les représentations sociales et le cadre : une influence

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Ecole d’Enseignement et de Promotion Sociale de la Communauté Française Rue Saint-Brice, 53 7500 Tournai Enseignement Supérieur Paramédical Cadre en soins de santé Les représentations sociales et le cadre : une influence du quotidien Présenté par Dybowski Mélanie En vue de l’obtention du diplôme cadre en soins de santé Année 2016-2017

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Ecole d’Enseignement et de Promotion Sociale

de la Communauté Française

Rue Saint-Brice, 53

7500 Tournai

Enseignement Supérieur Paramédical

Cadre en soins de santé

Les représentations sociales et le cadre :

une influence du quotidien

Présenté par Dybowski Mélanie

En vue de l’obtention du

diplôme cadre en soins de santé

Année 2016-2017

Ecole d’Enseignement et de Promotion Sociale

de la Communauté Française

Rue Saint-Brice, 53

7500 Tournai

Enseignement Supérieur Paramédical

Cadre en soins de santé

Les représentations sociales et le cadre :

une influence du quotidien

Présenté par Dybowski Mélanie

En vue de l’obtention du

diplôme cadre en soins de santé

Année 2016-2017

Exercice d’intégration tenant lieu de préface

R.A.S. comme RAS sont sigle et acronyme bien connus pour « rien à signaler ».

Formule, parfois incantatoire, pour dire : « dormez tranquilles, bonnes gens, je

veille ». Cette phrase vaut pour le soignant et même pour le cadre. Elle est, plus

exactement, dans ce cas : « travaillez tranquilles, subordonnés, je sur-veille ».

Pourtant, ce RAS se voulant ras-surant ne l’est pas toujours nécessairement.

L’acronyme tient parfois lieu de parade pour noter sans rien écrire, de parure pour

ne rien dire. Nous savons tous que les transmissions, surtout écrites, sont

indigentes dans nos métiers impossibles. Peut-être le sont-ils pour cela ? Nous

savons tous que déclarer un indésirable événement est un exercice qui s’évite

autant que possible. Ne rien écrire pour ne rien avoir à signaler !

Signaler est un acte fort. Manquerions-nous de courage à faire connaître tout en

nous plaignant, complaignant et lamentant de notre triste sort en matière de

reconnaissance. Mais comment faire valoir sans faire savoir, sans signaler ?

Ceci est affaire de RS, nous signale notre apprentie sociologue. Un, une ou des RS,

qu’est-ce donc ? Très opérantes et pourtant si mal connues, voire méconnues sont

les RS pour Représentations Sociales.

Représenter, voilà encore un verbe signalant un acte fort, voire de pouvoir.

Représenter signifie rendre présent en mettant sous les yeux. Ce n’est pas que

faire son théâtre ou son cinéma, c’est faire œuvre voire chef d’œuvre, seul ou à

plusieurs. Ici, elles sont sociales, les représentations, signifiant qu’elles sont de leur

alpha à leur oméga de l’ordre (ou désordre) collectif, du groupe à la société.

Et nous voilà tous acteurs et figurants, metteurs en scène et spectateurs. Bien

avant le soin, nous en produisons et reproduisons. La santé, mentale ou globale,

n’y échappe pas ; elle en est même grande productrice et consommatrice. Une

véritable industrie, même, dont le management et/ou les managers, cadres, ne

peuvent en faire l’économie. Les RS sont éminemment politiques, elles nous

gouvernent !

Bonne lecture en compagnie de Mélanie, une Chrysalide.

PATRICK

TABLE DES MATIERES

INTRODUCTION p. 1

I.LES REPRESENTATIONS SOCIALES

1. Un peu de vocabulaire p. 3

1.1 Représenter p. 3

1.2 Une image ? p. 4

1.3 Une perception ? p. 5

1.4 Un symbole ? p. 5

1.5 Une idée ? p. 6

1.6 Des représentations p. 6

2. Individuelles, collectives et sociales p. 8

2.1 Représentations individuelles p. 8

2.2 Représentations collectives p. 9

2.3 Représentations sociales p. 9

3. Tout est représentation sociale p. 11

3.1 Selon les temps et les auteurs p. 11

3.2 Elaboration et constitution des représentations sociales p. 12

3.2.1 Elaboration des représentations sociales p. 12

3.2.2 Constitution des représentations sociales p. 14

3.3 Caractéristiques et fonctions des représentations sociales p. 15

3.3.1 Caractéristiques des représentations sociales p. 16

3.3.2 Fonctions des représentations sociales p. 17

4. Conclusion p. 18

II.LES REPRESENTATIONS SOCIALES A L’HOPITAL

Santé/ maladie, soin/ soins, soignants/ soignés

1. L’hôpital comme lieu de soins p. 20

2. Santé vs maladie p. 21

2.1 Santé et maladie, des phénomènes sociaux p. 21

2.2 « Le normal et le pathologique » p. 22

2.3 Représentations sociales de la santé et de la maladie p. 23

3. Le soin/les soins p. 25

3.1Distinction soin /soins p. 25

3.2 Les soins de santé et leurs représentations sociales p. 26

4. La relation soignant/ soigné p. 27

5. Les représentations sociales en psychiatrie, ou santé p. 29

mentale

5.1 Origine de la stigmatisation de la folie et des soignants en

psychiatrie p. 30

5.1.1 Du possédé au malade mental p. 31

5.1.2 Du gardien au soignant p. 32

5.2 Représentations sociales de la folie et des soignants p. 33

5.2.1 Représentations sociales de la folie p. 33

5.2.2 Représentations sociales du soignant en psychiatrie p. 34

6. Conclusion p. 35

III.LE CONCEPT D’INFLUENCE

1. L’influence p. 36

1.1 Influence et pouvoir p. 36

1.1.1 Un peu de vocabulaire p. 36

1.1.2 Influence et pouvoir p. 37

1.1.3 Les formes de pouvoir p. 38

1.2 Le leadership p. 39

1.2.1 Leader ou manager ? p. 40

1.2.2 Les styles de leadership p. 41

1.2.3 Les caractéristiques du leader p. 42

1.3 La manipulation p. 43

2. Influence sociale p. 44

2.1 Le conformisme p. 45

2.2 La normalisation p. 46

2.2.1 La norme p. 46

2.2.2 La normalisation p. 47

2.3 L’innovation p. 48

3. Conclusion p. 49

IV.LES REPRESENTATIONS SOCIALES ET LE CADRE

1. Nos représentations individuelles et sociales p. 51

2. Les représentations sociales et l’équipe p. 52

3. Le cadre p. 53

3.1 Polysémie du cadre p. 53

3.2 Les fonctions du cadre p. 54

3.3 Autorité/pouvoir ? cadre/leader ? p. 55

4. Les représentations sociales et le cadre p. 56

4.1 Les représentations sociales sur le cadre p. 56

4.2 Les représentations sociales du cadre p. 57

4.3 Intérêts des représentations sociales p. 58

5. Manager ou leader, conservateur ou novateur ? p. 60

6. Influencer les représentations sociales p. 61

7. Conclusion p. 64

CONCLUSION GENERALE p. 65

CONCLUSION ET PERSPECTIVE p. 67

BIBLIOGRAPHIE p. 70

1

INTRODUCTION

La réalité n’est pas ce qu’elle est mais ce que nous croyons qu’elle est. Nous avons

tous besoin de comprendre le monde et les gens qui nous entourent, Nous sommes

tous, en effet, en proie à nos représentations sociales. Celles-ci sont partout, et bien

souvent inconscientes. Mélange de savoir naïf, manière subjective de voir le monde,

ces représentations sociales nous servent de cadre de référence, de guide.

Puissantes et discrètes, elles nous gouvernent tout au long de notre vie. Ancrées

profondément, elles feront de nous qui nous sommes, et nous dirigeront vers les

groupes auxquels nous appartiendrons. Tout n’est que représentation sociale.

Nous sommes donc constamment influencés par nos représentations sociales. Ces

représentations sociales influencent notre quotidien, l’éducation, la famille, le travail.

Elles ont le pouvoir. N’était-ce pas le cadre pourtant qui a le pouvoir ? N’était-ce pas

le cadre qui a pour rôle d’influencer ? Si conscient nous pouvions être de quelques

une des représentations sociales, cultivées souvent dans l’entreprise, côtoyées au

quotidien, et confrontées parfois à celles des autres, peut-être qu’en tant que cadre,

elles pourraient influencer notre pouvoir d’ influence et nous faire grandir dans notre

rôle de cadre, et même devenir des leaders.. Et si conscients nous en sommes alors

le doute nous guette. Et si nous nous trompions ? Se questionner, se remettre en

question, puiser dans le doute, cela est-il de bonne augure pour un cadre, possédant

de l’autorité ?...Elles poursuivent donc leurs quêtes, discrètement, dirigent nos

réflexions, accompagnent nos pensées, et construisent notre vision du monde et du

travail. Pour avancer, le leader s’appuie sur les représentations sociales, les siennes

et celles de ses partenaires, pour influencer, faire des siennes celles vers où l’on se

rend, vers son idéal, et ainsi évoluer.

Vaste champ de recherche et illusion certaine que de pouvoir définir totalement le

concept des représentations sociales. Nous sommes ici dans un concept abstrait,

difficile à cerner, et foisonnant. Il a intéressé de nombreuses disciplines telles que

l’anthropologie, la psychologie, la sociologie, … et nombreux sont les auteurs à s’être

intéressés aux représentions sociales. En ce qui nous concerne, nous tenterons ici

d’éclaircir ce concept, prudemment, avec la volonté d’être didactique, pour avancer

vers ce qui nous concerne, le domaine de la santé. Nous rétrécirons

progressivement le champ de la santé vers celui de la psychiatrie pour l’élargir de

2

nouveau vers celui de l’encadrement. Nous ferons un détour par le concept de

l’influence, avant de nous intéresser aux cadres et aux représentations sociales qui

l’entourent.

L’ambition de ce travail est modeste, il se veut d’abord pédagogique mais surtout il

invite les cadres, les aspirants cadre, les soignants à se questionner sur leurs

représentations sociales, celles des personnes qu’ils encadrent, celles des soignés,

pour pouvoir guider au mieux notre pratique. A la lumière des représentations

sociales, ce travail ne prétend pas être une vérité mais une réflexion, une

représentation des représentations sociales qui nous poussent à agir.

Socrate interpellant une personne dans les rues d’Athènes : « Penses tu vraiment

avoir raison ? réfléchis donc..et si tu te trompais ? »

« Et si je me trompais ? Et si mes certitudes volaient en

éclat ? Et si je ne détenais pas la vérité ? »

3

I. LES REPRESENTATIONS SOCIALES

Située au carrefour de la psychologie, de l’histoire, de la sociologie, de

l’anthropologie, la représentation sociale semble définir un savoir commun. La notion

est si complexe et si riche qu’il ne semble pas y avoir de définition claire. Mais de

simples définitions ne permettent pas de comprendre toute la subtilité et

l’enchevêtrement de toutes les informations nécessaires à la juste compréhension de

la représentation sociale, et donc, conclure à l’exhaustivité du concept est utopique.

Cependant, pour parler le même langage et afin d’être le plus explicite et

compréhensible, nous décortiquerons le vocabulaire pour progressivement en tirer

l’essence du concept.

1. Un peu de vocabulaire

Commençons dans un premier temps par rechercher le sens des mots représenter et

les mots qui l’entourent afin d’avoir une vague première idée de ce qu’est une

représentation pour parvenir au terme de représentation sociale.

1.1 Représenter

Les définitions sont nombreuses et nous ne décrirons que celles qui semblent

intéresser notre concept de représentations sociales. Le terme représenter vient du

latin repraesentare : représenter : En voici quelques définitions1 : « Présenter de

nouveau ; Exhiber, exposer devant les yeux ; Réfléchir l’image d’un objet ; Exprimer,

peindre par le discours ; Mettre dans l’esprit, rappeler le souvenir ; Remplir l’idée,

jouer le rôle de ; Se représenter présenter à soi, se rappeler le souvenir de, se figurer

de ; Etre l’image de ; ... ». Le dictionnaire Larousse quant à lui définit le terme

représenter par l’action « de rendre perceptible, sensible, grâce à une image, un

symbole, une figure. » mais également, « remettre quelque chose à quelqu’un » «

figurer quelque chose, quelqu’un par un moyen artistique ou un autre procédé »,

« être le symbole, l’incarnation », « décrire, évoquer quelque chose par le langage »,

etc. Nous pouvons différencier également deux sens : celui du support comme décrit

ci-dessus (image, symbole, figure) et celui de la fonction, agir à la place de

quelqu’un, parler en son nom.

1http://www.littre.org/

4

Ouvrons ici une parenthèse pour notifier que le préfixe « re » de représenter n’a pas

pour fonction ici de montrer un acte de répétition, il ne s’agit pas de présenter à

nouveau. Ce préfixe sert à former de nombreux verbes et noms, et peut donner aux

mots des sens différents du sens qu’ils auraient sans préfixe. Dans sa définition, le

préfixe « re » a pour fonction d’exprimer « la réitération, le retour à un état antérieur,

le renforcement »2. Dans la recherche que nous faisons pour cet exposé, nous y

mettons l’idée d’un renforcement, d’une découverte, c’est-à-dire plus que chercher

quelque chose, la recherche marque une intensité de l’acte. Ajouté à cela, le « re »

peut aussi indiquer un acte de réponse ou de réciprocité, il peut aussi donner le sens

de « rendre », ou marquer un changement de direction. Nous pouvons également

souligner que le préfixe peut avoir une valeur restauratrice, un retour par rapport à un

premier mouvement, ou une valeur implicative du sujet, comme dans la recherche.

En tant que cadre nous cherchons à être reconnu, nous attendons plus qu’une

connaissance du statut mais une reconnaissance de la légitimité, et surtout obtenir

de la considération pour notre travail. Nous tenterons ici de représenter le concept

des représentations sociales, c’est-à-dire, que nous tentons de rendre présent à

l’esprit ce concept.

Ainsi, les définitions du mot représenter décrites ci-dessus permettent de remarquer

l’idée du sensible, du saisissable par l’esprit, par les sens, et nous approchons alors

l’idée d’une action mentale, intellectuelle, pour comprendre le sens d’une situation,

d’une idée,.... En utilisant les termes d’images, de symboles c’est l’action d’associer

par la pensée qui est mise en avant, c’est à dire une élaboration de la pensée. Et

c’est en cherchant à définir ces mots, souvent employés en oubliant leur sens

profond, que nous cheminerons pour pénétrer le concept de représentation sociale.

1.2 Une Image ?

La définition de l’image qui nous intéresse ici pour notre concept est celle de l’image

mentale, d’une représentation mentale. Cette représentation peut être de « nature

consciente ou inconsciente, résultant du phénomène subjectif de perception, selon

une dimension individuelle ou collective »3. Cela signifierait que notre mental fait

appel à des images, à des représentations, volontairement ou non. Par exemple, des

odeurs qui de manière inconsciente viennent raviver certains souvenirs et créent

des images mentales. Dans ce cas, le mental fait appel à la mémoire. Ces images

2 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/re-/66779 3https://fr.wikipedia.org/wiki/Image

5

nous sont personnelles, liées à notre propre histoire, éducation, expérience, et/ ou

sont induites par la société. La société dans laquelle nous vivons crée des

représentations, des images des situations vécues. Ces images vont faire appel aux

informations déjà intégrées dans la mémoire qui permettront de comprendre la

situation et de communiquer avec les autres. A des situations sont associées, par le

cerveau, des images mentales qui seront gardées et utilisées le moment opportun.

Cette aptitude à faire appel à ces images, à ces représentations sont utiles

puisqu’elles permettent le vivre ensemble et l’adaptation. Nos touchons ici à notre

concept de représentations sociales. L’image mentale, la représentation mentale va

se créer à partir de nos perceptions, et/ou de nos sens, ce qui nous ramène à la

définition du mot représenter défini ci-dessus.

1.3 Une perception ?

« Ce qui est perçu par l’intermédiaire des sens », « opération psychologique

complexe par laquelle l’esprit, en organisant les données sensorielles, se forme une

représentation des objets extérieurs et prend connaissance du réel »4. Cette

deuxième définition ajoute la notion de pensée aux simples sens physiologiques. La

pensée ou la conscience permet de structurer les informations perçues par les sens

afin de créer une représentation mentale de la réalité. De même, il semble judicieux

d’ajouter que la connaissance du réel est tout à fait subjective. Le sujet est un sujet

sensible. Chaque personne à des perceptions sensorielles qui lui sont propres, une

source d’informations stockées en mémoire qui lui est propre, une idée de la

situation qui lui est propre, d’où le fait que la connaissance du réel est plus que

subjective. Cependant, la perception et le processus sous jacent permet une image

mentale structurée du monde qui nous entoure. Cette image qui sera une

représentation avec du sens peut aussi être un symbole.

1.4 Un symbole ?

Le dictionnaire littré décrit « une figure ou image employée comme signe d’une

chose ». Le Larousse évoque un« signe figuratif, être animé ou chose, qui

représente un concept qui en est l’image, l’attribut, l’emblême » « personne qui

incarne de façon exemplaire une idée, un sentiment ». Le symbole permet de sous

entendre d’induire, de supposer autre chose que le sens donné. Le symbole associe

à un sens évident, un sens plus profond, et peut aussi être guidé par notre 4 http://www.cnrtl.fr/lexicographie/perception

6

inconscient. Le symbole induit la représentation de quelque chose par le

rapprochement, l’association d’idées, ou par ce qui est communément admis. Dans

cette dernière partie de phrase, le symbole met en évidence l’appartenance du

symbole à un groupe de personnes qui mettent en corrélation et s’accordent sur le

symbole et l’idée sous jacente, par convention, reconnaissance sociale. Une fois

encore, nous approchons notre concept de représentation sociale. Cependant le

terme symbole est délicat à définir car peu concret et subtil. Si nous tentions d’être

le plus exhaustif nous devrions nous pencher sur l’étymologie, le sens

mathématique, philosophique, psychologique, etc. Ce n’est pas l’objet de ce travail et

nous nous permettrons de rester sur les explications données.

1.5 Une Idée ?

Une idée est « une représentation abstraite, élaborée par la pensée, d’un être, d’un

rapport, d’un objet, etc ; concept, notion », « tout contenu de pensée, toute

élaboration de l’esprit », « manière personnelle de voir les choses », « élaboration

originale de la pensée, permettant, en particulier, de répondre à une situation,… »,

« ce qui doit être envisagé par l’esprit, ce qui est virtuel, ce qui se propose à l’esprit

comme possible »5. On peut distinguer avoir une idée, de trouver une idée, l’un

désignant une action spontanée, l’autre le résultat d’une réflexion. Une idée est

quelque chose, comme le dit la définition, de personnel, d’individuel. Mais nous

verrons plus loin dans notre exposé que les idées peuvent être transmises,

partagées et prendront alors d’autres noms comme croyances, stéréotypes, normes,

etc. L’idée est dans tous les cas, une représentation mentale, tout comme l’image, la

perception, le symbole. Avoir une idée, c’est avoir une représentation sociale. Ces

concepts sont difficiles à expliciter et à comprendre par le fait qu’ils soient abstraits,

immatériels, mais psychiques ou mentaux. Expliquer ce qu’est une idée amène le fait

d’avoir une idée sur ce qu’est une idée…

1.6 Des représentations

Nous arrivons enfin au terme qui nous intéresse celui des représentations. Le terme

est polysémique, et marque la difficulté que nous éprouvons à expliciter les

représentations sociales. Si nous nous penchons sur le mot représentation, nous

restons dans le même champ que ceux décrits précédemment puisque le

dictionnaire littré le définit comme « figure, image », « image fournie par la 5 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/id%C3%A9e/41403

7

sensation ». Le Larousse décrit l’« action de représenter quelqu’un, une collectivité »

ou encore « action de représenter par un moyen artistique ». Mais ce qui nous

intéresse particulièrement réside dans cet autre aspect de la définition « une image,

une figure, un symbole, un signe qui représente un phénomène, une idée » mais

aussi « perception, image mentale, etc. dont le contenu se rapporte à un objet, à

une situation, à une scène, etc. du monde dans lequel vit le sujet ». En évoquant le

« monde dans lequel vit le sujet », c’est la société qui est mise en référence et nous

atteignons donc doucement le concept des représentations sociales.

Nous nous sommes attachés ici à cet exercice de vocabulaire pour poser le cadre du

domaine dans lequel nous évoluerons dans ce travail. Après avoir défini brièvement

ces différents termes à l’aide de dictionnaires, nous pouvons constater que nous

restons dans le même registre. Grâce à une opération de la pensée consciente ou

non et à la perception, sont traduites des situations, des idées, en faisant appel à la

mémoire, à l’association, à la connaissance des conventions créant dans notre esprit

des images mentales, des représentations mentales permettant de comprendre, de

donner un sens à ce qui est perçu. Nous pouvons donc affirmer que pour

comprendre ce qui vient d’être défini, nous avons dû faire appel à notre esprit, à nos

représentations, à nos idées sur les sujets, à notre mémoire, à nos perceptions, et

nous avons conclu à des éléments de réponses basés sur nos représentations

sociales. Ce travail n’a pas pour objet d’être philosophique et pourtant nous voici

embarqués sur des questionnements sur l’essence de choses, en y mêlant nos

perceptions, nos idées, nos représentations individuelles et sociales. Recentrons

nous alors sur le concept qui nous préoccupe. En nous intéressant aux termes qui

entourent la représentation, nous avons déjà glissé vers l’idée du social en évoquant

la collectivité, la dimension collective et le monde dans lequel nous vivons, c’est-à-

dire la société. Autant le terme représentation est polysémique, autant celui de social

est mis, à l’heure actuelle, à toutes les formes et peu parfois perdre de son sens réel.

Mais si nous cherchons à aller plus loin, nous pouvons distinguer les représentations

individuelles, collectives et sociales, et en fonction de l’angle sous lequel elles seront

étudiées : la psychologie, la sociologie, ou la psychologie sociale, les représentations

revêtent alors des formes différentes.

8

2. Individuelles, collectives, et sociales

Dans ce chapitre, nous essaierons de distinguer les représentations individuelles,

collectives et sociales malgré la certitude qu’elles sont étroitement, intimement liées.

Notre objectif ici est de nous intéresser à la relation de l’homme avec lui-même, à la

relation de l’homme avec les autres, à la relation de l’homme avec l’organisation du

monde qui l’entoure, et de la place, ou plutôt du pouvoir de la société sur l’homme ou

de l’homme sur la société.

2.1 Représentations individuelles

Inspiré de la psychologie, et donc tourné vers le sujet, le terme de représentations

sociales s’en éloigne rapidement puisque nous nous éloignons de l’individuel pour

aller vers le social. Néanmoins, une représentation est individuelle car toujours crée

par un sujet, un individu, une personne singulière dans une société. Fondées sur des

expériences singulières, construites mentalement de manière singulière, les

représentations individuelles sont propres à chaque homme, à sa manière spécifique

d’intégrer les situations et d’organiser ses actions. Nous pouvons dès à présent faire

un lien avec les définitions citées plus haut comme l’image mentale, la représentation

mentale que se crée le sujet singulier. Ce sujet nous représente tous, vous, nous, les

malades, les soignants, les cadres que nous sommes ou en devenir. Une

représentation individuelle correspond à « un ensemble de connaissance que le sujet

s’est construit à partir d’objets sociaux, compte tenu d’une évolution personnelle au

sein d’un groupe et d’une société »6. En effet, nous ne pouvons faire abstraction que

l’homme est un homme social, et si l’objectivité absolue n’existe pas, le subjectif ne

peut être total non plus puisque l’homme est influencé par le monde dans lequel il vit.

Ce sujet, sensible, tenu par ses affects, va être contraint au groupe, à la société qui a

une emprise sur lui. C’est en ce sens que nous explicitons que le subjectif ne peut

être total puisqu’ un ensemble de nos représentations, nos images, nos perceptions,

nos croyances ou convictions ont été crées, justifiées ou modelées par la collectivité.

Ainsi, nous pouvons poser l’idée qu’une représentation n’est jamais totalement

individuelle. Mais si nous tentons néanmoins de nous focaliser sur la représentation

individuelle ou mentale, nous pouvons dès lors décrire une opinion, qui pourrait

changer, évoluer en fonction des situations rencontrées, vécues, et donc aisément

malléables. La représentation individuelle s’oppose à la représentation sociale par

6 http://www.espaceinfirmier.fr/ressources/upload/imgnewspha/infirmier/memoireIFCS.pdf

9

son caractère fluctuant. Nous y reviendrons plus tard lorsque nous évoquerons la

résistance des représentations sociales.

2.2 Représentations collectives

Les représentations collectives représentent des représentations partagées par un

groupe, du point de vue d’un contenu. M Denis, psychologue, dira à ce sujet : « ces

représentations comportent une spécificité individuelle mais également un noyau

commun partagé par la plupart des esprits humains participant de la même

culture »7. Nous pouvons donc comprendre qu’il s’agit ici de modes de pensée

communs, permettant de réglementer les comportements au sein de la collectivité.

Emile Durkheim, sociologue français, fut le premier, fin du XIXème à s’intéresser au

concept de représentations collectives en se penchant sur l’étude des faits sociaux.

Selon lui, la société impose à l’homme sa manière d’agir et de penser en société. Au

travers de la religion et des mythes, il évoque l’idée de normes sociales et morales,

contraignant l’homme à une pensée collective, s’éloignant progressivement de la

psychologie individuelle. Il posa les bases de cette idée que les comportements de

l’homme social découlent non d’une manière d’être individuelle et propre à chaque

homme mais d’un contexte, d’un environnement, de traditions auxquels celui ci est

contraint. Les représentations collectives sont d’une grande stabilité et ne laissent

pas de place au changement. Nous sommes au cœur du paradigme du

déterminisme. Pour Durkheim, considéré comme le père fondateur des

représentations sociales, la conscience collective et la perception commune d’un fait,

s’opposent aux représentations individuelles. Il définit les représentations comme

« une vaste classe de forme mentale (sciences, religions, mythes, espace, temps)

d’opinions et de savoirs sans distinction. La notion est équivalente à celle d’idée ou

de système, ses caractères cognitifs n’étant pas spécifiés »8. Mr Durkheim semble

ne laisser aucune place au sujet pour pouvoir contrer l’emprise de la société, et c’est

sans doute dans cette optique, de pouvoir laisser davantage de place au paradigme

actionnaliste, que d’autres scientifiques vont pousser la réflexion plus loin et rendre

le sujet acteur dans cette société aliénante.

7 http://www.prendsaplace.com/le-concept-de-representation/ 8 http://daimon.free.fr/mediactrices/representations.html

10

2.3 Représentations sociales

Vers les années 60, Serge Moscovici, psychosociologue, s’inspirant de Durkheim

élabora réellement le concept de représentations sociales. Il fonde l’idée que les

représentations sont un savoir naïf, permettant de nous conduire en société, de

communiquer, et d’intégrer de nouvelles informations. Il mettra en avant la

perception d’une même réalité par tous, c’est-à-dire donner un sens commun à

l’objet concerné. La représentation sociale est construite grâce à des codes sociaux,

des symboles, des valeurs sociales, elle reflète la société. Dans les représentations

sociales, le sujet est acteur, à contrario des représentations collectives, où la société

forme un tout, autre que la somme des individus qui la compose. Les représentations

sociales sont pensées comme une opération de la pensée par lequel un individu ou

un groupe va donner du sens à sa réalité, et maitriser son environnement. Individu

et société se distinguent mais ne peuvent se penser l’un sans l’autre. Les

représentations sociales font partie de toute communication, et Moscovici met

l’accent sur les interactions qu’a l’individu avec son environnement. Ces

représentations sociales serviraient de filtre pour « objectiver » la réalité du sujet en

contact avec les autres sujets. Cet auteur propose une vision différente de celle de

Durkheim en révélant un caractère dynamique aux représentations sociales. Les

représentations sociales, même si elles sont résistantes, ne sont pas figées et

peuvent évoluer, changer d’état, se transformer, se recomposer grâce aux relations,

aux interactions donc c’est-à-dire grâce à la communication.

A l’inverse des représentations collectives où le poids de la société est ressenti

comme restrictif, l’idée d’une dynamique, d’une action du sujet par sa conduite en

société, sa communication, ses représentations individuelles, est ressentie dans les

représentations sociales. Les sujets ne sont pas de simples cibles des

représentations sociales, mais ils sont aussi en recherche de sens de la réalité et

peuvent donc ajuster leurs représentations en fonction des situations auxquelles ils

sont confrontés. C’est cette notion qui nous est intéressante à percevoir dans notre

travail puisque nous serons amenés à travailler dans une équipe où chacun aura ses

propres représentations individuelles, ses propres représentations sociales et celles

partagées ensemble vers une vision commune du travail, des projets, de la

philosophie de service... Néanmoins, même si les représentations sociales rendent le

sujet davantage acteur que dans les représentations collectives, le poids de la

société et bel et bien présent et nul ne peut y échapper. Nous verrons dans ce travail

que les représentations sociales sont tenaces. Cependant, accepter que les

11

représentations sociales existent et nous guident au quotidien n’exclu pas le fait de

ne pas adhérer à toutes celles qui nous entourent et d’avoir notre libre arbitre. Le

passage de la société traditionnelle à la société moderne, l’évolution, certes lente,

des mentalités nous prouvent que rien n’ est figé, que les choses peuvent évoluer et

nous donnent espoir de voir le monde grandir.

Nous venons de nous apercevoir que nous intéresser au vocabulaire entourant le

concept de représentations sociales nous a permis d’avancer précautionneusement

vers ce concept. Ayant perçu évasivement la nature de ce concept, nous allons

avancé de manière plus qualitative vers l’essence de ces représentations sociales.

3. Tout est représentation sociale

La vie de chacun d’entre nous est faite de représentations sociales. Quoi que nous

pensons, fassions, disons, nous agissons sous l’influence de nos représentations

sociales. Elles sont un guide, pour nous comprendre, communiquer, donner du sens,

et réagir aux situations. Ces représentations sociales existent puisque chaque jour

nous sommes confrontés aux autres, aux rapports humains, qu’ils soient d’ordre

privé ou professionnel. La plupart du temps inconscientes, elles font pourtant partie

de nous et sont indispensables pour vivre ensemble. De nombreux auteurs se sont

penchés sur ce concept, nous avons déjà cité E Durkheim et S Moscovisci, nous

citerons ci-dessous d’autres auteurs ayant concouru à enrichir et expliciter ce

concept.

3.1 Selon les temps et les auteurs

S Moscovici définit l’idée qu’une représentation sociale a un aspect dynamique et en

même temps structurant puisqu’une nouvelle notion est intégrée aux notions

préexistantes et engendre un certain type de comportement en réponse. Il décrira

des « systèmes de valeurs, de notions et de pratiques relatives à des objets, des

aspects ou des dimensions du milieu social , qui permettent non seulement la

stabilisation du cadre de vie des individus et des groupes, mais qui constituent

également un instrument d’orientation de la perception des situations et d’élaboration

de réponses »9. Il s’agit de s’adapter à la réalité dans laquelle nous vivons, d’intégrer

tout nouvel élément en fonction de nos connaissances établies, et d’ajuster nos

comportements, pérennisant notre place dans la société. Denise Jodelet, scientifique

9 S Moscovici, cité par Gustave Fischer, les concepts fondamentaux de la psychologie sociale, Paris, Dunod,1996, p125

12

et psychosociologue, approfondit dans les années 1980, les recherches entamées

sur le sujet en s’interrogeant sur la société, et en décrivant l’approche sociale et

humaine des représentations. Elle prêta attention aux représentations sociales de la

maladie mentale dans son livre « Folies et représentations sociales »10. Nous

reviendrons plus loin dans notre exposé sur la folie qui est souvent citée en exemple

pour des représentations sociales. Penchons nous sur une définition très répandue

des représentations sociales, écrite par D Jodelet (1984) : « une forme de

connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et

concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social »11. On

perçoit dans cette définition l’idée de pensée sociale, une manière de comprendre le

monde dans lequel nous évoluons, une reconstruction de cette réalité, et une

maîtrise de notre environnement. Jean-claude Abric, quelques années après Jodelet,

fut un auteur qui développa la structure et la composition de la représentation

sociale. Il s’attela à détailler ce qu’il appela la théorie du noyau central. Dans la

même idée, il définira « une vision fonctionnelle du monde, qui permet à l’individu

ou au groupe de donner un sens à ses conduites, et de comprendre la réalité, à

travers son propre système de références, donc de s’y adapter, de s’y définir une

place »12.

Au cours des temps, et au travers de différents domaines, de nombreux auteurs se

passionnèrent à décrire leurs perceptions des représentations sociales et en faire

des liens avec les domaines qui les concernent. Piaget, Foucault, Kaes, Freud,

Bourdieu, Duby , et bien d’autres psychosociologues, anthropologues, ou

psychanalystes se préoccupèrent de ce concept, chacun y apportant un regard

spécifique pour les sciences humaines. Chaque discipline contribuant à enrichir ce

concept et permettant une valeur heuristique à la recherche.

3.2 Elaboration et constitution des représentations sociales

3.2.1 Elaboration des représentations sociales

Nous pouvons presque affirmer que notre naissance est le seul moment où nous

sommes indemnes de représentations sociales. Mais dès notre naissance, et au fur

et à mesure des années s’écoulant, nous sommes amenés à être en interaction avec

10 Denise Jodelet, Folies et représentations sociales, puf,1989 11 D jodelet, les représentations sociales, paris, puf, 1991 12 J-C Abric, Pratiques sociales et représentations, puf, 1994.

13

les autres, à emmagasiner des informations, à développer notre cognition, à enrichir

notre mémoire, et à orienter nos pratiques sociales. La famille, l’école, les médias,

les lieux professionnels ou de loisirs nous apprennent à vivre en société, à

intérioriser des modèles de pensées et de conduites sociales. Les représentations

sociales se construisent donc et se fixent en nous pour devenir comme naturelles.

Cette construction fut décrite de manière plus scientifique par S Moscovici, qui

détailla les deux étapes de l’élaboration : l’objectivation et l’ancrage. Dans un premier

temps, l’objectivation peut elle-même se décomposer en trois phases, sélection,

schématisation structurante et naturalisation. La sélection est le phénomène par

lequel les informations reçues sont triées, filtrées ou sélectionnées en fonction de

critères culturels ou de normes sociales. Ensuite ces informations sont cristallisées,

structurées en donnant un sens pour le sujet à l’objet de la représentation. Elles

deviendront une image signifiante. Enfin, elles deviennent naturelles, évidentes et

donnent la réalité du monde pour le sujet, réalité sur laquelle il pourra se baser. Les

données reçues sont simplifiées, transformées, et même parfois laissées de côté

pour pouvoir comprendre, percevoir ce qui nous semble important. La seconde étape

est celle de l’ancrage. L’ancrage permet l’enracinement de l’objet de la

représentation faisant suite à l’objectivation. Les informations sont appropriées par

l’individu, elles sont assimilées et classées en fonction des représentations déjà

établies, réfléchies par rapport au contexte environnemental connu, au groupe dans

lequel il évolue. Le sujet, membre d’un groupe social, confronté à une nouvelle

connaissance, prend ce qu’il peut intégrer en fonction de ce qu’il connaît et qui fait

partie de sa mémoire, du déjà vécu ou déjà vu, et peut aussi rejeter l’inconnu. Il

compare ce nouvel objet à ses représentations préexistantes, à ses références, et

permet d’ajuster sa réponse, en adoptant une réplique adéquate aux normes

sociales culturelles, et pérennisant sa place au sein du groupe. Prenons l’exemple de

l’appendicite. Pour tous, l’appendicite représente en fait l’appendicectomie. Nous

entendons fréquemment « j’ai eu l’appendicite », « j’ai été opéré de l’appendicite »,

alors qu’en fait l’appendicite signifie simplement une inflammation de l’appendice.

Cette erreur permet cependant de comprendre l’autre, elle est devenue naturelle et

connue de tous.

La représentation sociale après avoir été filtrée est ancré dans le mental du sujet

expliquant sa solidité. Cherchons à en comprendre les éléments qui constituent cette

représentation sociale et le caractère stable qui la définit.

14

3.2.2 Constitution des représentations sociales

Pour mieux comprendre le poids des représentations sociales, Abric développa la

théorie du noyau. Le noyau central, appelé noyau dur, est l’élément stable

composant essentiel de la représentation sociale. Il permet la signification et

l’organisation de la représentation sociale donnant d’une part sens et valeur, et

d’autre part, stabilité et uniformité. Nous pouvons ici faire du lien avec le paragraphe

précédent. Rappelons-nous l’objectivation confère à la représentation sociale un côté

organisé car les informations sont triées, sélectionnées et l’ancrage permet

l’enracinement, et donc la stabilité de la représentation sociale. La théorie du noyau

dur est en lien étroit avec l’élaboration de la représentation sociale permettant une

fixation rigide et solide de celle-ci. ,A l’intérieur de ce noyau, les éléments sont régis

par une norme, des stéréotypes déterminés par notre histoire, éducation,

apprentissage, etc. On comprend donc pourquoi, il est qualifié de dur, puisqu’il

semble profondément ancré, et difficile à modifier. Autour de ce noyau, organisés de

manière hiérarchisée, les éléments périphériques qui renvoient aux dimensions plus

individuelles. Ils fonctionnent comme des pare-chocs en absorbant quotidiennement

les conflits entre représentations et réalité, en vue de réajuster la situation, gérer les

contradictions informatives et comportementales, pour s’y adapter et rester en

cohérence avec le noyau dur. C’est à ce niveau que la représentation pourra

changer, mais de manière lente et tenue car le noyau dur est résistant aux

changements. Prenons l’exemple de la hiérarchie infirmière. La croyance veut que le

médecin soit le supérieur de l’infirmière. Cependant, rappelons-nous que le médecin

n’intervient aucunement dans l’organisation hiérarchique de l’infirmière. Malgré que

celle-ci le sache et que, dans sa pratique, l’infirmière soit confrontée à ce dilemme

qui vient bousculer le noyau dur, l’idée est profondément ancrée et l’infirmière

continue à agir comme si le médecin était son supérieur hiérarchique. Nous

percevons alors le noyau dur de la représentation comme un élément stable, et la

pratique c’est-à-dire les éléments périphériques qui viennent bousculer ce noyau dur

qui persiste néanmoins dans les pensées et comportements.

Toutefois, nous vivons dans une société moderne ou les sources d’informations sont

intarissables, informations médiatiques, et internet qui est sans doute l’exemple le

plus transcendent. Ces informations viennent sans cesse dérouter le noyau dur, qui

doit s’accorder constamment. C’est cette adaptation permanente, ce processus

d’adaptation aux informations nouvelles qui donne aux représentations sociales son

coté dynamique.

15

3.3 Caractéristiques et fonctions des représentations sociales

Nous l’avons bien compris une représentation sociale est une représentation du réel,

une image du réel, une interprétation. Ce n’est donc pas le réel. Les représentations

sont le filtre à travers lequel passe le réel pour être interprété en fonction de nos

croyances, préjugés ou convictions pour devenir notre réel. Les représentations

sociales sont composés de différents éléments affectifs, intellectuels ou cognitifs qui

permettent parfois d’expliquer de façon trop simpliste ce qu’est une représentation

sociale, par exemple les stéréotypes, préjugés, croyances, opinions, idéologies,…

Les opinions : Une opinion est un jugement porté sur l’objet de la représentation.

C’est une expression de la représentation sociale par un avis, un sentiment et

dépend donc de l’individu qui crée l’opinion. L’opinion est souvent argumentée pour

justifier ses conduites. Elle peut facilement être influencée par les émotions, le

contexte, etc.

Les préjugés : Un préjugé est un jugement sur l’objet ou le sujet de la représentation

sociale mais ce jugement est formé à l’avance en fonction de critères personnels ou

d’apparence, et oriente notre attitude envers celui-ci en positif ou négatif. Ce

jugement préconçu, à priori, est caractérisé par une charge affective, à l’inverse des

stéréotypes qui sont plus neutres. Le préjugé comme le stéréotype peuvent amener

à de la discrimination. Prenons l’exemple des nouvelles infirmières tout juste sorties

d’école. Nous convenons de dire qu’elles ne sont pas toujours bien accueillies dans

les équipes car leurs manques d’expérience amènent à penser qu’elles sont au

départ une charge de travail supplémentaire par la supervision qu’elles nécessitent.

Le jugement à leur égard est préconçu. Néanmoins, ce préjugé est parfois bousculer

par certaines novices qui prennent très rapidement leurs marques et leurs places

dans l’équipe.

Les stéréotypes : Le stéréotype est un élément très fort faisant partie du noyau dur

de la représentation sociale. C’est une idée fausse et réductrice sur une

catégorisation sociale partagée par un groupe. Les stéréotypes sont plus forts que

les préjugés, ils résultent d’une généralisation, simplification et utilisation rigide de

cette idée erronée, mais qui restent majoritaire et soude le groupe. Les stéréotypes

ont la dent dure entraînant un groupe, une société à croire, à penser des idées

fausses, et à agir en conséquence. Les stéréotypes font partie du noyau dur des

représentations sociales. Nous connaissons tous des stéréotypes comme « les

blondes sont bêtes », « les chinois sont travailleurs », etc. Le stéréotype de la femme

16

qui s’occupe des tâches ménagères et des enfants est encore fort présent dans les

mentalités, et par extension, une femme a moins sa place en tant que cadre dans

une entreprise qu’un homme. L’homme représente la force, l’autorité, et la femme, la

douceur, le calme. Ainsi une femme ne peut avoir une place de chef.

Les croyances : La croyance repose sur une idée dont le sujet est convaincu mais

sans preuve. Le sujet est persuadé d’une chose dont il ne peut démontrer, attester

de son existence. La foi atteste d’une croyance religieuse.

Les idéologies : C’est un ensemble d’idées regroupées en doctrine influençant le

comportement d’un groupe. Elle rassemble des idées, opinions, croyances politique,

philosophie, sociales, religieuses ou morales qui dictent les valeurs du groupe. C’est

aussi une pensée de groupe sans avis critique. Les représentations sociales font

partie d’une idéologie partagée par le groupe. L’idéologie nazie est un remarquable

exemple pour avancer qu’un pays entier peut-être endoctriné et suivre des valeurs

éloignées de toute morale.

En fonction de l’élément sur lequel reposent la représentation sociale, il est plus ou

moins évident de la modifier. L’opinion et l’idéologie étant à l’opposé sur le plan de la

solidité de la représentation.

3.3.1 Caractéristiques des représentations sociales

Objet et sujet :

Se représenter quelque chose, c’est le fait qu’un sujet se représente un objet. Le

sujet est l’individu par lequel, à l’intérieur duquel va se forger la représentation

sociale qui est portée sur un objet. L’objet sur quoi porte la représentation peut être

un objet, un sujet, une idée, un concept. Objet et sujet sont en relation, en

interaction.

Un caractère imageant

La représentation a un caractère imageant, le sujet va se représenter l’objet grâce à

sa pensée, à son imaginaire pour rendre le concept, l’idée, les mots, moins abstraits

et plus compréhensibles. On peut parler de reconstruction déformée puisque ce n’est

pas une photographie exacte de l’objet de la représentation.

Un caractère symbolique

Nous l’avons vu plus haut, le symbole donne du sens, induit autre chose que le sens

premier donné au sujet.

Un caractère constructif

17

Le sujet intègre les informations pour en construire sa réalité. La réalité n’est donc

pas une réalité objective mais construite au travers de l’individu. On pourrait dire qu’il

y a autant de réalités que de sujets.

Prenons l’exemple du diabète. Les représentations sociales à l’égard du diabète sont

nombreuses : le sujet va donner au diabète un caractère imageant par la maladie, le

sucre, l’insuline… L’obésité pourra aussi intervenir comme symbole du diabète,

entraînant un autre sens que le sens premier. De plus, en fonction de son expérience

propre, des situations vécues, entendues, le sujet pourra également faire des liens

entre obésité, mauvaise hygiène de vie, catégorie sociale, etc… Nous pouvons, par

cet exemple, démontrer combien une représentation sociale peut être fausse et loin

de la réalité, de notre réalité. Nous l’observons ici avec cet exemple, la

représentation a donc de nombreuses fonctions.

3.3.2 Fonctions des représentations sociales

Les représentations sociales sont partout et tout le temps. Elles ont pour fonction

essentielle le vivre ensemble. Abric développa ce concept en évoquant quatre

fonctions principales. Une fonction d’orientation des pratiques qui permet au sujet de

se conduire en société, de guider ses actions et ses pratiques en restant fidèle au

cadre social. Par exemple, dans notre société, le retard est mal perçu, il représente

un manque de respect. Lorsqu’un individu arrive en retard à l’endroit où il est

attendu, il présente ses excuses. Dans d’autres cultures, le retard n’a rien de

répréhensible et arriver en retard est une pratique tout a fait acceptable, faisant

partie de la norme sociale. La fonction cognitive permet au sujet d’intégrer de

nouveaux savoirs à la mémoire, de les mettre en lien avec les connaissances

existantes et permettre la communication sociale. Par exemple, dans une discussion

« tout public » si le débat s’oriente vers la psychanalyse, le sujet pourra faire appel

aux quelques connaissances entendues, vues à la télévision pour comprendre de

quoi il s’agit et pouvoir alors entrer en discussion. La fonction identitaire marque

l’appartenance du sujet au groupe social. Sachant que d’un groupe à l’autre, les

représentations sociales ne sont pas les mêmes, nous pouvons conclure à

l’importance pour l’individu de se situer dans un groupe social en cohésion avec les

représentations des individus appartenant à ce même groupe, permettant une

identité social et la démarcation avec tout autre groupe. Un sujet soignant en

chirurgie orthopédique partagera des représentations sociales avec ses collègues de

la même spécialisation lui permettant ainsi d’appartenir à ce groupe précis et non

18

pas à celui des soignants de chirurgie vasculaire. Enfin la fonction justificatrice

permet à posteriori de justifier, d’expliquer nos actions en fonction du cadre de

référence, des pratiques normatives du groupe concerné, et donner un sens à

certaines attitudes. Nous pouvons imaginer l’adolescent qui transgressant les règles

fixées par les parents, se justifie par le fait d’avoir suivi les normes de son groupe

d’appartenance.

Fonction cognitive

Fonction Représentations sociales Fonction

d’orientation Justificatrice

Fonction identitaire

4. Conclusion

Pour terminer ce chapitre, nous pouvons redéclarer ici que la réalité n’est pas, mais

que ce sont les représentations sociales qui font notre réalité. C’est à travers nos

représentations sociales que le monde prend son sens et nous donne du sens. C’est

une forme de savoir naïf et commun, qui grâce aux valeurs partagées, aux normes

imposées, aux croyances, aux idéologies, est porteuse de l’identité du groupe

auquel nous appartenons, et nous donne une ligne de conduite, de savoir-vivre

ensemble. Savoir cela, c’est aussi savoir que nous ne sommes pas dans une vérité

absolue mais dans ce que nous pensons être notre vérité, même si elle est fausse.

Savoir que nous ne détenons pas une stricte vérité permet une remise en question,

une ouverture à l’autre. Savoir que les représentations sociales diffèrent selon les

groupes d’appartenance, les cultures, les sociétés permet une tolérance nouvelle.

Ces représentations sociales sont un savoir non négligeable pour le cadre.

L’individu est donc un sujet ayant un libre arbitre, mais influencé voir contraint par

des représentations sociales, des règles sociales, auxquelles il adhère pour

comprendre le monde, pouvoir agir, et s’identifier aux autres. Une seule affirmation

peut donc être posée : nous sommes influencés par nos représentations individuelles

19

et sociales. Qu’est ce qui nous pousse alors à devenir cadre ? La réponse est

inévitablement nos représentations sociales de la fonction, si toutefois nous en

sommes suffisamment conscients. Le cadre est influencé, guidé par ses

représentations sociales, et est une personne influente. Souvenons-nous que de par

sa fonction, il cherche à influencer. Mais quoi ? Puisque tout est représentation

sociale, nous pouvons attester que c’est sans doute les représentations sociales des

membres de son équipe, dans le but de rassembler vers une vision commune du

travail. Notre travail qui touche au milieu du soin, ou des soins, amènent à réfléchir

sur les faits sociaux que sont la santé et la maladie, et apercevoir que ceux-ci sont

imprégnés de représentation sociales que nous partageons, et qui nous guident dans

notre pratique. Ainsi, après avoir découvert les représentations sociales dans leur

généralité, nous allons nous pencher sur notre groupe d’appartenance qui concerne

le domaine de la santé, et tenter de comprendre les représentations sociales qui

entourent ce champ, puis nous rétrécirons encore davantage notre regard vers le

domaine de la santé mentale, là où a démarré la réflexion ayant mené à ce travail.

20

1 LES REPRESENTATIONS SOCIALES A L’HOPITAL :

Santé/maladie, soin/ soins, soignants/soignés

L’hôpital est une institution des plus anciennes, et a toujours été une institution

sociale. L’évolution médicale et technique n’a semble t-il pas enlevé les

représentations sociales les plus basiques liées à l’institution hospitalière. Que nous

soyons soignant ou usager, appartenant à tel ou tel groupe social ou professionnel,

les représentations sociales de l’hôpital sont nombreuses. La santé, le soignant, la

maladie, le soigné portent également de nombreuses représentations sociales

guidant nos conduites et justifiant nos comportements.

1. L’hôpital comme lieu de soins

L’hôpital est le reflet de la société puisque fréquenté par une grande partie de la

population. Les problèmes rencontrés dans la société se retrouvent à l’hôpital :

précarité, violence, société du « tout tout de suite »…Historiquement, l’hôpital avait

pour fonction de recueillir les pauvres et les indigents, maintenant par là même

l’ordre social. La croyance d’une mission basée sur la charité et les représentations

qui en découlent ont perduré aux cours des siècles qui suivirent. Mort, vieillesse,

souffrance, mais aussi que « la santé n’a pas de prix » font partie des idées

partagées dans la société. Néanmoins, l’hôpital et le monde hospitalier ont connu

une mutation profonde avec l’avancée médicale, et la nécessité de s’adapter à une

société en évolution. L’hôpital devient une entreprise et se dote de nouvelles

missions.13 Cette institution complexe se développe d’un point de vue architectural et

technique. L’efficience et la qualité des soins deviennent prioritaires, et les services

se divisent et se spécialisent. L’impact sur le fonctionnement de l’hôpital et sa

gestion financière se fait ressentir. L’hôpital ne peut plus tourner le dos au contexte

financier, de plus en plus difficile, que ressent la société. De nombreux auteurs se

sont penchés à décrire les changements et l’organisation de l’entreprise

hospitalière : Mintzberg, Herzliche, Crozier et Freidberg. Gestionnaires, corps

médical, professionnels de santé et patients doivent composer avec des objectifs

différents voir conflictuels. Face à toutes ces logiques de penser en opposition, le

cadre de santé devra s’adapter, défendre ses positions, et jongler entre les

différentes logiques pour assurer un travail efficace et efficient, dans cette entreprise

13 Cours de sociologie de La santé, Mr Vantomme, p25.

21

managériale. Il va devoir intégrer cette dimension économique à sa pratique

professionnelle. De lieux de soins, l’hôpital est devenu une entreprise organisée où

l’économie a une place prépondérante, s’éloignant ostensiblement de sa mission

charitable connue auparavant. La représentation sociale concernant l’hôpital

charitable et sécurisant est mise à mal. Et pourtant, a contrario, la population n’a

jamais été aussi consommatrice de soins de santé. D’autre part, ce qui peut

bousculer l’opinion publique est cette volonté de maîtriser les couts, de rentabilité, de

rationalité dans un travail où l’humain est, ou devrions-nous dire devrait être, au

centre de nos préoccupations. A l’heure actuelle, la fermeture des hôpitaux dans les

petites villes au profit de super complexe hospitalier, est justifiée par le manque de

rentabilité des ces hôpitaux, laissant pour compte une partie de la population rurale

et les personnes qui ne sont pas en mesure de se déplacer. Dans notre société

hyper technicisée et ou tout doit aller vite, les hôpitaux deviennent des produits,

vendent des services, et se classent dans des catégories. L’accréditation en est un

bel exemple, et la classification qui en découle est le reflet de cette société où il faut

toujours être le meilleur. Ce tableau un peu sombre montre la difficulté aujourd’hui

des hôpitaux à pouvoir s’adapter au contexte social tout en devant assurer des soins

de qualité à des sujets malades.

Pour continuer notre réflexion, nous allons nous pencher sur les notions de santé et

maladie et les représentations qui y sont associées

2. Santé vs Maladie

2.1 Santé et maladie, des phénomènes sociaux

Définir la santé passe par la définition de la maladie, nous verrons ici que ces termes

utilisés couramment ne sont pourtant pas si naturellement explicite. La santé est une

notion relative et englobe différentes dimensions. Selon L’OMS, il s’agirait d’ « un

état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en

une absence de maladie ou d’infirmité »14. Cette définition date de 1948, et reste

floue, dès lors il est difficile de caractériser une personne en bonne santé selon cette

définition. S’il ne s’agissait que d’une fonction physiologique défaillante, d’un

problème physique, il serait sans doute plus aisé de définir une personne en santé,

encore qu’une personne présentant un handicap physique peut se définir en bonne

santé. On voit ici toute la complexité de définir une personne en bonne santé puisque

cela reste propre à chacun. Outre, un corps et des organes indemnes, la santé 14https://fr.wikipedia.org/wiki/Sant%C3%A9

22

s’intéresse au psychique, avec une satisfaction dans la réalisation des besoins de

l’individu, d’un épanouissement dans ses ambitions, ainsi qu’une adaptation à son

environnement. La médecine ne détient plus le pouvoir absolu sur la santé et la

maladie, et les sciences humaines et sociales ont donc une place a part entière dans

ce domaine. La santé semble donc être une norme imposée par la société. Cette

idée nous intéresse particulièrement dans le chapitre traitant de la maladie mentale.

La santé est donc envisagée dans une vision holistique de l’être humain. De plus,

elle revêt divers aspects : physique, mentale, émotionnelle, et sociale. La maladie

est donc elle aussi individuelle mais dépendante de la société dans laquelle vit le

sujet malade. Le malade a donc un statut social bien particulier en fonction de la

société où il vit.15La maladie serait donc un manquement dans la définition de la

santé : un individu qui souffre, qui ne peut satisfaire ses besoins, qui présente une

complication physique, ressent un mal être, ou ne se sent plus à sa place dans la

société. La maladie peut être claire et objectivable mais aussi ne présenter aucun

indicateur, mais être juste un vécu, un ressenti. C’est donc l’opposition entre les

professionnels qui détermine la maladie, et la pensée « profane » qui est la réalité

vécue par le patient. Encore une fois, la perception est très subjective. Une maladie

courte telle que la grippe, le rhume, ne sera pas vécue ni perçue comme une

maladie chronique, longue, ou une maladie mentale. De plus, la vision de la maladie

dépend de la société et de la culture dans laquelle nous vivons. Une société

moderne occidentale, ne percevra pas la maladie comme une société traditionnelle

orientale. Le sens donné à la maladie, les croyances qui lui sont rattachées, la

manière de guérir la maladie dépendent de la société et de la culture. Le burn out est

un exemple de maladie liée à nos sociétés occidentales. Maladie ou santé se

définissent en fonction de ce que la société attend de nous. C’est également ce que

foucault décrit dans son livre lorsqu’il parle du normal et du pathologique.

2.2 « Le normal et le pathologique »16

Lourde tâche que de définir ce qui relève du normal, et ce qui relève du

pathologique. Il semblerait d’ailleurs plus aisé de définir ce concept en pathologie

physiologique qu’en pathologie psychologique. D’un point de vue général, nous

pourrions nous appuyer sur le fait que ce qui relève du pathologique serait l’écart par

rapport à des normes statistiques. Se situer pour savoir dans quel écart type nous

15 Cours de sociologie de la santé, Mr Vantomme, p25 16 Emprunté a Canghuilhem

23

nous situons face à la moyenne pourrait donner une indication de notre état.

S’intéressant à la maladie mentale, Foucault met en avant l’idée que tenir compte de

l’individu, de sa personnalité, de son milieu, de son ressenti, donne toute la difficulté

d’identifier ce qui est de la normalité ou de la maladie : « en psychiatrie, au contraire,

la notion de personnalité rend singulièrement difficile la notion du normal et du

pathologique »17. Cela reprend la définition citée plus haut de la santé comme un

bien être complet (bio-psycho-social). Pour tenter néanmoins de trouver une

réponse, Foucault propose d’analyser le rapport de l’homme à son milieu, le rapport

de l’homme « à l’homme vrai et à l’homme fou »18. La pathologie soulignerait alors le

non conformisme de l’homme dans la société, l’inadaptation de l’homme à son

milieu, et le rapport de l’individu à la société serait à la base de la folie, fût-il dans un

sens ou dans l’autre. Nous sous entendons que la société est productrice de folie ou

que l’individu développe la maladie, confronté à l’impossibilité de trouver sa place

dans son milieu. Nous nous intéresserons à ce champ de la maladie mentale dans le

chapitre suivant. Cependant, nous retrouvons ici encore, le rapport du sujet malade à

la société, la perception de la maladie par la société, et nous arrivons

progressivement aux représentations sociales de la santé et la maladie.

2.3 Les représentations sociales de la santé et de la maladie

La santé fait partie des préoccupations premières de nos sociétés. Les phrases

utilisant le terme de santé sont d’ailleurs très courantes : « Comment va la santé ? »

« A ta santé ! » « Bonne année, bonne santé ». La santé est d’ailleurs mesurée dans

la société pour donner une idée de l’état de santé de la population. La santé est

perçue comme une norme. A côté de cela, les maladies sont parfois porteuses de

représentations sociales lourdes à supporter. Le SIDA, la cirrhose du foie, renvoie

une image négative, socialement partagée. On interprète la maladie pour lui donner

un sens, elle est donc également un signifiant social. La maladie a aussi une fonction

justificatrice car elle peut expliquer un état ou l’on est moins performant, une fonction

d’orientation ou l’on ne maintient pas nos rôles sociaux, mais aussi identitaire

puisqu’on appartient à une autre classe, celle des malades.

C Herzlich mena une étude approfondie sur les représentations sociales de la santé

et de la maladie, nous en décrirons brièvement les découvertes.

17 M Foucault, Maladie mentake et psychologie, puh,1954, p14 18 Op cité, p2

24

La santé

Elle distingue trois formes de santé : la santé vide, ou absence de maladie, le fond

de santé, ou capital de robustesse qui permet à l’individu de résister aux maladies,

elle est perçue comme une ressource, et l’équilibre, ou bien-être physique et

psychologique, capacités à mener ses activités et avoir de bonnes relations sociales.

C Herzlich s’attache surtout à définir cette troisième forme et explique que les

individus vivent leurs maladies non comme un état corporel problématique mais en

fonction des conséquences sur ses relations sociales ou sa place dans la société.

Cet équilibre n’est jamais parfait puisque l’individu est sans cesse en déséquilibre,

soumis aux agressions de la vie en société urbaine. Cela ne veut pas dire pour

autant que l’individu est malade. Néanmoins, C Hezlich met en avant que c’est

davantage les caractéristiques sociales de la santé qui sont mises en avant par la

population pour se définir en bonne santé ou malade.

La maladie

Alors que la langue française ne propose que le mot « maladie » pour définir les

états de maladie cités plus haut, les anglo-saxons quant à eux, possèdent 3 mots

bien distincts 19 : disease représente la maladie du point de vue du médecin, et des

dysfonctionnements physiologiques, illness évoque le vécu du malade, et sickness,

le point de vue de la société avec toutes les représentations qui lui sont rattachées.

Nous pourrions faire un parallèle avec les formes de santé développées par C

Herzlich concernant la maladie ; Celle-ci a alors mis en avant trois représentations

de la maladie : la maladie dévastatrice. La maladie est vécue comme un

anéantissement. Le sujet perd ses rôles sociaux, et ressent un sentiment d’inutilité,

d’impuissance et une perte d’identité. Dans cette forme, le sujet reste plus longtemps

dans le déni de la maladie, et le refus des soins. Il y a un risque d’isolement

important par honte de ce que la maladie implique. Le malade se sent « possédé »

par la maladie. La maladie libératrice, la maladie est vécue comme libératrice des

obligations, contraintes sociales. Elle permet au sujet de faire une pause dans son

existence habituelle pour se concentrer sur sa vie, et le sens de celle-ci. La maladie

métier reflète l’état du malade qui lutte contre la maladie. Contrairement à la maladie

destructrice, le malade accepte sa maladie, l’inactivité, et les soins nécessaires en

prenant du pouvoir sur la maladie. Ces formes de la maladie dépendent bien

19http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache:RlQGludV3I8J:www.msh.univ-nantes.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw%3FCODE_FICHIER%3D1314686222929%26ID_FICHE%3D2325+&cd=9&hl=fr&ct=clnk&gl=fr

25

évidemment de la personnalité du sujet, de la forme grave ou non, curable ou non de

la maladie, et du temps écoulé depuis l’annonce de la maladie.

Nous venons de l’apercevoir, la représentation de la maladie s’oriente vers la perte

des rôles sociaux. Etre malade s’apparente à avoir en soi quelque chose de nocif, et

surtout ne pas savoir travailler, ne pas savoir tenir ses activités habituelles. Le sujet

malade craint de perdre sa place dans la société, d’être exclu, reclus de la vie

sociale, mais aussi d’amener Il est intéressant en tant que professionnel de la santé

d’avoir conscience de ses représentations pour pouvoir appréhender le patient et sa

maladie, les conséquences sur sa vie, et de pouvoir mettre en place une prise en

charge adéquate en fonction des attentes du malade.

3. Le soin / les soins

3.1 Distinction soin/soins

Trop souvent, nous omettons par malentendu, par manque de connaissance, par des

représentations sociales, de faire la distinction entre le soin et les soins…En effet,

prenons nous toujours soin lorsque nous faisons des soins ? Ne nous arrivent ils pas

de faire les soins en oubliant le soin ? Les soignants font ils des soins ou du soin ?

Considère-t-on le kiné, la psychologue, etc et même le médecin comme des

soignants ? Est-ce qu’il faut être soignant en santé pour faire du soin ? En

développant ici la différence entre soin et soins nous pourrons sans doute apporter la

réponse. En effet, on peut entendre le soin par prendre soin. En ce sens, tout un

chacun prend soin de beaucoup de choses diverses et variées, « prend soin de toi »,

« prend soin de tes affaires », « prend soin de ta famille », etc. Il est évident que le

soin n’est pas juste du ressort de la santé, mais qu’avec le soin, nous faisons

attention à l’autre, nous marquons notre intérêt, notre considération, notre respect.

D’ores et déjà, nous pouvons conclure que, si être soignant c’est prendre soin, le

soin ne se résume pas qu’à la pratique des professionnels de la santé. Le soin n’est

donc pas une pure action mais bien une manière d’être, de penser, une attitude, une

intention dans le sens de ce qui est bon pour soi et pour l’autre, à l’inverse des soins

qui semblent décrire une action ou un ensemble de faits pour faire des soins, basés

sur des compétences et techniques particulières. Et encore, nous les verrons plus

loin dans le champ de la psychiatrie, les soins ne se limitent pas qu’à des actions, ni

à du faire. La pose du perfusion, l’administration d’un médicament, la réalisation d’un

pansement, etc, les soins requièrent des actes techniques suivant un protocole

précis, mais qu’en est-il du soin ? Le soin demande de l’engagement, de

26

l’implication, un investissement personnel dans la relation avec l’autre. Nous

pouvons donc faire des soins sans soin, nous pouvons donc prendre soin sans être

soignant en santé. Savoir faire et savoir être font la différence. Ainsi se rappeler cette

distinction entre ces deux mots que nous employons couramment peut nous

permettre de redonner sens à des gestes de la pratique quotidienne. Puisque nous

comprenons que le soin ne se définit pas juste par le soin de la pratique soignante,

mais puisque nous sommes cadre en soins de santé, nous nous intéresserons au(x)

soin(s) de ce domaine, et les représentations qui les accompagnent.

3.2 Les soins de santé et leurs représentations sociales

En ce qui concerne les soins de santé, en fonction des écoles et des courants, F

Nightingale, V Henderson, C rogers, ou C Roy, etc le soin ou le « care » ne se limite

pas au simple soin technique du corps. Il s’agit là encore de prendre en compte les

différents univers du sujet : physique, social, spirituel, et psychologique, en d’autre

terme, une prise en charge globale du patient, puisque la maladie touche ces

différents univers. Le soin est donc un acte complexe car il se centre sur différentes

dimensions du sujet. Le terme d’accompagnement du patient est utilisé pour rendre

compte de ces différents critères du soin, est rend tout son sens au mot soin défini

plus haut. De plus, le soin et les soins ne sont pas des actes banals puisqu’ils

demandent d’entrée dans l’intimité du sujet : intimité corporelle, sociale,

environnementale,… La nudité du corps, le contact physique avec le corps de l’autre

n’est pas anodin, et influence les représentations sociales à ce sujet. Ils s’inscrivent

également dans un moment particulier de la vie du sujet puisque nous sommes

confrontés à la vulnérabilité de ce dernier, à la maladie, à la souffrance, et à la mort.

Il s’agit de pénétrer le monde subjectif, imaginaire, symbolique de la maladie vécue

par le sujet. Si cela nous semble une évidence, cela est peu présent dans les

représentations sociales des soins, qui véhiculent une image de compétences et

connaissances techniques. Et les soins ne revêtent pas les mêmes représentations

si nous sommes le malade ou le soignant. En effet, les soins endossent une image

technique d’actions posées : piqure, pansement, perfusion, etc. Et lorsqu’on prétend

s’intéresser à la sphère qui ne se limite pas au corps, nous ne sommes plus, semble-

t-il, dans les soins. Et pourtant, nous parlons de plus en plus de prise en soin,

comme s’il fallait remettre de l’intention dans les soins. Les soins relationnels,

éducatifs, soutien à la famille, etc ne semblent pas faire partie des soins dans les

représentations sociales dominantes. Cela pèse d’ailleurs sur les soignants de la

27

maladie mentale, nous nous y intéresserons plus bas. D’autre part, ce moment si

particulier du soin comme nous venons de l’expliciter reste souvent enfermé dans la

théorie, et ne semble pourtant pas revêtir toute la symbolique qu’il prétend être, par

un manque de reconnaissance de cette particularité, par l’habitude de travail ou le

manque de temps. En effet, avec le contexte actuel des soins, une charge de travail

conséquente et une durée de séjours qui tend à se raccourcir de plus en plus, il

semble difficile pour les soignants de pouvoir prendre le temps d’entrer en relation,

d’analyser et de poser un jugement clinique pertinent. Ou tout simplement de faire du

soin avec les soins. Du coté des soignants, les plaintes sont nombreuses sur la

charge de travail, et le manque de disponibilité pour les malades. Nous sommes

poussés à faire des soins, sans soin. Du coté des patients, il semble « normal » que

tout un chacun ayons droit à des soins de qualité, curatifs, sécurisés, et avec toute la

considération que le soin se réserve En effet, notre ère hyper médicalisée et

technicisée nous empêche d’imaginer que les soins ne peuvent solutionner notre

maladie, comme si guérir était un droit obligatoire. Les représentations sociales

autour des soins sont nombreuses et souvent en décalage avec la réalité, devrions-

nous dire notre réalité. Entre théorie, réalité du terrain, valeurs personnelles, identité

professionnelle et représentations sociales, le fossé se creuse. Se soumettre à la

théorie, aux attentes des patients, aux attentes de l’institution et aux attentes de la

société, semble impossible à réaliser. Ajouté à cela, les soins ne revêtent pas les

mêmes représentations si nous sommes le malade ou le soignant. Dans tous les

cas, ces représentations que nous soyons soigné et soignant guident nos

comportements.

4. La relation soignant/ soigné

Nous commencerons par faire une parenthèse pour parler des soignants que nous

encadrons et qui sont majoritairement des infirmières. Il nous semble important de

rappeler que, outre être un domaine majoritairement féminin, et donc lourd de

représentations sociales, la représentation de l’infirmière est passée au cours des

années de l’infirmière religieuse, vouée corps et âmes à son patient, à l’infirmière

sexy en blouse blanche jusqu’ à l’infirmière technicienne, revendiquant son

autonomie face aux corps médical. Les avancées médicales se sont accompagnées

d’avancées plus discrètes de la pratique infirmière, de son identité grâce aux

connaissances et à la volonté d’une émancipation du métier. L’infirmière n’est plus

une simple exécutante, mais elle possède des compétences techniques,

28

relationnelles, de réflexion et d’analyse. Ceci avec l’ambition de faire changer les

représentations sociales au sujet des infirmières, qui se désolidarisent des médecins

grâce à leurs rôles propres. Cependant, comme rappelé plus haut dans notre travail,

le noyau dur des représentations sociales est difficilement malléable, et l’infirmière

revêt encore souvent l’image d’une gentille dame, compatissante pour son patient.

La valorisation tant espérée n’a toujours pas portée ses fruits, et la supériorité

médicale est toujours d’actualité. Cette représentation sociale influence le patient, la

relation soignant/ soigné que nous aborderons dans le paragraphe suivant, et

influence l’effet de la prise en charge. Par exemple, le discours du médecin aura

beaucoup plus d’impact sur le patient que celui de l’infirmière et moins encore celui

de l’aide soignante. Revenons quelques instants sur le terme soignant. Nos

représentations à cet égard sont sans doute d’imaginer les infirmières et les aides

soignants comme des soignants. Mais si nous en tenons à ce qui a été écrit dans le

paragraphe ci-dessus, c’est-à-dire qu’être soignant c’est être dans le soin, alors nous

pouvons élargir à d’autres groupes professionnels. Au risque de heurter certains

professionnels, ou plutôt certaines représentations sociales, nous pouvons nous

aventurer à affirmer que les psychologues, les kinésithérapeutes, les

ergothérapeutes, les diététiciens,… et même les médecins sont des soignants. La

rencontre entre les soignés, et les soignants faisant du soin ou des soins, donne lieu

à une relation ou interaction où les représentations individuelles et sociales viennent

se confronter, se croiser ou se partager. Cette relation est le moment crucial du soin.

Les soignants font des soins, et nous l’espérons du soin. Cette relation soignant/

soigné est au centre du soin, et les formations à ce sujet sont nombreuses : relation

de soins, relation d’aide, relation de confiance,… On ne peut donc pas ignorer l’utilité

de cette relation entre le soignant et le malade, et l’intérêt de l’attitude du soignant

d’écoute, de disponibilité, d’empathie envers le sujet malade. Cependant, sur le

terrain, la pratique semble différente. Elle est souvent une simple interaction que

réelle relation avec le malade. Le temps de rencontre est souvent primordial pour le

malade qui donne une considérable importance à ce moment, alors que pour le

soignant, c’est souvent, un moment où l’on prête attention aux corps, le temps étant

compté, les échanges sont restreints. Théoriquement, être soignant c’est être orienté

vers l’Humain. Ces derniers ont choisi un métier qui a pour particularité d’être centrée

sur autrui, sa fragilité, sa maladie. Ainsi, de manière insidieuse, une position de

relation dominant/ dominé se met en place. Le soignant, non malade, qui a le savoir

et un rôle actif face au soigné, malade, fragile en position de patient. Etre conscient

29

de ce qui se joue, de manière inconsciente, dans ce type de relation, rappelle la

nécessité d’être encore plus porté sur le soin que les soins. Malheureusement, et

pour les raisons citées plus haut, cela n’est pas toujours le cas. Les interactions sont

souvent basées sur l’information et les soignants attendent des patients un certain

conformisme que porte lui-même le nom de patient. Le soigné se laisse guider par la

gentille infirmière qui fait des soins techniques et qui a des compétences. Nous nous

entendrons aussi pour dire qu’en fonction de l’endroit : hôpital, domicile, centre de

santé mentale, interaction peut devenir relation. Une fois encore, les représentations

sociales du groupe auquel on appartient semblent diverger. Remarquons cependant,

que les représentations sociales du patient ont progressivement évolué, et de moins

en moins patient le soigné devient un ayant droit de soins de qualité. Ce changement

n’est évidemment pas sans répercussion sur la relation soignant/ soigné et peut être

a-t-il diminué la position haute du soignant face à celle du soigné.

Le monde de l’hôpital et des soins est un monde complexe et particulier. Le groupe

professionnel des soignants baigne dans des représentations sociales qui justifient

leur identité professionnelle, et oriente leurs conduites, et leur permettent de se

comprendre. En face d’eux, se situent les malades, qui vivent leurs maladies avec

toutes les représentations qu’ils s’en font et que la société leurs fait porter. Percevoir

les représentations sociales comme un simple savoir commun est restrictif, et tout

l’intérêt est donc aussi de percevoir ce qui est individuel, de ce qui est collectif.

Derrière chaque savoir partagé, se cache un sujet avec son imaginaire qui lui est

personnel, et les informations qui ont été ancré chez lui particulièrement. S’intéresser

aux représentations sociales des soignants, c’est s’intéresser aux groupes de

soignants mais aussi à ces personnes qui forment ce groupe, que nous encadrons.

Chacun a donc une perception qui est propre au groupe et propre à chacun, de la

maladie, des soins, et de la relation qu’ils vont vivre avec les soignés. Avoir

conscience de ces représentations sociales permet une meilleure prise en charge, et

une compréhension des attitudes de l’un comme de l’autre.

5. Les représentations sociales en psychiatrie, ou santé mentale

Ce domaine nous intéresse pour deux raisons, la première car il touche à notre

profession, mais nous garderons à l’esprit le biais majeur de l’implication, et le risque

d’induire trop de nos propres représentations, donc nous nous attacherons à ce

champ car il cristallise de très nombreuses représentations sociales, et peut donc

éclairer un sujet qui reste flou et peu perceptible. Tout d’abord, nous nous

30

entendrons sur un vocabulaire commun retenu ici. La maladie mentale est définie

dans le Larousse médical20comme « maladie de l’esprit, de la pensée. Selon leur

gravité, on distingue différents types de maladie mentale,…il existe des troubles

mentaux directement en rapport avec une maladie physique comme les séquelles

des traumatismes crâniens ou certaines maladies génétiques ». Le terme de « santé

mentale » n’est pas repris dans le Larousse21, mais nous distinguons la santé « état

de bon fonctionnement de l’organisme, équilibre psychique, harmonie de la vie

mentale, santé morale », et le mental qui « est relatif aux fonctions intellectuelles, au

psychisme ». Le terme psychiatrie est quant à lui définit par « spécialité médicale

dont l’objet est l’étude et le traitement des maladies mentales, des troubles

psychologiques. » Ces termes sont d’ailleurs empreints de représentations sociales ;

la santé fait appel à une connotation positive comme la bonne santé ou le bien être

face à la maladie, qui sous entend la perte de quelque chose. Nous avons largement

discuté de ces mots dans le chapitre précédent. L’utilisation du terme santé mentale,

peut atténuer l’image négative que renvoie maladie mentale ou psychiatrie.

L’utilisation du terme folie accentue encore davantage les représentations sociales

sous jacentes.

Ce concept de la maladie mentale a été largement défini par Jodelet dans son

ouvrage « folie et représentations sociales » et nous nous en inspirerons largement

pour argumenter nos propos. Dans son étude à Ainay-le-château, Jodelet s’intéressa

à observer comment les malades mentaux sont intégrés dans une société, où ils sont

pris en charge par des familles nourricières. Cette étude tend à démontrer l’ampleur

des représentations sociales à l’intérieur d’une société, qui pourtant, accueille les

malades au sein même du village depuis de nombreuses années. Pour comprendre

d’où viennent ces RS, il nous semble intéressant de faire un retour en arrière.

5.1 Origine de la stigmatisation de la folie et des soignants en

psychiatrie

Revenir sur l’histoire, la temporalité est un choix pour comprendre l’origine des

représentations sociales qui entourent la folie et qui traversent les époques

stigmatisant ainsi les sujets atteints de troubles psychiatriques, et les personnes qui

les soignent. A l’heure actuelle encore, force est de constater que le soigné en

psychiatrie porte encore les stigmates du lourd passé qui le poursuit, et les soignants

20 http://www.larousse.fr/encyclopedie/medical/maladie_mentale/14357 21 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/sant%C3%A9/70904

31

quant à eux sont accablés de représentations à connotation négative. C’est d’ailleurs

à partir de là que notre réflexion débuta. Regardons alors en arrière comment la folie,

les fous et les gardiens ont évolués au travers des années.

5.1.1 Du possédé au malade mental

De l’antiquité au moyen âge, la maladie mentale trouve ses raisons dans la religion,

la possession, et les malades sont perçus comme fous, en rupture avec la société.

Les moyens de traiter ces fous sont la purification, les ablutions, les rites, les

onctions, la magie faits par les prêtres médecins. La folie est perçue comme une

punition divine. Même si certains philosophes comme Platon ou Aristote tentent de

penser la folie et qu’Hippocrate émet des théories plus d’ordre médical, liant les

humeurs au développement des troubles, la société, elle, reste convaincue qu’il faut

exclure les fous en proie à la volonté divine. Le moyen âge ne marque guère

d’évolution, et la folie témoigne d’une possession démoniaque. A coté de cela, les

fous sont pris en charge par la chrétienté médiévale, et dans les milieux ruraux, les

fous peuvent être plus ou moins acceptés moyennant travaux agricoles. Nous

ouvrons une parenthèse pour faire un lien entre ce type de prise en charge

moyenâgeuse à celle d’Ainay-le-château ou Jodelet fît sa recherche, fin du XXème

siècle, sur les représentations sociales. Mais en majorité le moyen âge fut l’époque

représentée largement par les fous mis sur les buchers. La renaissance marque la

création d’hôpitaux ou de lieux d’enfermement des démens, fous, indigents ou autres

rebuts de la société. Il n’est pas à cette époque en aucun cas l’idée de soins mais

celle de protéger la société ou de la ménager des « parasites ». L’aliéné est

totalement déshumanisé. Les évolutions de mentalités sont lentes, la révolution

française crée encore plus de tort aux fous, puisque certains lieux d’enfermement ont

été fermés et le pouvoir juridique détient un pouvoir absolu et souvent peu juste sur

le devenir des insensés. Ce n’est qu’au XVIIIème siècle, suite aux réflexions de

certains grands philosophes comme Descartes et Spinoza, que les mentalités

tendent progressivement à évoluer. Pinel quant à lui marqua les temps avec sa

volonté de libérer les aliénés enchaînés. Il parvint à faire reconnaître le fou comme

malade et surtout le rendre plus humain. On commence à envisager la folie comme

une maladie, et d’autres traitements voient le jour : saignées, bains glacés,… Notons

que nous sommes à la Fin du XVIIIème début XIXème siècle. Au XIXe, les asiles

sont crées, et la naissance de la psychanalyse marque un impact immense dans la

compréhension de la maladie mentale et de la psychiatrie. Au XXème, les asiles

32

deviennent hôpitaux psychiatriques, mais gardent leur mauvaise réputation. Les

années 1950, avec l’arrivée des neuroleptiques, marquent un tournant dans la prise

en charge du malade, et les années 60 sont imprégnées des mouvements

antipsychiatriques, dont le but vise à fermer les hôpitaux psychiatriques. Le réseau

de soins psychiatriques cherche à se développer en parallèle des psychothérapies. A

l’heure actuelle, la psychiatrie s’est largement développée : thérapies

médicamenteuses, psychothérapies, trajet de soins visant à éviter l’enfermement ou

devrait-on dire plus correctement l’hospitalisation, formation de plus en plus

spécialisée pour les soignants. Le terme de maladie mentale n’est plus tabou, et

pourtant. Le constat sur les représentations sociales s’avère rude. Le noyau dur de la

représentation sociale a été ultra résistant malgré l’avancée dans le domaine.

5.1.2 Du Gardien au soignant

A l’origine, était employé pour garder les fous dans les asiles, les indigents, les

pauvres ou des personnes n’ayant que peu d’éducation, peu distinguable du malade.

Ils étaient choisis en fonction de leur force physique et leur possibilité de maîtriser la

violence par la violence. Leur rôle était de protéger la société des malades, et de

tenter de faire régner l’ordre dans un milieu de violence et de déraison. Ce n’est

qu’au XXème, faisant suite au mouvement de désaliénation des fous, que les

gardiens disparaissent pour laisser place aux infirmiers, allant de pair avec l’avancée

en pharmacologie. Les premiers infirmiers sur le terrain sont des infirmiers

psychiatriques, branche spécifique pour le personnel soignant, et ce n’est que plus

tard que ce diplôme prend fin pour ne laisser que le diplôme général. Durant le

cursus général, des cours de santé mentale sont dispensés et un stage obligatoire

est demandé. Le diplôme d’infirmier donne accès au travail en milieu psychiatrique,

et une spécialisation en santé mentale et psychiatrie est proposée aux infirmiers

gradués. Cette spécialisation a longtemps existé sans être reconnu par le SPF, santé

publique. Cette reconnaissance permet, outre une reconnaissance financière, une

valorisation du travail propre à l’infirmier en psychiatrie. Cependant, le soignant en

psychiatrie n’a pas une bonne réputation, les représentations sociales y sont lourdes

et négatives. Malgré cela, des soignants se dirigent vers cette voie et cherchent à

constituer leurs identités professionnelles dans le domaine de la santé mentale, en

connaissance des représentations sociales qui lui collent à la peau.

33

5.2 Représentations sociales de la folie et des soignants

5.2.1 Représentations sociales de la folie

Depuis toujours, le malade mental, est vu comme fou dangereux, devant être mis à

l’écart de la société. Nous avons vu ci-dessus comment une représentation sociale

est ancrée dans la perception d’un objet chez un individu. Mis en relation avec

l’histoire de la maladie mentale, et les siècles qui ont séparés le fou du malade

mental, il est aisément compréhensible que l’individu souffrant d’une maladie

mentale soit encore à l’heure actuelle perçu comme déséquilibré, insensé, furieux,

redoutable et surtout nuisible à la société. Il fait peur. L’idée d’une sournoise

contamination est ancrée et dans l’étude citée, les éléments qui appuient ce

sentiment sont nettement mis en avant. D’ailleurs, à la colonie d’Ainay, les malades

ont été sélectionnés, pour ne pas effrayer les villageois. Sont accueillis les malades

dont les symptômes sont les moins visibles. La séparation de territoire, l’idée de ne

pas partager les lieux avec les « bredins »22, la mise à distance lors des fêtes

locales, à l’église, l’idée d’une nourriture de moins bonne qualité pour ces « gens

là ». La peur se fait tout aussi vivement ressentir dans la crainte d’être confondue

avec les « non civils »23. Les termes employés sont également lourds de sens ou

devrait-on dire lourds de représentations. Ces mots et leurs représentations ont pour

fonction ici de parler le même langage, de savoir de quoi ou de qui on parle. Les

individus d’Ainay se retrouvent dans ces termes définissant des malades et savent

ainsi de quel clan ils font partie. Revenons à cette crainte de l’altérité qui pourrait

finalement effacer la barrière entre les civils et les non civils. Cette angoisse ravive la

nécessité de poser des barrières plus solides. Rappelons-nous que le fait que les

malades ne soient plus visuellement démarqués par le port de vêtements spécifiques

entraîne un sentiment d’être dépossédé d’un savoir utile. Nous ressentons

considérablement au travers de tous ces exemples cette idée de mise à distance, et

de considération diminuée pour nos bredins. Finalement, cela amène à réflexion

puisque même des individus amenés depuis des années à côtoyer des malades

présentent encore à leur égard de lourdes représentations dirons-nous négatives.

Depuis la nuit des temps le fou est exclu, qu’il soit enfermé ou au cœur de la société,

il est mis à distance, quelle qu’en soit la manière. Pour quelles raisons ? La

mauvaise information, ou l’angoisse de cette pathologie sinueuse, qui n’est pas

22 Terme utilisé dans le livre pour parler des malades. 23 Egalement employé pour évoquer les malades

34

guérissable et dont le traitement curable n’a pas été trouvé. Tout autant, la peur peut

trouver raison dans les causes mêmes des maladies mentales, on ne peut l’attribuer

à une cause externe à l’homme. Ce n’est pas une bactérie qui viendrait contaminer,

mais elle est propre à chaque personnalité, la cause est interne, en nous, elle fait

partie de nous. Il semble d’autant plus difficile à admettre que nous sommes la raison

d’être malade mental, ou fou dangereux. Et quand bien même nous le savons, nous

réagissons comme si elle était transmissible par simple contact. D’autre part, et nous

l’avons cité, les médias alimentent cette peur. La plupart des films qui portent le sujet

de la folie ressemblent à des films d’horreur. Les images angoissantes, et la violence

sous jacente ne peuvent que surenchérir une crainte et une représentation sociale

déjà très présente. Les meurtres ou crimes de sang vont souvent être soumis à un

diagnostic mental permettant de, et là est le paradoxe, mieux comprendre les

raisons des délits. La représentation sociale est lourde, profonde et garde une forte

connotation négative ou péjorative.

Goffman bien avant Jodelet avait déjà dévoilé le mode de vie des malades et les

représentations sociales qui leurs sont associées après son expérience dans une

institution psychiatrique. L’intérêt ici est de mettre en avant des représentations

sociales avec beaucoup plus de clarté avec le domaine de la psychiatrie qu’elles ne

le sont dans le domaine des soins en général. Nous avons précédemment insisté sur

l’importance du rôle social pour l’individu, et les représentations sociales sont ici un

peu comme une caricature si elles n’étaient pas vraies de ce qu’attend l’individu qui a

perdu pouvoir et place dans la société.

5.2.2 Représentations sociales du soignant en psychiatrie

Si le rôle du soignant en milieu général est de rétablir, améliorer et promouvoir la

santé. Celui du soignant en psychiatrie n’est guère différent, néanmoins le fossé se

creuse là ou le « voir » n’est pas présent, là où les actes n’ont pas une visée curative

mais bien d’amélioration ou tout au moins de stabilisation. La technique est

abandonnée pour des tâches peu visibles, en découle des savoirs-faire basés sur ce

qui n’est pas mesurable. L’observation, la disponibilité, l’écoute, la parole, les ateliers

sont les soins dispensés aux sujets. Un savoir faire basé sur du relationnel, peu

perceptible par le seul sens visuel, où la parole tient une place prépondérante, quelle

soit dans la communication entre le soignant et le soigné ou les échanges entre

soignants. D’où l’amalgame avec l’idée qu’en psychiatrie « on ne fait rien ». Nombres

de discours dévalorisant sur le soignant en psychiatrie, sur l’aboutissement de son

35

travail, et sur le choix même de cette orientation professionnelle. Le passé historique

du soignant en psychiatrie est nul doute la cause des représentations sociales qui

entourent le soignant en psychiatrie.

6. Conclusion

Tout comme nous l’avons aperçu dans le paragraphe précédent, les représentations

sociales du soignant envers le patient et envers lui-même influenceront sa manière

de prendre en charge le malade, et par conséquent la manière dont le sujet adhérera

à son traitement. Etre conscient de ses propres représentations sociales permet de

ne pas induire de relation soignant/ soigné défavorable, nuisible au malade, voir une

relation dominant/dominé, plus présente encore en milieu psychiatrique. Mettre du

soin dans la relation tend d’ailleurs à percevoir le malade sous un angle différent et

entrer en relation en s’éloignant des stéréotypes que le mot maladie lui afflige. Savoir

s’éloigner des représentations sociales dominantes est gage parfois de courage et

de réflexion. Si nous ne prenons pas soin de parfois prendre du recul, analyser avec

un angle de vue différent, nous restons cantonné dans nos représentations sociales

de la maladie, des soignés, de notre rôle. Se rappeler les représentations sociales

explicitées ci-dessus permet de se rappeler que nous sommes guidées par celles-ci

et que nous voyons la réalité à travers elles, et que ce que nous pensons être bon ou

juste ne l’est peut être pas. Les habitudes encore peuvent nous mener à oublier

celles-ci et à ne plus s’interroger. Alors en tant que cadre, c’est sans doute notre rôle

d’interroger, de donner un angle de vue différent à l’équipe. Le cadre dans le

contexte particulier de la psychiatrie devra quant à lui être davantage vigilant sur les

représentations sociales qui peuvent prendre le dessus et influencer le soin. A lui

alors, d’influencer les soignants vers sa vision des soins et d’y teinter son service de

ses représentations sociales. Par deux fois ici, nous évoquons le concept d’influence.

36

2 LE CONCEPT D’INFLUENCE

Progressivement après avoir parcouru le concept des représentations sociales, et les

champs des soins, et de la psychiatrie, nous nous tournons vers le cadre. Mais pour

recentrer vers le sujet traité ici de « l’influence des représentations sociales pour le

cadre », nous ne pouvons poursuivre notre exposé sans faire une halte sur le

concept de l’influence. Ce concept d’influence est vaste et multidimensionnel

(médias, politique, économie, etc). Afin d’éviter de nous disperser, nous cadrerons ce

concept vers ce qui nous permettra de comprendre et d’avancer dans notre exposé.

1. L’influence

Nous avons tous un pouvoir d’influence, ou la possibilité d’être influencé. L’influence

fait partie de toute relation et donc de toute communication. La première définition

d’influencer, ou d’exercer une influence est « une action, généralement continue,

qu’exerce quelque chose sur quelque chose ou quelqu’un »24. Souvent associé à

l’idée de soumission, de contrainte, d’obéissance ou de manipulation, le mot

influence a mauvaise presse. Néanmoins, nous exerçons tous, parfois même sans le

savoir, de l’influence sur les autres. C’est bien souvent dans la famille que s’exercent

les premières découvertes du pouvoir d’influence et nous apprenons

progressivement à l’utiliser avec les dimensions de la volonté, de la conscience, et

dans un but précis. L’influence est donc une forme de pouvoir sur l’autre. Avoir de

l’influence c’est avoir du pouvoir. C’est peut-être d’ailleurs ces dimensions qui

donnent à la notion d’influence d’une connotation négative. Néanmoins, Il convient

de le répéter, nous influençons et nous sommes influencés. Par nos apprentissages,

nos rencontres, nos échanges, notre vie sociale, nous acceptons d’être influencés, et

dans certaines situations, nous en retirons un bénéfice. L’influence peut ainsi se

doter d’un côté positif.

1.1 Influence et pouvoir

1.1.1 Un peu de vocabulaire

L’influence se définit par :

« Sorte d’écoulement matériel que l’ancienne physique supposait provenir du ciel et

des astres et agir sur les hommes et sur les choses » ; « Action qui s’exerce entre

24 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/influence/42976

37

des personnes ou des substances » ; « Autorité, crédit, ascendant, en parlant des

personnes »25.

Pour le pouvoir, on distingue le verbe pouvoir :

« Avoir la faculté de, être en état de ; Avoir la permission, la liberté de,… »,

du pouvoir, nom masculin :

« Faculté par laquelle on peut, ce que l’on peut » ; « S’efforcer de, faire tout ce qu’on

peut » ; « Avoir une personne ou une chose en son pouvoir, avoir la faculté d’en

disposer à son gré » ; « Droit d’agir sur un autre » ; « Autorité, empire » ; « …En

pouvoir, revêtu d’une autorité, d’une vertu » ; « Crédit, ascendant »26

De nouveau, l’exercice de vocabulaire permet de mettre en évidence le registre

entourant ce concept, et mettre en avant les mots clés ou parfois ambivalents, voir

mal utilisés. Nous venons de le (re)découvrir, l’Influence et le pouvoir sont

difficilement distinguables et peu séparables dans leur utilisation courante. Dans le

paragraphe suivant, nous les expliciterons.

1.1.2 Influence et pouvoir

Les termes « autorité, crédit, ascendant » sont utilisés dans la définition du mot

influence, ainsi que dans celle du pouvoir. Une autre définition attribuée au terme

influence, « pouvoir social et politique de quelqu’un, d’un groupe, qui leur permet

d’agir sur le cours des évènements, des décisions prises, etc » 27, cite le mot pouvoir.

Ajouté à cela, le pouvoir est la « capacité qu’a quelque chose de produire un effet »,

« l’ascendant de quelqu’un ou de quelque chose sur quelqu’un » nous retrouvons ici

une définition du pouvoir identique à celle de l’influence, mais aussi « autorité,

puissance de droit ou de fait sur quelqu’un »28. L’influence donne du pouvoir sur

l’autre et le pouvoir permet l’influence sur l’autre. L’autorité apparait dans la définition

du pouvoir, ainsi que dans celle de l’influence. L’influence, le pouvoir, et l’autorité

sont souvent mal utilisés et confondus. Pourtant il convient de les différencier pour

éviter l’amalgame habituel. L’autorité est le « pouvoir de décider ou de commander,

d’imposer ses volontés à quelqu’un »29. Ce pouvoir est basé sur « LA relation de

domination »30, il s’agit de commander. Autrement dit, une personne qui a du pouvoir

de par son statut dispose d’une certaine forme d’influence, qui est celle de

25 https://www.littre.org/definition/influence 26 https://www.littre.org/definition/pouvoir.2 27 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/influence/42976?q=influence#42882 28 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/pouvoir/63206 29 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/autorit%c3%a9/6838?q=autorit%c3%a9#6806 30 Cours de « sociologie de la santé » , Mr Vantomme, p19

38

l’obéissance, que nous jugerons d’influence sommaire, puisque une autre forme

d’influence par le pouvoir est bien plus profonde En effet, il ne s’agit pas juste d’avoir

de l’autorité pour être influent. En effet, l’influence n’est pas juste du ressort du cadre

ou d’une hiérarchie mais que tout un chacun pouvons être influent, avec ou sans

autorité. Nous pouvons donc affirmer qu’en fonction du type de pouvoir détenu, cela

entraîne une forme plus ou moins intense d’influence sur l’autre. Puisqu’ influencer

fait partie de la communication, et que le rôle essentiel du cadre est de

communiquer, nous pouvons assurer qu’influencer est une fonction fondamentale

pour le cadre, et que jouir des compétences nécessaires pour avoir un pouvoir

d’influence est primordial. Nous évoquons ici la notion de leadership, nous y

reviendrons également plus bas. Autorité, pouvoir et influence, les limites entre ces

trois termes sont minces dans le langage courant, nous y reviendrons dans le

chapitre suivant. Il existe différentes formes de pouvoir et différentes manières

d’influencer, donnant à chacun et au cadre, n’oublions pas la visée pédagogique de

ce travail, la capacité d’influencer profondément, entendons par là, d’influencer les

représentations sociales ou d’influencer dans le sens, modifier un comportement par

l’obéissance de l’autre. Dans cette fin de phrase, il s’agirait plus de produire un

effet, que d’être réellement influençant. Tout dépend des objectifs poursuivis par la

personne influente, de la personnalité de celle-ci, ainsi que de l’interlocuteur, de sa

personnalité et de sa volonté de se laisser influencer ou non. Une personne qui a du

pouvoir est influente et avoir de l’influence donne du pouvoir

1.1.3 Les formes de pouvoir

Il y a différentes formes de pouvoir et différentes manières d’influencer en fonction du

type de pouvoir. Le pouvoir légitime, que l’on doit à l’autorité ou au statut, permettant

d’imposer des règles à un sujet ou à un groupe. La personne se sent obligée d’obéir

car l’influençant possède un droit, un statut plus élevé dans la hiérarchie. Un

employé obéirait à son supérieur parce qu’il a la fonction de chef, sans pour autant

adhérer à sa vision. Si nous voulons faire du lien, nous pourrions dire que nous

sommes ici dans une forme de pouvoir qui serait de l’ordre de l’autorité plus que du

pouvoir. Le pouvoir de la récompense permet de remercier le service rendu par une

gratification matérielle, financière ou morale. L’influence par la récompense est une

méthode souvent employée et qui permet d’obtenir de l’autre un certain

comportement. Imaginons-nous un directeur qui, pour arriver à ses buts, promet une

récompense financière. Ensuite, le pouvoir coercitif oblige l’individu ou le groupe à

39

adopter un comportement sous peine de sanction, punition. La contrainte peut

permettre à l’influençant d’arriver à ses fins. « La fin justifie les moyens »31 En effet,

dans cette catégorie, nous imaginons l’idée de pression, de coercition, de peur, sur

l’autre afin d’obtenir de lui ce qu’on attend. Le pouvoir lié à la compétence, que nous

pouvons relier à l’influence par l’expertise. Dans cette forme de pouvoir, les

connaissances de l’individu entraînent l’autre à suivre le sens donné grâce au crédit

obtenu par sa compétence. Nous pensons que notre interlocuteur a le plus

d’expertise, de compétence dans un domaine précis et nous nous laissons influencer

par ce dernier. Prenons l’exemple de l’infirmier qui se laissera influencer par le

discours du médecin et mettra peut-être de côté ses croyances sur le malade. Enfin,

le pouvoir charismatique donne au sujet des traits de personnalité, qui vont séduire,

un talent dans sa façon de convaincre, et des qualités personnelles de persuasion,

d’orateur, de communication, de meneur qui font du sujet un leader. L’influence peut

avoir lieu par l’information donnée et par la manière de donner l’information. Nous

entrons ici dans l’art du convaincre. La pertinence, la manière de donner

l’information, la logique, le charisme permet au sujet de se laisser influencer par

l’autre. En ce qui nous concerne, c’est ce que nous rapprocherons du leadership.

Cette dernière forme d’influence nous semble la plus intéressante car nous sommes

passés d’un changement de comportement à un changement de façon de penser .

En effet, le soignant ne répondra pas aux attentes de son supérieur, par la seule

crainte d’une réprimande, par le statut que le chef porte, ou parce que nous estimons

que le chef est plus compétent mais parce que l’influent a su persuader, convaincre

que sa manière de penser est la bonne. Si ce pouvoir est selon nous, la meilleure

façon de faire évoluer une équipe, il dépend fortement du type de personnalité du

cadre qui saura ou non exercer cette forme de pouvoir.

1.2 Le leadership

Ce mot anglosaxon est devenu, au fur et à mesure des années, de plus en plus

courant. Les entreprises cherchent des leaders, et veulent former les managers au

leadership. Mais que signifie t-il et pourquoi tant de mouvement autour de ce

concept ? Qu’est ce qui motive à développer et accroître le leadership au sein des

institutions ?

31 Machiavel

40

1.2.1 Leader ou manager32 ?

Nous avons précédemment suggéré la notion de leadership en discutant du

processus d’influence, mais avant de poursuivre, arrêtons nous un instant sur la

différence entre manager et leader. La différence entre le leadership et le

management provient de la différence de personnalité des deux protagonistes. Etre

manager est lié à un statut, c’est la hiérarchie qui le désigne comme manager. Il

sera centré sur la tâche, les objectifs à atteindre en fonction des moyens qui lui sont

attribués. Le manager utilisera un pouvoir lié à son statut ou un pouvoir coercitif, ses

capacités relationnelles et de communication n’étant pas essentielles chez lui. En

tant que bon organisateur, planificateur, et gestionnaire, il s’intéresse à l’efficacité et

à la performance de son équipe. Le manager veille à la stabilité de son équipe. Nous

avons défini ici le management. Ainsi pour faire un rappel sur ce que nous avons

décrit précédemment, nous pourrions poser l’affirmation que le management se

place davantage du coté de l’autorité que du pouvoir. Le leader, quant à lui,

représente un moteur, donne envie au groupe de le suivre par la confiance qu’il

inspire, et ses capacités relationnelles. Il est centré sur l’humain, tout en se fixant des

objectifs, des buts à atteindre, et en se donnant les moyens d’y arriver. L’influence et

la motivation sont essentielles dans son fonctionnement. Le leader possède un

pouvoir d’influence incontestable. Autant le manager se focalise sur l’équilibre du

groupe, autant de leader cherche le changement, et la créativité. Le leader est la

personne qui a la capacité à mobiliser, à fédérer, à influencer les membres d’un

groupe autour d’une action commune. Cette manière de diriger le groupe est le

leadership. Le groupe reconnait alors la personne comme leader et le suit dans ses

prises de décision. Plus qu’un chef reconnu pour son autorité, le leader entraîne le

groupe vers des buts vers lesquels il veut aller. En effet, le leader est reconnu pour

sa personne, pour sa personnalité et non par son statut. L’interlocuteur adopte une

autre vision de l’objet, modifie sa perception, sa pensée. Nous évoquons ici une

qualité, une compétence, un pouvoir d’influence d’une personne sur une autre .De

plus, le leader se distingue du manager par l’action de mener le groupe. La stratégie

du leadership permet à l’entreprise de faire du profit, d’augmenter son rendement, de

développer son image de marque, etc. Remarquons cependant que le manager est

manager par le statut qu’il porte, néanmoins le leader peut tout autant ne pas avoir

d’autorité et être un membre de l’équipe. Le manager doit alors veiller à ce que le

leader ne soit pas nuisible au fonctionnement de l’équipe. 32 Manager ou cadre

41

Pour résumer, nous pourrions dire qu’alors que le manager organisera, et décidera,

le leader entrainera le groupe, le motivera, l’influencera vers une vision claire et

partagée.

1.2.2 Les styles de leadership

De nombreux auteurs se sont intéressés à définir, classifier, démontrer des styles de

leadership qui varient selon les temps et les courants de pensée. Par exemple, Blake

et Mouton ont suggéré des styles de management orientés vers deux axes : la tâche

et l’humain. Le but étant de démontrer un lien entre la relation du leader avec les

collaborateurs et la performance de ces derniers. Le style autocrate (directif) est

centré sur la tâche et non sur l’humain, ce qui nous permet de faire le lien avec le

paragraphe précédant pour mentionner que nous aurions dans ce cas un manager

plutôt qu’un leader. Le style participatif ( social) est centré sur l’humain et non sur la

tâche, le style laisser faire, centré ni sur la tâche ni sur l’humain, et le style

intégrateur ( démocratique) , centré sur la tâche et l’humain. Au milieu de cela, nous

retrouvons le style compromis, est au centre de la tâche et de l’humain. Cette grille

est souvent utilisée afin de pouvoir déterminer où se situe le leader et pouvoir

analyser ses ressources et ses faiblesses. Néanmoins, d’autres chercheurs ont voulu

mettre en avant que le style de leadership ne devait être figé mais devait évoluer en

fonction de la situation : approche situationnelle de Fiedler. Ce dernier s’intéresse

aux variables de la situation, déterminées par l’ambiance du groupe, les tâches, et la

position de force du leader. Cette approche a permis de mettre en lumière le fait que

le leader doit faire face à des situations variables et ne peut utiliser qu’un seul style

de leadership. Pour Hersey et Blanchard il faut tenir compte de la maturité du

collaborateur, c’est l’approche évolutive. Ils imaginent que le leader sera plus présent

en fonction de l’autonomie ou de la maturité du collaborateur. Ainsi ils distinguent, le

style directif, persuasif, participatif ou déléguatif. Ils affirment qu’un « un leader est

efficace s’il adopte le style leadership le plus adapté à la situation et s’il développe

l’autonomie de ses collaborateurs ».33 Le leadership transformationnel a suscité

beaucoup d’intérêt. Basé sur la motivation, la création, le leadership

transformationnel transforme l’équipe profondément, en aidant les collaborateurs à

dépasser leurs intérêts personnels au profit des intérêts de l’équipe, et de l’institution.

La vision collective du travail est mise au centre des objectifs. Cependant, il nous

semble que ce leadership demande du temps puisqu’il faut alors bousculer les 33

42

représentations individuelles et sociales des collaborateurs, et de plus, que ces

dernières ne soit pas des puissantes résistantes aux changements. Cependant

même si ce style de leadership est très attrayant, il nous semble évident qu’à chaque

situation nécessite un style particulier, et que c’est au leader de savoir comment se

situer, face à qui et dans quelle situation. Par exemple, face à une situation de

pression où l’urgence de la situation demande d’agir rapidement, où nous n’avons de

choix que de réagir expressément, le style directif permettra sans doute d’arriver aux

résultats attendus. Néanmoins, face à un leader qui imagine un changement de

fonctionnement du service, qui n’est pas demandé mais qui pourrait apporter de

meilleurs résultats, le leadership transformationnel peut s’avérer utile, et le leader

devra employer ses compétences et son art de convaincre.

1.2.3 Les caractéristiques du leader

Le leader reconnu présente des caractéristiques lui permettant de rassembler le

groupe ou l’équipe. Le leader sait communiquer, il a une capacité relationnelle

remarquable, et un don dans l’argumentation. Avec une communication authentique

avec ses coéquipiers, le leader inspire confiance et respect mutuel. Le leader sait

influencer positivement et motiver le groupe. En soutenant et en encourageant

l’équipe, il prend des décisions, et donne une vision claire des buts à atteindre. Sa

vision est portée vers l’avenir, il anticipe les changements, et rassemble autour de

lui. Le leader, conscient de son style de leadership, l’utilise à bon escient et à une

capacité d’autoanalyse. Il va savoir mettre en lumière les compétences de chacun

des membres du groupe et les utiliser de manière positive et adéquate. Bien

entendu, et pour être critique, cette liste semble faire le catalogue du leader parfait,

mais il s’agit juste de décrire des qualités nécessaires pour être leader d’une équipe,

qualités qui ne seront pas utilisées toutes en même temps, la perfection n’existant

pas. Cette théorie des traits de caractère favorise la possibilité d’être un leader mais

ne le garantit pas. Pour résumer en une phrase, nous pourrions dire que le leader

met en action l’équipe grâce à sa personnalité. Le leader entraîne les collaborateurs

vers sa vision des choses sans la contrainte, sans le sentiment d’obéissance ou de

soumission. Si nous voulions déjà anticiper le chapitre suivant, nous pourrions

émettre l’hypothèse que le leader va s’appuyer sur ses représentations sociales, les

représentations sociales de chacun des coéquipiers et d’une représentation sociale

commune pour arriver à influencer et à fédérer son groupe.

43

1.3 La manipulation

La manipulation a une connotation très négative. Selon le dictionnaire Larousse, la

manipulation renvoi à « action d’orienter la conduite de quelqu’un, d’un groupe dans

le sens qu’on désire et sans qu’ils s’en rendent compte »34. Influence et manipulation

sont comparables mais une distinction est à faire. Le Petit Robert explicite par

« influencer habilement (un groupe ou un individu) pour le faire penser et agir comme

on le souhaite ». L’idée est donc d’utiliser des comportements ou des propos pour

avoir une influence sur l’autre, le convaincre, le faire penser ou agir comme nous le

souhaitons, et surtout faire croire que l’autre l’a décidé seul. C’est une forme

d’influence, et nous nous rapprochons de façon évidente du concept de leadership

que nous avons détaillé plus haut. En effet, management, leadership et manipulation

se rejoignent sur le but. En étant dirigeant, manager nous manipulons l’autre pour lui

faire faire ce que nous souhaitons. En étant leader, nous manipulons l’autre pour

aller vers la vision que nous avons et nous utilisons nos compétences pour y

parvenir. Il s’agit d’une manipulation simple, parfois appelée « manipulation

positive ». Et puisque nous avons écrit que dans toute communication, il y avait un

phénomène d’influence, nous pourrions dire également qu’il y a manipulation.

Néanmoins, ce qui peut différer dans l’idée de manipulation et lui donner le sens

négatif qu’on lui attribue, c’est le sentiment d’exploitation qui s’y dégage, le fait de

piéger l’individu, pouvant aller jusqu’à de la violence psychologique et morale. Elle

relève de la pathologie lorsque cela devient répétitif et destructeur. Alors que le

leadership se définit avec les notions de relation de confiance et de respect,

d’authenticité, la manipulation, elle, touche au domaine de la relation

dominant/dominé avec un rapport de coercition. Ce qui la différencie du pouvoir

coercitif développé plus haut, c’est que l’individu n’est d’abord pas conscient d’être

manipulé. Dans une relation d’obéissance, l’individu n’est pas manipulé car il répond

volontairement à un ordre, il n’y a pas le côté sournois que l’on attribue à la

manipulation. Plutôt que de rechercher des buts et bénéfices communs ou ceux

nécessaires à l’organisation comme le fait le leader, le manipulateur ne cherche qu’à

assouvir son propre intérêt, ce qui le différencie également du leader. Même si la

cause défendue par le manipulateur peut-être louable, la manière d’y parvenir est

dangereuse puisqu’elle prive l’autre de liberté. Mais pour le manipulateur au sens

malsain, l’éthique n’existe pas, le seul intérêt est de répondre à ses seuls désirs. 34 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/manipulation/49185

44

Machiavel, représente un exemple de manipulateur, dénué de tout sens moral,

ambitieux, où la ruse lui permet d’atteindre ses objectifs sans prendre conscience

des dégâts collatéraux qu’il engendre.

Toute communication peut amener un risque d’influence. L’influence, par le fait

qu’elle agit sur l’autre, est un pouvoir. Différentes méthodes d’influence peuvent

exister en fonction du statut de l’influençant, des outils utilisés : la peur, la

récompense, le savoir, ou l’art de la persuasion. Le leader, quant à lui, dispose d’une

personnalité et de capacités qui lui confèrent un pouvoir d’influence non négligeable.

Ainsi, le leader est un moteur pour le groupe qu’il amène vers sa vision de la

situation telle qu’il aimerait qu’elle soit. Sa conviction, son charisme, ses

compétences relationnelles en font un véritable influençant. A contrario du « vrai »

manipulateur, qui influencera l’autre sans qu’il s’en aperçoive et en utilisant un

modèle relationnel qui n’est ni sain, ni authentique. Nous avons vu ici un modèle

d’influence entre une personne et un groupe, tournons nous maintenant vers

l’influence sociale.

2. L’influence sociale

Pour faire du lien avec le chapitre I, nous nous intéresserons à l’influence de la

société sur le sujet, autrement dit à l’influence des représentations sociales. Nous

l’avons évoqué, nous sommes influencés en permanence. Vivre en société signifie

confronter nos représentations individuelles et sociales à celles des autres tout en

trouvant l’équilibre nécessaire à une possible vie en société. Ne pas être exclu de la

société pour ne pas être catégorisé de marginal au mieux, de fou au pire, nous

devons donc trouver l’ajustement nécessaire à la pression de la société et tenter de

conserver sa personnalité et ses représentations sociales. L’influence sociale

désigne la pression que subissent les individus de la part des groupes et de la

société auxquels ils appartiennent. Serge Moscovisci s’inspire de l’idée de pôle

dominant et de pôle minoritaire autour d’un objet pour observer le pôle qui fait

pression sur l’autre, Moscovisci donne alors sens à l’influence sociale. En imposant

des normes, l’influence sociale modifie les comportements des individus, façonne les

pensées, et établit des croyances de manière dynamique, constante, et souvent

inconsciemment. L’objectif étant de produire une similarité dans les attitudes des

personnes. L’individu est donc écartelé entre la volonté d’être accepté dans le

groupe, ou la société, et son désir de maintenir son individualité. Les

45

comportements engendrés par l’influence sociale sont décrits comme le

conformisme, la normalisation, et l’innovation.

2.1 Le conformisme

Pour ne pas se sentir exclu du groupe, le sujet suit les représentations sociales du

groupe, les règles et les normes de celui-ci, jusqu’à mettre ses propres

représentations de côté, comme une aliénation. C’est une forme d’obéissance au

groupe. Nous pouvons aussi rapprocher le conformisme à la désirabilité sociale,

cette pression sociale fait que le sujet va se conformer. Le conformisme est « un

changement de comportement ou de croyance résultant de la pression réelle ou

imaginée d’une majorité à l’endroit d’un individu ou d’une minorité d’individu »35

pouvant s’opérer de manière consciente ou inconsciente. Différentes sortes de

conformisme sont mises en évidence : le conformisme de complaisance, par

identification ou d’intériorisation. Dans le conformisme de complaisance ce qui

motive l’individu ou la minorité est la peur du rejet, mais aussi le manque de

confiance en soi, et pour ce faire le sujet taira toute démarcation avec le reste du

groupe, entraînant par la même une pauvreté du groupe par l’absence d’idée

créative et innovante, mais aussi par l’absence de conflit. Souvenons –nous que

dans le conformisme, il n’y a pas de rapport hiérarchique. Le conformisme par

identification est fortement retrouvé chez les adolescents par l’appartenance au

groupe. Ils adoptent le même code vestimentaire, de langage, etc. Pour ce qui est de

l’intériorisation, les représentations individuelles correspondent aux représentations

du groupe. Dans ce cas, il est alors évident de suivre le groupe, de rester cohérent

avec le groupe.

En tant que cadre, il nous semble intéressant de savoir si les représentations de

l’individu ne changent pas mais qu’il les tait ou si celles-ci ont vraiment été modifiées

par la pression sociale. Ce comportement est intéressant à savoir pour observer

l’arrivée d’une nouvelle personne dans l’équipe. Intéressante pour le cadre qui

n’aime pas voir son pouvoir mis en doute, le conformisme peut cependant appauvrir

considérablement l’équipe par l’absence de nouvelles idées, ou d’esprits critiques.

Dans les régimes totalitaristes, le conformisme était source de satisfaction pour les

dirigeants.

35 L Bedad, J Dézel, l Lamarche, introduction à la psychologie sociale. Vivre penser, agir avec les autres, 2006, p180

46

En remarque, nous pouvons établir la distinction entre conformisme et obéissance.

Le conformisme est une influence sociale sous la pression d’un groupe, l’individu se

rangeant à l’avis de la majorité, alors que dans l’obéissance, l’individu modifie son

comportement pour obéir à un ordre, à une autorité légitime.

2.2 La normalisation

Pour pouvoir vivre ensemble, les hommes ont dû s’accorder sur des règles, des

codes, des normes pour favoriser les échanges, communiquer, et se comprendre.

Elle permet également de définir un langage commun et des bonnes pratiques. Ceci

a été largement détaillé dans le chapitre traitant des représentations sociales. Mais

qu’est ce qu’une norme ? et qu’est une normalisation ?

2.2.1 La norme

Nous l’avons cité à plusieurs reprises sans l’avoir développé jusqu’à présent. Une

norme est une « règle, principe, critère auquel se réfère tout jugement ; ensemble de

règles de conduites qui s’imposent à tout groupe social »36. En ce sens, la norme est

définie avec des termes identiques que celle des représentations sociales. Une

norme peut aussi désigner ce qui est le plus courant, habituel, régulier, dans la

majorité des cas,…ce qu’on peut juger comme « normal ». C’est le principe de

régulation, pour maintenir une certaine stabilité sociale, pour ne pas dire ordre social.

Là encore nous rejoignons la fonction des représentations sociales qui est fondée

sur le principe du vivre ensemble, du langage commun. Puisque nous nous

intéressons au domaine de la sociologie, nous évoquerons les normes pour parler

des normes sociales « règles, prescriptions, principes de conduites, de pensées,

imposées par la société, la morale qui constituent l’idéal sur lequel on doit régler son

existence sous peine de sanctions plus ou moins diffuses »37. Accepter la norme

c’est accepter la représentation sociale. Les normes sont des règles implicites,

transmises par la socialisation, s’appuyant sur des valeurs, construites socialement,

qui nous permettent de distinguer le bien du mal, ce qui « normal » et ce qui est

déviant de la norme partagée, et qui n’ont pas de réel critère de vérité. Les normes et

leurs valeurs sont des composantes des représentations sociales. Elles portent sur

les comportements, normes de comportement ou sur les pensées, opinions,

croyances, normes de jugement. C’est un fait, il existe des normes nous permettant

36 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/norme/55009 37 http://www.cnrtl.fr/definition/norme

47

de savoir ce qu’il est bon de faire, juste de penser, au risque même d’être

sanctionner. Ces normes, qui traduisent les valeurs, entrainent des règles à suivre.

C’est ainsi qu’à l’intérieur de son équipe, le cadre insuffle des normes à respecter qui

traduisent ses représentations sociales. Il existe des normes formelles que sont les

lois, le règlement, mais aussi des normes informelles, constituant les habitudes, les

mœurs, les coutumes, etc. Nous pouvons assurer que la société influence, voir

contraint l’individu à suivre ses normes. Si nous rétrécissons le champ, la société

devient un groupe, à l’intérieur duquel des normes doivent être respectées pour

permettre la cohésion du groupe. Le respect de ces normes, composantes de nos

représentations sociales, permet l’appartenance identitaire à ce groupe. Cette

appartenance à ce groupe et l’influence qu’il génère entre les membres du groupe

permet le conformisme, vu dans le paragraphe précédent mais aussi la

normalisation.

2.2.2La normalisation

La normalisation est un processus de formation de normes collectives. Lors d’une

situation d’incertitude, de flou, ou ambigüe par manque de repères, de règles, les

membres d’un groupe ayant tous le même statut, vont trouver « une norme de

jugement collective par un effet de convergence interindividuelle »38. Les sujets

s’influencent mutuellement et trouvent un compromis, une règle qui deviendra la

norme, qui est prescrite, permettant ainsi d’éviter les conflits par trop de

dispersement des opinions. Ce processus de normalisation a une fonction de

régulation mais aussi de constitution39, du groupe. Les individus du groupe ont

pourtant des opinions, des représentations individuelles et des idéologies différentes,

mais qu’une fois en groupe, un sentiment d’appartenance apparait et le besoin d’un

cadre de référence, d’une norme pour fonctionner ensemble. La première année de

cours de cadre, les étudiants ne se connaissent pas, puis à la pause, un premier

propose un café aux autres, à ce moment là on se dit la prochaine fois c’est moi qui

vais proposer un café et avec le temps, chacun son tour un étudiant offre le café aux

autres, cela devient une norme du groupe. Dans ce cas d’influence sociale qui est la

normalisation, les sujets, aux jugements différents et dans une situation où il n’y a

pas de normes préétablies, vont adopter une tendance centrale, vont se ranger vers

la moyenne afin d’uniformiser le groupe.

38 http://cours-psycho.com/2008/03/influence-sociale-la-normalisation/ 39http://www.pur-editions.fr/couvertures/1428416714_doc.pdf

48

Nous constatons que normalisation ou conformisme sont sans aucun doute

confortable pour le cadre puisqu’ils entraînent un état d’équilibre, de stabilité dans

l’équipe voir même d’annihilation de tous conflits. Cependant, et pour être critique,

ces phénomènes de pression sociale ne permettent pas à l’équipe d’aller plus loin,

de s’améliorer avec un regard différent, de changer, de permettre de la créativité,

source de richesse. De plus, dans ces deux cas, la pression s’exerce par la majorité

sur la minorité. L’individu s’efforce de mettre ses représentations individuelles de

coté pour s’appuyer sur les représentations collectives. Nous restons du coté du

déterminisme. D’un côté, cet individu apaise les sources de crainte liées à l’exclusion

du groupe, et le manque de confiance en soi, cependant il peut parfois ressentir un

décalage entre les représentations collectives, les normes du groupe et celles qui lui

sont personnelles. Un individu qui aura foi en ses propres convictions et

suffisamment de confiance en lui pourra exprimer ses opinions, nous arrivons alors

vers l’innovation, et l’actionnalisme.

2.3 L’innovation

A l’inverse des comportements développés ci-dessus où la majorité influence la

minorité dans le phénomène de l’innovation, ce sont les comportements de la

minorité, ceux jugés comme déviants qui vont influencer ceux de la majorité. Comme

elle est influence, l’innovation est un processus dynamique. Ne craignant pas le rejet,

ni l’exclusion, un individu ou un groupe minoritaire va exprimer ses idées, un

jugement qui diffère de celui de la majorité. Refusant d’être contraint à se conformer,

il va créer un conflit. L’individu ou le groupe minoritaire va malgré tout maintenir sa

position, maintenir un discours ferme et consistant, rester déterminé, obligeant la

majorité à prendre en considération ce nouveau point de vue. Le discours confiant et

consistant de l’individu ou du groupe, avec la persistance, donne de la crédibilité aux

idées avancées. Les arguments viennent mettre en doute les normes par la force de

la conviction, parce que certains membres de la majorité ont pu penser la même

chose sans oser s’exprimer, ou par admiration pour ceux qui osent s’affirmer bravant

ainsi le discours de la majorité. Néanmoins, le « non conformisme » peut attirer

également le rejet de ceux qui voient leurs bénéfices en perdition. Petit à petit, de

manière consciente parfois, et inconsciente d’autres fois, l’individu va se laisser

séduire par le discours ou la personne qui ose l’innovation, et baisser la résistance

face aux idées neuves. Les individus qui finissent par changer de point de vue, ne

répondent plus à des critères de conformisme et le changement entre alors dans

49

quelque chose de plus profond. On vient bousculer ici les représentations sociales.

On adhère, non pas pour ne pas être exclu mais parce que l’individu ou le groupe

minoritaire à réussi à convaincre. Nous parlons alors de minorité influente. Intervient

alors le processus de négociation ou majorité et minorité devront s’entendre sur un

compromis et l’établissement de nouvelles normes. Avec le temps, l’élément

innovant va « perdre de sa vigueur et de son enthousiasme pour devenir un élément

routinier »40. Ce concept d’innovation permet l’évolution, le changement, les

avancées. Difficile tâche pour le leader, accepté et reconnu de tous, d’adhérer aux

normes établies, permettant le fonctionnement de l’organisation, et de faire évoluer le

groupe, instaurant un conflit, une volonté de remise en question des normes

existantes, tout en maintenant avec son équipe un climat relationnel stable dans un

climat social instable. Or, le changement est nécessaire, essentiel pour être

performant et en adéquation avec les évolutions de la société. Le cadre ne peut pas

ignorer l’intérêt des changements comme étant nécessaire dans le fonctionnement

de l’équipe et de l’institution. Quand il ne s’agit pas de pression externe, c’est sous

l’influence sociale minoritaire que les transformations des normes, des règles, des

représentations sociales ont pu voir le jour.

3. Conclusion

Dans toute relation, interpersonnelle ou de groupe, l’influence tient place. Dans

l’influence sociale, nous avons constaté que le groupe est formé d’une majorité

souvent influente, et d’une minorité parfois influente. Les sujets ont le même statut et

l’influence ne se fait pas par pression d’autorité ou de coercition, mais bien par

l’influence sociale au sein du groupe. C’est l’individu qui, par sa personnalité et sous

l’influence du groupe, sera amené à rejoindre la majorité ou la norme, ou au

contraire, cherchera à bousculer les normes établies. En fonction du type d’influence

sociale, l’équilibre du groupe est maintenu, ou alors cet équilibre est mis en danger

par l’arrivée d’un conflit, et la nécessité de se repositionner et de convenir de

nouvelles normes. Le groupe aura alors changé. Dans tout groupe, des conflits de

pouvoir apparaissent, certains cherchant à obtenir une position de force, une position

influente, pouvant mener aux conflits et à l’agressivité. C’est ainsi que des chefs, des

40 https://books.google.fr/books?id=DKXYAgAAQBAJ&pg=PA78&lpg=PA78&dq=int%C3%A9r%C3%AAt+de+l%27innovation+influence+sociale&source=bl&ots=Fa9gbKJ6BX&sig=QKVFTgmDxvQ4VVhtx4lMfDdV-wo&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjFrdaF957UAhUKAcAKHZEKA3o4ChDoAQgoMAE#v=onepage&q=int%C3%A9r%C3%AAt%20de%20l%27innovation%20influence%20sociale&f=false

50

personnes sont nommées faisant figure de hiérarchie et disposant d’autorité.

Souvent confondue avec l’autorité, l’influence est une forme de pouvoir, consciente

ou inconsciente. Elle amène l’interlocuteur a modifié son comportement ou son

jugement sous l’influence de l’autre. L’influence n’est pas en lien automatique avec

l’autorité, et nous posons le constat que l’autorité amène de l’obéissance et non une

réelle influence. Alors que le pouvoir quant à lui est bien plus influent. Le Leader se

démarque du manager par sa force d’influence, de persuasion, par sa vision

stratégique de l’organisation. Ce leader est influent, parfois manipulateur positif, il ne

pourra cependant être nommé de manipulateur, tant sa relation avec les membres

de l’équipe est saine, authentique et basée sur le respect. Son but sera d’amener les

membres de son groupe à réfléchir autrement, à repenser ses représentations

sociales, ce qui exige un changement profond. Or, nous avons vu à quel point nos

représentations sociales sont ancrées profondément en nous et comment il est

difficile de les modifier. En ce sens le leader détient un pouvoir conséquent. Et si le

leader est le cadre, ajouté à son autorité, il aura un pouvoir d’influence. C’est de

cette manière que nous arrivons à notre dernier chapitre sur les représentations

sociales et le cadre.

51

3 LES REPRESENTATIONS SOCIALES ET LE CADRE

Nous sommes ici au cœur de notre réflexion. Après avoir détaillé les représentations

sociales, leurs élaborations, leurs constitutions, leurs fonctions, après nous être

intéressés au domaine de la santé et au concept de l’influence, nous pouvons y

mettre les liens nécessaires entre le cadre en soins de santé, ou le leader, les

représentations sociales et l’influence.

1. Nos représentations individuelles et sociales

Nous avons de cesse de le répéter, chaque sujet est guidé par ses représentations

sociales puisqu’il est un individu social, contraint à la société qui lui impose des

règles, mais aussi guidé par ses propres représentations sociales, et donc plus ou

moins libre d’accepter, de se soumettre, ou de chercher à être influent, d’imposer ses

propres représentations. Chose difficile que de s‘extraire d’une pensée partagée et

de vouloir semer des idées nouvelles. Le risque n’est pas négligeable de se sentir

isolé, et pourtant, que fait le cadre, si leader il est ?

Nous nous immisçons ici vers le domaine qui nous concerne en tant que cadre, son

rôle, sa place dans l’équipe, et toutes les représentations qui entourent le cadre et

son équipe. Devenir cadre est un choix qui impose réflexion. Etre le chef n’est pas

anodin. Y réfléchir et être conscient de son désir d’assumer une responsabilité,

d’influencer, de motiver, d’être perçu par les autres comme étant le chef doit être

source de réflexion. Ainsi se questionner sur soi est essentiel. Pourquoi, quelles

expériences nous ont donné l’envie d’arriver ici ? Comment percevons-nous les

responsabilités qui me sont attribuées ? Quelle est notre vision du pouvoir ? Quelles

sont les valeurs sur lesquelles nous ne transigerons pas ? Quelle est notre vision de

la place du chef ? Jusqu’où nos représentations sociales guident nos actions ?

Sommes-nous en décalage avec le rôle qui nous est demandé ? Et si nous ne

partagions aucune de nos représentations avec le reste de l’équipe ? Quelles sont

nos exigences ? Quel est notre style de leadership ? Et pourquoi ? Quelles sont nos

faiblesses, nos forces ? Qu’est ce que nous avons envie de changer, d’apporter ?

Voici de nombreuses questions dont la réponse sera guidée par nos représentations

individuelles et sociales.

52

Nous avançons dans notre cheminement en nous arrêtant sur l’équipe et les

représentations qui l’entourent.

2. Les représentations sociales et l’équipe

Une équipe est composée d’individus qui collaborent ensemble à des objectifs de

travail communs. Ils s’associent dans l’action, la pensée et les affects, c’est-à-dire à

la mise en place d’actions communes, aux partages d’opinions, de modèles de

pensées, de croyances, et dans le lien social qui se tisse dans une équipe. Ainsi ils

communiquent et coordonnent leurs actions. Si la communication au sein de l’équipe

est un élément central dans le fonctionnement et la dynamique du groupe, nous

savons aussi qu’elle engendre des phénomènes d’influence. Nous l’avons vu plus

haut, chaque individu possède des représentations individuelles et sociales qui sont

propres à chacun, en fonction de leur éducation, leur expérience, leur vécu. Ces

différences sont richesse et complexité. Les longues expériences des uns, les

novices qui ne connaissent que la théorie, les cultures différentes, les personnalités

contrastées, les meneurs, les suiveurs, se côtoient,… se mêlent et s’entrechoquent.

En groupe, les représentations individuelles et sociales sont confrontées, contestées,

rapprochées, et modelées au fur et à mesure des interactions. C’est aussi au travers

de leurs interactions, de leurs expériences de travail, des situations vécues que les

individus vont faire émerger des représentations partagées permettant l’interprétation

et la compréhension de la réalité vécue. De plus, il est nécessaire que les

collaborateurs perçoivent un sens commun au fonctionnement, parlent un langage

commun, et aient des représentations qui soient partagées, afin de travailler

ensemble. Les représentations sociales concourent au fonctionnement du groupe, de

par leurs fonctions, d’orientation des pratiques pour donner du sens à nos actions,

fonction cognitive pour assimiler des connaissances, identitaire pour marquer son

appartenance à un groupe et justificatrice pour justifier nos conduites. La nécessité

de représentations sociales partagées au sein du groupe semble donc être une utilité

évidente pour engendrer cohésion et performance. Dès lors, eu égard du discours ci-

dessus, les représentations sociales permettent au groupe de se maintenir, se

coordonner et suivre les normes établies. Toutefois, pour ce qui est des

représentations sociales, rappelons-nous qu’elles sont plus difficilement façonnables

et adaptables de part leur noyau dur et leur ancrage, contrairement aux

représentations individuelles plus aisément transformables. Le cadre ne doit pas

oublier qu’une équipe n’est pas constituée d’individus formant un tout, mais que ces

53

individus forment des sous-groupes dans l’équipe partageant des représentations

sociales différentes d’un autre sous-groupe au sein même de l’équipe. Des

représentations qui ne seraient pas partagées par l’équipe peuvent amener conflits

et baisse d’efficacité, puisque l’énergie dépensée viserait à faire entendre ses

propres représentations sociales dans le groupe, à trouver des compromis affectant

ainsi la cohésion et la productivité. En conséquence, nous pourrions soutenir que

l’homogénéité des représentations sociales est réellement un facteur de cohérence

et de performance. Pourtant, nous l’avons évoqué plus haut, cela empêcherait toute

créativité et innovation. Nous arrivons alors à affirmer que des représentations

sociales qui n’iraient pas toujours et tout le temps dans le même sens seraient

source de richesse dans une équipe. Que doit-on faire alors en temps que chef du

groupe ? Cela dépendra certainement de notre position. Cadre ou leader ? Nous y

reviendrons ci après.

Si nous venons d’argumenter la part fondamentale de la communication au sein

d’une équipe, souvenons nous que toute communication entraîne des processus d’

influence. Dans un groupe, le phénomène de pression sociale qu’est le conformisme

n’est pas à négliger. La majorité influente, comme nous l’avons vu, impose sa

représentation sociale, et si divergence il y a, la minorité suivra la majorité, les

normes établies, pour ne pas être rejeté du groupe ou par manque d’assurance.

Nous affirmons alors que certains tairaient leurs représentations pour permettre au

groupe de continuer à fonctionner de manière ordinaire. Mentionnons tout de même

que cette forme d’influence a lieu sans présence hiérarchique. Une équipe qui ne

partagerait pas de représentations communes ne peut donc pas fonctionner, puisque

l’ordre social et le lien social serait mis à mal, les objectifs de travail seraient perçus

différemment, le sentiment d’appartenance serait tiraillé. Ainsi progressivement,

nous arrivons à la nécessité d’un chef dans une équipe, pour maintenir l’ordre social,

et préserver le fonctionnement de celle-ci, ou mieux encore d’un leader pour donner

une vision partagée.

3. Le cadre

3.1 Polysémie du cadre

Nous l’avons évoqué lors de notre formation, le cadre a de nombreuses

significations. « L’idée dominante est celle d’une délimitation » ; « bordure de bois,

de métal, de marbre, etc,.. qui entoure un tableau, un miroir, une photographie, etc,..

54

tout autre objet qu’elle protège et décore »41 Le cadre représente ce qui entoure un

objet, ce qui délimite une chose en général. Le cadre marque la frontière entre le

dedans et le dehors. La deuxième partie de la définition « ce qu’elle protège et

décore » est tout aussi intéressante pour notre réflexion. Le cadre ne sert-il pas à

protéger son équipe ? Et le cadre décorerait-il son équipe? Si l’on en croit les

définitions explicitées dans ce travail, le cadre serait le symbole, l’image de l’équipe,

en ce sens ne la décore-t-il pas ? Nous pouvons aussi évoquer le cadre de vie qui

représente le milieu dans lequel nous vivons ou le cadre du travail. Et ce qui nous

concerne plus spécifiquement, le cadre est la personne qui représente l’équipe,

l’institution, et qui a des fonctions managériales. Ces définitions servent ici à rappeler

que dans les consciences ou inconsciences collectives parler du cadre peut

représenter de nombreuses choses. C’est pourtant cette notion de barrière, de limite

qui semble davantage prendre le dessus quand nous évoquons le cadre. Le cadre,

objet ou sujet intervient comme bordure, comme celui qui empêche que l’on

s’éloigne, qui rassemble, qui circonscris la zone à ne pas franchir. Le cadre

représente le cadre.

3.2Les fonctions du cadre

L’Arrêté Royal du 13 juillet 2006, définit les fonctions de l’infirmier en chef qui a des

devoirs dans la vision stratégique de l’hôpital, dans l’activité infirmière de son

service, la politique de personnel de l’hôpital, la gestion des moyens, la formation, et

la communication. Les notions de responsabilité, coordination, organisation,

collaboration, qualité des soins, continuité des soins,… font partie des missions qui

lui sont assignées, et que nous pouvons qualifier de générales et fort hétérogènes.

Faisons une parenthèse pour déclarer que sans doute, ces nombreuses missions

variées entrainent chez le cadre un sentiment de dispersion dans son travail, avec

les soignés, avec l’équipe, avec la direction. Ces fonctions définies par la loi lui

confèrent finalement des buts à atteindre mais lui laisse une certaine autonomie

dans la manière d’ y répondre, tout en étant dans l’obligation de rester dans le cadre

des attentes institutionnelles. Nous savons l’endroit à atteindre mais non le chemin à

emprunter. Fermons la parenthèse. D’une manière générale, la loi représentée par

l’Arrêté Royal fixe les règles à suivre, et menace de sanction si la loi n’est pas

respectée. La loi, de par sa fonction, est elle-même une représentation sociale. Elle

permet aux individus de savoir se comporter en société, de réguler la vie en société, 41 http://www.cnrtl.fr/definition/cadre

55

justifie les conduites, et oriente les pratiques. Ainsi, à travers cet Arrêté Royal, c’est

la société qui s’exprime. Cette loi a une visée politique qui est de garantir les valeurs

communes qui doivent se retrouver chez tous les cadres de santé. Elle a pour

fonction symbolique de rassembler, de ne pas laisser aller l’imaginaire de chaque

cadre, devrions nous dire aux représentations individuelles et sociales de la fonction

propre à chaque cadre, mais plutôt de devoir se soumettre à une loi, des valeurs,

des missions communes, comme des normes à devoir respecter. La loi cadre le

cadre, et le cadre représente la loi. Celle-ci tente de réduire l’écart entre l’imaginaire

individuel, voir collectif et le réel ; entre représentations individuelles et sociales.

Devrions nous dire entre ce qui est imaginé, pensé, fantasmé et ce qui devrait être

fait. C’est d’ailleurs un peu la tâche du cadre qui va rassembler vers une tâche

commune par des normes, des objectifs, des représentations sociales partagées.

Mintzberg a réparti les rôles du cadre dans trois catégorie : rôle décisionnel, rôle lié à

l’information, et rôle interpersonnel. Dans le rôle décisionnel, il y décrit les missions

d’entrepreneur, de répartiteur de ressources, régulateur ou gestionnaire d’imprévu, et

de négociateur. Nous pourrions dire qu’ici le cadre a pour rôle de faire régner l’ordre

social, de décider. Dans le rôle lié à l’information, et le rôle interpersonnel, la

communication est le mot clé pour définir ses deux rôles. C’est ainsi que si dans

l’équipe, la communication est fondamentale, elle l’est tout autant pour le cadre car il

s’agit de sa mission première et essentielle. L’infirmier en chef, selon la loi, est au

cœur des relations, entre la direction de l’hôpital, les équipes soignantes, les

différents services, les patients et les familles. Ainsi mis au centre des relations, son

activité n’est pas toujours vue ou appréciée à sa juste valeur, et nombreuses sont les

représentations à ce sujet.

3.3 Autorité/ pouvoir 42 ? Cadre/ leader ?

C’est ici le moment de rappeler, puisque nous l’avions déjà évoqué, que le cadre par

son statut a de l’autorité, il a le droit de se faire obéir. « L’autorité est un droit »43

alors que le pouvoir est une capacité, une compétence plus ou moins marquée de

tous les individus. Dès lors, le pouvoir n’est pas seulement dû à l’autorité et l’autorité

ne donne accès qu’a une sorte de pouvoir, appelé pouvoir hiérarchique ou légitime.

Un chef, par sa fonction, aura autorité sur un collaborateur, et l’influencera par

l’obéissance à son grade hiérarchique. Ce pouvoir ne lui est pas personnel mais

42 Encore, cependant nous souhaitons dans l’intérêt de ce travail, les différencier correctement 43 Cours de « principe de gestion de l’information et de changements», Mme Mattens

56

attribué à son rôle. Nous pouvons nous faire obéir par l’obéissance simple au

supérieur ou par la peur de la sanction ou par l’attente d’une récompense. Alors que

le pouvoir perçu comme une compétence est dépendant de la personne, c’est-à-dire

de sa personnalité. Pour simplifier, le manager utilisera son autorité et les formes de

pouvoir qui en découlent, explicitées plus haut, le leader aura du pouvoir et une

influence certaine. Le manager par son autorité pourra parvenir à modifier les

attitudes. La crainte de la punition, par exemple du blâme, pourra entraîner chez le

collaborateur une modification de son attitude mais sa pensée restera inchangée. Le

leader, par sa personnalité et sa force de conviction entraînera, outre, une

modification de comportement mais aussi, un changement dans la manière de

penser. Ainsi cette distinction donne tout son sens entre autorité et

pouvoir…d’influencer. Si le cadre communique, et surtout s’il est leader, il a alors

pour fonction d’influencer même si cela n’est pas évoquer littéralement dans sa

description de fonction. Il est évident que leader et influence vont de pair et

penchons nous alors sur les représentations sociales sur le cadre et les

représentations du cadre.

4. Les représentations sociales et le cadre44

Nous l’avons déjà souligné pour vivre ensemble, dans le respect de chacun, pour

éviter l’anarchie, la nécessité d’un chef existe depuis la nuit des temps. Un garant

d’une vie en société, en communauté, en groupe, qui fait respecter la loi, les règles,

les normes, est nécessaire pour éviter les luttes de pouvoir qui apparaitraient pour

faire valoir ses idées, ses représentations sociales. Cependant être le supérieur, le

représentant de l’autorité, et par extension le garant des normes n’est pas sans

conséquence, tant les représentations sur le sujet sont pesantes. Symbole d’autorité,

chef totalitariste aimé ou craint, leader avant-gardiste, ils mènent la vie dure à toutes

personnes ayant une autorité. Ainsi le sujet cadre d’une équipe de soin revêt l’image,

la représentation de l’autorité, ou mieux du pouvoir, et transmet consciemment ou

non ses propres représentations sociales à son équipe.

4.1 Les représentations sociales sur le cadre

Les représentations sociales à l’égard du cadre sont nombreuses et pour certaines

aussi bien connues. Le cadre doit donc conjuguer ses missions avec les

représentations que son statut lui fait porter. Celle du chef qui se cache dans son 44 Nous employons le mot cadre ou manager pour signifié le statut de chef. Il peut être cadre ou cadre leader.

57

bureau, largement partagée, ou du chef qui surveille le travail, celle du chef qui ne

connait pas le travail de terrain, celle du chef qui est craint par son pouvoir sur les

horaires, etc. La loi, nous voulons signifier l’Arrêté Royal évoqué plus haut, permet

pourtant ces représentations sociales puisque le manager veille à la qualité des

soins entre autre, par le travail intellectuel fournit lorsqu’il se trouve dans son bureau

par exemple pour la création de processus. Ou sur le terrain, de par sa présence, il

est à même de contrôler le travail effectué vérifiant ainsi la qualité des soins, etc. De

plus, nous pouvons évoquer un parallèle entre le soin et les soins du chapitre

précédent, où nous mettions l’accent sur le manque de disponibilité des soignants, et

par là le manque de soin. Et ici le cadre qui peut être, pour une multitude de raison,

peu présent sur le terrain auprès de son équipe, sans parler de son manque de

proximité avec les soignés. Ainsi dans l’univers hospitalier de plus en plus

performant comme nous l’avons décrit : surcharge de travail, manque de personnel,

procédures lourdes, etc, le cadre et les équipes doivent composer avec les tâches

demandées, les représentations partagées, et les réalités. Un autre exemple de

représentation sociale concernant le chef, épigone du médecin, peut aussi se

justifier par la position stratégique du cadre et ses compétences relationnelles pour

faire le lien entre médecins et équipe. Les représentations du chef sont nombreuses.

Cadre mal aimé ou leader adulé, les représentations sont variées. Elles proviennent

de représentations persistantes ou de représentations plus individuelles liées à des

situations vécues. N’en déplaise à certains, le pouvoir hiérarchique, appelé aussi

autorité que le cadre a, est source de représentations sociales. Le cadre aura de

l’autorité pour se faire obéir mais peut avoir de l’autorité et se faire détester. Le

symbole de l’autorité est véhiculé par le statut de chef dans les sociétés

traditionnelles, associé à un côté autoritaire, voir totalitaire. La société moderne

semble vouloir mettre de côté ce fonctionnement totalisant du cadre, et laisser place

à l’humain, mais une fois encore les représentations résistent. Pour dépasser cela,

le leader mettra donc en avant ses compétences charismatiques et relationnelles.

4.2 Les représentations sociales du cadre

Le cadre, comme tout individu, a des représentations sociales. Il a donc des

représentations, une perception de son rôle de cadre, de l’équipe, de la direction et

de l’institution. Ses représentations vont guider ses actions et sa communication.

Loin d’être expliciter clairement dans les missions qui lui sont confiées, en pratique,

le cadre s’appuie sur ses représentations sociales pour mener son équipe, et se

58

comporter en tant que chef. Nous estimons par exemple qu’un chef qui aurait une

représentation directive de l’autorité adoptera un comportement allant dans ce sens.

Le cadre représente son équipe, ainsi nous sous-entendons que le cadre renvoie

l’image de son équipe face aux autres. Il est l’emblème de son équipe. De ce point

de vue, il est plutôt utile qu’équipe et chef soient en accord sur les représentations

sociales. Si les représentations sociales influencent nos pratiques, il semble

avantageux pour le cadre de savoir détecter les siennes d’une part et celles de son

équipe d’autre part, mais aussi savoir comment transmettre ses représentations

sociales à l’équipe. Le rôle du cadre ou du leader devrions nous dire n’est-elle pas

de mener son équipe là où il veut se rendre, c’est-à-dire, transmettre et faire

accepter ses représentations sociales ? Ainsi, il doit se questionner comme nous

l’avons fait dans un paragraphe précédent45, être conscient des représentations qu’il

endosse, des représentations de ses collaborateurs et de celles qu’il va chercher à

véhiculer.

4.3 Intérêts des représentations sociales

Utiles pour l’équipe, nous en avons déjà parlé, les représentations sociales sont

utiles pour le cadre46 également. Repérer les représentations sociales pour savoir

les utiliser est un atout non négligeable pour le cadre et pour chacun. Nous voulons

signifié qu’elles sont aussi utiles pour les soignants afin de comprendre les soignés.

Par ailleurs, les repérer, c’est aussi savoir sans détourner. Cet outil que sont les

représentations sociales est souvent employé par nos politiques utilisant les

problèmes sociétaux et les représentations sociales en lien pour les utiliser à leur

avantage. Le secteur marketing n’est pas en reste puisqu’il emploie constamment les

représentations sociales. Par exemple, dans une période où la pollution, les

pesticides, les produits cancérigènes sont pointés du doigt et regorgent de

représentations sociales, l’on prône le retour à une vie plus saine, ainsi les produits

bio explosent sur le secteur marchand. Soyons vigilant toutefois, l’idée n’est pas pour

le cadre d’utiliser les représentations sociales comme une manipulation de l’autre

mais dans la compréhension de ce qui se joue dans une équipe. Pour un leader,

comprendre pourquoi une tâche n’est pas accomplie, pourquoi il y a un manque

d’efficacité, c’est s’interroger sur les représentations de son équipe, des individus qui

45 Chapitre IV, paragraphe 1. Nos représentations sociales 46 Nous pourrions dire leader mais nous utiliserons souvent le mot cadre pour signifier le statut. Devrions nous sans doute écrire cadre leader, car il est aussi cadre et aussi leader dans l’objectif de ce travail.

59

la composent, mais aussi ses propres représentations sociales. Ayant suivi une

même formation de base, avec des mêmes savoirs dispensés, chaque individu aura

des représentations similaires mais aussi parfois différentes de ces collègues. Savoir

remarquer la subjectivité du savoir partagé est un enjeu pour le cadre. S’interroger et

comprendre les représentations d’un sujet, c’est dans un premier temps savoir entrer

en communication avec lui et pouvoir partager un vocabulaire commun. Décoder les

représentations sociales de l’autre et de soi-même permet d’améliorer la

communication. Cette analyse amène sans doute une communication non violente

puisque nous tenons compte des valeurs de l’autre, de son imaginaire, du sens qu’il

donne à la situation. La psychologie sociale, peu dispensée dans la formation de

cadre en soins de santé, peut pourtant apparaitre comme une aide au management.

Comprendre les représentations sociales permet aussi de canaliser ses émotions et

de comprendre pourquoi l’autre réagit, agit ou pense de cette manière. Nous ne

sommes évidemment pas obligés de rejoindre ses positions, ni de les accepter. Un

peu comme dans le marketing, dans notre domaine de la santé essayons de savoir

qui l’on a devant nous, ses représentations sociales, ses croyances, ses

opinions,…Une fois analysées, il est alors intéressant de nous demander comment

utiliser ces représentations sociales pour qu’elles soient utiles au sein du groupe de

professionnels, et créer une dynamique positive. Le but étant d’harmoniser la

dynamique de groupe autour du travail et de faire adhérer l’ensemble de l’équipe aux

valeurs véhiculées, et aux objectifs visés. En ce sens, les représentations sociales

sont un outil de gestion d’une équipe. Une telle approche signifie que le leader

contrairement à l’idée préconçue, est suffisamment proche de son équipe pour

pouvoir discerner les représentations sociales. Par exemple, combien de fois

n’avons-nous pas entendu de la part d’une équipe que le chef n’entend pas son

équipe. Qu’est-ce que cela signifie ? Comment est-ce perçu ? Partagé dans

l’équipe ? Est-ce l’absence du cadre sur le terrain qui est critiqué ? Est-ce une

absence de réponse de la part du cadre aux demandes de l’équipe ? Pourquoi cet

exemple revient si souvent ? S’interroger sur les représentations sociales qui sont

partagées, ce qui sous entend s’intéresser aux personnes avec qui nous travaillons,

permettrait de désamorcer beaucoup de conflits.

C’est aussi le moment pour le cadre de s’interroger sur l’adéquation entre ses

représentations sociales et celles de l’équipe. C’est aussi de cette manière que le

cadre deviendra leader. Soyons vigilant encore, le but n’est pas de contrôler les

60

représentations sociales et devenir un cadre totalitaire ou dictatorial. L’innovation est

source de dynamisme également et de créativité rappelons-nous.

Une évidence se pose alors. S’intéresser aux représentations sociales, c’est savoir

aussi que nous ne détenons pas la vérité. Souvenons nous de ce que disait

Socrate47 : « Et si je me trompais…Et si je ne détenais pas la vérité». Loin de la

toute puissance que certains cadres pourraient imaginer que leur statut leur procure,

le leader qui se penche sur les représentations sociales à la capacité de se remettre

en question, de s’interroger et de savoir que la certitude n’est pas gage de

connaissances. Il doute, se questionne, réfléchit. Paradoxe évident entre cette

incertitude sur la vérité et la conviction dans ce que le leader propose à son équipe.

Tout chef doit pouvoir décider, se positionner, prendre des décisions. En ce sens il

s’appuie sur ses représentations sociales, et doit convaincre son équipe qu’elles sont

les plus justes. Cependant parfois, parce qu’il est leader, il doit pouvoir se remettre

en question, analyser sa pratique, douter de ses représentations sociales. Il fait

preuve d’humilité, se met à hauteur de ses collaborateurs pour s’intéresser aux

représentations sociales. Il se retire de son autorité absolue pour se permettre de

douter. Le doute permet d’évoluer. « Passer de la certitude ignorante à l’incertitude

réfléchie 48» n’est ce pas là une évidence pour tout leader qui se penche sur les

représentations sociales ?

5. Manager ou leader, conservateur ou novateur

Le manager49 , nous l’avons signifié, établit l’ordre et la stabilité dans son équipe. Il

détient une autorité et attend des membres de son équipe une vision commune du

travail, donc des représentations sociales partagées par l’ensemble. Le leader a du

pouvoir. Sa personnalité lui permet d’arriver à mobiliser les collaborateurs et, par sa

force de conviction, à les amener vers ses propres représentations sociales. Il est

influent. A l’heure actuelle, nombreuses sont les entreprises qui misent sur

démocratisation des relations et un modèle de gestion d’équipe plus humaniste,

basé sur le leadership. Force est de constater qu’avoir de l’autorité ne suffit plus, il

faut avoir de l’influence. Le contexte entrepreneurial n’a de cesse de mettre en avant

l’importance des conditions de travail où le bien être des employés à toute son

importance puisque la productivité s’en fait ressentir. Ainsi, les managers doivent

47 Citation mise en ntroduction 48 Cours de Mr Vantomme, Sociologie de la santé 49 Ou le cadre

61

avoir au-delà des capacités de savoir, des capacités dans le savoir être, puisque

c’est l’aspect relationnel qui va faire la différence et va amener l’équipe à être

motivée, dynamique, et autonome. Chargé de la gestion d’une unité et de

l’encadrement d’une équipe de soins, il est évident que la tâche du cadre se

concentre essentiellement sur la relation à l’autre. La relation entre chef et

subordonné ne doit plus être celle d’une soumission à l’autorité, mais celle d’une

influence saine pour l’équipe. C’est du moins ce que le leadership veut nous

présenter. Ainsi, en fonction de ses propres représentations sociales, de sa

représentation de la fonction, mais aussi des attentes de son institution, le cadre se

positionnera en tant que cadre ou leader, il cherchera à maintenir l’ordre, ou sera

innovant, au risque de chambouler la stabilité apparente, mais amènera l’équipe à

être dynamique. Il prendra le pouvoir. Il influencera. Il amènera à changer la routine

et les représentations sociales, et cherchera par ses compétences à tirer son équipe

vers ses représentations sociales. Nonobstant ce désir du leader, les représentations

sociales résistent et la tâche n’est pas si aisée de pouvoir changer les mentalités.

6. Influencer les représentations sociales

Progressivement, doucement, imperceptiblement les mentalités changent. Bien

souvent ce changement ne se fait pas sans heurt et les pionniers en payent le prix.

Vouloir changer les mentalités, vouloir influencer les représentations sociales, c’est

aussi faire front à la partie souvent majoritaire, conservatrice. Vouloir changer les

représentations sociales, c’est aussi être convaincu du bienfondé de son idée, et

avoir une force de conviction non négligeable. Vouloir changer les représentations

sociales, c’est vouloir prendre du recul sur les automatismes, changer les habitudes,

la routine. Changer les représentations sociales et s’éloigner du quotidien c’est aussi

semer des zones d’incertitude, où l’équipe doit faire preuve de créativité et de

dynamisme. S’il est un véritable leader, le cadre pourra faire bouger, avancer,

évoluer les représentations sociales, avancer vers un idéal qu’il n’atteindra pas mais

vers lequel il tend, petit à petit. Il sera influent. Un cadre, leader, s’il choisit

d’influencer les représentations sociales de son équipe doit pouvoir être conscient

des tumultes qui l’attendent. Cette agitation ne viendra pas déstabiliser le leader qui

n’a pas crainte de perdre son pouvoir. A l’inverse du cadre qui veut tout maîtriser, le

leader sait qu’il n’est qu’un humain et qu’il ne peut avoir contrôle sur tout. Ainsi, il

peut déléguer, donner du pouvoir à d’autres, par des responsabilités. Cette

distribution de pouvoir valorise les collègues qui en voient leur motivation regonflée

62

par la responsabilité et la confiance accordée par le chef. Cette position de leader,

qui par sa répartition de pouvoir qu’il accorde, bouscule les représentations sociales

du chef autoritaire, dictateur, que nous avons cité plus haut.

Vouloir changer les représentations sociales, c’est aussi se rendre compte que nous

avons parfois fonctionné d’une manière qui ne nous correspond pas. Cela signifie

non seulement que nous nous intéressons à l’humain, le soignant, mais aussi que

nous pouvons ne pas tolérer certaines habitudes entrées dans les représentations

partagées. Le cadre, le leader doit venir influencer des représentations sociales

partagées dans l’équipe pour les amener vers celles qui sont les siennes. Prenons

l’exemple vécu d’une maison de repos où le personnel picorait dans les plats des

résidents tout en distribuant les plateaux repas. Cela était devenu une habitude et

personne ne se posait la question de la morale de ces actes. Comment réagir en tant

que cadre ? Qu’est ce que cette attitude cache comme représentations sociales du

travail et des personnes âgées soignées ? Sans doute que cet acte perçu comme

anodin par certains, voulait en dire davantage sur l’état d’esprit de certains

soignants. En tout cas, il nous semble que changer les représentations sociales dans

cette équipe était une nécessité absolue. Les valeurs de respect, de soin sont à

instaurer comme représentations sociales partagées. Dans un autre exemple, un

service de maternité. Comme dans la plupart des services, l’organisation de la

journée était rythmée par la prise des paramètres, les repas, l’hygiène, les soins, etc.

Les jeunes mamans devaient s’adapter au rythme et donc à l’organisation du

service. Peu à peu, la volonté de tenir compte du bien être des mamans est venue

bousculer les habitudes de service. Les cadres ont du influencer les représentations

sociales, la routine, pour pouvoir arriver à une représentation sociale partagée axée

sur le respect du rythme des patientes. Ainsi les habitudes ont été bousculées. Dans

un autre contexte, pour équilibrer une situation financière de plus en plus serrée, les

entreprises, les directeurs tentent de mettre l’accent sur l’humanisme, en dépit des

conditions de travail de plus en plus désastreuses dans certains services. Le

manager doit donc motiver l’équipe, créer un climat de travail favorable et du soin de

qualité avec des moyens de plus en plus restreints. Le leader a aussi à ce niveau un

travail de prise de conscience par chaque soignant. Le dicton « la santé n’a pas de

prix » n’est plus d’actualité et chaque acteur a un rôle à jouer dans la pérennité de

son institution. Changer les représentations sociales sur le coût des soins est aussi

du rôle du cadre. Changer les représentations sociales des soignants c’est aussi par

conséquence influencer les représentations sociales des soignés. S’intéresser à

63

celles-ci permet également d’améliorer le soin. La prise en charge des patients

passent souvent par des conseils en éducation à la santé. Mais que comprennent

réellement nos soignés? Les représentations de ceux-ci sont souvent en décalage

avec celles des soignants. Alors comment se faire comprendre quand nous ne

parlons pas le même langage ? Comment prodiguer des conseils sur une

alimentation équilibrée pour un patient diabétique si celui-ci ne comprend pas notre

langage ? Inévitablement, il faut sensibiliser les soignants à s’intéresser aux

représentations sociales des patients pour pouvoir progressivement s’adapter à eux,

les influencer et modifier leurs représentations sociales si possible. Entrons, pour

autre exemple, dans un service de bloc opératoire qui a souvent pour réputation que

la froideur de ce service a pour égal la froideur du personnel soignant. Le soin n’a

pas de place face aux soins. Alors que les hôpitaux veulent redorer leurs images de

bienveillance auprès des malades et des soignants, le travail du cadre devra passer

par un changement des représentations sociales des soignants sur leurs rôles.

Les représentations sociales sont ancrées et protégées. Vouloir influencer celles-ci

c’est repérer ce qui fait partie du noyau dur de la représentation et ce qui fait partie

des éléments périphériques pour pouvoir progressivement les modifier. La nouvelle

information viendra se confronter à la couche périphérique, régulièrement. Et

progressivement, les éléments périphériques se modifieront pour atteindre le noyau

central. La représentation sociale sera alors modifiée. Patience, temps,

persévérance sont les maîtres mots. Revenons pour exemple à ce qui nous

sensibilise : le soin psychiatrique. A notre sens, les représentations sociales doivent

encore beaucoup évoluer. Même au sein des soignants, le cadre, leader doit venir

bousculer des représentations sociales lourdement ancrées pour amener les

soignants à repenser leur pratique vers le soin et la bienveillance. Dans ces services,

le soigné est davantage stigmatisé que dans les services de soins généraux. Son

état mental jugé instable le prive trop souvent de marquer son accord pour les soins

prodigués. Les soignants jugent à sa place ce qui est bon pour lui. Trop souvent ce

genre de situations amène à penser que les malades doivent subir les soins, et à

être considérer comme objet et non sujet. Pour pouvoir faire du soin, c’est

représentation doivent impérativement changer, et c’est à notre sens, ce qui doit être

un objectif premier du cadre leader.

Changer les représentations sociales c’est assoir son pouvoir d’influence, et son

statut de leader, afin d’assurer à nos malades du soin de qualité.

64

7. Conclusion

Les représentations sociales de l’équipe, sur le cadre et du cadre orientent les

pratiques de l’équipe et la manière pour le cadre de gérer son unité. Si elles

permettent un travail qui se doit d’avoir des buts communs, elles doivent être

certainement partagées mais leurs différences en font aussi des richesses. Des

représentations sociales partagées par une minorité du groupe amènent à la

réflexion et à interroger nos pratiques de soins, c’est pour cette raison qu’elles sont

enrichissantes car source aussi d’innovation. Le cadre, qui est porteur de

représentations liées à son statut, a aussi pour but d’amener l’équipe vers ses

propres représentations sociales. Pour cela, le cadre doit aussi pouvoir prendre du

recul sur son rôle et s’interroger sur ses représentations sociales. Il influence

l’équipe, il devient leader. Utiles au fonctionnement de l’équipe, les représentations

sociales sont utiles pour le cadre qui les emploiera pour comprendre et orienter les

pratiques de soin. Influencer les représentations sociales de l’équipe, grâce au

pouvoir charismatique du cadre, c’est influencer en profondeur, ce qui guide l’équipe,

donne sens à la réalité, un savoir commun et justifie les comportements.

L’apport des sciences humaines est une aide pour le cadre de santé. S’intéressant

au groupe, le cadre ne peut ignorer les interactions et les représentations sociales du

groupe et des individus. Analyser les représentations sociales est surtout une aide à

la compréhension de l’implicite, une découverte de la réalité de l’autre, une manière

de redonner un sens à une situation, et de tendre vers un idéal.

65

CONCLUSION GENERALE

Nous n’avons cessé de le répéter : « tout est représentation sociale ». Nous

intéresser aux représentations sociales est complexe tant par sa définition, son

processus de formation, que sa présence dans tous les domaines. Dans ce travail,

avec beaucoup d’humilité tant le concept est ardu et abondant, nous avons eu pour

but pédagogique d’expliciter le concept général des représentations sociales,

montrer son ampleur dans notre vie quotidienne, dans nos interactions sociales, et

sa présence constante, insidieuse, peu perceptible mais influente en permanence.

Elles nous guident, nous orientent, et donnent sens à notre réalité. Tantôt du côté

déterministe en invoquant le poids, la lourdeur des représentations, tantôt du côté

actionnaliste par l’envie de les repérer, de les connaître et d’agir sur elles, nous

n’ignorons pas leurs pouvoirs. Elles sont particulièrement présentes dans le domaine

de la santé mentale, tant elles sont fixées profondément dans la société, et génèrent

un imaginaire collectif foisonnant dans ce domaine. De manière plus générale, la

maladie et la santé sont des phénomènes sociaux engendrant de nombreuses

représentations sociales. La santé tient une place considérable dans notre société et

est un statut qu’il faut maintenir. Car en effet, l’expérience peu banale qu’est la

maladie, engendre perte du rôle social entrainant perte d’identité et perte de sa place

dans la société. Cette pression sociale pour garder la santé est en opposition avec le

contexte économique actuel, qui restreint davantage l’accès aux soins. C’est cette

même société qui contraint les soignants à devenir de plus en plus performant mais

au prix de compétences relationnelles revues à la baisse. Faire des soins sans soin.

C’est dans ce contexte que nous, aspirants cadre, devrons évoluer et amener nos

valeurs, nos idées, nos représentations sociales. Il nous faudra être influant. Plus

que cadre, il nous faudra être leader, mettre à profit notre pouvoir d’influence pour

modifier les comportements. Dans notre formation de cadre en soins de santé,

l’accent est mis sur l’importance de l’organisation, la gestion, or nous devrions avoir

conscience que les aptitudes relationnelles sont essentielles. Tirant de ses

compétences relationnelles, de ses capacités à communiquer, le cadre, leader peut

utiliser les représentations sociales dans la gestion de son équipe. Prenant

conscience de l’influence des représentations sociales chez tout un chacun, du poids

de celles-ci qui guident nos pratiques et nos comportements, le leader peut

s’appuyer sur celles-ci pour parvenir aux missions qui lui sont confiées. Ainsi, une

66

équipe composée d’individus, groupes et sous groupes est un espace où se mêlent

et se confrontent les représentations sociales des uns et des autres. Par ces

différences, cette équipe est riche, parfois litigeuse. Elle a pour but la réalisation

d’une tâche commune. Face à ces représentations sociales, ce sera le cadre, le

leader, qui donnera le tempo, la ligne de conduite à adopter et amènera l’équipe vers

ses représentations sociales et sa vision du travail. La réflexion, la prise de recul,

l’interrogation sur le sens de sa pratique sont essentielles. Il doutera, il s’autorisera

l’incertitude et la remise en question. Suivre les sentiers battus n’amène pas le

dynamisme que le leader a pour but. A contrario s’éloigner de la routine, interroger

les habitudes, les représentations sociales pour évoluer, grandir est sans doute

l’objectif du cadre.

Est-ce utopie de croire que le leader puisse modifier, mieux encore, influencer les

représentations sociales ? Nous l’avons observé, elles sont figées, fixées, ancrées.

Peut-être est-ce une idée de grandeur ? Mais les mentalités changent, évoluent,

avec lenteur et prudence, alors pourquoi ne pas y croire ? D’ailleurs n’était-ce pas le

seul but du cadre ? Amener l’équipe vers ses propres représentations sociales,

amener cette équipe à s’élever, loin de la représentation du chef totalitaire, mais

avec la bienveillance et l’authenticité du leader.

67

CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES

Nous voici au terme de ce travail, mais que représente-il ? Une épreuve

intégrée pour certains, un mémoire pour d’autres, ou encore un travail de fin d’étude.

Sans doute, représente-il le sésame, le symbole, pour pouvoir exercer la profession

à laquelle nous aspirons, cadre en soin de santé. Ce n’est donc pas un travail de fin

mais un travail de début, puisqu’il s’agit d’un départ, d’une réflexion non aboutie,… le

sera-t-elle d’ailleurs un jour ? Nous ne l’espérons pas. N’y aurait-il pas d’ailleurs le

diplôme du leader, plus approprié à notre réflexion ? Quelle différence ? Quelle

influence ? Cadre, leader, influence, représentation, ces mots revêtent à ce terme du

travail un sens différent de celui qu’ils avaient plusieurs mois en arrière. Rappelons-

nous comment tout à débuter.

La psychiatrie, le domaine qui nous passionne, qui défraye aussi les chroniques :

Folie meurtrière, folie passagère, folie furieuse,… Partis de ce constat de stéréotypes

nombreux, variés et tous négatifs, nous avons commencé à nous interroger sur ce

qui pouvait motiver les soignants à travailler dans ce domaine. Comment ces

représentations sociales, lourdement fixées, ne pouvaient-elles pas traverser les

portes (souvent blindées) des hôpitaux psychiatriques ? Le constat est amer, même

navrant : en effet les soignants n’en sont pas indemnes. Ils portent avec eux, de

manière lourde ou plus légère, ces représentations sociales partagées et leur(s)

soin(s) s’en fait ressentir. Voilà le début de la démarche : comment bousculer ces

représentations sociales ? Qui peut le faire ? Nous nous sommes laissés embarquer

dans la réflexion, en nous recentrant sur le cadre en soins de santé, sans nous

restreindre au domaine de la santé mentale afin de toucher un plus large public.

Notre travail de recherche est purement théorique Et nos découvertes

passionnantes. S’il a été passionnant de découvrir ces différents concepts des

représentations sociales, de l’influence et de faire lien avec le cadre, il a été aussi

frustrant de ne pouvoir tout dire, tout évoquer, et de rester dans le cadre de ce

travail. La difficulté majeure rencontrée vient du manque d’ouvrage en lien avec « les

représentations sociales et le cadre ». Cette difficulté nous a obligée à la réflexion et

à l’imagination sans pouvoir nous appuyer sur des idées déjà travaillées. D’un point

de vue pédagogique, les apprentissages ont été nombreux, et la découverte

intéressante. En effet, il s’agissait ici de découvrir les notions de représentations

sociales, et l’influence de celles-ci pour le cadre. Dans notre travail, le cadre devient

68

leader, il ne détient pas seulement de l’autorité mais du pouvoir, pour influencer.

Qu’influence-t-il ? Ses compétences en matière relationnelles doivent-être

suffisamment développées pour pouvoir convaincre son équipe, modifier et donc

influencer leurs représentations sociales. Le cadre, leader ici, doit avoir

connaissance des représentations sociales et conscience que celles-ci poussent

chaque individu à agir, et le guident dans ses actions. Dès lors, avoir de l’influence

sur celles-ci lui permet d’élever son équipe vers ses propres représentations

sociales, et tendre vers un idéal de soin de plus en plus qualitatif.

Ajouté à cela, partis de ce constat et de situations personnelles sur le plan

professionnel, le biais majeur dans ce travail était la subjectivité. Travailler sur les

représentations sociales sans y inclure trop de ses propres représentations était

impossible. Forte de la conscience de ce biais, et lucide sur la présence de nos

représentations sociales dans la manière de penser et de réfléchir, ce travail est

sans doute le reflet des représentations qui sont les nôtres. « …Si l’objectivité

absolue n’existe pas, le subjectif ne peut être total non plus,…»50.

D’un point de vue personnel, là encore les apprentissages furent riches. L’esprit plus

ouvert et critique nous a permis d’observer dans le quotidien ce que nous avons

découvert en théorie. En goûtant à la sociologie, nous avons découvert qu’elle

pouvait être passionnante, surprenante, mais aussi complexe. Outre cet aspect, la

rigueur qu’exige ce travail nous a permis des apprentissages d’écriture et d’utilisation

de l’outil informatique. Enfin, « l’incertitude réfléchie » et le doute nous ont

accompagnés tout au long de ce travail de découverte sur les représentations

sociales, en nous demandant si nous étions dans le vrai. Comment ne pas heurter le

cadre en lui signifiant qu’il doit douter, qu’il doit remettre sa pratique en question, lui

qui a Autorité ?

Cependant en terme de perspective, nous pourrions imaginer un travail plus

pratique avec une méthode basée sur des entretiens afin de comprendre comment

les cadres perçoivent les représentations sociales et si elles peuvent selon eux être

un outil de travail. Redonner la parole aux cadres en soins de santé nous permettrait

de constater si notre recherche est utilisée en pratique. Cependant, pour plusieurs

raisons cela nous semble compliqué. Comment interroger l’influence des

représentations sociales sans un minimum de connaissance préalable. Ensuite, d’un

cadre à l’autre les représentations peuvent être largement différentes, or les

fonctions du cadre sont identiques pour tous. Il serait donc intéressant de voir si les 50 Chapitre I, Les représentations sociales, paragraphe 2.1, Les représentations individuelles, p8

69

représentations sont partagées ou si elles divergent complètement, malgré un statut

et donc des missions analogues. De manière plus pragmatique, nous allons

présenter ce travail à l’ensemble des cadres en soins de santé de notre institution et

peut-être semer des idées, des images, des perceptions, et pourquoi pas, faire

bouger des représentations sociales.

D’un point de vue professionnel, éclairés sous un nouveau jour, notre travail nous a

donné un regard différent sur notre pratique. Ce travail nous a permis d’avoir un œil

plus critique sur des situations lourdes de représentations sociales, et de nous

rendre compte malheureusement du coté plus que lourd, l’aspect largement partagé

des représentations sociales. Il nous a aussi confronté aux difficultés rencontrées

lorsque nous cherchions à remettre en question des habitudes fortement ancrées. La

hiérarchie institutionnelle qui attend des cadres qu’ils soient des leaders mais qui

refuse l’innovation à cause de représentations sociales trop figées. Bousculer les

habitudes, réinterroger la pratique et le sens de celle-ci, peut amener à être perçus

comme dérangeants, nous l’avons compris. Ou même fou, comme nos patients.

Nous espérons que le temps soit l’un de nos meilleurs alliés pour poursuivre notre

but de faire avancer les représentations.

Penser différemment, affirmer un positionnement contrasté, aller dans une direction

inconnue, s’éloigner des représentations sociales dominantes, c’est se positionner,

c’est affirmer ses propres représentations sociales, parce que nous croyons en elles,

et en leur bien fondé.

70

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