’étude. Vous avez rai-son, par contre de proposer l’agrandisse-ment du musée. Nous sommes nombreuxà le souhaiter et à le demander.

Le musée de la Résistance reflète bienl’histoire et la mémoire de cette périodesombre. Cependant doit-on associer celle-ciavec une « sorte de résistance »de sans-emplois ? C. F.

Même si la réponse est oui (CF « Résistance& Droits de l’Homme n° 8), la question resteintéressante. Les Résistants et les Déportésqui fondèrent ce musée, dans les années1960 n’ont jamais voulu le cantonner à leurexpérience des années 1940 – 1945, maisl’ouvrir sur les questions d’aujourd’hui etde demain. Or en dénonçant un système quiles exclut et clamant leur détresse par diffé-rentes actions, telle l’occupation de lieuxpublics, les chômeurs de longue duréemanifestent leur résistance. La grande majo-rité des visiteurs de l’exposition Romprele silence – Mémoires de chômeurs et précairesen Isère n’ont pas contesté, bien au contraire,la juste place d’une telle présentation auMusée de la Résistance et de la Déporta-tion de l’Isère.

Il faudra bientôt ajouter une salle quiparlera des lois actuelles sur l’immigration(test ADN, centres de rétention, rafles).Notre mémoire s’efface, la discriminationest toujours là, résistons ! J. B.

Il est vrai que dans bien des cas, les acquisde la Résistance et les Droits de l’Hommerestent toujours à défendre. Puissent lesréflexions proposées dans le cadre du60e anniversaire de la DUDH, raviver lesmémoires et engager les citoyens quenous sommes à lutter pour qu’ils soientvéritablement appliqués. C’est dans ce sensque la dernière partie des présentations dumusée est actuellement repensée, afin quela relation entre Résistance et Droits del’Homme soit d’une totale évidence.

A quand une expo sur l’expéditionde Narvik (1940) où les chasseurs alpins deGrenoble étaient très nombreux. Cet actede résistance à l’allemand en Norvègea eu une influence sur les grenoblois et leschasseurs alpins rentrés au pays. Ceux quiavaient tenu tête aux allemands en 40 s’ensont souvenus en 43/44. Il faudrait montercette expo avant que les derniers témoinssoient morts. Merci d’y penser. N. R.

Le 15 avril 1940, les troupes alliées, dont le6e et le 12e Bataillon de chasseurs alpins deGrenoble, sont en effet victorieuses face àl'armée allemande, à Narvik. L’événementest rappelé au début des présentations dumusée. L’idée d’y consacrer une expositionà part entière est intéressante mais buttepour l’instant sur la rareté des documents.

11 juin 2008, 14h, nous occupons le muséede la Résistance et de la Déportation, pouraffirmer la nécessité de résister encore ensolidarité avec les personnes sans-papiers,traquées, expulsées ; en solidarité pourles inculpé(e)s de Paris.

Trace d’une occupation finalement paci-fique et de discussions qui pourraientse poursuivre à propos du statuts des étran-gers en France, dans le prolongement del’exposition que nous avions consacrée àSangatte, en 2002.

Belle et émouvante exposition« les Résistants de la Viscose ». Le panneausur Pierre Fries, mon père, a été un choc.Je me souviens des juifs logés chez nouset « exfiltrés » sur le Chambon-sur-Lignonprotestant. Je me souviens d’Esclach, danssa traction avant Citroën noire, venantarrêter mon père. Que de souvenirs !Félicitations.

Dr Daniel Fries,médecin des hôpitaux de Paris

Nous sommes reconnaissants au Dr D. Friespour ce message. La figure de ce patrond’industrie résistant que fut Pierre Fries, àla tête de l’usine de la Viscose, est, grâce àl’ouvrage de Michèle Blondé, Une usine dansla guerre, l’une des découverte de cette expo-sition. Que de choses encore à apprendresur cette période fondatrice qui fut celle dela Résistance !

D i s p a r i t i o n s

François PietkaOriginaire de Pologne, il est né le14 février 1921 à Ujsoly Zywiac. Ils’engage dans la Résistance et est arrêtépar la Gestapo le 4 juin 1944 à Carcas-sonne puis déporté à Dachau en Alle-magne, le 2 juillet. Il était chevalier dela Légion d’honneur et titulaire de lamédaille militaire.

Georges VivierNé le 26 mai 1925 à Grenoble, il s’en-gagea volontairement dans la marinedès l’âge de 17 ans. Il revient à Gre-noble, fin 1942, après le sabordage dela flotte à Toulon. Il s’engagea dans laRésistance au sein des Forces unies dela jeunesse (FUJ), sous les ordres deJean Lécutiez (Lepape). Lors de lamanifestation patriotique du 11novembre 1943, il est arrêté et déportéen Allemagne le 19 janvier 1944, auxcamps de Buchenwald, Dora puisRavensbrück. Il a été conseiller muni-cipal de Jarrie durant plusieurs man-dats. Il est fait chevalier de la Légiond’honneur en juin 1983.

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Célèbre figure de la littérature régionaliste et de l'édition alpine, Raymond Joffre, directeurde la librairie des Alpes et président d'Ex Libris Dauphiné, est l'un des fondateurs du Salon du livrede régionalisme alpin. Sa 17e édition se tient les 21, 22 et 23 novembre 2008 à Grenoble et a pourthème : La Résistance dans les Alpes.

Le Salon du livre de régionalisme alpin – édition 2008

De quelle façon le salon du livre derégionalisme alpin est-il né, avec quelsobjectifs?Lorsque nous avons créé Ex Libris Dau-phiné, notre objectif était de lancer un salonqui regrouperait tous les aspects de la litté-rature concernant la civilisation des Alpes.Les écrivains régionaux, absents de la litté-rature officielle, devaient trouver dans cettemanifestation la place qu’ils méritaient.

Que peut-on trouver au salon ?Du livre neuf et récent au livre ancien,introuvable, des documents inédits, desétudes disparues, des photos anciennes, descartes postales, des tableaux régionaux…

Vous avez choisi cette année pour thème laRésistance dans les Alpes : quelles sont lesmotivations de ce choix ?Nous sommes tous concernés par cettepériode où notre province a lutté pourretrouver sa liberté et son honneur. Les sou-venirs en sont encore très vivaces : notremission est de les garder en mémoire et deles transmettre à nos enfants.

Les visiteurs pourront également découvrir(ou redécouvrir) Maquis 1943 – 1944Les dessins d’Abdon qui avaient étéexposés au Musée de la Résistance et de laDéportation en 1994, comment est venuel’idée de les exposer de nouveau ?Pour pouvoir actualiser cette reconquête denotre liberté, nous devons présenter desimages afin que les jeunes générations soientpénétrées du courage et de l’abnégation deleurs ainés. Les dessins, les photos, les expo-sitions concrétisent et expliquent plusprofondément qu’un discours officiel.

Maquis 1943 – 1944Les dessins d’Abdon en Vercors, Oisans, Belledonne,Chartreuse, Maurienne21, 22 et 23 novembre 2008Ancien musée, bibliothèque de Grenoble, place de Verdun

Impatient d’agir pour la Résistance et de s’engager dans l’action, il gagne le Vercors et rejointun premier maquis en juin 1943. Il a 22 ans. A l’automne, il est dans l’Oisans et dès l’hiver,en Belledonne, dans la Compagnie Bernard. C’est dans la Compagnie Stéphane, cepen-dant, dont il devient chef de groupe en mai 1944, que ses qualités de courage et de rigueurvont s’exprimer pleinement. Ainsi va-t-il participer aux actions de la célèbre Compagniejusqu’à la libération de la dernière vallée alpine occupée, la Maurienne, en septembre 1944.C’est ensuite en qualité de chef de section d’Eclaireur Skieur de la même Compagnie,au 15e Bataillon de Chasseurs Alpins, qu’il prend part à la « Guerre des Alpes » en Italie.Il, c’est Abdon.

Durant sa vie dans les maquis alpins, Jacques Barré de son nom véritable, met à profit chaquepause et moment de veille pour dessiner ce qu’il voit, au crayon ou à la plume. D’un traitprécis et vigoureux, il dresse le portrait de ses compagnons, se rappelle une action, uneembuscade, un attentat. Il dessine et nous offre sans le savoir l’unique possibilité de parta-ger chacun des instants de la vie du maquis, les plus héroïques comme les plus réjouissants.En 1994, ses dessins avaient composé la première exposition temporaire du Musée de laRésistance et de la Déportation. Treize ans plus tard, l’édition 2008 du Salon du livre derégionalisme alpin donne aux visiteurs l’occasion de les découvrir à nouveau et d’espérerqu’ils soient enfin publiés.

Raymond Joffre

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L’histoire de la Résistance française faitl’objet d’une abondante documentation etde recherches pluridisciplinaires. Partout,la participation des militaires à l’actionclandestine et à la lutte contre l’occupationreste encore largement méconnue. Par uneapproche globale, internationale et natio-nale, puis à l’échelle d’une région qui futle théâtre d’actions militaires, des nombreuxmaquis qui s’y sont développés, mais éga-lement à travers les regards croisés d’histo-riens français et étrangers, le colloqueLes militaires en Résistance doit notammentouvrir de nouvelles pistes de recherchespour les historiens.

Ce colloque s’inscrit en prélude au salon dulivre de régionalisme alpin et se déroule endeux temps.Le jeudi 20 novembre dès 8h à l’Institutd’Etudes Politiques et le vendredi 21novembre à 9h à l’Auditorium du Musée deGrenoble. Une table ronde avec la partici-pation de Jean-François Muracciole, profes-seur d’histoire à l’Université de Montpellieret de deux conservateurs du patrimoine,Jean-Claude Duclos, responsable du Muséede la Résistance et de la Déportation del’Isère et Nathalie Genet-Rouffiac, respon-sable des Archives du Service historiquede la Défense, clôturera le colloque, enabordant les questions de la mémoireaujourd’hui, des sources historiques et desrecherches.Institut d’Etudes Politiques 151, rue des universités – Saint-Martin-d’HèresAuditorium du musée de Grenoble5, place Lavalette – Grenoble

Cette exposition fait suite à celle qui a étéprésentée au Musée de la Résistance et dela Déportation de l’Isère, en octobre 2007,et réalisée avec l’Association Gallo. Sous laforme de 12 panneaux 100 x 80 cm, l’expo-sition retrace, en 5 parties, le parcours queconnaissent les chômeurs et les précaires,du licenciement à la question de l’aide, puisde l’image de soi à la révolte, en posant enfinla question : Comment créer une sociétésans chômage ? A travers leurs témoignages,qui constituent les seuls textes de l’exposi-tion, ces chômeurs sollicitent la réflexion etl’attention autour de la douloureuse ques-tion de la précarité.

Les réservations de l’exposition se fontauprès de l’Association Gallo,06.15.68.37.95.

Rompre le silence.Mémoires de chômeurs et précaires en Isère, 1975 – 2008La version itinérante

Colloque

Les militaires en RésistanceAin-Dauphiné-Savoie 1940/194420 et 21 novembre 2008

Organisé par l’Institut d’Études Politiques de l’Université deGrenoble, la Société des Écrivains dauphinois et l’Union desTroupes de Montagne.

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LL EE SS RR EE NN DD EE ZZ -- VV OO UU SS A U T O U R D E TEMOIN S-21Mardi 13 janvier 2009 – 18h30Projection – débat organisée par la bibliothèque Kateb YacineDerrière le portailFilm documentaire réalisé par Jean Baronnet, 2004, 52 min.L’écrivain François Bizot, auteur du livre Le Portail, revient surses pas au Cambodge à la rencontre de Douch, le bourreaukhmer rouge qui lui sauva la vie et attend aujourd’hui sonprocès en prison.En partenariat avec le MRDI-MDHBibliothèque Kateb Yacine :Grand’place

Jeudi 22 janvier 2009 – 18h30Conférence – débatLa crise humanitaire du Cambodge pendant et après le régimekhmer rouge Par Rony Brauman, président de Médecins sans Frontières de1982 à 1994.En partenariat avec l’IEP de Grenoble, Médecins sans Frontières etAmnesty InternationalPalais du parlement :place Saint-André à Grenoble

Jeudi 29 janvier 2009Journée d’études Le génocide du Cambodge et la reconstruction du pays depuisla fin du régime khmer rouge.En partenariat avec l’UFR d’histoire de Grenoble, le LARHRA(Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes), l’IEP deGrenoble et la MSH (Maison des Sciences humaines).

9h30 Conférences-débat Le régime khmer rouge, ses origines et la dérive génocidaire Par Bernard Bruneteau, professeur d’histoire contemporaineà l’université Pierre-Mendès-France et auteur de l’ouvrageLe siècle des génocides (Armand Colin, 2004).

Reconstruire son histoire après des évènements traumatiques :l’exemple de la communauté cambodgienne de l’IsèrePar Anne-Marie Granet-Abisset, professeur d’histoirecontemporaine à l’université Pierre-Mendès-France.IEP de Grenoble :Campus universitaire à Saint-Martin-d’Hères

14h Table ronde autour de l’après-génocide au Cambodge et lareconstruction du paysAvec la participation de Jacques Lafourcade, colonel de réserve,officier de la mission de l’ONU au Cambodge en 1992-1993, deJean-Claude Pomonti (sous réserve), correspondant du journalLe Monde en Asie du Sud-Est et de Richard Pétris, directeur del’Ecole de la paix de Grenoble. IEP de Grenoble :Campus universitaire à Saint-Martin-d’Hères

17h Visite guidée de l’expositionTémoin S-21. Face au génocide des Cambodgiens.Musée de la Résistance et de la Déportation :14, rue Hébert à Grenoble.

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Jeudi 26 février 2009 – 18h30Conférence – débatLes procès khmers rouges et la justice pénale internationaleaujourd’huiPar Hisham Mousar, juriste, collaborateur de l’associationADHOC (Association pour les Droits de l’Homme et ledéveloppement au Cambodge), membre de la FIDH(Fédération internationale des Droits de l’Homme).En partenariat avec l’Association des Cambodgiens de l’Isère et leMaster Théorie et pratiques des Droits de l’Homme de la Facultéde droit de Grenoble.Palais du parlement :place Saint-André à Grenoble

Jeudi 5 mars 2009 – 18h30L’image photographique, les traces et l’histoire Rencontre avec Dominique Mérigard et Bernard Plossu,artistes-photographes, autour de l’exposition du Musée et dulivre Témoin S-21. Face au génocide des Cambodgiens, publié auxÉditions Le bec en l’air.Palais du parlement :place Saint-André à Grenoble

Jeudi 12 mars 20098e édition du festival du film de résistance proposé parles Amis de la Résistance-ANACR et 13e rencontresEthnologie et Cinéma.

Dans ce cadre, le Musée propose : Deux projections-conférences des films de Rithy Panh14h30 Bophana, une tragédie cambodgienne – séance scolaire18h30 S-21, la machine de mort khmère rouge – séance publiqueEn partenariat avec l’Association des Cambodgiens de l’Isère. Archives départementales :2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble

Jeudi 26 mars 2009 – 18h30Conférence – débat« Comprendre » notre barbarieAnalyser le crime de masse, approches comparatives Par Jacques Sémelin, directeur de recherches au CERI (Centred’études et de recherches internationales) de l’IEP de Paris.En partenariat avec l’IEP de GrenoblePalais du parlement :place Saint-André à Grenoble

Jeudi 28 mai 2009 – 18h30Table ronde sur le refuge cambodgien en IsèreAvec le témoignage de quelques réfugiés arrivés en Isère durantles années 70, de membres de l’Association des Cambodgiens del’Isère créée à la même époque, d’anciens membres du Comitédauphinois de secours aux réfugiés du Sud-Est asiatique et depersonnes ayant travaillé au Centre d’hébergement deCognin-les-Gorges.En partenariat avec l’Association des Cambodgiens de l’Isère et leSecours Catholique.Palais du parlement :place Saint-André à Grenoble

Jeudi 4 juin 2009 – 18h30Projection-débatFace au génocide, du Cambodge à l’Isère(sous réserve de la finition de son montage)Film réalisé par le Musée de la Résistance et de la Déportationde l’Isère – Maison des Droits de l’Homme, 52 min. 2009.Le film met en évidence comment de 1975 à 1992,3300 personnes d’origine cambodgienne en majorité, ont étéaccueillies dans diverses communes de l’Isère, à Lumbin,Cognin-les-Gorges et Seyssinet, avec divers concours dont celuidu Secours Catholique. Définitivement installées dans ledépartement, cinq cents d’entre elles sont désormais iséroises àpart entière.Archives départementales de l’Isère :2, rue Auguste-Prudhomme à Grenoble

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Numéro – novembre 2008Directeur de Publication : Jean-Claude DuclosRédactrice en chef : Alice BuffetRédaction : Alice Buffet, Laura Caico, Olivier Cogne, Jean-ClaudeDuclos, Jacques LoiseauConception, réalisation : Pierre GirardierCrédits photographiques : Musée de la Résistance et de laDéportation de l'Isère,Dominique Mérigard, M. Choffat, Conseil général de l’Isère.Somalay Hennequin, Le Dauphiné libéré, Chambres extraordinairesau sein des tribunaux cambodgiens, École de la paix de Grenoble

Imprimeur : Les Deux-PontsTirage : 5 000 exemplaires.Dépôt légal à parutionISSN en coursMusée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère-Maison des Droits de l’HommeOuvert tous les jours, de 9h à 18h, du 1er septembre au 30 juin (saufmardi, de 13h30 à 18h et samedi, dimanche de 10h à 18h) et de 10hà 19h, du1er juillet au 31 août (sauf mardi, de 13h30 à 19h).

14, rue Hébert – 38 000 Grenobletél. : 04 76 42 38 53 – fax 04 76 42 55 89

www.resistance-en-isere.fr

Samedi 29 novembre 2008 - à partir de 15h30Inauguration de l’exposition itinérante Rompre le silenceAnimation musicale par la chorale « Les Barricades »Musée dauphinois :30, rue Maurice Gignoux à Grenoble

Jeudi 5 février 2009 – 18h30Table-rondeL’Affaire Finaly, février 1944, GrenobleAvec la participation de Robert Finaly, de témoins de l’époqueet de Philippe Gonnet, journaliste au Dauphiné Libéré.Palais du parlement :place Saint-André à Grenoble

Dimanche 28 juin 2009 – 17hConcertTrio KlezeleJulien Petit, saxophoneYannick Lopes, accordéon et guitareRémy Youlzari, contrebasse, accordéon, compositionKlezele est né d’une passion commune pour la musique klezmer.Après un long travail au contact des plus grands noms tels queDavid Kraukauer et Merlin Shepherd, ces trois jeunes musiciens– issus du Conservatoire supérieur de musique de Paris(CNSMD) – évoluent dans une recherche constanted’authenticité.Musée de la Résistance et de la Déportation :14, rue Hébert à Grenoble

Dimanche 5 juillet 2009 – 17hConcertLes Trompettes de LyonPierre Ballester, André Bonnici, Didier Chaffard,Jean-Luc Richard, Ludovic Roux.En 1989, à la création de l’Ensemble de Trompettes de Lyon,il n’existe que trois ensembles de ce genre à travers le monde.Ils se singularisent par une instrumentation unique.Les musiciens ne se contentent pas de puiser dans le répertoireécrit pour ce genre d’instrument mais produisent leurs propresarrangements ou passent commande à des compositeurs.Le groupe se soude au fil des concerts et festivals en Franceet à l’étranger, joue aux côtés de Maurice André, devientambassadeur Selmer, accroit sa popularité avec les tournées JMF(Jeunesses Musicales de France), et est régulièrement sélectionnépar le Conseil général du Rhône dans le cadredes saisons culturelles.Musée de la Résistance et de la Déportation :14, rue Hébert à Grenoble

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LES A U T R ES R ENDEZ -VO U S

L’entrée dans les musées départementaux est gratuite.