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action Particip’ Trimestriel de l’asbl Jeune Et Citoyen (JEC) N° 5 Janvier-Mars 2012 Editeur responsable : Lionel BRAECKMAN / P405223 Asbl Jeune Et Citoyen, rue du Marteau, 19 à 1000 Bruxelles Dossier>>> p 5 Les relations jeunes-adultes Sommaire Edito 2 Un projet de toilettes à l’école 3 Dhuoda, le manuel pour mon fils 4 Quels repères pour le monde enseignant ? 10 L’approche de Jacques Salomé 11 Lire et découvrir 12 Belgique – België P.P. - P.B. 1099 Bruxelles X 1/1161

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actionParticip’Trimestriel de l’asbl Jeune Et Citoyen (JEC)N° 5 • Janvier-Mars 2012Editeur responsable : Lionel BraEckMaN / P405223asbl Jeune Et citoyen, rue du Marteau, 19 à 1000 Bruxelles

Dossier>>> p 5

Les relations jeunes-adultes

SommaireEdito . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2Un projet de toilettes à l’école . . . . . . . . . . . . . . . 3Dhuoda, le manuel pour mon fils . . . . . . . . . . . . 4Quels repères pour le monde enseignant ? . . 10L’approche de Jacques Salomé . . . . . . . . . . . . . . 11Lire et découvrir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

Belgique – BelgiëP.P. - P.B.

1099 Bruxelles X1/1161

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EDITO Un « prOjET TOILETTES » à L’écOLE... TrIvIaL OU fOnDamEnTaL ?confiance, mot magique ?

Mesdames et Messieurs,

Les dernières semaines de l’actualité belge ont été riches en événements.

Une réforme de l’État et un budget ont été validés, des réformes financières se construisent et un gouvernement devrait avoir vu le jour lorsque vous

lirez ces lignes. Ces délicates avancées ne sont possibles que dans un climat d’écoute et de confiance.

Confiance, mot magique s’il en est.

Si je parle de ces hommes et femmes, c’est pour faire un lien entre leur action et celle des élèves-délégués dont votre école bénéficie peut-être.

Les personnes qui représentent leurs pairs ont la possibilité de faire de grandes choses. Elles sont dépositaires et bénéficiaires de la confiance de ceux qui les choisissent et de ceux qui les soutiennent dans leur action.

Ainsi, nos hommes politiques sont redevables devant leurs électeurs et réa-lisent leur mission grâce à des attachés parlementaires ou autres personnes-ressources.

De leur côté, les délégués de classe œuvrent pour l’intérêt collectif. Et pour atteindre ce but, ils peuvent compter sur le soutien des élèves et des adultes-ressources de leur école.

Ce numéro souligne l’importance des relations jeunes-adultes dans l’école. Ces relations, quand elles sont basées sur la confiance, donnent des résultats surprenants. Quand vous y ajoutez une touche de cohérence et de respect mutuel, ce sont des miracles que vous produisez. Notre dossier et les projets présentés en cette fin d’année ne sont que des exemples du formidable potentiel que la confiance nous offre.

Alors, en cette veille de fin d’année, je vous souhaite, au nom de toute l’équipe de l’asbl Jeune Et Citoyen, une excellente année 2012, basée sur la confiance en soi et en autrui !

> Stéphane HOUBION

Suite aux réclamations des élèves, les délégués et les adultes- ressources de l’Institut de l’Enfant Jésus d’Etterbeek ont pris les questions de la propreté et de la dégradation des toilettes à bras-le-corps .

Silence, on tourne !Quand la délégation bouge, c’est toute une équipe qui se mobilise.

Des élèves de l’Institut de l’Enfant Jésus et de l’Institut Notre Dame des Champs se sont lancés, avec les asbl ACMJ et JEC, dans la création d’un outil pédagogique misant sur la participation et la citoyenneté.

Chut, on n’en dit pas plus. À suivre…

L’asbl JEC est un Service de jeunesse reconnu par la Communauté française.

Son journal est distribué dans toutes les écoles de la communauté française .

Tirage : 2700 exemplaires

Editeur responsable : Lionel BraEckMaN

Secrétaire de rédaction : Nicolas LINSMEau

Comité de rédaction : Fatima aMkOuY, Stéphane HOuBION, carine JacOBS, angélique kaBaMBa, camille LacrOIX, Simon LaFFINEur, catherine LELION, Nicolas LINSMEau, Luis LISTa

Graphisme et mise en page : Vinciane FErON - www .informaction .be

Coordonnées de l’asbl JEC : Bureau de Bruxelles (Siège social)rue du Marteau, 19 à 1000 Bruxellestél. : 02 218 05 59 • fax : 02 218 05 57Antenne de Liègerue Hemricourt, 4 à 4000 Liègetél . : 04 222 07 84

info@jeuneetcitoyen .be www.jeuneetcitoyen.be

En bref...

Particip’action Pouvez-vous m’expliquer en quelques mots votre « projet toilettes » ?Sophie Les élèves se plaignaient souvent des toilettes parce qu’elles n’étaient pas propres, parce que d’autres élèves écrivaient sur les murs. Alors le Conseil de citoyenneté a bougé : on a repeint les toilettes des filles et on a mis un tableau pour qu’elles se défoulent dessus et pas sur les murs. Chez les garçons, on a mis des murets entre les urinoirs parce qu’ils n’avaient pas beaucoup d’intimité d’après eux.

P’ac Comment est né ce projet ?Berivan Avec le Conseil de citoyen-neté, on va dans les classes, on écoute ce que veulent les élèves. Mais toutes les idées ne deviennent pas des projets. Il faut déjà penser chez soi, aux idées, les mettre sur papier pour venir avec un projet, un plan. Ce qu’on fait alors, c’est qu’on échange les idées, on fait une synthèse et ça devient un projet. Mais ce n’est pas du jour au lendemain. Il a fallu beaucoup de temps pour arriver à cela.

P’ac Et quelles sont les étapes pour y arriver ?B. On en a parlé avec tous les membres du Conseil pour voir si c’était un projet qu’on pouvait faire, parce qu’il faut aussi regarder le budget.Claude La personne en charge des travaux est venue ici au Conseil et on a réfléchi à ce qui était faisable ou pas, au budget.S. Après, on va voir la directrice pour voir si elle accepte de payer pour répa-rer « nos dégâts à nous ».C. Ensuite, les délégués sont passés dans toutes les classes pour annoncer les réparations...S. Et pour leur demander de ne pas dégrader. Pour leur dire qu’on l’a fait pour eux. On ne l’a pas fait pour les profs parce qu’ils ont leurs toilettes. Donc autant les tenir propres plutôt que les salir et ne pas vouloir aller aux toilettes à l’école.

P’ac Quelles ont été les réactions ?S. Ils disaient « enfin, ça fait du bien ! ».B. Oui, ils étaient contents parce que leur idée était devenue un projet.

P’ac Aujourd’hui, vous êtes plutôt satisfaits du résultat ?S. La plupart des élèves respectent et ils écrivent sur le tableau au lieu d’écrire sur les murs. Il y a moins de dégâts.B. Oui. Il y a de l’amélioration. Quand je rentre dans les toilettes, je vois qu’il y a des gens qui se sont expri-més mais je ne le prends pas mal parce que c’est fait sur un tableau.C. Maintenant, c’est vrai que cette année, il y a presque un tiers de nou-veaux élèves donc il faudrait sans doute refaire le même travail de sen-sibilisation que l’an passé. Mais c’est quand même mieux, c’est sûr !

P’ac Merci !

Un vrai pas en avant pour le bien-être des élèves donc, mais qui demande un suivi et une relance régulière de l’attention de chacun au respect des lieux de vie communs que sont les toilettes de l’école.

> Propos recueillis par Nicolas LINSMEAU

L’asbl jeune Et citoyenA travers ses formations et animations d’éducation à la citoyenneté, l’asbl Jeune Et Citoyen propose aux jeunes et à leurs accom-pagnateurs des moyens d’action, de réflexion et d’organisation afin de les aider à devenir des acteurs engagés et responsables au sein de la société.

Crédits illustrations :Les dessins sont de Françoise Malnuit. Ils sont issus des ouvrages suivants : SaLOME J ., Charte de vie relationnelle à l’école, albin Michel, Paris, 1995 SaLOME J ., Pour ne plus vivre sur la planète TAIRE, albin Michel, 2006 SaLOME J ., T’es toi quand tu parles, Pocket Evolution, 1991

32 >> journal de l’asbl jEc

ça se passe chez vous

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DossierLES rELaTIOnS jEUnES-aDULTES DanS L’écOLE, Un « SavOIr-êTrE » prImOrDIaL ?

Le relationnel entre jeunes et adultes dans l’école secondaire est un sujet délicat . Il touche à la personne même de chacun, une sphère privée, laissée habituellement et pour la majorité du temps scolaire, à la gestion personnelle de l’enseignant face à sa classe . Le r .O .I . reste un document à faire vivre qui, par définition, ne couvre pas tous les aspects du relationnel . ainsi, des questions essentielles restent souvent individuelles : Quelle autorité ? Quelle distance/proximité ? Quelle confiance ? Quelles règles de vie ?à chacun ses recettes, son expérience, sa vision et surtout sa manière de communiquer .

Cela n’empêche pas qu’une « culture d’école » apparaisse de manière perceptible. Les écoles ne se res-semblent pas. Ici, les « bonjours », les sourires fusent dans les couloirs. Ailleurs, le comportement de l’élève est vite suspecté, et les remontrances sont fréquentes. L’élève est tantôt une personne avec qui échanger quelques mots de courtoisie, tantôt un interlocuteur qu’il faut vite rediri-ger vers le bon local.

Lorsque des professeurs nous accompagnent en animation ou en formation, il n’est pas rare de les entendre dire « je découvre mes élèves autrement », « une autre relation se développe avec eux »... Parle-t-on de relationnel dans les salles des profs ? Parle-t-on seu-lement des élèves et des classes pour en souligner le caractère dif-ficile ou turbulent ? Ou prend-on le temps de parler des interactions qui interviennent entre les jeunes et l’enseignant ? Parvenons-nous à parler de nous-même dans cette relation, et non de ce que l’on attend de l’autre ?

> Simon LAFFINEUR

de Dhuoda« Le manuel pour mon fils »

Plus que sur un personnage, c’est sur un ouvrage que nous allons nous pencher dans cet article.

Son auteur est une femme du IXème siècle. Dhuoda, épouse de Bernard de Septimanie (Marche d’Espagne), finit son « Manuel » en 843 et le dédie à son premier fils Guillaume qui, âgé de 16 ans, fait ses débuts en cour. Elle souhaite que l’ouvrage soit par-tagé au plus grand nombre.

La période où elle écrit est troublée : les guerres de successions ravagent la dynastie carolingienne. C’est précisé-ment afin de doter son fils Guillaume de moyens de « guider sa conduite dans le monde », qu’elle rédige ce manuel. Celui-ci se présente comme une véritable somme de ses lectures et de ses réflexions.

Contrairement aux usages, Dhuoda n’est pas un précepteur distant mais une mère soucieuse du futur de ses enfants et, dans une plus large mesure, des générations futures. Son ouvrage est à la fois un ouvrage de « morale séculière » et de « morale spirituelle ». Mais, contrairement à beaucoup de manuels de l’époque, l’auteur n’aborde jamais les sujets politiques ou militaires. Son souci est ailleurs.

Dans la transmission d’une morale sociale tout d’abord. A la différence de ses contemporains, Dhuoda propose une morale centrée sur la famille et sur la figure du « père ». C’est à travers le prisme du respect dû à la cellule familiale que les liens de vassalité et la conduite en cour sont abordés.Mais la « morale sociale » de l’auteur ne s’arrête pas là. Elle demande aussi à son fils de pratiquer « la compas-sion fraternelle » vis-à-vis des grands comme des « petits et des humbles », car « tous sont solidaires dans le Christ ».Sa morale recouvre toutes les sphères de la société. Dans sa vision, il est crucial que tous soient conscients des vices et des vertus existants en ce monde afin de mener le chemin vers le salut. Les conseils de Dhuoda sur ce sujet ne tranchent pas avec ce que l’on pouvait lire dans les autres ouvrages du même type. Mais elle insiste sur le « travail personnel », sur le fait que chacun doit mener au quotidien son propre combat, est responsable de ses succès. Elle rejette donc le concept de « prédestination » !

Un autre souci majeur de l’auteur est le salut de l’âme. Elle conseillera à son fils des « nourritures spirituelles »

et insistera sur la pratique régulière et personnelle comme chemin vers la « perfection spirituelle ». Ici encore, point de raccourcis : « sa morale spirituelle » est basée sur l’effort et l’investissement personnels, rejetant toute idée de « prédestination ».

L’on peut se demander ce que cette femme du temps de Charlemagne et le manuel qu’elle a écrit pour son fils ont apporté à l’histoire de la pédagogie.

Dans la lignée de Saint-Augustin, Dhuoda propose une morale à la fois sociale et spirituelle où l’humain a toute sa place. Sa pédagogie incluant toutes les sphères de la société et se basant sur le respect des aînés, le goût de l’effort et le rejet de la pré-destination reste une référence pour la pédagogie contemporaine.

> Luis LIStA

Dans cette rubrique, Luis nous invite à (re)découvrir les penseurs qui ont marqué l’histoire de la pédagogie pour la façonner telle que nous la connaissons aujourd’hui .

54 >> journal de l’asbl jEc

Qui a eu cette idée folle

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DOSSIEr suite...

Une relation qui favorise la participation

On pourrait parler de « savoir-être relationnel » car dans la relation, le piège reste trop souvent de vou-loir changer l’autre, alors que notre meilleur outil de changement est encore... nous-mêmes !

Par un regard sur son propre savoir-être, l’adulte peut enlever quelques obstacles à la participation des jeunes, à leur implication plus autonome et responsable dans l’école. Oui, il s’agit bien plus de lever des obstacles que de créer une participation là où l’on croit qu’elle n’existe pas. Ainsi, plutôt que de chercher à motiver les jeunes, à faire naître une parole, voyons plu-tôt ce qui empêche les jeunes de s’exprimer, ce qui est, consciemment ou non, démotivant.

Ce travail est invisible, il se fait en coulisse, existe dans nos phrases, notre attention, nos réponses, dans le choix des mots, dans les possibles qu’on laisse exister, dans l’espace

qu’on crée pour la recherche hasar-deuse des jeunes qui souhaitent participer à la vie de leur école.

Quelques propositions pour libérer l’envie participative des jeunes

Une écoute inconditionnelleL’élève a besoin d’un temps et d’un lieu dans lesquels il peut se permettre de tout dire, même l’impossible, l’irréaliste, le choquant, le trivial. Ces paroles franches et spontanées (« On voudrait aller à Walibi ! » ; « On veut du papier dans les toilettes ! » ; « De toute façon, rien ne change ! ») ne seront pas unique-ment écoutées, mais approfondies, décortiquées avec bienveillance. Quels besoins fondamentaux se cachent derrière la demande ? Quel vécu nous révèle-t-elle ? Que nous apprend-elle sur l’école ?

Éviter les « réponses directes »L’adulte que nous sommes, qui pense mieux connaître l’école et ses enjeux, aura du mal à ne pas répondre d’emblée aux souhaits, rêves et demandes des délégués en réunion. Or, ces « réponses directes » ont la fâcheuse tendance à tuer dans l’œuf les impulsions des délé-gués. Évitons de dire « oui » ou «  non » trop rapidement. La parti-cipation n’est pas un jeu pratique de « questions-réponses » ou de «  demandes-permissions », c’est une construction commune plus lente à mettre en œuvre, mais plus riche par ses aboutissements.

Qui veut créer de la participation (à l’école ou ailleurs) se heurte auto-matiquement à un problème de taille : sa manière de vivre son rôle dans le groupe va devoir évoluer . ce n’est pas un impératif moral, mais le constat qu’un changement s’opère . Les rôles ne sont plus figés . Il va falloir communiquer autrement, sous peine de ne récolter que frustration et de ne pas aboutir à « quelque chose » avec les élèves et leurs délégués .

Particip’action vous propose dans cet article quelques pistes pour contribuer à «libérer l’envie participative» des jeunes

Mettre ses attentes de côtéIl nous arrive souvent de dire «  Attention ! » à une direction d’école qui nous confie ses attentes face à la construction d’une délégation. Attention, les élèves demanderont sans doute des choses que vous n’aimerez pas entendre, que vous trouverez déplacées, qui vous mettront peut-être même mal à l’aise. Y avez-vous songé ? Laisser les jeunes libres de leur parole, c’est se détacher de ses propres attentes d’adulte, celles que l’on projette sur eux, celles que l’on projette sur l’école.

Faire confiance et prendre des risques

Sans naïveté, la participation appelle justice et confiance. Jusque dans des phrases ano-dines, la confiance peut être refu-sée au jeune. Il faudra d’emblée faire confiance en la capacité des élèves à s’organiser, à dialoguer, à argumenter.

Si cela comporte un « risque » relatif, cela constitue surtout une richesse pour l’école. Quel autre lieu que l’école est à même de jeter les bases de cet apprentis-sage de toute une vie ? Partons du postulat que les élèves en sont capables et donnons-leur les outils nécessaires.

Les pistes élaborées ci-dessus ne sont pas propres aux liens tissés au sein des structures participa-tives comme la délégation. Mais la participation exacerbe le besoin de suivre de nouvelles pistes pour communiquer, d’établir des rela-tions équilibrées et constructives avec les élèves.

En effet, créer des lieux de parti-cipation, faire des élections et des réunions n’ont aucun sens si la parole des participants n’atteint pas pleinement l’oreille des déci-deurs. Ces derniers vont devoir prendre en compte cette parole et chercher les possibles qu’elle peut faire naître.

> Simon LAFFINEUR

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DOSSIEr suite...Pour Sylvie, inscrite depuis 3 ans à l’ISV, une relation de qualité avec les professeurs passe avant tout par « une bonne communication des informations relatives à la vie scolaire, au monde de l’enseigne-ment et aux changements survenus d’une année à l’autre. »« J’en suis à ma troisième école et je pense que la taille de la structure a une influence considérable sur le relationnel » ajoute Philippe. « Je sais que ce n’est pas gérable pour un grand établissement d’avoir le même type de rapports que ce qui pourrait exister dans une petite structure. » Lorsqu’on aborde la question de la qualité relationnelle entre les professeurs et les élèves, il nous parle d’atmosphère : « Être dans une atmosphère plus familiale pourrait jouer un rôle important. On peut avoir l’impression que ce serait une perte de temps dans l’immédiat, mais sur le long terme, je vois ça comme un moyen de gagner du temps. (...) Si on décidait de consacrer juste 10 minutes du cours à discuter, et donc à créer une ambiance détendue dans la classe, les 40 minutes suivantes seraient certainement plus productives pour tout le monde. Le professeur y gagnerait en terme de gestion de son groupe classe. »

Chacun à leur tour, Sylvie et Phi-lippe nous ont livré leurs attentes face aux professeurs. « J’aime qu’un professeur me surprenne  » explique Sylvie. « Il doit être com-pétent, c’est-à-dire qu’on doit savoir qu’on apprendra beaucoup avec lui. Aussi bien sur la matière que sur la vie qui nous entoure. Par exemple, il ne s’agirait pas uniquement de nous faire lire un

livre et de nous interroger des-sus, mais bien de nous amener à en tirer des conclusions pour notre vie ». Philippe, quant à lui, souhaite avoir « un professeur qui sait jongler entre une attitude moins formelle et celle, plus stricte, que requièrent certains moments de la vie en classe. » Il continue en abordant la question de l’auto-rité  : « Si la hiérarchie entre pro-fesseur et élève est présente toute la journée de façon très marquée, mon attention risque d’en prendre un coup... S’il en est autrement, je me sens conforté dans l’idée que je suis à même d’avoir une rela-tion basée sur le dialogue avec les adultes. Sans oublier que cela peut jouer sur ma motivation face aux cours en général. »

Fabian Mottart estime que « l’on pourrait laisser un peu plus de place à l’initiative des jeunes. Une institution scolaire est souvent un peu rigide, bien qu’ici, le journal de l’école et le Conseil de participation soient des outils mis à la disposition des élèves ». Gaëlle Cario aborde la question sous un autre angle  : « Nous pensons avoir mis le doigt sur des moyens d’améliorer les rap-ports entre professeurs et élèves ». Elle cite, à titre d’exemple, la ques-tion des remarques dans le bulle-tin. «  La confiance qu’on accorde aux élèves peut aussi se manifester via des remarques encourageantes dans le bulletin. Ce serait le reflet de la foi du professeur en leur capa-cité à faire mieux et une source de motivation pour les jeunes ». Éric Lahaut précise : « Nous avons fait le choix de travailler dans cette école parce qu’elle est spécifique d’un point de vue relationnel. Il existe une somme de moyens pour

nous aider à atteindre nos objectifs. Et nous savons qu’il y a une bien-veillance dans le chef de la plupart des professeurs. (...) En tant que direction, nous avons fait le choix d’accorder une grande confiance aux jeunes. Nous sommes à leur écoute. Le fait que le jeune se dise qu’il est entendu, même par la direc-tion, change beaucoup son rapport à l’établissement. Est-ce être trop à l’écoute des jeunes ? Je ne le pense pas. Il est clair pour nous que notre porte est ouverte à tout un chacun, membre du personnel ou élève ». « Nous avons fait le choix de poser d’emblée un regard positif sur l’élève. (...) Avec les jeunes professeurs, et désormais déjà au stade de l’entre-tien d’embauche, nous tenons un discours clair sur notre manière d’appréhender la relation aux élèves » complète Gaëlle Cario.

Depuis 15 ans à l’ISV, Fabian Mottart décrit l’établissement comme « un milieu cadrant. D’où le fait que les relations entre adultes et élèves sont plutôt bonnes. Les jeunes sont en demande... Beaucoup ont besoin de ce cadre. Ils se sentent rassurés à l’école. À mon époque, on essayait d’y être le moins possible ! Ici, bien souvent quand des jeunes commencent les cours plus tard, ils sont quand même là à 8h10 pour jouer entre eux ».

Depuis 4 ans, l’Institut Saint- Vincent de Paul travaille autour d’un leitmotiv : « Accueil, lien, excellence ». Cette année, la direction y ajoute « Fierté, bien-veillance, cadre » : des valeurs qui, elle l’espère, animeront l’âme de ses corridors.

> Angélique KABAMBA

Nous avons rencontré Gaëlle Cario et Éric Lahaut, membres de la direction, Fabian Mottart, éduca-teur à mi-temps et professeur et enfin, Sylvie et Philippe, élèves du 3e degré. Ils ont tous accepté de s’entretenir avec nous autour de la question du relationnel entre les adultes et les élèves dans leur école.

D’entrée de jeu, le ton est donné. Dans le bureau où nous sommes reçus, le meuble qui sert de sup-port à l’imprimante est décoré de photos d’élèves. Une initiative du gestionnaire des bâtiments.

Les adultes rencontrés sont una-nimes, le contact direct avec les élèves a été un facteur important dans le choix de leur métier.

Fabian Mottart est éducateur dans le premier degré : «J’ai fait des études de philosophie » dit-il, «  je ne n’étais donc pas vraiment destiné à être en contact avec des élèves tout jeunes. Le hasard a fait qu’en les côtoyant de temps à autre, l’idée d’être éducateur pour les plus jeunes m’a plu. Je donne cours aux plus grands. »

Si elle n’est pas censée avoir de contact direct avec les élèves, la direction provoque la rencontre.

« Notre porte est toujours ouverte » dit Gaëlle Cario. « Quand on est enseignant, on est parfois bloqué pour changer les choses. Même s’il faut faire le deuil de ne plus être en classe, on peut garder un contact privilégié, mais d’une manière dif-férente. Le pilotage d’une école me permet de faire avancer les thèmes qui me tiennent à cœur. Être dans la direction, c’est vouloir essayer de changer les choses pour les élèves » conclut-elle.

Éric Lahaut qualifie quant à lui son choix pour le poste de directeur de politique  : « Comme dans une carrière politique, je pense qu’il est important de rester près de la base. Et la base pour moi, ce sont certes les enseignants, mais aussi les élèves. Si on s’éloigne de leur quotidien, on devient un gestionnaire déconnecté de la réalité. Rester tout près du terrain est une nécessité dans mon travail. »

à l’Institut Saint-Vincent de Paul (ISV), il est dans la culture de l’école d’instaurer une relation de confiance avec les élèves . « relation de confiance » . ces termes peuvent être habités par bien des pratiques . Dans Le maître qui apprenait aux enfant à grandir (Jean Le Gal), la préface de Michel Onfray décrit l’école comme un lieu qui « affirme former à la liberté » mais « ne célèbre que la soumission, l’obéissance . . . elle professe l’autonomie, elle ne croit qu’à la discipline . . . » .

Éric Lahaut

Membres de la direction de l’Institut Saint-Vincent de Paul (ISV)

accorder sa confiance aux élèves, le choix de l’Institut Saint-vincent de paul

Gaëlle CarIo

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Jacques Salomé, formateur et écrivain prolifique, a consacré en partie sa vie à développer des outils de communication, sou-cieux de sensibiliser chacun aux enjeux de la relation. Il nourrit l’espoir « qu’un jour la communica-tion puisse être enseignée à l’école comme une matière reconnue à part entière ».

Une démarcheIl rappelle que communiquer, c’est mettre en commun, que chacun est co-auteur de la rela-tion dans laquelle il s’engage. Son intérêt porte sur le vivant de cet engagement. J. Salomé encou-rage chacun à la confrontation  : accepter de se positionner, se définir et, ainsi, prendre le risque d’une réponse qui soit différente de celle attendue.

Il encourage l’expression person-nelle et la responsabilisation :

par l’utilisation du parler en JE, en invitant chacun à par-ler de soi aux autres, à s’impli-quer plutôt que de parler sur les autres (bannie donc toute phrase commençant par « tu »)

par la recherche de la confiance en soi, la recherche de l’explicite plutôt que le jugement, la dévalorisation, l’injonction...

par la confirmation, l’écoute respectueuse de son propre ressenti, pour accepter aussi celui dévoilé par l’autre (pas d’appropriation, ni d’identifi-cation)

L’autre, moi et le lien qui nous relie

Il a développé une série d’outils dont l’écharpe relationnelle. Il l’utilise pour symboliser le lien qui unit deux personnes et qui les co-responsabilise chacun à leur « bout » (extrémité). Co-responsa-bilité dans ce que est exprimé ou fait et qui sera reçu et perçu par l’autre. Cette (pro)position place la relation comme une « entité à part entière » dont il faut prendre soin. La relation, dit-il, s’entretient, se nourrit, se respecte. Elle sup-pose que l’on évite le recours aux menaces, l’usage de la culpabilisa-tion ou du chantage. Elle encou-rage l’exercice de l’autorité... pour rendre chacun davantage auteur de sa propre vie. « Toute relation vivante suppose une alternance des positions d’influence ».

L’approche de jacques Salomé

à dé

coup

er

Quels repères pour le monde enseignant ? Eclairage de Eirick prairat

L’orateur invoque 6 arguments pour justifier la pertinence d’un tel code.

Le code réaffirme la cohésion du corps professoral, renforce une appartenance qui devient problématique quand elle ne se fonde plus sur des pratiques partagées. Pour lui, « plus nous sommes différents, plus nous sommes indépendants, plus il faut de règles ».

Il délimite le champ d’interven-tion du professeur et précise les tâches qui lui sont imputables. En délimitant son expertise, il contribue à légitimer sa fonction.

L’école est en perte de légiti-mité. Le code permet d’assurer à ses usagers une transparence des méthodes mises en place pour atteindre ses missions.

Un code déontologique offre une garantie juridique. En effet, il tend à séparer les notions d’échec et de faute. De son point de vue, l’enseignant a une obligation de moyen et non de résultat.

Actuellement, le lien entre le statut du maître d’école et ses

compétences ne semble plus aller de soi. Le professionnel doit sans cesse faire ses preuves. Un code déontologique permet de réhabiliter le statut comme élé-ment affirmant sa compétence.

Il contribue à renouveler le pacte de confiance entre l’école et la famille. Un code de déon-tologie naît d’une stratégie du corps enseignant qui casserait la logique de surenchère (répu-tation, promesses d’avenir, etc.) qui anime parfois les relations entre établissements scolaires et parents.

Le code obéit au principe de sobriété. Trop de normes ren-draient le code peu maniable, les extra vagances lui feraient

perdre en stabilité. Une déon-tologie est stable quand elle est l’objet d’un consensus et qu’elle donne un sens moral à la pro-fession. Elle doit donc veiller à ne prôner aucun modèle de référence (du type « l’excellence pédagogique c’est... ») ni se pro-noncer sur les mobiles d’entrée dans le métier.

Un cadre déontologique pour-rait être perçu comme un moyen d’accroître le contrôle du corps enseignant. Mais, dans un contexte où le recours à l’action judiciaire est de plus en plus fréquent, il peut surtout être synonyme de garantie et de légitimité.

> Angélique KABAMBA

Des outils relationnels

Le 14 septembre dernier, chanGements pour l’égalité (cGé) a fait appel à Eirick Prairat, professeur de sciences de l’éducation à l’université Nancy 2, pour apporter un éclairage quant aux repères éthiques propres au métier d’enseignant . cette conférence-débat s’est déroulée dans le cadre du projet initié par cGé en 2010 de créer un code de déontologie à destination des professionnels de l’éducation .

Pour ne plus vivre sur la planète Taire, Albin Michel, 2006 (contient une présentation de sa méthode E.S.P.E.R.E.)

Charte de vie relationnelle à l’école, Albin Michel, 1995 (voir page 12 du présent numéro)

T’es toi quand tu parles, Pocket Évolution, 1991

> Catherine LELIONparmi ses ouvrages

un des outils développés : l’écharpe relationnelle

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Les illustrations du présent Particip’action sont de Françoise Malnuit et proviennent de ces trois ouvrages .»

1110 >> journal de l’asbl jEc

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Page 7: Particip’ action · Particip’action Trimestriel de l’asbl Jeune Et Citoyen (JEC) N° 5 • Janvier-Mars 2012 Editeur responsable : Lionel BraEckM aN / P405223 asbl Jeune Et

Objectifs plan

Bien-être relationnel à l’école reconstruire

l’écoleNous passons beaucoup de temps à l’école. Elle n’est pas seulement un lieu d’apprentissage. Elle est aussi un véritable cadre de vie dans lequel cohabitent des acteurs aux motivations parfois très différentes. Le personnel éducatif et les élèves éprouvent parfois des difficul-tés à se comprendre, à communiquer. Ce constat a amené Jacques Salomé a concevoir une charte par laquelle chacun s’engage à mieux communiquer, à laisser plus de place aux échanges et à l’épanouissement

personnel dans ses relations scolaires. Agréable à lire et illustrée, la « Charte de vie relationnelle à l’école » est un livre accessible à tous qui offre aux enfants et aux adultes des pistes concrètes pour « vivre mieux » à l’ école.

La pédagogie à toutes les sauces  : « nouvelle », « coopé-rative », « institutionnelle  », «  active  » ... L’enseignement serait-il en effervescence ? La revue « Politique » consacre une grande partie de son numéro de novembre-décembre à l’École. En 26 pages, elle tire le portrait de plusieurs projets novateurs. Elle nous propose des témoi-gnages et des réflexions sur des sujets brûlants en ce lende-main de rentrée : pédagogies, redoublement, mixité sociale, statut des enseignants. Au-delà de dresser un état des lieux de l’École d’aujourd’hui, l’ambition de « Politique » est de présenter des « pistes pour reconstruire » l’École de demain.

SALOMÉ J., Charte de vie relationnelle à l’école, Albin Michel, Paris, 1995

www.jeuneetcitoyen.be

« École : tout repenser » (2011, nov.-déc.) (dossier),

Politique, no 72, p.26-53.

Développé par le Youth Board, le conseil des jeunes de Plan Belgique, ce jeu s’adresse aux élèves des 2e et 3e degrés du secondaire. Il propose aux parti-cipants, individuellement ou en groupe, de se plonger dans la peau d’un chef de village béninois et de réfléchir aux meilleures stratégies pour développer leur village. Une manière ludique et interactive de découvrir les Objectifs du Millé-naire pour le Développement.

Le jeu est disponible dès janvier 2012 sur www.objectifsplan.be

Un manuel pédagogique pro-posant diverses approches didactiques est également dis-ponible gratuitement pour les enseignants sur www.planbelgique.be/jeunes

Pour tout renseignement complémentaire : [email protected]

Lire et découvrir