moncomble yann - du viol des foules à la synarchie ou le complot permanent

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  • Yann Moncomble

    DU VIOL DES FOULES la

    SYNARCHIEou le

    c o m p lo t

    p er m a n en t

    Faits et Documents

  • du viol des foules la

    S Y N A R C H I Eou le

    complot permanent

  • Du mme auteur

    La Trilatrale et les secrets du mondialisme(Editions Faits et Documents, 1980).

    LIrrsistible expansion du Mondialisme(Editions Faits et Documents, 1981).

    Les Vrais responsables de la Troisime Guerre mondiale(Editions Faits et Documents, 1982).

    Du Viol des foules la synarchie ou le complot permanent(Editions Faits et Documents, 1983).

    La Maffia des Chrtiens de gauche(Editions Faits et Documents, 1985).

    Quand la Presse est aux ordres de la Finance(Editions Faits et Documents, 1986).

    Les Professionnels de lanti-racisme(Editions Faits et Documents, 1987).

    La Politique, le Sexe et la Finance(Editions Faits et Documents, 1989).

    Le pouvoir de la drogue dans la politique mondiale(Editions Faits et Documents, 1990).

  • Yann Moncomble

    du viol des foules la

    S Y N A R C H I Eou le

    complot permanent

    Faits et Documents

    Le systme capitaliste de lOccident et le socialisme de la Russie cheminent lun vers lautre, vers la solution de synthse... ils sont ports par un humanisme semblable.

    Edgar Faurein

    Humanisme et Culture(avril 1964)

  • Imprim en France 1983 by Yann Moncomble, Paris

    Tous droits rservs pour tout pays, y compris l U. R. S. S.Veuillez adresser toutes communications concernant cet ouvrage

    Yann Moncomble, B. P. 24, 27330 La Neuve-Lyre

    Ceux qui trouvent sans chercher, sont ceux qui ont longtemps cherch sans trouver.Un serviteur inutile, parmi les autres.

    26 dcembre 2012Scan, ORC, Mise en page

    L E N C U L U S pour la Librairie Excommunie Numrique des CUrieux de Lire les USuels

    Il a t tir de cet ouvrage vingt exemplaires sur Alpha numrots de 1 20, le tout constituant ldition originale.

    exemplaire n

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  • A ceux qui combattent pour la Vrit et qui sauront se reconnatre.

    Un petit peu de feu dans quelque coin du monde et tous les miracles de grandeur restent possibles.

  • De toutes les sciences, la plus dangereuse serait celle du contrle de la pense des foules, car elle permettrait de gouverner le monde.

    The Nine Unknown (Les Neuf Inconnus)Talbot Mundy

    (1927 - ancien membre de la police anglaise des Indes).

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    ISerge Tchakhotine ou Le Viol des Foules

    par la propagande politique

    En 1944, un certain Serge Tchakhotine fondait une organisation du nom de s.a.l. Science Action Libration.

    La personnalit et la vie hors du commun de ce personnage nous oblige donner ici une tude dtaille de sa biographie afin dessayer de comprendre le pourquoi et le comment de certains faits.

    N le 13 septembre 1883 Prinkipo, prs de Constantinople, il est le fils dun consul russe, Stepan Ivanovitch Tchakhotine et dAlexandra Motzo, dorigine grecque. Son pre appartenait une secte Les Vieux Croyants qui pratiquait des murs trs s-vres et qui se montrait extrmement laborieuse. Il fut successivement interprte au Consulat Imprial de Russie Constantinople, vice-consul Jrusalem, puis consul de Russie Nich, en Serbie.

    Serge Tchakhotine, lve luniversit de Moscou, fait partie ds 1902 du mouve-ment de la jeunesse universitaire anti-tsariste qui organise une des premires manifes-tations en se barricadant dans les locaux de luniversit. Laffaire se termina la prison de Boutyrki. Ce fut l un tournant pour Serge Tchakhotine...

    Son pre, diplomate du Tsar, fit des dmarches et obtint la libration de son fils la condition quil quittt la Russie. Il partit donc avec sa mre en Allemagne, Munich, o il sinscrivit la Facult de mdecine. Se liant avec le milieu russe trs important

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    cette poque, et avec des gens tels que Arnoldi Yakouchkine, les frres Kananoff et Woulf, ceux-ci lui firent connatre le mouvement social-dmocrate allemand. Cest cette poque quil lisait le journal rvolutionnaire Iskra de Lnine, mais bien quau dbut ses sympathies allaient du ct des bolcheviks, trs rapidement, il glissa vers laile gauche des mencheviks et adhra au groupe de Plekhanov et dAxelrod.

    Quittant Berlin, il sinscrit Heidelberg, la facult des sciences, o il fait la connais-sance du professeur Otto Btschli et du docteur Salmanoff, qui travaillait alors comme assistant dans la clinique du clbre professeur Erb. Ctait un spcialiste des mouve-ments politiques et sociaux.

    Trs li avec Zavadsky, collaborateur du professeur Tchakhotine, Zavadsky et Emma femme de Tchakhotine : il stait mari entre-temps partirent Villefranche-sur-Mer, o il poursuit ses recherches la station zoologique marine. Zavadsky, membre du Parti socialiste rvolutionnaire, avait t envoy par le Parti Villefranche, en mission secrte, et Tchakhotine avait consenti laider.

    Son travail consistait alors recevoir des bonbonnes dacide nitrique et de glycrine, commandes en son nom au titre de substances ncessaires ses travaux scientifiques. La nuit, ces bonbonnes taient transportes dans la baie de Villefranche o une villa tait loue par deux couples dtrangers qui taient en ralit membres dun groupe de combat socialiste rvolutionnaire. Cest l que, la nuit, ils fabriquaient des explosifs et des bombes qui taient ensuite achemins en Russie. Ce groupe de combat terroriste du parti social rvolutionnaire tait dirig par un mystrieux personnage surnomm loncle et qui, en ralit, ntait autre que le fameux provocateur Azeff (1).

    Jai eu une fois loccasion de le voir, crit Tchakhotine dans ses mmoires privs. Il tait laid, avec des grandes oreilles dcolles et un cou de taureau ; il avait laspect maladroit et repoussant. Cette prcision est trs importante en ce qui concerne le cas Azeff car, jusquici, personne navait jamais su quil avait t Villefranche.

    Le rgime tsariste stant entre-temps assoupli, Tchakhotine retourne Odessa, au cours de lt 1909, o il prpare lexamen dagrgation. Cest cette poque quil la-bora un systme de fiches et se mit poser les bases de la mthode m. t. (masse-temps) quil perfectionna toute sa vie et quil publia une brochure intitule La langue internationale de la science, dans laquelle il donna lide dune langue auxiliaire internationale, qui lui paraissait une ncessit logique pour lorganisation de la docu-mentation scientifique.

    Pendant lhiver de la mme anne, il se rend Moscou et Kazan, o il retrouve son ami le rvolutionnaire Alexandre Mikhailovitch Zavadsky, devenu professeur agrg luniversit. Ensuite il retourne Heidelberg.

    En 1912, se rendant Saint Petersbourg afin de voir sil ne lui serait pas possible de reprendre son travail scientifique en Russie, il rencontre le docteur Pavlov qui sint-ressait de trs prs aux travaux de Tchakhotine sur la microponcture. Cet minent

    1 Yvan Azeff disposait de fonds normes et Nicolaevski, dans une tude approfondie sur le cas Azeff Histoire dun tratre, attribue ces abondantes ressources le double rle jou par lagent provocateur qui aurait ainsi puis pleines mains aussi bien dans les caisses du gou-vernement que dans celles du Parti socialiste rvolutionnaire (p.s.r.). Azeff participa tous les prparatifs de lattentat commis par Kaliaieff le 17 fvrier 1905 Moscou sur la personne du grand duc Serge Alexandrovitch. (Renseignements tirs de Des Prodromes du Bolchvisme une Socit des Nations, par J. Tchernoff. Editions Rieder, 1938.)

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    savant lui offrit sur-le-champ un poste dassistant au laboratoire de physiologie de lAcadmie des Sciences.

    Juste avant la grande guerre, en voyage Todtmoos dans la fort Noire, en compa-gnie de Charlotte Weigert une Isralite qui, voulant rencontrer Tchakhotine Saint Petersbourg et ne pouvant pas obtenir un visa tant donn ses origines juives, stait convertie la foi luthrienne ils furent surpris par la dclaration de guerre, et ne purent quitter Todtmoos temps.

    Aprs bien des pripties, il retourne en Russie, Saint Petersbourg, transform entre-temps en Petrograd.

    En 1915, il crit un article intitul Il est temps de se rveiller ! Rveillons-nous qui parait dans le grand quotidien Birjeviya Viedomosti, et dans lequel il exhorte la jeunesse. Cet article ayant eu un grand cho, il fonde avec quelques amis un Bureau dorganisation qui entre en contact avec la Socit Impriale Technique Russe, et orga-nise avec elle le Comit dAide Technique Militaire des Associations Scientifiques et Techniques Runies (kovotep).

    Trs rapidement, ce Comit devint la troisime grande organisation publique en Russie, ct du Comit de la Production industrielle Militaire et du Zemgor (Comit des organisations rurales et municipales runies), et il joua un rle considrable dans la rvolution de 1917. En effet, cest ce comit qui organisa les premires polices rvo-lutionnaires.

    Install lInstitut Mariinsky ( lpoque du F Kerensky), le Comit se transfor-ma en Comit de lEducation Sociale et Politique, sous la prsidence dhonneur de la Grand-mre de la Rvolution , la vieille rvolutionnaire Brechko-Brechkovskaya, et Tchakhotine forma les Soviets des dlgus des Travailleurs intellectuels.

    Entre-temps, Lnine tait revenu en Russie. Tchakhotine, membre du parti de Plekhanov, laile extrme-gauche des sociaux-dmocrates, tait trs proche des ides de Lnine.

    Mais les bolcheviks voyant lpoque dans chaque intellectuel un bourgeois et un contre-rvolutionnaire , les relations entre le gouvernement sovitique et le Soviet des Dputs des Travailleurs Intellectuels senvenimrent de plus en plus, au point quen dcembre 1917, lors de la grve des fonctionnaires des institutions gou-vernementales laquelle le Soviet des Dputs avait pris une part active, la police perquisitionna au sige de lorganisation et Tchakhotine fut arrt. Relch, un ordre darrestation fut lanc contre lui au dbut de lanne 1918. Prvenu temps, il senfuit en direction du sud.

    Un gouvernement de l Archigrande Arme du Don ainsi se nommait ltat nouveau de la rgion du Don avait t form Novotcherkassk avec, sa tte, le gnral cosaque Krassnoff. Dans ce gouvernement, le poste de ministre des affaires trangres avait t confi au gnral Bogayevsky qui connaissait Serge Tchakhotine et qui, au courant de ses connaissances en langues trangres, lui proposa le poste de directeur de lInformation dans son ministre.

    A ce poste, des documents secrets lui passaient entre les mains et ce fut ainsi quil dcouvrit que Krassnoff faisait des avances aux Allemands qui occupaient alors lUkraine et cherchait obtenir de lAllemagne la reconnaissance de lindpendance du Don et de lui-mme comme Chef-ataman de ltat nouvellement cr. Aussi

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    Tchakhotine, tant contre ce projet, prpara-t-il un rapport secret quil transmit au Grand Cercle , le Parlement du Don, accusant Krassnoff de trahison. Mais Krassnoff obtint quand mme la majorit au Parlement et Tchakhotine dont la tte avait t mise prix partit rapidement pour Ekaterinodar, dans la rgion du Kouban, o se trouvait lArme Volontaire dirige par le gnral Alexeieff.

    Arriv destination, il se prsenta au prsident du Conseil des Ministres, le gn-ral Dragomiroff, qui il raconta son histoire. Quelques jours plus tard, il tait charg dorganiser une section dinformation et de propagande de larme, qui prit le nom dosvag (osv : les premires lettres du mot information en russe, et ag : agitation) (2).

    La grande guerre touchant sa fin les Allemands abandonnaient lUkraine les flottes allies, aprs avoir forc le passage travers le dtroit des Dardanelles pn-traient dans la Mer Noire, des missions militaires anglaise et franaise arrivrent Ekaterinodar et, ayant visit losvag, furent trs surprises de lampleur et des formes de la propagande dveloppe par Tchakhotine losvag reoit le nom de ministre de la Propagande ; elle est transfre Rostov et lon place sa tte un trs riche poli-ticien cosaque de la rgion, Paramonoff.

    Las des vicissitudes et des dboires vcus en Russie, Serge Tchakhotine part en 1919 avec sa famille pour Paris. Cest cette poque quil se rendit compte que les intellec-tuels rvolutionnaires et, en particulier, lui-mme, avaient emprunt une fausse route, menant, comme il tait vident, dans la direction qui tait contraire aux espoirs et aux intrts des masses populaires .

    Lui qui allait devenir un spcialiste de la propagande politique, avait t manipul par des gens plus forts que lui, les vritables inspirateurs de la Rvolution bolchevique dont jai parl dans mes prcdents livres. Comme nous allons le voir au fil de cette tude, ce ne sera pas la dernire fois que Tchakhotine sera manipul.

    Il prit donc la dcision de reprendre ses travaux scientifiques. Le prince Albert de Monaco, lui-mme zoologiste, lui offrit alors de travailler dans son Muse Ocanographique. Toutefois, Tchakhotine navait pas pour autant abandonn son rve : ldification du socialisme. Bien que stant rendu compte de son erreur, il fit paratre plusieurs articles dans des journaux yougoslaves il travaillait alors lIns-titut de Zagreb (1921) favorables aux bolcheviques, et il tait membre du Comit directeur du journal Nakanune (3).

    A ceux qui le lui reprochaient ou sen tonnaient, il rpondait que la lutte des l-ments avancs des intellectuels russes, surtout des migrs, contre les bolcheviques, soutenus par les masses populaires, non seulement tait sans effet, mais tait mme criminelle, car elle faisait durer le dsordre et empchait le rtablissement rapide des forces conomiques et culturelles du pays. Cest dans cet esprit quil publia la brochure A Canossa, qui tait un appel aux intellectuels russes.

    Aprs Zagreb, il se rendit en Italie, Gnes, o avait lieu la premire Confrence in-ternationale laquelle prenaient part, pour la premire fois, des dlgus de la Russie sovitique. L, il fit la connaissance de Tchitchrine, commissaire du Peuple pour les Affaires trangres, de Vorosky, de Ioffe, de Litvinov et de Krassine qui tait alors

    2 Information scrit osviedomlenie ; agitation scrit agitatsia.3 Nakanune, organe du mouvement des intellectuels qui paraissait Berlin, qui, sans tre communiste, nen soutenait pas moins la cause de la Russie sovitique.

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    directeur de la Reprsentation commerciale sovitique Berlin.Ce dernier proposa Tchakhotine, spcialis dans lorganisation rationnelle, de

    venir Berlin afin dy faire une enqute sur le travail au sein de cette Reprsentation. Dans le mme temps, il faisait paratre Berlin un livre ayant pour titre : LOrganisation. Principes et mthodes dans lindustrie, le commerce, ladministration publique et poli-tique, dans lequel il prconisait lide de lorganisation rationnelle du travail, calqu sur le principe de lingnieur amricain Frederick Winslow Taylor, qui avait cr dans lindustrie le mouvement connu sous le nom de taylorisme, ou organisation scienti-fique du travail.

    En Union Sovitique, on sintressait de trs prs ce problme et Abram Samolovitch Gallop, chef de linotorg et ami de Tchakhotine, introduisit son ou-vrage en u.r.s.s., o il fut rimprim plusieurs fois.

    Le Commissaire du Peuple r.k.i. (Inspection Ouvrire et Paysanne) lui proposa alors dditer par ses soins un ouvrage de bibliographie europenne des livres sur lor-ganisation scientifique du travail, qui servirait de manuel en Russie pour ltude de ces questions. Ce qui fut fait rapidement.

    Couronnant son ralliement au nouvel tat, il reoit quelque temps aprs, Berlin, de lAmbassade, la citoyennet sovitique.

    Au cours de lautomne 1924, il passe dfinitivement la Reprsentation Commerciale Sovitique et y organise une section dorganisation, donne des leons dorganisation scientifique du travail aux employs de cet office et, de ce fait, contribuera grande-ment la technique dorganisation administrative pour les plans quinquennaux. Dans le mme temps, il tait membre de la Socit Allemande dOrganisation (g.f.o.). Il dmissionnera quelque temps aprs de la Reprsentation Commerciale Sovitique cause du surmenage. Il partit dabord en Bavire du Sud, puis retourna Gnes o il reprit ses travaux scientifiques avec son ami le professeur Benedicenti.

    En 1930, il reoit une bourse de la Research Corporation de New York, afin quil puisse continuer ses recherches en toute tranquillit, et ceci pour trois ans, Heidelberg, lInstitut de biologie dpendant de la grande socit allemande, la Kaiser Wilhelm Gesellschaft.

    Au sein de cet Institut, il travailla assidment la constitution de son vaste fichier baptis m. t. (Masse-Temps), vritable ordinateur manuel, ce qui le place, de ce fait, en tant que lun des prcurseurs dans ce domaine.

    La rputation de sa mthode tait telle que ses collgues la baptisrent la machine penser et quelle se rpandit lextrieur de lInstitut. Au point que M. Borntrger, un grand diteur de Berlin, vint Heidelberg en 1932 pour conclure un accord afin dditer ce fichier tel quel, cest--dire sous forme de fiches. Il accepta mme la propo-sition de Tchakhotine de lditer non seulement en allemand, mais aussi en espranto, langage que Tchakhotine jugeait absolument ncessaire pour le succs des relations scientifiques internationales et quil enseignait, en dehors de son travail, aux jeunes ouvriers. Cest montrer limportance de sa mthode.

    Ce travail, bien que commenc, naboutit jamais, car lanne suivante, Adolf Hitler arrivait au pouvoir et, comme Tchakhotine tait un adversaire du rgime national-so-cialiste, lditeur se retira.

    Il fait connaissance, la mme anne, du social-dmocrate russe Alexandre

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    Mikhailovitch Chiffrine qui tait alors rdacteur dans un grand journal de Mannheim. La situation politique allemande attirait de plus en plus lattention de Tchakhotine, et cest cette poque que lui vint lide de biffer les croix gammes dessines un peu partout en Allemagne. En biffant la croix gamme, son ide tait dimplanter dans les cerveaux de ceux qui percevaient visuellement cette nouvelle image (la croix gamme biffe, cest--dire battue, affaiblie) un nouveau rflexe conditionn, profitable au parti qui lavait biffe. Convoquant une dizaine de ses jeunes ouvriers esprantistes et des jeunes socialistes, il leur remit des btons de craie en leur expliquant ce quil attendait deux, en leur recommandant de donner ce trait la forme dune flche, puis, trs vite, de trois flches (4).

    A partir de ce moment, aid de Chiffrine, il fit plusieurs confrences et se lia troi-tement avec un jeune dput de Darmstadt au Reichstag, le docteur Mierendorff. En 1932, ils formaient au sein du parti social-dmocrate une organisation para-militaire trs connue, sous le nom dEiserne front (Front dAirain) dirige par le social-dmo-crate Hltermann, avec lequel Mierendorff entretenait de bonnes relations.

    Tout en poursuivant son activit scientifique, il continue laborer des plans poli-tiques. Il prpare pour le parti tout un programme organique de lutte contre Hitler, en proposant une technique nouvelle, fonde sur des donnes scientifiques ; il sagis-sait de crer chez les masses populaires passives un rflexe conditionn en employant des symboles politiques qui ne seraient dans ce cas pas autre chose que des excitants conditionnels sinspirant des travaux de Pavlov.

    Il russit si bien dans son action que Hltermann le nomma chef de propagande du Front dAirain et quil reut le sobriquet de Gbbels rouge .. Mais rapidement, il sattira la mfiance de certains chefs du parti qui voyaient dun mauvais il ses pro-cds auxquels ils ntaient pas habitus, et qui, rapidement, mirent en avant le fait qutant citoyen sovitique, il faisait laffaire des communistes ; les fonds importants dont disposait alors le Front dAirain samenuisrent, ce qui eut pour effet de freiner le dveloppement de la campagne lance par Tchakhotine.

    Nanmoins, il ne se tenait pas battu pour autant et, lors des lections dans ltat de Hesse, il organisa, en compagnie de Mierendorff, une campagne lectorale monstre sous le signe des trois flches. Se fondant sur le principe de lefficacit maximum de rflexes conditionns, tablis base de linstinct de lutte, il conut toute la propagande mettre sur pied cette occasion, comme devant faire appel cet instinct.

    Ne disposant pas des fonds ncessaires, il avait russi financer cette campagne par la vente des insignes aux trois flches quon portait la boutonnire. En deux se-maines, plus de 50 000 furent vendus Darmstadt, bien quil ny eut dans cette ville que 10 000 membres du parti social-dmocrate. Sur ces entrefaites, il fut appel Berlin afin dexposer ses ides devant les dirigeants du parti social-dmocrate. L, le parti accepta officiellement de prendre pour symbole les trois flches, le cri de ralliement Freiheit (Libert) et le geste du poing lev.

    Il employait les mmes mthodes que son adversaire, au point de faire dfiler les membres du Front dAirain en uniforme, marchant au pas cadenc et portant des dra-4 Au Rite Ecossais Ancien et Accept, 21e degr (Noachite), lemblme est justement une flche la pointe en bas. Tchakhotine frquentait dj un nombre impressionnant de francs-maons, aussi on peut se poser la question de savoir sil y aurait un rapport. Il aurait t trs simple de lui suggrer le fait.

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    peaux flchs, aux sons de marches militaires. Il savait tout comme Hitler que la vue des troupes en uniforme marchant au pas et au rythme de la musique, avait toujours excit les foules. Il avait donc galement introduit cette pratique au Front dAirain.

    Il forma de grandes manifestations-cortges, divises en plusieurs groupes qui de-vaient avoir les fonctions psychiques suivantes :

    1er cortge : Susciter un sentiment dmotion, de compassion et de rvolte. Faire souffrir la foule.

    2e cortge : Provoquer un effet dynamique, dexcitation et denthousiasme, dmotion.

    3e cortge : Susciter lironie, la moquerie. Son but tait de donner aux specta-teurs un rpit, la possibilit de se remettre de lmotion cause par le deuxime cortge.

    4e cortge : Etait consacr lidal et aux rclamations politiques, la fraternit des peuples.

    5e cortge : La victoire, reprsente par de fraches et belles jeunes filles. 6e cortge : Linvitation laction, voter pour le parti. Tchakhotine avait mme

    prvu, afin de sensibiliser encore plus les spectateurs, pour mettre leurs nerfs en dsquilibre et rehausser le degr de leur excitation par le bruit, denvoyer un groupe de motocyclistes tourner sans arrt autour du cortge.

    Cette mthode fut donc employe en Hesse et russit, puisque son parti gagna largement contre celui dHitler. Mais le gouvernement Hindenburg-von Papen inter-dit toutes les manifestations en uniforme. Mme des dirigeants du propre parti de Tchakhotine, tels Otto Wels et Breitscheid, adressrent Hindenburg, le 17 juillet, un tlgramme portant leurs signatures et dans lequel ils le suppliaient dinterdire les manifestations et le port de luniforme.

    Toujours pas battu pour autant, Tchakhotine organise meetings sur meetings. Au cours dun de ceux-ci, il reoit le dput du Labour Party, Ellen Wilkinson, minente dirigeante de la Fabian Society.

    Mais le 20 juillet 1932, le ministre social-dmocrate Severing, chef de la Bannire du Reich , abandonnait le combat et, partir de ce moment, la propagande de Tchakhotine tomba petit petit en dsutude. Aux lections du 31 juillet, si Hitler ne gagna pas, le parti social-dmocrate perdait plus dun million de votes. Tchakhotine se retire nouveau de la scne politique.

    Partant vers la fin de lt 1932 pour Rome afin dassister au Congrs internatio-nal de physiologie, il rencontre son matre penser, Pavlov, qui il raconte son essai dappliquer sa doctrine des rflexes conditionns la politique dans sa lutte contre Hitler. De retour en Allemagne, il assiste lavnement au pouvoir dAdolf Hitler. Son domicile et son laboratoire sont perquisitionns. Rien nayant t trouv, on le laisse en paix. Quelque temps aprs, il partait pour Gnes, chez son ami Benedicenti, et reprend ses travaux scientifiques.

    A nouveau de retour Heidelberg, il ny reste pas longtemps, le prsident de lInsti-tut linvitant quitter rapidement celui-ci, tant donn quil stait ml de la politique allemande malgr sa nationalit trangre.

    Dcidant alors de quitter lAllemagne, il se rend au Danemark, Copenhague, o il

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    est accueilli par son amie Charlotte Weigert. Cette dernire tait trs amie avec Mme Xenia Jacobsen, veuve du propritaire de la fameuse brasserie Carlsberg, qui hbergea Tchakhotine dans sa proprit portant, fort curieusement, le nom de Svastika Il trouva galement du travail lInstitut de Pathologie Gnrale de luniversit de Copenhague, dirige par le professeur Oluf Thomsen, un autre grand ami de Charlotte Weigert. Cest l quil fit la connaissance du grand physicien atomiste, le professeur Niels Bohr. Entre-temps, le virus de la politique le reprenant, il se mit crire des articles dans les journaux danois et prit contact avec les principaux leaders du parti social-dmocrate.

    Entre-temps, son amie Charlotte Weigert, qui le suivra tout au long de ses prigri-nations davant-guerre, tait devenue une anthroposophe convaincue, cest--dire une adepte des ides de Rudolph Steiner. Ce dernier (1861-1925), avait t le secrtaire de la Socit Thosophique Berlin et tait trs li avec le docteur Hubbe Schleiden, secr-taire gnral de la Socit Thosophique dAllemagne et prsident de plusieurs socits secrtes allemandes telles que les Templiers Noirs ou lOrdre rosicrucien. Dautre part, Steiner tait en contact troit avec la Golden Dawn et lOrdo Templi Orientis (o. t. o.).

    Au dbut, Tchakhotine resta totalement tranger cette doctrine cause de son mysticisme et de sa philosophie pseudo-scientifique. Mais, press par son amie, il aborda la lecture des uvres de Steiner, sintressa leurythmie, Expression plastique de la mentalit anthroposophe, et crivit quelques vers sur ce thme. Cest dailleurs en prenant des leons deurythmie quil fit la connaissance de Tatiana Dimitrievna Semionova dont le mari travaillait Nakanune lve passionne du fameux mage Gurdjiev.

    Ayant appris quEinstein quil connaissait bien avait quitt lAllemagne et se trouvait aux Pays-Bas, il prit immdiatement lavion pour le rencontrer. Mais Einstein avait quitt ce pays pour la Belgique et rsidait Coq-sur-Mer. Il sy rendit aussitt pour apprendre quentre-temps, le savant tait parti pour Londres. Ayant obtenu mi visa britannique Bruxelles, il finit par rencontrer Einstein. De retour Copenhague, il se replonge dans la politique et entretient une correspondance avec Henri Barbusse, ce qui lui permet de se tenir au courant des tendances politiques dans les milieux intel-lectuels franais.

    Tchakhotine mena une propagande intensive au sein des Jeunesses socialistes da-noises, qui adoptrent le symbole des trois flches. Il crivit et publia un livre en danois Trepil mod Hagekors (Les trois flches contre la croix gamme) qui souleva lenthou-siasme parmi les jeunes, mais lui attira lhostilit des milieux dirigeants du parti ; en effet, dans son ouvrage, il critiquait ouvertement leurs collgues allemands avec les-quels ils avaient beaucoup en commun.

    Nayant plus la possibilit politique dentreprendre ce quil avait envie de faire au Danemark, il dcide de partir pour la France. Faisant tout dabord un voyage de recon-naissance, il sarrte tout dabord Londres o il rend visite Ellen Wilkinson, de la Fabian Society, puis Bruxelles, o il rencontre le synarque belge Henri de Man, alors vice-prsident du Parti socialiste, et Paul Odet, de lu.a.i. (5).

    Arriv Paris (1934), il se lie avec Marceau Pivert et Zyromski de la s.f.i.o. et, suivant leur conseil, il fait une confrence lAssociation des Jeunesses Socialistes qui,

    5 Voir La Trilatrale et les Secrets du Mondialisme.

  • du viol des foules la Synarchie ou le complot permanent

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    emballs, adoptrent immdiatement le symbole des trois flches.Cest la mme poque quil reoit une invitation de Stafford Cripps, dirigeant de

    la Fabian Society et proche de la Pilgrims, qui le prie de venir faire une confrence sur ses ides et ses mthodes de combat devant les lments du Labour Party. Cette conf-rence naura pas lieu, Tchakhotine nayant jamais russi obtenir un visa.

    Entre-temps, il se rend Bruxelles, o il prend la parole devant les membres de lu.s.a.f., les jeunesses socialistes belges. De retour en France, il se lie avec le dput radical Gaston Bergery qui publiait le journal La Flche et dont le mouvement Front Commun avait adopt lune des trois flches du Front dAirain (6).

    Revenu Copenhague, il prpara son dmnagement Paris o, de retour, il retrouve des amis denfance, George Zousmann, le docteur Popovsky, le docteur Likhnitzky et le violoncelliste Bogroff. Quarante annes auparavant, ils avaient fond LAmicale des Cinq au gymnase dOdessa.

    Avec bien des difficults, il sinstalle au laboratoire dvolution de la Sorbonne grce au professeur Maurice Caullery, qui essaya mme de lui faire obtenir, sans succs, une bourse auprs de la Fondation Rockefeller. Paralllement ses travaux scientifiques, il organisa, la demande de Gaston Bergery dont il se sparera quelque temps plus tard des meetings la salle Wagram.

    Au dbut de lanne 1935, Caullery lui procura des fonds de lAcadmie des Sciences afin que Tchakhotine puisse poursuivre ses travaux. Se liant avec Jean Nocher, lun des fondateurs des groupes j.e.u.n.e.s. Jeunes Equipes Unies pour la Nouvelle conomie Sociale , ce dernier y donne plusieurs confrences et prend une part active lorga-nisation des Jeunesses Socialistes et la Fdration de la Seine du Parti s.f.i.o., o Marceau Pivert fut lu secrtaire gnral. Au sein de cette dernire, Tchakhotine fit un cours de propagande, dirig par lavocat Andr Weil-Curiel.

    Dans Les Militants, Raymond Abellio crit : Sous linfluence dun certain Serge Tchakhotine, que Marceau Pivert avait pr-

    sent la Gauche rvolutionnaire sous le pseudonyme de professeur Flamm (en ralit docteur Flamme. ndlr) et qui devait publier plus tard, en 1939, un ouvrage vite clbre : Le Viol des Foules par la propagande politique, la Gauche rvolutionnaire, ses dbuts, sappliquait tirer quelque leon des mthodes de la propagande fasciste, notamment pour la mise en scne des runions, les uniformes, les chants rgls et les symboles... Pour barrer sur les murs la croix gamme des nazis, Tchakhotine avait in-vent le fameux trident flches obliques dont la social-dmocratie allemande, daprs

    6 La s.f.i.o. utilisera comme symbole pour sa propagande politique trois flches parallles diriges vers le bas et inclines vers la gauche. Avec la disparition de la s.f.i.o., les trois flches furent, elles aussi, abandonnes. Le nouveau Parti socialiste adopta le poing la rose .. Cr par la fdration de Paris du Parti socialiste, ce poing brandissant une rose symbolise lner-gie, la force, la volont des travailleurs se saisissant du bonheur reprsent par la fragile rose, toute dharmonie et de dlicatesse, Expression vivante de laspiration un monde meilleur. (Le Monde, 20 novembre 1971).Ce qui est plus intressant, cest de savoir qu Indpendamment de son rle dans les divers Rites de Rose-Croix, la Rose est la fois symbole de Beaut et de Secret... Sur un plan plus mystique, la Rose peut tre conue comme le symbole de la Paix et de lIllumination... La fleur quest la rose (rouge) est utilise dans certaines crmonies : adoption, crmonies funbres, initiation mme. (Dictionnaire Universel de la Franc-Maonnerie. Editions du Prisme, 1974.)

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    lui, navait pas su se servir. Le mouvement des jeunesses socialistes de la Drme, qui ne tarda pas grouper deux bonnes centaines dadhrents, tint ses premiers succs ces nouveauts. Sa prsentation au public, la salle des ftes de Valence, avec une trentaine de jeunes en chemise bleue frappe de lcusson aux trois flches rouges et chantant sur la scne lhymne de La Jeune Garde, suscita dans lassistance une motion qui se libra dans un soudain enthousiasme. A la fin du premier couplet, spontan-ment, les quinze cents auditeurs se levrent, le poing dress, et reprirent en chur le refrain. (7).

    En 1937, participant au Congrs International du Cancer Bruxelles, il fait la connaissance du physiologiste espagnol Juan Negrin, qui devait devenir ministre-prsident de lEspagne rpublicaine (8). Au moment de la guerre dEspagne, il fait la connaissance du professeur Albert Bayet, lun des dirigeants les plus actifs du Comit de Vigilance antifasciste, de Pierre Cot, alors ministre de lAviation, et mme de Maurice Thorez, chef du Parti communiste, auquel il exposa ses ides sur la propagande et les mthodes dutilisation de cette nouvelle faon dagir. Il rencontra galement Frdric Joliot-Curie, qui appartenait laile gauche du Parti socialiste et qui avait beaucoup de sympathie pour la Russie sovitique, ainsi quHenri Sellier, ministre de la Sant publique, qui entretenait de bonnes relations avec les milieux communistes. Il est aussi en relations avec lconomiste Jacques Duboin, fondateur du Mouvement Franais de lAbondance (m. f. a.).

    Lanne 1937 fut galement celle de lExposition Universelle. Pendant lexposition, eurent lieu Paris une srie de congrs auxquels Tchakhotine prit une part active. Le premier fut le Congrs Esprantiste, puis celui du r. u. p. Rassemblement Universel pour la Paix dont le prsident, pour la France, tait un ami de Tchakhotine, le profes-seur Langevin. Il participe galement au Congrs International de la Documentation, prsid par Paul Otlet, fondateur Bruxelles du Palais Mondial, et o il rencontre H. G. Wells.

    Paralllement, Tchakhotine mne son travail scientifique dans deux directions : au laboratoire du professeur Caullery, sur les problmes de la cytologie exprimentale, et lInstitut Prophylactique du docteur Arthur Vernes, sur le problme du cancer.

    A lautomne 1937, se tient un fait trs important dans la vie de Serge Tchakhotine. Lors dune confrence organise par le Centre dOrganisation Scientifique du Travail (c. o. s. t.), il fait la connaissance de Jean Coutrot, patron du trs secret Mouvement Synarchique dEmpire (m. s. e.). En compagnie des conomistes les frres Guillaume, Coutrot tait linitiateur et la cheville ouvrire du Centre dtudes des Problmes 7 Les Militants, Raymond Abellio, Gallimard 1975, pp. 253-254. Note : Jean Zyromski, ami de Tchakhotine, tait ancien dirigeant de la s.f.i.o., membre du comit de patronage de la revue marxiste Cahiers Internationaux et tait au Parti socialiste Ouvrier et Paysan. (p.s.o.p.), avec Andr Weil-Curiel et Georges Soules (Raymond Abellio), futur secrtaire gnral du Mouvement Social Rvolutionnaire (m.s.r.) dEugne Deloncle. Jean Zyromski ami de Raymond Abellio et qui mourut dans les prisons de lpuration , tait en fait un bolchevik qui ne militait quen vue du rtablissement de lunit ouvrire rompue en dcembre 1920 au Congrs de Tours. Sa violence la tribune allait du martlement saccad la frnsie hurlante coupe dtranglement (Les Militants, p. 91). Voir en annexe I, la reproduction de la lettre de Tchakhotine Zyromski date du 29 juin 1934.8 Negrin tait mari une Russe ; il parlait cette langue et allait trs souvent Moscou o ses enfants taient lcole.

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    Humains (c. e. p. h.), association dintellectuels qui se runissaient deux fois lan aux alentours de Paris, la vieille abbaye de Pontigny, endroit o Tchakhotine fit plusieurs confrences.

    Les frres Guillaume, qui avaient entrepris une srie de travaux sur lconom-trie, taient des adeptes de lide de lHumanisme conomique et publiaient une re-vue du mme nom. Dans le cadre de la commission psycho-biologique du c. e. p. h., Tchakhotine fit des confrences sur la doctrine de Pavlov propos des rflexes condi-tionns et sur le viol psychique des masses en politique, ainsi que sur lemploi des m-thodes rationnelles dans lactivit scientifique, et notamment dans lactivit cratrice.

    Dtail de grande importance : peu de temps avant la seconde guerre mondiale, ce furent Coutrot et des membres du c. e. p. h. qui incitrent Tchakhotine crire un ou-vrage relatif ses ides se rapportant aux liens de la politique et de la science. Termin, cet ouvrage sintitulera Le Viol des Foules par la propagande politique. Lors dune confrence du c. e. p. h., labbaye de Pontigny, o il fit un expos sur les vnements qui prcdrent la capitulation de Munich, il fait la connaissance du docteur Arthus qui lui propose de donner une srie de leons lInstitut de Psychologie Applique (i. p. s. a.) quil venait de crer. Il y fait galement la connaissance du docteur Martiny qui visita le laboratoire de Tchakhotine en compagnie du docteur Mondain, directeur du grand hpital Leopold-Bellan, o. Martiny travaillait. Mondain lui propose alors de transfrer ses travaux lhpital Hellen, o il met un laboratoire sa disposition.

    Nous verrons plus loin que tous ces dtails ont une grande importance.Dans le mme temps, il se met travailler intensment son livre sur la violence

    psychique exerce sur les masses par la propagande politique et, grce son fichier Masse-Temps il put terminer son livre vers la fin de lanne 1938.

    Sur les conseils de Coutrot et du c. e. p. h., il propose son manuscrit la maison Gallimard qui accepte de lditer aprs que lcrivain Jean Paulhan, ayant lu le manus-crit, et donn un avis trs favorable. La maison Gallimard mit comme condition son dition une certaine rvision, en insistant sur la ncessit dliminer quelques Expressions qui lui paraissaient trop crues. Tchakhotine refusa. Mais, press par ses amis du c. e. p. h., il donna son consentement une certaine rvision du texte qui se fit en collaboration avec lcrivain Robert Aron. Cest dailleurs Aron qui trouva le titre final.

    Le professeur Langevin, communiste notoire et qui sympathisait avec les ides de Tchakhotine, lui promit une prface pour Le Viol des Foules. Mais lditeur, prenant en considration lopinion publique, apprhendait que le nom de Langevin pt confrer au livre une couleur politique trop prononce... Langevin lui-mme tomba daccord avec ce raisonnement et Tchakhotine dut renoncer sa prface.

    Il fait alors connaissance avec lcrivain et psychanalyste franco-russe Monod-Herzen, petit-fils dAlexandre Herzen, crivain et critique politique russe ; du psycho-logue et propagandiste amricain Leites, quil avait en fait connu Berlin en 1932, ainsi que de lancien ministre catalan de la propagande rpublicaine, Miretvilles.

    Tout nallait pas bien pour autant... En effet, recevant lexemplaire pagin du Viol des Foules, Tchakhotine trouve curieux quil ne soit pas accompagn des preuves pr-cdentes et commence donc comparer, grce une copie quil avait garde, cette copie pagine avec son manuscrit. Il dcouvrit ainsi que son livre avait t censur.

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    Des phrases entires et des mots isols avaient t supprims et dautres changs. On avait plus prcisment enlev ce qui pouvait paratre dsagrable aux yeux de la poli-tique nationale socialiste allemande et fasciste italienne, ainsi que les donnes par trop positives au sujet de la Russie sovitique.

    Cette censure avait t opre pour des raisons diplomatiques. En effet, le ministre des Affaires trangres, Georges Bonnet (9), ayant eu vent quun ouvrage sur ce su-jet devait paratre chez Gallimard, en rclama les preuves et les soumit la cen-sure le plus simplement du monde. Monod conseilla Tchakhotine de sadresser Me Amde Dunand, menaant ainsi Gallimard dun procs retentissant. Le repr-sentant de Gallimard, Me Garon, jugea plus prudent de reconnatre le bon droit de Tchakhotine et tout rentra dans lordre.

    Mais indirectement, le but du ministre des Affaires trangres tait atteint. Cette affaire avait considrablement retard la sortie de louvrage, et ce nest que le 20 juillet 1939 un mois et demi avant la guerre quil parut.

    Dans ce livre, le professeur Tchakhotine dmontre dune faon magistrale quen jouant consciemment ou non sur les instincts de conservation comme de reproduc-tion de lhomme noy au sein de la foule, on peut obtenir de la foule elle-mme et mme des masses humaines en gnral toutes les ractions que lon dsire pourvu que le sujet soit convenablement hypnotis, et que ses impulsions soient guides dans le sens qui convient le mieux son niveau intellectuel, social, physique, etc.

    Cest ce quil appelle Le viol psychique des masses par la propagande politique .Bien qucrit par un homme qui prit une part active la Rvolution russe (10), cet

    ouvrage et lon sen doute tant donn le sujet , est totalement interdit en u.r.s.s.Un exemplaire se trouve la bibliothque Lnine. Il a t traduit en russe, mais nest

    communiqu qu des citoyens ayant toutes les qualits requises pour se servir du contenu qui est, notre avis, une petite bombe retardement...

    Cest ainsi quon peut lire la page 47 de son livre Le Viol des Foules dans le chapitre sur la psycho-physiologie compare qu en u.r.s.s., on a procd une extension des recherches sur les rflexes conditionns, en crant des laboratoires sp-ciaux pour ltude de la physiologie compare du systme nerveux... et, la page 124 chapitre sur la rflexologie et pdagogie qu on peut entrevoir des rapports trs nets entre lducation, dune part, et la propagande et la publicit, de lautre, car lune et lautre cherchent agir sur les mmes mcanismes essentiels de lhomme et former des rflexes conditionns appropris .

    Tchakhotine crivait galement que lignorance est donc le meilleur milieu pour former des masses se prtant facilement la suggestion. On la toujours su mais, grce Pavlov, on est en tat aujourdhui de comprendre la raison physiologique de ce fait capital dans le domaine social et politique . (p. 45.)

    En clair, ceci revient dire quun petit groupe aura la haute main, par le systme de la manipulation psychique, sur la masse. H. G. Wells, grand admirateur des ides de

    9 La raison en tait fort simple : le 6 dcembre 1938, Georges Bonnet avait sign un acte de bon voisinage avec von Ribbentrop. Le soir, il y eut, au Quai dOrsay, un dner o tait prsent Daniel Serruys, synarque fide-commissaire de la Banque Lazard Frres. Nous aurons loccasion de reparler de cet individu.10 Le Monde, 5 janvier 1974.

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    Tchakhotine, disait lui-mme que, pour conduire les masses populaires sur cette voie (le socialisme visage humain !), cela ne pourra tre que luvre en premier lieu dun Ordre dhommes et de femmes, anims dun esprit combatif, religieusement dvous lide, qui sefforceront dtablir et dimposer une nouvelle forme de vie lespce humaine (11).

    Cette mthode de viol psychique est relativement au point puisquil est prouv, la suite des recherches statistiques de ces dernires annes, quet peine 10 % des individus sont capables de rsister la technique de la propagande affective se fondant sur les lois des rflexes conditionns, les 90 % succombant automatiquement au viol psychique.

    Tchakhotine explique dailleurs fort bien le pourquoi de cette emprise. Il dit en effet que la diffrence indiscutable que lon constate entre les hommes est due ce que les hommes nont pas tous la mme histoire individuelle : les uns, plus favoriss par le destin, ont pu sapproprier des connaissances et exercer leurs mcanismes psychiques leur garantissant la facult de discerner, de se dfendre contre le viol psychique, les autres la majorit plus primaires cause de leur ducation, domins par les n-cessits de la lutte pour lexistence et les conditions sociales de leur vie qui forgent leur psychisme, deviennent facilement la proie des machinations des aventuriers et des usurpateurs, et sont incapables de leur rsister, mme si leurs intrts immdiats et vitaux sy opposent.

    Ce phnomne est facilit par le fait biologique et psychologique, mis en vidence par J. Monnerot (12), que "des individus, rduits une vie animalement prive, adhrent ce qui dgage une certaine chaleur humaine, cest--dire ce qui a group dj beau-coup dindividus. Ils ressentent lattraction sociale dune manire directe et brutale" (pp. 540-550).

    Ceci expliquant cela, on comprend un peu mieux maintenant le rle trs impor-tant jou par les grandes coles comme Polytechnique, Harvard, Oxford, les Rhodes Scholars, le Ruskin College, la London School of Economics, le.n.a., etc., au sein des-quelles on forme les 10 % chargs ou qui seront chargs de manipuler et de contrler les 90 % ou masse , bien queux-mmes soient, leur tour, manipuls par le fameux 1 % qui a pratiquement la haute main sur toutes les donnes mondiales et que jai tudi dans mes trois premiers livres.

    Cela explique galement la multiplication et le rle important des partis politiques et des syndicats qui, crant les antagonismes et les conflits do rsultent batailles st-riles, grves stupides et chmage, font que ces 90 % sont perptuellement en lutte pour leur existence et leur condition sociale, problmes qui, les affaiblissant moralement et physiquement, en font des proies toutes rves pour les machinations politiques en tout genre...

    A titre dexemple de viol psychique des foules hors du commun : lAffaire de latten-tat de la rue Copernic, en octobre 1980, o une bombe explosa la hauteur dune

    11 The Shape of Things to Come (The Ultimate Revolution), 1933. Hutchinson. London. Il est. curieux de constater que dans le Pacte Synarchique dEmpire, la proposition 255 tait ainsi libelle : La rvolution prventive doit donc tre installe au cur de ltat et servie par une lite synarchiste dans un plein esprit de sacrifice. 12 Sociologie du Communisme, par J. Monnerot, 1949. Gallimard, cit par J.-M. Dome-nach, La propagande politique, 1950. p.u.f. Srie Que sais-je ? n 448, p. 11.

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    synagogue...En moins de temps quil nen faut pour le dire, la presse, la tlvision, la radio, les

    syndicats et les partis, tous ventails politiques dploys, de la gauche la droite, mus par on ne sait quel mystrieux ressort, se sont mis immdiatement hurler au nazisme, au fascisme et, bien entendu, lantismitisme. Cet attentat ne pouvait tre et sur-tout ne devait tre aux yeux du grand public, que loeuvre de la bte nazie ressus-cite , dignobles mules dAdolf Hitler, bref de sales antismites...

    Rsultat psychique, ds le lendemain, toutes les organisations politiques, syndicales et, bien entendu, juives, appelrent une grande manifestation unitaire contre lanti-smitisme et le nazisme. Et, naturellement, tout ce beau monde descendit dans la rue, bras dessus bras dessous ; ctait celui qui ferait (parmi les hommes politiques) la dclaration la plus tonitruante contre lantismitisme et le nazisme ; des violences et des exactions furent commises sur des individus, sur le simple prtexte quils taient habills de telle ou telle faon... et tout cela sans que personne ne chercht vrifier, rflchir, tant donn quaucune enqute policire navait encore pu tre mene A son terme.

    Quelques jours aprs, on apprenait quen fin de compte, on ne savait pas trs bien qui avait fait le coup (formule consacre). En effet, lenqute sorientait dabord vers les milieux chypriotes, puis arabes, certains allant mme sans recevoir de dmen-tis jusqu crire que ce serait le mossad, cest--dire les services secrets israliens, qui auraient fait le coup afin de resserrer les liens de la communaut juive (13). En tout cas, quoi quil en soit, plus question de piste nazie ou antismite, puisque, en date du octobre 1981, Henri Hajdenberg, responsable du Renouveau Juif, interview par Radio J. la radio libre de la communaut juive dclarait, la mort dans lme (on le comprend) : Eh bien, aujourdhui, malheureusement, on peut considrer quil y a malheureusement toutes les conditions qui font que cest certainement un attentat dorigine pro-arabe, pro-palestinienne. Je crois quon (qui, on ?) a t tromp en attribuant cet attentat des extrmistes de droite.... (Rappelons que cest un avocat qui parle )

    Ceci revient dire quil a fallu qu on , lance par lintermdiaire des mdias les mots-cls psychologiquement que sont nazisme antismitisme , extrme-droite ou fascisme , pour que 90 % des individus descendent dans la rue, sans r-flchir, viols psychiquement...

    Et quand je dis 90 %, il ne faut pas oublier que parmi ceux-ci, il y avait un nombre apprciable de membres faisant partie des 10 % reprsentant les partis politiques qui, selon Tchakhotine, sont mme de sapproprier des connaissances et dexercer leurs mcanismes psychiques leur garantissant la facult de discerner, de se dfendre contre le viol psychique ..

    Quelles connaissances ? Quelle facult de discerner ? tant donn que ces 10 % consciemment ou non sont eux-mmes contrls par le 1 % ou on qui fait, lui, rellement la pluie et le beau temps suivant ses intrts. Cest ce 1 % qui orga-nise scientifiquement et sur des bases biologiques, appropries chaque catgorie, le 13 Le Monde, du 15 novembre 1980, titrant La section franaise du congrs mondial juif prpare l '' aprs-Copernic'' crivait : La plupart des dirigeants de la communaut estiment, en effet, quIl y aura un '' aprs-Copernic'' marqu par un renforcement de lidentit juive sous forme, notamment, dun effort accru pour dvelopper la culture et lducation juives.

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    Viol mondial des foules par la propagande politique afin dinstaurer un Gouvernement Mondial dont il sera le matre.

    Ce problme de psychisme . ou de psychologie . est tellement important de nos jours, quaux tats-Unis, par exemple, le budget du Dpartement de la Dfense aux recherches en psychologie est pass de 63,5 millions 105 millions de dollars, et celui de la National Science Foundation, dans le mme domaine, est pass de 8,6 13,4 mil-lions de dollars !

    Cependant, une chose est sre. Tchakhotine, ne serait-ce quen soutenant le prin-cipe de la Rvolution bolchevique, sest fait violer psychiquement par une propagande organise et soutenue par des gens beaucoup plus experts que lui en la matire. Si son livre est aujourdhui quasiment introuvable, cest peut-tre parce quil a mis tout cela par crit et quil dmontre comment cela fonctionne.

    Mais, aprs tout, il nest pas impossible que je me fasse violer psychiquement en vous racontant tout cela !

    Autre point important, son ouvrage est ddi non seulement Pavlov, mais ga-lement mon grand ami H. G. Wells . Or, Wells tait lami et le collaborateur de W. Stead, lun des fondateurs de la Round Table, et organisa avec lui le ministre de la Propagande de guerre lors de la guerre 1914-1918. Dautre part, H. G. Wells, so-cialiste mondialisant, inventeur du New World Order et membre important de la Fabian Society, appartenait, ds 1924, la Society for Cultural Relations between the Peoples of the British Commonwealth and the Union of Socialist Soviet Republics, et fut co-fondateur, quelques annes plus tard, du Realist Magazine avec George Catlin (c.f.r., Pilgrims, Pugwash) qui, comme par hasard, tait lassoci de Clarence Streit (Rhodes Scholar, c.f.r., Federal Union), membre tout comme Catlin dailleurs de la Fondation Rockefeller et fondateur de lAtlantic Union, do sortira le Mouvement Atlantique et, par la suite, tous les drivs que nous avons tudis dans La Trilatrale et les Secrets du Mondialisme (14).

    H. G. Wells, faisant une critique du Viol des Foules, crivait que cet ouvrage est le plus lumineux et complet expos de la psychologie sociale contemporaine. Ce livre traite le sujet de tous les cts et fond. Il analyse le processus historique la lumire dune critique des plus modernes, et le diagnostic des vnements que nous vivons le mne ltablissement convaincant des mesures prendre. Je suis fier daffirmer combien je suis en accord avec les ides exposes dans ce livre aussi magistral que moderne.

    Or, lune des mesures et des ides matresses de louvrage de Tchakhotine tait jus-tement une ide chre Wells : un tat Fdral Mondial auquel Tchakhotine avait tellement bien pens, quil donne la page 505 de son livre un schma de ce quil sera.

    14 Daprs louvrage de Jean-Michel Angebert Les Mystiques du Soleil, publi en 1971 chez Robert Laffont collection Les Enigmes de lUnivers H. G. Wells aurait t membre de la Golden Dawn, socit secrte rattache la Loge du Vril (p. 340).

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    Le voici :une nouvelle structure du monde

    Schma structural de coforces pour la structure de ltat Fdral Mondial. Pm, Assemble lgislative mondiale ; Gm, Gouvernement mondial ; Cm, Conseil fdral mondial ; En, tats nationaux ; rE, reprsentants des tats (o.n.u. actuelle) ; Gf groupes fonctionnels ; f, femmes ; t, travailleurs ; i, intellectuels (forces cuturelles) ; e, ducateurs ; j, jeunesses. c. o. n. i., conf-drations des organisations intellectuelles nationales ; rf, reprsentants des groupes fonction-nels ; ec, lites culturelles ; re, reprsentants des lites culturelles (les grands hommes). La structure dune confdration des organisations intellectuelles nationales est indique en bas du schma : c, confdration ; f, fdrations ; A-P..., associations fdres.

  • du viol des foules la Synarchie ou le complot permanent

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    Dautre part, nous verrons plus loin ltrange similitude de date Tchakhotine a dress ces plans avant-guerre et en prvoyait laboutissement en 1950 entre ce projet et le groupe secret France 1950 de Francis Hekking, lun des plus importants synarques.

    Mais revenons Tchakhotine. La seconde guerre mondiale commence, les dif-ficults surgissent. Il rencontre au Rockefeller Center lun de ses amis de lpoque de Gnes et dHeidelberg, le docteur OBrien, qui lui promet dessayer de lui procurer un visa et les moyens pour aller aux tats-Unis, au Rockefeller Institute.

    Cette dmarche naboutira pas et, le destin faisant bien les choses, cest ce moment quil fait la connaissance, par lintermdiaire du thosophe Monod-Herzen, du profes-seur Girard, directeur de lInstitut de biologie physico-chimique. Entre-temps, la vente de son livre est interdite. Mais, bien quadversaire dclar du IIIe Reich, il ne sera arrt quen 1941 en tant que ressortissant sovitique, lors de la dclaration de guerre de lAllemagne lu.r.s.s.

    Emmen au Fort de Romainville, le lendemain, il est transfr Drancy, puis au camp de Compigne-Royallieu. L, il se lie avec les avocats juifs communistes, Pittard, Hajje et Michel Rolnikas (15) et fait la connaissance dun Amricain trs mystrieux, le docteur Morris B. Sanders qui devait, par la suite, jouer un rle important s.a.l. et coforces et qui sera libr trs rapidement (16). Tchakhotine, quant lui, sera libr le 23 janvier 1942 ; il retournera vivre Paris o il se remettra travailler avec bien des difficults tant donn lpoque avec Sanders (17).

    Ce dernier, qui avait beaucoup de relations dans lentourage dAlexis Carrel, vint plusieurs reprises chez Tchakhotine, avec des gens de Carrel, afin dtudier son fameux fichier Masse-Temps. Il est bon de faire remarquer qua cette poque, les ides de Carrel concidaient, dans les grandes lignes, avec les propres intentions de Tchakhotine et dH. G. Wells.

    Cest cette poque que Sanders joua un rle des plus tranges ct de Tchakhotine.Le docteur M.B. Sanders tait effectivement un curieux personnage. Il tait, de fa-

    on peu prs certaine, membre des services de renseignements amricains (o.s.s.). Il tait dailleurs en troit rapport avec Jrome S. Bruner, directeur des Services Gnraux Service Information des tats-Unis et avec Marguerite L. Richards, du mme service, et quil mit en rapport avec Tchakhotine.

    15 Michel Rolnikas fut lorganisateur de lactivit culturelle durant de nombreuses annes, avant la guerre, dans les organisations juives (p. 55). Crateur dun Comit dintellectuels juifs qui sassociera lorganisation juive de rsistance Solidarit, il dirigera la Ligue Culturelle et sera professeur au Sminaire marxiste-leniniste juif de Paris. Arrt avec le groupe davocats, Pittard, Hajje, cra au camp de Royallieu une organisation de solidarit qui aida puissamment les interns subsister. (p. 208) in Les Juifs dans la Rsistance franaise, 1940-1944, par David Diamant, Le Pavillon, Roger Maria diteur, 1971.16 Le Dr Sanders disparatra compltement de la circulation lpoque de la guerre de Core.17 Il fut libr de Compigne car, parat-il, les Allemands ignoraient que Tchakhotine tait :

    1) lun des dirigeants du Front dAirain ;2) lauteur du Viol des Foules.

    Ce qui est tout de mme assez curieux, tant donn que les Services de Scurit allemands passaient pour les mieux organiss et les mieux renseigns.

  • Yann Moncomble

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    Effectuant un voyage de travail aux tats-Unis en 1945, Sanders rencontre Vannevar Bush, directeur de lOffice of Scientific Research and Development, pendant la guerre, et inventeur dune intricate Calculating machine . Ce dernier, impressionn par la similarit de la conception de lorganisation entre Tchakhotine et lui, propose imm-diatement dans la revue The Scientist Looks at Tomorrow dirige par M. Weeks, directeur de la revue Atlantic Monthly un article dans lequel il met laccent sur les extraordinaires possibilits qui souvriraient si lon mcanisait le fichier Masse-Temps de Tchakhotine.

    Il est un fait que, face aux mthodes amricaines, Tchakhotine travaillait de faon artisanale. Mais son systme m. t. tait rvolutionnaire : ctait, comme je lai dj indiqu, un systme ordinateur manuel. Sanders qui avait dcidment beaucoup de relations et, de ce fait, on peut se demander ce quil faisait auprs de Tchakhotine si ce nest de le surveiller et de noter ses ides pour sen servir , sentretint mme avec le docteur Gregg, de la Rockefeller Foundation, du fichier m. t. .

    Ds le dbut de s.a.l., le professeur Bruner vint voir Tchakhotine et lui demanda de recopier tous les schmas graphiques du systme dorganisation de son fichier m. t. , et lui annona que Le Viol des Foules avait t traduit en amricain et tait devenu un livre dtude dans la section de Relations humaines Princeton. Quelque temps aprs, ctait le docteur OBrien de lInstitut Rockefeller qui, aprs avoir rendu visite H. G. Wells, lui rendait visite afin de se documenter

    Au cours de ce mme voyage, Sanders contacta M. Waldemar Kaempffert, direc-teur du dpartement Sciences au New York Times et auteur de Science Today and Tomorrow, et le mit en rapport avec Tchakhotine ; et le professeur Clyde Miller, fon-dateur de lInstitute for Propaganda Analysis and Associate Professor luniversit de Columbia, prside par son ami Nicholas Murray Butler, directeur de la Carnegie Endowment for International Peace et de la Pilgrims Society.

    Sanders, qui tait membre du Conseil des directeurs de la Carnegie Endowment, avait t rendre visite, ds le dbut, son patron, Malcolm Davis, alors directeur euro-pen de la Carnegie Endowment et membre du c.f.r., afin de lui parler des ides et du travail de Tchakhotine. Sur ce, Davis donne pour directive Sanders de faire contacter Tchakhotine par un expert, en loccurrence le professeur Miller.

    Sanders rencontra galement Bill Cunningham, du Boston Herald, intress par s.a.l. et qui le mit en rapport avec Thomas H. Mahony, un homme de loi de Boston, directeur du Massachusetts Federation for World Peace et qui fut lun des chefs de la Confrence de Dublin en octobre 1945. A son tour, Sanders mit Tchakhotine en rapport avec Mahony. Or, dans le mme temps, Thomas Mahony tait le prsident de la Catholic Association for International Peace, et membre du comit excutif de lUnited World Federalist, dont les administrateurs et patrons ntaient autres quAl-bert Einstein, ami de Tchakhotine, Cord Meyer, Jr., du c.f.r. (qui deviendra par la suite lun des directeurs de la c.i.a.), Edwar M. M. Warburg, banquier et prsident de lAme-rican Jewish Joint Distribution Committee, Norman Cousins, Cass Canfield, prsident de Harper & Bros de New York, et Grenville Clark tous trois du c.f.r. W. T. Holding, prsident de la Standard Oil Company des Rockefeller, Charles G. Bolte, de lAmeri-can Veterans Committee et Rhodes Scholar, Arthur H. Bunker, partenaire de Lehman Brothers et Charles D. Hilles, Jr., vice-prsident d i.t.t.

    LUnited World Federalist, avec lequel Tchakhotine tait en relations, lui deman-

  • du viol des foules la Synarchie ou le complot permanent

    29

    dait, en date du 23 octobre 1945, sous la signature de Lewis H. Larson, Jr., prsident de la division internationale de luniversit du Minnesota, de lUnited World Federalists, de leur communiquer si possible, les noms des tudiants et des professeurs duni-versits et dcoles secondaires, ainsi que les noms et adresses des groupes politiques dtudiants qui seraient ventuellement intresss par laction en vue de ltablisse-ment dun Gouvernement mondial.

    Toujours la mme mthode daction... investir les milieux estudiantins.Revenons en France. Cest toujours Sanders qui fait faire connaissance de Franois

    Perroux Tchakhotine. Ce dtail aura son importance. Perroux, alors directeur de lInstitut Carrel, tait tout particulirement intress par le fichier Masse-Temps et persuada Tchakhotine de travailler pour lInstitut Carrel. Quelques jours plus tard, lorganisateur principal de lInstitut, lingnieur Desoubliaux, lui rendait visite afin de prparer le travail, et on lui confia le soin dorganiser la documentation. Sur ce, Tchakhotine dmnage son laboratoire et va sinstaller lInstitut de Pierre Girard, avec lequel il commence prparer un Plan dactivit sociale daprs-guerre, tout en restant en troites relations avec Perroux.

    Les ides essentielles de ce Plan aux dires mmes de Tchakhotine, concidaient parfaitement avec les ides de Wells donnes dans son ouvrage Open Conspiracy ; en dfinitive, il pensait que la direction de lhumanit devait tre entre les mains des hommes de science.

    Perroux quitte lInstitut Carrel et Tchakhotine le suit quelques jours aprs. Sur ces entrefaites, Perroux fonde lInstitut des Sciences conomiques Appliques (i.s.e.a.) et demande Tchakhotine de travailler avec lui. Au sein de cet Institut, Tchakhotine organisa une documentation sur les problmes de lconomie et mit au point un sys-tme pratique dutilisation de cette documentation.

    La Libration venue, le professeur Girard et Tchakhotine se remirent tudier le Plan prpar pendant la guerre et, le 1er septembre 1944, les cinq fondateurs du futur mouvement Science-Action-Libration (s.a.l.) se rassemblrent dans les locaux de li.s.e.a., Girard (), Monod-Herzen (thosophe), Perroux (synarque), Sanders (Carnegie) et Tchakhotine. Le sige de cette nouvelle organisation fut fix lInstitut de physico-chimie de Pierre Girard.

    Tchakhotine, lui, continuait travailler li.s.e.a., au sein duquel Perroux organisa en octobre 1944 une entrevue entre Girard et Tchakhotine dun ct, et Emmanuel Mounier, directeur de la revue Esprit, de lautre, pour essayer dorganiser la collabora-tion de s.a.l. avec cette revue. Cette tentative neut pas de suite.

    Nous allons tudier maintenant en dtail les hommes et les organisations travaillant de concert avec Serge Tchakhotine.

  • Lalliance entre la Science et les Travailleurs, ces deux ples extrmes de la Socit qui, par leur union, peuvent librer de toute entrave la civilisation, voila le but auquel jai dcid de vouer ma vie jusqua mon dernier souffle.

    Ferdinand Lassalle,discours sur La Science et le Travail., repris dans le Bulletin n 1, 15 octobre 1944, de s.a.l. N en 1825 dans la communaut juive de Breslau, Lassalle fut le fondateur, en 1863, de lAssociation gnrale des ouvriers allemands.

  • 33

    IIs.a.l. et coforces

    ou le jeu des socits secrtes

    Le 1er septembre 1944 vit natre s.a.l., Science-Action-Libration, ayant pour objet ltude des questions de la science sociale sur la base des sciences biologiques, avec pour sige le 13, rue Pierre-Curie Paris (Statuts de s.a.l., n de Registre 4155. Dossier 79501-7043).

    Dans lAppel n 1 de s.a.l. (tract), on en apprenait un peu plus, car il tait crit que cette organisation tait un groupe de socialisme actif prnant linstauration dun fd-ralisme mondial par le socialisme actif .

    Le prsident de s.a.l., le F Pierre Girard, tait le directeur de lInstitut de biolo-gie physico-chimique toujours en activit de nos jours sigeant au 13, rue Pierre-Curie, sige central de s.a.l.

    Pierre Girard tait trs li avec le baron Edmond de Rothschild (18) au point que celui-ci octroya une donation de 40 millions (1920) afin de construire cet Institut de

    18 Philanthrope dou dun remarquable sens des affaires, le baron Ed. de Rothschild fut galement le fondateur du Foyer national de Palestine, ainsi que des synagogues de la rue de Chasseloup-Laubat et du Raincy. Ayant rapidement compris limportance de certaines appli-cations physiques et chimiques dans le droulement des conflits, il fonda vers 1920 une Fonda-tion daide la recherche, dote dun capital de 10 millions et il avait particip la cration de lInstitut de physique mathmatique Henri-Poincar, cr par la Fondation Rockefeller.

  • Yann Moncomble

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    biologie (19), et lun des fondateurs avec Girard ntait autre que le professeur Charles Richet, physiologiste, membre de la Loge Cosmos, de la Grande Loge de France, ancien prsident du Conseil franais de la Paix, prsident du conseil de direction de la revue La Paix par le Droit et, comme par hasard, membre du Conseil dadministration en Europe de la Carnegie Endowment for International Peace (20).

    Pierre Girard, en outre, faisait des confrences sur la Paix en tant que prsident-fondateur de coforces, au Cercle dtudes '' Franklin Roosevelt'' , maison maonnique, sous la prsidence de M. Francis Viaud, Grand Matre du Grand Orient de France, assist du professeur Louis Lapicque, du Grand Orient galement et membre dhon-neur de s.a.l.

    Le vice-prsident tait un autre fran-maon, en la personne de Pierre Grass, spcialiste de la sociologie animale, directeur du Laboratoire dvolution des tres Organiss, la Sorbonne (1940-1967), et directeur-fondateur de la Mission biologique du Gabon au Centre national de la Recherche Scientifique (c.n.r.s.).

    Le trsorier tait Mose Kneler, membre de la L volution conomique et Homme Libre Runis (Rf. : Bulletin Hebd. des Loges de la r. p. 811). Le secrtaire gnral de s.a.l. tait, bien entendu, le professeur Serge Tchakhotine.

    Au sein du Conseil de direction de s.a.l., on trouvait donc, non sans surprise, M. Franois Perroux qui dirigea avec Jacques Madaule (21) la Communaut Franaise, re-vue marchaliste publie Paris en 1941-1942, et collabora, la mme poque, Ides, revue de la Rvolution Nationale ... Il fut galement lun des penseurs les plus appr-cis de ltat Franais et rdigea avec Yves Urvoy plusieurs fascicules de doctrine qui faisaient autorit entre 1942 et 1944, tels que La Charte du Travail et conomie planiste. Lun des ouvrages connus sign Franois Perroux, Le Capitalisme, paru en 1948, porte le titre dun ouvrage sign en 1945 : Franois Perroux et Yves Urvoy. Ce dernier fut excut sommairement par des maquisards aprs la Libration (22).

    19 Revue de Paris, 4e anne, n 1, 1er janvier 1935.20 Richet tait galement prsident de lInstitut Mtapsychique International, fond par Jean Meyer, directeur de La Revue Spirite de 1916 1931.21 Aujourdhui membre de la LICRA, prsident de lAmiti judo-chrtienne et signataire, le 31 mai 1968, de la ptition de lUnion des intellectuels et de la classe ouvrire, parue dans lHumanit, journal du Parti communiste.22 Dictionnaire de la Politique Franaise, Henry Coston, t. i. Note : Yves Urvoy accepta en 1941 de diriger lInstitut de formation lgionnaire o lenseignement philosophique et social quil dispensait ne sapparentait en aucune faon aux doctrines totalitaires... En dsaccord la Lgion avec le groupe Darnand, il se rendit rapidement compte que la conjoncture ne lui permettait plus de dfendre au sein de cet organisme des ides dont les idologies extrmes en prsence lui interdisaient lExpression. Gardant son franc parler, ne cachant pas moins son opposition raisonne aux dcisions de Londres et dAlger qu la politique de Vichy, Yves Urvoy appartient cette ligne royale dhommes courageux que lon rencontre en France dans les priodes de guerre civile, ennemis ns des factions et du fanatisme. Retir Teysounac (Lot-et-Garonne), o il possdait un modeste domaine... cest l quune premire fois un maquis espagnol vint perquisitionner et linterroger. Mais il tait dit que ce seraient des Franais qui devaient assassiner ce Franais de bonne race. Le 19 aot 1944, des membres dun groupe F. T. P. arrtaient le chef de famille. Abattu sans jugement, on devait retrouver son cadavre le lendemain dans un bois. Cinq jours plus tard, de nuit, la maison de la victime tait pille de fond en comble. (Le Systme. 1943-1951, par Jean Maz. Ed. Sgur, 1951, pp. 25-26.)

  • s.a.l. et coforces ou le jeu des socits secrtes

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    Mais Franois Perroux tait galement secrtaire gnral, au ct du docteur Alexis Carrel, de la Fondation franaise pour ltude des problmes humains, do il dmis-sionnera en dcembre 1943. Trs ami, comme nous lavons vu, avec Serge Tchakhotine, il reprit contact avec ce dernier ds janvier 1944, envisageant la mise en marche dune Fondation Franaise de Synthse des Sciences de lHomme (f.f.s.s.h.), qui deviendra en octobre 1944 le Centre de synthse des Sciences de lHomme et sera, en fait, lorigine de la fondation de s.a.l.

    Dans une lettre date du 20 janvier 1944 et adresse Serge Tchakhotine, Franois Perroux crit : Jespre que vous avez obtenu la solution des difficults administra-tives de la Fondation. Si par hasard cela ntait pas, prvenez-moi, sil vous plat, et je ferai intervenir notre ami Pujade qui vous reste, vous le savez, entirement dvou.

    Ce dtail est de la plus haute importance, car :1. 1 Pujade, Pierre, directeur administratif dmissionnaire en mme temps que

    Perroux de la Fondation Carrel, faisait partie de lInstitut des Sciences cono-miques Appliques (i.s.e.a.), qui avait pour sige social celui de la Fondation Carnegie (23), et dont le patron tait Franois Perroux. Or, la Fondation Carne-gie soutenait, dans le mme temps, les efforts de lu.a.i. (24), du comte Richard Coudenhove-Kalergi (25), du c.e.p.e. (24), et son prsident cette poque tait le fameux Nicholas Murray Butler, membre du c.f.r., mais galement prsident de la trs maonnique Pilgrims Society.

    1. 2 Le troisime homme dmissionnaire de la Fondation Carrel tait le secr-taire gnral adjoint, M. Yves Mainguy, que lon retrouve aujourdhui au Comit directeur de lInstitut dtudes mondialiste (25) et lInstitut des Sciences cono-miques Appliques (i.s.e a.), dirig par... Perroux !

    Mais surtout, ne vous faites pas des ides... tout cela est fortuit !Franois Perroux poursuivait ainsi : Jai demand il y a un peu plus dun mois si, oui ou non, on voulait publier la

    confrence ci-jointe sous les auspices de la Fondation. Je vous la fais parvenir titre purement personnel (nen parlez personne).

    Cest grce lamiti de Marie-Thrse Genin (lditeur) que je puis en avoir quelques exemplaires.

    Je serai heureux davoir votre avis sur ce texte qui prolonge un certain nombre de conversations que nous avons eues ensemble et qui vous montrera que, contrairement ce que lon a pu dire, tout mon effort a t de construire une science conomique appuye sur la biologie.

    Franois Perroux terminait sa lettre en disant : Je demeure convaincu que vos si intressantes thories sur les instincts fondamen-

    taux demeurent essentielles pour lconomiste et lhomme qui pratique les sciences humaines. Lavenir nous sourit de plus en plus. Vous le savez, je vous associe dans notre pense nos efforts. Nous reprendrons bientt ensemble le travail temporaire-ment interrompu.23 Remarquons ltrange similitude avec, de nos jours, li.i.a.s.a. (Institut International des Systmes Appliqus), vritable bastion mondialiste... quelle belle continuit...24 Voir La Trilatrale et les Secrets du Mondialisme.25 Voir LIrrsistible expansion du Mondialisme.

  • Yann Moncomble

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    Autre curiosit : dans le rapport du Comit Gnral dExperts (c.g.e.) o M. Michel Debr fit ses premires armes de doctrinaire politique auprs de M. Robert Lacoste adress Londres en 1943 et oh il tait tudi le mouvement synar-chique que nous allons rapidement retrouver il tait crit :

    Plus dangereuse est laction de Perroux. Lhomme a tout de mme, sinon plus de classe, du moins un rayonnement plus tendu et plus ancien. On lui a fait un per-sonnage de grand catholique (26). La comdie est par trop sinistre. Les confrences de Perroux sont un long dveloppement sur le thme de la rvolution permanente, dans la meilleure ligne de Trotsky. Lappartenance de Perroux au clan synarchique est douteuse. Mais cest bien celui-ci qui lui a fait son succs Vichy en 1941.

    Pucheu et Marion lont soutenu, aid, lui donnant une influence prpondrante auprs des '' cadres'' suscits par eux, en particulier auprs de ceux de du Mayet de Montagne.

    Actuellement, Perroux opre surtout Paris, en liaison avec lInstitut Carrel. Les intellectuels sous son influence dpassent nettement la synarchie, mais il continue y avoir interpntration dans les deux milieux. En tout cas, il y a synchronisme des tendances.

    Beaucoup de chefs, de jeunes ou de dirigeants activistes subissent linfluence de Perroux et de lInstitut Carrel qui a lanc lide de lAvnement de lHomme, reprise par la presse parisienne et que lon retrouve sous une prsentation lgrement diffrente dans les revues clandestines. Un nouveau snobisme joue. On se proclame, sans lavoir jamais lu, llve de Perroux ; on na pas tout fait tort, car la vulgarisation de ses ides est plus pousse quon ne se limagine.

    Sous lgide de Perroux se dveloppe un sectarisme intellectuel de type rvolu-tionnaire, que la Synarchie espre utiliser, comme le totalitarisme sempara, sans lui demander son avis, du rationalisme sectaire de M. Maurras.

    Comme ce dernier, M. Perroux nentend pas les voix de la nature. Ce ne saurait tre un reproche. Cela pourrait excuser le fait quil dupe tant de gens, et quil ne se fasse lui-mme duper. (27).

    Au risque de paratre un peu longs, nous avons voulu donner tous ces dtails afin dessayer de saisir le comment et le pourquoi de certaines rencontres. En effet, Tchakhotine devait ignorer tous ces petits dtails et bien dautres, comme nous le verrons car nous ne voyons pas comment expliquer autrement une collaboration aussi intime avec un homme comme Franois Perroux.

    La preuve en est que nous avons retrouv dans ses archives prives un docu-ment vraisemblablement rdig par lui ou par lun de ses proches , que nous don-nons dans son intgralit, vu son importance :

    26 A lpoque de la fondation de s.a.l., Perroux tait la tte dune association de la jeu-nesse catholique, cre par lui et portant le nom de Renatre.27 Synarchie et Pouvoir, par Andr Ulmann et Henri Azeau. Julliard, 1968, pp. 302-303. Note : Perroux fit partie galement du Comit directeur du groupement de gauche Temps Nouveaux, fond en 1960 pour rechercher les volutions qui, dans lorganisation des soci-ts, simposeront aux gnrations venir . Cela fait penser au Club de Rome et Futuribles ! taient ses cts Temps Nouveaux : Mlle Germaine Tillon, proche du f.l.n., Henry Torres, avocat communiste, et Ren W. Thorps, btonnier qui soutint la candidature de Franois Mit-terrand en 1965.

  • s.a.l. et coforces ou le jeu des socits secrtes

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    Note remise titre personnel M. le docteur Milliez sur

    la Fondation Franaise pour l'tude des Problmes Humains La dissolution totale de la f.f.p.e.p.h. parat tre la condition ncessaire dune re-

    construction visant faire de cet organisme linstrument scientifique quil devrait tre. Un remaniement, rduit llimination des personnes qui dtiennent les hauts postes de direction scientifique ou dadministration, laisserait en effet subsister la masse du personnel recrut dans des conditions dplorables, pendant deux ans et demi. Les col-laborateurs de qualit, recruts pendant le secrtariat de M. Franois Perroux, se sont dmis en bloc lors de son dpart, en dcembre 1942. Aussi ne reste-t-il pas, lheure actuelle, plus dune domaine de collaborateurs offrant des garanties srieuses.

    Si lon admet ce point de vue, la liquidation de la Fondation implique la recherche pralable des responsabilits et pose divers problmes.

    I. Sur le plan scientifiqueLes budgets 1942 et 1943 nayant pas t excuts, cest au total une cinquantaine

    de millions de francs qui ont t dpenss par la Fondation, depuis sa cration, le 17 novembre 1941. Les rsultats acquis ce prix, tant sur le plan scientifique que sur le plan des ralisations pratiques, sont nuls. Les ralisations de mdecine du travail, qui sont parfois inscrites lactif de la Fondation, ont t obtenues par les services de la Mdecine du Travail qui dpendent exclusivement du ministre du Travail. La confu-sion toute volontaire est rendue possible par le fait que lun des deux vice-rgents de la Fondation, le docteur Gros, ex-mdecin-inspecteur gnral du Travail, na voulu faire aucun dpart entre ses deux activits, ou plutt na entrepris la Fondation aucun travail spcifique et sest born utiliser, dans sa tche de mdecin-inspecteur, certains des moyens (en hommes et en argent) que lui offrait la Fondation.

    Aucun programme de travail na jamais t dress, aucune directive, mme trs gnrale, na jamais t donne par le docteur Carrel, en dpit des instances rptes de M. Franois Perroux et de ses collaborateurs administratifs et techniques.

    Les efforts faits, sous la pression du secrtariat gnral et de ladministration, par les membres de certains dpartements de la Fondation, ont t fatalement sporadiques et incoordonns, et les rsultats quasi nuls ds quils dpendaient des autres dparte-ments, ce qui est la rgle dans un Institut de synthse.

    Lattitude du docteur Carrel, devant les tentatives du secrtariat gnral et de lad-ministration pour mettre la maison au travail, a t constamment lindiffrence totale, sinon lhostilit dclare. Les meilleurs moments ont t les absences, longues et fr-quentes, du rgent : la dernire a dur six mois, sous prtexte de vacances, puis de maladie (juin-dcembre 1943). A la suite de celle-ci, le rgent na jamais repris sa place la Fondation et sest born assister, chaque mardi, de 11 heures midi, la runion hebdomadaire des collaborateurs, parlote confuse o aucune question scientifique nest aborde, et o chacun se borne prsenter ses dolances personnelles au rgent ou ladministration.

    Une telle attitude de la part de lhomme qui ltat franais octroyait quarante mil-lions de francs par an (le docteur Carrel en avait demand cent et a failli les obtenir) constitue manifestement une escroquerie scientifique.

  • Yann Moncomble

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    Les sanctions quelle appelle peuvent tre de deux sortes :1. blme officiel par lautorit comptente ;2. sanction pcuniaire inflige, aprs intervention dune juridiction comptente, au

    rgent et aux deux vice-rgents.II. Sur le plan financierParmi les nombreuses irrgularits dordre financier commises par le docteur

    Carrel, lune des premires en date et les plus importantes a t lachat dun vaste do-maine, pour la somme de trois millions de francs, aux parents de Mme Carrel (famille Lozout). Destin devenir le Centre de Synthse de la Fondation, aucun travail scientifique na jamais t entrepris dans ce domaine qui a t install en centre de rception et qui, suivant une clause non crite du contrat de vente et non connue de ladministration, a pourvu aux besoins de la famille de Mme Carrel en lgumes et en bois de chauffage.

    Parmi les traitements exorbitants ou distribus sans aucun motif, il convient de citer celui qui a t servi Mlle de La Motte, cousine de Mme Carrel, nomme surin-tendante du domaine des Brullys , sans quaucun travail effectif ait jamais pu tre demand lintresse.

    Tous les collaborateurs dmissionnaires la suite de M. Franois Perroux en d-cembre 1943, et plus spcialement ceux qui occupaient les postes administratifs do ils ont eu connaissance de ces faits, sont prts apporter en toute objectivit leur tmoignage personnel sur ce sujet.

    III Sur le plan politiqueIl ressort des renseignements recueillis que les principaux membres de la Fondation

    taient en liaison avec la Synarchie qui, avec lappui de grandes industries et certaines banques, se proposait de raliser sur la France une mainmise tout fait homologue celle qui, en Allemagne, a port Hitler au pouvoir. Les agents de cette liaison ont t, ds lorigine, MM. Missenard et Mntrier. Ds le dpart de M. Perroux, M. Henry de Segogne, bras droit de M. Lehideux, est entr la Fondation comme conseiller tech-nique.

    Le ministre de la Sant a dailleurs, dans un communiqu rcent, qualifi d anti-nationale lactivit du docteur Carrel. Il y aura lieu, dans cet ordre dides, de ne pas ngliger son intimit avec M. Bunau-Varilla, propritaire du Matin, ni les contacts qui ont t pris, selon toute vraisemblance, avec Jacques Doriot.

    Enfin, aucun renseignement daucune sorte na pu tre obtenu par M. Franois Perroux, en sa qualit de secrtaire gnral, sur la mission effectue en Allemagne, peu de temps avant lentre en fonctions de ce dernier, par plusieurs collaborateurs sous la direction de MM. Gros et Mntrier.

    IV En ce qui concerne la correction des procdsLinexistence de tout travail effectif a toujours eu pour pendant, la Fondation, un

    rclamisme du plus mauvais aloi de la part dun organisme scientifique. Aux tapa-geuses dclarations radiodiffuses, faites ds lorigine de la Fondation par un des vice-rgents, ont succd des campagnes outrancires dans la presse pro-allemande. De ces campagnes, le docteur Carrel na jamais voulu prendre la responsabilit : il a jug prfrable de laisser faire ses lieutenants immdiats ou Mme Carrel, appliquant en

  • s.a.l. et coforces ou le jeu des socits secrtes

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    ce domaine un procd qui lui est familier.Dautre part, des mthodes de la plus extrme grossiret ont t mises en uvre

    plusieurs reprises ; particulirement dans laffaire de la rquisition allemande des laboratoires de la rue Pierre-Curie, o travaillaient des savants authentiquement fran-ais.

    M. Pierre Girard, directeur de ces laboratoires, peut donner cet gard toutes les prcisions dsirables, car il a eu affaire personnellement lpoque avec le docteur Carrel.

    1c2Il est joint la prsente note :1 Une copie de la note du 7 dcembre 1943, sur ladministration de la Fondation

    (destine au contrle financier de la Fondation et au ministre des Finances).2 Le Pacte Synarchique rvolutionnaire , qui nest possd quen un seul exem-

    plaire et devra tre retourn aprs copie.Paris, le 5 septembre 1944.

    Bien entendu, suivant notre habitude, nous avons cherch vrifier certaines donnes et, tout particulirement, les accusations portes contre MM. Missenard, Mntrier, Gros, Henry de Segogne...

    Ce dernier tant dcd, sa femme nous rpondit, en date du 23 juillet 1983 : Mon mari, Monsieur Henry de Segogne, tant dcd depuis plusieurs annes,

    il mest impossible de rpondre aux renseignements que vous me demandez. De ce ct, malheureusement, nous ne pouvions plus rien (28).

    En revanche, M. Andr Missenard, vice-rgent de la Fondation Carrel, nous a t dun prcieux secours. En effet, rpondant notre lettre du 22 juillet 1983 dans la-quelle nous lui demandions ce quil fallait penser des affirmations portes contre lui, il nous rpondit en date du 2 aot 1983 par la lettre suivante :

    Je flicite votre Bureau de Documentation de faire une tude sur la Fondation Alexis Carrel qui, en ralit, sappelait : Fondation franaise pour ltude des Problmes humains. Alexis Carrel en tait effectivement le rgent et jen tais un des deux vice-rgents.

    Pour clairer votre lanterne, je vous envoie deux papiers que javais rdigs lin-tention de la Socit des Amis du Docteur A. Carrel (29).

    Je ne sais qui est lauteur de ce rapport '' confidentiel'' et ronotyp prtendant que '' jtais en liaison avec la Synarchie, qui se proposait de raliser sur la France une mainmise analogue celle dHitler sur lAllemagne...'' Je nai jamais t en contact avec la Synarchie. Je crois quelle comportait un certain nombre de mes camarades poly-techniciens, avec lesquels jai effectivement pu tre en rapport, mais jamais il na t question de la Synarchie dont jignorais tout.

    28 N le 30 avril 1901 de Henry de Segogne, avocat au Conseil dtat, et de Mme ne Va-lentine Hersant. Matre des requtes au Conseil dtat de 1938 1950, il est nomm en 1942 commissaire gnral au tourisme. Aprs la guerre, il devient conseiller dtat, puis prsident de la Commission de contrle des films, membre du Comit des programmes de tlvision et administrateur de la Compagnie des chemins de fer du Nord.29 Voir Annexe ii, la reproduction de ces deux articles.

  • Yann Moncomble

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    La Fondation franaise pour ltude des Problmes humains avait suscit dautant plus de jalousie quelle avait obtenu dimportants crdits de recherche. De plus, Carrel, et surtout Mme Carrel, navaient jamais cel leur hostilit lgard des hommes poli-tiques de 1939. Bien entendu, quand ils sont revenus, tout puissants la Libration, ils ont tenu se venger, en accusant Carrel de collaboration avec lAllemagne, ce qui tait manifestement faux.

    Sans doute tait-il tent dadmirer lordre allemand sopposant la dissolution des murs des dmocraties quil connaissait bien, mais de l aider lAllemagne, il y avait un abme.

    Jai lu, dans diffrentes revues, des articles sur la Synarchie. Je les ai parcourus assez distraitement, nayant aucun got pour les socits mystrieuses et la conspira-tion...

    M. Missenard concluait en crivant : Bien entendu, tout ce qui prcde est affirm sous la foi de mon serment de savant

    et de soldat. Rpondant cette lettre en date du 31 aot, nous demandions quelques prcisions

    supplmentaires M. Missenard, savoir :1 Les raisons relles du dpart de Franois Perroux ?2 Sil avait connu Tchakhotine au sein de la Fondation ?3 Do provenaient les fonds de la Fondation : du gouvernement de Vichy, de la

    Fondation Rockefeller, ou des deux ?Et enfin, nous lui apprenions quil ntait pas le seul tre mentionn comme agent

    de liaison de la Synarchie , et lui donnions les autres noms.M. Missenard nous rpondit de faon trs courtoise, en date du 2 septembre, par la

    lettre ci-aprs : Je serais effectivement curieux de savoir qui est lauteur de ce rapport confidentiel

    me considrant comme agent de liaison de la Synarchie. Il est infiniment probable que les docteurs Gros, Mntrier et M. Henry de Segogne ntaient pas en relations avec cet organisme. Je ne puis videmment pas le certifier, mais sans doute laurais-je su, car cela aurait concern la politique gnrale de la Fondation.

    Je rponds vos dernires questions : 1 Franois Perroux a t effectivement secrtaire gnral de la Fondation pendant

    un certain temps. Il y avait t amen par le docteur Gros (aujourdhui dcd), pour remplacer ce poste le docteur Mntrier, qui avait mieux faire par ailleurs et, de plus, navait aucun got pour des fonctions administratives.

    Perroux, trs connu dans les milieux conomiques, tait effectivement un col-laborateur de grande classe qui honorait la Fondation. Malheureusement, ayant un caractre difficile, il ne tarda pas entrer en conflit avec Gros, qui souhaita rapidement son dpart. Personnellement, conscient de la valeur de Perroux et lestimant beau-coup, je faisais tout ce que je pouvais pour attnuer ces frictions, mais, finalement, Gros lemporta et le docteur Carrel rendit sa libert Franois Perroux, qui en fut fort affect. Son dpart fut trs regrettable pour la Fondation, dabord parce que Franois Perroux ne manqua pas de la critiquer, et aussi parce quil avait t remplac par un garon modeste, et plusieurs personnes estimrent, tort, que la Fondation avait voulu

  • s.a.l. et coforces ou le jeu des socits secrtes

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    prendre ses distances avec lUniversit. Dautant plus que les mdecins de la Fondation ne se privaient pas de critiquer les milieux officiels de la mdecine...

    2 Je nai jamais entendu parler de M. Tchakhotine. Il aurait, dites-vous, t appel par Franois Perroux. Ce dernier dailleurs stait entour dun certain nombre de col-laborateurs que je nai jamais connus et qui lont suivi lors de son dpart.

    3 La Fondation franaise disposait de fonds importants accords par le gouverne-ment franais. Je vous ai parl de sa mission scientifique officielle, mais noublions pas quelle devait aussi sefforcer de rechercher les causes de notre effondrement de 1940 et les moyens de redresser la situation, ce quoi dailleurs elle soccupait activement.

    Le docteur Missenard concluait ainsi : Pour rpondre au dernier point de votre lettre, vous pouvez, sans hsiter, repro-

    duire notre correspondance