lenvers de la ville

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    L'ENVERS DE LA VILLE

    Aspects du problme des coures RoubaixEtude ralise en juin 1972 l'Unit Pdagogique d'Architecture N7

    UN URBANISME INTGRRoubaix est une ville du 19me sicle, une ville nouvelle en quelque sorte,

    puisque le dveloppement brutal de l'industrie textile, proximit des sources

    d'nergie du bassin minier et des rservoirs de main-d'uvre que constituaient

    l'agglomration lilloise et la Belgique, a fait passer la population de la ville de 20 000

    habitants en 1835 120 000 habitants en 1895, chiffre qui correspond sensiblement

    celui de la population actuelle. Cette urbanisation rapide a cr un type d'habitat trs

    particulier caractris par l'existence, l'intrieur des lots, de ranges de petites

    maisons ouvrires, invisibles de la rue et aujourd'hui dans un tat de salubrit tel, que

    la lgislation sur les bidonvilles leur est applicable depuis 1970. Si ces maisons en

    coure prsentent sans conteste une incohrence labyrinthique, le processus d'ur-

    banisation suivait toutefois une logique rigoureuse. Avant l'urbanisation, en effet

    Roubaix tait une petite ville construite essentiellement le long de routes radiales de

    telle sorte que les nouvelles usines se sont places dans les vides laisss par cescordons de maisons. Lors de l'afflux brutal de population et devant l'impossibilit de

    faire dboucher de nouvelles rues, les maisons d'ouvriers furent construites

    l'intrieur des lots, jusqu' la moindre parcelle disponible, le rsultat de ce processus

    spontan fut l'apparition, assez remarquable en France d'un urbanisme intgr au

    niveau de l'lot puisqu'on y trouvait regroups les emplois (usines), les logements

    ouvriers (coures) les logements bourgeois

    et les commerces (maisons en front rue),

    et enfin les services (glises, coles, etc.).L'imbrication des usines dans le tissu

    urbain tait donc accompagne d'une

    intgration sociale et conomique qui

    contribuait faire de Roubaix une ville

    homogne - non pas toutefois, il faut tout

    de mme le signaler, en ce qui concerne la

    grande bourgeoisie (industriels) qui, ds

    cette poque, tait regroupe dans le

    quartier Sud de la ville, tourn vers Lille,

    Nicolas Bouleau

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    ville noble de l'agglomration.

    Il est clair, cependant, que lors de la

    constitution de ce tissu qui, comme nous le

    verrons, fait aujourd'hui l'objet demutations profondes, l'intgration n'a

    jamais t un objectif en tant que valeur

    idologique, et que les seules motivations

    furent de nature strictement fonctionnelle

    et conomique. Les ouvriers se trouvaient

    en effet parqus autour de l'usine, porte

    de sirne, et pouvaient s'y rendre pied

    (cf. Quand les sirnes se taisent deMaxence Van der Mersch). La question de savoir par qui furent construites les

    coures est controverse et il convient de remarquer que si, comme on le dit souvent,

    les industriels

    logeaient parfois

    leurs ouvriers

    suivant la formule

    du logement

    compris dans le

    salaire utilise dans

    les corons du bassin

    minier, la plupart du

    temps les coures

    furent construites par de petits propritaires, des com-

    merants souvent, qui habitaient eux-mmes la maison en

    front rue et qui, suivant leurs conomies, btissaient

    pour les louer des ranges de maisons dans leur propre

    jardin. Cet investissement progressif, rentable et de

    gestion aise leur constituait une clientle demeure.Comme le dit fort justement un historien de Roubaix, "le

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    problme se posait de la faon suivante: comment construire

    le plus de maisons possible, sur le terrain le plus petit

    possible, avec le moins de matriau possible? La coure fut la

    solution de ce problme."1Et le bilan de ce fonctionnalisme

    fut un vritable habitat collectif horizontal, puisqu'on arrivedans certains lots des densits de 300 350 logements

    l'ha uniquement en maisons individuelles.2

    Il n'y a pas lieu de donner ici une description complte

    de cet habitat, qui a fait l'objet de plusieurs tudes. Nous

    voudrions seulement apporter au lecteur une image

    schmatique de la maison de coure, module de base avec

    lequel l'imagination du profit a compos cette architecturecollective. C'est une rplique plus petite de

    la maison roubaisienne classique. Celle-ci,

    elle-mme assez strotype et pourvue

    d'une grande souplesse d'utilisation, est

    traverse par un couloir menant de la rue au

    jardin et distribuant sur le ct le salon (o

    l'on reoit), puis la cuisine-salle manger

    (o l'on se tient). Les chambres sont

    l'tage, le 2me tage est mansard et la

    maison possde une

    cave. Les riches

    pouvaient acqurir deux maisons accoles et le salon se

    prtait facilement une transformation en boutique. Du ct

    du jardin, on trouve souvent une marquise et des adjonctions

    durables

    (dpendances) ou

    moins durables (ap-pentis, etc.) et puis,

    ventuellement,

    aprs un mur de

    sparation, la

    coure. La maison

    de coure, que l'on

    rencontre aussi le

    long de certaines

    1M. Prouvost.2Voir en particulier l'Etude sur l'habitat insalubre dans les coures de la mtropole-Nord. C.R.E.G.E, 1971.

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    ruelles ou impasses, est construite sur ce

    modle, mais elle ne comprend ni cave, ni

    vide sanitaire, l'tage est supprim, il reste

    juste une mansarde (souvent trs basse de

    plafond car le rez-de-chausse accueillait

    parfois des mtiers Jacquard : "maisons

    quatre mtiers"). La surface habitable est

    d'environ 35 m2 et l'emprise au sol

    d'environ 20 m2.

    C'est dans ce cadre standardis que

    la vie s'est installe, marque d'un ct par

    un reste d'idologie pavillonnaire (zone

    propre, la cour comme espace de renvoi),mais fortement influence, et c'est sa

    particularit, par les facteurs collectifs.

    LA CULTURE DE PAUVRETELa coure reprsente l'exemple assez

    exceptionnel d'une entit intermdiaire

    entre le "public collectif" et le "priv

    intime" qu'on a pu noter propos de

    l'habitat pavillonnaire. La cour en est le

    lieu : espace commun mais non public,

    dlimit strictement par l'troit corridor qui

    en constitue l'entre, et dans lequel le

    passant de la rue ne pntre pas. Les gosses

    qui y jouent et les alles et venues pour

    chercher de l'eau, se rendre aux communs,porter les poubelles, faire les courses,

    contribuent animer cet espace qui devient

    dans une certaine mesure un spectacle. Un

    vieil homme qui ne pouvait quitter son fauteuil derrire la fentre constatait : "La

    tlvision pour moi, c'est dans la cour ! " Par ailleurs, le fait que tout le monde se

    connat et que tout se sait sur chacun a instaur des rgles spontanes d'entraide et de

    solidarit quotidienne dont les exemples ne manquent pas. Il s'agit en quelque sorte

    d'une transposition au niveau du groupe d'un certain nombre de traits caractristiquesde la vie prive : le connu - l'inconnu, la solidarit - l'indpendance.

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    Elment positif galement la fonction

    d'accueilque permet cette vie collective et

    qui joue un rle social important. Il est

    clair, toutefois, que les conditionssanitaires sont telles, dans les coures que

    cette vie n'existe que comme remde des

    contraintes et qu'il s'agit en quelque sorte

    d'une "culture de pauvret" comme celle

    qu'on a pu mettre en vidence dans les

    bidonvilles. Nous insisterons plus loin sur

    ce point, mais d'ores et dj, aprs cette

    description, et indpendamment de touteanalyse sur les processus de rnovation, on

    peut se rendre compte du fait que le

    relogement de cette population dans des

    immeubles collectifs sans espaces dejeux

    pour les enfants (qui jouent dans l'escalier),

    avec des loyers levs et des charges fixes incompressibles, le plus souvent la

    priphrie de la ville, est totalement inadapt. On ne peut mieux l'illustrer que par ces

    remarques notes par des enquteurs du CREGE : "Et puis question HLM il y a

    beaucoup de gens qui n'aiment pas les HLM, hein? Et en effet c'est vrai. Parce que

    vous verrez, par exemple, dans une cour, si on est ennuy, eh bien la personne d'-

    ct, elle va vous faire les courses, elle va vous aider si vraiment on est dans l'ennui.

    Tandis qu'en appartement, ils n'ont pas le contact que nous on a dans la cour : on est

    malade, on est malade ! la porte est ferme, on s'intresse pas, ou alors il faut tre

    vraiment bien amis. Ici, je trouve qu'on se voit plus. On va la baraque, on revient

    ici, on va chercher de l'eau, tout a... On se voit plus souvent enfin dans la journe

    que dans le bloc. Je vous dis la porte est ferme, c'est fini, quoi ! Ou alors, si on se

    fait une amie, c'es t avec une, pas plusieurs. Tandis qu'ici on est oblig de parler avec

    tout le monde. Sans discuter des journes entires, mais enfin : Bonjour, bonjour - il

    pleut, il pleut, - il fait beau, il fait beau, quoi..."3

    3Op. cit.

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    Cette contradiction entre la richesse

    humaine de la vie en coure et le relo-

    gement dans des collectifs tels qu'ils sont

    actuellement conus est suffisamment

    nette pour faire l'unanimit parmi lesdivers intervenants dans l'amnagement de

    Roubaix. C'est en quelque sorte le point de

    passage oblig de toutes les faons de

    poser le problme des coures. Mais ds

    qu'on arrive aux interprtations et aux

    explications qui font intervenir les intrts

    des diffrents groupes de pression, les

    solutions divergent, tout en gardantchacune sa logique interne. Ce rseau

    idologique est orient vers deux ples:

    d'une part, l'immobilisme, d'autre part, la

    rnovation urbaine grande chelle : restructuration du centre de Roubaix.

    L'IMMOBILISME

    La premire tendance s'appuie sur les lments conservateurs de l'conomieroubaisienne. Il est certain que les problmes de l'industrie textile et de la main-

    d'uvre ont toujours domin la sociologie de la ville, comme l'ont prouv les immi-

    grations successives (Belges, Europens de l'Est, Italiens et Portugais, Algriens).

    Mais aujourd'hui le sous-quipement de l'industrie se pose de faon accrue par le fait

    qu'ailleurs des progrs technologiques trs importants ont t raliss ces dernires

    annes (apparition des peigneuses circulaires, substitution des continus aux

    renvideurs dans les filatures, apparition des techniques spatiales dans les tissages), de

    telle sorte que pour tenir les prix, le textile roubaisien a besoin d'une main-d'uvre

    bon march, d'o la ncessit de maintenir un habitat-accueil tel que celui des coures

    (les loyers en coure sont de l'ordre de 60 F par mois).

    L'idologie support de cette motivation strictement conomique est celle de

    certains sociologues qui ont cr autour de la coure toute une posie particulire (la

    maison individuelle, le linge, l'entraide, bguinage pour les vieux, etc.) et qui tend

    prouver que le milieu des coures, riche par lui-mme, doit tre maintenu. Je voudrais

    insister sur un point dont semblent se dlecter ces esthtes en sociologie : il s'agit de

    la place des relations de voisinage dans la vie sociale. C'est l en effet un aspect

    absolument central du problme des coures. Il convient de remarquer tout d'abord

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    que les relations de voisinage sont prnes le plus souvent par des personnes qui ne

    les pratiquent pas, ou de faon annexe par rapport aux relations professionnelles,

    familiales ou de loisirs. En second lieu, il est bien sr scurisant pour les classes

    sociales aises, de penser que les autres sont heureux entre eux. On a parl de

    "jovialit roubaisienne", - en fait, mme Roubaix, les seules personnes quipratiquent les relations de voisinage sont celles qui ne peuvent pas faire autrement.

    Tout le monde a droit des relations sociales lectives. Ceci est impossible dans les

    coures pour des raisons de promiscuit et de situation urbaine : Ils n'ont droit qu'

    l'envers de la ville.Quand on pense au ghetto algrien qu'est devenu le quartier de la

    Guinguette, la phrase: "la vie sociale grce aux relations de voisinage" prend une

    rsonnance d'hypocrisie.

    La conclusion concrte de cette tendance est la rhabilitation des coures.

    Inutile de discuter point par point pourquoi cette solution est absurde, les chiffres ci-dessous concernant les aspects sanitaires, le surpeuplement, les prospects, prouvent

    que l'amlioration ne serait que drisoire.

    Surpeuplement:a. Surface plancher d'une maison de coure: 30 m2.

    b. On atteint parfois 3 m2par personne.

    c. 2,7 enfants par mnage, en moyenne.Aspects sanitaires;

    a. 50% des logements de coure n'ont pas l'eau.b. 65%des logements de coure n'ont pas le gaz de ville.

    c. 17% des logements de Lille-Roubaix-Tourcoing n'ont pas l'eau, contre 2% Lyon et 4%

    Marseille.

    d. 58%" des logements de coure ont de l'humidit permanente.

    e. Roubaix: 125 cas de tuberculose pour 100 000 habitants.

    f. Frais d'hospitalisation et mdicaux:

    pour 100 familles de coure: 243 000F

    pour 100 familles en H.L.M.: 120 000F

    g. Mortalit infantile: France: 21,8 o/oo

    Roubaix(rues) : 29 o/oo, Roubaix(coures) : 93 o/oo,

    Promiscuit de voisinage:a. Prospect : 2m pour les coures double range, 1m pour les coures simple range. 70% des

    maisons de coure ont un ensoleillement partiel possible infrieur 2h par jour, parmi

    lesquelles la moiti a un ensoleillement nul.b. 1 WC pour 6 10 logements en moyenne

    c. Densits jusqu' 300 logements/ha en individuel.Aspects sociaux

    a. 20% d'trangers Roubaix. 55%d'trangers dans les coures.

    b. Les 2/3 des familles de coures payent un loyer infrieur 55F par mois.

    c. Plus de la moiti des familles de coures ont des ressources totales infrieures 1200F

    par mois.

    Ceci ne veut pas dire que la rhabilitation de certaines coures ne soit pas un

    lment de solution complmentaire pour certains groupes de la population des

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    coures, comme nous le verrons plus loin, pour des personnes ges en particulier.

    LA RESTRUCTURATIONL'autre tendance est celle des spcialistes et des techniciens de la planification

    urbaine. Elle s'appuie sur quelques lments dynamiques de l'industrie qui re-

    cherchent un renouveau et une diversification de l'activit conomique. Conscients de

    l'impact de la suppression de la mono-activit et de la modernisation des techniques

    sur les emplois cause de la pnurie de main-d'uvre qualifie et le risque de

    chmage, et soucieux du fait que la rnovation aide cette reconversion en attirant des

    emplois tertiaires Roubaix, ils proposent un schma d'amnagement crant une forte

    centralit (qui n'existe pas Roubaix), par le moyen de zones de rnovation sur les

    quartiers qui touchent immdiatement de centre. La ralisation d'un tel schma poserades difficults : Le cot des terrains en zone centrale et le fait que les deux ples de

    restructuration seront spars par la barrire que reprsentent les huit voies SNCF,

    mais surtout il est clair qu'aucun des problmes de Roubaix n'est alors rsolu. Le

    quartier de la Basse Masure, le quartier de l'Epeule, le quartier du Pile et Jules

    Guesde, les plus riches en coures et les plus dlabrs ne sont en effet pas touchs par

    la rnovation. Quant au nombre d'usines dans le tissu urbain, il ne serait pas affect

    de plus de 30%, Un schma fond sur trois ples de restructuration situs sur les

    quartiers les plus insalubres aurait au moins comme rsultat de supprimer la majeurepartie des coures.

    Cette tendance qui se veut prospective a tenir compte galement d'un nouveau

    courant qui est apparu depuis la dernire immigration. La prsence d'une vingtaine de

    milliers de Nord-Africains, de mode de vie trs diffrent des gens du Nord et qui

    reprsentent, le soir, prs de la moiti des badauds, modifie progressivement

    l'urbanisme homogne et intgr de Roubaix. Les rues les plus commerantes et les

    plus animes de la ville, comme la rue de l'Epeule, sont souvent celles sur lesquelles

    dbouchent le plus de coures, et cela devient source de conflit. Ni la valeur

    culturelle, ni la valeur conomique des Algriens ne sont perues par la population, et

    c'est pourquoi une sgrgation de plus en plus marque se superpose l'ancien

    urbanisme homogne. On peut citer l'appui de ce phnomne de rejet une

    intervention rcente du dput de Roubaix visant faire cesser la spoliation dont sont

    l'objet les propritaires d'une rue dans laquelle une maison est achete par une famille

    algrienne (la valeur marchande des autres maisons de la rue se trouvant alors divise

    par deux). Le quartier de la Guinguette, par exemple, est devenu presque uniquement

    algrien, la population, d'abord essentiellement masculine, a t rejointe par le reste

    des familles, qui ont apport leur culture et leur mode de vie.

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    Le schma d'urbanisme fond sur la centralit prend ds lors une signification

    nouvelle : sacrifier certains quartiers aux ouvriers et aux trangers et redonner la

    petite bourgeoisie un avenir nouveau dans le centre de la ville. Ici encore, il convient

    de souligner que la grande bourgeoisie n'est pas directement concerne dans ce

    conflit : elle est l'cart, autour du parc Barbieux, dans un quartier tourn vers Lillequi est le centre tertiaire et dcisionnel de l'agglomration. Immobilisme ou

    restructuration, les intrts des diverses catgories sociales se projettent diffremment

    dans l'avenir, mais ce qui est remarquable c'est qu'aujourd'hui ces deux forces

    s'annulent dans une large mesure. La rsorption des coures est actuellement mene

    par l'Organisation de la Suppression des Coures de la Mtropole Nord

    (ORSUCOMN), dans le cadre de la lgislation sur l'habitat insalubre. Cette

    association loi 1901 tablit par ses statuts et la composition de son conseil

    d'administration une sorte de prquation des diverses tendances. Son action estlimite 1) par la lgislation elle-mme qui ne lui permet de rsorber que des

    primtres au moins 60% insalubres, ce qui, tant donn le caractre si subjectif des

    critres d'insalubrit touche rarement des lots complets et conduit des dcoupages

    savants, 2) par la pauvret de ses fonds, 3) par le fait qu'elle n'a aucune action sur

    les usines. Le bilan est une suite d'oprations ponctuelles de taille insuffisante pour

    parler d'urbanisme ou mme de cadre de vie, qui parsment la ville et risquent de

    gner, par la prsence d'immeubles modernes des oprations cohrentes plus

    importantes.

    Il convient galement de parler du PACT (Propagande Action Contre les

    Taudis) qui, sans rien retirer du dvouement et de la comptence des hommes qui

    l'animent ni du bien fond de ses actions, apparait finalement, du dire mme de ses

    dirigeants, comme la "poubelle" qui l'on confie tous les cas difficiles, c'est--dire les

    familles qui ne parviennent pas s'adapter au logement PSR qu'on leur propose (il est

    clair que l'allocation-logement ne rsout pas tous les problmes). La trop grande

    faiblesse de ses moyens est une vidence.

    On nous fera remarquer juste titre qu'il ne suffit pas d'noncer les tendances

    pour les changer, que les forces sont relles et qu'il convient d'en tenir compte. C'est

    la raison pour laquelle nous ne voulons pas nous cantonner une critique des

    mthodes ou projets en cours, mais avancer effectivement des propositions qui

    pourraient servir d'amorce un dbat ouvert le plus largement possible sur ce

    problme. Il est regrettable, notre avis, que l'tablissement des schmas d'amnage-

    ment qui concernent directement le cadre de vie de chacun soit un des rares domaines

    o aucun appel d'ides n'est pratiqu et nous croyons, ce sujet, que le dbat est lapremire condition indispensable la dmocratisation de l'urbanisme.

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    Le premier point est de voir que le relogement des habitants des coures est un

    problme humain aigu avant d'tre un problme d'conomie rgionale. Il est en effet

    insuffisant d'envisager des objectifs long terme, d'abord parce que cornme partout

    ailleurs ces objectifs ne seront jamais atteints, ensuite parce que l'essentiel est

    finalement la mthode et le droulement des oprations. Actuellement, la populationdes coures ne forme pas une entit sociale homogne, elle est extrmement

    complexe et dsunie. En simplifiant on peut dire qu'elle est constitue: a) de

    personnes ges dont les ressources sont les plus faibles (moins de 700 F par mois par

    mnage), trs attaches leur logement actuel et pour lesquelles un changement est

    une souffrance en soi, b) d'trangers, Algriens surtout, et Portugais, qu'on peut

    caractriser en disant que ce sont soit des travailleurs clibataires, soit des familles

    nombreuses, c) d'handicaps sociaux, qui constituent une foule de cas particuliers

    qu'il serait vain d'numrer. Pour ces diffrentes catgories de personnes, lesproblmes qui se posent vis--vis du relogement, pendant le relogement et dans le

    nouveau logement, sont diffrents, chaque cas psychosocial devrait tre tudi en

    particulier. Nous parlerons plus bas d'une mthode qu'on peut entrevoir pour y

    parvenir, mais d'ores et dj une chose est claire, c'est que des logements conus

    indpendammentde la population par laquelle ils seront utiliss ont toutes les chances

    de tomber ct du problme.

    L'adaptation des nouveaux logements la population laquelle ils sont destinssuppose videmment que ces logements soient construits avant la destruction des

    lots anciens qui abritent actuellement cette population, et implique un phasage

    prcis : La population chasse lors d'une phase tant reloge dans les logements

    construits lors de la phase prcdente. Le systme peut avoir une souplesse suffisante

    pour s'adapter au tissu urbain s'il est fond sur des units de programmede l'ordre de

    400 logements. Le dmarrage et l'ajustement des phases successives ne peuvent se

    faire videmment sans le dpart des industries et entrepts vers les zones amnages

    la priphrie. C'est de ce phasage que dcoulera, dans une large mesure, l'urbanismedu quartier La suppression des coures entranera de toute faon une transformation

    permanente de la ville pendant 30 ou 40 ans, ce moment-l la cohrence de la ville

    chaque instant et la planification dans le temps ont finalement beaucoup plus d'im-

    portance que les plans d'urbanisme en tant qu'objectifs.

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    LES LMENTS DU PROBLMELa rnovation urbaine conue dans le cadre d'une telle programmation doit per-

    mettre d'aborder effectivement le problme humain par une confrontation des

    diverses solutions aux divers cas concrets qui se posent. Dj actuellement, le PACT

    pratique ce qu'il appelle une gestion humaine personnalise, mais ses moyens sont

    drisoires vis--vis de l'ampleur du problme qui, rellement ne peut tre approch

    que par l'informatique. Essayons, en effet, pour nous en convaincre, d'tablir une

    premire liste de proccupations prendre en compte :

    - Avertir les gens en leur indiquant avec prcision la date de leur dpart ( l'heu re actuelle, la

    population est dans la plus complte incertitude).

    - Etudier les diffrentes possibilits de relogement en fonction de chaque cas particulier, en

    essayant d'offrir des choix aux familles dplaces.

    Cas possibles:

    - Etrangers isols,- Personnes ges,

    - Familles franaises ou italiennes avec enfants,

    - Familles algriennes ou portugaises avec enfants,

    -Propritaire ou locataire,

    - Couples sans enfants, etc.etc.

    Exemples de solutions actuellement envisa ges:

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    - Coures ramnages,

    - Maisons de transition,

    - Individuel la priphrie,

    - Individuel en ville,

    - Collectif dans le quartier,

    - Bguinages ou dominos,

    -

    Foyers de travailleurs,- Foyers horizontaux de personnes ges, etc. etc.

    - Etudier les dplacements par groupes de familles, pour mnager les relations qui existent.

    - Etudier le regroupement des familles par affinits vraisemblables (emplois, nationalits, tranches

    d'ge)

    - Adopter une politique vis--vis de la sgrgation ethnique et du rejet de la population nord-

    africaine.

    - Prendre en compte les revenus des familles et le cot du relogement.

    - Prendre en acompte l'attachement au quartier, trs marqu Roubaix, ainsi que l'attachement lamaison individuelle.

    - Suivre les familles plusieurs annes, afin de s'assurer de l'adaptation leur nouveau cadre de vie.

    -

    disposer d'un important personnel de gestion, pris dans le milieu des coures lui-mme.

    Une telle dmarche peut apparatre comme une forme de paternalisme. Mais si

    l'on considre en revanche que c'est travers le groupe que devraient s'exprimer les

    problmes de chacun et si l'on attend que le milieu des coures prenne conscience de

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    lui-mme et acquire par l la force de la transformation, il est vraisemblable que rien

    ne se passera avant longtemps. Il semble qu'ici, ce "paternalisme" cerne de plus prs

    la ralit.

    Les critiques d'une rnovation organise d'une telle faon porteront, bien sr, sur

    sa crdibilit financire. Sans aborder en dtail ce sujet, nous pouvons remarquer : 1)

    que le cot des terrains est pour une part importante dans le dficit des oprations de

    rnovations urbaines, et qu' cet gard la rnovation centre sur les quartiers les plusinsalubres cotera moins cher que la restructuration du centre de la ville, 2) que le

    principe du phasage et des units de programme doit permettre par sa souplesse une

    plus faible immobilisation de capital (ainsi qu'ventuellement un ZADage progressif

    des zones rnover), 3) enfin qu'il convient d'y intresser l'Etat dans la mesure o le

    problme est pos de telle sorte que le dpart des industries en constitue la cl, et que

    la reconversion rgionale se trouve alors tre une consquence de la rnovation.

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    LA CONCEPTION DE L'HABITATAbordons maintenant un autre problme indpendant au fond du premier, mais

    qui toutefois ne se pose que si la rnovation s'attaque directement aux coures, c'est

    celui du type d'habitat adapt au relogement de leur population. En tout tat de cause,

    ce problme purement architectural, sans constituer l'essentiel du problme des

    coures, conditionne nanmoins la russite.

    Il est vident, tout d'abord, qu'on ne se place pas ici l'chelle de l'immeuble,

    qui n'a plus de ralit aujourd'hui, mais l'chelle d'un programme de plusieurs

    centaines de logements, comprenant les quipements quotidiens, des espaces

    ncessaires la vie collective et ventuellement des emplois (petits ateliers

    personnel fminin, par exemple), l'amnagement de ces units de vie urbaine ne peut

    tre conu, en l'tat actuel des choses que par rapport un certain nombre de

    contraintes:

    a. Le cot de construction doit tre prvu infrieur d'au moins 10% au prix

    moyen HLM afin de pouvoir raliser des espaces extrieur de qualit, ce qui signifie

    simplement que dans le cadre d'un financement donn, l'tude d'une rpartition

    diffrente des cots dans une unit de logement est une direction de recherche

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    importante.

    b. L'importance de la maison individuelle est une donne dont il faut tenir

    compte tant dans le programme, par le nombre de logements individuels, que dans la

    conception des logements collectifs. Les solutions telles que duplex double

    orientation et coursives extrieures ont a prioriplus de chances d'tre adaptes quel'habitat "bloc".

    c. D'autres aspects demandent des tudes dtailles, tel par exemple le mode de

    chauffage. Il n'est pas vident, en effet que le chauffage central collectif soit le mieux

    adapt, plusieurs expriences ralises dans des logements sociaux Anvers ont en

    effet montr que malgr ses sujtions, le chauffage central individuel au gaz, avec

    production d'eau chaude sanitaire est particulirement adapt aux catgories les plus

    dfavorises, cause de sa souplesse d'utilisation et de son haut rendement

    nergtique. Le fait de ne pouvoir pas jouer sur le montant des charges est en effet un

    inconvnient du logement collectif trs ressenti lors d'enqutes auprs des habitants

    des coures.

    PROGRAMME PROPOSE POUR L'ETUDE- 400 logements sur 3 ha. (surface ne comprenant ni la voirie primaire et secondaire,

    ni les quipements scolaires) soit une densit de 130 logements/ha.

    - Une crche de 40 lits, + garderie, + P.M.I.

    -

    Boutiques: alimentation gnrale, pharmacie, journaux, caf-tabac.- Foyer de travailleurs clibataires + restaurant pour personnes ges (foyer

    horizontal).

    - Bureau d'aide sociale.

    - locaux collectifs:

    . Salles de jeux pour petits (6 11 ans)

    . Salle d'activits pour grands (11-16 ans)

    . Celliers-bricolage ( louer)

    . Laverie commune + schoirs.

    . Salle de runion et tlvision.

    . Espaces extrieurs: jeux d'enfants, ptanque, etc.

    - Emplois:

    . Personnel de gestion, entretien et gardiennage.

    . Crche.

    . Foyer des personnes ges.

    . Boutiques.

    . Atelier de confection ( personnel essentiellement fminin)

    - Proportion:

    Logements individuels 1/3 logements collectifs, 2/3.

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    La ncessit, due au phasage, de recourir des units de programme relati-vement petites est notre avis un lment extrmement favorable pour l'urbanisme de

    Roubaix, car il permet d'introduire une multitude de conceptions entirement

    indpendantes. Les historiens de l'urbanisme ont tendance prendre leurs exemples

    dans les bastides, les villages perchs ou les villes du Mzab, et on oublie que le

    caractre collectif de la ville est fondamentalement li une htrognit de

    rflexion et de conception. Les exemples sont constitus par ce qui n ' es t pas dans les

    manuels d'urbanisme... tout le reste, Rome en est le plus frappant. Actuellement les

    grandes oprations d'urbanisme n'ont jamais pu atteindre ce niveau : elles sont

    finalement un lment de la ville et non une partie de la ville. Dans le cas de

    Roubaix, le lancement d'un vaste appel d'idesaux architectes et entreprises sur un

    programme thorique tel que celui ci-dessus, prsent avec un certain nombre de

    thmes de recherche, aurait le double avantage d'apporter des lments de solutions et

    d'alerter l'opinion sur un problme dont une des caractristiques est d'tre mconnu.

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