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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    LA POLITIQUE ETRANGEREDE LADMINISTRATION OBAMA

    LA QUETE DUN NOUVEL EQUILIBREENTRE REALISME ET INTERNATIONALISME

    PAR

    Alexandra DE HOOP SCHEFFER

    Depuis le dbut de notre histoire, nous nous sommes engags dans le changement dans unervolution pacifique perptuelleune rvolution qui progresse rgulirement, sajustant tranquillement auxconditions qui changent1. Cette dclaration du prsident Franklin Roosevelt devant le Congrsamricain en 1941 souligne la continuit du thme du changement comme fil conducteur delhistoire politique amricaine. Aprs deux mandats de G. W. Bush, le slogan du changement retrouve tout son sens un moment o lAmrique cherche redfinir sarelation avec le reste du monde. Lextrait du discours de F. Roosevelt montre aussi que cesont les conditions , savoir la situation intrieure des Etats-Unis et le contexteinternational, qui dterminent la nature du changement et ses possibilits de mise en uvre.

    Ainsi, tout comme les vnements ont faonn lordre du jour des dbats de la campagneprsidentielle et les programmes des candidats, ils continueront hirarchiser les priorits delagenda amricain en matire de politique trangre.

    Le changement que promeut le prsident Barack Obama se trouve toutefois limitpar lempreinte de la doctrine Bush sur la politique trangre des Etats-Unis, avec laquelleil a conscience de ne pas pouvoir compltement rompre. Lancienne secrtaire dEtatCondoleezza Rice rappelle que la politique amricaine fut guide par deux priorits au cours de ces sixdernires annes gagner la guerre contre le terrorisme et promouvoir la libert comme alternative latyrannie2. Or, la menace terroriste sest renforce depuis 20013 et lIraq est devenu un anti-modle de la dmocratie dans la rgion du Moyen-Orient4. Colin Dueck5 montre, cet gard,comment les grandes stratgies qui ont rvl leurs limites finissent par tre sanctionnes loccasion dune lection. Ainsi, le Parti dmocrate, qui fut responsable de lengagement destroupes amricaines au Vietnam, perdit les lections de 1968, mais Washington poursuivittoutefois la guerre jusquen 1973, aprs avoir redploy les forces de combat locales pourcompenser le retrait amricain progressif. Plus de trente annes plus tard, le Parti rpublicain,qui dcida dintervenir en Iraq en 2003, a perdu les lections du 4 novembre 2008 et cest B. Obama, Prsident dmocrate, quincombe la mission de rinventer la grande stratgie amricaine savoir la grille dinterprtation du monde et des menaces internationales, la

    Politologue spcialiste des Etats-Unis, enseignante lInstitut dtudes politiques de Paris (Sciences-Po,France), chercheur associe au Centre dtudes et de recherches internationales (CERI, France) et Charge demission Etats-Unis/Relations transatlantiques au Centre dAnalyse et de Prvision, Ministre des affaires trangres.1 Franklin ROOSEVELT, Message des quatre liberts, 6 janv. 1941. Cf. Karen LINKLETTER, Franklin D. RooseveltsFour Freedoms Message to Congress (1941) : a Milestone Documents Analysis, Schlager Group, 2008.2 Condoleezza RICE, Budget du Dpartement dEtat pour lanne fiscale 2009, fv. 2008.3 Trends in global terrorism : implications for the US ,National Intelligence Estimate, sept. 2006.4 Thomas RICKS, Fiasco : the American Military Adventure in Iraq, Penguin Press, 2006. Alexandra DE HOOP

    SCHEFFER, Hamlet en Irak, CNRS ditions, 2007.5 Colin DUECK, Reluctant Crusaders : Power, Culture, and Change in American Grand Strategy, Princeton UniversityPress, 2006.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    dfinition des intrts nationaux des Etats-Unis et le choix des instruments de la puissanceamricaine (softet hard power). Ce nest quune fois cette vision dlimite que Barack Obamapourra mener une politique trangre cohrente et en phase avec les ralits internationales.

    UNE APPROCHE CENTRISTE ET COLLEGIALEDE LA PRESIDENCE AMERICAINE

    La crise financire et la rcession amricaines ainsi que la remise en question desstratgies amricaines en Iraq et en Afghanistan ont fondamentalement chang la nature dela transition du pouvoir6 aux Etats-Unis, en acclrant considrablement son rythme : larapidit avec laquelle B. Obama a mis en place son quipe de conseillers conomiques et descurit nationale rappelle le dynamisme de F. Roosevelt au tout dbut de saprsidence, lequel dclara, loccasion de son discours dinvestiture du 4 mars 1933 : lanation demande que lon agisse et que lon agisse tout de suite7. Toutefois, si B. Obama se distinguedans le domaine conomique par sa volont d agir vite et avec audace, il semble avoir une

    marge de manuvre moindre sur le plan international : la crise financire et conomiqueexige une forte concentration de laction publique sur les problmes intrieurs ; de plus,conscient de ne pouvoir opter trop rapidement, en temps de guerre , pour de nouvellesorientations, il privilgie une transition en douceur. Cette priode transitoire estparticulirement clairante, en cela quelle permet danticiper les modalits de formulation, deprise de dcision et de mise en uvre de la politique trangre amricaine.

    Lquipe de scurit nationale : le choix de lexprience et du centre

    Lquipe de scurit nationale nomme par Obama reflte ses orientations en matirede politique trangre et la tonalit quil souhaite lui octroyer. Hillary Clinton est nomme au

    poste de Secrtaire dEtat ; Robert Gates est maintenu dans son poste de Secrtaire laDfense ; le gnral des Marines la retraite James Jones, un ancien commandant delOTAN, devient Conseiller la scurit nationale de la Maison-Blanche. ; enfin, Susan Rice,ancienne Sous-Secrtaire dEtat aux Affaires africaines sous Bill Clinton, est nommeReprsentante permanente des Etats-Unis auprs des Nations Unies. Le vice-prsident

    Joseph Biden, ancien prsident de la Commission des Affaires trangres du Snat, joueraaussi un rle important, comme en tmoigne son premier dplacement post-lectoral, Munich, le 7 fvrier 2009, pour dvoiler les grandes lignes de la politique trangre de lanouvelle administration. Dautres nominations importantes sont celle dEric Holder anciennumro deux de la Justice amricaine sous Bill Clinton la tte du Dpartement de la

    Justice il devra notamment traiter le dossier de Guantanamo et celle de Janet Napolitano,

    gouverneure dmocrate de lArizona, au Dpartement de la Scurit intrieure (HomelandSecurity).

    Avec la nomination de Clintoniens aux postes-clefs de la Maison-Blanche,B. Obama a privilgi lexprience et la matrise des rouages du Congrs, des relations entrece dernier et la Maison-Blanche et du lobbysme. Ladministration Bill Clinton tant la seule

    6 La transition du pouvoir (transition of power ) est la priode de transition entre le Prsident sortant et lePrsident lu, jusqu ce que ce dernier soit investi dans ses fonctions. Durant la priode de transition ici, du 4novembre 2008 au 20 janvier 2009 , le nouveau Prsident lu choisit sa nouvelle administration, cest--dire la foisson gouvernement (le cabinet), soit quinze ministres, appels des Secrtaires sauf le Procureur gnral pourle Dpartement de la Justice , la tte de chaque Dpartement, ainsi que le personnel directement son service la

    Maison-Blanche, soit le Bureau excutif du Prsident des Etats-Unis (Executive Office of the President ) et des postesadministratifs (environ 2 000), qui ont rang au cabinet pour quelques six dentre eux.7 Pierre MELANDRI, Histoire des Etats-Unis contemporains,Andr Versaille, Paris, 2008.

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    prsidence dmocrate au cours de ces 28 dernires annes, il tait prvisible et logique queses membres les plus expriments se retrouvent dans lquipe Obama il carte ainsi leserreurs de J. Carter en 1976 ou de B. Clinton lui-mme en 1992, lesquels avaient opt pourdes profils nouveaux, qui navaient pas lexprience de Washington. Et B. Obamadexpliquer : jai fait le choix de professionnels expriments et je suis le changement8. Le

    changement aura donc lieu davantage sur le fond, et les (r-)orientations de la politiquetrangre amricaine dpendront de la capacit du Prsident donner limpulsion sonadministration.

    Dans la ligne des Nouveaux Dmocrates (New Democrats) Dmocrates centristes,voire situs droite au sein du parti, courant influent sous Bill Clinton , Obama a aussi faitle choix de trois centristes modrs : la dmocrate Hillary Clinton fut prsidente des JeunesRpublicains de son universit, Wellesley, et est reste sensible des positions rpublicainesconservatrices en politique trangre ; le Rpublicain modr R. Gates exera au sein duConseil de scurit nationale (National Security Council, NSCou CSN en franais) du prsidentdmocrate Jimmy Carter ; enfin, J. Jones fut ladjoint de William Cohen, Secrtaire la

    Dfense de Bill Clinton, avant de conseiller J. MacCain pendant la dernire campagneprsidentielle. Le maintien de Robert Gates son poste de Secrtaire la Dfense est sansdoute lillustration la plus nette de la volont de B. Obama de gouverner au centre et dedvelopper un consensus bipartisan autour de la politique trangre. A un moment o desdcisions importantes sont prendre en matire daction extrieure et pour se diffrencier delhritage de G. W. Bush, entriner sa posture post-partisane9 et assurer la continuit sur lesquestions de dfense est aussi une faon de sassurer le soutien des rpublicains modrspour sa politique trangre. B. Obama devra galement sallier ceux dont le soutien estcrucial, comme le snateur rpublicain influent Richard Lugar. Ce dernier a collabor avec

    J. Biden au Snat sur plusieurs dossiers-clefs (lIraq en 2002, le changement climatique en2006 et le Soudan en 2007) eta notamment soutenu la ratification, par le Snat, de traits

    internationaux sur lutilisation, la production et le stockage darmes nuclaires, biologiquesou chimiques un dossier pour lequel B. Obama montre un intrt particulier.

    L quipe de rivaux ou la fin de la pense de groupe

    En sentourant dune quipe compose de personnalits minentes et dopinions diverses,Obama a soulign quil souhaitait un dbat rigoureux (robust debate ) au sein de la Maison-Blanche et entendait se distinguer ainsi de lapproche idologique et de ce quil appelle lestyle managrial insulaire de ladministration G. W. Bush ou la pense de groupe(GroupThink10), pour lui substituer une approche collgiale de la prsidence et de la prise dedcision. B. Obama sinspire ainsi du modle d quipe de rivaux11 (Team of Rivals ) laborpar A. Lincoln au dbut des annes 1860 : il sagissait simplement dintgrer au sein de son cabinettoutes les personnes qui avaient fait campagne contre lui []Quels que fussentleurs sentiments personnels,la question principale tait de sortir le pays de la crise12. Cependant, lauteur D. Goodwin souligneaussi les difficults qua rencontres A. Lincoln canaliser les rivalits au sein de son quipe.

    8 Confrence de presse, Prsentation de lquipe de scurit nationale, 1er dc. 2008.9 John HARWOOD, Partisan seeks a prefix : bi- or post- , The New York Times, 6 dc. 2008.10 La pense de groupe est un terme invent par Irving Janis en 1972 pour dcrire le processus selon lequelles individus dun groupe ont tendance rechercher le consensus au dtriment de la concertation et de la discussionde points de vue divergents, lesquelles permettent dapprhender de manire raliste la situation. Ce mcanismeconduit le groupe prendre ou approuver des rsolutions qui ne correspondent pas au jugement individuel de ses

    membres.11 Doris Kearns GOODWIN,Team of Rivals : the Political Genius of Abraham Lincoln, Simon & Schuster, 2005.12 Dclaration de Barack Obama lors dun discours de campagne, juin 2008.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    Ainsi, le bon fonctionnement de lquipe de scurit nationale dObama dpendra desa capacit en matriser l anarchie lockienne13, en favorisant leur coopration au dtrimentde la concurrence. Des rivalits pourraient tre attises par les garanties spciales que sesont vu accorder H. Clinton et J. Jones : la premire pourra ngocier directement avecB. Obama sur les questions de politique trangre, sans passer par les autres conseillers ; le

    second a obtenu que son poste ait rang de cabinet et quil soit le principal relais auprs duPrsident en politique trangre.

    Plus important encore, H. Clinton, R. Gates et J. Jones soutiennent des positionsparfois diffrentes de celles dObama sur plusieurs dossiers-clefs et ces divergences de fondconstitueront le socle de dbats internes. Si Hillary Clinton partage avec Barack Obama sa

    volont de renouer avec une diplomatie rigoureuse, elle stait nanmoins oppose, au coursde la campagne prsidentielle, lide de renouer le dialogue avec les Etats voyous (Iran,Core du Nord) sans pr-conditions, car, selon elle, cela viendrait lgitimer ces Etats etdcrdibiliser les Etats-Unis sur la scne internationale. H. Clinton sest aussi montre plus faucon sur les dossiers isralo-palestinien et russe. Toutefois, force est de constater que

    H. Clinton et B. Obama se sont, au fil de la campagne,rapprochs sur le dossier iranien : lapremire a modr son discours, tandis que le second a adopt un ton plus ferme, enrevenant sur sa proposition de dialoguer directement avec le prsident Ahmadinejad14.

    En outre, la nomination de Robert Gates pourrait aboutir des dsaccords surcertaines politiques, comme le financement du bouclier antimissiles (ABM) et le calendrierdu retrait des troupes amricaines dIraq. R. Gates a, par le pass, exprim des positionsloignes de celles de Barack Obama, notamment sur lIraq et lIran. Il a soutenu, en 2007, lapolitique du renfort militaire (surge ) dcide par G. W. Bush et sest oppos au calendrier rigide propos par Obama. Sur le dossier nuclaire iranien, R. Gates sest montr sceptique lide dune rencontre avec le prsident Ahmadinejad. Toutefois, B. Obama partage avec

    R. Gates diffrents projets : poursuivre la politique dlargissement de lOTAN, malgrlopposition de la Russie ; ractiver les mcanismes internationaux de rduction desarmements ; fermer le centre de dtention de Guantanamo ; et tous deux reconnaissent quela dtrioration de la situation scuritaire en Afghanistan est troitement lie au report deleffort militaire en Iraq ds mars 2003.

    Le Conseil de scurit nationale, reflet du style prsidentiel

    A son entre en fonction, chaque Prsident remodle le fonctionnement de sonadministration proche, en accord avec sa vision personnelle de lexercice du pouvoir, enapportant des correctifs aux dysfonctionnements observs lors du mandat de sonprdcesseur. Ainsi, B. Obama se distinguera de G. W. Bush avant tout par une nouvelleconception de la politique amricaine15, au travers dune redfinition des modalits de prise dedcision.

    En nommant de fortes personnalits au Conseil de scurit nationale16, Obama a defait signifi quil souhaitait localiser limpulsion dcisionnelle la Maison-Blanche et mettre

    13 Alexander WENDT, Social Theory of International Politics,Cambridge University Press, Cambridge, 1999.14 Cf. le rapport conjoint de la Brookings Institution et du Council on Foreign Relations, Restoring thebalance : a Middle East Strategy for the Next President , dc. 2008. Il appelle une meilleure utilisation de ladiplomatie amricaine au Moyen-Orient.15 Barack OBAMA, The Audacity of Hope, Crown Publishers, New York, 2006.16 Le NSC est une structure collgiale qui a un rle de conseil, dassistance et parfois dimpulsion auprs du

    Prsident dans ses choix en matire de politique trangre et de scurit nationale, dune part, et de coordinationinterdpartementale des dcisions, dautre part. Sa composition est relativement restreinte il runit statutairement le vice-Prsident, le Secrtaire dEtat, le Secrtaire la Dfense et le Conseiller la scurit nationale autour du

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    fin la prpondrance du Dpartement de la Dfense qui caractrisait la politique deG. W. Bush et dont la priode Rumsfeld marqua le paroxysme.

    A cet gard, le NSC et lvolution de son rle depuis sa cration en 1947 constituentsans doute le meilleur indicateur du style prsidentiel que loccupant de la Maison-Blanche

    souhaite incarner. Le NSC fait partie du Bureau excutif, dpend directement du Prsident etest devenu linstitution principale dans llaboration de la politique trangre amricaine laMaison-Blanche, clipsant progressivement le Dpartement dEtat. Le rle du NSC futtendu sous Eisenhower, qui cra le poste de Conseiller la scurit nationale, puis sous

    J. F. Kennedy, qui favorisa des formes plus collgiales de prise de dcision au travers degroupes informels, pour aboutir une centralisation extrme du NSC sous R. Nixon etH. Kissinger. Cette volution a contribu lmergence du concept de prsidence impriale17,terme forg par lhistorien Arthur Schlesinger Jr., sous la prsidence de R. Nixon. B.Obamasest prononc pour un processus dcisionnel plus collgial, tel quil existait sousladministration G. H. Bush ; ainsi, le rle de James Jones se rapprocherait de celui delancien Conseiller la scurit nationale, Brent Scowcroft (1989-1993), qui agissait en

    complmentarit avec le Secrtaire dEtat James Baker, et le fonctionnement du NSC staitalorsrapproch de celui prvu lorigine.

    Avec la mise en place de son quipe de scurit nationale et sa personnalisation de laconception de la prsidence, Barack Obama esquisse en mme temps les contours de sa grande stratgie , en se faisant lcho des nouvelles rflexions thoriques sur la puissanceamricaine et sa ncessaire adaptation aux ralits internationales.

    LA GRANDE STRATEGIE DE LADMINISTRATION OBAMA

    Si la dbcle du Vietnam avait suscit, dans les annes 1960-70, de nouvelles rflexionssur les fondements et lorientation de la politique trangre amricaine, aujourdhui ce sontlIraq et lAfghanistan qui imposent un renouvellement de la recherche intellectuelle sur la grande stratgie des Etats-Unis18.

    Le renouvellement du cadre thorique : de lhgmonie amricaine au leadershipmultipolaire

    Au cours du second mandat de G. W. Bush, les nominations de C. Rice au poste deSecrtaire dEtat et de R. Gates comme Secrtaire la Dfense avaient dj marqu le retouren force du ralisme amricain , face ce qui est peru Washington comme laffirmation

    de grandes puissances rgionales (la Russie, la Chine, lUnion europenne, le Japon, lIndeet lIran), qui reconfigurent lordre international tel quil est apprhend par les Etats-Unis.

    Les principaux intellectuels et conseillers politiques auprs de B. Obama et deJ. MacCain pendant la campagne prsidentielle ont tous prconis le ralisme comme grillede lecture des relations internationales : soit par la ractivation des politiques de grandes

    Prsident , mais peut inclure dautres conseillers si le Prsident le souhaite. Le Conseiller la scurit nationaleJames Jones a dj signifi que le NSC sera largi quantitativement et qualitativement, pour rpondre aux dfis duXXIe sicle, en incluant la cyber-scurit, lnergie, le changement climatique, la scurit intrieure (homeland security),autant de volets de la scurit nationale amricaine considrs comme centraux. Cf. David ROTHKOPF, Running theWorld : the Inside Story of the National Security Council and the Architects of American Power, PublicAffairs, 2005.

    17 Arthur SCHLESINGER, The Imperial Presidency, Marner Books, 2004.18 Robert W. MERRY, Sands of Empire : Missionary Zeal, American Foreign Policy, and the Hazards of Global Ambition,Simon & Schuster, 2005.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    puissances ( power politics ) qui caractrisaient le XIXe sicle europen, fondes sur uninterventionnisme plus tempr pour perptuer lhgmonie amricaine face aux grandesautocraties que sont la Chine et la Russie (Robert Kagan19), soit au contraire en recourantau multilatralisme, aux alliances et aux partenariats avec lEurope, le Japon et lInde (FareedZakaria20, Zbigniew Brzezinski21, Richard Haass) pour rpondre plus efficacement aux crises

    internationales, tout en sauvegardant les intrts des Etats-Unis.

    De mme, F. Fukuyama incarne ces no-conservateurs qui, reconvertis au wilsonismeraliste , soulignent lchec de ladministration Bush intgrer et cooprer avec dautrespuissances et tablir de nouvelles rgles internationales. LAmrique dObama a le choix,dit F. Fukuyama : nous pouvons poursuivre la doctrine Bush, revenir au ralisme style Kissinger ou mme une nouvelle forme disolationnisme, ou bien rcrer une politique centriste qui prserverait les idaux desnoconservateurs en les mariant des mthodes plus ralistes que le changement de rgime par la force 22.

    Toutes ces rflexions thoriques sur le repositionnement des Etats-Unis dans le mondemontrent que lorientation de la politique trangre amricaine dpend troitement de la

    vision que la nouvelle administration Obama porte sur lordre international. Celle-l futclairement prcise durant la campagne prsidentielle : la lecture unipolaire du mondeprconise par G. W. Bush prtexte une pratique impriale, laction prventive et laconditionnalit de la souverainet tatique succde le choix dun leadership multipolaire, ensubstituant au concept obsolte d hyperpuissance amricaine, celui del interdpendance des acteurs et des enjeux internationaux.

    Le journaliste et essayiste amricain Fareed Zakaria se veut le thoricien de la deuximevision et larchitecte intellectuel de la politique trangre de B. Obama ; Robert Kagan fut, enrevanche, le penseur principal des propositions que J. MacCain formula en matire depolitique trangre durant la campagne prsidentielle, dont lide de crer une Ligue deDmocraties . Dans son ouvrage The Post-American World, dont Barack Obama sest inspir,F. Zakaria, en parfait raliste, dmontre non pas le dclin de la puissance amricaine commele postule Charles Kupchan23 depuis la fin des annes 1990, mais sa relativit face lascension dautres puissances, lesquelles concurrencent les Etats-Unis sur les plansconomique, financier et culturel. Cette ide avait dj t dveloppe par Emmanuel Todddans son essai Aprs LEmpire24.

    Dcoulant de ce cadre thorique, lapproche adopte par B. Obama soriente vers laproposition de Z. Bzrezinski, un de ses conseillers de campagne, ancien Conseiller pour lascurit nationale faucon de Jimmy Carter, savoir passer dune stratgie hgmonique une stratgie de leadership25 : les Etats-Unis doivent exercer leur leadership sans imposer leurhgmonie. Dans ce sens, le Prsident rejoint Richard Haass, ancien assistant spcial auprsdu prsident G. H. Bush, puis conseiller du secrtaire dEtat Colin Powell, dans son choixpour une grande stratgie dinternationalisme pragmatique : les Etats-Unis doivent construireun ordre coopratif forg de concert avec dautres allis et partenaires, pour agir ensemble

    19 Robert KAGAN, The Return of Historyand the End of Dreams, Alfred A. Knopf, 2008.20 Fareed ZAKARIA, The Post-American World, W. W. Norton & Company, New York, 2008.21 Zbigniew BRZEZINSKI / Brent SCOWCROFT / David IGNATIUS, America and the World : Conversations on theFuture of American Foreign Policy, New America Books/Basic Books, 2008.22 Francis FUKUYAMA,America at the Crossroads : Democracy, Power, and the Neoconservative Legacy, Yale UniversityPress, New Haven, 2006.23 Charles KUPCHAN, After Pax Americana : benign power, regional integration, and the sources of stable

    multipolarity , International Security, vol. XXIII, n 2, aut. 1998.24 Emmanuel TODD,Aprs LEmpireEssai sur la dcomposition du systme amricain, Gallimard, Paris, 2002.25 Zbigniew BRZEZINSKI, The Choice : Global Domination or Global Leadership, Basic Books, New York, 2004.

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    sur les menaces internationales et les dfis transnationaux (les Etats faibles, les gnocides, lespandmies, le changement climatique, etc.).

    Reconstruire du sens commun sur les grands enjeux internationaux

    En 1941, F. Roosevelt dclarait dj : lordre mondial que nous souhaitons est fond sur lacoopration de pays libres, travaillant ensemble au sein dune socit amie et civilise 26. Le Partidmocrate aux Etats-Unis est traditionnellement associ linternationalisme libral quicaractrisait la premire campagne de Bill Clinton27 et qui sappuie sur lide que les Etats-Unis sont beaucoup plus dpendants de la communaut internationale quon est port le croire 28. Cestprcisment sur ce point que Barack Obama rejoint les internationalistes libraux de sonParti, tout en y apportant sa propre touche raliste.

    SiCondoleezza Rice invitait, en 2000, les Etats-Unis ne pas sacrifier leur intrt national la recherche dintrts communs dans un ordre global, B. Obama et son quipe de scuritnationale mettent en avant l interdpendance complexe29 qui lie les Etats entre eux et, partant,le cot de lunilatralisme. Construire du sens commun (Ernst B. Haas) sur les dossiersinternationaux dimension transnationale (le terrorisme, la prolifration nuclaire, lapauvret) passera par la ractivation des alliances et des partenariats avec lEurope, mais aussiavec lAsie. B. Obama, lors de la prsentation de son quipe de scurit nationale le1er dcembre 2008, a rappel que de la sant publique au climat, nous devons agir en concdant quenous sommes concerns, plus que jamais, par tout ce qui se passe dans le monde30. Et Hillary Clinton derenchrir le mme jour : lAmrique ne peut pas rsoudre les crises sans le monde et le monde ne peut

    pas les rsoudre sans lAmrique31.

    Lunilatralisme de ladministration Bush32 a contribu lisolement des Etats-Unisdans le monde et leurs difficults fixer lordre du jour international (agenda-setting), commeen tmoigne le dossier isralo-palestinien, dont G. W. Bush ne sest rellement proccupquen fin de mandat.

    Quelques dmarches multilatrales ont toutefois t entreprises durant les deuxdernires annes du second mandat de G. W. Bush, sans doute influenc par le Congrsdmocrate dans linflchissement de sa politique. Celles-l convergentvers lorientation queBarack Obama souhaite donner sa politique trangre33 : renouer avec ses allis europensdans le contexte de crise conomique ; engager un dialogue pragmatique avec la Chine poursoutenir le commerce en priode de crise financire ; sengager dans des ngociations

    26 Franklin D. ROOSEVELT,Message des quatre liberts, op. cit.27 En 1993, Bill Clinton prconisait une politique dengagement et dlargissement de la dmocratie (engagementand enlargement ) et souhaitait renforcer les capacits dintervention des Nations Unies en matire de maintien de lapaix.28 Charles-Philippe DAVID / Louis BALTHAZAR/ Justin VASSE, La Politique trangre des Etats-Unis, Presses deSciences Po, Paris, 2008.29 Joseph NYE, The Paradox of American Power : Why the Worlds Only Superpower Cant Go It Alone, OxfordUniversity Press, New York, 2002.30 Discours de Barack Obama, Prsentation de son quipe de scurit nationale, 1er dc. 2008.31 Id.32 Intervention en Iraq de mars 2003 malgr lopposition des Nations Unies, non-signature du Protocole deKyoto, refus de faire des concessions dans les ngociations sur le commerce mondial lOMC (Doha Round).

    33 La dcision dObama daccorder au poste de Reprsentant permanent des Etats-Unis auprs des NationsUnies le rang de cabinet, comme lavait dj fait Bill Clinton, tmoigne dun repositionnement des Etats-Unis sur laquestion du multilatralisme.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    multilatrales sur le dossier nuclaire nord-coren, entames par C. Rice en 200834 ; enfin, lesngociations dans le cadre du Groupe des Six (les cinq membres permanents du Conseil descurit de l'ONU plus lAllemagne) sur le dossier nuclaire iranien en juillet 2008 Genvepourraient tre le point de dpart de futures discussions35. B. Obama devra dcider, ds ledbut de son mandat, sil choisit de mener terme les ngociations entames par C. Rice sur

    les dossiers nord-coren et iranien.

    Le retour de George H. Bush et linternationalisme raliste de Barack Obama

    Venant temprer linternationalisme libral que sous-tend son souci du multilatralismeet des partenariats, B. Obama a galement exprim sa volont de revenir une visionpragmatique et raliste des relations internationales, en accordant une place centrale la diplomatie directe, sans pr-conditions, avec tous les Etats, amis et ennemis (Iran36, Syrie,Core du Nord, Venezuela) ou ce quil appelle les rgimes extrmes37, en substitution laformule d Etats voyous .

    B. Obama se rclame ainsi dune approche beaucoup plus raliste quidaliste de lapolitique trangre38 : il souhaite dfendre les intrts amricains par la diplomatie etamliorer limage des Etats-Unis ltranger ; il prconise un usage prudent de la forcemilitaire39. Cette posture se rapproche de la politique trangre de George H. Bush et du trio raliste James Baker-Brent Scowcroft-Colin Powell. Lors dun discours prononc le28 mars 2008 en Pennsylvanie, B. Obama a dclar : ma politique trangre se veut un retour la

    politique traditionnelle bipartisane et raliste du pre de George Bush,de John F. Kennedy et, certainsgards, de Ronald Reagan40. Ainsi, B. Obama a plusieurs fois fait lloge de la gestion de laguerre du Golfe par G. H. Bush en 1990-1991, soulignant sa capacit allier multilatralisme

    en recourant aux Nations Unies et ralisme. B. Obama a aussi consult plusieursreprises pendant sa campagne lancien Conseiller la scurit nationale de Bush pre, BrentScowcroft, et son entourage. Robert Gates lui-mme fut le Conseiller adjoint la scuritnationale de B. Scowcroft et sest aussi rclam du raliste Henry Kissinger quant lapolitique de dialogue quil souhaite promouvoir avec la Chine et la Russie.

    34 Les Etats-Unis ont sign un accord dbut octobre 2008 avec les deux Cores, la Chine, le Japon et la Russie propos du processus de vrification du programme nuclaire nord-coren et ont rhabilitla Core du Nord sur lascne internationale, en lenlevant de la liste des Etats-Voyous la mme date.35 Mme si cette runion na pas abouti une relle perce, elle marque un virement net vers une diplomatie de changement du comportement (behavior change) de lIran au dtriment du changement de rgime coercitif (regimechange ) qui a prvalu en Iraq et en Afghanistan. Voir George Perkovich, Five Scenarios for the Iranian Crisis,Proliferation Papers, IFRI, hiver 2006.36 Obama a toutefois soulign quil ne souhaite pas que lIran devienne une puissance nuclaire et a modr sondiscours la suite des mises en garde dIsral contre les risques dun dialogue direct avec lIran, stipulant quunchangement radical de stratgie serait peru comme un signe de faiblesse des Etats-Unis.37 Barack Obama, A 21st Century Military for America, BarackObama.com, 2007.38 Obama se distingue ainsi de ses prdcesseurs dmocrates, lesquels commencrent leur prsidence en adoptantune rhtorique wilsonienne et idaliste limage de Clinton en 1993, avec sa politique d engagement etdlargissement de la dmocratie ou de John F. Kennedy en 1961 qui cra les Peace Corps , corps de volontairesagissant pour le dveloppement, le maintien de la paix et la diffusion des valeurs amricaines ltranger pourrevenir trs vite un wilsonisme plus mesur, et pragmatique (ce fut le cas pour B. Clinton, lors du second mandat,sous la pression dun Congrs trs conservateur), voire la realpolitik (Kennedy, face lURSS).39 Pour mieux comprendre la vision quObama porte sur les relations internationales, il est utile de se rfrer sondiscours du2 octobre 2002 prononcsur la Place fdrale de Chicago devant les dmocrates anti-guerre en Iraq.40 Discours prononc par B. Obama en Pennsylvanie, 28 mars 2008.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    Hillary Clinton, dans la ligne des wilsoniens pragmatiques41 quincarnait dj son mariBill Clinton dans les annes 1990, a souvent soulign quil faut tre la fois internationaliste etraliste. Au travers de la nomination du trio Gates-Clinton-Jones, B. Obama oriente ainsi sapolitique trangre vers un internationalisme raliste. Ce qui cimente en effet les membres delquipe de scurit nationale de B. Obama, cest leur lecture pragmatique et raliste des

    relations internationales, contrairement aux divisions internes qui avaient fissurladministration G. W. Bush entre no-conservateurs (Paul Wolfowitz, Richard Perle),nationalistes faucons (Donald Rumsfeld, Dick Cheney) et ralistes (Colin Powell,Condoleeza Rice).

    Les Dmocrates duHard Power : quelle influence ?

    Au travers de son quipe de scurit nationale, B. Obama opte pour la poursuite dunepolitique trangre ferme , quincarne Hillary Clinton, laquelle est qualifie de Hard PowerDemocrat par Kurt Campbell42, ancien adjoint au Secrtaire la Dfense sous B. Clinton etconseiller diplomatique de Hillary Clinton pendant la campagne prsidentielle. Selon lauteur,

    les Dmocrates faucons (Hard Power Democrats ) prfrent recourir au multilatralisme,mais nhsiteront pas intervenir militairement sans laccord du Conseil de scurit delONU si ncessaire, ambigut exprime par lancienne ambassadrice des Etats-Unis auxNations Unies, Madeleine Albright, et entrine par B. Obama : multilatraux quand nous le

    pouvons, unilatraux quand nous le devons43. Les Dmocrates faucons chercheraient, en dveloppantleurs programmes de politique trangre, imiter en partie lagenda des no-conservateurs au sens large, en seconcentrant sur les grandes ides et une vision sans avoir, cependant, ces tendances lunilatralisme et cemanque de cohrence dans lexcution des politiques qui ont caractris ladministration Bush44. Lapolitique amricaine voluerait ainsi dun wilsonisme bott45 sous G. W. Bush au wilsonismeraliste dont F. Fukuyama se fait aujourdhui le porte-parole.

    Cette analyse a lintrt de souligner que B. Obama ne pourra pas faire table rase delhritage de G. W. Bush en matire de politique trangre : Kori Schake, ancienne membredu NSC sous le premier mandat de G. W. Bush et conseillre de J. MacCain en matire depolitique trangre, souligne quon attendra du prochain Prsident des Etats-Unis quil agisse de

    faon prventive, unilatrale et avec la force militaire. A cet gard, B. Obama a soulign, le jour de laprsentation de son quipe de scurit nationale, que, malgr son opposition connue laguerre en Iraq, cela ne signifiait pas quil hsiterait faire usage de la force si les intrts

    41 Concept dvelopp par Anthony Lake, Conseiller la scurit nationale de Bill Clinton (1993-1997), dans

    son discours From containment to enlargement , prononc la Johns Hopkins University School of AdvancedInternational Studies, Washington D.C., le 21 septembre 1993, pour dcrire une volont de concilier lidalismewilsonien et le ralisme pragmatique dans une double politique dlargissement de la dmocratie et de lconomie demarch ltranger: Je crois fermement que nos politiques trangres doivent concilier moralit et pragmatisme. Nos intentions doiventtre morales et nos moyens pragmatiques.42 Kurt CAMPBELL / Michael OHANLON, Hard Power. The New Politics of National Security, Basic Books, 2006.43 Barack OBAMA, A XXIst Century military for America , BarackObama.com, 2007. Sur lambigut des Etats-Unis vis--vis du multilatralisme, cf. Guillaume DEVIN, Les Etats-Unis et lavenir du multilatralisme , Cultures &Conflits, n 51, aut. 2003.44 Kurt CAMPBELL / Michael OHANLON, op. cit.45 Pierre HASSNER, Etats-Unis : lempire de la force ou la force de lempire , Cahiers de Chaillot, n 54,sept. 2002.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    amricains taient menacs46, rappelant son discours prononc en 2002 Chicago : je ne suispas contre toutes les guerres mais contre les guerres stupides47.

    La politique trangre de B. Obama devrait se traduire par un exercice dquilibredlicat et permanent entre la tentation dune approche rigoureuse de la diplomatie et son

    image dhomme de dialogue quil a mise en avant au cours de sa campagne. Pour rassurer lagauche du Parti dmocrate, qui lui reproche davoir runi une quipe de faucons dans soncabinet, B. Obama a nomm le gnral Eric Shinseki au poste de Secrtaire aux ancienscombattants ; ce dernier stait oppos la politique de G. W. Bush en Iraq, en particulier linsuffisance du nombre de troupes dployes en 2003.

    Redfinir la puissance amricaine et ses instruments : lheure duSmart Power

    Redfinir le rle des Etats-Unis sur la scne internationale impose aussi une nouvellerflexion sur lutilit de la force militaire48, alors quelle sest avre contre-productive dansles contextes iraquien et afghan. Malgr les leons retenues des oprations prcdentes ditesde nation-building (Vietnam, Somalie, Bosnie), lapproche dveloppe par ladministrationBush en Afghanistan et en Iraq confirme deux paradoxes qui caractrisent la pratiqueamricaine de ce type dinterventions. Dune part, elle sest appuye davantage sur unelecture scuritaire de court terme de la phase post-intervention militaire, en misant sur le hard

    power, la force militaire, plutt que sur une vision long terme de la reconstruction dEtats.Dautre part, malgr une aversion initiale lutilisation excessive de la force militaire et desarmes49, ladministration G. W. Bush a pourtant continu faire de celles-l linstrumentprincipal des oprations de stabilisation et de reconstruction post-conflit, malgr une culturemilitaire rticente ce type de mission et malgr, surtout, linadquation des capacitsmilitaires, principalement axes sur le combat de haute intensit, dans le cadre de laRvolution dans les affaires militaires (RAM) ou, depuis 2002, de la Transformation 50 delarme amricaine sous limpulsion de lancien Secrtaire la Dfense, D. Rumsfeld.

    Son successeur partir de 2007, Robert Gates, a, au contraire, saisi limportance derviser la doctrine militaire amricaine pour lajuster aux ralits conflictuelles. Dans sondiscours du 10 octobre 2007 lAssociation of the United States Army(AUSA), il souligna : nous devons nous attendre ce que la guerre asymtrique demeure le fait majeur du champ de bataillecontemporain pour un certain temps. Ces conflits seront de nature fondamentalement politique et requerrontlapplication de toutes les facettes de la puissance nationale. Le succs sera moins le rsultat de limposition denotre volont mais plus de notre capacit faonner le comportement damis, dadversaires et de faon plusimportante, de ceux qui se situent entre les deux51. B. Obama est sensible ce discours et sest

    46 Au cours de sa campagne, les conseillers dObama les plus influents furent des faucons dmocrates, comme

    Anthony Lake, un ancien conseiller sur la scurit nationale de ladministration Clinton lun des architectes desinterventions militaires dans les Balkans et en Somalie et Dennis Ross, qui a travaill pour le Conseil de scuritnationale de Reagan notamment avec Paul Wolfowitz.47 Barack OBAMA, Discours devant les Dmocrates anti-guerre en Iraq, Place fdrale de Chicago, 2 oct. 2002.B. Obama sest engag investir et augmenter les forces armes amricaines pour quelles restent les plus puissantessur la plante, un message ferme destin rassurer en temps de guerre. Obama a donc lintention de poursuivre leprojet de ladministration Bush daugmenter la taille de larme de prs de 100 000 hommes lors de la prochainedcennie, face la surextension (overstretch) des forces armes 1,4 million de militaires dactive.48 Rupert SMITH, LUtilit de la force. Lart de la guerre aujourdhui,Economica, Paris, 2007.49 Condoleezza RICE, Promoting the national interest , Foreign Affairs, janv.-fv. 2000.50 G. W. BUSH, The National Security Strategy of theUnited States, Government Printing Office, Washington D. C.,sept. 2002, Titre V, p. 16.51 Robert GATES, Discours lAssociation of the United States Army, Washington D.C., 10 oct. 2007.

    Cf. galement Robert GATES, A balanced strategy.Reprogramming the Pentagon for a new age , Foreign Affairs,janv.-fv. 2009. Robert M. PERITO, Where Is the Lone Ranger When We Need Him ? America's Search for a PostconflictStability Force, US Institute of Peace Press, Washington, 2004.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    prononc pour une refondation de larme pour les tches du XXIe sicle[]pour ne pas simplementrecrer une arme de lpoque de la Guerre froide52, mais pour quelle soit capable de synchroniseroprations de combats majeurs et oprations de stabilisation (multi-mission capable). En effet, les oprations de construction de lEtat, dinstauration de la paix, ou de stabilisation [] sont devenues le

    paradigme dominant pour lutilisation de la force arme dans le monde de laprs-Guerre froide, peut-on

    affirmer la Rand Corporation53

    .

    La clef rside dsormais dans lquilibre entre le hard poweret le soft power54, voire leurcombinaison dans ce que Suzanne Nossel, ancienne conseillre la Mission des Etats-Unisauprs de lONU sous B. Clinton (1999-2001), appelle le smart power55, concept repris en 2007par Joseph Nye et Richard Armitage, ancien Secrtaire dEtat adjoint, lesquels ontconjointement dirig une commission sur ce concept, au Center for Strategic andInternational Studies (CSIS) : lesmart power est la capacit combiner lehard et lesoft powerdans une stratgie efficace. [] La politique trangre amricaine a eu tendance trop sappuyer sur lehardpowerparce quil sagit de la source de la puissance amricaine la plus directe et la plus visible. [] La

    promotion de la dmocratie, des droits de lhomme et le dveloppement de la socit civile nesont pas mieux

    mens par le canon dun fusil. La coutume de se tourner vers le Pentagone parce quil peut faire avancer leschoses rapidement, donne une image sur-militarise de la politique trangre56. Le smart powerest devenuune composante importante de la politique trangre de ladministration Obama : nousdevons recourir la force totale de notre puissance, pas seulement militaire, mais aussi diplomatique et

    politique, pour rpondre[aux] menaces57. Le discours prononc par la secrtaire dEtat HillaryClinton devant la Commission des Affaires trangres du Snat, le 13 janvier 2009, futgalement ax autour du smart power et son intention de redonner un rle plus actif auDpartement dEtat en matire de politique trangre bien que les militaires continuent jouer un rle prdominant, notamment dans la redfinition de la stratgie en Afghanistan.

    Le dcalage entre la primaut du dpartement de la Dfense et les autres dpartements

    du gouvernement amricain se retrouve dans les divergences considrables de leurs budgetsrespectifs : tandis que le budget du dpartement dEtat slve 11,5 milliards de dollars, leCongrs amricain a vot en faveur dun budget de la dfense slevant 611 milliards dedollars pour lanne fiscale 200958 : 542,5 milliards de dollars pour les dpenses militaires et68,5 milliards de dollars pour les oprations en Iraq et en Afghanistan. Le budget comprendtoutefois aussi des investissements dans de nouveaux instruments de paix : 249 millions dedollars pour mettre en place un Civilian Response Corps (CRC) interdpartemental et1,5 milliard de dollars pour les contributions 47 organisations internationales, y compris les

    52 Barack OBAMA, A XXIst century military for America , op. cit.53 James DOBBINS, The US and UN ways of Nation-Building , UNA-USA Policy Brief, n 8, juin 2005.54 Joseph S. NYE, Soft Power : the Means to Success in World Politics, PublicAffairs, New York, 2004. Pendant la

    campagne prsidentielle, Joseph Nye voyait dj en Obama lincarnation du soft power. Cf. Barack Obama and softpower , The Huffington Post, 12 juin 2008.55 Suzanne NOSSEL, Smart power , Foreign Affairs,mars-avr. 2004.56 Joseph NYE / Richard ARMITAGE,A Smarter, More Secure America, CSIS Commission on Smart Power, 2007.57 Barack OBAMA, Discours loccasion de la prsentation de son quipe de scurit nationale, op. cit.58 FY2009 Defense Authorization Agreement, 23 sept. 2008. Le dpartement de la Dfense na cess de jouerun rle croissant dans tous les types doprations extrieures, y compris post-catastrophe naturelle, comme entmoigne la ractualisation rcente de la Directive 5 100.46, Responsibilities for Foreign Disaster ReliefOperations , une directive-clef, qui fut actualise en dcembre 1975 la dernire fois. Cela vient renforcer un deshritages les plus troublants de ladministration G. W. Bush : la dlgation de pans entiers de la politique trangreamricaine au dpartement de la Dfense. Depuis le 11 septembre 2001, le Pentagone est devenu un gigantesquefournisseur dassistance conomique, humanitaire, scuritaire et antiterroriste, non seulement en Afghanistan et enIraq, mais aussi dans des dizaines de pays africains. Cf.William I. BACCHUS, The Price of American Foreign Policy :

    Congress, the Executive, and International Affairs Funding, Pennsylvania State University Press, University Park, 1997.Andrew S. NATSIOS, US Foreign Policy and the Four Horsemen of the Apocalypse : Humanitarian Relief in Complex Emergencies,Center for Strategic and International Studies, Westport, 1997.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    Nations Unies. Barack Obama sest engag poursuivre le dveloppement des capacitsciviles amricaines en matire de gestion de crises59 pour amliorer les oprations civilo-militaires.

    Les nouvelles structures qui ont t mises en place par ladministration G. W. Bush

    partir de 2004 ont dj dmontr une volont dadapter les institutions, la culture militaire etles armes aux missions dites de stabilisation et de reconstruction post-conflit60. Ainsi,J. Biden a t lorigine, avec le snateur rpublicain R. Lugar, dune loi de gestion civile dela reconstruction et de la stabilisation , dite Lugar-Biden61, laquelle a permis la cration duBureau du coordonnateur pour la reconstruction et la stabilisation au dpartement dEtat en2004. Cette volution est aussi visible au dpartement de la Dfense, dans la QuadriennalDefense Review soumise au Congrs en fvrier 2006 et la Directive 3 000.05 publie finnovembre 200562.

    Le retourdu soft powerou du smart poweramricain sous Obama se traduira aussi par lerenforcement de la prsence diplomatique amricaine ltranger et par laugmentation de

    laide au dveloppement ltranger

    63

    . Toutefois, la promotion de la dmocratie

    64

    qui, selonC. Rice, fait dsormais partie intgrante de lintrt national amricain65, ne devrait pas tre,en tout cas en dbut de mandat, une priorit de la diplomatie amricaine et ne reprsentequune sous-catgorie dune stratgie plus large daide au dveloppement des pays pauvres etde renforcement des capacits[capacity-building] des Etats faibles afin quils puissent affronter les dfiscommuns que sont le terrorisme, les conflits, le changement climatique, la diffusion des armes nuclaires et les

    pandmies66. Cette approche plus globaliste que la simple politique de promotion de ladmocratie des administrations prcdentes traduit la volont de lquipe Obama de prendreen compte tous les facteurs dinstabilit internationale la corruption, lducation, lapauvret, le SIDA. La diplomatie transformationnelle construire des Etats dmocratiques etbien gouverns qui rpondent aux besoins de leur population et se comportent de faon responsable dans le

    systme international

    67

    promue par C. Rice au cours du second mandat de G. W. Bush,connatra une autre vie sous B. Obama, au travers dune vision beaucoup moins idologiqueet plus pragmatique. Nanmoins, ces dossiers devraient occuper une place secondaire dans

    59 Barack OBAMA / Joe BIDEN, Strengthening our common security by investing in our commonhumanity , New Hampshire, nov. 2007.60 B. CARREAU, Les perspectives des Etats-Unis sur la stabilisation et la reconstruction post-conflit , inJ. DUFOURCQ / D. S. YOST (dir.), NATO-EU Cooperation in Post-Conflict Reconstruction , NATO DefenseCollege Occacional Paper, n 14, mai 2006.61 Cf. le site Internet www.state.gov/s/crs/rls/rm/42329.htm.62 The Civilian Response Corps of the United States of America , Fact Sheet, Office of the Spokesman,Washington DC, 16 juil. 2008. Dpartement de la Dfense, Directive 3 000.05 on Military Support for Stability, Security,Transition and Reconstruction (SSTR) Operation, 28 nov. 2005 : les oprations de stabilisation constituent une mission centrale delarmeamricaine, que lon doittre prt mener et soutenir. Il faut leur donner une priorit comparable aux oprations de combat, etles intgrer explicitement dans lensembledes activits du dpartement de la Dfense.63 Notons les quelques initiatives de soft powerde ladministration Bush en matire daide au dveloppemententames en 2008 : 15 milliards de dollars pour le Plan durgence du Prsident pour la lutte contre le SIDA(PEPFAR) ; Initiative contre la malaria ; triplement des niveaux daide au dveloppement international ; efforts delarme amricaine pour construire des partenariats et former des forces africaines au travers du programme ACOTA(African Contingency Operations Training Assistance) et aujourdhui l Africom.64 Thomas CAROTHERS, Aiding Democracy Abroad : the Learning Curve, Carnegie Endowment for InternationalPeace, Washington, 199965 Condoleezza RICE, Rethinking the national interest. American realism for a new world , Foreign Affairs,juil.-aot 2008. James TRAUB,The Freedom Agenda : Why America Must Spread Democracy (Just Not the Way George BushDid), Farrar Strauss Giroux, 2008.

    66 Barack OBAMA, Strengthening our common security by investing in our common humanity ,BarackObama.com, 2007.67 Condoleezza Rice, Department of State Budget FY 2008, Bureau of Resource Management, 5 fv. 2007.

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    lagenda diplomatique dObama, au vu de lampleur des autres grands chantiersinternationaux.

    LES GRANDS TESTS DE LA POLITIQUE ETRANGEREAMERICAINE

    Avant mme leur investiture, Barack Obama et son quipe de scurit nationale furent tests et rattraps par les dynamiques dune scne internationale agite (le conflit russo-gorgien de lt 2008 et lintervention isralienne Gaza fin dcembre 2008), un momentde quasi-vide politique aux Etats-Unis, marqu par la fin du mandat de G. W. Bush priode transitoire qui fut saisie comme une fentre dopportunit par certains acteurs en

    qute dhgmonie rgionale. B. Obama est toutefois rest fidle lordre des priorits quilstait fix en matire de politique trangre, durant la campagne prsidentielle : le retraitpartiel des troupes amricaines dIraq et un renfort civilo-militaire en Afghanistan, tout enoptant pour une approche rgionale de ces deux dossiers.

    Se concentrant, en dbut de mandat, sur son grand plan de relance conomique,B. Obama sera un prsident qui aura tendance beaucoup dlguer ses conseillers enmatire daction extrieure : Hillary Clinton, lenvoy spcial George Mitchell et James

    Jones au Moyen-Orient ; au diplomate Richard Holbrooke et aux militaires en Afghanistan.

    Finir la guerre en Iraq , point de dpart dune nouvelle diplomatie rgionale auMoyen-Orient

    B. Obama sest distingu, au cours de la campagne prsidentielle, par son oppositionradicale lintervention amricaine en Iraq et sa dtermination den retirer les brigades de

    combat dans les 16 mois aprs son investiture, en raison de son cot : la fin de lanne2008, on estime le cot de lintervention en Iraq prs de 660 milliards de dollars68, depuis2003. Il a ensuite nuanc sa thse de retrait inconditionnel , confront aux critiques quilont parfois jug irresponsable 69, soulignant plusieurs reprises quil prendrait en comptelvolution de la situation sur le terrain et consulterait les commandants militaires (lesgnraux Petraeus et Odierno) avant denvisager tout retrait70. Laccord de scurit adoptpar le Parlement iraquien dbut dcembre 2008, qui prconise un retrait des forcesamricaines (actuellement 150.000 hommes) dici fin dcembre 2011, permettrait ainsi B. Obama de gagner du temps 71.

    Tout en maintenant son calendrier initial, B. Obama a cependant toujours prcis quil

    sera ncessaire de conserver une force rsiduelle en Iraq, pour poursuivre la formation delarme et de la police iraquiennes, protger la population civile iraquienne et lambassade

    68 The Cost of Iraq, Afghanistan, and Other Global War on Terror Operations Since 9/11, CRS Report forCongress, 15 octobre 2008.69 Le chef dtat-major amricain, lamiral Michael Mullen, a prvenu quun retrait en trois ans tait faisable , touten montrant des rserves quant un calendrier de 16 mois.70 Il cherche ainsi rassurer les militaires en mettant en avant lapproche collgiale de Bush pre et pour viter lesfrustrations connues sous ladministration Clinton et ensuite avec D. Rumsfeld, qui court-circuitaient lavis desmilitaires. Sur ce sujet: Dale Herspring, The Pentagon and the Presidency: Civil-Military Relations From FDR to George W.Bush, University Press of Kansas, 2005. James Mann, Rise of the Vulcans: The History of Bush's War Cabinet, New York,Viking, 2004.71 Il est important de prciser que ce pacte de scurit stipule clairement que celui-ci pourra tre amend en fonction

    de lvolution de la situation et linitiative des gouvernements iraquien et amricain. De plus, le rfrendum prvu le30 juillet 2009 pour interroger les Iraquiens sur cet accord, six mois aprs son entre en vigueur, dterminera lavenirde cet accord.

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    amricaine Bagdad. Le retrait militaire dIraq que Barack Obama envisage nest donc pastotal - ce qua confirm dbut dcembre 2008, le gnral Odierno, commandant des forcesde la Coalition, ainsi que le gouvernement iraquien, conscient que son arme nest pas encoreprte scuriser le pays et ses frontires sans laide amricaine, du moins sur le moyen terme.

    La stratgie dObama pour lIraq suit les recommandations du Iraq Study Group (dit rapport Baker-Hamilton ), publi le 6 dcembre 2006 : retrait militaire graduel dIraq autravers dun transfert progressif du maintien de lordre aux forces de scurit locales et,surtout, reprise du dialogue entre les Etats-Unis, la Syrie et lIran. Toutefois, le grandmarchandage (grand bargain) syro-iranien se rvle dlicat et, pour que celui-ci russisse, lesEtats-Unis devront engager un dialogue gnreux, ainsi que le stipulent Richard N. Haass etMartin Indyk, en 200972 : en reconnaissant notamment linfluence rgionale de lIran et ennormalisant ses relations avec les Etats-Unis et la communaut internationale, pour inflchirses intentions nuclaires ; en traitant le dossier isralo-syrien rapidement, par la restitution duGolan (annex par Isral en 1967) la Syrie, en change de la paix avec Isral, ce qui

    viendrait soustraire lIran un alli prcieux au Moyen-Orient. Legrand bargaindevra aussi

    inclure la Russie : en change de la suspension temporaire ou dfinitive du bouclierantimissiles et de llargissement de lOTAN lUkraine et la Gorgie, la Russie devrait semontrer plus ferme vis--vis de lIran.

    Il sagirait donc de remplacer lidologie du regime change coercitif appliqu parladministration G. W. Bush en Afghanistan et en Iraq par une stratgie de behavior change( changement du comportement ) plus pragmatique73 de la Syrie et de lIran, qui mnentdepuis des annes, au travers de leur soutien au Hamas et au Hezbollah, une guerre parprocuration contre Isral et les Etats-Unis dans la rgion du Moyen-Orient. B. Obamatranche ainsi radicalement avec son prdcesseur, par son approche holistique des crisesde la rgion du grand Moyen-Orient, en proposant de regarder la rgion comme un tout74, de

    ne pas considrer le conflit isralo-palestinien de faon isole, mais comme faisant partie del arc de crise qui stend dIsral-Palestine au Pakistan, en passant par la Syrie, lIraq, lIranet lAfghanistan.

    Cette approche rgionale avait t avance par R. Gates et Z. Brzezinski en 200475,dans un article commun qui, aujourdhui, pourrait servir de feuille de route pour lanouvelle politique proche et moyen-orientale de ladministration Obama. Une refonte de lapolitique amricaine ne pourra rellement se faire quau travers dun rquilibrage de laposition amricaine et dune redfinition de la relation entre les Etats-Unis et Isral. Lanomination de George Mitchell76 comme envoy spcial au Proche-Orient confirme cedouble inflchissement : en le choisissant, Obama mit lcart les conseillers influents de sesdeux prdcesseurs, B. Clinton et G. W. Bush, tels Denis Ross et Daniel Kurtzer, lesquelsavaient privilgi la relation spciale de Washington avec Isral, pour au contraire,

    valoriser un rle d intermdiaire honnte ( fair broker ) pour les Etats-Unis. G. Mitchellavait lui-mme prsid une commission sur le Proche-Orient en 2000-2001 et recommand,dune part, aux Palestiniens de mettre fin aux actes de terrorisme et de juger leurs auteurs et,

    72 Richard N. HAASS / Martin INDYK, Beyond Iraq.A new US strategy for the Middle East , Foreign Affairs,janv.-fv. 2009.73 Alexander GEORGE, Forceful Persuasion : Coercive Diplomacy as an Alternative to War, United States Institute ofPeace Press, Washington, 1991. George PERKOVICH, Five scenarios for the Iranian crisis , Proliferation Papers, IFRI,hiv. 2006.74 Entretien avec Barack Obama, Al-Arabiya, 26 janv. 2009,75 Brent SCOWCROFT / Zbigniew BRZEZINSKI, Middle East priorities for Jan. 21 , Washington Post, 21

    nov. 2008.76 George Mitchell a notamment jou un rle dterminant dintermdiaire dans le processus de ngociationsqui a mis fin au conflit en Irlande du Nord, en 1998 (vialaccord dit du Good Friday ).

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    dautre part, aux Israliens de mettre un terme la colonisation des territoires occups et demesurer leur riposte face des Palestiniens dsarms. Plus gnralement, il appelait desngociations diplomatiques srieuses , ce que Obama souhaite prcisment ractiver77. LeConseiller la scurit nationale, James Jones, qui a une trs bonne connaissance du dossierisralo-palestinien, devrait aussi jouer un rle important ce sujet. Toutefois, les Etats-Unis

    se trouvent aujourdhui contraints par de nouvelles dynamiques rgionales : le Hamas, qui atoujours refus le dialogue avec Isral, contrle Gaza et le nouveau gouvernement israliendoit laborer une stratgie face la nouvelle politique amricaine. Toute initiative de paixdevra donc composer avec un paysage socio-politique beaucoup plus complexe quau dbutdu premier mandat de G. W. Bush.

    Afin de mettre en uvre cette approche rgionale des dossiers du Proche et Moyen-Orient, Obama voit dans le retrait militaire partiel dIraq le moyen-clef pour dsemptrer les Etats-Unis78 et, surtout, pour se concentrer sur ce quil considre tre le vrai front de lalutte contre le terrorisme : lAfghanistan.

    LAfghanistan, enjeux transatlantiques et scuritaires

    LAfghanistan sera le premier test de la relation transatlantique sous B. Obama,puisque les Etats-Unis ont signifi quils souhaitaient partager davantage le fardeau aveclEurope, en lui rclamant plus de troupes mais aussi une plus grande prise de risque sur leterrain, par un largissement de leurs missions. A cet gard, Kori Schake prvoit des tensionslies aux esprances dues79 (crisis of high expectations ) entre les Etats-Unis et leurs alliseuropens, qui ne pourront pas rpondre toutes leurs sollicitations : nous rclameronsdavantage nos amis europens. Cest une Amrique plus responsable et cooprative qui attendra delEurope quelle assume ses propres responsabilits sur les questions de lAfghanistan, de lIran, duterrorisme, de lAfrique et de lenvironnement80. Des attentes dues peuvent aussi surgir cteuropen, face des demandes amricaines trop exigeantes et/ou ce qui pourrait tre perucomme une trop forte amricanisation des structures de commandement, depuis larrivedu gnral Dan McNeill le 4 fvrier 2007, puis du gnral David McKiernan la tte de laForce internationale dassistance la scurit (FIAS) de lOTAN en Afghanistan, depuis le 3juin 2008. Mme sil est beaucoup plus difficile de dire non aux demandes amricainesface un Prsident amricain qui a conquis les curs et les esprits des Europens, que siMacCain avait t lu puisquil portait, malgr lui, lhritage de G. W. Bush , plusieurspays europens, dont la France, ont dj signifi quils ne dploieraient pas de troupessupplmentaires.

    Dans ce contexte, le secrtaire la Dfense Robert Gates prconise une division destches plus pousse entre les Etats-Unis et lUnion europenne, les premiers souhaitant seconcentrer sur lantiterrorisme et la contre-insurrection, tandis que les allis europenssimpliqueraient davantage dans le dveloppement conomique de lAfghanistan et les

    77 Les recommandations de la Commission Mitchell avaient t acceptes par Ariel Sharon, alors Premierministre dIsral, comme base pour des ngociations avec les Palestiniens. Cependant, les autres partis et hommespolitiques, y compris certains du Likoud de Sharon, avaient rejet lide de gel de la colonisation.78 Thomas RICKS, Fiasco, Penguin, New York, 2006. Alexandra DE HOOP SCHEFFER, op. cit.79 Kori SCHAKE, The US Elections and Europe : the Coming Crisis of High Expectations, Centre for EuropeanReform, 2007.

    80 Barack OBAMA / Joe BIDEN, Barack Obama and Joe Biden : a stronger partnership with Europe for asafer America , BarackObama.com, 2007. Le vice-prsident Joseph Biden ritra ces attentes vis--vis de leurs alliseuropens lors de sa visite Munich, le 7 fvrier 2009.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    oprations dites de nation-building, dont la formation de larme et de la police afghanes. Lathse de Robert Kagan81 se voit, une nouvelle fois, confirme.

    Dans le cadre de la nouvelle configuration des priorits stratgiques des Etats-Unis etmalgr lopposition du prsident afghan Hamid Karza et les doutes de certains gnraux

    amricains quant un renfort militaire en Afghanistan

    82

    , le chef dtat-major interarmesamricain, le gnral M. Mullen, a annonc fin dcembre 2008 le dploiement de 20 000 30 000 soldats amricains supplmentaires en Afghanistan dici lt 2009, la demande dugnral D. McKiernan, commandant de la FIAS dpassant le renfort de 10 000 hommesque B. Obama avait initialement prconis. Le poids dominant des militaires dans lareconfiguration de la stratgie en Afghanistan83 rappelle que lAfghanistan est bien la guerredes militaires contrairement lIraq, guerre des civils du Pentagone et montre queB. Obama leur dlguera la responsabilit du droulement des oprations.

    En complment aux renforts militaires et civils, Barnett R. Rubin et Ahmed Rashid 84,spcialistes de lAfghanistan et du Pakistan, prconisent, l aussi, un grand bargain, une

    initiative diplomatique rgionale, au travers dun groupe de contact autoris par le Conseil descurit de lONU, qui promouvrait le dialogue entre le Pakistan, lInde, la Chine et la Russiemais aussi lArabie saoudite, qui ont tous un intrt dans la stabilisation de lAfghanistan.Cette proposition converge dans le sens de celle prsente par J. Biden fin 200785. Lesattentats terroristes en Inde de fin novembre 2008 furent loccasion pour B. Obama deritrer la ncessit de renforcer le partenariat avec lInde pour radiquer les rseauxterroristes dans la rgion86. Le rapprochement avec lIran est aussi devenu ncessaire auxyeux des gnraux Petraeus et Mullen, qui appellent une approche rgionale . En effet,en obtenant le soutien iranien pour intervenir en Afghanistan en 2001, puis en Iraq en 2003,ladministration G. W. Bush a fait de lIran un acteur indispensable de la rgion et de lastabilisation de ces deux pays.

    Enfin, tout comme le rapport Baker-Hamilton de 2006 lavait recommand pour lIraq,un des axes majeurs de la politique de B. Obama en Afghanistan est de rappeler legouvernement Karzai ses responsabilits, notamment en matire de lutte contre lacorruption et contre le march de lopium, ainsi que le Pakistan concernant la scurit de sesfrontires. Ne souhaitant pas reproduire les mmes erreurs que G. W. Bush 1 milliard dedollars octroy par les Etats-Unis chaque anne au gouvernement de Pervez Musharraf

    81 Robert KAGAN, La Puissance et la faiblesse, Plon, 2003.82 Ann Scott TYSON, General : Iraq-style surge wont work in Afghanistan , The Washington Post, 2 oct. 2008.Donald H. RUMSFELD, One surge does not fit all , International Herald Tribune, 23 nov.2008.83 Le gnral David H. Petraeus la tte du Central Command (Centcom), le gnral D. McKiernan,

    commandant des troupes amricaines et otaniennes en Afghanistan, le gnral James Jones, Conseiller la scuritnationale, et le gnral Karl Eikenberry, ancien commandant des forces amricaines en Afghanistan (2005-2007),comme ambassadeur Kaboul.84 Barnett RUBIN / Ahmed RASHID, From great game to grand bargain. Ending chaos in Afghanistan andPakistan , Foreign Affairs, nov.-dc. 2008.85 Joe BIDEN, A new approach to Pakistan , Huffington Post, 8 nov. 2007. Joseph Biden prconisait en 2007une approche beaucoup plus pro-active et moins ractive vis--vis du Pakistan, en investissant dans laide nonmilitaire, savoir la construction dcoles, de cliniques, de routes, etc., lobjectif tant de mettre en place une politiquequi ne vise pas uniquement le rgime politique en place ou la personnalit au pouvoir mais la construction dune nouvelle relation avec la

    population pakistanaise pour montrer que le soutien amricain au Pakistan nest pas juste dordre tactique. Bush avait commenc adopter cette approche en fin de mandat en contribuant hauteur de 830 millions de dollars pour aider le Pakistan se stabiliser, se dvelopper et se dmocratiser, avec un centrage sur la scurit, le dveloppement conomique, la lutte contre le terrorismedans les rgions ouest du Pakistan. Cf. Office of the Management and Budget, Budget of the US Government,

    Department of State and Other International Programs, 2008.86 Linfluence de lInde en Afghanistan se manifeste aussi travers le financement de grands projets dereconstruction, ce qui proccupe le Pakistan.

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    depuis le 11 septembre 2001 pour lutter contre le terrorisme dans la rgion, ont abouti des rsultats catastrophiques , B. Obama conditionnera laide amricaine sur le planscuritaire des rsultats concrets. Le rle du diplomate Richard Holbrooke connu pourses qualits de ferme ngociateur en tant quenvoy spcial en Afghanistan et celui de

    J. Biden seront dcisifs ce sujet.

    Lavenir des relations russo-amricaines

    Mme si les relations russo-amricainesont connu un refroidissement avec la crise enGorgie daot-septembre 2008, la coopration entre les deux pays sur les grands dossiersinternationaux devrait se poursuivre avec ladministration de Barack Obama, notamment surle dossier du nuclaire iranien et la lutte contre la piraterie. En revanche, des tensionspersistent sur le bouclier antimissiles, projet-clef sous ladministration G. W. Bush dans lebut de parer dventuelles attaques de lIran ou de la Core du Nord. Moscou y voit unemenace sa propre scurit et souverainet et sest montre trs hostile au projet. Sur cettequestion, G. W. Bush laisse peu de marge de manuvre B. Obama, puisquil a sign avec la

    Rpublique tchque et la Pologne des accords pour la mise en place, lhorizon 2013, dunpuissant radar en Rpublique tchque et de 10 intercepteurs en Pologne. Toutefois, lquipeObama et la majorit des Dmocrates au Congrs se sont toujours montres critiques enverslinstallation dun bouclier antimissiles et, en pleine crise conomique, ce projet onreuxpourrait tre mis en veilleuse. Ainsi, la Chambre des reprsentants du Congrs amricain adj dcid en 2008 de rduire de 32,2 % les dpenses prvues par le budget 2009 de ladfense pour la mise en place du bouclier antimissiles en Europe de lEst. Conformment auprojet de budget de la dfense amricaine, approuv lunanimit par la sous-commissiondes forces stratgiques, seuls 487,8 millions de dollars ont t accords sur les 739,8 rclamspar ladministration Bush afin de mettre en place la troisime zone de positionnement delABM.

    Sur le dossier de lOTAN, ladministration Obama sest dite en faveur de sonlargissement vers lEurope de lEst, malgr les tensions que ce projet engendre en Russiemais aussi entre les pays membres de lAlliance atlantique : lAllemagne et la Francenotamment ont signifi leurs rticences intgrer des pays qui entretiennent des relationsdifficiles avec la Russie et ne souhaitent pas remettre en cause leur relation avec Moscou. Deson ct, ladministration G. W. Bush a men une campagne active pour acclrer ladhsionde la Gorgie et de lUkraine. Toutefois, aprs la riposte russe en Gorgie en aot 2008, lesdivisions se sont renforces et le spectre dun conflit avec la Russie est dornavant un frein ladhsion de ces deux pays lAlliance atlantique.

    * *

    *

    Au cours de son premier entretien tlvis post-lectoral du 16 novembre 2008,B. Obama a affirm que la lutte contre le terrorisme et Al Qada demeurera laxe principal desa politique trangre, sinscrivant ainsi dans la continuit des priorits de G. W. Bush.Impliqu dans ce combat commun dict par le contexte international, B. Obama dessine lescontours dune politique trangre dj empreinte de contradictions : dun ct, sa volont

    de renforcer leffort militaire en Afghanistan renvoie lidologie de la guerre contre leterrorisme de ladministration G. W. Bush, mme sil la rebaptise guerre contre un

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    Alexandra de Hoop Scheffer, La politique trangre de ladministration Obama. La qute dun nouvel quilibreentre ralisme et internationalisme ,Annuaire franais des relations internationales, 2009.

    rseau de violence dans son discours dinvestiture du 20 janvier 2009, pour se dmarquerdans la rhtorique ; de lautre ct, la lecture multipolaire de lordre international, la qute dudialogue avec les anciens Etats voyous (lIran, la Syrie), la politique douverture envers laRussie, lapproche rgionale des conflits du grand Moyen-Orient constituent des orientationsnouvelles, qui visent pacifier le thtre extrieur, pour mieux affronter la crise conomique

    intrieure.

    Ainsi, Obama ne pourra vritablement se distinguer de son prdcesseur quenredfinissant les modalits daction de sa politique, en trouvant un nouvel quilibre entre unhard power (puissance coercitive) trop longtemps surdimensionn et un soft power (forcedattraction et dinfluence) atrophi, pour rinventer les Etats-Unis comme puissanceintelligente (smart power), adapte aux ralits internationales.

    Et si Obama se tourne, en dbut de mandat, vers le modle raliste de GeorgeH. Bush en matire de politique trangre, il pourrait aussi, lheure o il fait appel aux

    valeurs fondatrices amricaines pour affronter de nouveaux dfis87, tre tent de relire les

    crits de Thomas Jefferson qui, au milieu du XIX

    e

    sicle, appelait dj lusage prudent de lapuissance amricaine : jespre que notre sagesse grandira avec notre puissance et nous apprendra quemoins nous utilisons notre puissance, plus elle sera efficace88. Cet appel la sagesse rsonneaujourdhui avec force, au moment o lquipe Obama sengage dans la refonte de la grandestratgie amricaine.

    87 Discours dinvestiture de Barack Obama, Washington DC, 20 janv. 2009.88 Thomas JEFFERSON propos tires dune lettre Thomas Leiper (1815), cits dans The Writings of Thomas

    Jefferson, vol. XIV.