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19 L’Orthodontie Bioprogressive - décembre 2012 Introduction La prise en compte de la dimension transversale s’im- pose au chirurgien maxillo-facial comme à l’ortho- dontiste. Si elle est nécessaire pour établir une occlu- sion de qualité, on ne souligne que trop peu le rôle essentiel qu’elle joue sur la fonction linguale et ven- tilatoire, fonction dont la normalité est indispensable à la stabilité des résultats. Il nous semble aussi que l’esthétique est trop souvent oubliée ; l’étroitesse antérieure d’une arcade ou la présence de corridors buccaux est toujours jugée de façon négative par les patients, alors qu’un sourire sur une arcade déployée est positivement perçu. Les armes à la disposition du chirurgien étaient jus- qu’à présent au nombre de deux : les corrections peropératoires immédiates au cours d’une chirur- gie de Le Fort I d’une part, les disjonctions inter- maxillaires avec distraction ostéogénique, d’autre part. Ces deux techniques ont toutes les vertus nécessaires lorsqu’elles sont utilisées à bon escient ; c’est-à-dire dans leur champ d’application très restrictif. Malheureusement, l’absence d’autres procédés chi- rurgicaux a souvent conduit à trop leur demander, avec pour corollaire des résultats inconstants dès lors que l’indication était en dehors de leur champ d’ap- plication. Les déficits transversaux maxillaires sévères de l’adulte sont traditionnellement traités en deux étapes lorsqu’ils sont associés à une dysmorphose complète, sagittale et verticale. La correction transversale a lieu dans un premier temps par ostéodistraction chirurgicalement assistée ; puis un second temps de correction chirurgicale des autres anomalies spatiales est réalisé. Les auteurs décrivent une technique permettant de réaliser en un temps une correction trans- versale par ostéodistraction et une chirurgie complexe maxillaire et mandibulaire. À cet effet, deux nouveaux outils sont présentés ; des plaques maxillaires à glissière, et un distracteur modulable, à appui osseux ou dentaire. Les patients ont tous consolidé, et nous avons corrigé le déficit transversal conformément aux prévisions sur set-up préopératoire. Les résultats de la distraction sont quantifiés sur modèles d’étude et/ou sur scanner. Nous présentons deux patients opérés selon cette nouvelle stratégie. Il s’agit d’une voie innovante permettant de positionner, dans les trois sens de l’espace, en un temps opératoire, une dysmorphose maxillo-mandibulaire avec endomaxillie. L’ostéodistraction maxillaire transversale associée à la chirurgie orthognathique : de nouveaux outils pour une chirurgie en un temps P. LEYDER, G. WYCISK, J. QUILICHINI Adresse de correspondance : Patrick Leyder, Service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie plastique, Centre Hospitalier Intercommunal Robert Ballanger, boulevard Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois Cedex. E-mail : [email protected] Conférence présentée le 15 septembre 2012 à Amiens. 15 juin 2009, à Paris

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19L’Orthodontie Bioprogressive - décembre 2012

IntroductionLa prise en compte de la dimension transversale s’im-pose au chirurgien maxillo-facial comme à l’ortho-dontiste. Si elle est nécessaire pour établir une occlu-sion de qualité, on ne souligne que trop peu le rôleessentiel qu’elle joue sur la fonction linguale et ven-tilatoire, fonction dont la normalité est indispensableà la stabilité des résultats.

Il nous semble aussi que l’esthétique est trop souventoubliée ; l’étroitesse antérieure d’une arcade ou laprésence de corridors buccaux est toujours jugée defaçon négative par les patients, alors qu’un souriresur une arcade déployée est positivement perçu.

Les armes à la disposition du chirurgien étaient jus-qu’à présent au nombre de deux : les correctionsperopératoires immédiates au cours d’une chirur-gie de Le Fort I d’une part, les disjonctions inter-maxillaires avec distraction ostéogénique, d’autrepart.

Ces deux techniques ont toutes les vertus nécessaireslorsqu’elles sont utilisées à bon escient ; c’est-à-diredans leur champ d’application très restrictif.Malheureusement, l’absence d’autres procédés chi-rurgicaux a souvent conduit à trop leur demander,avec pour corollaire des résultats inconstants dès lorsque l’indication était en dehors de leur champ d’ap-plication.

Les déficits transversaux maxillaires sévères de l’adulte sont traditionnellement traités en deuxétapes lorsqu’ils sont associés à une dysmorphose complète, sagittale et verticale. La correctiontransversale a lieu dans un premier temps par ostéodistraction chirurgicalement assistée ; puisun second temps de correction chirurgicale des autres anomalies spatiales est réalisé.

Les auteurs décrivent une technique permettant de réaliser en un temps une correction trans-versale par ostéodistraction et une chirurgie complexe maxillaire et mandibulaire.

À cet effet, deux nouveaux outils sont présentés ; des plaques maxillaires à glissière, et undistracteur modulable, à appui osseux ou dentaire.

Les patients ont tous consolidé, et nous avons corrigé le déficit transversal conformément auxprévisions sur set-up préopératoire. Les résultats de la distraction sont quantifiés sur modèlesd’étude et/ou sur scanner.

Nous présentons deux patients opérés selon cette nouvelle stratégie.

Il s’agit d’une voie innovante permettant de positionner, dans les trois sens de l’espace, enun temps opératoire, une dysmorphose maxillo-mandibulaire avec endomaxillie.

L’ostéodistraction maxillairetransversale associéeà la chirurgie orthognathique :de nouveaux outilspour une chirurgieen un tempsP. LEYDER, G. WYCISK, J. QUILICHINI

Adresse de correspondance : Patrick Leyder, Service de chirurgie maxillo-faciale et chirurgie plastique, Centre Hospitalier Intercommunal Robert Ballanger,boulevard Ballanger, 93602 Aulnay-sous-Bois Cedex. E-mail : [email protected]

Conférence présentée le 15 septembre 2012 à Amiens. 15 juin 2009, à Paris

Leyder P., Wycisk G., Quilichini J.

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Les techniques à la dispositiondu chirurgien

Les corrections peropératoiresimmédiates avec un Le Fort I total

Deux traits paramédians palatins associés à une cor-ticotomie 11-21 permettent d’anguler les deux hémi-maxillaires dans un plan horizontal réalisant classi-quement une ostéotomie bipartie. En arrière, larésistance à l’ouverture est faible mais ce mouvementangulaire est de fait limité en avant par une fibro-muqueuse totalement inextensible dans son tiersantérieur :

Il est impossible, voire dangereux, de chercher à obte-nir des écarts postérieurs supérieurs à 4 mm mesurésau niveau des molaires. Pour cette même raison, toutécart antérieur inter-incisif supérieur au millimètreest impossible.

Le gain obtenu est maintenu deux à trois mois par undispositif transpalatin dont le plus utilisé est uneplaque en résine acrylique, confectionnée sur unmodèle à la valeur de la correction souhaitée.

Beaucoup d’auteurs ont aussi souligné le côté récidi-vant de ces corrections peropératoires où la disten-sion des tissus apparaît comme peu favorable à laconsolidation osseuse transversale.

La disjonction intermaxillairechirurgicalement assistée

Il s’agit d’une véritable distraction ostéogénique avecune croissance pluritissulaire générant en particulierde la fibromuqueuse et de l’os. Cette technique estbeaucoup plus favorable à la stabilité transversale.

Malheureusement, elle connaît aussi des limites pré-cises : elle doit être réalisée isolément comme préam-bule à une chirurgie orthognathique plus complexe,ce qui oblige les patients à être opérés deux fois1.

L’essence même de cette technique réside dans un LeFort I bipartie incomplet. C’est là le premier écueil caril laisse persister des zones corticales postérieuresdont l’affrontement est souvent source de résistanceen cours de distraction, que l’on fasse ou non une dis-jonction inter-ptérygo maxillaire2-4.

L’autre écueil plus évitable, réside dans l’utilisationd’un dispositif de distraction palatin à appui dentairemonté trop antérieurement par rapport à ces mêmesrésistances postérieures.

Pour ces deux raisons essentielles, le résultat obtenuest caricatural :

Écart inter-incisif important, ouverture généreuseosseuse antérieure mais beaucoup plus limitée pos-térieurement, torque des deux hémi-maxillaires etmouvement dentaire peu souhaitables.

Pour la plupart des auteurs, l’ouverture osseuse obte-nue au niveau des molaires est moins de la moitié dugain dentaire. Aussi, les études récentes objectiventdes récidives au niveau molaire sur le long terme5.

Depuis quelques années, des dispositifs à appuiosseux ont permis de gommer certains de ces incon-vénients en particulier l’amincissement de la corticalevestibulaire dans les effets délétères dentaires ; maisils n’ont pas pu apporter la preuve d’une ouvertureosseuse plus généreuse dans la région postérieure.De surcroît, ces procédés à appui osseux restent d’unmaniement plus complexe avec en particulier undécollement palatin, qui même limité, ne permet pasnon plus d’envisager une chirurgie plus globale,maxillaire ou mandibulaire, au cours d’une seule etmême intervention.

Une nouvelle stratégieDepuis trois ans, nous avons développé deux nou-veaux outils qui autorisent une stratégie chirurgicaledifférente en forme de contre-pied. En effet le gaintransversal prédomine en arrière tandis qu’il resteplus modeste en avant.

Cette stratégie est beaucoup plus adaptée aux cas cli-niques traités. Elle permet aussi de régler tous les pro-blèmes sagittaux et transversaux au cours de la mêmeintervention chirurgicale.

Nous avons conservé le principe d’une distractionostéogénique pour la stabilité de ces résultats et pourl’importance de l’ouverture osseuse, mais nous la vou-lions aussi plus adaptée à la réalité clinique car lesdéficits postérieurs sont le plus souvent prépondé-rants.

Ainsi nous avons cherché à éviter tout écart inter-inci-sif intempestif peu compatible avec une stabilité occlu-sale qui est toujours immédiatement requise dans cetype de chirurgie. De la même façon, nous avonsrecherché un écart osseux postérieur préférentieldans les endomaxillies. Le diastème incisif que l’on vacréer n’est en fait destiné qu’à gérer l’encombrementdentaire maxillaire ou à augmenter une distanceinter-canine déficitaire voire à changer une formed’arcade trop retreinte à sa partie antérieure. Maisces situations ne nécessitent qu’un écart antérieurfaible de l’ordre de 2 à 3 mm qui toutefois peutatteindre 6 à 7 mm dans les grands encombrements.Les nouveaux outils sont adaptés à ces écarts. En

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aucun cas, la papille ne doit être dilacérée. Ainsi lastratégie est bien différente de celle d’une distractionchirurgicale classique. Grâce à cette technique, on vacréer une ouverture osseuse qui s’accroît d’avant enarrière de façon homothétique.

Présentation du matériel

> Plaques à glissière pour ostéosynthèsecoulissante

Il s’agit de plaques en titane de 0,8 mm d’épaisseur.Chaque ostéosynthèse est composée de 2 plaquesréférencées droite et gauche. L’unité en forme de Test synthésée sur l’apophyse montante du maxillaireet comporte un ergot qui s’emboîte dans la glissièrede la plaque inférieure ; cet ergot pouvant coulisserdurant la distraction.

L’angulation entre la plaque en T et la glissière de laplaque maxillaire permet la stabilisation des frag-ments osseux dans le sens antéro-postérieur, maisautorise l’expansion dans le sens transversal. Deuxversions de glissières sont disponibles : l’une pour uneavancée du maxillaire (décalage antérieur de l’infra-structure utilisant déjà les premiers millimètres de laglissière), l’autre pour les impactions isolées, où l’an-gulation finale débutait dès le premier millimètre.

Les plaques inférieures portant la glissière étaientpositionnées proches du plancher de la fosse nasaleet perpendiculaires au septum. La partie terminale dela glissière s’incurvait, s’élargissait et diminuait enépaisseur pour prévenir tout phénomène de blocagede l’ergot de la partie supérieure de la plaque dont ledessin à été arrondi dans cette optique.

Une fois les ostéosynthèses réalisées au moyen deces plaques, le maxillaire, bien qu’entièrementmobilisé, était complétement verrouillé dans sa posi-tion antéro-postérieure et verticale. La distraction

postopératoire restait cependant possible, les deuxhémi-maxillaires coulissant le long des glissières dechaque plaque (fig. 1).

> Distracteur modulableLe distracteur existe en deux versions : à appui den-taire (fig. 2) et à appui osseux (fig. 3).

• Dans la version à appui dentaire

Le distracteur est fabriqué en acier inoxydable. Il com-porte deux vérins, l’un antérieur et l’autre postérieurréunis par les deux corps du dispositif et séparésd’une distance de 7,6 mm. Chaque vérin comportedeux écrous jouant le rôle de cardant. Plusieurs lon-gueurs de vérins sont disponibles (16, 20 ou 24 mm)en fonction de la place disponible dans le palais et dela quantité de distraction nécessaire (6, 10 ou 16 mmrespectivement).

Les vérins peuvent être remplacés en cours de dis-traction. Une clavette centrale, assurée à l’aide d’unfil d’acier 3/10e autour de la vis antérieure, solidarisaitles deux vérins pour éviter tout mouvement sagittalisolé d’un hémi-maxillaire. Le dispositif devait êtremonté de telle sorte que la clavette se trouve aumilieu du palais parallèlement à son axe sagittal. Lepas des vis permettait d’obtenir une ouverture de0,7 mm par tour complet.

Dans cette version, le distracteur comportait dechaque côté un bras de fixation, soudé à une baguemolaire par le prothésiste.

En cas de distraction angulaire postérieure isolée, uneextension postérieure était ajoutée au bras par leprothésiste pour rapprocher le centre de poussée dela partie postérieure voûte palatine.

En cas de distraction mixte, une extension antérieurede section supérieure à 1,3 mm était ajoutée pourassurer une bonne répartition des forces.

Figure 1Ostéosynthèse coulissante sur os sec.

Figure 2Vue palatine du distracteur à appui dentaire en fin de dis-traction.

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• Dans la version à appui osseux

L’ancrage antérieur du distracteur est assuré pardeux vis palatines placées entre la canine et la pre-mière prémolaire où l’épaisseur de l’os est la plusimportante. L’appui postérieur est assuré par deuxgriffes fichées par un système de compas dans la cor-ticale palatine après perforation muqueuse. Graceaux vis palatines, les deux hémi-maxillaires restaientparfaitement solidaires au cours de la distraction.Pour éviter de léser les racines palatines des molairespar les griffes de l’appui postérieur, il était recom-mandé de remplacer le distracteur par une barretranspalatine après le 2e mois. L’absence de décolle-ment de la muqueuse palatine rendait ce distracteurcompatible avec une ostéotomie de Le Fort I com-plète.

L’utilisation de la version à appui osseux était impé-rative chez les patients présentant des rhysalyses, encas de parodontopathies, en cas de tentative d’ex-pansion transversale orthodontique préalable, en casde traitement orthodontique en technique lingualeen raison de l’encombrement du matériel ou en casd’endomaxillies sévères pour éviter des sollicitationsdentaires excessives.

Plusieurs modes de distraction étaient possibles avecce dispositif :

– une distraction angulaire pure, lorsque l’expansionpostérieure était recherchée et qu’aucun diastèmeinter-incisif n’était nécessaire. Pour permettre uneouverture postérieure sans création de diastèmeinter-incisif, le vérin antérieur devait être activémoins vite que le vérin postérieur pour que lecentre d’angulation des deux maxillaires reste enregard de la papille inter-incisive ;

– une distraction mixte, quand l’objectif était d’ob-tenir une expansion postérieure et une expansionantérieure avec création d’un diastème inter-incisif.La valeur de l’expansion antérieure, généralementplus faible que la valeur postérieure, pouvait êtrecontrôlée lors de la distraction. Dès le 4e jour post-opératoire, le distracteur était activé selon un modeparallèle, en tournant les deux vis d’une mêmevaleur, en général trois quarts de tours par jour, per-mettant une ouverture postérieure et antérieure.La distraction se poursuivait en parallèle jusqu’àobtenir la valeur désirée de diastème inter-incisif.Enfin, en fonction des besoins cliniques, la distrac-tion pouvait se terminer en angulaire, pour pour-suivre l’expansion osseuse postérieure jusqu’à obte-nir la correction de l’occlusion molaire. Dans ce cas,la vis antérieure devait être tournée moins vite quela vis postérieure. Dans tous les cas, la morphologiedes plaques permet une distraction parallèle puisangulaire, mais pas l’inverse (fig. 4).

Quel que soit le mode de distraction choisi, le dis-tracteur était activé modérément en peropératoire

Figure 3Vue palatine du distracteur à appui osseux en fin de dis-traction.

Figure 4Représentation schématique d’une distraction parallèle,puis angulaire. 4.43 : distance entre la berge osseuse et l’axe des cardansL : entre axe cardan postérieurl : entre axe cardan antérieur8.3 : écart osseux antérieur10 : écart osseux postérieur4 : distance inter-incisive

l = 8.3 + 4.43 + 4.43 = 17,16L = 10 + 4.43 + 4.43 = 18.86

L’ostéodistraction maxillaire transversale associée à la chirurgie orthognathique : de nouveaux outils pour une chirurgie en un temps

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après réalisation de l’ostéotomie de Le Fort I et de ladisjonction sagittale.

Technique chirurgicale

La technique chirurgicale adoptée est celle d’un LeFort I classique, le tracé de l’ostéotomie est conduit aupiézotome ou de façon conventionnelle. Un abaisse-ment complet du maxillaire est réalisé avec une dis-tension du ligament sphéno-maxillaire comme pourune avancée de l’infrastructure. La mobilité du plateaudoit être totale. Une ostectomie postérieure régléeautour du pédicule grand palatin est systématique-ment pratiquée, au mieux au piézotome. S’agissantd’une chirurgie bipartite, il faut compléter l’ostéoto-mie maxillaire par la réalisation d’un trait médianinter-incisif préparé avant l’abaissement du plateau. Ilpeut être poursuivi de façon strictement médiane ouencore en U empruntant un double trajet dans le plan-cher de la fosse nasale si une cadence plus rapide de

distraction est souhaitée. Le blocage bimaxillaire étantréalisé, la mandibule est mise en autorotation avantde réaliser l’ostéosynthèse coulissante.

Cas cliniques

Cas n° 1

Orthodontie : Dr S. Mercier. Chirurgie : Dr P. Leyder.

Patiente présentant une classe III squelettique, aveclatérognathie gauche, excès vertical antérieur etendomaxillie avec encombrement. Aucun traitementorthodontique n’a été rélisé en préopératoire auniveau du maxillaire.

Durant l’intervention, toutes les anomalies squelle-tiques ont été corrigées en un seul temps chirurgical.L’arcade maxillaire était équipée avec un arc acierfaçonné en préopératoire immédiat (fig. 5 à 7).

Figures 5 a à fCas n° 1. Occlusion préopératoire (en haut) et à 3 mois postopératoire (en bas).

Figures 6 a et bCas n° 1. Vue palatinede l’arcade maxillaire(préopératoire à gau-che, postopératoire àdroite).

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Cas n° 2

Orthodontie : Dr G. Altounian. Chirurgie : Dr P. Leyder.

Jeune patiente de vingt ans présentant une grandelatérognathie droite avec un dysfonctionnementtemporo-mandibulaire homolatéral. Il fut décidé decréer une référence mandibulaire avant la chirurgie.L’appréciation du degré d’endognathie était difficileen raison de l’encombrement mandibulaire.

Des attaches Speed® furent posées à l’arcade man-dibulaire et un traitement à minima fut initiéau niveau du maxillaire, sur attaches lingualesHarmony®.

Une seule intervention chirurgicale a permis de réa-liser une dérotation mandibulaire et une avancéehypercorigée du maxillaire suivie de distractionpour traiter la forme inappropriée et retreinte del’arcade ainsi que le déficit postérieur (fig. 8 et 9).

Figures 7 a à fCas n° 1. Patiente en préopératoire (en haut) et au 7e mois postopératoire.

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Figures 8 a à cCas n° 2. Occlusion en préopératoire (à gauche), au 28e jour postopératoire (milieu), et au 90e jour postopératoire.

Figures 9 a à fCas n° 2. Patiente en préopératoire (en haut) et au 3e mois postopératoire.

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DiscussionL’association de ces deux outils innovants, distrac-teur modulable et plaques d’ostéosynthèse coulis-santes, change beaucoup la façon de considérer lesdistractions bipartites ostéogéniques. Jusqu’à cejour, la distraction parallèle sur vérin Hyrax® ne per-mettait pas de contrôler la répartition entre le gainsquelettique antérieur et postérieur. Mécanique-ment l’outil ne le permettait pas, et les résistancespostérieures élevées en raison du caractère incom-plet du Le Fort I empêchaient toute ouverture pos-térieure importante.

Les vérins éventails qui ont pu être utilisés en dis-traction angulaire ne permettaient pas de position-ner l’axe de la distraction exactement sur l’arcadeavec pour risque une compression antérieure desalvéoles et un ajustement par rotation axiale desmolaires.

Ce nouveau distracteur, conçu pour une utilisationchirurgicale, et utilisé avec des ostéosynthèses appro-priées, permet de faire tomber plusieurs inconvé-nients majeurs des distractions conventionnelles : • il est désormais possible de réaliser dans le mêmetemps chirurgical, la correction d’un sens transver-sal très déficitaire et une avancée et/ou une impac-tion maxillaire ainsi que tous les autres gestesorthognathiques nécessaires ;

• le point charnière du dispositif peut être déplacé enmodifiant l’axe des ses deux corps. La répartitiondes écarts osseux et la gestion des forces sont doncfacilitées et ne sont plus limitées par la position enbouche du distracteur. L’axe charnière de la distrac-tion peut être choisi en le positionnant sur l’arcadepour les distractions angulaires ou en avant de l’ar-cade pour les distractions modulables.

Ainsi en fonction des besoins, la distraction peut êtreangulaire, parallèle ou encore mixte parallèle puisangulaire (jamais l’inverse). Si l’on veut bien réaliserque la valeur de l’accroissement antérieur et posté-rieur est reliée par une relation d’homothétie, il estpossible de considérer cette nouvelle approche de dis-traction comme des distractions ostéogéniqueshomothétiques à valeur d’ouverture antérieure etpostérieure choisie. Des courbes de correspondancepermettent, dès lors que l’on fixe l’accroissement del’une des deux valeurs, de déterminer la variation del’autre et partant les règles de pilotage du distracteurqui doivent rester précises pour l’obtention de l’effetescompté.

Ces outils innovants permettent ainsi de s’adapter àla diversité des situations cliniques rencontrées en

chirurgie orthognathique. Il est désormais possiblede faire croître le sens transversal de la valeur néces-saire et suffisante sur chaque secteur de l’arcade.L’ouverture antérieure des disjonctions classiques,toujours trop importante lorsqu’elle est référée auxbesoins chiffrés, est remplacée par une ouverture plusmodeste qui permet la gestion de l’encombrementou d’une forme d’arcade inappropriée. L’impact sociald’un diastème majeur pendant plusieurs mois n’existeplus car au deuxième mois il s’est pratiquement spon-tanément refermé. Les répercussions sur le parodontesont aussi moindres. L’impact esthétique au niveau dela papille inter-incisive en particulier est nul. Le risquede rhysalyse devrait quant à lui s’en trouver logique-ment diminué6.

Ce nouveau distracteur a été conçu pour réaliser unedistraction ostéogénique sur Le Fort I total. Toute uti-lisation différente en particulier dans le cadre d’unedistraction conventionnelle en l’absence de mobilisa-tion complète du maxillaire expose à obtenir unrésultat voisin de ce qui était classiquement observé,c’est-à-dire une ouverture osseuse qui décroît d’avanten arrière. L’ouverture postérieure restera en tout casaléatoire quel que soit la position de l’axe charnièreet l’angulation donnée aux corps du distracteur si onne travaille pas en basse résistance, avec une pousséecorrectement équilibrée et un axe charnière correc-tement positionné.

En effet, pour pouvoir choisir la forme d’arcade, ilfaut des résistances faibles, réparties également enavant et en arrière ; c’est ce que permet un Le Fort Itotal avec au minimum une ostectomie postérieureextensive. Il convient de réaliser en quelque sorte uneanticipation de toutes les interférences osseusespotentielles qui seront préventivement levées.

Les nouvelles ostéosynthèses coulissantes ont l’im-mense intérêt de permettre le travail transversal enbasse résistance, tout en assurant un maintien parfaitde la dimension verticale et sagittale.

ConclusionNous prônons un nouveau paradigme dans la chirur-gie du sens transversal ; il n’est désormais plus néces-saire d’envisager deux interventions chirurgicalesdans les endomaxillies sévères avec ou sans encom-brement. La réalisation en une seule étape chirurgi-cale d’une distraction modulable permet de bénéfi-cier de la remarquable stabilité apportée par ladistraction ostéogénique tout en traitant la dimen-sion verticale et les anomalies de positionnementantéro-postérieur des arcades.

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Le travail transversal en basse résistance permet degénérer des écarts osseux majeurs supérieurs à 8 mmau niveau de la première molaire, mesurés sur lesscanners postopératoires. Jamais de telles valeursn’ont été rapportées dans la littérature. Le distrac-teur modulable permet de choisir un secteur d’ar-cade préférentiel et d’atteindre les valeurs d’expan-sion voulues. Sa version à appui osseux est trèsappréciée lorsqu’un traitement avec attaches lin-guales a été initié. Ne nécessitant aucun décollementde la muqueuse palatine, il est compatible avec unechirurgie totale.

Nous préférons aussi dans ces conditions ne pas trai-ter le maxillaire ou le traiter à minima avant la chi-rurgie ; seule la mandibule est traitée si nécessaire,pour servir de référence.

Les modifications dentaires sont très rapides en phasepostopératoire grâce aux modifications de la biolo-gie osseuse engendrées par l’ostéotomie totale.

L’impact sur la fonction ventilatoire est aussi consi-dérable. �

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