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Comment peut-on être Canaque? EXCLUSIF Français, moine, et bouddhiste EQUATEUR Les prêtres qui dérangent Vatican N°74 avril 1985 29 francs Belgique:210FB Suisse: 10FS Canada: $7.00 Italie: 8 000L Espagne: 700 Ras Un nouveau monde: lalèrre ~S»*.- - ' ^ .; r r ''II

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Commentpeut-on être

Canaque?EXCLUSIF

Français, moine,et bouddhiste

EQUATEUR

Les prêtresqui dérangent

Vatican

N°74avril 198529 francs

Belgique:210FBSuisse: 10FS

Canada: $7.00Italie: 8 000 L

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Un nouveau monde: lalèrre

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CIVILISATIONComment peut-

on être Canaque ?Qui sont donc ces

singuliers autochto-nes qui veulent qu'onleur rende la Nouvel-le-Calédonie ? Tout àla fois des paysans,

des mystiques et desguerriers. Mais sur-

tout des hommesqui s'identifient à

la terre où ilssont nés.

Page 20

RITESEji'ai trou-

vé Bouddha.Après des années

de méditation etd'ascèse, un mé-decin français ra-conte comment ilest devenu moine

bouddhiste. Etgrand maître du

Shingon pourla France !

Page 52

ARCHEOLOGIESous la mer, les

canons de Bonaparte.Les vestiges de la

flotte française de lacampagne d'Egyp-

te, défaite à la batailled'Aboukir, ont été re-trouvés par des chas-seurs d'épaves dansles eaux du delta duNil, avec l'assistan-

ce d'un bâtimentde la Marine

nationale.Page 76

GEO

GEOGRAPHIELa nouveNle Côte d'Azur.Une fois l'âge du bé-ton digéré, il resteune Côte innocentequi appartient à laProvence avec sespalmiers, sa cui-sine et son accent.Et voici que naîtune Côte califor-nienne, vouée àl'informatique.PagejjS

SOCIETECroisadedans la Sierra.En Equateur,comme partouten Amérique lati-ne, des prêtres s'en-gagent au côtédes Indiens pourlutter contrela misère.Page 160

AVENTURECorps à corpsavec une île maudite.Pour assouvir sapassion des reptiles,une jeu ne scienti-fique a passé, seu-le, quarante jourssur un îlot austra-lien inhabité.Page 178

Photo de couverture: La fresque de Fabio Riéti, à l'entrée de Nice. Encart GEO p. 43-44

GEO 3

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l'A' / \t un jeune Fran-

çais, médecin et ayant donc re-çu une formation scientifique,devient-il moine Shingon, c'est-à-dire adepte de la branche ésoté-rique du bouddhisme japonais ? Ledocteur Billaud, aujourd'hui ré-vérend Yukaï, raconte en exclusivitéson expérience peu commune,illustrée de photographies de rituelsjamais dévoilés (ici, la cérémonie v

du Rishuzanmaï, la prière « pour fairerenaître tous les êtres dans le pa-radis du Bouddha Maitréya »). Celaen avant-première de l'exposi-tion sur le Shingon qui se tiendradans quelques mois à Paris

BOUDDHA

RECI-TATION

RYTHMED'UN TEX

SACRE

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'est sur la scèned'un théâtre parisien, aux Champs-Elysées, que j'ai rencontré, un soird'octobre 1974, celui qui allaitdevenir mon Maître et m'initier auShingon, la branche ésotérique dubouddhisme japonais. J'étais venuassister à une représentation don-née par un groupe de moines entournée à travers le monde. Faceau public, devant un autel carrérecouvert d'objets rituels et detasses dorées qui scintillaient sousles feux des projecteurs, un moineen «kolomo» (habit) couleur vieilor dirigeait une cérémonie boud-dhique du «Sutra de la grandesagesse». Il paraissait assez âgé etde son visage émanait une forceempreinte de noblesse, une séréni-té qui inspiraient le plus grandrespect. La dignité de son main-tien et la grâce de ses gestesétaient, à ne pas s'y tromper, ceuxd'un grand Maître du bouddhisme.Autour de lui, disposés en formede U, une vingtaine de moines,jeunes pour la plupart, chantaientle Shomyo, la liturgie traditionnel-le. Dès l'instant où je le vis, je nepensai plus qu'à le rencontrer.

J'entrais, je le sentais, dans uneétape nouvelle, décisive, d'un pro-cessus qui avait commencé en moidepuis bien longtemps. Lorsque, àpeine adolescent, j'admirais déjàla maîtrise de mon professeur dejudo et, à travers lui, un Japon quej'idéalisais. Ou quand, au fil desannées, je constatais que ni lesphilosophies acquises à l'école ni,plus tard, les études de médecine,n'arrivaient à satisfaire mes be-soins de connaissance ni à étan-cher ma soif de sagesse. J'étaiscroyant, mais ce qu'on m'avait

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enseigné du christianisme ne meparaissait répondre que de ma-nière imparfaite aux besoins spiri-tuels de l'homme moderne. Peu àpeu je me suis tourné vers l'O-rient, puis vers le bouddhisme,plus particulièrement celui prati-qué dans ce Japon que j'admiraisdepuis mon enfance. Mais si j'aichoisi le bouddhisme japonais,celui-ci, j'en conviens, m'a choisiaussi en faisant intervenir le destinau bon moment. Tout d'abordlorsque, encore étudiant, j'ai ren-contré une charmante Japonaiseque j'ai épousée. Ensuite, le jouroù j'ai découvert un livre consacréau Shingon: le «Daïnitchi Kyo»,de Tajima Ryujun. Je connaissais,à l'époque, de nombreux textesphilosophiques et spirituels sur lesreligions orientales. Mais cet ou-vrage fut pour moi une révélation.Je sentais qu'il contenait un ensei-gnement solide, transmis de géné-ration en génération et, bien quetrès ancien, particulièrementadapté aux conditions de vie del'homme moderne. Enfin, lors dela venue à Paris d'un groupe demoines Shingon de Tokyo.

La Viergeconsacrée Bouddha

de compassionA la fin du spectacle, accompa-

gné de ma femme comme inter-prète, je me précipitai vers lescoulisses pour recevoir la bénédic-tion du Maître: Aoki Senseï,considéré au Japon — je l'apprispar la suite — comme un trésornational vivant. Il nous reçut avecaffabilité. Et cette rencontre chan-gea le cours de notre vie. Dès lelendemain, nous le suivîmes enBelgique où le groupe de moinesdevait donner une représentation.Je n'avais rien trouvé de mieux àlui offrir qu'une belle statue de laSainte Vierge achetée dans uneboutique de la place Saint-Sul-pice ! En la recevant, Aoki Senseïla consacra «Bouddha de compas-sion». Cette Vierge orne toujoursson temple de Tokyo. Ses fidèless'imaginent qu'il s'agit d'uneforme du Bouddha Kannon, pro-tecteur des enfants... Après cepremier contact, depuis le Japon,en quelques lettres, le Maître nous

conduisit peu à peu vers le cheminqui mène à «l'éveil du cœur decompassion». Cet enseignementest l'essence de la spiritualitéjaponaise. Il le résume en peu demots: la reconnaissance à l'égarddes autres et de l'univers toutentier. «Nous ne vivons pas seuls,dit-il, mais grâce aux autres. Notrevie est un don précieux qu'ils nousfont. Aussi devons-nous cultiverun sentiment de respect et dereconnaissance non seulement vis-à-vis des personnes vivantes oudécédées à qui nous devons d'êtrelà, mais encore pour chaque objetque nous utilisons, l'aboutisse-ment de tant d'efforts. La vie estpartout et dans chaque chose...»A peine ce chemin entrevu, jen'eus d'autre souci que d'allerrejoindre le Maître. Deux moisaprès avoir passé ma thèse demédecine, nous partîmes, mafemme et moi, pour Tokyo, avecl'intention de devenir moinesShingon tous les deux.

Bien que la majorité des moinessoient des hommes, les femmespeuvent, en effet, être ordonnées.Rien n'interdit non plus auxmoines de se marier. Jadis, lecélibat était la règle. Mais celle-cifut abolie il y a une centained'années. Pour plusieurs raisons:parce que le mariage, a-t-on penséalors, permet d'éviter les excès etles dissipations qu'entraîné sou-vent le célibat. Mais aussi parceque, dans cette communauté trèstraditionnelle, la femme s'occupede la maison et fait office d'hôtessepour recevoir les visiteurs. Larésidence familiale du Maître setrouve d'ailleurs toujours à côté dutemple. Si bien que, par la forcedes choses, celui-ci devient unesorte de patrimoine qui se trans-met de père en fils. Aoki Senseïlui-même, qui a aujourd'hui 93ans, est marié. II nous reçut trèscourtoisement à dîner dans sontemple de la banlieue de Tokyo. Anotre grande surprise, voulantnous faire plaisir, sa famille nousavait préparé... un bœuf bourgui-gnon ! Végétarien strict depuis dixans, je fis néanmoins honneur auplat inattendu, tellement j'étaisheureux de l'accueil. Il nous invitaà le rejoindre quelques jours plustard au temple du Toji, à Kyoto, làoù tous les grands maîtres du

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NAIS-SANCES,NAISSAN-

CES.AVANT,C'EST LESTENEBRES

Shingon se réunissent une fois paran, au début de Tannée, pour lacérémonie du Mishuho, où ilsprient «pour la sauvegarde et lebonheur du pays»,.. Plusieurs se-maines après notre arrivée, nousétions toujours dans l'incertitude àpropos des intentions d'Aoki Sen-seï de nous faire entrer ou nondans la communauté Shingon.Ainsi que de celles des autresmoines. Je pratiquais, certes, laméditation depuis longtemps.Mais ils devaient se demandercomment un Français pouvaitcomprendre quoi que ce soit aubouddhisme ésotérique. Ce peupleinsulaire, fin et cultivé, n'acceptepas facilement les « gaïjins », lesétrangers. Pendant ce temps, nousrêvions de méditations et d'as-cèses, de sons de cloches et desymbolismes inconnus. Car nousen savions assez pour entrevoir,mais pas assez pour tout compren-dre. Nous assistions journellementà des rites et à des cérémonials quinous impressionnaient fort parleur faste. Pour les moines Shin-gon, l'esthétique a une grandeimportance. Le beau a un effetspirituel sur les êtres: l'esprit de-vient ce sur quoi il se concentre.C'est pourquoi les temples sontmagnifiquement décorés et lesgestes des officiants empreintsd'une grande harmonie. Parfums,sons, mouvements, objets ri-tuels... tout dans le temple tend àla perfection afin que l'esprit, àson contact, se purifie.

Nous n'étions même pas desnovices. Qui aurait pu imaginerque, six ans plus tard, nous partici-perions non seulement à cesmêmes cérémonies mais encoreque nous pourrions pratiquer degrandes ascèses comme celle, par-mi les plus célèbres, de KokouzoGoumonji ! Cette ascèse consiste àprier pendant cinquante jours Vé-nus, l'étoile de l'aube, considéréecomme la manifestation du Boud-dha Kokouzo, gardien des trésorsdu ciel, celui qui possède toutes lesvertus, qui peut apporter la ri-chesse et, don suprême, l'intelli-gence nécessaire pour comprendretous les textes sacrés. Si l'ascèseest parfaitement suivie, l'étoile del'aube apparaît le dernier jour aumoine qui l'accomplit et celui-ciatteint l'illumination, c'est-à-dire

devient «un avec l'Univers». Ko-bo Daïshi, le fondateur du Shin-gon, y parvint. Selon la tradition,après avoir beaucoup pratiquécette ascèse, il vit un jour l'étoilede l'aube fondre sur lui et entrerdans sa bouche. Dans un petittemple solitaire au sommet d'unemontagne, complètement coupésdu monde, nous avons prié l'étoileet les maîtres qui nous avaientprécédés afin qu'ils nous soutien-nent dans notre effort. Levés àtrois heures et demie du matin,notre journée commençait par desablutions purificatrices : dix-huitseaux d'eau glacée sur nos corpsentièrement nus. Ensuite, au coursde deux rituels de sept ou huitheures chacun, nous répétionsvingt mille fois par jour la mêmeprière — jusqu'à un million de foispendant toute la durée de l'ascèse.Un seul repas au milieu de lajournée devait nous suffire: unepetite tasse de riz cuit à l'eau;quelques légumes ou des alguesséchées; un peu de thé...

Une sortede psychanalyse

accéléréeCe n'est pas par masochisme

que ces règles sont prescrites auxmoines, mais pour favoriser lenettoyage de l'intérieur du corps etdes canaux subtils qui le parcou-rent. Canaux qui existent aussi à lasurface de la peau: c'est là que lesacupuncteurs cherchent les pointssensibles et plantent leurs aiguil-les. Dès la première semaine,surgirent de mon passé milleimages oubliées, libérant tensionset peines dans une sorte de psycha-nalyse accélérée. Finalement, cescinquante jours passèrent très vite.Contrairement à ce qu'on auraitpu penser, nous n'étions pas exté-nués. La faim nous tortura surtoutpendant la première et la dernièresemaine. Il n'empêche que, à ladescente, je pesais seize kilos demoins qu'à la montée. Et mafemme, douze. Quant à savoir si jesuis devenu plus intelligent... jen'en ai pas le sentiment. Je necrois pas, non plus, que ma mé-moire se soit améliorée considéra-blement avec l'expérience. En re-vanche, mon intuition semble s'ê-

tre aiguisée. Quoi qu'il en soit,grands maîtres insistent surtoutl'importance de la pratique dan:vie quotidienne. Vivre chacjour avec sagesse, faire face a1

patience aux tracas de l'existenest en effet beaucoup plus difficque toutes les ascèses.

Aoki Senseï vint enfin n<annoncer qu'il était prêt à neordonner moines et à nous initau Shido Kegyo, les quatre rituqui sont à la base de toutespratiques du Shingon. Pour miesuivre son enseignement, il nefallait loger près de son tempUn moine nous trouva une chabre bon marché dans un immeulen bois d'un quartier populaiNous vivions à la japonaise,façon fort modeste: sans mobilini chauffage. Mais les épreu'd'endurance font partie du tra\. Pour la cérémonie

l'ordination, on nous rasa le crà(à ma femme aussi). Un amigrand cœur mais aux petijambes me prêta son kolomo.m'arrivait au genou... Ce tm'évitait de me prendre les pkchaque fois que je me prosternacomme lorsque, par la suite, feus un à ma taille ! Ce jour-là nereçûmes nos noms initiatiques: ifemme, celui de Yussen, quignifie «Pureté infime»; moi, cede Yukaï, «Joie infinie».

Des quatre rituels d'initiaticconsistant pour l'essentielprières et ascèses à l'adresse cdifférentes divinités, ce qui rfrappa le plus ce fut l'ascèseGoma, celle du feu. Les rituelsfeu, que l'on retrouve dans toulles traditions, sont très appréc.par les Japonais. On y prie FuMyo, l'inébranlable, la forme iitée du Bouddha qui apportegrande purification, en faisant bi1er des morceaux de bois. Cehuit d'ordinaire. Huit mille, >plus, dans certains cas. Le Hassemai Goma est l'une des ascèses 1plus difficiles qu'il m'ait jamais édonné d'accomplir. Elle consistefaire brûler un à un, dans le fojd'un autel, huit mille morceauxbois de la taille d'un craycChacun des bâtonnets représer.une passion du cœur de l'hommet pour chacun il faut réciter uprière sans quitter des yeuxBouddha qu'on imagine dans