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N°13 Mai - Juin 2011 / En supplément de Femmes de Tunisie D ESIGN S ALON DE M ILAN H OMMAGE C HARLOTTE P ERRIAND Analyse du patrimoine récent et ancien L E S UD À L HONNEUR ART ENGAGÉ Q UELS H ÉRITAGES ? DOSSIER SPÉCIAL C ULTURE

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N°13 Mai - Juin 2011 / En supplément de Femmes de Tunisie

DesignSalon de MilanHommageCharlotte Perriand

Analyse du patrimoine récent et ancien

le Sud à l’honneurART ENGAGé

Quels Héritages?dossiER spéciAl

Culture

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Sommaire

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En marcheHéritages Être digne / Être vigilantLa cou-leur avant toutHappening happenedArt engagégn & Expo

ArtocratiePortrait

On adore Milan ! Le must du salon du meuble

Charlotte PerriandUne vie de création

Mobilier en éventailDans l’écrin du Belvédère

A lireTunis à l’honneur

Sommaire18

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50

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Quels héritagesJe me souviens de Carthage Témoignage de Michel Cantal Dupart

Etat des lieux Le centre de Tunis et ses marchands

Architecture et crise identitairepar Karim Ben Amor

Sauver la villa Baizeau Le Corbusier à Carthage

p. 16

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le Sud à l’honneurSauvegarder TozeurInterview exclusive avec le président de l’association de sauvegarde de la médina de Tozeur

Profondeurs UniesStyle de vie brut à Matmata

So Hi !Le Dar Hi, le tout nouveau surprenant hôtel à Nefta signé Matali Crasset

Saida BeylaTransformation d’une maison typiquede Tozeur.

FocusC01 Habiller un appartement

Sélection MdTpour Monoprix Maison

Adresses

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p. 72

p. 98

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Directeur de la publication Hassen Sfar

Directeur exécutif Ismail Ben Miled

Rédactrice en chef Shasha Atallah

Rédactrice en chef invitée Fatma Chammari

Assistante de rédaction Martine Geronimi

Directrice artistique Sonia Sfar Karoui

Ont collaboré à ce numéro :Michel Cantal Dupart, Karim Ben Amor, Aurélia Bouyssonie, Jamila Binous et Marie Evo

Remerciements :Fondation Le Corbusier, les Amis du Belvédère, Association de Sauvegarde de la Médina.

Direction Commerciale Fakhta [email protected]

Directeur techniqueBen Ziada Abdallah

ImprimeurSimpact

Contact MDT

Immeuble Comète - 1er étageAvenue Hedi Karray Centre urbain nordTunis, Tunisie

t 00 216 71 707 207//f 00 216 71 707 548//

[email protected]

Contributeurs Pol GuillardPol Guillard est né le 15 mai 1959 à Charleroi en Belgique. Dès 1982, il est photographe free lance à Bruxelles, puis en Italie dans les années 2000. Il collabore avec de nombreux studios et se consacre pleinement au développement de la photo numérique. Il s’installe en Tunisie en 2006 et tra-vaille sur divers projets. Il enseigne également à l’Institut Supérieur des Arts Multimédia (ISAMM).

Fatma ChammariFatma est architecte spécialisé dans la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine. Elle exerce en free lance là où les projets la mène C’est pour des besoins profession-nels, qu’elle va se passionner pour la photographie et avec des yeux d’architecte qu’elle photographie les paysages urbains qui l’inspirent. C’est en tant que consultante en matière de patrimoine qu’elle intervient dans ce numéros.

Pol Guillard

Fatma Chammari

MdT

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« L’Histoire a pour objet l’étude de la société humaine, c’est-à-dire de la civilisation universelle. Elle traite de ce qui concerne la nature de cette civilisation, à savoir : la vie sauvage et la vie sociale, les particularismes dus à l’esprit de clan et les modalités par lesquelles un groupe humain en domine un autre. Ce dernier point conduit à examiner la naissance du pouvoir, des dynasties et des classes sociales. Ensuite, l’histoire s’intéresse aux professions lucratives et aux manières de gagner sa vie, qui font partie des activités et des efforts de l’homme, ainsi qu’aux sciences et aux arts. Enfin, elle a pour objet tout ce qui caractérise la civilisation. »

Ibn Khaldoun

Héritagesédito

Pour notre premier numéro «révolutionnaire», nous avons tenu à question-ner le passé dans l’idée de mieux appréhender l’avenir. Divers thèmes liés au maillage territorial, à la préservation de notre patrimoi-ne et à l’intégration de nouvelles données sociales dans le paysage urbain ont été développés dans ce numéro à travers le témoignage de différents intervenants issus de l’architecture et de l’urbanisme.

Il peut paraître étrange de parler d’héritage à un moment où nous sommes le plus tournés vers l’avenir. La Tunisie ne se construit pas sur une page blan-che bien au contraire, son héritage, lointain ou récent est probablement le garant de meilleurs choix politiques, de choix qui tendent vers les intérêts d’un patrimoine et de sa société.

De l’antique Carthage au centre ville « moderne » la question de l’héritage est abordée de manière différente : comment préserver le site emblémati-que de Carthage Sidi Bou Said, peut on sauver la villa Baizeau réalisée par Le Corbusier et comment peut transformer le centre ville « moderne » pour mieux l’adapter à nos besoins ?

Toujours dans la lignée des héritages, nous irons à la rencontre du président de l’association de sauvegarde de la Médina de Tozeur pour un entretien iné-dit et nous profiterons d’être aux portes du désert pour révéler des architec-tures remarquables lovées entre Nefta et Tozeur.

Shasha

Tentations

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DignesÊtre

« Dignes face à l’adversité et la difficulté. Nous avons ouvert les portes de la démocratie, une démocratie à construire ensemble, avec force et détermination dans l’intérêt de notre nation. Alors « Lèves la tête, tu es tunisien »

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Tentations

VigilantsÊtre

Les choix que nous faisons aujourd’hui sont déterminants. Nous allons CHOISIR les grandes lignes qui vont articuler la démocratie et les dé-tails qui vont façonner le visage de la Tunisie. Dans le fantasme d’une Tunisie prospère, équilibrée, sereine et libre ces choix sont importants. Où allons nous ? Notre histoire nous rappelle que la Tunisie s’est construite sur un patchwork de cultures et de religions, d’invasions et de conquête, des régions et des traditions singulières. Le visage de la Tunisie est une mosaïque, et c’est dans sa propre His-toire que va s’écrire l’avenir.

Tentations

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Art

Au lendemain du 14 janvier 2011, la Tunisie a vécue une période d’exac-tion et de troubles qui a durée une semaine durant laquelle le couvre feu a été de rigueur. Une semaine de confusion et de terreurs pendant laquelle la population a fait face à un adversaire aux multiples visage: les milices de la police secrète, les prisonnier échappés et les pilleurs de quartier. Lorsque les militaires ont finalement maîtrisé la situation, les tunisiens ont décou-vert les vitrines cassées, les pavés arrachés, les poubelles débordées et les voitures calcinées. C’est en réaction à ce nouveau paysage urbain, que les enseignants de l’Ecole d’Architecture de Sidi Bou Said et de l’Ecole des Beaux Arts de Tunis se sont réunis autour d’une initiative des plus originale. Transfor-mer les carcasses des voitures détruites lors des révoltes en une oeuvre éphémère lors d’un happening au Kram.

Commentaires et photographies : Fatma Chammari

Happening h appened!

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Tentations

Apparu à la fin des années 1950, les happening sont des performances, des événements ou des situations qui peuvent être considérés comme un art. Le happening se distingue de la simple performance par son caractère spontané et le fait qu’il exige la participation active du public. Autant dire que ce type de manifestation artistique ont été prohibées durant les 23 dernières années. Alors que le 12 janvier, la manifestation des artistes a été réprimée dans la violence, le 25 février, les jeunes étudiants des éco-les d’architecture et des beaux arts s’expriment librement sur le terrain vague entre le Kram et la Malaga. Deux soldats sont présents mais uniquement pour encadrer les jeunes qui ont commencé à peindre les carcasses brûlées dès le début de la matinée. Les familles, surtout les enfants, se prêtent à l’expérience avec aisance et naturel. Après une période de couvre feu, pouvoir mettre de la couleur sur les voiture qui ont pris feu, représente tout un symbole.

Tentations

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Des couleurs acidulées se répandent sur les voitures cramoisies. Une manière de conjurer le sort. Une manière de démontrer qu’il est pos-sible de renaître de ses cendres. Qu’une oeuvre d’art peut naître d’une voiture brûlée, que cette oeuvre procure un moment de joie et que la vie continue avec autant de cou-leurs que celles qui éclaboussent joyeusement la ferraille ce dimanche matin.

Ces voitures ont brûlée durant les semaines précédentes. Acte de mal-veillance ou acte de révolte, il a engendré la peur et le danger. Aujourd’hui, il réunit dans la bonne humeur les habitants du coin, les badauds, les avertis, les enseignants et les étudiants.

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Tentations

Deux mois plus tard, ce happening est plus que jamais d’actualité. En cette période de doute, de suspicion et d’instabilité, il permet de se rappeler que du pire peut surgir le meilleur. Que demain est un jour nouveau débordant des couleurs vives du bon-heur d’être libre ! Mais ce happening est né dans l’esprit d’une équipe. Il se sont réveillés tôt un dimanche matin, ils ont retroussés leurs man-ches et ils ont forgé leur vision de la liberté ! Tunisie Libre, tu le restera à force d’initiative, de volonté et de ferveur. Cette fourgonnette n’est pas une fourgonnette! C’est un acte de liberté, c’est une oeuvre d’art, c’est un moment de partage !

Tentations

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Ce happening a réuni une cinquantaine de personne durant la journée du dimanche 27 février 2011. Les voitures ont été majoritairement pein-tes par les étudiants avec la participation des enfants et de quelques jeu-nes du quartiers.

Merci aux enseignants et aux étudiants de l’Ecole d’Architecture de Sidi Bou Said et de l’Ecole des Beaux Arts de Tunis, pour leur initiative et leur créativité.

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Tentations

Le temps est venu pour l’artiste de sortir de « sa caverne », comme le réclamait Platon. Cette Révolution a été propice à l’investis-sement de l’Espace Urbain par plusieurs groupes d’artistes. Le projet que nous avons choisi de vous présenter est une grande exposition de rue réalisée dans le Grand Tunis et dans deux autres lieux ma-jeurs Sfax et Sidi Bouzid.Artocratie ou « quand l’équipe de photogra-phes tunisiens se dévoile » est une démar-che artistique de rencontres et d’échanges entre les Tunisiens et l’objectif photogra-phique…sorte de radioscopie de l’identité tunisienne, au moment de son triomphe face à la Dictature.

Partant du projet d’Art Global « Inside Out » du photographe français JR, six photographes tunisiens, à savoir Hela Ammar, Sophia Baraket, Wissal Dargueche, Rania Dourai, Hichem Driss et Aziz Tnani, ont sillonné en février la Tunisie et ont sélectionné plus de 100 portraits de Tunisiens anonymes, clichés en noir et blanc de visages expressifs. Cette exposition de portraits géants a été inaugurée à la Goulette le 17 mars dernier sur les murs du fort, La Karraka, lieu emblématique sur lequel trônait jusqu’au 14 janvier un gigantesque portrait du dirigeant tunisien datant des années 1980.

Alors l’idée maîtresse de l’artiste français JR “rendre visibles les gens invisibles” trouvait effectivement un sens en affichant des portraits d’inconnus sur ce mur ainsi désacralisé.Sur cette photo de Rania Dourai, l’échange entre les Goulettois et les artistes est palpa-ble. Ce message artistique n’a pas laissé indifférent une seule seconde les spectateurs. La controverse a enflammé le public. L’Art malgré lui peut être provocateur. Il n’en est pas moins pertinent.

ArtA r t o c r a t i e

MILAN 2011

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Tentations

MILAN 2011Evénement Design

Pour son 50e anniversaire, le Salon du meu-ble de Milan s’est présenté joyeusement coloré, enjoué et original. Plus que le rétro chic, c’est l’exploration des possibilités qu’of-fre la technique qui a servi de fil d’Ariane – avec de nombreux résultats promet-teurs. Voici les tendances 2011 en matière d’ameublement.

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32 on CraquePour Vibia !!!

Vibia est l’image même du design qui s’efface. La lumière crée ici l’es-pace sans grands efforts. Des tiges suspendues au plafond, des néons de formes rondes ou encore des néons en ailles habillent sobre-ment les lieux. Il y a dans Vibia une grande fragilité qui fait toute la beauté de ces produits.

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Tentations

Ci contre : Bibliothèque des plus surpre-nantes chez Arketipo.

Ci dessous : création du pouf Miss Sarajevo par Karmelina Martina. Les vases en porce-laines Filigrana sont crées par Elena Manfredini.

Concernant le mobilier contemporain et design, c’est une année plutôt calme mais intéressante, sans évènement collectif significatif, mais beau-coup de choses poétiques, éco-logiques, économiques aussi, tout à fait dans l’air du temps... pas de bling-bling mais plutôt un retour vers les valeurs sû-res, les classiques et le confort. Pour résumer: du bois, du vert , du recyclé, du réchauffé et du confort! Du bois: même le très beau stand Kartell kartell était tout en planches de pin local et se remémorait les années glorieuses en exposant toutes ses icônes. Du bois encore, chez Cassina, avec la réédition de la très belle chaise longue de Perriand en bambou, au milieu d’un jardin tropical. Du bois aussi sous sa forme brute et aléatoire pour les ran-gements de Francesco Binfaré. Du bois massif exotique chez Gervasoni pour une collection

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marcHetti

missoni

Heure milanaise

*dessinée par Paola Navone , prévu pour l’extérieur. Du bois d’olivier pour le meuble scandinave de Fabricius et Kastholm chez Lange Du bambou, du rotin, du jonc tressé, pour ces superbes chaises de Marcel Wanders pour Magis.

Magis qui expose aussi cette année une chaise de Starck et Quitllet en matériau re-cyclé, mélange de plastique et d’aggloméré de bois. Et aussi, le vieux linge se recycle en chaise, comme une compression de César chez Casamania avec la chaise de Tobias Juretzek.

Du vert, comme chez Classicon qui exposait la table Pallas de Constantin Grcic. Du vert sur tous les murs du stand Ingo Maurer. Du vert dans le drapeau italien de la table SESSANTUNA de Gaetano Pesce (61 exem-plaires). Mais surtout cette année, on privilégie le confort, le cocooning chic, classique, intem-porel, avec le canapé FK6720 de Fabricius et Kastholm (années 60) réédité par Lange production, magnifique dans son cuir co-gnac. Chez Moroso, Patricia Urquiola recou-vre ses canapés de tissus gauffrés, moleton-nés, juste pour le plaisir de s’y asseoir

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gaetano PescemaDe in italie

sHow off cHez Kartell

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tosHiba ou la Paix éternelle

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CH. PERRIANDEvénement Design

Disparue en 1999, la designer a laissé un important héritage formel et intellectuel dont l’esprit est toujours vivant, à travers les réédi-tions de la société Cassina, et bien au-delà. Le Petit Palais consacre une exposition à son travail photographique, source d’inspiration de sa création.

« Ce que j’aimerais davantage, c’est voir la prolongation de l’esprit de Charlotte, plus que l’hommage à ses formes », assène de but en blanc Pernette Perriand, sa fille, aujourd’hui gardienne, avec son mari Jacques Barsac, de la mémoire de la grande dame du design. Il faut dire que depuis plus de dix ans, la collaboratrice de Le Corbu-sier n’a jamais autant fasciné.

Son travail réalisé autour de l’équipement de la maison et ses biblio-thèques aux couleurs identifiables entre mille restent une source d’inspiration pour de nombreux designers. On pense évidemment à la bibliothèque « Charlotte » que les frères Bouroullec, enfants prodi-ges du design français, lui dédièrent en 2000. Produite alors en série limitée par la galerie Neotu de Pierre Staudenmeyer, celle-ci connut

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Chaise longue

en 2004 un développement plus large sous le nom de « Self » chez Vitra. Du catalogue de cet éditeur à celui des 3 Suisses où le designer Didier Versavel signe lui aussi une création baptisée « Charlotte », les citations – des plagiats parfois – de la designer se retrouvent dans toute l’échelle de la distribution de mobilier, preuve d’une in-fluence toujours très vive.« Sa recherche de la vérité de l’objet à travers la simplicité et l’épure est à mettre en relation avec le travail de desi-gners contemporains comme Jasper Morrison ou Naoto Fukasawa, analyse Marion Vignal, auteur du livre Fem-mes designers (éditions Aubanel). Il y a des liens évidents avec le Japon qui a profondément marqué la pensée et l’œuvre de Charlotte Perriand, depuis son voyage dans les années 1940. » Selon Jacques Barsac, qui vient de lui consacrer le livre manifeste Charlotte Perriand et la pho-tographie (éditions 5 Continents), « on commence à re-découvrir la dimension humaine et poétique de son mo-bilier, la sensualité des matériaux, l’harmonie des formes qui tient de l’observation de la nature », mais aussi de son célèbre « œil en éventail », attentif aux formes, aux cou-leurs, aux détails. « Charlotte racontait par exemple que sa chaise longue Tokyo avait été inspirée par une pince à sucre japonaise en bambou », se souvient Jacques Bar-sac. Dans quelques semaines, on découvrira chez Cassina une édition inédite en teck du modèle, puis à l’automne en bambou. Conçu par la designer, pendant sa période de vie et de travail au Japon, comme une interprétation en bambou de la célèbre LC4, ce siège sort désormais en diverses essences de bois, dans le cadre d’une collection de mobilier outdoor réalisé par des maîtres du design.

Architecte et militante sociale

La mise en lumière récurrente de Perriand s’explique à la fois par la volonté de Pernette Perriand et Jacques Barsac de cultiver sa mémoire, et par les rééditions que lui consacre l’éditeur italien depuis 1964. Leur rythme s’est fortement accéléré depuis dix ans au point que la designer dispose désormais chez l’éditeur italien de son propre catalogue dans la collection « I Maestri », aux cô-tés de Le Corbusier, Charles Rennie Mackintosh, Gerrit Rietveld ou Frank Lloyd Wright. On y trouve des pièces aussi marquantes que la chaise en bois multiplis Ombra, directement inspirée de la tradition japonaise, ou les ta-bles basses Petalo, chef-d’œuvre aux formes organiques reprenant la palette de couleurs chère aux modernistes.« Charlotte disait qu’il fallait éditer, note sa fille Pernette, et il y a encore beaucoup de pièces à sortir. Ce qui nous intéresse avant tout, c’est de plonger son œuvre dans le monde contemporain . » Si les rééditions n’ont pas le charme des pièces originales, « elles continuent de faire vivre l’œuvre de Charlotte Perriand par elle-même, et non à travers Le Corbusier, remarque Marion Vignal. C’est une juste reconnaissance de son talent ».

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Tentations

Seule femme des ateliers Le Corbusier, militante sociale convaincue tournée vers l’innovation au service du bien-être et de la société, Charlotte Perriand est aussi une héroïne de la création. « C’est une figure pour toutes les femmes designers, un exemple de courage, d’indépendance et de réussite, car elle a connu la gloire de son vi-vant », juge Marion Vignal. Formel, le legs de Charlotte Perriand est aussi celui d’un parcours et d’une démarche singulière et autono-me. Celui d’une « urbaniste de l’habitation », comme l’écrivait José Luís Sert.

«Avoir l’œil en éventail»

L’ expression de Charlotte Perriand résume parfaitement l’esprit de l’exposition éclatée dans les salles du Petit Palais. On y découvre la face intime de cette star du design qui entra en 1928 dans l’atelier de Le Corbusier et de Pierre Jeanneret.

Celle de la photographe, ô combien essentielle, pour comprendre le processus de création de son mobilier si novateur pour l’époque. Dès 1927 (et jusqu’en 1940), l’architecte âgée d’à peine 24 ans se passionne pour ce médium qui capte toutes les aspirations du monde moderne. Rien n’échappe à son objectif, sorte de carnet de notes lui servant de réservoirs d’idées pour ses recherches de for-mes, de matériaux et d’aménagements d’espaces. Jamais la conni-vence entre ses photographies et ses œuvres n’avait été encore étudiée de si près. On doit cet éclairage sur le rôle majeur joué par l’image dans l’inspiration de Perriand à Jacques Barsac, son gendre. Depuis la grande rétrospective du Centre Pompidou en 2005 (affi-che ci-contre), ce dernier, avec sa femme, Pernette, a épluché les quelque 15 000 tirages, négatifs et plaques de verre du fonds Per-riand conservé dans l’atelier de la rive gauche, pour en numériser plus d’un millier et reconstituer certains photomontages comme celui de la salle d’attente du ministère de l’Agriculture en 1936. Les plus intéressants ont été réunis dans un livre publié avec l’aide de la galerie Downtown qui a prêté quelques pièces majeures, comme la grande Banquette Rio de 1962.Dans des écrins de couleur orange, photographies et créations très bien choisies se répondent comme dans un jeu de ping-pong. La potence noire de 1938 terminée par une ampoule est la baume in-versée d’un voilier repérée en Croatie l’année d’avant. Les fauteuils transat de 1936 rappellent les grandes voiles du port d’Ibiza en 1932. Les petits tabourets ronds en bois blond font allusion à ceux des fermes de Savoie. Quand Charlotte Perriand conçoit en 1954 la fameuse bibliothèque avec son alternance de vides et de pleins, elle a en mémoire l’ossature de dalles et de poteaux en béton armé de l’immeuble de l’Armée du salut construite vingt ans plus tôt. Après avoir vu le spectaculaire pont transbordeur de Marseille, pendant son voyage de noces en 1927, elle s’inspire de ses poutrelles pour réaliser la chaise longue métallique basculante avec ses fines lamel-les entrecroisées.

Charlotte Perriand, Chambre d’étudiant de la Maison de la Tunisie, Cité Internationale Universitaire de Paris, 1952.Photographie Karquel/AChP © AchP, Adagp, Paris 2007

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Dans l’écrin du BelvédèreLe Belvédère, le poumon vert de Tunis, recèle quelques trésors. Ce lieu est aujourd’hui pour tous les citadins une respiration, un moment suspendu dans la cohue de la ville. Aux détours d’une allée on découvre le pavillon de musique du Belvédère, une relique du palais de La Manouba. Ce lieu est pour nous un moyen de mettre en lumière la beauté de ce lieu et encore une fois, et plus que jamais aujourd’hui, de préserver notre histoire à travers le patrimoine bâti.

Table de jardin en métal Ré–Trouvé Round Ta-ble:2 060DT, Chaise en métal avec coussins, Ré–Trouvé Armchair :1 386DT Prestige Project

Bougeoir fleur en céramique 12DT l’unité. Lan-terne BASLY en verre, 125DT. Lampadaire CESAR blanc (boules en céramique), 450DT. Zina

Chaises turquoise et jaune, piétement en bois et métal, DSW 663DT. Prestige Project

Table basse CHOCOLAT en tôle noire 150x50cm, 350DT l’unité. Zina.

Série de saladier et bols en grès, La Fabrique De-sign. prix sur demande à : [email protected]

Chaises noire, piétement en bois et métal, DSW 663DT. Prestige Project

table basse KAWA +plateau en cuivre etamé diam 90cm, 1000Dt. Nounours, 45DT. Lampe en Champignon en céramique, 65DT l’unité, Pouf mousse et housse de lin 65DT l’unité. Descente de lit en laine blanche 75DT. Zina.

Série de saladier et bols en grès, La Fabrique De-sign. prix sur demande à : [email protected]

Fauteuil, Organic Highback: 3 265,6DT, Chaise turquoise sur piètement en bois et métal, DSW 663DT. Table basse en chêne, Guéridon Bas 2 587DT. Petite poupée de bois, Wooden Dolls 190 DT. Prestige Project

Mirroir en forme de main de Fatma GM, 50DT. Lampadaire CESAR noir (boules en céramique) , 450DT. Natte en jonc ZINA colorée, 125DT. Cof-fre à jouet en jonc (sélection Zina). Zina

Chaise pour enfant Panton Junior rose 289DT. Prestige Project

Table pour enfant. Plateau en bois et piètement en tube métallique, 360DT. Zina

Service à café avec son plateau, le tout en grès blanc mat. Prix sur demande à [email protected]

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COLORS MADE

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1Depuis la fin du XIXe siècle, l’attention des écrivains, historiens, amateurs d’architecture ou photographes passionés par Tunis s’est portée essentiellement sur la médina. Plus récent en revanche est l’intérêt suscité par la ville hors-les-murs, ou « ville européenne », qui se développe à l’est de la médina à partir de 1860.L’ambition de « Tunis, architectures 1860-1960 » est de faire découvrir la diversité du patrimoine tunisois des XIXe et XXe siècles, en nous invitant à parcourir les rues, à la découverte des multiples courants stylis-tiques qui jalonnent la ville.La sélection de près des 150 édifices présentés se ré-fère principalement à leur qualité plastique et à leur état de conservation.Chaque édifice est situé sur un plan de la ville pour permettre au promeneur d’accéder aisément à la construction et fait l’objet d’une notice descriptive.Les photographies contemporaines, réalisées par Ar-naud du Boistesselin, mettent en valeur la qualité et la remarquable préservation de ces architectures.

Auteurs :Le Laboratoire InVisu, unité mixte de rechercheCNRS / INHA, étudie l’histoire de l’architecture et dupatri-moine en Méditerranée aux XIXe et XXe siècles.Mercedes Volait est directeur de recherche au CNRS et di-recteur du laboratoire InVisu.Juliette Hueber est ingénieur d’étude au CNRS.Claudine Piaton, architecte-urbaniste, a coordonné de nombreux ouvrages sur les villes du Canal de Suez.

PhotographeArnaud du Boistesseli n est photojournaliste. Résident au Caire, il a travaillé sur l’architecture moderne d’Alexandrie et des villes du canal de Suez.

A lire

1 Tunis. Architectures 1860 - 1960

Librairie Galerie Fahrenheit 451Ave H. Bourguiba Centre Culturel de Carthage2016 Carthage Dermech Tél : 71 733 676

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Tentations

Librairie Galerie Fahrenheit 451Ave H. Bourguiba Centre Culturel de Carthage2016 Carthage Dermech Tél : 71 733 676

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Cet ouvrage sur l’art moderne et contemporain du Moyen Orient recouvre un vaste éventail d’artistes de cette région. Faisant entendre une voix originale, leur travail explore les possibilités de l’avenir, elles mê-mes fondées sur de riches traditions culturelles et une histoire éternelle.Je suis née et j’ai grandi à Bagdad, ville qui regorge de frises, peintures et sculptures magnifiques. Ces œuvres furent essentielles furent essentielles à ma formation. Lorsque je vins étudier les mathématiques à Beyrouth, cette ville était un centre artistique et littéraire rayon-nant d’énergie. Il est extrêmement encourageant de voir les galeries oc-cidentales mettre l’art contemporain du Moyen-Orient sur le devant de la scène. Des expositions dans les insti-tutions les plus respectées du monde procurent une tri-bune vitale aux échanges d’idées ; désormais, diverses nations du Moyen-Orient se sont dotées de leurs pro-pres musées, où se travail se poursuit. Un tel mécénat éclairé, joint aux institutions des conservateurs présage un bel avenir et je me rejoins de voir les artistes de la région repousser les frontières et défier les conventions établies. L’instant présent est passionnant pour les artistes du Moyen-Orient : l’air du temps est vraiment à l’esprit d’in-novation et à la créativité. Transcendant la peinture, la sculpture et la calligraphie établies, leur travail explore de nouveaux moyens d’expression – film, art vidéo et installations – qui reflètent les cultures et les histoires diverses du Moyen-Orient.Depuis des millénaires, l’art du Moyen-Orient comble le fossé culturel entre l’Orient et l’Occident. Il nous apprend que ces deux mondes ne s’excluent pas mutuellement, mais qu’ils reposent l’un sur l’autre et s’entremêlent pro-fondément. L’art du Moyen-Orient nous montre que les artistes de cette région perpétuent la tradition.

Avant-propos de Zaha Hadid. Auteurs: Saeb EignerAvant Propos : Zaha HadidEditions Toucan 383 pages.

22 L’art du Moyen - OrientL’art moderne et contemporain du monde arabe et de l’Iran

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Tentations

L’art moderne et contemporain du monde arabe et de l’Iran

3Le 19e siècle et la première moitié du 20e siècle ont été marqués en Occident par une urbanisation sans pré-cédent qui a conduit à repenser et à réinventer la ville. En Méditerranée et au Moyen-Orient cette période a été également celle de mutations et de bouleversements décisifs au plan politique, social et urbain. C’est ici l’ère des réformes, des Tanzimat ottomanes (1830-1878), op-posées à la pénétration capitaliste occidentale qui aura pour effet modernisation et réorganisation des villes de l’Empire ottoman, Istanbul biensûr mais aussi Le Caire, Alexandrie, Tripoli de Barbarie et aussi Tunis et les villes de la Régence. Réformes qui seront suivies de près par les capitales du monde arabe et ottoman mais qui n’em-pêcheront pas la montée de l’impérialisme et le déclin de l’Empire ottoman.

A Tunis de 1860 à 1935 on assiste à un renouvellement ur-bain et à la mise en place de la ville moderne d’abord sous l’égide des autorités beylicales (1858-1880) puis sous la domination du projet colonial (1881-1935). L’avènement de la ville moderne et le passage d’une ville ancienne à une ville neuve sont ici analysés à travers des documents cartographiques sources et une cartographie originale dressée au 1/10 000° croisés avec les sources écrites. Que montrent les plans de Tunis ? Différents états de ville aux moments où ils ont été commandités et élaborés. Leur rassemblement et comparaison à même échelle de 1860 à 1935 permet de restituer le développement de la capitale, l’organisation matérielle des espaces urbains, l’inscription des découpages administratifs et fonciers autant que la vision et le point de vue de ceux qui les ont dessinés.

Auteurs: Leila AmmarEditions Nirvana prix :

Tunis3 d’une ville à l’autre

Marché central 1905

Marché central 1930

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Quels héritages ?

dossiER spEciAl

Culture

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Je me souviens de Carthage

par Michel Cantal-Dupart

Les villes gravent leur patrimoine dans notre mémoire. La leçon de Carthage plane sur le Grand Paris. Dans l’histoire de mon métier d’urbaniste, le temps d’études sur la banlieue nord de Tunis fut déterminant dans l’appréciation des villes et de leurs territoires.

Il était une fois ….

Cela débute en 1970, par une lettre du Ministère des Affaires étrangères, adres-sée à l’UNESCO. Le Ministre « craint que les nécessités bientôt irrésistibles de l’urbanisation n’entrent en conflit avec les préoccupations de la science ».

Pourtant en1969 un document d’urbanisme, limité à Carthage, réserve un péri-mètre de 400 hectares (60% de la commune) à des fouilles archéologique. Une trentaine d’hectares est revendiquée par la commune pour l’urbanisation.

Une mission est installée, composée de l’UNESCO, de l’Institut National d’Ar-chéologie et d’Art, représenté par Abdelmejid Ennabli, et de l’association Sau-vegarde de la Médina, représentée par Jellal Abdelkefi, avec pour objectif la «

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« La mémoire se matériaLise ici par Les ruines et Les écrits, teL un immense Livre de pierre, iLs se superposent ».

mise en valeur du patrimoine monumental de la région de Carthage en vue du développement économique ».

Pour assurer la protection des monuments (42 sont protégés dont 38 sur la commune de Carthage) je rédige en novembre 1971, au nom de l’UNESCO, un rapport qui propose d’étendre le périmètre aux sites remarquables, de valeur, esthétiques et pittoresques. Il assure la cohérence et la bonne lec-ture spatiale de ce qui reste de la Carthage antique. Ceci aboutit à la créa-tion d’un parc naturel de protection archéologique auquel la forêt et la mer apportent des agréments complémentaires, nécessaires à l’économie du territoire. Un capital d’espace pour une population dont le triplement est prévu.

Le Ministère des Affaires culturelles approuve cette démarche qui inscrit définitivement ce parc archéologique inaliénable.

La mise en valeur précise d’unifier les zones de protection des sites et des paysages, de façon à créer une grande réserve naturelle dont l’armature sera un parc archéologique de 545 ha, elle confirme la tendance annulaire de l’urbanisation en l’organisant par rapport au site naturel qu’elle entoure et renforce le statut agricole de la zone rurale en favorisant l’aménagement de jardins maraîchers qui, participant à l’ensemble du site, s’opposent à l’urbanisation sauvage.

Nous avons inscrit à ce moment qu’il n’y a pas de développement écono-mique sans mémoire des savoir-faire, de l’industrie, de l’agriculture et de la contemplation du vestige.

Les fouilles sont dispersées et hasardeuses pour la période punique. Pour la partie romaine, les ruines visibles ont facilité la tâche. Nous proposons une reconnaissance rapide des sites par sondages et mesure de résistivi-té électrique du sol. Le Directeur Général de l’UNESCO me demande de lancer devant les ambassadeurs du monde entier, depuis la tribune de la grande salle de son assemblée plénière, une campagne internationale de fouilles archéologiques à l’instar de ce qu’avait fait Madame Desroches-Noblecourt pour Abou Simbel.

De nombreux pays se sont mobilisés et ont amplifié les connaissances car-thaginoises.

Que représente le site de Carthage dans la science urbaine ? La mémoire des peuples méditerranéens, la marche des phéniciens par voies maritimes entre Tyr, Carthage et Ibiza, une fondation romaine suivie de la conquête arabe, la création de villes emblématiques : Le Caire, Kairouan et Cordoue, enfin l’installation de bien des peuples méditerranéens et des barbares-ques.

La concentration sur ces quelques hectares de citadins venant de l’Est, du Nord ou du Sud compose les traces verticales d’une ville se chaussant dans la forme ruinée de celle qui la précède.

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Le site est inscrit depuis 1979 sur la liste du Patrimoine mondial de l’UNESCO.

Observons que les quartiers informels (les gourbis), se sont arrêtés aux limites virtuelles du parc archéologique tout simplement parce qu’il est la ressource de petits métiers touristiques, éventails tressés, copie de lampes à huile, … Ceux qui avaient la tutelle de cette sauvegarde n’ont pas eu cette modération confisquant sans vergogne, pour quel-ques uns, un patrimoine qui appartient à tous.

Monsieur le Président de la République, Fouad Mbazaa, en tant que Gouverneur du District de Tunis, a écrit l’avant-propos du rapport de 1971, il est le signataire du décret-loi du 10 Mars 2011 qui restitue à l’Etat les territoires archéologiques spoliés. Quel symbole !

La ville complexe

C’est à Carthage que j’ai mis en œuvre un urbanisme culturel, celui qui organise la cité pour les hommes. Il s’oppose à l’urbanisme immobilier qui ne quantifie que les constructions. L’approche scientifique de cet-te organisation de l’espace fait référence au tableau synoptique que les encyclopédistes Diderot et d’Alembert ont apposé en classification préalable de leur ouvrage : Mémoire – Raison - Imagination.

La mémoire se matérialise ici par les ruines et les écrits, tel un immense livre de pierre, ils se superposent.

La raison, c’est la compréhension de l’esprit des conflits. Il faut révéler les « ponts », pas ceux qui connectent deux rives opposées mais des territoires séparés par le temps, lieux d’échange des cultures entre les hommes. Chaque strate temporelle a mis par terre la précédente. Le développement ne peut se satisfaire des pierres « tombes » qui sont posées sur la culture précédente, rendent autiste et empêchent l’ima-gination.

Dans « Le malaise dans la culture » publié en 1929, interprété par Jacques Lacan qui reprend le triptyque au cours de son séminaire en 1973, Sigmund Freud compare l’homme, être psychique, à la ville de Rome antique. Elle se compose de strates urbaines successives. L’ana-lyse du subconscient s’effectue selon trois approches indissociables : le Symbolique, le Réel et l’Imaginaire.

Au cœur de Carthage, sur le cardo-maximus où s’est installé le palais présidentiel, la symbolique est forte. Seul le maintient du parc archéo-logique, ce vide tellement plein de ruines malgré tous les pillages et prélèvements effectués depuis l’antiquité, suscite l’imaginaire. Cartha-ge détruite fut une merveilleuse carrière de pierres, le Duomo de Pise y a largement puisé. Que de petits chapiteaux ou dallages provenant d’ici ponctuent la merveilleuse médina de Tunis.

Avec Jean Nouvel et Jean-Marie Duthilleul, dans notre Grand Paris, nous avons pris comme première mesure l’aménagement des lisières, créant ainsi des fronts de terre comme on aménage des fronts de mer. C’est une vision prospective pour une ville durable. Pour la banlieue nord de Tunis, cela se traduit par la création d’une façade sur le parc archéologique du Kram à La Marsa, évitant tout étalement urbain et grignotage « fortuit ».

Et maintenant, quel développement économique ?

Il faut revisiter et développer un grand Carthage avec les technologies appropriées. La leçon de Barcelone est applicable du port de la Gou-lette au site perché de Sidi Bou Saïd. La ville a su préserver les perspec-tives sur la Méditerranée, pourtant les bords de mer étaient en friches

« Que représente Le site de carthage dans La science urbaine ? La mémoire des peupLes méditerranéens, La marche des phéniciens par voies maritimes entre tyr, carthage et ibiza...

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ou laissés pour compte. Les urbanistes ont su faire la mise en scène des plages, des aires de jeux pour tous et surtout des multiples petits restau-rant de poissons et de tapas.

Il faut imaginer un nouveau rapport à la mer, réinventer la Petite Sicile et l’esprit des Barbaresques. Est-il raisonnable de ne trouver de bons « com-plets poissons » qu’à Belleville à Paris ? Et le lac de Tunis à La Goulette où s’est installée la première base d’hydraviation, que de quartiers dont l’ima-ginaire ne demande qu’à être révélé.

Je me souviens qu’au début de notre mission en 1970, il y avait un projet de pénétrante au cœur de la médina de Tunis qui poursuivait l’avenue de France jusqu’à la Zitouna, la grande mosquée et, au delà, la Kasbah. Nous avons plaidé contre ce projet en prévoyant que tous les centres villes se-raient, un jour, voués aux piétons. En 1970, c’était une vision prospective !Il n’y a qu’un seul hectare de plage sur la commune de Carthage, trois à Sidi Bou Saïd, sept à La Marsa et huit à la Goulette !

L’aménagement des mers carthaginoises fonde l’ouverture qui attirera ici les regards du monde entier, marque de fabrique d’une ville innovante.

Michel CANTAL-DUPARTMai 2011

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Etat des lieuxpar Chacha AtallahPhotos Pol Guillard

Loin des espoirs démocratiques, de la construction d’une nouvelle république il y a ce qu’on peut appeller l’état des lieux. Il ne s’agit pas de couvrir le territoire mais uniquement d’une observation ci-blée : Comment expliquer que le centre ville de Tunis est devenu plus que jamais une décharge à ciel ouvert. Un amoncellement de déchets, de détritus, embaume l’air de Tunis. La responsabilité ? Surement ou est elle cette appartenance à la Tunisie, pourquoi les jeunes crient qu’ils ne sont plus chez eux ? Peut être faut il com-mencer à réellement s’intéresser à son propre pays. Pourquoi les milliers de vendeurs ambulants qui ont envahis Tunis ne respec-tent même pas leurs voisins, vendeurs comme eux. Une véritable économie, nécessaire à la survie d’une majeure par-tie de la population. Mais pourquoi dans l’anarchie et la défigura-tion de notre propre environnement. Tunis est désormais un lieu insalubre. Quel touriste aimerait lever la tête pour regarder les fa-çades arabisantes de la ville ? Qui aimerait boire un café avec à ses pieds les détritus nauséabonds ?

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Sommes nous à ce point inconscient et peu irrespectueux, som-mes nous à ce point négligeants ? Alors pour maitriser cette éco-nomie anarchique faut il attendre un nouveau gouvernement, les autorités actuelles sont elles capables de prendre des décisions rapides. A cette situation exceptionnelle ne faut-il pas des déci-sions et des actions exceptionnelles ? L’incompréhension est totale, d’autant plus que les cafés ne dé-semplissent pas de ces jeunes « au chômage » désemparés, aban-donnés par leur propre gouvernement. Qui a dis que passer la journée au café apporterait du travail ? Ces jeunes seraient ils trop fiers ? Ou trop paresseux ? Il y a beaucoup à faire dans un rayon de deux kilomètres dans ce chaos qui nous sert de capitale. La restauration, le nettoyage, l’embellissement de Tunis suffiraient à donner du travail à ces nombreux jeunes, pour que cette capitale soit réellement attractive. La responsabilité est aujourd’hui biaisée : les gens veulent être as-sistés au moment ou ils doivent le plus compter sur leur citoyen-neté, leur initiative, leur respect, leur courage. La révolution est faite mais elle laisse un arrière goût amer. Le sen-timent d’avoir abandonné notre propre cocon se fait sentir.

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Les vendeurs ambulants qui occupent actuellement et en très grand nombre les rues de Tunis constituent une véritable écono-mie. Ils occupent de manière informelle les rues et permettent à une grande partie de la population à accéder aux biens de consom-mations. Une simulation a été réalisée pour intégrer cette forme de com-merce dans le paysage urbain. Une forme de sédentarisation de ces marchands atypiques pour qui l’espace urbain sert de vitrine. Cette simulation met en avant la régularisation de ce commerce pour préserver cette économie et une dynamique dans certains quartiers du centre ville.

Projet réalisé par Marie Evo

Un vendeurinédit

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Détournement de la planche en carton habituelle en boîte multifonctionnelle

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par Karim Ben Amor, architecte. photos : Pol Guillard

La mondialisation économique appuyée par des médias de plus en plus performants, accélère le pas vers l’homogénéité culturelle. La portée des phénomènes ponctuels portent des conséquences dépassant très sou-vent le cercle de leurs genèses ; crise des subprimes, révolutions arabes et crises pétrolières…La perte substantielle des spécificités culturelles locales pose la question de l’identité. Il en est ainsi de l’architecture. En Tunisie, la production ar-chitecturale contemporaine n’a cessé de subir et de révéler ces influences référentielles culturelles multiples.

L’architecture de l’état pendant les vingt dernières années à traves les pro-jets monumentaux comme le Stade de Rades, l’hôtel de ville de Tunis ou la mosquée de Carthage a essayé d’encrer cette production dans le registre Arabo-musulman. Le stade de rades est un exemple pertinent puisque ce vocabulaire architectural mauresque n’est là que sur une double peau qui se détache de l’ensemble c’est une « greffe-porte-identité ».

Contrairement aux projets post indépendance qui on initié la modernité architecturale et qui paradoxalement n’ont pas plutôt privilégié un réfé-rentiel national local, l’ère ben Ali est marquée par un retour vers une archi-tecture mauresque. Le message de légitimité par la continuité historique est clair peut-être même une recherche d’appartenance via cette affinité avec le mauresque à une aristocratie traditionnellement au pouvoir.

Certes, le savoir faire et la mise en œuvre des architectures modernes tu-nisiennes des années 50 et 60 c’est fortement affaibli avec le départ des entrepreneurs maltais, italiens et français. Le désir d’un retour aux référen-tiels mauresques n’en demeure pas moins fort pour la commande privée notamment pavillonnaire. Ce retour s’explique par ; la prise en main de la production de l’habitat par des architectes étranger expérimentant ce mo-dèle comme Marmey, et la facilité de mise en ouvre localement (maçons locaux). Un autre facteur est surement déterminent est celui du regain d’intérêt de la notion du patrimoine comme la revalorisation des médinas ou l’exemples Dar Sebastien à Hammamet et le baron d’Erlanger à Sidi bou said.

Architecture et crise identitaire

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Un aspect commun caractérise cependant les deux pouvoirs successifs qu’a connu la tunisie après 56, c’est la volonté de coller un visage unique à la nation à travers une architecture officielle moderne chez Bourguiba en évincent les spécificités régionales, (dans sa politique de mater les diffé-rentes appartenances tribales) et arabo-islamique pour Ben Ali.S’il est inopportun d’identifier une architecture représentative de l’identité tunisienne plurielle, mettre en avant le style arabo-islamique c’est occulter toutes les singularités culturelles vernaculaires. L’élan démocratique qui porte le pays depuis la révolution de janvier mar-quer-t-il l’histoire de l’architecture tunisienne ?. Certes, sur le plan de la gestion administrative, la transparence pour des concours, l’accès à la commande et l’amélioration de la qualité des formations il y des progrès à faire.Mais qu’en est –il de la question de style ?Au moment où cette question perd toute sa pertinence au niveau inter-national. La poser dans nôtre contexte actuel n’est qu’une légitime recher-che de positionnement par rapport à la culture ou l’identité tunisienne ? La production architecturale contemporaine européenne par exemple ne laisse pas apparaitre une image d’une représentativité nationale. C’est le rapport au milieu qui inspire cette image pour un bâtiment de Moneo à Bilbao ou de Nouvel au Havre. Et si la « révolution » architecturale tunisienne passait par cette écoute aux phénomènes, par la composition avec le milieu, l’environnement. L’identité architecturale tunisienne serait donc ce rapport qu’ont les concepteurs avec les exigences du milieu (climat, matériaux, coût, typo-logie et maitrise d’énergie) ou du lieu identitaire et historique selon Marc Augé.

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carthage - sidi Bou saidun site emblématique en péril ?

par Martine Geronimi

Le site emblématique de Carthage-Sidi Bou Said fait couler beaucoup d’encre depuis la Révolution de la Dignité. Une pétition cir-cule sur le Web mobilisant l’intérêt de nom-breux citoyens tunisiens et internationaux. Cet « appel pour la défense du site culturel de Carthage Sidi Bou Saïd » est cosigné par Jellal AbdelKafi, urbaniste et Abdelmajid Ennabli archéologue.Au titre de paysages intégrés dans la mé-moire des peuples de la Méditerranée, le sol de l’Antique Carthage ne peut laisser personne indifférent. L’Unesco suit de près ce dossier puisque le Site de Carthage a été inscrit sur la Liste du Patrimoine mondial en 1979, comme un lieu exceptionnel d’éclo-sion et de diffusion de plusieurs cultures, un lieu ayant exercé « une influence consi-dérable sur le développement des arts, de l’architecture et de l’urbanisme dans la Mé-diterranée ». Malheureusement ce site du patrimoine mondial a subi ces dernières années, sous le règne du Dictateur Ben Ali, bien des préjudices et continue à l’heure actuelle à être menacé.Maisons de Tunisie a tenu à en savoir plus et a souhaité interroger Mr Jellal AbdelK-afi, cet urbaniste pionnier tunisien de la Sauvegarde du Patrimoine qui, dès 1967, a été directeur du projet de Sauvegarde de la Medina de Tunis et qui, depuis 1970 inlassa-blement, se bat pour la Sauvegarde de Car-thage. Il est à l’origine du Premier cri d’alar-me avec son article « Il ne faut pas détruire Carthage » dans le Courrier de l’Unesco. Il est également l’auteur d’un article majeur concernant la destruction du paysage tu-nisien, Construction et déconstruction du paysage, le cas de la Tunisie, paru en 2004. Son combat citoyen, il le mène avec Abdel-majid Ennabli, le Conservateur du site de

Carthage qui, dès 1972, avait entamé auprès de l’Unesco une procédure de classification du site de Carthage au patrimoine mondial. Suite à une campagne de fouilles qui révèle l’extrême richesse du patrimoine enseveli, le site est classé auprès de l’Unesco. En 1985, ce site de près de 400 hectares, fait l’objet d’une procédure de classement dé-finissant les zones non aedificandi – c’est-à-dire non constructibles – en vertu de «l’in-térêt archéologique, historique, esthétique et naturel».

L’arrivée au pouvoir de Ben Ali en 1987 change la donne mettant peu à peu la sau-vegarde de ce patrimoine en péril. En 1994, la Tunisie se dote d’un Code du Patrimoine archéologique, historique et des arts tradi-tionnels. C’est dans ce contexte que Mr Ab-delkafi établit un plan de protection et de mise en valeur du site culturel de Cartha-ge-Sidi Bou Said. Là où le bât blesse, c’est que ce plan ne fut jamais approuvé. Bien au contraire, la famille du dictateur s’approprie de façon illégale des zones archéologiques avec l’approbation de la Municipalité de Carthage pour leur déclassement.

Notre interlocuteur nous confirme que de-puis la Révolution du 14 Janvier, l’intérêt massif des Tunisiens qui sont fiers de leur patrimoine et outrés du comportement indigne de leur ex-président, pousse les autorités à revoir les faits. Une procédure judiciaire serait en cours auprès de la Com-mission nationale contre les malversations et la corruption, dirigée par M. Abdelfattah Amor.

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L’affaire du projet immobilier « Les Résiden-ces de Carthage » pose encore problème, car malgré l’abrogation de toutes les auto-risations de déclassement promulguée par le ministère de la Culture en février, les constructions vont bon train et le chantier de ce projet d’envergure internationale ne semble pas stopper. La pétition du 4 fé-vrier réclamait la mise sous séquestre des biens détournés, la suspension de tous les travaux de construction illégale en cours dans le site archéologique et l’engagement de la procédure d’approbation du Plan de Protection et de Mise en valeur du site de Carthage-Sidi Bou Saïd. A ce jour, M. Abdel-kafi nous confirme que rien n’est encore ac-quis. D’après notre interlocuteur, il semble même difficile d’exercer un contrôle sur les très nombreuses constructions sans permis qu’il a constaté encore aujourd’hui. Person-ne ne sait non plus comment la Commission nationale va pouvoir juger les responsables des détournements et autres prédateurs. Une procédure est en cours mais l’issue est à venir.

Un pas positif , en ce mois de mai 2011, est venu du Président de la République par In-térim, M. Foued Mebazaa, qui vient de met-tre officiellement l’accent sur la nécessité « d’assurer la sauvegarde efficace et per-manente des zones archéologiques ». Sans

aucun doute, M. Abdelkafi y voit vous un lien avec la pétition qu’il a initiée avec son collègue Ennabi et la grande mobilisation des Tunisiens et Amis de la Tunisie et du Pa-trimoine sur Internet. Il faut remarquer que ce même Foued Mebazza était gouverneur maire de Tunis en 1970 et avait soutenu le projet de Sauvegarde Tunis Carthage à l’époque.

Il faut faire diligence concernant ce site du patrimoine mondial, car comme nous l’explique M Abdelkafi, l’Unesco s’inquiète des empiètements répétés sur le domaine protégé. En outre, elle attend toujours de-puis 1996 les limites de la zone de protec-tion et son approbation, annoncée et non effectuée, par le Ministère tunisien de la Culture. Il serait périlleux de ne pas le faire rapidement car le site pourrait être menacé d’être proclamé « en péril » par l’Unesco et perdrait automatiquement son classement de Site du Patrimoine mondial.

Les 4341 signataires de la pétition seront heureux d’apprendre que le combat conti-nue pour obtenir, non seulement les de-mandes exprimées dans la pétition, mais pour voir revenir le site archéologique dans le domaine public et le transformer en un parc national ouvert à tous. Ce bien commun évoqué et inscrit dans le schéma

d’aménagement et d’urbanisme du Grand Tunis en 1993, n’a encore jamais vu le jour. «Cela fait partie du Combat » nous souffle notre interlocuteur.

Et de rajouter que ce combat citoyen ne peut se réaliser seul, qu’il est un enjeu pour les Elus et la société civile avec l’appui des experts. Car « l’expérience prouve que la seule expertise ne suffit pas ». Il faut désor-mais que les décisions émanent des « grass roots ». Et de rêver d’avenir où les citoyens s’empareront du problème du paysage tu-nisien ! Car tout paysage mal entretenu re-flète une société mal traitée !

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La Villa Baizeau de Carthage

Durant l’hiver 1928, lorsque Lucien Baizeau fait appel à Le Corbusier pour lui dessiner sa Villa à Sainte Monique (Carthage), il était loin d’imaginer que le terrain militaire mitoyen, accueillerait, moins d’un demi siècle plus tard, un des hauts lieux du pouvoir national, le Palais Présidentiel de Carthage. Construit lors de l’indépendance par l’architecte Olivier-Clément Cacoub, sur la demande de Habib Bourguiba, le Palais deviendra le lieu de l’exer-cice des fonctions présidentielles, mais aussi la résidence du président de la République. La raison d’état imposera un périmètre de sécurité élargi autour du palais. Les limites de ce périmètre ne cesseront d’évoluer au gré des besoins, jusqu’à s’étendre de manière pour le moins arbitraire après l’accession au pouvoir de Zine El Abidine Ben Ali. Dès lors, le destin de la Villa Baizeau est scellé. Sa proximité avec le Palais conjuguée à l’obsession sécuritaire du nouveau maître des lieux, lui ont valu “l’honneur” d’être annexée au locaux présidentiels, par le gouvernement de Ben Ali.

La Villa Baizeau est désormais un bâtiment administratif. La nature des activités qui y sont affectées reste inconnue et alimente la rumeur. Suivant l’interlocuteur, elle aurait accueilli à la fois la gestion de l’intendance du Palais et les services de la police secrète. Au même titre qu’un grand nombre d’éléments du patrimoine national, la Villa est alors vouée à l’oubli. Au fil des ans, il est de plus en plus difficile d’y accéder, de la situer, de la décrire et même de la nommer. Pourtant, certains noms sont indélébiles et tenaces. La villa Baizeau survit dans la mémoire collective en tant que “maison de Le Corbusier à Carthage”. Le Corbusier, pseudonyme de Charles-Edouard Jeanneret, sans doute l’architecte contemporain dont le nom est le plus célèbre, est un des principaux représentants du Mouvement Moderne.

Dès 1918, Le Corbusier, à la fois architecte, théoricien et artiste, esquisse les bases du puris-me et projette des ouvrages de part le monde avec l’ambition d’utiliser la “planète comme chantier” 2. Du Carpenter Center de Cambridge au Stade de Bagdad, le nom de Le Corbusier est associé à des concepts déterminants du Mouvement Moderne: les villas blanches, les unités d’habitation, les cinq points de l’architecture Moderne, le plan de la ville nouvelle ville de Chandigarh, sont autant de manifestes qui seront essentiels dans l’évolution des théories architecturales contemporaines.

Chronique d’une villa à sauvegarder

1 La Planète comme chantier -Biographie de Le Corbusier par Jean Louis Cohen.

© Fondation Le Corbusier (FLC - ADAGP)

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Lorsqu’un client décidé rencontre un architecte déterminé

En 1928, Le Corbusier achève la construction de la villa Stein à Garches, de la maison Planeix à Paris et des villas du Weissenhof à Stuttgart. A la même époque, Lucien Baizeau est un industriel, directeur d’une entreprise de matériaux de construction. C’est donc en professionnel averti, que le 23 janvier 1928, il “charge les Architectes soussignés [Le Corbusier et Jeanneret] d’établir sur un terrain en sa possession, sis à Sainte Monique (Tunisie) les plans d’une construction à usage d’habitation, à édifier en Mars 1928” 2.

La villa sera finalement achevée dans le courant de l’année 1930. En effet, la conception de la Villa est rendue complexe par la distance et le challenge pour Le Corbusier de concevoir, pour la première fois, un projet dans un contexte climatique particuliè-rement contraignant.

Les échanges épistolaires intenses entre le client et son archi-tecte témoignent de la difficulté à réaliser ce projet à partir de Paris d’autant plus que Le Corbusier ne se rendra jamais sur le site, expérience qu’il renouvellera lors de la conception et de la réalisation en 1954 de la Casa Curutchet à La Plata en Argentine.

Malgré les difficultés, la Villa à Sainte Monique sera construite se-lon les plans d’exécution de Le Corbusier respectant les désirs de Lucien Baizeau et les contraintes des entrepreneurs locaux. Elle est l’un des premiers ouvrages du courant Moderne en Tunisie. Archétype de la période puriste de Le Corbusier, elle est l’une des oeuvres pionnières du mouvement moderne dans le paysage ar-chitectural tunisois. Ces formes simples, épurées, en béton armé sont en contraste radical avec les villas arabisantes de l’époque. A ce titre, elle sera publiée dès la fin de sa construction dans la revue coloniale Chantiers à Tunis, comme faisant partie des « quelques constructions modernes dont on peut dire qu’elles sont réussies ».

2 Convention de Projet entre Lucien Baizeau et Le Corbusier & Jeanneret signé le 23 janvier 1928 Archives de la Fondation Le Corbusier

la mainémail daté de 1963

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“Archétype de la période puriste de Le Corbusier”

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Cette revue spécialisée décrit les qualités architecturales de la Villa Baizeau en opposition avec les projets de l’époque. Loin du faste des constructions coloniales classiques, “cette villa audacieuse a le mérite de ne pas souiller le paysage de la côte carthaginoise où les ordinaires petits cubes de rentiers jouant le chalet normand, où les villas rococo d’architec-tes sans esprit, ont incontestablement une part énorme dans la laideur ambiante”. Ainsi, la Villa Baizeau cristallise ce moment crucial et délicat où le mouvement moderne s’impose comme une alternative audacieuse face aux styles architecturaux en vigueur. Aujourd’hui, cet ouvrage, qui semble intact (l’enveloppe n’a pas été altérée mais l’accès n’y est toujours pas autorisé) est témoin de cette période charnière. Et pourtant, ce projet a été réalisé non sans difficulté.

Dès l’origine du projet, les contraintes imposées par le client sont nombreuses. Lucien Bai-zeau est un professionnel du bâtiment qui a une vision exacte des qualités auxquelles la villa doit répondre. Il est réaliste quant aux conditions climatiques du bord de mer mais en faisant appel à Le Corbusier, il affirme sa volonté d’innovation et son adhésion aux théories développées par l’architecte. En effet, la convention établit entre Mr. Baizeau et les architec-tes Le Corbusier & Jeanneret, est suivi d’un courrier étonnamment précis quant aux “dispo-sitions d’ensemble que Mr. Baizeau désire réaliser” 3. Outres les agencements des pièces et l’importance des vues, ce courrier insiste sur l’importance de l’étude de la ventilation dans toutes les pièces.

Le Corbusier prend conscience de l’enjeu climatique de la maison qu’il décrit dans ses oeuvres complètes. “Le problème consistait à fuir le soleil et à assurer la ventilation constante de la maison. La coupe a apporté ces diverses solutions: la maison porte un parasol qui projette de l’ombre sur les chambres. Depuis le rez-de-chaussée jusqu’en haut, les salles communiquent entre elles établissant un courant d’air constant.” La coupe-libre, juxtaposition de demi niveau en quinconce, alternant les espaces ouverts et fermés, a été déclinée par Mr. Baizeau pour des raisons de confort. Cette coupe assurait la circulation libre de l’air de la base au sommet de la maison. Ce premier projet est soumis aux réticences de Lucien Baizeau qui désire une “habitation confortable, pratique, réduisant au minimum les pas inutiles, facile à entretenir avec un personnel très restreint, permettant dans chaque pièce un isolement parfait” 5. En revanche, le toit-parasol qui assure la protection solaire des ouvertures de la Villa est une des solu-tions architecturales, aux contraintes d’ensoleillement et de chaleur, qui sera retenue et exécutée. Afin de trouver un compris entre les qualités architecturales des esquisses de Le Corbusier et sa propre notion du confort, Lucien Baizeau renvoie une série de plan côtés qui

© Fondation Le Corbusier (FLC - ADAGP)

plans annotéspar l.baizeau (mai 1928)

3 Courrier du 23 janvier 2011 de la Tuni-soise Industrielle (FLC)

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représente ses solutions. D’ailleurs le système de terrasses débordantes, caractéristique de la Villa, a été expressément formulé par le client avant de devenir une source d’inspiration pour le brise-soleil dessiné ultérieurement par l’architecte dans le premier projet de la Villa Savoye, maison manifeste du mouvement moderne et réalisée par Le Corbusier en 1929.

Les propositions successives aboutissent à un compromis exemplaire entre les théories moderne de Le Corbusier et le mode d’habiter des pays chauds soumis à l’intensité du soleil et du sirocco (vent saharien violent, très sec et très chaud.) La conception de cette maison aura permis à Le Corbusier de poursuivre sa réflexion sur les modèles des villas blanches.

Après une seconde proposition, infructueuse, d’une déclinaison de la maison Citrohan, il pousse la logique de l’ossature Dom-ino jusqu’à ces dernières limites en proposant un qua-trième projet qui convient au client et sera réalisé en 1929. Le Corbusier conclut à propos du deuxième projet de la Villa Baizeau en cour d’exécution : “La coupe n’a plus le même in-térêt. Le Principe de l’ossature portant les divers planchers est intéressant, c’est le même qu’à Garches, mais par contre, seuls les poteaux dessinent à l’extérieur une enveloppe régulière et chaque étage s’exprime à l’intérieur de ces poteaux sous une forme exactement conforme aux fonctions, dessinant ainsi, des formes très variées d’étage en étage et mises à l’abri du soleil par la projection des terrasses qui les entourent.”

Le processus de conception de la Villa a été l’occasion pour l’architecte de confronter ses théories aux nouvelles problématiques posées par la situation géographique de la Villa. Dans les années 1930, la plupart des immeubles ou villas construits par Le Corbusier dans les pays chauds seront dans la lignée de la Villa Baizeau qui apparaît, alors, comme un ouvrage résolument inscrit dans le mouvement moderne. Finalement, le 12 décembre 1928, Le Corbusier & Jeanneret, envoient les plans d’exécution de la Villa. Les travaux commencent dans le courant de l’année 1929. Les archives épisto-laires témoignent de problématiques de chantier liées aux modes de construction et aux détails innovants proposés par l’architecte. Néanmoins, les échanges sont assidus et Le Corbusier proposera une solution à la plupart des requêtes du client et des entreprises locales jusqu’à la fin du chantier lorsqu’il donnera les dernières indications concernant les couleurs des peintures.

© Fondation Le Corbusier (FLC - ADAGP)

modèle domi-no

“La coupe n’a plus le même intérêt. Le Principe de l’ossature portant les divers planchers est in-téressant, c’est le même qu’à Garches”

© Fondation Le Corbusier (FLC - ADAGP)coupe exécutée

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Toutefois, il apparaît dès le 15 décembre 1930, des craintes concernant l’étanchéité des terrasses de la villa. Cette lacune lors de la réalisation de la maison pourrait expliquer le recours aux multiples réfections récentes des terrasses.

Néanmoins, ces travaux de maintenance, ainsi que l’adjonction des descentes d’eau plu-viale en façade n’ont pas affecté le langage architectural de la Villa comme en témoigne les photos prises à la fin du mois d’avril 2011. En revanche, il est impossible d’attester de l’authenticité de la maison sans y en avoir accès. Les dernières informations portant sur les éventuelles modifications datent de juin 1989 dans un article rédigé par Jacques Verité et publié dans le bulletin n°10 du CEDAC (Centre d’Étude et de Documentation Archéologique de la Conservation) dépendant de l’Institut National du Patrimoine. Il affirme alors que “la villa n’a pas subit de modification majeure et qu’il est souhaitable qu’elle soit classée et insérée dans le parc national de Carthage - Sidi Bou Said”. Pourtant, en avril 2011, la Villa Baizeau n’est toujours pas considérée comme appar-tenant au patrimoine national tunisien et ne figure pas sur la liste indicative de la Tunisie auprès de l’UNESCO.

Depuis les années 1990, la Tunisie a étendu le titre de monument historique aux ouvrages de l’architecture moderne ce qui a permis le classement de bâtiments emblématiques tels que le lycée de Carthage conçu en 1954 par Jacques Marmey ou encore le domaine du Dar Sebastian réalisée en 1928. En 2002, La France par le biais du Ministère de la Culture et de la Communication, en coopé-ration avec la Fondation Le Corbusier, amorce les procédures de la candidature de l’oeuvre architecturale de Le Corbusier à l’inscription sur la liste du patrimoine mondial selon trois critères majeurs. L’oeuvre de Le Corbusier s’apparente à un bien seriel et transnational qui représente un chef-d’oeuvre du génie créateur humain, témoigne d’un échange d’influen-ces considérables pendant une période donnée et est directement associée à des événe-ments, des idées, des oeuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle. Cette candidature concerne 19 oeuvres majeures de Le Corbusier et fédère, aujourd’hui, six pays : l’Allemagne, l’Argentine, la Belgique, le Japon, la Suisse et la France. En juin 2009, le Comité du Patrimoine Mondial, renvoie la proposition d’inscription, qui sera de nouveau présentée en juin 2011.

la villa baizeau (2011)

4 Article de Falix Gatier, Le Cor-busier, l’UNESCO et la Villa de Ben Ali, paru dans Libération le 25 février 2011.

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la villa baizeau en chantier (1930)

Lors de la constitution du dossier de candidature, la Délégation Permanente de la France à l’UNESCO s’est enquis auprès des auto-rités tunisiennes de leurs intentions concernant la protection et la mise en valeur de la Villa Baizeau. Entre 2003 et 2004, plusieurs échanges ont lieu entre la Fonda-tion le Corbusier et les délégations auprès de l’UNESCO des pays concernés par les oeuvres de Le Corbusier. Il apparaît alors qu’il n’est pas envisagé, par la Tunisie, que la Villa Baizeau, propriétée de l’État, figure sur la liste du patrimoine nationale et par conséquent sur la liste indicative des monuments majeurs auprès du patrimoi-ne mondial. Les arguments qui expliquent cette décision se basent principalement sur des critères d’ordre pratique et de jugements esthétiques.

La Villa serait inaccessible pour des raisons de sécurité et les experts de l’ICOMOS (International Council of Monuments and Sites) ne pourraient s’y rendre afin d’attester de son authenticité. Pourtant, l’image satellite indique que l’accès d’origine de la Villa, la rue Vic-tor Hugo, est en usage et dessert une quinzaine de maisons voisi-nes. Par contre, la Villa Baizeau est l’unique habitation qui bénéficie d’une façade sur mer qui offre une vue plongeante sur les parkings au nord du Palais. Afin de ne pas donner suite à l’intérêt manifesté par la France et par la Fondation Le Corbusier, les rapports concer-nant les qualités patrimoniales de la Villa Baizeau affirment que “la villa en question n’a aucune caractéristique corbuséenne ce qui reflète les conceptions du propriétaire-commanditaire et non celles de l’archi-tecte de renommé mondiale qui est censé en être l’auteur.” Cet argument repose sur une définition étriquée et limitée d’une oeuvre architecturale, de la notion de patrimoine et des théories «corbuséennes». Il ne s’agit pas en réalité de classer un homme mais une oeuvre. La Tunisie fait parti des états précurseurs qui ont élargi leur pa-trimoine aux oeuvres architecturales du XXème siècle. Elle se doit aujourd’hui de réviser, sur la base de critères établis et objectifs, la

liste des bâtiments susceptibles d’avoir une valeur patrimoniale. Concernant la Villa Baizeau, il semblerait qu’elle ait retenu l’atten-tion de l’actuel Ministre de la Culture, Ezzedine Bechaouch, qui a déclaré : “regretter réellement que la Villa Baizeau ne soit pas propo-sée à l’inscription au patrimoine mondial à cause de la peur du pouvoir précédent” 4. Il est intéressant de rappeler que Mr. Bechaouch est ar-chéologue et historien et a été directeur du Comité du patrimoine mondial.

Parce qu’elle représente un manifeste unique de l’architecture mo-derne tunisoise, parce qu’elle révolutionne les styles architecturaux des années 1930 en Tunisie, parce qu’elle fait partie d’un patrimoine colonial bien trop longtemps nié et enfin parce qu’elle a été acca-parée par un système corrompu, la Villa Baizeau mérite la curiosité d’être visitée, étudiée et peut être un jour classée. Si en 1930 elle a été «considérée comme une des réalisations modernes réussies» alors il n’est pas exagéré de penser que la Villa pourrait, aujourd’hui, contribuer à une meilleure connaissance de l’histoire de notre ar-chitecture nationale.

Fatma Chammari

le sud à l’honneurEntretien exclusif avec Karem Dassy Maison troglodite et maison d’hôteL’hôtel le Dar Hi au coeur de Nefta

Dar Saida Beyla ou le charme de Tozeur

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Sauvegarder tozeur

Depuis quand existe cette association et quels en sont les buts?

L’Association de sauvegarde de la Médina de Tozeur est une association de dévelop-pement et à but non lucratif, créée en vertu d’un arrêté ministériel en date du 5/12/2001 (Annonce légale JORT n° 41, p 837 en date du 20 février 2002). Elle œuvre à la protec-tion et à la valorisation des ensembles ur-banistiques traditionnels, des monuments historiques, du patrimoine immatériel et de l’oasis. Elle vise aussi la promotion des ha-bitants de la ville et la préservation de leur environnement d’autant qu’il s’agit d’une ville oasienne où toute séparation entre la ville et son oasis est artificielle et préjudi-ciable. L’idée d’une ASM à Tozeur a germé depuis 1996 mais n’a pas trouvé l’appui escompté auprès des autorités locales et régionales. Cette association est née du constat fait par certains cadres locaux et relatif aux contrecoups préjudiciables au cachet archi-tectural et au milieu oasien des mutations socio-économiques profondes connues par cette ville au cours de la seconde moi-tié du XXe siècle. Le développement ac-céléré du tourisme et de ses corollaires, le désintérêt grandissant pour l’activité agricole, l’accroissement démographique et la croissance spatiale soutenue et sou-vent mal maîtrisée ont porté atteinte aux fondements même de cette communauté oasienne (eau, structures foncières, tech-niques culturales...) et hypothéqué l’avenir des générations futures.

Entretien exclusif avec Karem Dassy Professeur des UniversitésNouveau Président de l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tozeur

Interviewé par Martine Geronimi

Pouvez-vous nous dresser un bilan clair de cette période pré révolutionnaire, marquée par l’arbitraire du régime de Ben Ali?

Dresser le bilan de la période de Ben Ali est l’œuvre des historiens. Cependant, son bi-lan politique a été dressé de manière on ne peut plus éloquente par cette même jeu-nesse qu’il a marginalisé puis tenté d’ins-trumentaliser en déclarant l’année 2011, année de la jeunesse ! Le slogan central de la révolution du 14 janvier, à savoir travail, liberté et dignité nationale atteste la ma-turité et le modernisme de cette jeunesse et met à nu les inepties de l’ancien régime et son incapacité à présenter à notre peu-ple d’autres horizons que l’autoritarisme, la corruption et l’avilissement des citoyens.

La Révolution de la dignité est-elle à l’origi-ne de la Nouvelle Equipe? Et de votre impli-cation en tant que nouveau Président?

Effectivement, la Révolution nous a permis de récupérer notre association. Quant à no-tre implication en tant que président, elle ne date pas d’aujourd’hui puisque nous as-surions déjà cette même responsabilité en 2003, mais étant politiquement « incorrect » les autorités régionales et locales de l’an-cien régime nous ont vite fait comprendre que nous n’étions pas les bienvenus. La po-litique d’exclusion et la pensée manichéen-ne ont tant nui à notre pays, c’est pourquoi nous avons tenu à garder une partie de l’ancien bureau dans la composition du nouveau.

Quels sont les enjeux actuels pour cette as-sociation?

Les enjeux sont multiples. Certains datent de la phase précédente, d’autres sont posés par la Révolution du 14 janvier 2011. D’abord, un enjeu pédagogique mais aussi politique, celui de participer à redéfinition des cadres de la nouvelle gouvernance lo-cale qui a tant fait défaut lors de la phase précédente. L’Etat indépendant a dés-tructuré la région et ancré la mentalité de l’assistance et de l’Etat-providence avec laquelle il va falloir rompre pour aller dans le sens de la responsabilisation des gens et des communautés et du compter sur soi. La dictature et son système clientéliste trouvent leurs appuis et leur terreau dans la mentalité de l’assisté. Ensuite, un enjeu de développement et c’est la tâche la plus importante sur laquelle nous serons jugés. Aujourd’hui, les règles du jeu ont changé et pour les associations les maîtres-mots sont impliquer les citoyens, libérer les initiatives, intégrer les réseaux et explorer les convergences.

Comment voyez-vous l’avenir de l’associa-tion dans le cadre de la Nouvelle Tunisie?

Les associations ont un rôle fondamental à jouer au cours de la prochaine étape. Si la Tunisie se trouve aujourd’hui dans un tel état de déliquescence c’est parce que l’Etat a pris, depuis 1956, le dessus sur la société civile, ce qui a favorisé l’autoritarisme et toutes les dérives connues. Les associations seront dorénavant appelées à assurer plei-nement leur mission d’organe de veille ci-

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toyenne à côté des missions qui leurs sont dévolues de par leurs statuts et dans leurs domaines de compétence. Elles auront également à contribuer à la conception et à la mise en place des mécanismes et des structures qui assurent la participation ci-toyenne aux décisions à toutes les échelles. Une société libérée ne peut se concevoir sans un tissu associatif puissant, représen-tatif et fortement engagé dans les affaires de la cité.

Un mot sur le Sud et le positionnement de Tozeur dans le cadre régional?

La Révolution de la dignité nous donne l’occasion d’ouvrir les dossiers éludés ou carrément évacués par l’ancien régime, en particulier, ceux du développement territo-rial, réduit à un slogan creux. La prochaine étape exige la recomposition territoriale du pays dans le sens de la mise en place d’un véritable pacte de développement terri-torial solidaire et équitable. Le Sud de la Tunisie aura son mot à dire au cours de la prochaine étape pour sortir de la logique de drainage des ressources (phosphates, hydrocarbures, dattes,…) et des hommes (exode et immigration) qui lui a été impo-sée et dont il sort à la fois exsangue et en-core plus appauvri que jamais. La création de régions de développement comme cadre de déploiement et de cohé-rence de la nouvelle politique territoriale ambitionnée exige à notre sens le dépas-sement de la traditionnelle dichotomie Est/Ouest pour jouer la complémentarité et les solidarités et pouvoir peser sur sa destinée.

Par ailleurs, le développement régional ne peut être envisagé dans un cadre national stricto sensu, c’est-à-dire qu’il doit tenir compte de l’environnement international et il s’agit d’anticiper, aujourd’hui même, les mutations à venir. Le Maghreb est une réa-lité qui s’imposera à nous et celui à naître sera celui des peuples et des régions et pas celui des nations. Par conséquent, il faut préparer nos régions et les outiller pour les positionner et leur permettre de soutenir la concurrence et faire valoir leurs potentiali-tés dans un monde globalisé. Au cours de la prochaine étape, le développement de To-zeur est intimement lié à celui des régions algériennes voisines dont elle est séparée par des frontières factices.

« La Révolution de la dignité nous donne l’occasion d’ouvrir les dossiers éludés ou carrément évacués par l’ancien régime, en particulier, ceux du développement territo-rial, réduit à un slogan creux. »

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Profondeurs unies

Dans ce Sud profond qui nous fait tant rêver, celui de l’aventure saharienne et de la nuit sous le bivouac, il est un lieu plein de mystère et de charme, une adresse que l’on se murmure entre amateurs de vie bucolique et authentique : Au Trait d’Union à Tijma, près de Matmata.

Textes : Martine GeronimiPhotos : Pol Guillard

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Le nom du lieu berbère Tijma don-ne une couleur quasi mystique à l’étrange habitation troglodyte dans laquelle vous aimerez passer un week-end de dépaysement ab-

solu. Lieu de rencontres multiculturelles et d’inspiration sensitive, cette maison d’hôte est située au sud-est du Chott el-Jérid, à 600 m d’altitude sur les contreforts du Djebel Dhahar, au milieu d’un magnifique cirque de montagnes.

En plein pays berbère, s’est installé un amoureux fou du Sud Tunisien et de sa culture. Patrick un français, ami des Berbè-res et passionné d’architecture troglodyte, a décidé de vivre son rêve en restaurant l’une de ces maisons qu’il a transformée en une saisissante maison d’hôtes au caractère unique.

Habitations creusées aux flancs des monta-gnes, elles permettent de supporter les très fortes canicules qui durent plusieurs mois par an dans la région. Cet urbanisme sou-terrain est une réponse traditionnelle ex-trêmement bien adaptée aux changements climatiques. Si à l’extérieur il fait 40 degrés à l’ombre, à l’intérieur la température est autour de 20 degrés !

Autour d’un puits central, constituant la cour d’habitation, se regroupent des pièces creusées à même la roche. Ici à Tijma, la cour concave quasi circulaire surprend par ses dimensions, presque 10m de profondeur. Tel l’antre d’un dieu lunaire, cette demeure d’un autre temps vous ac-cueille dans sa version réhabilitée en déli-catesse par le propriétaire.

La bâtisse principale troglodyte est dans son intégralité, à l’identique du jour de son

Page de gauche : Vue nocturne plongeante sur la cour de l’habi-tation troglodyte, véritable puits central qui re-groupe les pièces creusées à même la rocheCi dessus : Poteries traditionnelles et objets usuels en bois massif, de simples et rustiques décorations dans une des chambres d’hôtes

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acquisition. L’état exceptionnel de perfection de cette maison a conduit le propriétaire à n’effectuer que des travaux d’aménage-ment intérieur et, notamment les structures de lit qui ont été re-travaillées, afin d’apporter un peu plus de confort aux voyageurs et hôtes de la maison. Patrick a tenu à installer dans chaque chambre un cabinet de toilette complet avec douche à l’italienne. L’habita-tion s’est vue doter d’une installation électrique intégrée, de maniè-re à éclairer les lieux sans pollution visuelle et en mettant en valeur les murs d’un blanc crayeux.

Ici point n’est besoin de sophistication, quelques tapis d’une beau-té brute, jetés au sol, quelques jarres antiques et autres objets en bois massifs, de belles portes traditionnelles et le décor est planté. L’ambiance est dépouillée propice à la concentration et au repos. Vous n’avez plus qu’à choisir votre chambre pour enfin goûter au charme spartiate d’un lit de pierre et savourer les harmonies dou-ces du blanc et du beige, sublimées par les lumières indirectes de lampes posées au sol ou sur de petits murets.

A côté du troglodyte initial et respecté dans son intégralité, Patrick a fait construire en annexe, par des maçons du pays, un corps de bâtiment qui respecte à la fois la construction et permet de réaliser les fonctions hôtelières nécessaires : salles de bains et cuisine. La modernité a ses impératifs !

Cet habitat traditionnel offre le logis pour douze personnes répar-ties en 5 chambres d’un volume impressionnant. Chaque pièce est baptisée du nom d’un village ou d’une ville de la région : pourquoi ne pas choisir de dormir à Tozeur ou à Douz, tout en appréciant la douceur troglodyte ? La maison comporte en réalité huit gran-des chambres dont l’une sert au maitre de séant. Une de ces autres chambres a été aménagée en restaurant. Hormis y dormir, les invi-

Page de droite :Chambre d’hôtes Douz, dans une grande alcôve, un lit double attend les voyageurs, sur le muret des plats en poteries berbères et deux lampes éclairent sobrement la pièce

Ci dessous : La cour de jour, immense cœur de la maison qui accueille les invités en quête de calme et de fraicheur à certaines heures, tout le mobilier est de création locale, des chaises pliantes aux tissages et tapis posés sur des socles en bois, de même pour les vanneries.

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Ci dessous :Dans la chambre d’hôte Tozeur, un trou béant donne sur le couloir d’accès à la cour centrale, couloir légèrement surélevé par rapport à l’espace du lit de pierre. Sur le sol trois différents tapis de styles berbères et une petite chaise de bois attire le regard.

Page de droitePorte ancienne faite de simples planches de bois assemblées sobrement, belle plaque de bois sertie dans le mur indiquant le nom de la chambre. Ici Tozeur

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tés peuvent y goûter la cuisine locale, qui est succulente, faite d’épices, de lait et de miel et bien sûr de viandes d’agneaux. Le soir, Patrick aime à parler avec ses invi-tés de sa passion, la culture berbère et de leur expliquer que le Berbère ou Amazigh signifie «homme noble» ou «homme libre». Dans cet environnement troglodyte, on oublie le temps de nos contrées stressées et on s’imagine vivant enfin dans une fusion totale avec la terre et ses bienfaits. Dans le sud Tunisien, cette demeure répond de bel-le manière à cette nouvelle demande d’un tourisme culturel, valorisant des sites natu-rels et préservant des modes de vie tradi-tionnels et des identités locales à protéger. Cette rénovation d’un habitat traditionnel et sa transformation en une maison d’hôtes correspondent aux changements de valeurs de nos sociétés qui intègrent désormais le concept de développement durable. En faisant participer la population locale dans

la restauration et en faisant travailler les ha-bitants dans le service aux touristes, cette demeure vise l’exploitation durable et un tourisme respectueux. Les voyageurs ne se trompent pas et depuis deux ans ils sont fi-dèles et reviennent Au trait d’Union.Ce lieu est une adresse rare. On peut y sa-vourer la Tabouna toute chaude, siroter un thé à la menthe, regarder les étoiles, tout en prenant le frais dans la cour au milieu de la nuit saharienne ! Ici on peut goûter à une forme exceptionnelle de vie, celle du trait d’union entre les cultures…un lieu propice d’échanges à l’infini.

Page de gauche : De nuit la cour centrale illuminée un lieu ac-cueillant pour siroter un thé vert à la fraîcheur.

Ci dessous :Au centre, petit cabinet de toilettesA droite, un petit salon improvisé dans une al-côve, chemin de nattes sur le muret qui sert de banquette et tapis aux formes géométriques et aux couleurs vives sur le sol.

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Ci contre, de bas en haut : Porte d’accès extérieur complètement creusée dans la roche donnant sur un es-calier.

Vue de l’intérieur, ouvrant sur l’escalier et menant à une pièce commune, belle pote-rie à anses posée sur une table recouverte de peaux et jouxtant une superbe rose des sables.

Gros plan sur la porte intérieure et sur les marches de calcaire ; niche creusée dans laquelle repose une jarre, derrière la porte une alcôve salon avec petite table de pier-res calcaires assemblées.

Page de droite : Détails extérieurs de la maison, avec ban-quette de rondins de bois habillés de tapis et nattesLes clés de portes et porte clé sont en cor-de et lamelle d’olivierDes cornes de gazelles, véritable porte-bonheur ornent un mur.

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So HI!

Aux lendemains de la Révolution tunisienne, dans une région ma-gnifique du Sud Ouest de la Tunisie, aux portes du désert, un hôtel de charme fait la Une, celui de la célèbre architecte designer Matali Gras-set. Implanté à Nefta, Dar Hi est une œuvre innovante inscrite dans une Oasis les plus réputées, la Corbeille de Nefta.

Texte : Martine GeronimiPhotos : Jérôme Spriet

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Page de gauche :Surplombant la splendide corbeille de Nefta, un espace en pilotis offre un panorama excep-tionnel dans une harmonie tonique orange et turquoise

Page de droite : Sous la nuit chaude du sud-tunisien, l’espace éclairé de l’hôtel écologique Dar HI, modernité et contemplationt

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Ci dessous : Splendide vue en contreplongée de l’escalier de Dar Malika, maison de type traditionnel ancré dans la ville, une offre d’indépendance pour des hôtes venant en familleSalon bibliothèque Zen avec cheminée contem-poraine d’inspiration mauresque, souligné d’un jaune spirituel

Page de droiteTerrasse et piscine sur le toit, un luxe double : la piscine d’eau thermale et la ville de Nefta

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« L’idée de cet hôtel est venue de l’Oasis, car c’est là qu’on a un équili-bre depuis des décennies entre la nature et l’activité humaine ». Matali Grasset

« L’idée qui me guide est de revenir à une certaine simplicité, en s’imprégnant de l’esprit du patrimoine local et surtout de cet arbre magnifique et altier, le palmier. » Matali Grasset

Telle une sentinelle, la silhouette de cette forteresse contempo-raine surgit au regard du connais-seur, surplombant le quartier historique et populaire de Ras El

Aïn. Rompant avec les codes traditionnels du luxe, la Designer a choisi de créer un lieu unique, espace de ressourcement intérieur, Haut-Lieu d’un voyage initiatique. Sorte de « thalasso de l’esprit », le concept de Dar Hi repose sur le voyage intérieur. Chaque in-vité résidant au Dar Hi, qui compte dix-sept chambres, est convié à vivre une expérience unique, celle de la rencontre avec le désert et du partage de la vie oasienne.

L’hôtel a été conçu pour offrir un autre type d’hôtellerie en Tunisie, une offre de partage et d’expérience à dimension humaine. Fruit de la deuxième collaboration entre Ali Pa-trick Elouarghi, Philippe Chapelet et Ma-tali Crasset, le Dar Hi obéit à une démarche écologique soutenue par une vision dura-ble. Il a donné naissance au concept d’Eco-retraite.

Tout comme l’hôtel Hi de Nice, la construc-tion de celui de Nefta a été menée dans le respect de l’environnement, en coopération avec les artisans de la ville de Nefta et de celle de Tozeur. L’utilisation des matériaux locaux pour le mobilier, la décoration, l’iso-lation est de mise et repose sur le palmier.

La volonté des promoteurs est donc dou-ble, celle d’accueillir une clientèle Haut-de gamme dans un environnement exception-nel, l’oasis et ses 400 000 palmiers, et celle de préserver cet environnement par une ré-flexion sur la protection et la réhabilitation de la Corbeille de Nefta autour du projet de Palm Lab.

Cette clientèle, qu’elle soit nationale ou in-ternationale, est essentiellement citadine. Il s’agit pour la designer de lui offrir un havre de paix naturel dans un respect total du concept écologique et selon une approche design, ludique, colorée et accueillante.Les dix-sept chambres se déclinent en qua-tre concepts hyper-colorés. Espaces dispo-sés selon des directions différentes, ouver-tes sur l’extérieur, ces chambres bénéficient d’un panorama d’exception, au choix sur la ville, le désert ou l’oasis. Chaque chambre bénéficie également de toute la vie de l’hôtel grâce à une interac-tion avec les espaces publics, terrasse inté-rieure, piscine ou hammam.

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• Maison sur PilotisLa Maison sur pilotis réfère au premier concept, baptisé par les pro-moteurs, type air. Ces espaces en pilotis donnent sur la vie locale et la palmeraie, ils offrent des points de vues saisissants et tous dif-férents, les uns donnant sur le Chott el Jerid et les autres sur la Corbeille de Nefta, deux expériences de vie sont ainsi offertes : en partie haute, l’existence s’organise autour du Maksoura, sorte de Bow-window ; en partie basse, l’espace a des airs d’une petite place de village protégé du soleil par un jeu de treilles, préservant l’inti-mité de chacun

• Bow Window PilotisTrois espaces réfèrent au deuxième type, dit troglodyte, ils sont si-tués dans la partie rocheuse de l’hôtel.

Ces trois chambres sont indépendantes, mais forment des espaces ayant chacun une terrasse privative, tout en partageant un espace commun circulaire. D’un confort épuré et bénéficiant d’une frai-cheur elles rappellent la douceur des maisons troglodytes typi-ques de la région de Matmata. La designer propose aux invités une authentique expérience minérale.Trois autres espaces, situés au niveau du sable, constituent le troi-sième type, appelé dunes.

Ces chambres se présentent comme des pièces ouvertes qu’un vent de sable aurait dessinées. A la manière d’un bivouac, ces es-paces intérieurs proposent un confort informel et modulable. Cha-que espace dune est particulier : l’un est doté d’une loggia et d’un puits de lumière avec jardin intérieur, l’autre dispose d’une terrasse extérieure et d’une baie vitrée avec vue sur la corbeille de Nefta, la troisième chambre indépendante possède une terrasse-alcôve en bois avec une vue sur la palmeraie.

Ci dessous : Confort informel et modulable de l’espace Dunes

Page de droite : Un lit pour une chambre d’expérience troglodyte

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« J’ai placé tout mon savoir-faire sur l’idée de travailler sur des scénarios ré-duits et pas sur des objets (…) l’esthéti-que, la matière, va dépendre de l’inten-tion que je veux mettre dans le projet. » Matali Grasset

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Ci dessous : Vue inoubliable et panoramique sur Nefta d’une chambre pilotis, la vie s’organise autour du bow-window ou maksoura Une petite table pour grignoter ou travailler, un vaste lit et une expérience de vie intime et confortable

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101En contrebas de l’escalier, le lit de repos masque la partie douche et les toilettes

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• Dar Malika représente le quatrième type, celui de la maison tradi-tionnelle. Cette dernière est ancrée dans la ville. Elle plait aux voya-geurs amoureux d’indépendance et du bonheur de se retrouver entre amis, tout en profitant des services de l’hôtel, en particulier les activités bien être et la cuisine bio. En effet, un des axes de la démarche des promoteurs est d’offrir une cuisine bio à leurs clients et même, des cours de cuisine bio. Celle-ci est alimentée par la culture d’un potager biologique sans engrais, installé dans l’oasis.

Les parties communes révèlent une conception d’ouverture. La cuisine est un laboratoire aéré dans lequel s’activent les cuisiniers, tous originaires du village.Cette zone est ouverte à toute heure du jour ou de la nuit, on ne peut pas parler de restaurant, mais d’une salle à manger modulable avec de grandes et petites tables utilisables à souhait.

L’hôtel dispose d’un auditorium et d’une bibliothèque, car les ac-tivités culturelles font partie de l’offre de séjour. Les chambres ne possèdent pas de télévisions et ces deux pièces permettent aux invités de venir choisir un livre, d’écouter de la musique ou de voir des films.

Ci dessous : Les niches pour les babouches sans les babouches, un clin d’œil Page de droite : La terrasse, la nuit, un espace de quiétude…luxe calme et volupté

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On ne peut quitter le Dar Hi sans faire l’élo-ge du Spa, particulièrement soigné par la designer, et extrêmement recherché par tous les voyageurs. En droite ligne avec le concept du soin du corps et de l’esprit, le spa Hi Body and Soul est un espace com-posé de salles de massage et de soins, d’une baignoire aux huiles relaxantes, d’une salle de méditation, d’un hammam dans la pure tradition orientale chauffé à la vapeur d’eau chaude provenant du désert, d’une piscine d’eau chaude thermale à jets massant, d’un salon de yoga... Là encore tout respire cal-me, beauté et douceur de vivre

Impliqué dans les causes de leurs temps, les promoteurs de Dar Hi ont su tisser des relations privilégiées avec les habitants du

village, notamment avec les jardiniers qui leur fournissent les produits locaux, fruits et légumes. Il est même question désormais de créer un jardin collectif. Car Dar Hi veut contribuer fortement à la préservation de l’oasis de Nefta qui souffre du tarissement de ses sources. Cet hôtel se révèle certes un lieu de détente pour cita-dins fatigués, mais détient entre ses mains le potentiel pour faire revivre une région qui a perdu de son lustre, depuis les années 80.Dar Hi est un élément unique en Tunisie et devrait attirer bon nombre de touristes à la recherche de ce confort sans ostentation et de cette nature fragile mais si attachante aux abords du désert.

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Ci dessous :Sur les cimes de Dar Hi depuis la piscine, vue sur la ville de Nefta

Page de droite :Telle une citadelle, la silhouette de Dar Hi mar-que le paysage et domine la corbeille de Nefta

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Saida Beyla

Aux lendemains de la Révolution tunisienne, dans une région ma-gnifique du Sud Ouest de la Tunisie, aux portes du désert, un hôtel de charme fait la Une, celui de la célèbre architecte designer Matali Grasset. Implanté à Nefta, Dar Hi est une œuvre innovante inscrite dans une Oasis les plus réputées, la Corbeille de Nefta.

Texte : Martine GeronimiPhotos : Firas Ben Khelifa

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Les médinas de la Tunisie ont re-conquis ces dernières années un intérêt certain auprès des Tuni-siens. Si des pionniers avaient créé dès 1967 l’Association de Sauve-

garde de la Médina de Tunis (A.S.M), encou-ragé en cela par l’uNESCO et son bureau de l’Icomos, il a fallu attendre les années 90 et parfois 2000 pour que se généralise une perception patrimoniale à l’échelle du pays.

Dans la plus grande Oasis du Sud ouest de la Tunisie, à Tozeur, la médina datant du XIVe siècle est un véritable trésor que les voyageurs et touristes de distinction tien-nent à visiter. Comme à Nefta, l’utilisation de la brique traditionnelle donne un char-me apaisant par son unité et ses douces harmonies à l’architecture de la splendide médina de Tozeur.Depuis l’automne dernier, la visite de la Medina offre un nouveau cadre de vie aux amoureux d’architecture traditionnelle. Ils peuvent désormais y passer quelques jours paisibles, dans un hôtel de charme conçu par un couple tunisien, féru de culture et passionné par les traditions de Tozeur. Pionniers dans leur réalisation, nous avons voulu les interroger pour comprendre leur démarche et connaître leurs motivations à ouvrir cet Hôtel de charme, composé de 9 chambres et suites

Le propriétaire nous avoue que leur inspi-ration est venue à la suite d’un voyage au Maroc, alors que sa femme et lui-même étaient hébergés dans un ryad de Marra-chech. Monsieur Soltane, originaire de To-zeur, eut l’intuition et le goût impérieux de réaliser en Tunisie, dans son univers fami-lial, une demeure traditionnelle et confor-table pour accueillir les voyageurs de pas-sage dans la Medina. Ce projet personnel et d’envergure leur demanda plus de deux ans, compte tenues des démarches admi-nistratives tatillonnes et de la restauration de la maison familiale.

Pour réaliser cette dernière, le couple qui n’est ni du domaine de l’architecture, ni de celui de l’hôtellerie, a fait appel aux meilleurs spécialistes. Ainsi ils ont fait

Page de gauche : La belle terrasse en contrebas, jeux de briques blondes et alcôve intime transformée en cana-pé orné de tapis et coussins au rouge profond. Beaux fauteuils en osier, chapeaux de paille de Tozeur.Page de droite : La fenêtre, détail. Dentelles de briques et de fer-ronnerie se répondent.

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confiance à l’architecte Ridha Rekik , spé-cialiste de la Brique de Tozeur. Et pour le Design et la décoration de la résidence de charme, ils ont retenu le bureau tunisois d’architecture d’intérieur « ESTHETIKA », connu pour son savoir faire en aménage-ment hôtelier. Cette équipe a su composer ce décor cosy au confort moderne, tel que les propriétaires le souhaitait.

Nous sommes sous le charme de cette réalisation luxueuse dans sa sobriété ap-parente, et qui a su garder l’authenticité de l’architecture tozeuroise, tout en réus-sissant l’alliance si subtile de la tradition et de la modernité. Les maitres du lieu refu-saient catégoriquement la piscine, jugeant cette construction non conforme à l’esprit des lieux et surtout ne respectant pas leur éthique environnementale stricte. Dans un pays où les sources d’eau sont épuisées, la démarche des propriétaires est remarqua-ble, ne cédant pas à la pression mercantile d’un tourisme bas de gamme.En revanche, les propriétaires ont mis l’ac-cent sur le Hammam traditionnel situé au sous-sol de la bâtisse qui comprend un rez-de-chaussée et un étage. Les invités de

l’hôtel sont ravis de pouvoir goûter à l’art du bain à l’oriental et de recevoir un mas-sage aux huiles essentielles, à deux pas de leurs chambres. Ces dernières sont spacieu-ses et très luxueuses. De ce luxe qui ne brille pas, constitué de détails raffinés, comme les pièces de tissus hand made, dans des lins sélectionnés pour les draps de lits, no-tamment.Traversant un salon aux murs sertis de bri-ques blondes, les visiteurs sont conduits au patio, dans cette cour fraiche et om-bragée au centre même de la maison. A tout moment un thé à menthe est offert aux résidants. Certaines chambres donnent directement sur le Patio, comme Habayla au rez-de-chaussée, avec sa porte-fenêtre s’ouvrant sur un palmier. A l’étage, Zebda propose un bel espace avec deux lits-ban-quettes séparées. Chaque chambre pos-sède un cabinet de toilette, avec douche ou bain, traité avec raffinement. Toutes les chambres sont munies de l’accès à Inter-net, d’un écran de télévision Lcd et bien sûr de la climatisation. Ces chambres portent chacune le nom d’un quartier de Tozeur, ga-rantissant ainsi l’esprit des lieux. Une seule chambre déroge à la règle et nous invite au

Ci dessous :Suite Junior Tombouctou, au premier étage, fe-nêtres sur patio, grand lit coin salon avec ban-quette

Page de droite :Salon entrée : Traditionnel et chaleureux, ouvert sur le patio, espace convivialHammam privé au sous-sol, symbole de détente et de beauté en Orient, deux beaux chaudrons en cuivre, recouvert de carrelages en pierre, il allie le beige et le rouge

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voyage vers Tombouctou, nom donné en l’honneur d’un ami de la famille originaire de cette ville des pistes. Cette suite se situe au premier étage et donne également sur le patio. Les autres chambres s’ouvrent côté jardin. Au-dessus des chambres, selon la tradition arabe, la maison est couverte par une immense terrasse qui sert de lieu d’ob-servation de la voie lactée par les longues et douces nuits d’été.Cette résidence de charme, à peine ouverte a été plébiscitée. Les voyageurs se sont pré-cipités sur ce tout nouvel hôtel de charme, au-delà même des espérances des proprié-taires. Si ce n’était de la Révolution, elle se-rait à l’heure actuelle entièrement occupée. La clientèle étrangère ou tunisienne appré-cie d’être enfin accueillie au centre de la ville de Tozeur et de pouvoir se promener à pied dans les ruelles toutes proches de cette médina pittoresque. On peut gager que dès le retour de la sai-son fraîche, après le mois de Ramadhan, Dar Saida Beyla deviendra l’adresse incon-tournable pour tous les touristes culturels visitant le Sud Tunisien.

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Page de gauche :Cabinet de toilette double, belles boiseries et murs recouverts de Tadelakt

Page de droite :La cour de nuit, le jeu ajouré des briques de To-zeur dans la lumière, tables en bois et fauteuils tressés en nervures de palmes

Idée décoHabiller un appartement

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C01habiller un appartement Photo : Pol Guillard

C01 est un appartement témoin.A l’image du témoin du mariage possible en-tre une qualité architecturale et la promotion immobilière.

L’architecte Aurélia Bouyssonie (agence uncin-quantième) s’est vue confier l’architecture in-térieure de la Résidence Diar Didon, un projet immobilier composé de 7 villas et de 30 appar-tements.

Le promoteur souhaite réaliser un projet de grande qualité au sens large du terme. Le lieu choisi témoigne d’un choix ambitieux. Le pro-jet se situe aux portes de Carthage. Les points de vue sont variés et privilégiés.

L’architecte Foued Elleuch conçoit une rési-dence contemporaine aux lignes sobres et aux espaces de qualité. Au cœur des villas et des appartements, un jardin luxuriant.

Aucun espace ne sera négligé, aucun détail ne sera laissé au hasard. L’objectif est fixé. Les moyens requis seront déployés tant financiers que techniques.

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Page de gauche : Vasque en inox posée sur un meuble Duravit. Robi-netterie HangroheCi dessous : Le séjour largement éclairé par deux grandes baies vitrées est habillé par Zina pour tapis et rideaux. Egalement le lampadaire «César» et coussins en lin teint. Les tables basses «metal side» des frères Bou-roullec pour Vitra chez Prestige Project. Les tables sont accompagnées d’un sofa en cuir blanc «Lo-renzo le magnifique» de Philippe Stark pour Driade chez Prestige Project. Suspension «kendyl XXl» en cuivre nickelé perforé Zina. Vaisselle et accessoires Zina. Chaises Daw de Eames Vitra chez Prestige Pro-ject. Table en chêne uncinquantième mobilierTableau de Imen Berhouma

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Ci-dessus : Dans le séjour (fauteuil «Cité» de Prouvé pour Vitra chez PP, buffet en chêne uncinquantième mobilier, tapis et rideaux Zina, tables basses «metal side» des frères bouroullec pour vitra chez Prestige Project (PP)

Page de droite : Salle à manger (lampe Empoli de Kartelle chez Loft, chaise «chair one» de constantin gricic pour Magis chez PP, console uncinquantième mobilier, suspension «kendyl XXl» en cuivre nic-kelé perforé Zina, vaisselle et accessoires Zina, tableau de Imen Berhouma, chaises Daw de Eames Vitra chez PP, table en chêne uncinquan-tième mobilier)

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Le résultat est le fruit d’un long et méthodi-que travail d’équipe. Dès le début des étu-des l’ensemble des intervenants tente de répondre au mieux aux exigences esthéti-ques des uns et aux contraintes techniques des autres. Non sans heurts ni décisions ra-dicales…Le cap est maintenu par un travail de four-mi et un suivi quotidien. Chaque imprévu est soumis à réflexion. Le projet ne doit pas être dénaturé.La construction est suivie de près telle une gravidité précieuse.Le C01 représente la première partie émer-gente de l’iceberg.Pour l’architecture intérieure Aurélia Bouys-sonie et son équipe propose un parti sobre et luxueux ponctué d’éléments inattendus. Un choix de conception que l’on retrouve

dans l’ensemble des projets de l’agence uncinquantième.Les sols sont en marbre, le calepinage est sobre avec une finition mate. La mise en œuvre s’efface pour mettre en valeur le ma-tériau. Les murs sont blancs laissant place à la lumière et à l’espace. Le chêne des portes et des placards apporte une touche chaude et naturelle à l’ensemble.Les équipements techniques sont choisis méthodiquement. Certains sont camouflés dans le décor comme les radiateurs, d’autres sont mis en valeur car singuliers comme les interrupteurs. La technologie est présente dans tout le projet mais reste discrète.Certains éléments viennent rompre avec la sobriété ambiante. Ainsi on découvre au détour d’un couloir, une vasque chromée telle une sculpture.

Les salles de bains sont pensées comme des espaces nobles qui n’étant pas voués à être meublés sont personnalisés par des équipements sanitaires aux formes et aux matériaux luxueux avec des murs entière-ment habillés de mosaïque.

La décoration de l’appartement témoin suggère un mode de vie contemporain, luxueux et sans ostentation. Les pièces de grands designers y côtoient des éléments faits mains. Les meubles en bois sont dessinés sur me-sure par Aurélia Bouyssonie dans la conti-nuité de l’esprit du projet.Les lieux semblent déjà habités, on ne serait pas surpris d’y croiser le maître de maison.

En attendant, l’harmonie et l’art de vivre y ont élu domicile.

Elya Bene

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Références :

- Portes porte à porte- Cuisine et dressing Delta cuisine- Sanitaires Duravit- Robinetterie Grohe

Mobilier et luminaire :- uncinquantième mobilier- Zina- Prestige projects- Loft

Tableaux :- Ymen Berhouma- Emmanuelle Blanc- Ali Tnani- Mohamed Razzak- Garance Mesguiche

Liens utiles et contacts : www.diardidon.comwww.zinalaboutique.cominfo@[email protected]

Page de gauche : Salle de bain entièrement tapissées d’une pate de verre cuivrée accueille une douche, une bai-gnoire et deux vasques. (saniataires Duravit, lu-minaire et accessoires Zina.

Ci dessous : Chambre pour enfant (-bureau uncinquantième mobilier, chaise «first chair» magis chez PP, tapis, rideaux, lit et parure et accessoires Zina)

Page de droite : Chambre parentale (- lit et tête de lit uncinquan-time mobilier, liseuses murales Loft, parure de lit, tapis, rideaux, luminaires et accessoires Zina, dressing plaqué chêne)

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Adresses

ABC Abdenadher Aïn Zaghouan,BP 318, TunisTél. : 71 725 777Fax : 71 760 046

Abdelmomen CheminguiCREATION JUMEAUXRue Hammadi RejebBeni Khiar 8060 – TunisieTel: +(216) 98 55 60 59Fax: +(216) 72 22 84 10E-mail: [email protected]

Artinox9 rue 6809ZI la charguia I2035 Tunis71 773 706

AVSAéroport Tunis Carthage - BP 354 - 1080 -Tuni-siaTél .: 70 729 690 - Fax .: 71 770 933www.airport-vip-services.com

Attitude Tanit Center- Jinène EddouniaBoutique N°21, La Marsa Mitoyen CarrefourTél. : 70 939 [email protected]

Bisazza Reimex S.A, 41 Rue 8600 Charguia 1. Tél. : 71 772 299. GSM : 97 655 871. E-mail : [email protected]

Black & Blumltd. 2.07 oxo tower wharf, bargehouse street, london, se1 9ph, uktel: +44 (0)20 7633 0022fax: +44 (0)20 7633 [email protected]

Caravan Serail72 bis rue El NouairiSidi Fradj, 2046 la Soukra. Tunisie

Carré DécoTanit Center, Jinène EddounyaBoutique N°39, La Marsa mitoyen Carrefour

Chateau d’AxImmeuble le DômeRue du lac Tchad1053 Les berges du lac71 965 727

Colors MadeB13 Immeuble l’etoile du Nord - CentreUrbain Nord - TunisieTél .: 71 948 008

Dom - 156, avenue de l'UMA. Soukra CenterTél. : 70 948 482 - Fax : 70 948 515- 2, av. de République, La MarsaTél. : 71 983 451 - GSM : 24 615 000

DomelecTanit Center, Résidence Jinène Eddounya, La Marsa mitoyen CarrefourTél : 25 044 440Fax : 25 401 [email protected]

DorémailShowroom :Route de La Marsa km 11 Ain Zaghouan - TunisTél .: 71 760 292

DuravitShowroom : Bld de l’environnement, Zarzouna 7021 - Bizerte Tel .: 72 591 290 - Fax .: 72 590 236E-mail : [email protected] EddiarRoute de la marsa km 92046 Laouina71 761 373

Edifia92-94, av. Hédi Chaker, Belvédère Tunis.Tél. : 71 797 964 - Fax : 71 892 [email protected]

Edra Via Ciovassino 3, MilanoTel. +39.02.86995122Fax. +39.02.86913528Email: [email protected]

EgodesignDominique [email protected]él. : + 33 1 42 77 27 29

Europlak Cucine1 Rue Med Beyrem V Sidi Daoued La MarsaTél .: 71 778 425 - Fax .: 71 778 425Email : [email protected]. europlak-cucine.com

ElementsCentre CARREFOUR Boutique n°9Tél : +216 71 778 928www.elements.com.tn

Enzocuisine58, Av. Fattouma Bourguiba. La Soukra.Tél / Fax : 70 938 166www.enzocuisine.com

GENERAL METALTél .: 71 427 850 - Fax .: 71 427 818www.generalmetal.com.tn

Hayson deco Jinène Eddounya (à côté de Carrefour)Sidi Daoud - Tunis.Tél. : 71 777 456 Fax : 71 777 [email protected]

Interieurs Rte de la soukra ,Km 13 2036 Sidi Fradj Tunis

Tél : +216 71 863 611www.interieurs.com.tn

KahenartAv. du Théatre RomainCarthage Hannibal TunisieFax : +(216) 71 730 [email protected]

KBR147 Av de la Liberté, 1002 TunisTel. : +216 71 802 446Fax : +216 71 802 [email protected]

KnaufZ.I El Mghira 1 - Lot N° 9 - 2082 Fouchena - Tu-nisieTél.: 71 40 94 44 - Fax .: 71 409 496Email : [email protected]

Tarak KamounORIENTAL DESIGNRoute de Tunis Km 28020 Soliman – TunisieTel : +(216) 72 290 188Fax : +(216) 72 290 [email protected]

Le mustZone touristique Hammamet NordHôtel PrésidentTel.: 26 445 031

Life StylePassage du Lac Argentino1053 Les berges du lac71 861 551

Loft Rue du lac lock Ness,Les berges du Lac-Tunis.Tél. : 71 862 251 - Fax : 71 862 [email protected]

MeubletubRoute de l'aéroport Tunis - Carthage, Rue n°7 - Z.I La Charguia 1Tél : +216 71 205 339www.meublentub.com

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Pearl Luxury Group. Tél. : (0) 44 207 208 2478www.pearl-luxury-group.com

Prestige Projects Centre commercial Pyramide du Lac ñ RueLac Victoria - les berges du lac - TunisTél. : + 216 71 962 287Email :[email protected] www.prestigeprojects.net

ProvenceAvenue Moncef Bey HammametTél.: +216 72 311 030 / 20 222 608www.provence-et-fils.com

Reimex41, Rue 8600, ZI Charguia 1Tél. : 71 773 680 - Fax : 71 799 [email protected]

Rochebobois Avenue de l’UMA, La Soukra.Tél. : 70 948 420Fax : 71 868 [email protected] www.roche-bobois.com

Rouai49 Av Fattouma Bourguiba La SoukraTel .: 20 265 001

Sadika KeskesZone Touristique Gammarth 2076Tél .: 71 913 025www.sadika-keskes.com

Salah SfarD.A.B s.a.r.l.20 rue du Grenadier2070 La Marsa – TunisieTel/Fax: +(216) 71 74 73 [email protected]

Salottitalia ZI MghiraI Lot 65, Fouchana , Ben Arous.Tél: 79 408 709. - Fax : 79 408 [email protected]

Sia Home FashionRoute de la marsa km 92046 Laouina70 726 082

Sodima1 rue de la physique ZI2013 Ben ArousTel.: 71 389 355 - Fax.: 71 389 374

Sotem5 Avenue Mohamed V - Le KramTel.: 71 974 774 - Fax.: 71 976 421E-mail.: [email protected]

StanliverC.C. Zephyr - Boutique 12 - 2070Marsa PlageTél .: 71 776 262www.stanliver .com

Tanit Center Résidence Jinène Eddonia,La Marsa Mitoyen Carrefour.Tél. : +21670 938 667 - Fax : 70 938 [email protected]

Technobat62 bis, avenue de l’UMA2080 Ariana70 837 406

Terralis Local n° 09 - Tanit Centre - jinéne Eddounya La Marsa 2046 Sidi Daoud - TunisieTél .: 70 939 277 - Fax .: 70 939 347Email : [email protected]

THE RUSSELIORTél .: 72 245 000 - Fax .: 72 245 345www.therusselior.com

Tuline8 bis rue Apollo 111082 Cité Mahrajène71 894 211

ValentinoAvenue Fattouma Bourguiba2036 La Soukra70 948 816

Valpaint Tanit Center, Résidence Jinène Eddonia, La Mar-sa Mitoyen CarrefourTél : +216 72 681 051 - Fax : 72 681 [email protected]

Zina2 rue Habib Thameur 2078 La Marsatel : + 216 22 251 701fax : + 216 22 647 [email protected]

WintechTél .: 71 882 93 - Fax .: 71 883 703Email : [email protected]

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