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LEDUCATION NON FORMELLE AU SENEGAL description, évaluation et perspectives Alioune DIOUF – Moussa MBAYE – Yann NACHTMAN Dakar, mars 2001 Synthèse

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L’EDUCATION NON FORMELLEAU SENEGAL

description, évaluation et perspectives

Alioune DIOUF – Moussa MBAYE – Yann NACHTMAN

Dakar, mars 2001

Synthèse

Nous tenons à remercier toutes les personneset les structures qui ont accepté de nousrecevoir, avec qui nous avons longuementéchangé et qui nous ont permis d’accéder auxinformations qu’elles détenaient. Sans elles,cette étude n’aurait pas été possible.

Nos remerciements vont particulièrement :

A l’UNESCO pour la confiance accordée tout aulong de l’étude – et plus particulièrement à MmeMartine BOUSQUET, Mme Margaret ISRAËL-SACHS et M. Marc GILMER ;

A ENDA tiers-monde en général et à M.Emmanuel NDIONE en particulier qui nous ontépaulé tout au long de cette étude ;

Aux personnes ressources rencontrées : MmePenda MBOW (UCAD), Mme VAN DER VINGTet M. Robert RAMPIN (UNESCO / BREDA), M.Souleymane Bachir DIAGNE (UCAD), M.Serign Tacko NDAW (directeur de la DAEB), M.Gorgui SOW et M. Amadou Khar GUEYE(Ecoliers du Monde / Aide et Action), M. Thierryde LOUSTAL (DEPEE), M. Tamsir SAMB(INEADE), Mr Atoumane DIAGNE (HizbouTarquiyya) ;

Aux responsables, formateurs, apprenants,apprentis et parents des structures que nousavons visitées : ACAPES (M. Seydou NDIAYE),

AJC3 (M. Abdoulaye FAYE), ANAFA (M.MBODJ et M. Oumar SALL), ANBEP ( M. AlphaIbrahima NDIAYE), AUPEJ (M. Moussa DIOP),CIFOP (M. Malèye DIAGNE), ECOLIERS DUMONDE / AIDE ET ACTION (Nicolas GibierRAMBO), ENDA tiers-monde (M. JacquesBUGNICOURT, MM. Mamadou SARR etRaphaël NDIAYE pour Coorcom, MM. AmadouDIALLO et Oumar TANDIAN pour Ecopole, MM.Bachir KANOUTE et Pape BA pour Ecopop,MM. Alassane FAYE et Pierre-MarieCOULIBALY pour Jeunesse Action, Mme AnitaLonis GREBONGO et M. Sileye G. SY pourEnda Sahel), FIOD (M. Gorgui FAYE ), NOSE(Mme Khady DIOUF), TOSTAN (Mme MollyMELCHING), Daaras de XELCOM (MM.Youssoupha DIOP, Lamine Diouf, SambaNDAW de Hizbou Tarquiyya).

Aux autres personnes contactées, pour leurdisponibilité: M. Iba Der THIAM (UCAD),Serigne Mor MBAYE (UCAD), M. DIAWARA(Banque Mondiale), M. Abdoulaye THIAM(TOSTAN), Alioune DANFA (ADEF Afrique),Djouma DIOUF (Association Religieuse CitéSotiba Pikine).

Au groupe de jeunes chercheurs MERCATOR,à Marthe NACHTMAN sr, Thérèse SAGNA,Virginie VAN HAEVERBEKE, Karim DAHOUpour leurs conseils et appuis.

Cette étude est dédiée à tous les acteurs del’éducation au Sénégal. Elle se veut uneexhortation à la fédération des formes et desmodèles éducatifs.

Remerciements

Cette étude a été réalisé dans le cadre du suividu Forum Mondial sur l’Education pour Tous parune équipe de chercheurs et de praticiens del’éducation :- le collectif « Mercator » regroupant quatrejeunes chercheurs : Malick DIOP, IbrahimaGUEYE, Mamadou NDIAYE et IbrahimaNIANG ;- l’appui pour les recherches concernantl’enseignement coranique d’un jeune chercheur,travaillant à ENDA tiers-monde, Papa GoraNDIAYE ;- l’illustrateur El Hadj Sidy NDIAYE ;- un collectif de trois chercheurs / praticiens :Alioune DIOUF (psychologue conseiller,responsable de la division d’orientation scolaireet professionnelle (DOSP) de l’IDEN deRufisque) ; Moussa MBAYE (psychologue-conseiller, sociologue, collaborateur d’ENDAtiers-monde pour les Dialogues Politiques /Education), Yann NACHTMAN (chercheur-consultant, responsable de l’étude).

Déroulement de l’étude

La présente étude s’est déroulé de fin novembre2000 à fin mai 2001, suivant la progressionsuivante :

Phase I : Fin novembre 2000 Revue de la documentation disponible et

prise de contact avec les principaux acteurs del’éducation non formelle au Sénégal Concertation et planification des activités de

recherche : élaboration d’une méthodologie(définition d’indicateurs, type d’enquête,échantillon…), des outils d’évaluation1 et d’un

calendrier ;

Phase II : décembre 2000 – janvier 2001 Entretien avec les principaux acteurs de

l’éducation non formelle au Sénégal (ONG,association, directions nationales et régionalesde l’enseignement en charge de l’éducation nonformelle) ; Enquêtes sur le terrain : visite de huit

programmes d’éducation non formelle, entretienet enquête auprès des formateurs, apprenants,parents, habitants du quartier et autresintervenants ; Recherche et analyse bibliographique ;

Phase III : Février – mars 2001 Analyse des documents et des données

recueillies ; Rédaction du premier brouillon comprenant

des propositions de graphiques, de tableaux etd’illustrations ; Discussion du brouillon avec l’Unesco et les

organismes partenaires ;

Phase IV : Avril - Juin 2001 Complément d’enquête et de visite,

finalisation du brouillon et des illustrations sur labase des commentaires de l’Unesco et despartenaires de l’étude ; Réalisation de la maquette de la publication.

Limites de l’étude

Les principales limites sont liées au peu detemps et de moyens prévus pour la réalisationde la présente étude. Lors de l’élaboration destermes de référence, nous avions sous-estiméle secteur de l’éducation non formelle. Nous-

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau SénégalII

Avant propos

1 Au cours de cette première phase, les outils suivantsont été élaborés et expérimentés : Grille d’analyse bibliographique : références

bibliographiques complètes, objectifs, méthodologie,analyse et synthèse en rapport avec les objectifs del’étude ; Fiche d’expérience détaillée des programmes

d’éducation non formelle : type d’organisation etcontexte institutionnel – incluant les rapports avec lessystèmes de formation et d’information extérieurs - ,

objectifs d’éducation et de formation, historique,programmes et contenus, formation des enseignants,effectifs, résultats, ressources, capacité d’autonomie,système d’évaluation et de capitalisation, analyse desprocédés pédagogiques et de leur caractère innovanten rapport avec le profil des apprenants et les objectifspédagogiques visés, … ;

Guide d’entretien destiné aux personnesressources : profil, rapport à l’éducation non formelle,réflexions sur l’éducation non formelle : définition, statutet rôle de l’ENF, expérience pertinentes,recommandations en rapport avec les objectifs del’étude ; Questionnaire et guide d’entretien pour les acteurs

de l’éducation non formelle (formateurs,apprenants/apprentis, parents, communauté etdécideurs locaux).

mêmes victimes du cloisonnement desexpériences, nous ne pensions pas faire face àun champ de recherche aussi vaste, aussidiversifié et aussi complexe. Au cours de nosrecherches, nous avons découvert chaque jourque l’éducation non formelle s’étendait et seramifiait davantage, chaque porte ouvertedonnant sur une multitude d’autres portes.

Au terme de l’étude, certains déséquilibres sontapparents : les points de vue de certains acteurs

apparaissent peu (agences de coopérationbilatérales et multilatérales, partis politiques etsyndicats, confréries religieuses, tenants del’éducation traditionnelle), des expériences importantes et innovantes

ne figurent pas dans leur globalité, les données de l’analyse globale sont pour

la plupart issues de l’analyse bibliographique…

Certaines de ces faiblesses sont égalementliées aux limites des systèmes d’information etde communication portant sur l’éducation non

formelle. Il existe très peu de donnéesquantitatives et qualitatives concernantcertaines formes éducatives (éducationcoranique et traditionnelle, formation auxmétiers de l’économie populaire). Il était difficiledans un laps de temps aussi court de comblerun tel déficit.

En fin de compte, la présente étude doit êtreconsidérée comme un ensemble d’hypothèsesà discuter et à vérifier. Elle constitue un premieressai d’analyse et d’évaluation globale de ladiversité éducative au Sénégal. Certains pointspourront être nuancés, précisés, ou rectifiés.L’essentiel pour nous est de participer au débatsur l’éducation au Sénégal et d’apporter notrepierre à la construction d’un système éducatifintégrateur qui puisse prendre en charge toutela richesse éducative propre au Sénégal etporter, en s’appuyant sur ce potentiel, lesaspirations de toutes les composantes socialeset culturelles de ce pays.

III

au Sénégalau Sénégal

ACAP/JDS : Association Culturelle d’Aide à laPromotion Des JeunesACAPES : Association Culturelle d’Aide à laPromotion Educative et SocialeACDI : Agence Canadienne de DéveloppementInternationalADEA : Association pour le Développement del’Education en AfriqueADEF Afrique : Association pour leDéveloppement de l’Education et de laFormation en AfriqueADESAH : Association des Défenseurs del'Environnement du Sahel (Linguère)ADQ : Association de Développement deQuartierADY : Association pour le Développement deYoffAEPCS : Association d’Entraide desEtablissements Préscolaires Catholiques duSénégalAFCR : Association des Formations de Coin deRueAFP : Agence Française de PresseAGETIP : Agence d’Exécution des Travauxd’Intérêt PublicAJC 3 : Association des Jeunes de la CommuneIII (Pikine)ANAFA : Association Nationale pourl’Alphabétisation et la Formation des AdultesANBEP : Association pour le Bien-Etre de laPopulationAOF : Afrique Occidentale FrançaiseASC : Association Sportive et CulturelleAUPEJ : Actions Utiles pour l’Enfance et laJeunesse (Tivaouane)BEP : Brevet d’Etudes ProfessionnellesBIT : Bureau International du TravailBM : Banque MondialeBT : Brevet de TechnicienCADTM : Comité pour l’Annulation de la Dettedu Tiers MondeCAEM : Certificat d’Aptitude à l’EnseignementMoyenCAES : Certificat d’Aptitude à l’EnseignementSecondaireCAF : Classe d’Alphabétisation FonctionnelleCAMG : Centre Amadou M. Gaye de BoppCAP : Certificat d’Aptitude Professionnelle

CES : Centre Enfance et Solidarité (ACAPES)CEVA : Centre d’Entraînement à la Vie ActiveCGDM: Comité de Gestion et deDéveloppement de MontrollandCITE : Classification Internationale Type del’EducationCL : Centre de Lecture (Aide et Action)CNEA : Comité National d’Elimination del’Analphabétisme CONGAD : Conseil des ONG d’Appui auDéveloppementCOORCOM : Coordination de laCommunication (équipe d’Enda)CPF : Centre Polyvalent de la Femme (CPF)CREA : Centre de Recherche en EconomieAppliquée (UCAD)CRESP : Centre de Ressources pourl’Emergence Sociale ParticipativeCRS : Croix Rouge SénégalaiseCTS : Comité Technique de Suivi (EDUCAL)DAEB : Direction de l’Alphabétisation et del’Education de Base (MEN)DAS : Direction de l’Action SocialeDEPEE : Direction de l’Education Préscolaire etde l’Enseignement Elémentaire (MEN)DIOSIRHO : Diofior, Simal et RhoDPE : Développement de la Petite EnfanceDPRE : Direction de la Planification et de laRéforme de l’EducationECB : Ecole Communautaire de BaseECIRES : Education pour une CitoyennetéResponsable et Solidaire (EDUCAL)ECOPOP : Economie Populaire (équiped’Enda)EDEV GL : Education EnvironnementaleGlobale (EDUCAL)EDUCAL : Education AlternativeEEDS : Eclaireuses et Eclaireurs du SénégalEF : Education FormelleEGEF : Etats Généraux de l’Education et de laFormationEJT : Enfants et Jeunes TravailleursENDA tiers-monde : Environnement etDéveloppement du Tiers MondeENEA : Ecole Nationale d’Economie AppliquéeENF : Education Non FormelleENS : Ecole Normale SupérieureENSEPT : Ecole Normale Supérieured’Enseignement Technique et ProfessionnelleENSUT : Ecole Nationale SupérieureUniversitaire de TechnologieEPT / EFA : Education Pour Tous / EducationFor AllFASB : Fédération des Agriculteurs Sakhoum

IV

Sigleset acronymes

Bambouck de KoungheulFCR : Formation de Coin de RueFEE : Femmes – Enfants – Environnement(Fatick)FIOD : Fédération Intervillageoise desOrganisations pour un Développement durableFONGS : Fédération des ONG SénégalaisesGEEP : Groupe pour l’Etude et l’Education surla PopulationGIE : Groupement d’Intérêt EconomiqueGRAF : Groupes Recherche Action Formative(ENDA)GRET : Groupe de Recherche etd’Enseignement TechnologiqueGTZ : Gesellschaft für Zusammenarbeit(Société de Coopération Allemande)HLM : Habitat à Loyer ModéréIA : Inspection d’AcadémieICAE : Conseil International pour l’Educationdes AdultesIDEN : Inspection Départementale del’Education NationaleIFAN : Institut Fondamentale d’Afrique Noire(UCAD)INEADE : Institut Nationale d’Etude et d’Actionpour le Développement de l’EducationIPE : Initiative Populaire d’EducationIPF : Initiative Populaire de FormationJEUDA : Jeunesse Action (ENDA)MEN : Ministère de l’Education NationaleNOSE : Nouvelle Sérigraphie (Pikine)NTIC : Nouvelles Technologies de l’Informationet de la CommunicationONG : Organisation Non GouvernementalePAALAE : Association Panafricaine del’Education et de la FormationPADEN : Projet d’Alphabétisation des Elus etNotables locauxPAIS : Programme d’Alphabétisation Intensiveau SénégalPAPA : Programme d’Appui au Plan d’Action

PAPF : Projet d’Alphabétisation Priorité FemmePDEF : Plan Décennal de l’Education et de laFormationPED : Pays En DéveloppementPEES : Partenariat pour l’Efficacité de l’EcoleSénégalaisePENFD : Projet d’Education Non Formelle pourle DéveloppementPFIE : Programme de Formation etd’Information sur l’EnvironnementPNA / EPT : Plan National d’Action / EducationPour TousPNB : Produit National BrutPRDE : Plan Régional de Développement del’EducationRAF : Recherche Action FormationRAP : Réseau d’Apprentissage Populaire(EDUCAL)RUP : Relais pour le Développement UrbainParticipé (équipe d’Enda)SCOFI : Scolarisation des FillesSENELEC : Sénégalaise d’ElectricitéSES : Service d’Entraide Scolaire (ACAPES)SUDES : Syndicat Unique et Démocratique desEnseignants SénégalaisSYPROS : Syndicat des Professeurs duSénégalTRIDE : Tribune des EnfantsUCAD : Université Cheikh Anta DiopUNACOIS : Union Nationale des Commerçantset Industriels du SénégalUNESCO : Organisation des Nations Uniespour l’Education, la Science et la CultureUNICEF : Fond des Nations-Unies pourl’EnfanceUNTS : Union Nationale des TravailleursSénégalaisVAF : Valorisation des Apprentissages desFemmes (EDUCAL)VAM : Valorisation des Acteurs Marginalisés(EDUCAL)

V

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau SénégalVI

RemerciementsAvant-proposListe des acronymes et des sigles

Introduction

I. Hypothèses pour une analyse globaleet critique

1.1 La définition de l’éducation nonformelle dans le contexte du Sénégal1.1.1 Quelle distinction entre éducationformelle, non formelle et informelle ?1.1.2 L’éducation formelle, non formelle etinformelle dans le contexte du Sénégal

1.2 Evolution historique du secteuréducatif au Sénégal1.2.1 Les systèmes éducatifs de la périodeprécoloniale1.2.2 La période coloniale marquée par laconfrontation entre l’école française et l’écolecoranique1.2.3 De l’école de l’indépendance aux étatsgénéraux de l’éducation1.2.4 La seconde crise du système formel :« l’école de la dette »1.2.5 Le développement de l’éducation nonformelle (1990 – 2000)

1.3 Analyse et éléments d’évaluation del’éducation non formelle au Sénégal1.3.1 Un cadre institutionnel complexe etdéséquilibré1.3.2 Objectifs, contenus et méthodes del’éducation non formelle au Sénégal1.3.3 Les réponses de l’éducation non formelleaux lacunes du système formel

II. Le point de vue des acteurs de l’éducation

non formelle

2.1 Regards croisés sur l’éducation nonformelle2.1.1 L’éducation non formelle : un choixforcé ?2.1.2 De fortes attentes envers l’éducation nonformelle2.1.3 L’éducation non formelle, est-elle ouverteà tous ?2.1.4 Appréciation de la formation par lesapprentis et les apprenants2.1.5 Des modèles qui s’adaptent à leursbesoins2.1.6 Des problèmes pédagogiques…2.1.7 … et des limites objectives freinent ledéveloppement et l’expansion de l’éducationnon formelle

2.2 Résultats des expériences d’éducationnon formelle étudiées en terme d’insertionprofessionnelle et d’intégration scolaire2.2.1 Projets et stratégies des apprenants etdes apprentis2.2.2 Résultats des apprentissages en termede capacités2.2.3 Une insertion « naturelle » dansl’économie populaire ?

III. Conclusions et recommandations

3.1 Evaluation globale et propositions pourle renforcement de l’éducation nonformelle3.1.1 Les forces de l’éducation nonformelle3.1.2 Les faiblesses de l’éducation nonformelle3.1.3 Propositions pour un renforcement etune extension de l’éducation non formelle

3.2 Propositions pour la collecte dedonnées, le suivi et l’évaluation del’éducation non formelle au Sénégal3.2.1 Analyse sommaire de l’existant3.2.2 Cadre méthodologique3.2.3 Cadre opérationnel

Bibliographie

Sommaire

III

IV

1

4

4

4

6

8

8

9

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16

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57

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61

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73

73

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79

797981

83

La présente étude s’inscrit dans le cadre dusuivi du Forum Mondial de Dakar. Elle a pourobjectifs de mieux comprendre les réalités del’éducation non formelle dans un pays d’Afriquede l’Ouest, le Sénégal, et de proposer à partirde l’expérience de ce pays, un cadreméthodologique et pratique pour le suivi, lacapitalisation et l’évaluation de ce secteurparticulier de l’éducation.

I. Le forum mondial de Dakar

Dix ans après Jomtien

Les 28 et 29 avril 2000, les principaux décideurset acteurs de l’éducation se sont retrouvés àDakar pour le forum mondial « EducationFor All / Education pour tous ». Lesobjectifs de cette rencontre étaient à lafois d’évaluer le chemin parcourudurant la décennie, en référence à laconférence de Jomtien de 1990, et dedéterminer, à partir des principalesavancées et des leçons tirées, uncadre d’action pour les quinze annéesà venir.Le processus, qui a conduit au Forummondial de Dakar, a donné lieu à unimportant travail de collecte dedonnées, d’analyse et de réflexionprospective, tant au niveau national que sous-régional et international. Cette préparation du forum s’est traduite par :- l’évaluation de la décennie écoulée (bilanpour 183 pays ; 14 études thématiques, enquêtesur la qualité de l’apprentissage dans 30 pays,études de cas…) ;- l’élaboration de programmes d’actionrégionaux (Afrique subsaharienne, Asie etPacifique, Pays arabes, Amérique latine,Europe et Amérique du Nord) 2.

Quelles réponses à une situation restantinacceptable ?

Malgré quelques avancées jugées inégales etlentes, l’éducation pour tous, telle qu’énoncée etvisée par la déclaration de Jomtien, reste unéchec. Comme le montrent les donnéessuivantes, la situation reste inacceptable 3. ◆ l’éducation préscolaire touche moins d’untiers des 800 millions d’enfants de moins de 6ans ;◆ 113 millions d’enfants sont non-scolarisés(dont 60% de filles) ;◆ on compte au moins 880 millionsd’analphabètes (dont une majorité de femmes).A partir du bilan de la décennie, le cadre deDakar définit 6 objectifs et 12 stratégies sur labase de quatre grands principes : ◆ l’éducation universelle et continue (de lapetite enfance à l’âge adulte), ◆ des services de qualité diversifiés, adaptés,

égaux par le statut et équitables, ◆ l’éducation de base gratuite, obligatoire

et de qualité ;◆ la transparence de la gestion et

l’élargissement du partenariatéducatif4, pour compléter le rôle de

l’Etat.

Comme le montrent plusieurs objectifs(3, 4, 6) du cadre d’action de Dakar,l’éducation non formelle estconsidérée comme un secteur clé pouratteindre les objectifs d’éducation pour

tous. Dans certains pays, comme le Sénégal,elle est devenue une priorité autant pour l’Etat,que pour la société civile. A l’image du rhizome,elle se développe de manière séparée et prendsouvent des formes radicalement différentes.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal 1

Introduction

3 Les expressions employées dans le Commentaireélargi sur le Cadre d’Action de Dakar sont sanséquivoque : « insulte à la dignité humaine », « dénidu droit à l’éducation », obstacle majeur « sur la voiede l’élimination de la pauvreté et de la réalisationd’un développement durable » (page 2).4 l’Etat reste cependant le principal responsable et a« le devoir d’assurer à tous les citoyens les moyensde satisfaire leurs besoins éducatifsfondamentaux. »

2 Commentaire élargi sur le Cadre d’Action de Dakar- Comité de rédaction du Forum mondial surl’éducation, Paris, 23 mai 2000, page 1.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal2

Résumé du Cadre d’Action de Dakar

I. Les principales avancées augmentation des effectifs de l’enseignement primaire (+ 82 millions dont 44 de filles), taux net de scolarisation supérieur à 80% pour la majorité des PED, vers un équilibrage des rapports de genre (mis à part en Afrique subsaharienne), « croissance modeste » du préscolaire (limitée aux zones urbaines), développement progressif de l’éducation non formelle et de la formation qualifiante, taux général d’alphabétisation : 85 % pour les hommes, 74% pour les femmes.

II. Les leçons une forte corrélation entre la faible scolarisation, le manque d’efficacité et la paupérisation ; la progression vers l’EPT conditionnée par la combinaison des facteurs suivants : la volonté politique, les

partenariats avec la société civile et le soutien des organismes de financement ; une meilleure connaissance des facteurs influant positivement sur les systèmes scolaires : efficacité des

éducateurs ; matériels didactiques appropriés ; association des technologies (anciennes et nouvelles) ; pré-alphabétisation en langue locale ; apport décisif de la communauté ; contribution du préscolaire à la réussitescolaire ; établissement de liens entre éducation, santé, nutrition, environnement…

III. Les défis et les chances à saisir certains pays ont des difficultés à définir « le sens, l’objet et le contenu de l’éducation de base », à évaluer tous

les aspects de l’éducation (surtout ceux qualitatifs et informels) ; le concept de l’EPT doit être global et intégrateur : approches formelles et non formelles, prise en compte des

plus défavorisés (enfants et jeunes travailleurs, nomades, minorités, victimes de guerre, handicapés et malades…) ; l’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne sont, en raison de leurs faibles résultats durant la décennie passée,

des espaces d’intervention prioritaire ; tous les acteurs doivent faire preuve d’une volonté politique ferme se traduisant par la mise à disposition de

« moyens adéquats, équitables et durables » ; l’EPT doit s’appuyer sur les processus démocratiques et le développement participatif et à son tour les

renforcer; la mondialisation est à la fois une opportunité à saisir (interdépendance, communication, mobilité du capital) et

un risque de marginalisation pour les plus pauvres (émergence d’un marché du savoir) ; les systèmes éducatifs doivent réagir rapidement et expressément en participant pleinement à la lutte contre

le VIH/ Sida et à la prévention des conflits, qui constituent deux menaces majeures pour l’EPT.

IV. Les six objectifs majeurs1. développer et améliorer sous tous leurs aspects la protection et l’éducation de la petit enfance et notamment desenfants les plus vulnérables et les plus défavorisés ;2. faire en sorte que d’ici 2015 tous les enfants, en particulier les filles, les enfants en difficulté et ceux quiappartiennent à des minorités ethniques, aient la possibilité d’accéder à un enseignement primaire obligatoire,gratuit, de qualité, et de le suivre jusqu’à son terme ;3. répondre aux besoins éducatifs de tous les jeunes et de tous les adultes en assurant un accès équitable à desprogrammes adéquats ayant pour objet l’acquisition de connaissances et de compétences nécessaires dans la vie courante ;4. améliorer de 50% le niveau d’alphabétisation des adultes, et notamment des femmes, d’ici 2 015, et assurer àtous les adultes un accès équitable aux programmes d’éducation de base et d’éducation permanente ;5. éliminer les disparités entre les sexes dans l’enseignement primaire et secondaire d’ici à 2005 et instaurerl’égalité dans ce domaine en 2015 en veillant notamment à assurer aux filles un accès équitable et sans restrictionà une éducation de base de qualité avec les mêmes chances de réussite ;6. améliorer sous tous ces aspects la qualité de l’éducation dans un souci d’excellence de façon à obtenir pour tousdes résultats d’apprentissage reconnus et quantifiables – notamment en ce qui concerne la lecture, l’écriture, lecalcul et les compétences indispensables dans la vie courante.

V. Douze stratégies dépassant le cadre formelLes 12 stratégies développées se basent sur une « approche diversifiée qui dépasse de loin le cadre des systèmesformels d’éducation : 1. engagement politique et plans nationaux 7. lutte contre le sida2. articulation à la lutte contre la pauvreté 8. partenariat et environnement propices à l’apprentissage3. implication active de la société civile 9. image et compétence des enseignants4. systèmes de gestion et de gouvernance partagés 10. technologies de l’information et de la communication5. appui aux systèmes des pays en crise 11. suivi systématique (national, rég., intern.)6. combat contre les discriminations 12. utilisation des mécanismes existants

II. Encore une étude… pourquoifaire ?

L’éducation non formelle au Sénégal : unsecteur porteur et éclaté

On peut considérer que l’éducation non formellea toujours existé, sous une forme ou une autre,au Sénégal5. Elle a cependant connu, depuisdeux décennies, un essor particulier, en rapportdirect avec la crise de l’école formelle6.Permettant une offre éducative souple etadaptée, les programmes d’éducation nonformelle se sont multipliés. L’Etat s’est inscritdans cette dynamique et a encouragé ledéveloppement de l’éducation non formelle àtravers différents programmes d’appui. Dans le Plan Décennal de l’Education et de laFormation (PDEF) couvrant la période 2000-2010, l’Etat sénégalais prévoit de poursuivre sapolitique de libéralisation (vers le privé et lemonde associatif), de décentralisation et dediversification de l’offre éducative. Parmi lesstratégies préconisées, l’éducation non formelleest présentée comme un domaine d’interventionà part entière. Il reste qu’une partie importantede l’éducation non formelle échappe au contrôleinstitutionnel de l’Etat.

Un secteur qui reste à interroger demanière globale et systématique

L’éducation non formelle a fait l’objet denombreuses études au Sénégal. A notreconnaissance, toutes développent uneapproche parcellaire, sectorielle. Nous

proposons, à travers la présente étude, uncadre général qui définisse et caractérisel’éducation non formelle au Sénégal, dans sonévolution historique et ses formes actuelles. Bien qu’intéressant et porteur, ledéveloppement de l’éducation non formelle auSénégal semble hétérogène, inégal et difficile àévaluer. Quels sont les objectifs, contenus,outils et méthodologies des programmesd’éducation non formelle ? Quel est leur impactsur le niveau de vie et l’intégration socio-économique des apprenants ? Qui sont cesapprenants ? Combien sont-ils ? Quels sont lessystèmes de suivi et d’évaluation mis en place ?Quelles sont les expériences les plusintéressantes (pertinence, adaptabilité,rentabilité et durabilité) ?Il s’agira de confronter ainsi le cadre proposéaux formes concrètes d’éducation non formelleet aux points de vue des acteurs. Au-delà de sacaractérisation, il s’agira de saisir la substanceet le dynamisme de l’éducation non formelle.Nous tenterons ainsi d’analyser et d’évaluerl’éducation non formelle.

A partir de ces analyses, nous formulerons desrecommandations pratiques. Celles-ci porterontsur le renforcement et l’extension de l’éducationnon formelle et sur l’établissement demécanismes et d’indicateurs permettant lacollecte de données, le suivi et l’évaluation dece secteur. La diversité des programmesd’éducation non formelle au Sénégal paraît êtreun cadre favorable pour élaborer etexpérimenter une méthodologie et des outilsdans ce sens.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal 3

5 Voir l’analyse des formes historiques (1.2).6 Cette crise affecte à la fois les modèles(particulièrement celui du fonctionnariat qui n’a pluscours dans le Sénégal actuel), et les motivations(cela se lit autant au niveau des apprenants que desenseignants à travers le cycle des grèves et desviolence scolaires - qui ont endeuillé encorerécemment le Sénégal) – voir point 1.3.3.1.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal4

Hypothèses pour une analyse globale et critique

Le Sénégal se caractérise par une coexistencedéjà ancienne de systèmes éducatifs aussidifférents dans leurs fondements et principesque dans leurs formes.Au-delà de la définition d’un cadre conceptuel etde sa confrontation au contexte sénégalais, uneétude de l’éducation non formelle au Sénégalnécessite la catégorisation de ces différentssystèmes et une analyse critique de leursrapports.

1.1 La définition de l’éducation nonformelle dans le contexte duSénégal

1.1.1 Quelle distinction entre éducationformelle, non formelle et informelle ?

Dans une étude intitulée «Articulation del’éducation formelle et non formelle –implications pour la formation desenseignants»7, Ali Hamadache donne unedéfinition synthétique de l’éducation nonformelle. Il situe tout d’abord l’émergence de ceconcept aux années 60-70. Celle-ci résulteraitde la réflexion critique sur les résultats del’école et de la remise en question de sonmonopole par le développement de l’éducationpermanente : « l’école n’est plus considéréecomme le seul lieu d’enseignement et ne peutplus prétendre assumer seule les fonctionséducatives de la société »8. Ainsi, la notiond’éducation ne se réduit plus au point de vuerestrictif de l’institution scolaire. Elle se « dilate »et s’ouvre aux formes non scolaires. Elleenglobe « tout ce qui tend à provoquer unchangement dans les attitudes et lescomportements des individus, étant donné quepour opérer ce changement, ceux-ci doiventacquérir des connaissances, des compétenceset des attitudes nouvelles. »9

Cet élargissement commande une redéfinitiondu champ de l’éducation. Ainsi trois catégoriessont identifiées pour rendre compte de la

diversité des processus d’éducation. Elles onttoutes trois trait à la forme :

L’éducation formelleLa Classification Internationale Type del’Education (CITE) définit ainsi l’enseignementformel : « Enseignement dispensé dans lesystème des écoles, des collèges, desuniversités et des autres établissementséducatifs formels. Ils constituent normalementune « échelle » continue d’enseignement à pleintemps destiné aux enfants et aux jeunes,commençant, en général entre cinq et sept anset se poursuivant jusqu’à vingt ou vingt-cinqans… »10

Appelée également « scolaire », l’éducationformelle a pour cadre une organisationnationale relevant du domaine de l’Etat. Elle estdispensée dans des institutions dûmentmandatées (écoles), par des professionnels(formés et rémunérés par l’Etat), selon unprocessus pédagogique prédéterminé(objectifs, contenus, méthodes et outils). Lesprincipales caractéristiques de l’éducationformelle sont : l’unicité et la normativité : l’éducation

formelle est prédéfinie dans un cadre législatif,applicable pour tous sur l’ensemble du territoirenational ; la hiérarchisation des enseignements (en

programmes et en cycles) et des entitéséducatives (suivant une organisation verticale) ; la cohérence et la permanence des

enseignements à travers des programmes etdes cycles allant du préscolaire àl’enseignement supérieur ; le paradigme d’une éducation gratuite,

égalitaire, globale et universelle : l’éducationformelle s’adresse à tous les citoyens« scolarisables », elle est censée leur offrir deschances égales de réussite et d’intégrationsociale à travers un enseignement prenant encompte les besoins essentiels d’éducation et deformation.

L’éducation non formelleLa définition généralement acceptée del’éducation non formelle est celle donnée en1973 par Coombs et ses collaborateurs. Elleenglobe « toute activité éducative organisée endehors du système d’éducation formel établi et

1ère partie :hypothèses pour une analyse

globale et critique

7 UNESCO, ED-93/WS/16, 46 pages8 Idem p.99 Idem p.10 10 CITE, 1997, UNESCO, p.41.

destinée à servir des clientèles et à atteindredes objectifs d’instruction identifiables. »11

L’éducation non formelle est ainsi définienégativement par rapport à l’éducation formelle.Elle s’en distinguerait : par sa non-appartenance au système

éducatif officiel : éducation « extra-scolaire » ; par la spécificité du public et des objectifs

visés : « éducation spécialisée ».Elle engloberait donc toutes les initiativesorganisées hors du système éducatif quirépondent aux besoins d’éducation et deformation de groupes spécifiques et qui pourcela mettent en œuvre un ensemble cohérent(programme) d’enseignements-apprentissages.La définition de la CITE permet d’avoir une idéedes différentes formes d’éducation nonformelle : « L’enseignement non formel peutdonc être dispensé tant à l’intérieur qu’àl’extérieur d’établissements éducatifs ets’adresser à des personnes de tout âge. Selonles spécificités du pays concerné, cetenseignement peut englober des programmesd’alphabétisation des adultes, d’éducation debase d’enfants non-scolarisés, d’acquisition decompétences utiles à la vie ordinaire etprofessionnelle, et de culture générale.

Les programmes d’enseignement non formel nesuivent pas nécessairement le systèmed’«échelle» et peuvent être de duréevariable »12.

L’éducation informelleL’éducation informelle désigne pour sa part lespratiques éducatives et formatrices nonstructurées. Elle est indissociable de l’activitésociale, culturelle et économique de chacun.Elle est diffuse, non organisée et permanente.Elle constitue également un « réservoir »d’apprentissages dans lequel peuvent puiser lessystèmes formels et non formels d’éducation.

1.1.2 L’éducation formelle, non formelleet informelle dans le contexte duSénégal

Appliquée au contexte du Sénégal, cettedélimitation du champ éducatif en troiscatégories distinctes prête à discussions. Unepremière confrontation aux réalités éducativessénégalaises permet de dégager quelques axesde réflexion.

1.1.2.1 L’école, seul modèle « formel » ?

L’école formelle n’est pas acceptée par touscomme la « norme » éducative. Comme nous leverrons, l’école sénégalaise, inspirée du modèlefrançais, n’est pas la première formed’institution éducative. Avant elle et jusqu’àprésent, des systèmes éducatifs défendent les

mêmes caractéristiques et prétentions quel’école formelle : celles d’une éducation

normée, universelle ou« universalisable ». La crise profonde

que connaît l’école sénégalaise etl’autorité de l’Etat en général,depuis plus de deux

décennies, participe à cetteremise en question. Plusieursdes personnes rencontrées –dans les écoles coraniques(Daara13) en particulier -considèrent leur systèmeéducatif tout aussi« formel » et efficace que

celui géré par le MEN. Ils refusent de ce faitavec fermeté le catalogage « non formel »14.Ce refus illustre la cohabitation au Sénégal de

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

11 Cité par Ali Hamadache, p.1112 CITE, 1997, UNESCO, p.41.

13 On désignera les écoles coraniques parl’expression wolof « Daara » que nous emploieronstoujours au féminin, même si le masculin s’appliqueégalement à ce mot.14 Voir l’encadré consacré aux Daara de Xelcom,page 51-52.

“L’éducation non formelle apparaît ainsi comme un patchwork”

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal6

Hypothèses pour une analyse globale et critique

modèles et de systèmes éducatifs à vocationuniverselle, exclusifs, engagés dans desrapports frontaux et évoluant de manièreséparée.

1.1.2.2 Une définition par la négative suffit-elle à définir ?

La notion d’éducation non formelle renfermedes entités éducatives très diversifiées, dont lesobjectifs paraissent souvent contradictoires.Cela est particulièrement vrai de leur rapport ausystème formel : certaines d’entre elles sepositionnent comme compléments, d’autrescomme alternatives… D’autres encoreconstruisent leur système éducatif sans seréférer, de près ou de loin, à l’école formelle.L’éducation non formelle apparaît ainsi commeun patchwork dont les parties hétérogènesseraient reliées entre elles par la non-appartenance au monde scolaire.C’est certainement l’inconvénient desdéfinitions qui procèdent par négation :l’éducation non formelle n’a pas de qualitésspécifiques clairement déterminées. Celaexplique peut-être l’émergence de concepts« positifs » pour désigner les initiatives et lesentités éducatives se trouvant hors du champde l’éducation formelle : « éducationalternative », « éducation populaire »,« éducation de base », « éducation globale »…

Dans la perspective d’une définition positive,plusieurs caractéristiques essentielles,communes à la plupart des expériencesd’éducation non formelle peuvent être relevées : des objectifs et des contenus directement

liés aux besoins des apprenants et référencés àleur environnement physique et socioculturel –faisant de l’éducation non formelle un processusendogène et orienté vers la résolution deproblèmes ; des méthodes souples et actives permettant

d’entretenir la dynamique interne au processuset d’engendrer un dilatement et unecomplexification spontanés du champpédagogique.L’éducation non formelle se présente ainsicomme un champ éducatif cohérent, transversalet évolutif. Elle est traversée par un mouvementspiral ascendant – contrastant avec la formepyramidale de l’éducation formelle. Dans sonélan, l’éducation non formelle touche ainsi unemultitude de contenus, de secteurs ; recourt à

diverses stratégies et méthodes. A travers sonmouvement, se construit une approcheholistique de l’éducation, de la société et dudéveloppement.

Nous verrons que cette conception reste engrande partie « idéale ». Elle peut jouer un rôlede paradigme pour certaines expériencesd’éducation non formelle.

1.1.2.3 Quelles sont les limites del’éducation non formelle ?

A partir de la définition donnée plus haut, onpeut tracer des limites théoriques entre les troiscatégories d’éducation. L’éducation formelle selimiterait à l’enseignement de type scolaire,l’éducation non formelle aux autres entitésorganisées d’éducation et de formation(professionnelle, religieuse, socio-éducative,etc.) et l’éducation informelle aux expérienceséducatives fortuites qu’offre l’existence (aveccomme lieu d’apprentissage le quartier, lamaison…).

Dans la pratique, ce traçage théorique se trouvesouvent relativisé :

entre éducation informelle et nonformelle : Dans les ateliers artisanaux que nous avonsvisité par exemple, la majorité des apprentisrencontrés ne se pensaient pas en situationd’apprentissage. Est-ce à dire que la formationproposée dans ces ateliers relève de l’éducationinformelle ? Il existe pourtant bien des objectifspédagogiques, une pédagogie, des tempsd’évaluation dans ces ateliers. En rappelant qu’ily a dans tout processus éducatif une partd’«informel » qui échappe à la programmation,nous pourrions convenir que ces ateliersartisanaux font partie des formes « les plusinformelles » d’éducation non formelle.A contrario, certaines entités mettent en œuvredes programmes éducatifs d’une granderigueur, se rapprochant ou dépassant le degréd’élaboration et de coercition des programmesformels. Il s’agirait alors des formes « les plusformelles » d’éducation non formelle.

entre éducation non formelle etformelle : Sans parler de la part informelle qui intervientnécessairement dans les relations

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

pédagogiques en milieu scolaire, certainesécoles servent de cadre à desactivités éducatives dont lesobjectifs et les contenus diffèrentdu programme officiel. Ne s’agit-ilpas d’incursion du «non-formel»dans le «formel» ?C’est particulièrement le cas auSénégal où des efforts ont étéaccomplis pour ouvrir davantagel’institution scolaire à sonenvironnement direct15.Depuis le début des années 1990,l’Etat est également de plus en plusprésent et actif dans le secteur del’éducation non formelle. A traverscertaines formes éducatives (écolescommunautaires de base, classesd’alphabétisation fonctionnelle), unepartie de l’éducation non formelletend à s’institutionnaliser.Un des enjeux des années à venir est lerapprochement de ces deux grandes formesd’éducation. Un des objectifs de cette étude estd’identifier les ponts existants entre éducationformelle et non formelle et d’esquisser enconséquence des propositions pour leurrenforcement et leur multiplication. En quelstermes peuvent-elles se nourrir l’une de l’autre ?Pourquoi ne pas arriver à des formes souples etfédérées d’éducation ?La notion de "forme" utilisée pour la définitiondes diverses expériences éducatives estsouvent inutile. Son opérationalité est trèsréduite. On se rend compte dans la réalité que

les différentes "formes" s'interpénètrent et

qu’elles empruntent les caractéristiques desunes ou des autres. Lorsque par contre cettenotion de "forme" donne au type d'éducationqualifié de "formel", une "noblesse" ou unelégitimité que les autres n'ont pas, elle n'estsouvent que la traduction d'une idéologie quivise l’accaparement de cette "res publica" qu'estl'éducation (le monopole de la définition et de lagestion des ressources éducatives - le marchédu savoir - étant détenu par un groupe seréclamant de l'Etat et qui, sociologiquement,correspond à une classe sociale ayant sesintérêts propres).

15 Avec par exemple, les cellules école-milieu, desprogrammes d’éducation environnementale enmilieu scolaire (programme de formation etd’information sur l’environnement (PFIE), projet « unespoir dans le désert » - Enda, Croix RougeSénégalaise).

L’éducation, unequestion de forme ?

1.2 Evolution historique du secteuréducatif au Sénégal

L’évolution historique du Sénégal est marquéepar une succession d’organisations sociales etde systèmes de valeurs différents, tantôtdominants, tantôt dominés, finissant à terme parcoexister pacifiquement. Un bref détour parl’histoire permet de mieux comprendrel’émergence et l’évolution des différentssystèmes éducatifs qui se sont développés auSénégal.

1.2.1 Les systèmes éducatifs de lapériode précoloniale

Durant la période précoloniale, la plupart desgroupes culturels occupant l’espacesénégambien étaient organisés suivant deuxtypes de stratification qui souvent cohabitaient :le système des castes se traduisant par unedivision sociale du travail et celui des ordres liéau pouvoir monarchique16. Si les formeséducatives relatives au second type destratification ont disparu, ce n’est pas le cas dupremier. La période précoloniale est égalementmarquée à partir du XIème siècle par l’influencegrandissante de l’Islam au nord puis au centredu Sénégal.

1.2.1.1 Le système des castes et les formeséducatives qui lui sont liées

La stratification de la société en castes estl’organisation dominante dans l’espace sahélienprécolonial17. Elle est définie par AbdoulayeBara Diop18 comme un ensemble de « groupescaractérisés par l’hérédité, l’endogamie, laprofession et hiérarchiquement ordonnés, qui

entretiennent des relations d’interdépendance »19.Dans la société wolof20, cette stratification setraduit par une division sociale du travail autourdu binôme Geer (groupe supérieur, pratiquantexclusivement l’agriculture) / Nyenyo (groupeinférieur composé de sous-castes, spécialiséesdans les métiers artisanaux).Pour garantir sa reproduction, cetteorganisation sociale spécifique établit deuxsystèmes éducatifs complémentaires : la formation professionnelle individualisée

permettant une transmission filiale desconnaissances, des compétences et desaptitudes liées au statut social et professionnel ; l’initiation collective21 aux valeurs sociales

et culturelles à travers des entités éducativesspécifiques fondées sur la classe d’âge et ladivision sexuelle.Une des caractéristiques de ce typed’organisation sociale est de se référerexclusivement au statut socioprofessionnel.Cela garantit une certaine indépendance vis àvis du pouvoir politique et donc unereproduction spontanée de l’organisation.Même si avec l’urbanisation de ces trentedernières années, d’autres catégories et formesd’organisation socioprofessionnelle22 sontapparues remettant en cause les fondementsde la stratification sous forme de castes, cesystème et les formes éducatives qui lui sont

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal8

Hypothèses pour une analyse globale et critique

16 Pour en savoir plus, se reporter aux ouvragessuivants : Abdoulaye Bara Diop : « La sociétéwolof », Majhmout Diop : « Histoire des classessociales en Afrique occidentale », Pathé Diagne :« Pouvoir politique traditionnel en Afrique del’Ouest », Boubacar Barry : « Le royaume du Walo.Le Sénégal avant la conquête ».17 Au Sénégal, seuls certains groupes serer (régionde Joal Fadiouth) et joola connaissent uneorganisation sociale horizontale.18 Sociologue, professeur à l’Université Cheikh AntaDiop, auteur de nombreux travaux sur la sociétéwolof.19 Diop, Abdoulaye Bara – La société wolof. Traditionet changement – Karthala, Paris, 1981, p. 34.

20 Groupe culturel majoritaire au Sénégal.21 Cette forme d’éducation existait également ausein des sociétés horizontales précitées.22 L’industrialisation et les transformationssocioéconomiques qu’elle implique ont profondémentaffecté le système des castes : « On constate laréduction, la disparition même de branchesartisanales devant le développement de l’industrie. Iln’y a plus de tisserands wolof, aussi bien en milieurural qu’en ville ; les cordonniers sont sérieusementmenacés jusque dans la fabrication des chaussurestraditionnelles, dont les modèles (babouches,sandales), repris et améliorés par les manufactures,sont vendus sur les marchés ruraux. Les forgeronsqui résistaient le mieux sont touchés, eux aussi, parla mécanisation de l’agriculture pour laquelle ilstravaillent principalement. La plupart des artisanstraditionnels sont obligés soit de se limiter auxcultures soit de se reconvertir à d’autres activités,souvent en émigrant dans les centres semi-urbainsou urbains. » in La société wolof. Tradition etchangement – Karthala, Paris, 1981, p. 100.23 Une étude récente d’Enda tiers monde montre parexemple qu’environ 30 % des musiciens dakarois ontpour origine sociale la sous-caste des gewel (griots) –« En avant la musique ! », Dakar, Enda, 2000.

liées23, se sont partiellement maintenus.

1.2.1.2 L’émergence des écoles coraniqueset la conquête coloniale

Dès les premières heures de l’introduction del’Islam au Sénégal (royaume du Tekrur à partirdu XIème siècle), les nouveaux convertis ontappris le Coran, les pratiques culturelles etcultuelles liées à la religion musulmane. Cetenseignement fut d’abord mutualiste, d’unmarabout à un groupe de néo-musulmans –expliquant la progression assez lente de l’Islamau Sénégal jusqu’au XVIIème siècle –, avantd’être formalisé par des écoles coraniques ouDaara (écoles de Pire en 1603 et de Kokki vers1700).L’Islam connut son véritable développement auSénégal à partir du XIXème siècle avecl’apparition de plusieurs confréries religieuses.C’est également à cette période que ladomination française s’affirma24 et que lapremière école de type occidentale fut fondée. A l’époque coloniale, l’éducation « se limitait àl’instruction -qui selon Albert Sarrault(gouverneur français au Sénégal)- devaitaméliorer la valeur de la production »25.D’autres écoles pour filles sont fondées par laMère Anne Marie Javouhey à Saint Louis et àGorée. Leur principale orientation estl’éducation religieuse catholique. La conquête coloniale fût très âpre. Elle dura undemi-siècle, rencontrant de multiples foyers derésistance. Mais l’opposition militaire26 finit pars’estomper et totalement disparaître. Ladomination s’étendit vers l’Est et permit de

fonder en 1895 l’Afrique occidentale française(AOF). Faidherbe, le principal artisan de cettemainmise française sur l’Afrique de l’Ouestlança, pour consolider cette pacification sidurement obtenue, une vaste politiqued’endoctrinement. Il créa pour ce faire l’Ecoledes Otages destinée aux fils des chefstraditionnels ouest-africains. La résistanceidéologique s’organisa alors autour de deuxleaders religieux musulmans El Hadj Malick Sy,guide spirituel de la Tidianiyya et CheikhAhmadou Bamba Mbacké, fondateur de laMouriddiya.

1.2.2 La période coloniale marquée par laconfrontation entre l’école française etl’école coranique

La forte implantation des écoles coraniques futperçue par l’autorité coloniale comme uneentrave à l’implantation et à l’expansion del’école française27. C’est pourquoi elles furentcombattues ouvertement et furent l’objet deplusieurs mesures visant à les limiter et à lescontrôler : le 22 juin 1857, le Gouverneur Faidherbe,

par arrêté, soumettait l’ouverture des écolescoraniques à une autorisation préalable délivréepar lui-même, avec des conditionsastreignantes, pour les maîtres et lerecrutement des élèves ; le 9 mars 1896, un autre arrêté renforçait le

contrôle des écoles coraniques par uneréglementation de leurs conditions d’ouverture,de leur fonctionnement et des sanctions qu’ellesencouraient. Dans l’article 10 de l’arrêté, il étaitprécisé que les maîtres devaient exiger de leurstalibé pour leur admission un certificat prouvantqu’ils suivaient parallèlement les cours d’une

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal9

Hypothèses pour une analyse globale et critique

24 Du XVème au début du XIXème siècle, plusieurspuissances européennes (portugais, anglais,hollandais et français) se disputèrent les comptoirscommerciaux du Sénégal. Cette concurrence prit finavec le traité de Paris, signé le 30 mai 1814. Iloctroyait à la France les villes de Saint Louis, Goréeet Rufisque. C’est à partir de ce traité que la Francedécida, sous l’impulsion de Faidherbe, d’étendre sespossessions au Sénégal puis à l’Afrique occidentale. 25 étude CADTM26 Les figures les plus célèbres de la résistance à laconquête française sont El Hadj Omar Tall (leaderreligieux et politique, fondateur de la Tidianiyya auSénégal, qui s’opposa durant six ans à laprogression française à l’Est du Sénégal) et Lat Dior(damel du Cayor, qui après avoir été chassé de sontrône par les Français, le reprit en 1878 et sedéfendit sans relâche jusqu’à la bataille de Dékheléen 1886 au cours de laquelle il fut tué).

27 Comme le constate le Dr Mamadou Ndiaye:« cen’est pas seulement l’arabe en tant que langue quipréoccupait le pouvoir colonial, mais aussi, etsurtout, en sa qualité de langue véhiculant unereligion, l’Islam, qui a sa propre manière deconcevoir la société, ses obligations et sesinterdictions ; et qui a aussi mis sur pied le statut desnon-musulmans notamment les gens du livre. Ilfallait donc lutter autant pour réduire le nombre desécoles coraniques du Sénégal, que pour limiterl’expansion de l’Islam, défavoriser son impact sur lasociété sénégalaise ». C’est ce que confirmed’ailleurs en 1924 le Gouverneur Général Carde endisant dans une circulaire que « l’école joue un rôleéducatif, et dans cet ordre d’idées, politique etéducation se confondent ».

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal10

Hypothèses pour une analyse globale et critique

école française.Cette guerre idéologique ouverte entre lepouvoir colonial et les leaders religieuxmusulmans tourna progressivement àl’avantage du premier. Pour briser les réticencesdes « indigènes » hostiles à l’école française28,l’administration mit en œuvre des stratégiesplus « douces » : introduction de la languearabe comme matière d’enseignement à l’écolefrançaise, en 1886 pour le secondaire et en1893 pour le primaire, organisation de pôled’attraction (Medersa à Saint-Louis, écolefranco-mouride de Diourbel, Daara de Malika).Cependant, cette tendance n’infléchissait enrien la pression qu’exerçait l’administrationcoloniale sur les écoles coraniques et sur l’Islamen général, considérée comme force derésistance culturelle29.Le début des années 1920 marqua le succès dupouvoir colonial dans son entreprise. Celle-ci futfacilitée par la fonction de promotion sociale etde reproduction des élites locales que jouaitl’école française. Dès lors, l’ouverture desécoles coraniques ne fut plus soumise auxmultiples et contraignantes conditions passées.L’enseignement coranique se diversifia, à partirdes années 1950, avec l’émergence d’unnouveau type d’entité éducative, celui desécoles arabes. Celles-ci adoptaient des aspectsdu modèle dominant : tables-bancs, tableauxnoirs, récréation. Le programmed’enseignement en vigueur dans les écolescoraniques subit des modifications tant auniveau des méthodes que celui des contenus.On peut retenir de cette confrontation quel’école française, dont la principale fonction étaitde servir les intérêts de la colonie, ne s’estjamais ouverte aux réalités sociales et

culturelles du Sénégal. Engagée dans unelogique de confrontation, elle est restée ainsitotalement déconnectée. Jamais elle n’a eurecours aux cultures locales et aux médiumsfondamentaux que constituaient les languesnationales30. Cet héritage idéologique amalheureusement continué à peser sur l’écolesénégalaise postcoloniale.

1.2.3 De l’école de l’indépendance auxétats généraux de l’éducation31

Dès son accession à la souveraineté nationale,le Sénégal a affirmé la laïcité de son Etat et deson système éducatif32. La priorité est donnée à

28 Cette dimension est le thème central de l’œuvrede Cheikh Hamidou Kane, « L’Aventure ambiguë ».Les propos de la Grande Royale traduisent toutl’embarras des Diallobé face à l’école française :« L’école où je pousse nos enfants tuera en eux cequ’aujourd’hui nous aimons et conservons avecsoin, à juste titre. Peut-être notre souvenir lui-mêmemourra-t-il en eux. Quand ils nous reviendront del’école, il en est qui ne nous reconnaîtrons pas. Ceque je propose c’est que nous acceptions de mouriren nos enfants et que les étrangers qui nous ontdéfaits prennent en eux toute la place que nousaurons laissée libre. » in L’Aventure ambiguë –Edition 10/18, Paris, juillet 1961, p. 5729 Une des illustrations de cette politique derépression fut la déportation de Cheikh AhmadouBamba Mbacké au Gabon.

30 Notons cependant que la première écolefrançaise fût une belle exception à cette règle. Sontdonnés une idée précise des fondements et desenjeux idéologiques et politiques qui, deux sièclesplus tard, paralysent encore l’école sénégalaise.Cette école est créée par Jean Dard à Saint Louis en1817. Jean Dard voulait introduire l'enseignement enlangue nationale comme propédeutique àl'apprentissage du français. Il s'était en effet renducompte des difficultés énormes à enseigner unelangue étrangère en oblitérant complètementl’environnement culturel et en particulier langagier.Les "notables" de Saint Louis eux avaient des visées"assimilationnistes" et exigeaient d'avoir pour leursenfants le même programme que celui des écolesfrançaises. La maîtrise de la langue française et des"manières" occidentales assuraient en effet uneproximité avec le pouvoir colonial et les milieuxd'affaires, ce qui renforçait leur posture politique entant que groupe intermédiaire et nouvellebourgeoisie locale. Dans son ouvrage consacrée àl’alphabétisation au Sénégal, Manuel Prinz présenteles méthodes avant-gardistes de Jean Dard(enseignement mutuel inspirée des anglais Bell etLancaster), leur portée pédagogique et politique. Lefondateur de la première école française au Sénégals’était trompé d’époque. Les mots de Giudicelli à sonsujet sont aujourd’hui insoutenables d’ignorance :« La seconde cause de cette désertion, c’est que lesieur Dard, pour s’instruire lui-même de la langue dupays (jargon informe), au lieu de la langue française,fait apprendre et continuellement parler ouolof à sesélèves». Dès le début, ce sont les perspectivespolitiques – au sens large – qui ont présidé aussibien à l’implantation qu’à l’acceptation ou au refus del’école publique. Il est dommage que l’expérience deJean dard n’est jamais été revisitée.31 Pour cette partie, notre principale référence estl’étude réalisée par le Comité d’Annulation de laDette du Tiers Monde : « Une éducation sousajustement II – L’école de la dette. L’exemple duSénégal » - , 12 pages.32 Cette notion de laïcité est restée très tolérante visà vis de l’ensemble des confessions.

l’éducation élémentaire avec pour objectifd’atteindre la scolarisation universelle en 1980.De 1961 à 1968, le système formel estrelativement stable33 et les effectifs progressentrapidement (avec une moyenne de 9,9% paran). En mai 1968, l’école sénégalaise est enpremière ligne du mouvement social animé parl’Union Nationale des Travailleurs Sénégalais(UNTS). Elle connaîtra plus d’une décennie degrèves cycliques au cours desquelles lemouvement syndical construira une volonté deréforme du système éducatif : adéquation descontenus à la société réelle, démocratisation del’enseignement, ajustement des bourses et dubudget de l’éducation au coût de la vie. LeSUDES (Syndicat Unique et Démocratique desEnseignants du Sénégal) et le gouvernementsénégalais de l’époque s’engagent dans unbras de fer qui débouche en 1979-1980 sur unedes plus graves crises qu’ait connue l’écolesénégalaise34. Celle-ci prend fin avec le départdu Président Senghor et la convocation par sonsuccesseur Abdou Diouf35, des Etats Généraux

de l’Education et de la Formation (EGEF).Tenus fin 1981, les EGEF réunissent toutes lescomposantes du pays. Ils permettent uneévaluation du système éducatif et la définitiondu profil de l’école nouvelle. Les conclusions del’EGEF peuvent être résumées en 4 pointsessentiels : la ré-appropriation sociale de l’école à

travers le paradigme d’une société auto-centrée, juste et démocratique, se traduisantpar un enseignement polyvalent etpolytechnique obligatoire de 10 ans basé sur ledécloisonnement élémentaire/ secondaire,école/production, débouchant sur la formationprofessionnelle et l’éducation supérieure ;

l’affirmation d’une éducation reflétant ladiversité culturelle et sociale du Sénégal etl’ouverture sur le monde par l’intégration deslangues nationales comme support deformation, et l’étude des civilisations africaineset des autres continents ;

l’orientation de l’enseignement supérieurvers le développement national, et la promotionscientifique et technique ;

l’augmentation en conséquence desdépenses allouées à l’éducation, la conceptiond’un plan de financement de soutien à laréforme (évalué à 600 milliards de fcfa) et lamise en place d’un fonds national de l’éducationalimenté par la fiscalité, les contributions del’Etat et des entreprises, la production de bienset de services par les nouvelles entitésscolaires.

1.2.4 La seconde crise du systèmeformel : « l’école de la dette »36

Ce projet concerté d’école nouvelle sénégalaisene survivra cependant pas aux plansd’ajustement structurel, dictés dès le début desannées 1980, par les institutions de BrettonWoods. La récession économique et le fortendettement de l’Etat sénégalais obligent uneréduction maximale des dépenses et la mise en

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal11

Hypothèses pour une analyse globale et critique

L’enseignement arabo-islamique a ainsi été promupar l’Etat sénégalais, dès les premières heures deson indépendance. Cette politique s’est traduite auplan interne par l’introduction de l’enseignement dela langue arabe dans le cycle primaire et par lacréation du collège franco-arabe. Au plan externe,elle a permis l’envoi d’élèves boursiers dans les paysarabes pour leur formation pédagogique. Les EtatsGénéraux de l’Education et de la Formation tenusen 1982 ont permis aux autorités religieusesprésentes d’exprimer la nécessité d’introduirel’enseignement religieux dans le système éducatif etd’accorder à la langue arabe une plus grandeimportance. Lors de ces assises, la commission n°2chargée de la « politique générale de l’Education »,a fini par donner à l’arabe le statut de langueétrangère vivante. En ce qui concernel’enseignement religieux, la commission a affirmé lanécessité de lui faire une place dans le nouveausystème éducatif conformément aux principesarrêtés par les Etats Généraux.33 Plusieurs facteurs peuvent expliquer cettestabilité et cette progression. Elles sont liéesprincipalement à une croissance annuelle régulièredu PNB, à la part importante du PNB allouée àl’éducation (2,4%), à une politique de soutien desélèves et étudiants (bourses, internat, demi-pension,…), à une adéquation relative entreformation et emploi,…34 Grève générale, boycott des examens, rétentionde notes, manifestations, etc… et répression dupouvoir (coupures de salaire, suspension,mutation,….)35 Abdou Diouf trouve à son arrivée au pouvoir une

situation de crispation sociale ingérable qui secristallise autour de la contestation du PartiSocialiste (parti unique devenu majoritaire) et de lacrise scolaire. Il cède à ces revendications enproposant la légalisation des partis (ouverturedémocratique qui restera jusqu’à son départ en 2000très contrôlée) et la tenue des Etats Généraux del’Education et de la Formation qui ne seront jamaissuivis d’effets.36 Cette expression est empruntée au CADTM.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal12

Hypothèses pour une analyse globale et critique

œuvre de stratégies d’une grande austérité :les acquis sociaux des élèves (internat,

demi-pension) disparaissent ;le caractère sélectif du système éducatif

est maintenu et renforcé37 ;de nouveaux types de classe font leur

apparition pour maximiser les ressources :dans les zones péri-urbaines et urbaines àforte concentration humaine, la classe à doubleflux où un enseignant s’occupe par alternancede 2 groupes d’élèves ; dans les zones rurales,la classe multigrade où un enseignant a soussa responsabilité plusieurs niveaux ;

les subventions destinées au cyclemoyen, secondaire et universitaire diminuent,avec en contrepartie l’augmentation des fraisd’inscription pour les élèves et les étudiants38 ;

les salaires des enseignants sont gelés,de nouvelles catégories sous-rémunérées sontinstituées et encouragées (vacataires,volontaires de l’éducation à partir de 199539).

Cette politique au rabais plonge le systèmeformel dans une crise sans précédent, setraduisant par un cycle prolongé de grèvesscolaires et universitaires (avec comme pointsculminants, l’année blanche de 1988 et l’année

universitaire invalidée de 199340).

Cette crise est aggravée par l'orientation"théorique" de l'école sénégalaise. Mis à partquelques écoles de formation professionnelle,la connexion entre l'école et le monde du travailn'est pas effective.

Une insertion professionnelle aléatoire, descursus longs (16 ans pour une maîtrise, 14 anspour un diplôme de technicien supérieur), unesélection forte et soutenue (de l’écoleélémentaire à l’université), ainsi que des risquesde perturbation (grèves, année blanche), toutcela décourage le plus grand nombre desélèves et des étudiants. La crise desmotivations ne fait que confirmer et aggraver lacrise du système scolaire et exclure les pluspauvres.

En réponse à cette situation, le gouvernementsénégalais élabore en 1998/1999 unprogramme décennal de l’éducation et de laformation, avec pour objectif principal lascolarisation universelle en 2010. Ce programme soutenu par les principauxpartenaires de coopération bilatérale etmultilatérale reconduit les stratégies initiées lorsdes plans d’ajustement structurel(généralisation du recrutement de « volontaires

0 20 000 40 000 60 000 80 000 100 000 120 000

Dakar

Ziguinchor

Diourbel

Saint-Louis

Tambacounda

Kaolack

Thies

Louga

Fatick

Kolda

Effectif des classes à double fluxpar région et par sexe en 1996/97

garçons

filles

41 Point 5.3 du PDEF « recrutement et affectationdes maîtres ». Répartition des 2 000 enseignantsrecrutés par an : 1200 volontaires, 700 instituteursordinaires ou contractuels, 100 par les écolesprivées ou municipales.

37 En 1996, les taux de réussite aux examens etconcours de passage étaient en fin de cycleélémentaire de 25 %, au terme du cycle moyen de 50% et de 42,79% pour le baccalauréat – à celas’ajoutent les taux d’abandon qui affectent les troiscycles (sources MEN Sénégal) ; en 1996, le nombred’étudiants pour 10 000 habitants était de 255 auSénégal – contre 1 454 pour l’Egypte, 481 pour leCongo, 58 pour le Niger (données Unesco, rapportmondiale de l’éducation 2000, p. 160).38 D’après le CADTM, « La logique de privatisationtotale de l’enseignement supérieur constitue le filconducteur des propositions de réformes élaboréespar la Banque Mondiale » ; concernantl’enseignement élémentaire, l’objectif serait dereproduire « la vieille école de Jules Ferry : savoirlire, compter, écrire et calculer, ce qui permet deréduire les dépenses publiques d’enseignement »,p.6, op cit.39 Les volontaires de l’éducation perçoivent uneindemnité égale au tiers de celle des enseignantstitulaires.40 Ces deux années coïncident avec la réélectioncontestée du candidat du Parti Socialiste à la tête del’Etat. Il serait intéressant de confronter leséconomies réalisées par les plans d’ajustementstructurel au coût réel de ces deux années (desdizaines de milliers d’élèves et d’étudiants setrouvant contraints de mettre un terme à leurformation).

Graphique 1 : effectifs des classes à double-flux par région et par sexe en 1996/97

contractuels »41 et des classes multigrades et àdouble flux42). Début 2001, alors quel’application du PDEF commence timidement,trois syndicats - l’UDEN (union démocratiquedes enseignants), le SUDES et le SYPROS(Syndicat des Professeurs du Sénégal) -contestent certaines dispositions du PDEF et

menacent de faire grève. L’intersyndicaledénonce en particulier la tendance à laprivatisation (qui devrait toucher plusparticulièrement l’enseignement supérieur etmarginaliser davantage les plus démunis) et lagénéralisation du volontariat43.

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

Quelques interrogations sur les principes directeurs du PDEF

Vu les caractéristiques et l’évolution du secteur éducatif au Sénégal, les principes qui servent de soubassement auPDEF peuvent soulever quelques interrogations :

1. la libéralisation de l’offre éducativeL’objectif visé est la multiplication des structures éducatives autonomes (de type privé ou associatif). Même si leurgestion et leur mode de fonctionnement n’intéressent pas directement l’Etat, elles doivent se conformer auxdifférentes législations qui régissent le système formel.Quelles garanties pour que la libéralisation ne se traduise pas à terme, par la démission de l’Etat ? Ces nouvellesstructures éducatives recevront-elles des subventions de l’Etat ? La généralisation de l’offre privée ne risque-t-ellepas d’amener une contradiction avec le principe directeur 4 « éducation de qualité pour tous » ?

2. une participation et un partenariat efficace et bien coordonnéDans le prolongement du premier principe directeur, il s’agit ici de mettre en cohérence et en synergie les différentesinitiatives éducatives qui vont naître de la libéralisation. En quoi résidera l’efficacité et la bonne coordination du partenariat ? Des rapports équilibrés entre l’Etat et desorganisations associatives ou privées fortes, ou bien l’exercice de l’autorité publique sur des initiatives faibles etéparpillées ?

3. la décentralisation et la déconcentration renforcéeLe PDEF a pour cadre et principe directeur la décentralisation, l’éducation faisant partie des pouvoirs transférés auxcollectivités locales.Pour que la décentralisation devienne effective, certaines conditions doivent cependant être réunies : autonomieréelle de décision et de mise en oeuvre, ressources matérielles, financières et humaines suffisantes, expertiselocale, gestion transparente.

4. une éducation de qualité pour tous (égalité et équité)Sans conteste, il s’agit d’un des principaux objectifs du PDEF. Certaines pistes à approfondir figurent dans ledocument de référence : discrimination positive (selon quels critères précis ?), prise en compte de la dimensiongenre, diversification des programmes…

5. l’atteinte par tous des normes de performance les plus élevées (qualité)La nouvelle école sénégalaise est ambitieuse. Elle souhaite, entres autres améliorer la qualité des normes deperformance. Cela passe forcément par d’autres contenus et méthodes, adaptés aux apprenants :« enseignements-apprentissages et recherche-action efficaces », mais aussi un renforcement des programmes,des compétences, de l’évaluation, etc…Ce principe directeur ouvre la perspective d’une réforme profonde du système d’éducation et de formation(programmes, méthode d’enseignement) au Sénégal. Il subsiste une question préalable et incontournable : quelstypes d’éducation et de formation ? Pour quels objectifs ?

6. la gestion transparente et efficaceSelon le document de référence, seul l’Etat par sa « chaîne hiérarchique » peut assurer la transparence etl’efficacité de la gestion. N’est-ce pas retomber dans les pièges que le PDEF comptait déjouer ?

42 Point 5.2 du PDEF « rentabilisation des locaux etdu personnel » : Renforcement du double-flux et dumultigrade dans les régions aux effectifs « réduits »(pour atteindre le ratio « normalisé » de 55élève/enseignant par cohorte – soit 110 apprenantspour un enseignant) et connaissant peu ces modesde fonctionnement (pour arriver à 30 % des classes).

43 « Les dispositions du PDEF institutionnalisent levolontariat et précarisent la fonction enseignante »déclare à l’AFP Mamadou Diop castro, secrétairegénérale de l’UDEN. De son côté, la BanqueMondiale, par un de ses experts Adrien Wespoor,estime que « la politique du volontariat marche trèsbien » – dépêche AFP du vendredi 23 février 2001.

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

1.2.5 Le développement de l’éducationnon-formelle

1.2.5.1 Des formes éducatives marginalisées

La crise que traverse le système formel depuis1968 a servi de terreau à d’autres initiativeséducatives qui, de leur première positionmarginale, s’affirment de plus en plus comme desalternatives aux limites rencontrées par l’éducationformelle.A l’initiative d’une société civile naissante,certaines expériences d’éducation nonformelle ont débuté dès les années 1970 enréaction à la première crise du systèmeéducatif sénégalais. A ces formes s’ajoutentles systèmes d’éducation et de formationrattachés aux confréries musulmanes et auxdifférentes organisations socioculturelles duSénégal. Malgré la domination de l’écoleformelle, ces formes éducatives se sontmaintenues. La formation liée au systèmedes castes et les systèmes collectifsd’initiation traditionnelle ont toutefois étégrandement fragilisés par la déstructurationsocioculturelle, conséquence d’une forteurbanisation. En ce qui concerne l’éducationcoranique, la tendance est au renouveau.Les confréries musulmanes (la Mouridiyyaen particulier) ont connu depuisl’indépendance du Sénégal une forteexpansion. Comme le montre l’expérience deXelcom44, celle-ci s’est traduite par lamultiplication des Daara, la diversification et lerenforcement de leurs apprentissages.

1.2.5.2 L’éducation non formelle pour sortirde l’impasse du formel ?

Jusqu’à la fin des années 1980, les expériencesd’éducation hors du système formel restentlimitées. Peu ou pas reconnues, elless’engagent le plus souvent dans desexpérimentations à travers des projets« micro », circonscrits à un « site », à un« groupe-cible » et à une durée d’exécution45.Suite au recensement de 1988 qui révèle que68,9% des sénégalais sont analphabètes et auxengagements pris lors de la conférence deJomtien, le contexte national et internationaldevient plus favorable à un développement des

expériences d’éducation non formelle. Lesplans d’ajustement structurel ont poussé lesystème formel dans l’impasse. Même siquelques espoirs persistent, il ne peut à lui seul- parce que trop rigide et coûteux – absorberl’ensemble de la demande éducative. En plus, lesystème formel n’est pas conçu pour répondre àl’ensemble des objectifs d’éducation pour tous.Ceux-ci impliquent une ouverture de l’offreéducative aux jeunes et aux adultes pour laplupart analphabètes.

Une série de concertations - réunissant lesautorités administratives et politiques, lesorganismes internationaux d’appui et definancement, les ONG et les associations - alieu de 1991 à 1996 : cadre d’action pourl’éducation pour tous au Sénégal en juin 1991 àSaly Portudal, colloque de Kolda surl’alphabétisation, colloque de Saint Louis en1996. Ces rencontres débouchent surl’élaboration de plans d’actions dont la mise enœuvre est confiée au Ministère délégué chargéde l’Education de Base et des LanguesNationales.Cette politique d’ouverture et de concertationprend une forme stable par la création d’uncomité national d’élimination del’analphabétisme (CNEA), représenté au niveaulocal et devant impliquer toutes les

44 Voir point 2.1.10.45 Cette approche « projet » emprunte le plus souvent

au vocabulaire militaire : cible, stratégie, impact, … Onpeut se demander maintenant quels ont été lesrésultats et la portée de ces opérations « coup depoing » ou « commando ».

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

composantes de la société civile.Volonté politique de promouvoir d’autresexpériences éducatives ou réorientationstratégique éphémère ? L’Etat sénégalaissoutient toutes les initiatives qui touchent àl’éducation de base non formelle : soit enfacilitant leur reconnaissance légale, soit en lesresponsabilisant à travers des programmesnationaux d’appui à l’éducation non formelle.

1.2.5.3 Une évolution favorable ducontexte socio-politique

Le développement des initiatives nonformelles est également facilité parl’évolution du contexte socio-politiquenational marqué par :

Une contestation de plus en plus fortedu système de Parti Etat qui domine leSénégal depuis son indépendance et desmodèles qui lui sont liés (fonctionnariat,centralisme, clientélisme financier etpolitique, monolithisme idéologique – dontl’école formelle est l’un des outils) – celle-ci aabouti en mars 2000 à la première alternancepolitique au Sénégal ;

Un processus de décentralisation, qui semet difficilement en place à partir de 1993 etimplique à moyen terme pour les collectivitéslocales de nouvelles responsabilités (dont laprise en charge de l’éducation de base) ;

Une société civile de plus en plusexpérimentée et organisée dont le rôle decomplément de l’Etat dans les secteurs sociauxest devenu incontestable et indispensable.

La période, durant laquelle s’est déroulée laprésente étude, a confirmée ces tendances.Elle a été marquée en particulier par deuxévènements majeurs, bases possibles d’uneréforme profonde et concertée du secteur del’éducation :

la constitution d’une coalition nationale de lasociété civile pour l’EPT au Sénégal (avril 2001)répondant à une des recommandations duséminaire de Bamako (novembre-décembre200) et regroupant les principales ONG etOSC46 actives dans le domaine de l’éducationet de la formation ; l’élaboration et la validation d’un Plan

National d’Action pour l’Education Pour Tous(avril 2001), complétant le PDEF sur la base du

Cadre d’Action du Forum Mondial surl’Education Pour Tous de Dakar47.Cette évolution historique complexe dessystèmes d’éducation au Sénégal explique engrande partie la diversité des expériencesd’éducation non formelle. Elle permetégalement de percevoir le rôle ambigu defacilitation/appropriation joué par l’Etat et lesenjeux qui se trament derrière cepositionnement. Cette implication croissantedans l’éducation non formelle signifie-t-elle lapoursuite du monopole de l’éducation parl’Etat ? En quoi l’éducation non formelle mise enœuvre par l’Etat n’est-elle pas« institutionnalisée » ? Quelle différence alorsavec l’éducation formelle ? Une différence destatut ? de projet ? de niveau ?

46 Organisation de la Société Civile47 On pourra regretter que l’élaboration de cePNA/EPT est surtou été un travail d’expert et que laSociété Civile y ait été que trop peu associée.

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

1.3 Analyse et évaluation del’éducation non formelle auSénégal

Durant la décennie 1990-2000, l’éducation nonformelle s’est développée tous azimuts auSénégal. Quelles sont les principalescaractéristiques de ce secteur de l’éducation ?Qui en sont les acteurs ? Quels sont lesobjectifs, les contenus et les méthodes mis enoeuvre? Dans quels domaines s’est-ilparticulièrement développé ?

1.3.1 Un cadre institutionnelcomplexe et déséquilibré

1.3.1.1 Typologie des principaux acteurs del’éducation non formelle

L’éducation non formelle se développe auSénégal dans un cadre institutionnel complexeet éclaté. Les structures qui le composent, sontde taille et de niveau organisationnel trèsdifférents. Une première typologie peut êtreproposée en fonction de ces deux critères :

les structures localesDisposant de moyens matériels et financierstrès réduits, ces entités privées ou associativesse spécialisent dans un domaine d’activité. Leur champ d’intervention se réduit le plussouvent à un quartier ou à un village :

les ateliers artisanaux relevant del’économie populaire : sous la responsabilitéd’un « patron », les enfants et jeunesdéscolarisés ou non-scolarisés peuvent yapprendre un métier ; la formation proposée estessentiellement « informelle » et pratique, lesapprentissages étant mêlés aux activités deproduction ;

les associations de développement dequartier et les associations sportives etculturelles : implantées dans la grande majoritédes quartiers urbains et des communes rurales,ces associations de petite taille développent desactivités d’éducation non formelle en fonction dela demande locale, des moyens à disposition etdes partenariats avec des structures d’appui ;

les Daara ou école coranique : leur taille etleur niveau d’organisation n’est pas uniforme ;en milieu urbain elles sont en général peustructurées et de taille réduite ; alors qu’enmilieu rural, elles accueillent des dizaines demilliers d’apprenants et font preuve d’une

grande cohérence organisationnelle etpédagogique.

les ONG nationales ou régionalesLa fin des années 198048 a été marquée parl’émergence de nombreuses structures nongouvernementales à vocation nationale ourégionale. Intervenant dans une ou plusieursrégions du pays, ces entités sont souventappuyées par les agences de coopération, parles organismes internationaux et/ou par l’Etatdans le cadre des programmes nationauxd’alphabétisation – elles interviennent alorscomme « opérateurs ». D’après nos données49,les ONG nationales et régionales intervenantdans le domaine de l’éducation non formelleseraient au moins une centaine.

les ONG internationales Une vingtaine d’ONG internationales développentégalement des programmes d’éducation nonformelle au Sénégal. Apart Enda tiers-monde, ellessont toutes originaires d’Europe ou d’Amérique duNord. Disposant de moyens conséquents, ellesappuient les initiatives locales et les ONGnationales (équipement, formation, renforcementorganisationnel et institutionnel) dansl’expérimentation de formes alternativesd’éducation et de formation.

g pp

0 20 40 60 80 100 120

Service

Appui

Opinion

Financement

48 Selon les données dont nous disposons, lamoyenne d’âge des ONG nationales est de 13 ans.49 Répertoire des ONG et associations intervenantdans l’éducation non formelle au Sénégal constituéà partir des bases de données de la FondationFriedrich Ebert, de la DEPEE-MEN, de la DPE(Développement de la Petite Enfance), d’Enda tiers-monde et de nos recherches propres.

Graphique 2 : type d’intervention des ONG etorganismes d’appui à l’ENF

les agences de coopération bilatéraleset multilatérales Les agences de coopération bilatérales etmultilatérales sont partie prenante dudéveloppement de l’éducation non formelle.Leur participation est avant tout financière. Ellese concrétise par leur soutien aux programmesnationaux coordonnés par l’Etat et auxinitiatives des ONG internationales etnationales. Certaines d’entre elles, parcequ’elles sont spécialisées dans le domaine del’éducation et de la formation (UNICEF,UNESCO) s’investissent également dansl’expérimentation en apportant un appuiméthodologique et technique.

les autorités administratives ettechniques relevant du Ministère del’Education NationaleLa création d’un Ministère délégué et d’uneDivision de l’Alphabétisation et de l’Educationde Base dépendant du Ministère de l’EducationNationale marque la volonté politique departiciper au développement de l’éducation nonformelle et de maîtriser celui-ci par un suivicontinu et rapproché. L’Etat participe, à traversson administration centrale et décentralisée, aufinancement partiel et à la coordination deprogrammes nationaux essentiellement axéssur l’alphabétisation. Il s’agit principalement duPAPA50 (Programme d’Appui aux Plansd’Action en matière d’éducation non formelle –1997-2001) appuyé par l’ACDI, du PAPF (Projetd’Alphabétisation Priorité Femmes) appuyé parla Banque Mondiale, du PADEN (Projetd’Alphabétisation des Elus et Notables locaux –1998/2000) appuyé par la GTZ, du projet AlphaFemmes de la GTZ, du Projet d’Education NonFormelle pour le Développement (PENFD),appuyé par l’UNICEF, du PAIS (Projetd’Alphabétisation Intensive au Sénégal).

1.3.1.2 Les principales caractéristiques ducadre institutionnel

Cette grande diversité structurelle, premièrecaractéristique du cadre institutionnel,constitue-t-elle un « frein » (évolution séparée etdéséquilibrée) ou un « moteur » (richesse etdynamisme) au développement de l’éducation

non formelle ? Une lecture plus approfondie desrelations institutionnelles permet d’avoir uneidée plus précise des acquis et des limitesinstitutionnelles de l’éducation non formelle auSénégal :

une politique gouvernementale ouverteet innovanteUn des acquis institutionnels fondamentauxréside dans les fondements de la politiquegouvernementale en matière d’éducation nonformelle. Plutôt que de reproduire une pâlecopie du système formel, les autoritéssénégalaises ont reconnu que l’éducation nonformelle ne pouvait se développer dans lecarcan du centralisme et du monolithismed’Etat. Elle devait faire l’objet d’un partenariatélargi et permettre l’expérimentationd’approches et de formes éducativesdiversifiées.

C’est à partir de cette volonté d’ouverture etd’innovation que la Direction del’Alphabétisation et de l’Education de Base aconçu la méthode du « faire-faire ». Celle-ciconsiste, dans le cadre des programmesnationaux précités, à responsabiliser lesassociations et les ONG à travers des sous-projets (de 5 à 40 classes d’alphabétisation) surla base d’un contrat (garanties pédagogiques etfinancières) et d’un manuel de procédures.Cette approche « audacieuse »51 s’est révéléeopérationnelle. Elle a permis à la fois lareconnaissance et la valorisation des structuresd’éducation non formelle, et l’instauration d’unepolitique basée sur la confiance et laconcertation - tant au niveau national que local.Il reste que cette approche n’est pas sanslimites. Elle a également participé à la créationd’un « marché du non-formel » avec pourconséquence certaines déviances (créationartificielle de structures, concurrence…). Aussiles expériences, dont certaines sontintéressantes et porteuses, restent-elle enpartie cloisonnées, faute de supports decapitalisation et d’échange. Comme lesoulignait Mamadou Sarr (ENS, EndaCoorcom), la politique gouvernementale devrait

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

50 Ce programme est le plus complet : il touchedifférentes composantes de l’éducation non formelle.

51 Qualificatif utilisé par Anne Sylvain dans sonarticle d’octobre 1998, publié par le MondeDiplomatique : « Une audacieuse politiqueéducative ».

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

« Du formel au non-formel : il n’y a qu’un pas »L’expérience d’Aide et Action / Ecoliers du Monde au Sénégal

Aide et Action / Ecoliers du Monde est une association dont le siège est en France. Elle intervient dans une dizainede pays. Elle est implantée au Sénégal depuis 1988. Elle y emploie 80 personnes (animateurs, alphabétiseurs,communicateurs pédagogues, administrateurs, évaluateurs entre autres spécialistes). Ces activités sont concentréesdans deux zones : PRM (Pikine, Rufisque et Mbour) et la région de Kolda.

Evolution et grandes orientations de la structureA sa naissance, au début des années 1980, les activités d’Aide et Action se limitent à la collecte de fonds pour uneONG anglo-saxonne (Action Aid). A partir de 1985, Aide et Action initie des programmes financés sur fonds propres.Les projets sont surtout centrés sur les infrastructures, les équipements et sur la mise à disposition de matérielpédagogique adéquat. Ainsi, l’association acquiert une solide réputation d’équipementier et de maître d’œuvre dansla construction de classes.Durant la décennie 1990-2000, les activités d’Aide et Action connaissent une première évolution importante.L’association décide de moins construire et de travailler davantage aux aspects qualitatifs. De nos jours, Aide etAction / Ecoliers du Monde a fini de renforcer et de consolider cette orientation. L’association est devenue par lecumul d’expériences, un partenaire reconnu en matière d’élaboration de contenus et d’amélioration de la qualité del’enseignement. Elle apporte un appui important aux IDEN dans l’encadrement et la formation permanente dupersonnel enseignant. Elle met de plus en plus l’accent sur les partenariats pour la production et la diffusion àgrande échelle des innovations pédagogiques.

Contenus et résultats du programme au Sénégal

faciliter l’accès à l’éducationL’objectif majeur à travers cet axe d’intervention estde favoriser l’expression et la prise en charge de la demande éducative. Cela ne saurait se faire sansune action sur les facteurs limitant l’accès àl’éducation d’une part, et en direction des exclus dusystème éducatif d’autre part. Pour mieux cerner laquestion de l’accessibilité de l’éducation, Aide etAction / Ecoliers du Monde a accompagné sonaction d’études sur le coût de l’éducation auSénégal et sur les capacités des familles à faireface aux frais de scolarisation de leurs enfants. Les réalisations concrètes d’Aide et Action /Ecoliers du Monde ont largement participé àrenforcer l’accès à l’éducation dans les deux zonesd’intervention de l’ONG : construction et équipement de 413 salles de classe ; rénovation de 152 autres ; 10 572tables-bancs, réalisations de puits (157), de bassins d’eau (58), de blocs d’hygiène (96) et de bibliothèques (13).

améliorer la qualité de l’enseignement dans le système éducatif formelPour y parvenir, Aide et Action / Ecoliers du Monde s’est fixé un ensemble d’objectifs opérationnels : assurer le bonfonctionnement de l’école, améliorer les performances du système éducatif, revaloriser le métier d’éducateur, ouvrirl’école au milieu, agir au niveau institutionnel régional, assurer de bonnes conditions d’apprentissage.La réalisation de ces objectifs appelle nécessairement une participation effective aussi bien des populations quedes autorités centrales et déconcentrées. Les premières doivent pouvoir s’impliquer davantage et êtreresponsabilisées dans la gestion du système éducatif. Les secondes doivent leur offrir un appui institutionnel etopérationnel pour qu’elles deviennent véritablement partie prenante. Aide et Action / Ecolier du Monde s’estbeaucoup investi pour susciter cet appui. C’est ainsi qu’en collaboration avec les IDEN, elle a initié des activités deformation et de sensibilisation en direction des maîtres, des directeurs et des organisations communautaires poursusciter « une autre façon de gérer l’école en l’ouvrant davantage au milieu »52. A terme, cette nouvelle visiondevrait déboucher sur la réalisation d’un « contrat d’actions éducatives entre l’école et le milieu afin de résoudre demanière efficace et pertinente les problèmes identifiés en rapport avec les missions de l’école53 ». En dehors des acteurs directs du système formel, les acteurs à la « périphérie » du système (parents, coopératives,cellule école-milieu…) sont également des partenaires de l’ONG. Ces derniers ont pu élaborer et mettre en œuvre,avec l’appui d’Aide et Action / Ecoliers du Monde, plusieurs « plans d’action qualité » : cours de soutien, points de

52 Inspecteur Départemental de Rufisque I (collaborateur d’Aide et Action /Ecolier du Monde).53 Rapport d’activité 1999 d’Aide et Action, p. 22, Dakar.

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

vente de fournitures et manuels scolaires (PVFS), projets productifs et générateurs de revenus, centres deressources documentaires.L’amélioration de la qualité de l’enseignement a pour effet et indicateur principal la réduction des échecs scolaires.Dans cette perspective, l’ONG a expérimenté des Centres d’Activités Socio-Educatives (CASE). Les CASEfonctionnent durant les grandes vacances et comportent dans leurs programmes des cours complémentaires enrapport avec les disciplines enseignées durant l’année scolaire. Les CASE font également appel aux compétencesde personnes-ressources extérieures à l’école pour initier les enfants et les jeunes à différentes activités manuelleset culturelles.

diversifier l’offre éducativeCet axe d’intervention concerne les enfants et les jeunes non scolarisés, déscolarisés, ou connaissant desproblèmes sociaux graves. Il s’agit de leur proposer des alternatives adaptées et accessibles. Aide et Action /Ecoliers du Monde s’est particulièrement investi dans l’expérimentation des écoles communautaires de base. Cemodèle, à la lisière du système éducatif formel et censé palier les limites de ce dernier, a bénéficié de l’appui del’ONG tant au niveau de sa conception, de sa mise en œuvre que de sa supervision. Aide et Action / Ecoliers duMonde a, pour ce faire, mis en place une équipe locale de suivi et d’évaluation du modèle des ECB, qui travaille enétroite collaboration avec les services du Ministère de l’Education Nationale, notamment la DAEB.

renforcer les capacités des communautésCe dernier axe d’intervention est bien entendu à rattacher aux trois autres. L’accessibilité, la qualité et ladiversification de l’offre éducative ne peut être effective sans une implication active des communautés. Réunir lescomposantes sociales et développer des entités partenariales à la base pour construire une volonté commune, maisaussi agir pour une amélioration des conditions de vie, tels sont les principaux objectifs du programme « alpha-école ».Celui-ci repose sur l’idée originale que la classe d’alphabétisation doit être intégrée à l’école. Cette intégration estaussi bien physique que fonctionnelle. Les cours ont lieu dans l’enceinte de l’école et les auditeurs bénéficient desservices de l’école (PVFS, bibliothèque scolaire, etc…). Les auditeurs étant souvent des parents d’élève, les coursd’alphabétisation sont des occasions pour renforcer leur mobilisation autour de la scolarisation des enfants et descellules école-milieu. Loin de faire de l’alphabétisation un apprentissage en marge de l’école, le concept « alpha-école » permet d’enrichir et d’élargir le rôle de l’école officielle en en faisant un centre de ressources locales.L’« alpha-école » devrait s’élargir aux adolescents déscolarisés et insérer dans les programmes une « qualification

professionnelle minimale », faisant ainsi del’alphabétisation « une école de la deuxième chance ».

Evaluation et perspectives

Au moment où nous réalisions cette étude, Aide et Actions’apprêtait à célébrer son 20ème anniversaire. Cespréparatifs étaient mis à profit pour amorcer une réflexioncritique sur le bilan de l’ONG et asseoir une visionprospective. Même si cette réflexion est toujours encours, on peut d’ores et déjà anticiper certaines de sesconclusions :

une mue symboliqueAide et Action change de nom et de logo. Après avoir mené des études sur la manière dont était perçu le nom « Aideet Action », les responsables de l’ONG se sont rendus compte que cette appellation faisait que la mission de l’ONGétait « parfois incomprise et souvent confondue ». Pour ses raisons, il a été décidé de la changer par « Ecoliers dumonde ». Ce nouveau nom a l’avantage de camper, dès son évocation, le champ d’intervention de l’ONG, et son« capital sympathie est très fort ».

la valorisation de l’expertise localeAide et Action / Ecoliers du Monde a choisi de promouvoir davantage les cadres africains dont l’expertise est avéréeen matière d’éducation. Pour ce qui est du Sénégal, les responsables français seront remplacés dès 2001 par desexperts locaux.

la multiplication des partenariatsAide et Action / Ecoliers du Monde compte également favoriser le multi-partenariat avec des structures localesémergeantes dans le cadre de programmes souples et proches du terrain. Dans cette optique, en plus de sespartenaires traditionnels, l’ONG se rapproche des organisations travaillant dans des domaines complémentaires àl’éducation (santé, développement rural, hydraulique, micro-crédit, etc…). Aide et Action / Ecoliers du Monde milite enfaveur d’un élargissement des projets d’école. L’objectif est d’en faire des projets locaux, mobilisant tous les partenairespossibles aussi bien dans le diagnostic des problèmes que dans l’élaboration et l’exécution des programmes.

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

poursuivre son évolution positive. Après êtrepassé du « faire seul » au « faire faire », ellepourrait évoluer vers le « faire ensemble ».

les réseaux de l’éducation non formelle :concurrence et/ou concertation ?

L’impression qu’il se développe un « marché del’éducation non formelle » ne se limite pas àcertains effets de la politique gouvernementale.En s’imposant comme une priorité, l’éducationnon formelle fait l’objet d’enjeux financiers etpolitiques de plus en plus importants54. Il nes’agit pas de fermer les yeux mais d’analyser etde maîtriser les mécanismes qui se mettentprogressivement en place. Les différentes structures d’éducation nonformelle fonctionnent pour la plupart sur la basede projets à court terme financés de l’extérieur.Cette précarité les oblige à mettre en œuvre desstratégies permettant de renouveler et, si celaest possible, de développer leurs relationsinstitutionnelles verticales. Cette situation apour conséquence l’isolement et lecloisonnement relatifs des expériences, chacunétant tenté de valoriser au mieux ses acquis ausein des filières de décision et de financement.Cela a également pour effet que certainesstructures non intégrées aux réseaux politiqueset financiers ne bénéficient d’aucun appui.

Cette tendance préoccupante est en partiecontrecarrée par l’existence d’espaces deconcertation et d’échange, qui favorisent lespartenariats et les solidarités horizontales. Ils’agit principalement :

des entités mises en place par les autoritésgouvernementales pour la définition, le suivi etl’évaluation des programmes nationaux : latable de concertation de la DEPEE qui associedes organisations nationales et internationalesintervenant dans le formel et le non formel ; laCoordination Nationale des Opérateurs enAlphabétisation au Sénégal et le ComitéNational de Concertation et d’Appui Techniquesoutenus dans le cadre du PAPA ;

des collectifs d’ONG nationales et

internationales : réseau Siggil Jigéen spécialiséen genre, la FONGS – Fédération des ONGsénégalaises, orientée essentiellement vers lesproblèmes du monde rural, le CONGAD –Conseil des ONG d’Appui au Développement.Cette dernière structure, composée de 120organisations nationales et internationales, adéveloppé un programme autour de troischamps d’activités : l’animation scientifique ettechnique de réseaux de réflexion thématiqueportant sur les questions de développement (unde ces réseaux porte sur l’alphabétisation),l’information et la communication sur lesexpériences des ONG intervenant au Sénégal,le développement organisationnel à la base.D’autres organisations d’envergure facilitent laconcertation entre les acteurs. C’est le casd’Enda tiers-monde qui appuie la mise enréseau des petites structures d’éducation nonformelle au niveau local, national et régional55.Cette tendance à la concertation pourrait êtrerenforcée par la mise en œuvre du dispositifinstitutionnel prévu dans le PDEF : le ConseilSupérieur de l’Education et de la Formation etles entités de concertations décentraliséesassociant l’ensemble des acteurs de l’éducationet de la formation.

la reproduction d’un certain« centralisme » et un développementdéséquilibré de l’éducation non formelle

L’analyse du cadre institutionnel montreégalement que la grande majorité desstructures d’éducation non formelle reconnuespar l’Etat ont leur siège à Dakar (78 %).L’ensemble des décisions politiques etfinancières étant prises à Dakar, elles sontsouvent contraintes –surtout pour les structuresdont le « terrain » est très éloigné – d’avoir aumoins une représentation - servant souvent desiège administratif - dans la capitale et departiciper de cette manière à un certain« centralisme ». Cela provoque un déséquilibre entre lesstructures qui disposent des moyens des’implanter à proximité des centres décisionnelset celles qui, dépourvues de ceux-ci , restent àla périphérie. L’accès aux réseaux de relation,d’information et de communication joue un rôle54 D’après une étude de cas sur le Sénégal intitulée

« l’évaluation des ONG : politiques et pratiques »,réalisée en 1997 par Jean-Louis Viellajus (GRET,Paris) l’éducation est le principal secteur d’activitédes ONG affiliées au CONGAD, p.4 –http://www.valt.helsinki.fi/ids/ngo/appsen.htm

55 Voir pour plus de détails, les expériences deséquipes écopole (pp.66-70) et jeunesse action(pp.70-73).

essentiel dans l’intégration des filières politiqueset financières de l’éducation non formelle. Lesassociations de petite taille évoluant dans leszones marginalisées (zone rurale ou péri-urbaine) ont peu de contacts et donc peu depossibilités de se développer.Un second déséquilibre est perceptible auniveau de l’implantation des programmesd’éducation non formelle dans les différentesrégions du Sénégal. Cela peut s’expliquer :

par des concentrations humaines inégales :

les régions urbanisées et peuplées bénéficientde plus de programmes d’éducation nonformelle ;

par une implantation inégale des structuresd’éducation non formelle ;

par un accès limité aux ressources et auxmoyens de communication dans certaineszones ;

par la détermination dans le cadre du PAPAde zones d’intervention prioritaires (Kaolack,Saint Louis, Tambacounda, Kolda, Ziguinchor).

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

REPARTITION GEOGRAPHIQUEDES EXPERIENCES D’EDUCATION NON FORMELLE

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

1.3.2 Objectifs, contenus et méthodesde l’éducation non formelle auSénégal

La pluralité qui caractérise les formesinstitutionnelles et organisationnelles seretrouve également au niveau des objectifs, descontenus et des méthodes. Les initiativesd’éducation non formelle se déploient à partir deprojets et de modèles éducatifs différents. Quelssont ces différents modèles ? Quelles relationsentretiennent-ils ?

1.3.2.1 Typologie des modèles d’éducationnon formelle

1.3.2.1.1 Les modèles « modernes »

Plusieurs modèles d’éducation non formellereconnaissent les limites de l’école formellesans remettre en cause les valeursfondamentales (liées à la laïcité et aux valeursrépublicaines) qui en sont constitutives.

1.3.2.1.1.1 Les modèles inspirés du« formel »

De nombreuses initiatives d’éducation nonformelle se sont constituées en réponse auxdysfonctionnements de l’« école formelle ». Unepartie d’entre elles ont reproduit, au moinspartiellement, les contenus et méthodes dusystème formel, avec comme objectifs :

de préparer la scolarité des jeunes enfantspar la mise en œuvre de programme préscolaireproche de celui du formel ;

d’appuyer les enfants en difficulté scolaire(en particulier les élèves des classes à double-flux) par des cours réguliers ;

de faciliter l’intégration ou la réintégrationdans le système scolaire des enfants et jeunesdéscolarisés ou non scolarisés par des cours de(re)mise à niveau basés sur les programmesformels ;

de participer à l’intégration socio-professionnelle des jeunes en échec scolairepar la mise en œuvre de programmes deformation technique partageant les objectifs etles contenus de l’enseignement technique et dela formation professionnelle formels.Les entités qui mettent en œuvre ce type deprogrammes sont souvent de petites structureséducatives de quartier animées par desétudiants ou diplômés au chômage. Elles

disposent généralement de moyens très réduits.Certains programmes (ACAPES, Enda tiers-monde, CIFOP, CEVA56) les appuyant leurpermettent cependant d’inscrire leurs activitésdans la durée et de faire évoluer leurs contenuset méthodes.Ainsi, bien que proche du modèle formel, cesinitiatives ont tendance à s’en démarquer deplus en plus par :

l’introduction d’objectifs et de contenusrelatifs à la citoyenneté, à l’environnement et àla santé ;

des méthodes plus souples et plus actives :enseignement individualisé, apprentissagemutuel, intervention de personnes-ressourcesissues du milieu, activités extra-muros,formation prétechnique, stages dans les unitésde production locales…

la construction de cadres d’échange, deconcertation et de décision entre structures dumême type, permettant l’émergence d’uneidentité propre.

1.3.2.1.1.2 Les modèles alternatifs

Une seconde tendance de l’éducation nonformelle est l’expérimentation de systèmesalternatifs d’éducation et de formation. Plusieursinitiatives ont été initiées dans ce sens. Il s’agitprincipalement :

56 Voir l’étude de SENE, Mbaye – Etude évaluatived’une expérience de formation non formelle : lecours d’entraînement à la vie active (CEVA) ducentre de Bopp - ENTSS, 1989.Cette étude tente une évaluation des activités duCEVA depuis sa création. Le CEVA est un centre deformation professionnelle non formelle, créé par lecentre de Bopp (appelé actuellement centre AmadouM. Gaye) pour dispenser aux jeunes déscolarisésune formation qualifiante. Il y existe plusieurssections : électro-mécanique, bâtiment, photo,reliure-imprimerie, céramique.Les principaux partenaires du CEVA sont les chefsd’entreprises, l’APE, l’association des anciens(ASAC).Situation après formation : emploi salarié 64,7 %,activité personnelle 15,7%, chômage 9,8 %, autres(intégration de nouvelles filières)Motivation au début de la formation : recherched’emploi 78,4 %, parents 9,8 %, autres 11,77 %Depuis sa création, 450 ouvriers qualifiés formésdans les différentes sections précitées. 80 % ont putrouver un emploi, salarié ou non.

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

ACAPES ou "L'école pour et avec la communauté"

Créée en 1972, l’Association Culturelle d’Aide à la Promotion Educative et Sociale (ACAPES) est une ONGnationale reconnue par l’Etat. Elle intervient en milieu urbain et péri-urbain dans les quartiers défavorisés et enmilieu rural dans les régions de Saint Louis, Ziguinchor, Tambacounda, Kolda, Kaolack et Thiès.

Origine et évolution de la structure

L’origine de l’ACAPES remonte à la première crise scolaire qu’aitconnu le Sénégal en 1968. A l’initiative du Père Pineau, denationalité dominicaine, le Centre Lebret de Dakar propose auxjeunes exclus du système formel des cours d’entraînement et derattrapage. Soupçonné de contestation au régime, le Révérend Pèreest obligé de quitter le Sénégal en 1972. Des jeunes formés auCentre Lebret décident de créer une première structure, l’ACAP/JDS(association culturelle d’aide à la promotion des jeunes déshérités).Quelque mois plus tard, elle devient, suite à un élargissement duchamp d’intervention, l’ACAPES. Progressivement reconnue parl’Etat, l’ACAPES s’engage à partir de 1980 dans une dynamiquenouvelle qui articule pédagogie et développement, et se concrétisepar la création d’une « coopérative intégrée de consommation et deproduction ».A partir de 1994, la structure connaît une seconde évolutionimportante. Par la mise en place de « collectifs de quartier », structures de concertation et de gestion regroupantles associations à la base des quartiers partenaires, et l’ouverture de son Conseil d’Administration aux bénéficiairesdes programmes, l’ACAPES fait l’apprentissage du développement concerté et de la gouvernance locale.

Grandes orientations et domaines d’intervention

Le programme quinquennal de l’ACAPES, actuellement en cours, se fonde sur une analyse critique de la situationsocio-économique du Sénégal. Celle-ci se caractérise par une urbanisation accélérée et devenue en partieincontrôlée. Ce processus se traduit par de fortes inégalités tant entre ville et campagne, qu’à l’intérieur des villes.Vingt années ont suffi pour faire de Dakar, une ville « au bord de l’implosion » : cohabitation de cités modernes etde bidonvilles, insuffisance des infrastructures, insécurité croissante, chômage endémique… Pour faire face à cette crise économique profonde et à la massification de la pauvreté qu’elle provoque, lessénégalais ont commencé à s’organiser dans les quartiers, dans les villages. L’ACAPES s’inscrit dans cemouvement social autonome en appuyant les stratégies de lutte contre la pauvreté et l’exclusion.Cet engagement se traduit par trois axes stratégiques majeurs :

Par un projet pédagogique de promotion d’une éducation globale pour l’insertion et la participation des jeunesà la vie sociale ;

Par un projet de développement économique dont l’objectif est de développer les échanges - particulièremententre villes et zones rurales ;

Par un projet de citoyenneté basée sur la responsabilisation et l’autonomisation des structures associatives debase comme cadre de concertation, de résistance et de proposition face aux défis liés à la démocratisationnationale et à la mondialisation.

Caractéristiques de la démarche pédagogique

L’ACAPES construit ses objectifs et contenus pédagogiques à partir de trois champs d’intervention distincts : lepréscolaire (CES), l’entraide scolaire (SES) et la formation professionnelle (CPF).

le Service d’Entraide Scolaire (SES) :Cet instrument d’éducation et de formation est le plus ancien – et le plus connu - de l’ACAPES. Fonctionnel depuis1972, le SES permet la réintégration annuelle dans le système formel de plus de 800 élèves. Ses capacitésactuelles sont de 1 800 apprenants répartis de la 6ème à la terminale.Les contenus, méthodes et outils pédagogiques qui servent de support à cette réinsertion massive dans le systèmeformel ne se limitent pas au « bachotage ». Touchant les trois niveaux classiques de connaissance (savoir, savoir-faire et savoir-être), ils complètent les programmes et les contenus officiels par des compétences et desconnaissances liées aux thèmes spécifiques d’une éducation dite « globale »

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

1.3.2.1.1.2.1 Des systèmes éducatifsalternatifs expérimentés dans le cadre desprogrammes nationaux d’éducation nonformelle

L’objectif de ces programmes nationaux est deproposer aux publics marginalisés (adultesanalphabètes et jeunes déscolarisés et non-scolarisés) une éducation de base en languesnationales, suivant des contenus et desméthodologies adaptés à leurs réalitésculturelles, sociales et économiques.Ces programmes se développent dans troisdomaines d’activités :

l’alphabétisation fonctionnelle :

Cette activité s’adresse essentiellement aux

publics adultes analphabètes (avec comme« cibles » prioritaires les femmes et, dans unemoindre mesure, les élus locaux) des zonesrurales. Elle se déroule généralement sousforme de deux sessions intensives de 5 moischacune et porte essentiellement surl’acquisition de la lecture, de l’écriture et ducalcul en langues nationales, avec l’intégrationde contenus portant sur le développement et lacitoyenneté.

la post-alphabétisation :

Pour accompagner et renforcer les effortsd’alphabétisation, ces programmes appuientégalement la création d’environnements lettrésen langues nationales par l’édition de supportsécrits (presse, romans, etc…). En 1999, la

le Centre Enfance Solidarité (CES) :En 1995, l’expérience d’un centre aéré et de deux programmes dans les quartiers partenaires de l’ACAPES montraitque la non-prise en charge des enfants en bas âge était, pour les femmes, une des principales entraves audéveloppement de leurs activités formatives et économiques. Après une expérimentation d’une année, l’ACAPESdécide de créer un centre d’éducation destiné aux jeunes enfants des femmes impliquées dans les programmes dela structure.Parallèlement à cette démarche, le CES participe à la démocratisation de l’accès au savoir par un enseignementpréscolaire mêlant activités d’éveil, pré-alphabétisation et apprentissage de la vie en société.Une des principales innovations du CES est aussi d’expérimenter une méthode participative de santé de lareproduction, centrée sur la nutrition et la couverture médicale de l’enfant. Chaque femme formée au CPF enSanté/Nutrition est chargée, en relation avec les familles, du suivi nutritionnel et médical de cinq enfants du CES.

le Centre Polyvalent de la Femme (CPF) :Cette seconde entité offre, depuis 1989, à 160 jeunes filles et femmes un enseignement technique et qualifiant danstrois filières : la santé, l’éducation sociale et la coupe / couture. Dans ce domaine également, les activités del’ACAPES ne se limitent pas aux questions techniques.Les activités et contenus de formation du CPF concernent également : l’appui aux activités génératrices de revenus,la promotion de nouvelles solidarités en milieu urbain, la protection de la femme et de l’enfant.

L’ACAPES anime également dans les quartiers et communautés villageoises des sessions d’alphabétisation (15mois, 9 h/sem) intégrant des thématiques fonctionnelles (gestion, santé, environnement, hygiène) et des activitéssocio-éducatives (théâtre, conférence, projection de film, séminaire-atelier)

Evaluation des résultats et perspectives

En 28 années d’existence, l’ACAPES aura permis à plus de 10 000 jeunes déscolarisés de reprendre le chemin del’école, répondant ainsi de manière satisfaisante à l’objectif premier de l’association et constituant un des ponts lesplus solides entre éducation non formelle et formelle. Depuis 1972, la situation socioéconomique et éducative du Sénégal n’a cessé d’évoluer au (le plus souvent demanière négative), confirmant la nécessité de l’objectif premier et aussi révélant de nouvelles préoccupations.L’ACAPES a su être à l’écoute de ces changements et adapter son organisation, ses objectifs et ses contenus deformation en conséquence.Cette démarche évolutive se trouve concrétisée dans la mise en oeuvre d’un nouveau programme prévu pour unedurée de 5 ans (1999-2003). Celui-ci a déjà permis d’atteindre des résultats à conforter :

l’intégration de la stratégie d’« éducation globale » dans le cursus d’entraide scolaire, et la promotion derecherches et d’innovations pédagogiques pour la mise en œuvre d’un programme alternatif du même type ;

la formation et la (ré)insertion scolaire ou professionnelle effective de 450 jeunes déscolarisés.L’insertion scolaire et professionnelle reste la préoccupation majeure de l’ACAPES. Plusieurs facteurs limitants,comme la non-reconnaissance officielle des diplômes du CPF et l’absence de programmes spécifiques d’appui etd’accompagnement des sortants du SES et du CPF, constituent les défis que doit relever actuellement l’ACAPES.

production d’ouvrages de post-alphabétisationétait de 304 titres pour 185 auteurs57.

les écoles communautaires de base

Il s’agit là d’une des principales innovationsexpérimentées par différentes ONG d’envergure(ADEF Afrique, Plan International, Aide etAction, Tostan, World Vision) en partenariatavec l’Etat sénégalais. Les écolescommunautaires de base s’adressent, auxenfants et jeunes non-scolarisés de 9 à 14 ans,en leur proposant un cursus de 4 ans. L’objectifest de prendre en charge annuellement 5% dece public marginalisé. Leurs modes defonctionnement et d’apprentissage font de cesstructures une alternative à l’école formelle.

1.3.2.1.1.2.2 Des programmes alternatifsd’éducation et de formation initiés par lesassociations et ONG intervenant au Sénégal

Dans le même sens – et bien avant que l’Etatdécide d’intervenir dans ce secteur –, lesassociations et ONG intervenant au Sénégal ontdéveloppé des programmes d’éducation et deformation en dehors de tout système pré-établi.Ces initiatives ont conduit à l’expérimentation dedifférents types de contenus et de méthodes.Certaines constantes peuvent cependant êtredégagées.

L’objectif commun est l’intégration socialeet professionnelle des publics marginalisés(enfants et jeunes en situation difficile, adultesanalphabètes – les femmes en particulier).

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

57 « Etude prospective / Bilan de l’éducation enAfrique / ADEA – Informations complémentairesrelatives aux cas du Sénégal à la suite du séminaire-atelier de Cotonou du 28 juin au 2 juillet 1999 »,MEN, Cabinet du Ministre délégué chargé del’Education de Base et des Langues nationales, p.8

Eléments d’analyse des écoles communautaires de base

« Le modèle ECB se veut notamment, par rapport au cursusformel classique : moins coûteux :l’enseignant est un volontaire qui, à terme, devra être pris

en charge par la communauté ;il développe un cycle élémentaire de 4 ans au lieu de 6 ans

pour le cycle élémentaire du système formel. plus pertinent :des apprentissages en langues nationales avec

introduction du français écrit à partir de la troisième année.L’enfant apprend à maîtriser des enseignements fondamentaux et les caractères latins dans sa langue maternelle ;

l’enseignement tire son contenu du milieu et est orienté vers la résolution des problèmes de la communauté. Ilvise à former des enfants qui resteront intellectuellement en harmonie avec leur milieu ;

une alternance théorie/pratique, avec la promotion d’activités pratiques exploitées pédagogiquement ;le modèle prévoit la mise en place par l’enseignant de cours d’alphabétisation des adultes.

productif :L’ECB développe son projet productif susceptible de lui procurer les moyens de son fonctionnement, à côté desconsidérations pédagogiques.communautaire :L’ECB est l’affaire de la communauté qui la gère au moyen de structures de gestion désignées par les villageois.

compatible avec le système formel :A la fin des 4 ans, les élèves sont admis à se présenter au Certificat de Fin d’Etudes Elémentaires et à l’entrée en6ème, de sorte que les ECB sont bien complémentaires, et non concurrentes, aux écoles formelles. »

Extrait du « Répertoire des partenaires de l’éducation intervenant dans l’école de base », MEN-DEPEE, PEES,Dakar, janvier 2000, fiche Aide et Action, p.4

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

L'ANAFA à Louga : le changement social par une formation souple

Créée en 1990, L’association nationale pour l’alphabétisation et la formation des adultes (ANAFA) est une ONGnationale reconnue par l’Etat qui intervient dans cinq régions du Sénégal : Saint Louis, Dakar, Thiès, Louga, Kaolack. Depuis sa création, l’ANAFA intervient en zone rurale et péri-urbaine dans la région de Louga. Celle-ci se caractérise par deforts taux d’analphabétisme, des indicateurs de développementparticulièrement faibles et le nombre réduit – par rapport àcertaines régions du Sénégal – des structures d’appui audéveloppement. Les activités de l’ANAFA se sont développéesdurant la décennie passée dans trois départements, 11arrondissements et 30 communautés rurales.

Grandes orientations

Engagement contre la pauvretéL’engagement de l’ANAFA s’inscrit dans le cadre de la luttecontre la pauvreté menée par la société civile sénégalaise.Dans la perspective d’une concrétisation des droits individuelset collectifs « au savoir, à l’avoir et au pouvoir », l’ANAFA sedonne pour objectifs de « contribuer au développement solidaire et durable des populations sénégalaises les plusdéshéritées par le biais de l’alphabétisation, de la formation et de la sensibilisation et de participer ainsi aux effortspour promouvoir des changements positifs ». Cela implique concrètement une mise en synergie des activitésd’éducation et de formation avec celles de développement socio-économiques (santé, environnement, citoyenneté,activités génératrices de revenus, renforcement organisationnel et institutionnel).

Une stratégie d’intervention basée sur l’autonomie et la démarche partenarialeCet objectif se traduit par une grande autonomie des sections régionales de la structure. Celles-ci doivent pouvoirrester attentives et ouvertes aux changements qui s’esquissent au niveau local. Cette souplesse institutionnellepermet à l’ANAFA Louga de développer des programmes d’action diversifiés tant au niveau des structurespartenaires, que des zones géographiques et des activités réalisées. Ainsi en 10 ans, l’ANAFA Louga s’est investidans 13 programmes d’alphabétisation et de formation professionnelle.

Caractéristiques de la démarche pédagogique

Alphabétisation, formation et changement socialLa démarche pédagogique de l’ANAFA est directement liée au profil des publics marginalisés, impliqués dans lesprogrammes mis en œuvre. A la fois condition et moteur de changements sociaux profonds, l’alphabétisationfonctionnelle est posée comme une activité préalable. Dès le départ orientée vers les besoins et les attentes desapprenants, l’alphabétisation sert également de support à la sensibilisation et à l’initiation technique, avant de semuer totalement en formation. Elle vient alors en appui aux activités sociales et économiques initiées par lescommunautés rurales et les groupements féminins partenaires : santé maternelle et infantile, assainissement etprotection de l’environnement, droits civiques, génération de revenus, renforcement des structures paysannes. Cecheminement garantit l’adéquation de l’alphabétisation et de la formation avec les attentes des adultes impliqués.Il a pour effet, par la démarche réflexive et critique qu’il implique, de donner aux changements sociaux unenracinement en profondeur.

Une stratégie de valorisation et de communication socialeLes objectifs et la démarche de l’ANAFA ont pour condition de réussite une communication sociale franche etconstante. L’élaboration et la conduite des programmes d’alphabétisation et de formation dans les communautésrurales partenaires ont pour principe la concertation et la continuité. Lors d’une assemblée générale regroupantl’ensemble des acteurs (chef de village, notables, femmes…), les objectifs et les activités sont négociés etcontractualisés par un engagement écrit des villageois. A travers une démarche intégrée liant formation et production, ces adultes ont pu intensifier et diversifier leurssources de revenus, et ainsi améliorer leurs conditions de vie. Pour pérenniser ces transformations sociales, ledéveloppement de micro-projets socio-économiques a été accompagné par la mise en place d’équipements(moulins à mil, boutiques, banques céréalières, décortiqueuses…) et par le renforcement des structures villageoisesde décision et de suivi (organisations paysannes, caisse d’épargne et de crédit auto-gérées,…). On souligneraégalement l’impact de la formation à la citoyenneté sur le renforcement de la démocratie. Dans une zone marquéepar une réelle désaffection pour la chose politique, celle-ci s’est traduite dernièrement par la mobilisation desvillageois lors des dernières élections présidentielles.

L’éducation et la formation sont conçuescomme des moyens pour parvenir à cette fin. Les programmes éducatifs sont contenus dansun projet plus large de développement. Celaexplique que, comme le montre le graphique ci-dessous58, les ONG intervenant dansl’éducation non formelle s’investissentégalement –en liaison avec leurs programmesd’éducation et de formation – dans d’autressecteurs de développement. Lesapprentissages sont en général construits demanière progressive en fonction des besoins deformation révélés au cours des activités dedéveloppement connexes.

Cette liaison éducation-développementn’est pas sans conséquence sur les méthodeset les outils pédagogiques expérimentés. Onretiendra principalement que : - l’apprenant est au centre du processuséducatif : les programmes d’éducation et deformation sont définis à partir des besoinsindividuels et collectifs et visent une transformationdes conditions de vie des apprenants – danscertaines expériences59, les apprenantsdéfinissent eux-mêmes les objectifs, lescontenus et les critères d’évaluation desapprentissages ;- le processus éducatif s’inscrit dans une

démarche de recherche-action-formation60 : cetriptyque lie l’analyse critique aux activités dedéveloppement et à la formation ; la répétitionde la démarche produit une dynamique dedéveloppement intégrant les nouveaux acquis,s’adaptant aux besoins et aux problèmes quesuscitent les transformations socialesobtenues ;- cette approche implique une démarchepartenariale associant des acteursinstitutionnels de niveau différent : le schéma« classique » implique une agence decoopération (appui financier), une ONGnationale ou internationale (appuiméthodologique et technique) et des structureslocales (mise en œuvre) avec comme objectifopérationnel l’« autonomisation » progressivedes structures locales par des stratégies d’appuiet de renforcement organisationnel.La diversité des situations, des besoins et desprofils institutionnels amène les acteurs de cesprogrammes à élaborer et à expérimenter dessystèmes spécifiques, avec pour effet undéveloppement séparé des expériences.

1.3.2.1.2 Les modèles coraniques

A côté des expériences d’éducation nonformelle expérimentées par l’Etat et lesstructures associatives, il existe d’autresmodèles éducatifs se référant aux systèmes devaleurs religieux et socioculturels. Malgré ladomination idéologique et politique de l’écoleformelle, ces modèles se sont maintenus auSénégal. La crise du modèle officiel participe àun renouveau de ces modèles éducatifs (plus

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

0 20 40 60 80

EDB

PF

DL

EJD

Santé

Dinst

Com

DH

58 Abréviations utilisées dans le graphique : EDB –éducation de base ; PF – promotion féminine – DL –développement local ; EJD – enfants et jeunes ensituation difficile ; Dinst – développementinstitutionnel – Com – communication ; DH – droitsde l’homme59 Voir l’expérience d’Enda Jeunesse Action (pp.28-29).

60 Cette démarche a particulièrement étéexpérimentée par Enda tiers-monde depuis 1972.L’équipe GRAF (Groupes de Recherche ActionFormatives) a produit plusieurs ouvragesméthodologiques la détaillant et l’illustrant. La RAFest ainsi défini par Antoine de Ravignan : « Lepostulat de départ est qu’il appartient auxpopulations d’analyser leurs situations (recherche)et de mettre en œuvre les moyens de résoudre lesproblèmes identifiés (action). Ces processus sontpour les populations l’occasion d’un apprentissage(formation) où les analyses de départ, les projetspeuvent être corrigés en cours de route, en fonctiondes échecs ou de l’apparition de nouveauxproblèmes. Pour Enda, cette approche est une desconditions de réussite d’un projet dedéveloppement », in Créative Afrique, l’art de ladébrouille – Unesco, série innovations jeunesse n°1,Paris, 1998, p.52

Graphique 3 : principaux secteurs d’activité desONG intervenant dans l’ENF

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

Enda Jeunesse Action : les apprenants au centre du processus pédagogique

Depuis sa création en 1985, l’équipe Jeunesse Action appuie les initiatives des enfants et jeunes travailleurs (EJT)et des associations de développement de quartier (ADQ) : renforcement de leur auto-organisation, concrétisationde leurs droits, facilitation de leur mise en réseau et de leur communication avec les décideurs, formation etéducation de base. Elle anime, en collaboration avec ces associations et d’autres institutions d’appui, un largeréseau qui s’étend aujourd’hui à 44 villes de 16 pays africains. Au Sénégal, l’équipe Jeunesse Action appuiedirectement ou indirectement des activités d’éducation alternative dans 5 villes (Dakar, Ziguinchor, Saint-Louis,Fatick, Thiès et Tambacounda).

Appui à la création du collectif « Education Alternative »

L'objectif majeur des ADQ est de répondre à leur manière et suivant leur moyens aux problèmes auxquels leurquartier se trouve confronté : santé, éducation, chômage, insécurité…Une des constantes de ces ADQ est lavolonté de prendre en charge l’éducation et/ou la formation des enfants et jeunes, exclus du système éducatif.Malgré des ressources très limitées, elles parviennent à mettre sur pied des espaces d’apprentissage. En 1992, lesADQ partenaires de Jeunesse Action représentés par leurs facilitateurs ont décidé de se regrouper pour constituerle collectif « Education Alternative ». Ce collectif permet le traitement commun des questions pédagogiques, ledéveloppement d’activités transversales et d’une communication concertée sur le statut de « facilitateur », lacapitalisation et l’échange d’expériences.

Sous le signe de la diversité

Parce qu’elles tentent de répondre à une grande diversité de besoins éducatifs, les activités, initiées par les ADQet appuyées par Jeunesse Action, revêtent des formes multiples et s’adressent à des apprenants aux origines etaux profils divers :- enfants et jeunes travailleurs : alphabétisation, formation professionnelle, sensibilisation ; - enfants-mendiants (talibé en zone urbaine) : collaboration avec les marabouts, alphabétisation, activités sportiveset culturelles ;- enfants déscolarisés : remise à niveau en vue de leur réintégration scolaire ;- enfants victimes du double flux : renforcement pédagogique en rapport avec leurs activités scolaires.

Un processus pédagogique partagé

Il ne s’agit pas de faire table rase de cette diversité, mais au contraire de partir des attentes et des besoins desapprenants pour construire les programmes éducatifs.Chaque groupe construit un programme spécifique au cours d’un processus impliquant les apprenants et lefacilitateur. L’ensemble des modalités (qu’elles soient pédagogiques ou pratiques) fait l’objet de concertation. Leprogramme ainsi défini n’est achevé que lorsque « les jeunes savent ce qu’ils voulaient savoir ». L’adéquation entreles contenus éducatifs et les besoins exprimés féconde la diversité de situations prévalant au départ, garantissantdu même coup la richesse de l’expérimentation et des échanges d’expériences.

Une évaluation continue et participativeLes activités des ADQ font l’objet d’un suivi permanent et rapproché. Plusieurs formes d’évaluation permettent auxespaces d’éducation une évolution dynamique :l’évaluation des apprentissages : Elle se déroule en concertation avec les apprenants. Déjà dans la négociation du programme, les modalitésd’évaluation sont définis selon les thèmes retenus (pratique, tests…) ;l’évaluation des espaces éducatifs s’opère à trois niveaux : L’espace pédagogique lui-même : Un facilitateur extérieur assiste aux activités éducatives et donne son point devue à ses collègues. Le Collectif « Education Alternative »: les problèmes les plus cruciaux sont posés lors des « rencontrespédagogiques », le groupe tente d’y apporter des réponses dans un cadre d’apprentissage mutuel. Les sessions communes de formation : Certaines questions pédagogiques jugées essentielles font l’objet desessions de formation spécifique (gestion d’une classe multigrade, suivi scolaire…)

Une dynamique de recherche-action au niveau continental

Une des particularités du programme animé par Enda Jeunesse Action et un de ses acquis fondamentaux estd’avoir initié un réseau de recherche-action et d’échange au niveau continental :

Dès 1993, des alphabétisateurs du Bénin et du Mali participaient à la première session de formation desfacilitateurs. A partir de l’application à l’alphabétisation de la démarche participative de recherche action, les

particulièrement des modèles coraniques) et àune certaine évolution de leurs contenus etméthodes.Comptant parmi les formes d’éducation les plusanciennes au Sénégal, les écoles coraniquesou Daara ont longtemps évolué en oppositionau système éducatif formel, héritage de l’écolefrançaise.Il existe au Sénégal une grande diversité deDaara. Celles-ci dépendent le plus souvent desconfréries religieuses61, dont les principalessont la Mouriddiya et la Tidianiyya. Les objectifs,contenus et méthodes d’apprentissage seconstruisent suivant la philosophie propre à laconfrérie et aux courants internes à celle-ci.Les Daara sont considérées par la plupart desdécideurs comme marginales, désorganisées,

sans grands effets positifs sur la société…Seule la mendicité pratiquée par certains talibé(apprenants) retient l’attention. Il faut dire quedans un contexte international oùl’enseignement laïque est la norme, l’éducationreligieuse effraie plus qu’elle n’attire.Lors de la présente étude, nous avons pupercevoir que les Daara avaient un impactmassif autant en milieu urbain qu’en milieu ruralet que certaines d’entre elles constituaient desalternatives viables à la crise de l’école formelle. Les Daara se construisent autour deconceptions de la société et de projetspolitiques radicalement différents de ceux del’école formelle. Le profil recherché est trèséloigné de celui du fonctionnaire ou de« l’administré » que tente de produire l’écoleofficielle. La formation se réalise à travers descursus qui intègrent l’alphabétisation en arabeet en langue nationale (l’alphabet arabe sert debase à la transcription), l’enseignement duCoran et des valeurs qui lui sont liées, laformation professionnelle – accompagnéesouvent d’un soutien à l’intégrationsocioprofessionnelle. Il s’agit pour les Daara deformer des hommes et des femmes quiconnaissent et pratiquent leur religion,participent à la vie sociale et économique parl’exercice d’activités génératrices de revenus etsoient capables en retour de solidarité au seinde la communauté religieuse – dont la confrérieconstitue au Sénégal l’entité principale.La plupart des talibé sont à la sortie de leurformation armés – moralement et

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

participants à cette session sont parvenus à un changement de paradigme qui a été capital tout au long del’expérimentation. Le modèle du maître seul détenteur du savoir et du pouvoir a volé en éclats. Il a été affirmé queles animateurs urbains devaient se muer en facilitateurs et partir des expériences et des attentes des enfants et desjeunes en difficulté pour construire des programmes d’éducation et de formation adaptés et porteurs dechangements sociaux profonds.

Les contacts avec d’autres pays africains se sont poursuivis et développés. Avec l’appui de l’Unesco, ils ontabouti en 1996 à l’organisation d’une rencontre régionale sur le thème de l’alphabétisation des enfants et jeunes ensituation difficile en milieu urbain. La trentaine de participants originaires d’Afrique de l’Ouest, de l’Est, du Centre etde Madagascar a discuté et décidé un ensemble de formations modulaires, des sites d’expérimentation, uneorganisation sous forme de « pôles », regroupant les pays d’une même zone. A l’intérieur de chaque pôle, l’objectifétait l’instauration de contacts réguliers entre les composantes, la mutualisation des ressources, la participation del’ensemble des composantes aux différents ateliers locaux de formation.

Après plusieurs années de pratique, ces différents pôles ont posé la nécessité d’une capitalisation desinitiatives et expériences.Deux rencontres ont été organisées dans ce sens : une première à Thiès, en juillet 2000 durant laquelle les termesd’une capitalisation ont été définis ; une deuxième à Rufisque en février 2001 pour la rédaction définitive d’unouvrage dont la parution est prévue en 2002. Au-delà de la rédaction d’un ouvrage, il est ressorti comme une nécessité la conception et la diffusion d’outilsméthodologiques – sous forme de programmes – destinés aux acteurs engagés dans le champ de l’éducation desenfants et jeunes en difficulté. La rencontre de Rufisque a permis de planifier au niveau de chaque pays et dechaque pôle, cette activité.

61 Khadim Mbacké, islamologue, chercheur à l’IFAN(Institut Fondamental d’Afrique Noire) définit ainsi laconfrérie : « La confrérie est un regroupement demusulmans se réclamant d’un guide commun,pratiquant les mêmes wirds et dhikr en conformitédes enseignements caractéristiques d’une tariquaou voie marquant le cheminement de la progressionspirituelle de l’individu sur l’itinéraire mystique dusoufisme.(…) Les confréries doivent leur succès àleur ouverture aux traditions africaines, à leursouplesse, à leur tolérance et surtout au charisme deleurs fondateurs et propagateurs au Sénégal. Ellesexercent une influence non négligeable sur tous lesaspects de la vie économique, sociale, culturelle etpolitique. Leur audience est si profonde qu’elles sontdevenues les moyens les plus sûrs et les plusrapides de mobiliser ce que l’ancien PrésidentLéopold S. Senghor appelait "le pays réel". » inhttp :www.refer.sn/sngal_ct/tur/islam/confre.htm

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

matériellement – pour la vie active. Ces écolescoraniques – et plus particulièrement les Daaramourides – ont fait la preuve de leur efficacité.Restant très discrètes, elles vivent en marge dusystème formel. Elles n’ont pas ou peu derapport avec lui. Lors de nos entretiens avec les responsables deDaara, tous ont refusé de définir leur systèmed’éducation comme « non formel », leursobjectifs, leur organisation, leurs méthodes, etsurtout leurs résultats étant, à leurs yeux, aumoins aussi valables que ceux de l’écoleformelle. En outre, ce serait pour eux unemanière tacite de reconnaître à « l’Ecole del’Etat » une position de « centre » qui lesrelègue à la « périphérie », alors que selon eux,ils sont les véritables porteurs des aspirationsculturelles et spirituelles des nationaux.Nous tenons à souligner que le modèle alternatifque constitue l’éducation arabo-islamique esten constante évolution au Sénégal. Dans saprésentation de l’Islam au Sénégal, KhadimMbacké, chercheur à l’IFAN, insiste surl’apparition de nouveaux courants : Ramu,Hizbou Tarquiyya – créé par des étudiantsmourides - et le mouvement Al-MoushtarshidinaWal-Moushtarshidati rattaché à la Tidianiyya.Les deux derniers sont particulièrement actifsdans le domaine de l’éducation et de laformation62.

1.3.2.1.3 Les modèles « traditionnels »

Les deux formes éducatives dominantes de cesmodèles sont l’initiation traditionnelle et laformation professionnelle telles qu’elles sontpratiquées par les différents groupessocioculturels du Sénégal.L’objectif de ces modèles éducatifs est la

reproduction collective des valeurssocioculturelles rattachées à chacun de cesgroupes. Cette orientation détermine lescontenus. Différents d’un groupe à l’autre, ilstouchent essentiellement aux valeursspirituelles et éthiques, aux pratiques sociales,aux connaissances et compétences techniques– liés au statut individuel socioprofessionnel. Les savoirs et pratiques sont communiquésdans le cadre :

d’échanges de proximité interindividuelsverticaux (d’un père à son fils) ou horizontaux (àl’intérieur d’une même classe d’âge) ;

de périodes intensives et continuesd’initiation collective regroupant l’ensembled’une même classe d’âge.La communication – qualifiée souventd’ésotérique – des savoirs est conditionnée parun ensemble de critères exclusifs :l’appartenance à un groupe socioculturel donné(élargie à l’ethnie pour l’initiation, restreint à lacaste pour la formation professionnelle), le sexe(les entités et les contenus éducatifs varientselon le genre), l’âge (à chaque classe d’âgecorrespondent des entités et des contenuséducatifs spécifiques63).L’éducation et la formation ne sont passéparées des pratiques sociales. A chaquestatut socioprofessionnel correspond un typeprécis de formation, dispensée à travers laproduction et les échanges sociaux.Il faut retenir qu’au Sénégal – comme dans lesautres pays sahéliens –, les contenus del’éducation dite « traditionnelle » ne sont pasethnocentrés. Ils permettent un apprentissagedes relations complexes qui lient les entitéspatronymiques à l’intérieur et à l’extérieur dugroupe d’origine. A travers le kal (cousinage àplaisanterie en wolof) et le kafante (échangesde plaisanterie dans la même langue), l’individuest en contact avec des réalités sociales etculturelles diversifiées. A travers ces pratiques,il apprend très tôt à développer et à entretenirdes rapports équilibrés et tolérants avec lesautres composantes socioculturelles. Véritableciment des sociétés sahéliennes, ces relationsinterculturelles constituent un acquis àpréserver64.

62 Moustapha Sy, le responsable moral de laMoushtarshidina Wal-Moushtarshidati, décrivait ainsile programme de formation culturelle et spirituelleproposé aux membres du mouvement : « Nousavons élaboré un programme comprenant desséries de causeries, d’exposés-débats sur desthèmes divers allant du culte aux problèmes desociété les plus divers. Des questions commel’excision, l’engagement politique de la femmemusulmane, etc. Et avec des supports audiovisuels,nous essayons d’apporter le maximum d’éclairageen interrogeant les différentes écoles et courants depensée, avant de leur opposer le point de vue del’Islam ». (interview parue dans le quotidien WalFadjri n° 1456 du 22/11/1997, citée par KhadimMbacké, op cit)

63 Dans la culture bamanan par exemple, l’hommen’est « total » et accompli que lorsqu’il est passé parles six sociétés initiatiques et qu’il atteint donc l’âgeapproximatif de 55 ans.64 Nous pensons cependant que le « formaliser » à

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

Nouvelle Sérigraphie (NOSE)

L’atelier NOSE (Nouvelle Sérigraphie) est une entreprise familiale, non reconnue par l’Etat. Elle est située à Pikine,proche banlieue de Dakar marquée par un taux d’échecscolaire important et de fortes inégalités sociales.L’évolution de NOSE est directement lié au destin d’unefamille. Suite à la disparition tragique en 1996 de sonfrère, créateur de l’atelier de sérigraphie, l’actuelleresponsable se retrouve seul soutien de famille. Elledécide alors de reprendre l’atelier et d’y apporter satouche personnelle. Couturière de formation, ellediversifie les activités (en y intégrant la confection devêtements) et prend l’initiative de former les jeunes duquartier. En mars 2000, la responsable décided’agrandir l’atelier pour les besoins de la formation.NOSE propose une formation à la sérigraphie ou à lacouture aux jeunes déscolarisés et sans qualificationdu quartier. Son principal objectif est l’insertionsocioprofessionnelle de ces jeunes. Les objectifs à longterme sont de créer une PME et des ateliers décentralisés - qui permettraient l’intégration des jeunes formés – et/oud’obtenir le statut légal d’institut de formation.

Caractéristiques de la démarche pédagogique

Une relation pédagogique basée sur la proximité socialeLes relations entre la responsable et les apprenants – dont la majorité sont des jeunes filles – sont basées sur desrapports sociaux de proximité (qui sont ceux de la famille, du voisinage). Ceux-ci impliquent une grande écoute etune recherche concertée de solutions, avec la famille, en cas de problème. La responsable est considéréecomme une « grande sœur » capable d’attention et de conseil. NOSE est aussi un espace de communicationsociale où les jeunes filles sont conseillées et « initiées » aux normes morales et sociales ;

Un processus pédagogique basé sur l’expérimentation et la mise en situationLes objectifs et les contenus pédagogiques sont négociés au fur et à mesure avec les apprenants par laresponsable et le formateur. L’organisation des apprentissages, même si elle ne correspond pas à un cursusprédéfini, suit une logique interne en rapport avec le domaine enseigné. Les différents contenus de formation sontégalement actualisés suivant l’évolution technique des modes de fabrication et des habitudes vestimentaires. Pource faire, la responsable crée elle-même des modèles spécifiques pour la formation.Sa méthode est basée sur l’expérimentation et la mise en situation qu’offre la demande de la clientèle. Après avoirexpliqué le processus de production en langue nationale (wolof), les apprentis réalisent le modèle. Suite à uneévaluation collective, les faiblesses de chacun sont identifiées et le processus repris à son début jusqu’àassimilation complète par l’apprenti. L’évaluation est ainsi individualisée, spontanée et permanente. L’apprenti estsoutenu jusqu’à ce qu’il arrive au niveau de formation visé.

Evaluation des résultats et perspectives

Bien que de création récente, l’atelier NOSE a d’ores et déjà permis la formation de quatre jeunes, dont troiscontinuent à travailler dans l’atelier avec le statut de salarié. En accueillant 20 jeunes déscolarisés issus du quartier, l’atelier peut être aujourd’hui considéré comme un petitcentre de formation. En permettant à ces apprenants d’acquérir le plus souvent gratuitement une compétencetechnique, d‘exercer une activité génératrice de revenus et de bénéficier d’informations-conseils par rapport à leurvécu, l’atelier contribue à sa manière à la lutte contre la pauvreté.L’atelier NOSE est une structure de petite taille. C’est ce qui explique en partie sa souplesse, son efficacité. Sijusqu’à présent les jeunes formés ont pu trouver une place dans la structure, il reste que les 20 jeunes en cours deformation ne pourront tous s’intégrer de la sorte.L’atelier NOSE va bientôt se trouver à la croisée des chemins, obligé de faire des choix essentiels entre productionet formation. La responsable de l’atelier est consciente des enjeux et perçoit déjà les termes de l’équation qui sepose à elle : soit se spécialiser dans la formation, obtenir un statut légal et des références qui permettent auxpersonnes formées d’intégrer le marché du travail; soit développer la production pour absorber l’ensemble desjeunes formés. Peut-être, construira-t-elle une réponse plus originale et respectueuse de l’équilibre entre productionet formation ?

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

1.3.2.2 Analyse critique des rapports entremodèles d’éducation non formelle

Dans la perspective d’une bonnecompréhension et d’un renforcement del’éducation non formelle, il est important decaractériser les rapports qu’entretiennent lesdifférents modèles qui lui sont rattachés.

Tolérance et indifférence

Existe-t-il des rapports de domination entre cesmodèles d’éducation non formelle ? Le secteurde l’éducation non formelle s’organise-t-il demanière hiérarchique, certaines formes étantplus valorisées que d’autres ?Comme nous l’avons vu, les modèlesd’éducation non formelle se réfèrentprincipalement à trois systèmes de valeurs(républicain et laïque, islamique et confrérique,socioculturel et initiatique). Leurs rapports sonten partie déterminés par ces grandesdifférences idéologiques. Même si les conflits

La FIOD ou l’éducation non formelle au service d’un projet de développement local

La Fédération Intervillageoise des Organisations pour un Développement durable (FIOD) est un collectif regroupantplus de 200 GIE et associations. Ses activités couvrent la vallée se situant entre les villages de Diofior, Simal et Rho(vallée DIOSIRHO), dans la zone du Sine (centre-ouest du Sénégal). Elle est la traduction d’une volonté desvillageois de prendre leur destin économique, social et culturel en main. FIOD est également un mot seereer (languedu milieu) qui signifie « faire par soi-même »

contexte d’intervention et activités de la FIOD

La vallée du DIOSIRHO est depuis longtemps confrontée à une salinisation progressive des terres cultivables. Ladisparition de la mangrove et la remontée de l’eau de mer ont fini par rendre la zone complètement aride.Conscientes de leur responsabilité dans cet état de fait, les populations ont pris le problème à bras le corps et ontuni leurs efforts pour la réhabilitation de leur écosystème et de la biodiversité. Suite à une série d’études, lapremière activité a consisté à réunir les habitants d’une vingtaine de villages (dont certains avaient des rapportsconflictuels) autour de la construction de 2 digues antisel et de 2 digues de retenue d’eau pluviale. Cette réalisationa permis la désalanisation et la valorisation de 1 600 hectares de terres en riziculture et en pâturage. Ces diguesd’une longueur totale 5 200 mètres servent également de pistes de production et permettent le désenclavement desvillages.

lien entre formation et développement

Pour répondre aux besoins de formation, la fédération a mis en œuvre un programme de formation et d’éducationpopulaire qui a trait à l’environnement, à la citoyenneté et au renforcement des capacités.En plus des programmes classiques d’alphabétisation, la FIOD a mis à contribution les ressources humaines duterroir pour traduire en langue nationale la totalité des textes de loi sur la décentralisation au Sénégal.Avec l’appui de ses principaux partenaires (Catholic Relief Service, Enda Coorcom65) et à travers de nombreuxséminaires et ateliers, la FIOD propose aux femmes, membres des GIE de la fédération, une formation continuedans les domaines du compostage, du maraîchage, de la riziculture et de la préservation des ressourcesenvironnementales.

évaluation des résultats et perspectives

La FIOD se heurte à deux problèmes majeurs :La multiplicité des ONG intervenant dans sa zone d’implantation en matière d’alphabétisation ;La démotivation progressive des apprenants dès lors que les programmes qui leur sont proposés ne sont pasaccompagnés d’activités génératrices de revenus immédiats.La solution résiderait selon le président du comité local de développement de Diofior en la création d’un centrepolyvalent de formation et de renforcement des capacités des populations, avec des modules de formationdirectement articulés aux opportunités de développement qu’offre l’aménagement de la vallée.D’un point de vue méthodologique, l’équipe d’ENDA Coorcom souligne que l’expérience de Diofior a révélé quel’éducation pouvait être posée comme l’aboutissement d’une première démarche. Ici, la transformation del’environnement combinée à une communication adaptée (conférence en seerer sur l’environnement avec comme« porte d’entrée » le rapport incantatoire à la nature) a permis de déterminer des besoins d’éducation et deconstruire progressivement des enseignements apprentissages en rapport avec ceux-ci.

l’intérieur d’un programme scolaire aurait tendance àlui enlever sa spontanéité et finirait par en faire unréférent socioculturel statique, « fossilisé ». 65 Coordination de la Communication, entitésd’ENDA tiers-monde.

ouverts sont très rares, ces systèmes de valeurssont engagés dans des rapports deconcurrence, chaque modèle éducatifbénéficiant du positionnement politique dusystème qu’il représente.

Au Sénégal, le système républicain et laïquereste dominant. L’Etat et les«partenaires au développement»(agences de coopération, ONG, etc.)appuient essentiellement les modèleséducatifs (formels ou non formels) quiparticipent à ce système de valeur.Leurs relations avec les autresmodèles sont dominées parl’indifférence (active ou passive ?).Les modèles coraniques sontparvenus à se maintenir et à sedévelopper, sans l’aide de l’Etat,grâce au soutien des communautésmusulmanes extérieures (aideprovenant des pays arabo-musulmans) et nationales (solidaritéconfrérique).

Marginalisation des modèles« traditionnels »

Par contre, la faible reconnaissance desmodèles « traditionnels » d’éducation et deformation et l’absence de politique d’appui sesont traduites par leur disparition progressive–c’est particulièrement le cas de l’initiation quin’intéressera bientôt plus que les ethnologueset les historiens. Nous pensons que ces modèles éducatifs fontl’objet d’une double méprise. Tout d’abord, onrefuse à ces systèmes toute capacitéd’adaptabilité. On s’en débarrasse en lesrangeant dans la catégorie des « ritestraditionnels » à qui on colle l’étiquette« pratiques archaïques et révolues ». Lespratiques dites « traditionnelles » n’auraient-elles jamais évoluées ? Ou bien leur évolutionaurait-elle tout à coup été stoppée ? Lessystèmes populaires d’épargne et de crédit, ledynamisme de l’économie populaire urbaine –tous basés sur des formes d’organisation« traditionnelle » – prouvent le contraire. La seconde méprise est que la disparitionprogressive (qu’elle soit volontaire ou non) deces formes d’éducation et de formation laissederrière elle un vide immense que ni l’écoleformelle, ni les autres formes d’éducation non

formelle ne parviennent à combler66. Certaines fonctions éducatives fondamentales -relatives à la construction de l’identitéindividuelle et collective, à l’apprentissage desrègles sociales et des valeurs culturelles – nesont plus assurées, participant à unedéstructuration des entités socioculturelles. De

même le système de formation par filiationrattaché aux castes ne semble pas digned’intérêt.

Il reste qu’il participe encore grandement àl’intégration socioprofessionnelle des jeunes enmilieu rural comme en milieu urbain. Sadisparition progressive n’arrangera rien auxdonnées du problème.Même si l’organisation sous forme de castes estprofondément inégalitaire, elle ne tolère pasl’inactivité et propose à chacun une formation etune activité professionnelle. Cela ne pourrait-ilpas constituer une force pour le développement

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

66 Pierre Erny, dans son ouvrage L’enfant et sonmilieu en Afrique noire, donne une vue synthétiqueet détaillée de la pédagogie initiatique. Il insiste surson caractère complexe et symbolique (quasi-ineffable), ainsi que sur son rôle profondémentstructurant : « Mettant fin à la dualité sexuelle,physique et psychique, les initiations constituent lavoie par excellence qui conduit à l’unité intérieure.S’adressant particulièrement aux garçons, ellescherchent à dégager leur personnalité del’inconscience infantine et de l’emprise de la MagmaMater ; en les engageant à lutter contre la peur, lafatigue, la faim et la douleur, elles développent leurconscience du moi. Quant aux fillettes, elles leur fonttoucher du doigt les mystères de leur être et de leurdestin de femme». L’Harmattan, Paris, 1987, p.246

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Hypothèses pour une analyse globale et critique

de la formation professionnelle au Sénégal ?67

Un fort cloisonnement interne etexterne ?

Cette indifférence (souvent réciproque) a pourconséquence un fort cloisonnement entremodèles non formels. Même si certainesinitiatives tentent de les rapprocher68,l’évolution des systèmes d’éducation et deformation est le plus souvent séparée. On retrouve cette tendance à l’intérieur desdifférents modèles éducatifs. Celle-ci est enpartie liée à la situation institutionnelle décriteprécédemment. D’autres causes participent àce cloisonnement. Il s’agit principalement delimites objectives (accès au réseaux decommunication et aux médias, faiblevalorisation des produits del’éducation non formelles, etc…) etsubjectives (barrières linguistiques etsocioculturelles, esprit« confrérique », etc…), et d’un déficitde volonté politique des acteurs eux-mêmes. Chacun tend à s’enfermerdans sa démarche, convaincu d’êtresur le bon chemin. En fin de compte,la richesse de l’éducation nonformelle se dilue dans la multiplicitécloisonnée des formes éducatives.Pluralité d’efforts « bigarrés » dontl’impact reste très difficile à estimer.

1.3.3 Les réponses de l’éducation nonformelle aux lacunes du systèmeformel

L’émergence d’initiatives d’éducation nonformelle est essentiellement motivée par leslacunes du système formel. Celles-ci font que lesecteur de l’éducation au Sénégal connaît desespaces d’intervention déficitaires ou « vides ». Des secteurs éducatifs (préscolaire, éducationpermanente) sont laissés en friches. D’autrescomme les cycles d’enseignement général, laformation technique et professionnelle sontmarqués par un déficit de l’offre et par une fortesélection. L’éducation non formelle occupe enpartie ces espaces avec des résultats difficiles àapprécier.

1.3.3.1 La situation de l’éducation formelleau Sénégal

1.3.3.1.1 La petite enfance : une nouvellepriorité « officielle »

Ce secteur de l’éducation était considérécomme non prioritaire69 jusqu’au changementde régime politique, intervenu en mars 2000.Cela explique le faible niveau depréscolarisation : en 1998/99, seuls 12,8% des

67 Mme Penda Mbow, historienne, a insisté sur lefait que dans les familles dites « castées », il étaitrare de voir des jeunes gens sans occupationprofessionnelle.68 Intégration de l’enseignement coranique commesupport de formation (santé, environnement) – voir àce titre l’expérience intéressante de l’équipe d’EndaEdev (éducation environnementale) et la publicationde versets coraniques sur la santé ; stage deformation dans les ateliers artisanaux par le CIFOP,etc…

0,00% 10,00% 20,00% 30,00% 40,00% 50,00% 60,00% 70,00% 80,00% 90,00% 100,00%

Préscolaire

Elémentaire

Moyen

Secondaire

Universitaire

Adultes

Formel Champs éducationnel libre

69 Rapport national du Sénégal, Education pourtous, bilan de l’an 2 000 – Pape Momar Sow, 2000,p. 4. L’éducation préscolaire est intégrée au systèmeformel en 1971 (loi d’orientation n°71-36). Il estdivisé en trois types de structures : les écolesmaternelles publiques, les jardins d’enfants et lesgarderies qui relèvent du privé.

Graphique 4 : Champs éducationnels « disponibles » pour l’éducation non formelle au Sénégal 69

enfants entrant en première année del’enseignement élémentaire avaient uneexpérience préscolaire. La grande majorité deces enfants sont d’origine urbaine (95 %). Laplupart des structures préscolaires relèvent duprivé (69% pour l’ensemble du Sénégal, 86%pour la capitale, Dakar) et s’adressent à unpublic privilégié.70

Lors du forum de Dakar, le Président de la

République nouvellement élu, Maître AbdoulayeWade, annonçait une réorientation de lapolitique nationale dans ce domaine : « L’idéede base du système éducatif que j’ai proposéest qu’il part de la maternelle à l’université…N’eût été la contrainte des moyens, j’aurais crééun Ministère du Préscolaire mais j’ai dû mecontenter de créer à la Présidence une Missiondu Préscolaire que j’ai confiée à une institutrice,

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au Sénégalau Sénégal35

Hypothèses pour une analyse globale et critique

Expériences d’éducation non formelle en direction de la petite enfance71

La nouvelle politique officielle en direction de la petite enfance pourra s’appuyer sur un ensemble d’expériences nonformelles intéressantes bien que limitées d’un point de vue quantitatif.

L’expérimentation de modèles alternatifs de type formel : A travers des programmes et des structures spécifiques, plusieurs modèles d’éducation préscolaire intégrant lasanté, la nutrition, les langues nationales, l’éducation religieuse et impliquant les communautés ont étéexpérimentés récemment au Sénégal. Elles ont permis d’élargir l’accès au préscolaire des enfants de conditionmodeste. Il s’agit principalement :

des « centres d’éveil communautaires de la petite enfance » conçus par la DEPEE72 et mis en œuvre par PlanInternational dans 5 régions du Sénégal ;

des « garderies éducatives et sanitaires » ouvertes dans le cadre du PAGPF73 - au nombre de 152, elles sontimplantées dans tout le Sénégal;

des « unités satellites » mises en place en partenariat avec la Mairie de Dakar par l’ORT/SEN dans troiscommunes de la région de Dakar74 ;

des « garderies d’enfants non formelles » animées par des comités de gestion locaux sous l’égide del’AEPCS75 ;

le « centre d’accueil » expérimental réalisé par l’UNICEF avec la participation de la communauté de Pout(région de Thiès).Au total, on peut estimer qu’au moins 5 000 enfants de 3 à 6 ans sont pris en charge par ces modèles alternatifs.

Le développement des garderies et des activités préscolaires de quartier :Les ONG nationales et les associations de quartier développent également des programmes éducatifs en directionde la petite enfance. Ceux-ci se distinguent plus nettement du modèle formel en mettant en œuvre des approchesplus souples et innovantes. A part les expériences de l’ACAPES et d’Enda tiers-monde, le programme « images pour le préscolaire » mis enœuvre par l’association CRESP76 de Yoff est particulièrement original et intéressant. Il s’agit de proposer auxfamilles qui n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants dans les structures préscolaires, d’initier elles-mêmes unensemble d’activités éducatives basées sur un jeu d’images et de mots en wolof et en français. Hebdomadairement,l’activité fait l’objet d’une évaluation collective à laquelle participent les enfants et les parents « professeurs »77.Il n’existe pas d’indicateurs quantitatifs précis concernant ces initiatives. On peut cependant estimer – par défaut –en tenant compte des expériences d’Enda tiers-monde et d’ACAPES que dans la région de Dakar, plus de 200structures associatives locales accueillent quotidiennement une trentaine d’enfants (soit un total de 6 000 enfants).

70 Données tirées du Rapport national du Sénégal,Education pour tous, bilan de l’an 2 000 – PapeMomar Sow, 2000, pp.22-23.71 Une partie des données est tirée du site trèscomplet du groupe de travail DPE (Développementde la Petite Enfance), qui associe le Ministère del’Education Nationale, le Ministère de la Famille, del’Action Sociale et de la Solidarité Nationale, leMinistère de la Santé, l’AGETIP, la BanqueMondiale, l’UNICEF.72 La Direction de l’Enseignement Préscolaire et del’Enseignement Elémentaire, MEN.

73 Programme d’Appui aux Groupements dePromotion Féminine74 Une des spécificités de ces « unités satellites »est de faire le lien entre le préscolaire et les activitésde promotion féminines.75 L’association d’entraide des établissementspréscolaires catholiques du Sénégal76 Centre de Ressources pour l’Emergence Socialeet Participative.77 Pour plus de détails, voir la page web :http://www.siup.sn/dpesenegal/cresp.htm

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal36

Hypothèses pour une analyse globale et critique

mère de famille, avec la conviction qu’elle auraune dimension et un impact insoupçonnés surnotre développement. »78

Depuis ce discours, la situation a sensiblementévolué puisqu’un Ministère chargé de la petiteenfance a été créé. Il est chargé de développerune nouvelle approche s’adressant aux enfantsde 0 à 6 ans et combinant éducation, santé etnutrition.

Le développement du sous-secteur de la petiteenfance est pour plusieurs raisons essentiel :Il s’agit tout d’abord de réformer en profondeurl’approche et les programmes del’enseignement préscolaire en y intégrantdavantage les cultures locales(préalphabétisation en langues nationales, jeuxet contes traditionnels79), la nutrition et la santé.Les nouveaux programmes destinés à la petiteenfance (0-6 ans) auront également pourprincipe la valorisation des ressources localeset l’implication des communautés permettantainsi une ré-appropriation de la fonctionéducative ;Il est démontré que l’éducation préscolaire ades répercussions importantes sur le bondéroulement de la scolarité – de plus comme lesoulignait, M. Boukar Diouf, Inspecteurd’Académie de la région de Thiès80 l’accueil desenfants de 2 à 5 ans permettrait unedémocratisation de l’éducation de base par descampagnes intégrées d’inscription à l’écoleélémentaire ;Le développement de ce sous-secteur devrait àterme avoir un impact non négligeable sur lasanté, la nutrition des enfants et donc sur leurscapacités à étudier ainsi que sur les activitésdes mères, qui pourront ainsi une partie de lajournée vaquer en toute sérénité à leursoccupations.

1.3.3.1.2 Enseignement élémentaire :avancées quantitatives, rendements faibles

Augmentation du nombre d’enfantsscolarisés

L’enseignement élémentaire a été, durant ladécennie 1990-2000, une des priorités du

gouvernement sénégalais.Un des principaux objectifs de ce secteur étaitl’amélioration de l’accès à l’éducationélémentaire. Dans le cadre d’action pourl’éducation pour tous, élaboré en 1991, lascolarisation universelle au Sénégal étaitprévue pour 2015, avec les objectifsintermédiaires suivants : 65% de taux brut descolarisation (TBS) en 1995, 75 % en 2000.Malgré une progression nette (voir le graphiqueci-dessus), l’objectif de 2000 est encore loin

d’être atteint.La question de l’accès concerne surtout les

78 Forum Mondial sur l’éducation - Allocution de sonexcellence Maître Abdoulaye Wade, Président de laRépublique du Sénégal - pp.4-5.79 Voir le détail des supports pédagogiques de typetraditionnel dans l’étude réalisée par la DPE(Développement de la petite enfance) portant sur lasituation et les possibilités de développement de lapetite enfance au Sénégal http://www.siup.sn/siup.sn/dpesenegal/rapport__a.htm80 Rencontré en juin 2000 lors d’une mission deprospection sur l’éducation avec la coopération duGrand-Duché de Luxembourg.

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années

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TBS 1998/99

TBS 1990/91

Graphique 5 : Evolution du Taux Brut de Scolarité (TBS) par genre

Graphique 6 : Evolution du Taux Brut de Scolarité (TBS) par région

publics marginalisés. Au Sénégal, il s’agitprincipalement des jeunes filles et des enfantsissus des zones rurales éloignées et des zonespériurbaines défavorisées.Même si les résultats restent à élargir et àconsolider, le programme « scolarisation desfilles » (SCOFI), lancé lors du Forum de Faticken 1995, a permis de réduire l’écart entregarçons et filles.81

Les disparités entre régions restent, par contre,très importantes, même si certaines régions,comme Tambacounda et Kolda, ont connu,durant la décennie, une nette amélioration.

Des rendements très faibles

Les recherches de la division évaluation del’INEADE ont clairement montré que laprincipale limite de l’école formelle était sonfaible rendement. Le chef de cette division, M. Tamsir Samb nous a présenté comme suitles résultats de ces recherches. L’hypothèse dedépart était qu’un enfant scolarisé durant quatreannées (c’est à dire jusqu’au CE2) était àl’abri de l’analphabétisme de retour. Il s’estavéré au regard du degré de maîtrise desobjectifs de formation que cela n’était pasle cas au Sénégal. Pour que la maîtrised’une formation soit satisfaisante, lanorme est qu’au moins 80% des objectifssoient assimilés par 80% des apprenants.En ciblant exclusivement les classes deCE2, les évaluateurs se sont renduscompte que seuls 0,2% des apprenantsont acquis ce degré de maîtrise. Celasignifie concrètement que sur 100apprenants sénégalais du CE2,pratiquement aucun ne maîtrise lesobjectifs de formation. Si l’on se réfère audegré de maîtrise minimum (50% desobjectifs), seuls 32 % des apprenants sonten voie de maîtrise.Dans le cadre du SYNERS (SystèmeNationale d’Evaluation des RendementsScolaires), l’analyse du CP au CM2 adonné un niveau de maîtrise de 15%. La normeétablie de maîtrise s’inverse malheureusementau Sénégal : 85% des apprenants ne maîtrisentpas 80% des objectifs. Les données les plus

récentes sont également très inquiétantespuisqu’elles montrent que seulement 48% desélèves atteignent la 5ème année d’étude (CM1).

Un système à plusieurs vitesses

Comme nous l’avons vu, la politique dugouvernement sénégalais en matièred’enseignement élémentaire, a consisté àaugmenter les effectifs en réduisant aumaximum les coûts – avec pour principaleconséquence une dégradation du temps et de laqualité d’enseignement.Cette limitation des ressources combinée à uneinstabilité sociale et politique ont profondémentaffecté la qualité de l’enseignement. Lesconditions sont réunies pour que les élèvesdéfavorisés soient marginalisés dès le cycleélémentaire : effectif pléthorique, absence desuivi et d’encadrement (en particulier pour lesenfants des quartiers urbains défavorisés,victimes du double-flux), manque de matérieldidactique et pédagogique, non recours aux

langues nationales et aux cultures locales, fortesélection en fin de cycle, débouchés limités horsdu système formel…Un système exclusif à quatre vitesses s’est misprogressivement en place, l'insertion dans lesystème éducatif et la réussite scolairedépendant directement du milieu d'origine :

les enfants des classes les plus pauvres(petits vendeurs, travailleurs saisonniers) n'ont

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal37

Hypothèses pour une analyse globale et critique

81 « en effet, l’indice de parité filles/garçons est passéede 0,72 à 0,81 » in Rapport national du Sénégal,Education pour tous, bilan de l’an 2 000 – Pape MomarSow, 2000, p. 4.

Double flux :avantages et inconvénients

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal38

Hypothèses pour une analyse globale et critique

pas accès à l'école, faute de moyens etd'informations, et parce que l'enfant représentesouvent une force de travail dont la famille nepeut se passer ;

les enfants des classes défavorisées(artisans, ouvriers, commerçants habitant dansles quartiers urbains périphériques) ont unaccès limité à l'école ; lorsqu’ils sont scolarisés,la plupart sont victimes du système à double-flux. Faute de moyens et d'encadrement, ilsconnaissent un taux d'échec scolaire élevé ;

les enfants des classes moyennes(fonctionnaires, cadres moyens) ont accès àl'école, avec un taux d'échec scolaire moyen. Ilsparviennent le plus souvent au second cycle,avec des chances réduites d'insertion dans lavie active ;

les enfants des classes supérieures (hautsfonctionnaires, cadres supérieurs, professionslibérales) ont accès aux écoles privéesréservées à l'élite. Ils poursuivent le plussouvent leurs études après le second cycledans les universités occidentales.

1.3.3.1.3 L’enseignement technique etprofessionnel : le « talon d’Achille » dusystème formel sénégalais

Le secteur de l’enseignement technique etprofessionnel est une des priorités duProgramme Décennal de l’Education et de la

Formation. Qualifié de « peu maîtrisé », il peutêtre considéré comme le talon d’Achille dusystème formel sénégalais.Il se caractérise essentiellement par :

trois niveaux d’intervention : à la fin ducycle élémentaire avec les Centres Régionauxet Départementaux de Formation

Professionnelle, à la fin du cycle moyen avecl’enseignement secondaire technique, à la fin ducycle secondaire avec les écoles supérieuresde formation technique et professionnelle82 ;

une évolution négative : l’enseignementtechnique et professionnel est le seul sous-secteur de l’éducation à avoir connu uneévolution négative durant la décennie1990/2000 avec une baisse moyenne annuellede 2% : « On constate que, malgré la prioritéaccordée à l’enseignement technique et à laformation professionnelle dans les objectifs depolitique éducative de l’Etat, ce sous-secteur necesse de voir ses ressources décliner en termetant absolu que relatif. Celles-ci sont en effet

tombées de 8,3 milliards defrancs CFA en 1992 à 7,3milliards en 1996, soit unechute de 12,2% en valeurabsolue et un recul de la partdu sous-secteur dans lesdépenses d’éducation de10,1% à 7,6% »83.

une forte inadéquationoffre / demande : malgré uneforte demande - surtout en finde cycle élémentaire oùenviron 75% des élèves sontexclus de l’enseignementgénéral - les capacités

d’accueil de ces structures sont très limitées. Onpeut estimer qu’elles n’absorbent pas plus de

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82 ENSEPT, ENSUT, ENTSS, ENEA, etc…83 in Rapport national du Sénégal, Education pourtous, bilan de l’an 2 000 – Pape Momar Sow, 2000,p. 5.

Graphique 7 : Evolution des effectifs del’enseignement secondaire technique

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal39

Hypothèses pour une analyse globale et critique

Le CIFOP: "Comme si on était en entreprise"

Le centre international de formation professionnelle (CIFOP) est une institution privée laïque de formationprofessionnelle, à vocation sociale. Elle est située à Mboro sur Mer, ville de petite taille, à 100 km au Nord de Dakar .Le CIFOP est implanté dans la forêt classée de Mboro, confiée en 1982 par l’Etat sénégalais aux Eclaireuses etEclaireurs du Sénégal (EEDS), suite à leurs efforts de reboisement et d’entretien des forêts. En partenariat avec lesGuides et Scouts du Luxembourg, les EEDS entreprennent les premiers travaux de construction du centre en 1987.Après plusieurs chantiers bénévoles regroupant près d’un millier de jeunes sénégalais et luxembourgeois, le CIFOPvoit le jour. L’ensemble des sections fonctionnent depuis 1991.

Grandes orientations et domaines d’interventionLa promotion des jeunes :

L’objectif premier du CIFOP est de contribuer à l’intégration socioprofessionnelle des jeunes. Constatant le manquede main d’œuvre qualifiée au Sénégal, les responsables du CIFOP ont cherché à revaloriser le travail manuel auprès

des jeunes n’ayant pu accéder au second cycle.Cela s’est traduit concrètement par des ateliers deformation professionnelle dans les secteurs primaireet secondaire : menuiserie, mécanique,chaudronnerie, agriculture, bâtiment, couture. Unedes particularités du CIFOP est d’avoir favorisél’accès des filles à ces métiers réservéshabituellement aux hommes - la couture mise à partbien entendu.Ces activités de formation sont résolument orientéesvers la vie active : stages en atelier ou en entreprise,production commercialisable pour l’autofinancement,projets d’entreprise en fin de formation.La formation est également de plus en plus ouverteaux apprentis, souvent non-scolarisés, aux stagiairesvenant du privé et à des auditeurs issus dumouvement scout. Cette évolution a impliqué ladiversification des niveaux de formation. Le CIFOP

favorise également les échanges culturels entre jeunes du Sénégal et d’autres pays, dans le cadre du mouvementinternational scout.

Le développement communautaire de la zone des Niayes :Le CIFOP a également pour objectif de soutenir les initiatives de développement local de la zone de Niayes. Celase traduit principalement dans trois domaines : la santé, l’environnement et la production agricole, l’éducationet l’appui aux groupes de base

Caractéristiques de la démarche pédagogique

S’inspirant de la « méthode scoute », la démarche pédagogique vise à promouvoir l’apprentissage par l’action, lavie en petits groupes, l’auto-éducation progressive et la co-gestion. Cela se traduit concrètement de la sorte :

Elaboration des programmes de formationLe CIFOP vise à former des jeunes qui puissent être opérationnels avant même leur sortie. Les modules mis enœuvre par le centre respectent la charpente du programme officiel. Les responsables techniques prennentcependant l’initiative d’ajouter ce qui est jugé utile pour atteindre les objectifs pédagogiques. Ces compléments sefont sur la base d’enquêtes au niveau des entreprises (pour connaître leurs besoins réels) et d’une confrontationavec les programmes d’autres pays.Une autre caractéristique des programmes de formation du CIFOP est la pluridisciplinarité. Les apprenants de lasection « bâtiment » ou « agriculture » doivent être à l’aise dans tous les corps de métier touchant au domaine deformation. Ainsi la formation agricole comprend par exemple le maraîchage, la floriculture, l’arboriculture, l’élevageet la foresterie.

« Comme si on était en entreprise »Le CIFOP a également pour ambition de faire vivre aux jeunes formés des conditions de travail comparables àcelles de l’entreprise. Cela se traduit par :- des volumes horaires (47 heures par semaine) et des rythmes de travail réguliers ;- des temps de stage en entreprise : 45 jours/an pour les 2 premières années, 4 à 5 mois en fin de formation ;

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal40

Hypothèses pour une analyse globale et critique

5% de ces jeunes déscolarisés. L’évolution négative des ressources allouées àce sous-secteur a même tendance à limiterl’offre déjà réduite, comme le prouve l’évolutiondes effectifs dans le secondaire technique.

des équipements et des programmessurannés : la faiblesse des ressources joueégalement sur la qualité des enseignements-apprentissages. Les moyens pédagogiques(programmes, manuels) et techniques (outilsde production) datent souvent de plus de deuxdécennies. Ils ne permettent pas une formationadaptée aux réalités économiques ettechnologiques.

Le PDEF présente des réformes en profondeurde ce sous-secteur. Il s’agit essentiellement :

l’amélioration de l’accès à ce sous-secteurpar le développement de la formation en

entreprise et de l’apprentissage dans lesateliers artisanaux, par la réhabilitation desstructures existantes et la diversification desfilières ;

la réorientation d’une grande partie desélèves accédant à l’enseignement moyen versla formation professionnelle84 ;

l’amélioration de la qualité parl’actualisation des contenus de formation liésaux filières existantes et l’intégration denouvelles filières jugées porteuses (NTIC,graphisme, recyclage, etc…). L’objectif principalest de parvenir à une adéquation formation /emploi.

- l’apprentissage en situation réelle que permet le développement d’activités productrices pour l’autofinancementpartiel de la structure : répondre aux exigences d’une commande (qualité, délais, …), faire une étude de marché,négocier avec le client… ;- l’intervention de personnes-ressources d’origine et de profil différents (artisan, ingénieur, professeur).A la fin de leur formation, les jeunes doivent être capables de concevoir eux-mêmes un projet professionnel soit enrapport avec une entreprise, soit dans la perspective d’une activité autonome.Les conditions de vie du centre (le repas de midi et l’hébergement sont pris en charge par le CIFOP) font également

que les apprenants doivent développer entreeux une solidarité agissante pour subvenir àleurs autres besoins.

Un centre ouvert sur son environnementLe CIFOP n’est pas une structure autarcique,fermée sur elle-même. Il propose auxpopulations environnantes une diversitéd’activités et de services. Au cours des années,plusieurs partenariats se sont ainsidéveloppés : avec les paysans pour laprévention des problèmes environnementaux ;avec les femmes pour l’alphabétisation et lasensibilisation (particulièrement dans ledomaine de la santé), avec les entrepriseslocales pour la formation complémentaire desapprentis qui en sont issus et la mise ensituation des apprenants du centre.

Ces échanges multiples ont permis à la fois de diversifier l’offre de formation, en la rendant accessible auxpopulations environnantes, et d’offrir aux jeunes en formation des situations concrètes d’apprentissage.

En 10 ans, le CIFOP a formé ainsi plus de 1 000 apprenants. Ces derniers sont aujourd’hui pour la plupart intégréssoit dans les entreprises dites « modernes », soit dans l’économie populaire.La principale réussite du CIFOP est d’avoir mis en place un système de formation parmi les plus efficaces auSénégal. Les responsables du CIFOP sont conscients de ce fait. Pour eux, leur système est deux fois plus rapideque celui du formel : « Là où l’Etat met deux ans pour former quatre personnes, nous en mettons un ». Même sicela reste difficile à vérifier dans ces termes, on peut tout de même affirmer que les sortants du CIFOP sont aumoins aussi compétents et efficaces que ceux qui ont suivi une formation du même type dans le système formel. Les résultats en terme de qualité et d’intégration socioprofessionnelle, la dimension sociale du centre et ses effortsd’autofinancement devraient faire de lui un exemple à appuyer et à démultiplier dans d’autres régions du Sénégal.

84 Certaines questions restent cependant sansréponse à la lecture du PDEF : Quels critères pourl’orientation ? Quel cursus en fonction de quelsdébouchés ? Quelle préparation à la formationprofessionnelle dans l’élémentaire ? Quellesstructures d’accueil ?

Dans son mémoire de fin d’étude85, CheikhMoussa DIOP aborde dans ce sens ensoulignant que la principale innovation àapporter est d’installer la formationprofessionnelle à tous les niveaux et de rendrele système éducatif capable d’asseoir despasserelles qui favorisent l’articulation entrel’enseignement général et la formationprofessionnelle.En définitive, le système éducatif formel auSénégal connaît un double échec. D’une part, ilest très peu efficace tant du point de vue del’accès (taux de scolarisation faible, déperditionscolaire importante) que de la qualité (taux demaîtrise des objectifs pédagogiques trèsfaibles). D’autre part, il tient les enfants et lesjeunes loin de la vie réelle, limitant ainsi leurschances de pouvoir s’intégrer plus tard. Cettesituation est très inquiétante. Le systèmefonctionne à l’envers. Il semble que plus lascolarité est longue, plus les possibilitésd’intégration socioprofessionnelle se réduisentou se complefixient.

1.3.3.2. Estimation des résultats del’éducation non formelle par typed’intervention

En raison des forts taux de non-scolarisation etde déscolarisation au Sénégal, des initiativesnon formelles diversifiées interviennent en aval,en amont et en complément du système formelpour élargir l’accès des plus défavorisés àl’éducation de base.

1.3.3.2.1 Un partenariat entre l’Etat et lasociété civile contre l’analphabétisme

Comme nous l’avons vu dans l’analysehistorique, la décennie 1990/2000 a étémarquée par une ouverture de la politiqueéducative de l’Etat à l’éducation non formelle.Concrètement, cette réorientation s’est traduite :

par la mise en œuvre de programmesconcertés de financement et d’appui,coordonnés par la Direction de l’Alphabétisationet de l’Education de Base (DAEB) et exécutéspar des opérateurs issus de la société civile(ONG, association) suivant les modalités demanuels de procédures ;

par la responsabilisation des entitésadministratives déconcentrées (Inspectiond’Académie et Inspection Départementale del’Education Nationale – IDEN) dans le choix desopérateurs, le suivi et l’évaluation desprogrammes d’éducation non formelle.

Les principaux objectifs opérationnels visés àtravers ces programmes sont l’éradicationprogressive de l’analphabétisme par uneréduction annuelle de 5%, et l’amélioration de laqualité et de la pertinence des activitéséducatives non formelles.A travers ses services chargés de la statistiqueet de l’évaluation, la DAEB procède à un suiviminutieux de ces programmes nationaux. Ellepublie chaque année un annuaire statistiquedétaillé et procède à des évaluations

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal41

Hypothèses pour une analyse globale et critique

85 DIOP, Cheikh Moussa – La formationprofessionnelle, une réponse à la déperditionscolaire au Sénégal : l’expérience du centre nationaldes cours professionnels industriels - ENTSS, 2000.

d alphabétisation

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PAPF PAPA Prog GTZ PAIS Autresprog

Niveau 1

Niveau 2

Post Alpha

Graphique 8 : progression des effectifs desprogrammes d’alphabétisation Graphique 9 : répartition des effectifs par programme

et par niveau

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal42 Hypothèses pour une analyse globale et critique

régulières86.

Les données publiées par la DAEB permettentd’avoir une idée assez précise des résultatsobtenus dans le cadre des programmesnationaux d’éducation de base non formelle :

Depuis le recensement de 1988, le tauxd’analphabétisme, qui était de 68,9%, n’a cesséde diminuer. Il était estimé en 1999 à 48,9%87.Les dernières statistiques de la DAEB montrentque ce recul s’est poursuivi en 2000 : entouchant 209 916 bénéficiaires, lesprogrammes d’alphabétisation ont connu uneprogression de 13,5 % par rapport à 1998/1999,permettant de se rapprocher de l’objectif deréduction annuelle de 5 %. Le PAPF et le PAPAmobilisent à eux seuls 80,4 % des effectifs.L’intensification88 et l’extension de ces deuxprogrammes expliquent la forte hausse deseffectifs en 1999/2000.

Les programmes nationaux touchent enpriorité :- à travers les classes d’alphabétisationfonctionnelle, les femmes analphabètes ou peualphabétisées (90,2 % des effectifs du PAPF et87,8% du PAPA89 , alors que l’objectif de départétait de 75%) ; - à travers 30490 classes alternatives rattachéesaux écoles communautaires de base, lesadolescents de 9 à 14 ans exclus du systèmescolaire formel, avec des effectifs approchant10 000 apprenants par an.

La part des programmes d’alphabétisationautonomes est de moins en mois importante parrapport

à celle des programmes sous tutelle de l’Etat.Elle est passée entre 1995 et 2000, de 49% à10 %. La DAEB explique ainsi cette évolution :« les raisons tiennent à la disponibilité desressources financières auprès des projets del’Etat qui, de plus en plus, appuient lesopérateurs dans la recherche des ressourcespour l’alphabétisation »91.

Les programmes nationaux d’alphabétisationtouchent l’ensemble des régions du Sénégal demanière équitable – à part les régions de Koldaet de Ziguinchor qui ont connu en 1999/2000des périodes de forte instabilité politique,amenant la fermeture de nombreuses classesd’alpha-bétisation – et tiennent compte desspécificités linguistiques régionales.

Même si les indicateurs qualitatifs sont peunombreux pour juger de l’impact de cesprogrammes nationaux, l’évaluation comparéedes projets d’alphabétisation insiste sur lafaiblesse des résultats concernant l’écriture et lecalcul. Cela explique peut-être l’écart importantentre niveaux d’alphabétisation (voir graphiqueci-dessus). Même si les indicateurs quantitatifssont proches de l’objectif d’une réductionannuelle de 5% du taux d’analphabétisme, lenombre effectif de néo-alphabètes est encorenettement en-deçà. La même évaluation souligne cependantl’importance des acquisitions fonctionnellesdans le domaine de l’hygiène et de la santé.

Il faut également prendre en compte lesefforts réalisés pour l’amélioration qualitativedes programmes en cours. Celle-ci se traduitessentiellement par l’expérimentation dedifférentes approches : programme intégréd’éducation des adultes de 24 mois (PAPF),sessions d’alphabétisation fonctionnelle de 6 etde 10 mois (PAPA), approche « ciblée etqualitative » des projets appuyés par la GTZ(PADEN et Alpha Femme), différents modèlesd’écoles communautaires de base.

Le PDEF prévoit le renforcement de cettepolitique de réduction de l’analphabétisme(avec un taux de ponction progressif de 5,6% à28 % et une moyenne de 128 000 néo-

86 A noter l’évaluation comparative réalisée par ladivision de l’évaluation et deux consultants(statisticien, pédagogue) publiée en juillet 1999 sousle titre : « Etude comparative de projetsd’alphabétisation fonctionnelle » (PAPF, PAPA,PAIS2, PADEN, Alpha Femme, PGCRN)87 Rapport national du Sénégal, Education pourtous, bilan de l’an 2 000 – Pape Momar Sow, 2000,p. 4.88 En 1999/2000, l’offre du PAPA étaitparticulièrement forte : 144 requêtes retenues pour1800 classes.89 « Etude comparative de projets d’alphabétisationfonctionnelle » (PAPF, PAPA, PAIS2, PADEN, AlphaFemme, PGCRN), p.1290 1/3 de ces classes sont animées directement pardes ONG, les 2/3 restant sont intégrés au PAPA.

91 DAEB : « Statistiques en matièred’alphabétisation 1999/2000 » - septembre 2000,Dakar, p.2.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal 43Hypothèses pour une analyse globale et critique

alphabètes les 3 premières années) parl’amélioration « de la qualité et de la pertinencede l’offre d’éducation non formelle »(fonctionnalité assurée par une démarche derecherche-action, matériels didactiques,formation de formateurs) et le renforcement dupartenariat engagé (suivi, gestion,communication).L’extension et le renforcement des écolescommunautaires de base (ECB) devraientparallèlement permettre d’atteindre en2008/2009 la scolarisation universelle, commele projètent en tout cas le CREA92 et de laDAEB (voir graphiques ci-après).

Cette généralisation des écolescommunautaires de base n’est pas sanssoulever des interrogations importantes :

Sur quelles bases objectives le modèle93

des ECB a-t-il été jugé suffisamment efficace etpertinent pour justifier une telle extension ?

D’après les projections proposées, la duréede vie des ECB devraient se réduire à 10 ans.Les ECB apparaissent ainsi comme unraccourci permettant d’effacer, avec peu demoyens et en un temps record, les lacunesactuelles du système formel. Avec des objectifset des effectifs similaires à ceux de l’école« formelle », les ECB ne seront-elles pasperçues comme une école « bis », une écoledes exclus ?

Que va devenir cette expérience ?Disparaître, apporter aux écoles formelles denouveaux contenus et méthodes, se poursuivre

et proposer aux élèves déscolarisés ou non-scolarisés une formation de base ?

Les ECB proposent une éducation de baseen langues nationales et en français de courtedurée (4 ans). Quelle qualification auront lessortants des ECB ? Dans quelles filièreséducatives, formatives ou socioprofessionnellespourront-ils s’intégrer ? Comment ne pasreproduire une des principales lacunes dusystème formel : l’inadéquation entre formationet emploi, l’absence consécutive de débouchéset de motivation ?

D’une manière générale, il ressort égalementdes entretiens que nous avons eus avec ledirecteur de la DAEB, Serigna Tacko Ndaw, etun des responsables d’Aide et Action, GorguiSow, deux éléments critiques : la désuétude dumanuel de procédure et la nécessaire révisiondes approches en cours.

Sur le premier point, Gorgui Sow pense quel’actuel manuel de procédure, inspiré du modèlede l’AGETIP, n’est pas adéquat. Il a étéconfectionné suivant les modèles en cours dansle domaine des travaux publics et ne tient pascompte des spécificités de l’éducation. Il acontribué à la « marchandisation » du secteurde l’alphabétisation. Sans être spécialistes del’éducation, certaines personnes parce qu’ellesmaîtrisent la procédure de montage des projetse sont faites «spécialistes en alphabétisation».Du coup, l’atteinte des objectifs quantitatifs pourrentabiliser leur projet et continuer à bénéficierde financements a pris rapidement le pas sur lesouci de dispenser des prestations de qualité.

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92 Centre de Recherche en Economie Appliquée.93 Une question connexe est « quel modèled’ECB ? », plusieurs formes ayant étéexpérimentées.

Graphique 10 : projection concernant l’évolution des écolescommunautiares de base (ECB)

Graphique 11 : projection concernant l’évolutiondu nombre d’enfants non-scolarisés

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal44

Hypothèses pour une analyse globale et critique

La solution selon Gorgui Sow serait :soit d’être plus regardant et plus exigeant

sur le profil des opérateurs en alphabétisationde sorte à transformer leur tendance« alimentariste » ;

soit de former au niveau décentralisé(IDEN) du personnel pour suivre et coordonnerles activités des opérateurs en tenant compteaussi bien des indicateurs qualitatifs quequantitatifs lors des évaluations.Serigne Tacko NDAW, directeur de la DAEB,n’est pas loin de penser la même chose lorsqu’ilnous a informé qu’un nouveau manuel deprocédure tenant compte de ces observationsest en cours d’élaboration. Une premièretentative a déjà eu lieu pour l’expérimentationdes programmes intégrés d’éducation desadultes dans le cadre du PAPF. Ce manuel a étéconçu pour expérimenter une nouvelle stratégiequi consiste à amener les opérateurs à préparerdes requêtes plus complètes et plus intégréesau regard des objectifs d’alphabétisation. Sur lesecond point (la révision des approches) et àpeu près pour les mêmes raisons, le directeurde la DAEB défend le recours à des« approches-programme » en remplacementdes « approches-projets » du moment. Celapermettrait selon lui un meilleur ancrage dans ladurée.

Les programmes d’alphabétisation se heurtentégalement à deux autres difficultés majeuresliées en grande partie au statut des languesnationales :

la faiblesse des activités de post-alphabétisation94 et des champs d’applicationen langues nationales : comme l’ont souligné

certaines des personnes rencontrées95,l’alphabétisation ne doit pas se limiter à desacquisitions de base (lecture, écriture, calcul) ;elle doit permettre de développer descompétences fonctionnelles permettant lerenforcement des communautés dans laproduction, la gestion des ressources, leplaidoyer, etc… ;

la nécessité de compléter l’alphabétisationen langues nationales, par l’accès à la langueofficielle et aux langues internationales (anglais,espagnol, arabe) : l’expérimentation des ECB arévélé cette nécessité. Mme Penda Mbow(historienne) insiste sur ce point en soulignantque le fait de limiter l’alphabétisation auxlangues nationales était une nouvelle façon demarginaliser les femmes, « cibles » prioritairesdes programmes nationaux.Certaines initiatives intéressantes sont en courspour répondre à ces lacunes importantes :

intégration dans les ECB del’apprentissage du français (avec par exempleles expériences d’ADEF, d’Aide et Action /

94 Pour ceux qui seraient encore pessimistes quantau développement d’une littérature en languesnationales, suivent les propos de Boubacar BorisDiop (romancier sénégalais) à ce sujet : « Pendantlongtemps, j’ai été assez réservé sur la question deslittératures en langues nationales. Je pensais qu’iln’y aurait pas de public pour ces textes. C’était enfait un point de vue typiquement citadin. Au Mali, lesouvrages publiés en Bambara par les éditions LeFiguier partent plus vite que les texte en français.Les livres sont lus et commentés en milieu rural, cequi est une véritable révolution. Notre littératurefrancophone est très jeune et, à l’échelle d’unehistoire littéraire s’étendant sur plusieurs siècles, onpeut la considérer comme une simple littérature detransition. En attendant, elle va continuer à existeravec un public dont la composition et les attentesévoluent très vite. Vous savez, il y a quelques

années, le monde noir était un bloc homogène, lesromans du Nigérian Chinua Achebe ou duCamerounais Mongo Betti, presquesystématiquement traduits, jouaient des frontières.Aujourd’hui, chacun écrit à l’échelle de son pays. Iln’existe plus à proprement parler, une littérature dela diaspora noire. », propos reccueillis par DoudouSarr Niang et Habib Demba Fall, extraits du Soleil, inCourrier International, n°540, 8-14 mars 2001, p. 43.95 Gorgui Sow (Aide et Action), Souleymane BachirDiagne (UCAD), Tamsir Samb (INEADE).

Ecoliers du Monde, etc…),création d’environnement lettré (exemple

des centres de lecture d’Aide et Action / Ecoliersdu Monde)

publication d’ouvrages de post-alphabétisation en langues nationales(important travail éditorial de certainesorganisations : Aide et Action, ADEF, Enda tiers-monde96).

1.3.3.2.2 Un engagement associatifmultiforme pour l’éducation et la formationpermanente

Certaines expériences (ACAPES, Enda tiers-monde, TOSTAN…) prouvent l’engagement desstructures non gouvernementales et leurparticipation au renforcement des secteurs del’éducation et de la formation sont relativementanciens – remontant aux premières crises dusystème formel. Les interventions gouver-nementales s’appuient d’ailleurs en grandepartie sur cet engagement. Il reste que lamajorité de ces initiatives se développent endehors des programmes coordonnés par laDAEB. Bien que la plupart des structuresengagées dans l’éducation non formelle rendentpublics les résultats de leurs programmes, il estdifficile d’estimer de manière générale leurcontribution et l’impact de leurs activités. Larépartition de leurs activités le prouvent : lesONG nationales et internationales interviennentà des niveaux et dans des secteurs d’unegrande diversité.

Certaines grandes tendances peuventcependant être dégagées :

la dominante formation-alphabétisation :L’alphabétisation et la formation représentent lamoitié du volume d’activité des ONG nationaleset internationales intervenant dans l’éducationnon formelle. Comme nous l’avons vuprécédemment, elles sont souvent liées ;l’alphabétisation étant posée comme unpréalable à l’acquisition de savoirs et decompétences techniques. Il existe cependant un écart important entre ces

domaines d’activités. Il est principalementdû à la forte implication de l’Etat dans ledomaine de l’alphabétisation et au fait quela formation englobe souvent des activitésd’alphabétisation. Les activités spécifiquesde formation sont orientées pour moitiévers les adultes et les femmes, les jeunesne bénéficiant que de 8% de cesprogrammes.

des cadres partenariaux intégrateurs :La plupart des programmes d’éducationnon formelle se construisent à partir de

partenariats impliquant les organisationsd’appui (agences de coopération bilatérale etmultilatérale, ONG nationales et internationales)et les structures associatives ou privées locales.Cette structuration explique l’importance desactivités d’appui méthodologique, matériel etorganisationnel. Ces cadres partenariauxpermettent, par une mise en réseau desacteurs, l’extension et le partage desexpériences. Les expériences nongouvernementales ont ainsi tendance à passerdu micro au macro. Cette progression estégalement facilitée par l’appui des programmesnationaux qui permettent une expérimentation àgrande échelle de certaines approches.

appui méthodologique et production desupports didactiques d’accompagnement :Un des résultats appréciables des expériencesnon gouvernementales d’éducation nonformelle est le développement d’une ingénieriepédagogique non formelle. De la nécessitéd’élaborer des cadres méthodologiques deréférence ont germé des démarchespédagogiques innovantes, combinant toutessortes de méthodologies, d’outils et desupports. Après une longue phased’expérimentation, celles-ci arrivent à

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal45

Hypothèses pour une analyse globale et critique

96 Il s’agit particulièrement de la coédition de contesbilingues en collaboration avec l’IFAN (disponiblesen wolof, pulaar et sereer), du livre d’imagesuniverselles en wolof et en pulaar, d’un projet demanuel de physique en pulaar, d’un abécédaireutilisant des langues du Sénégal et le français.

Formation

31%

Alphabétisation

18%Appui méthod et

matériel

14%

Sensibilisation

11%

Appui au

système formel

9%

Préscolaire

5%

Appui

organisationnel

4%Education

alternative

8%

Graphique 12 : activités des ONG intervenant dans l’éducationnon formelle

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal46

Hypothèses pour une analyse globale et critique

Education, culture et droits humains : l’expérience de TOSTAN

TOSTAN est une ONG internationale qui a son siège à Thiès, à 70 km à l’Est de Dakar. Créée en 1991, elle estreconnue par l’Etat sénégalais. Elle intervient en zone urbaine et rurale et son action a déjà touché neuf régionsdu Sénégal - sur un total de dix.

Origine et évolution de la structure

En 1976, une éducatrice américaine ayant fréquenté l’Université deDakar et un animateur culturel sénégalais spécialiste des traditionsorales mettent sur pied le centre de ressources Demb ak Tey (« hier etaujourd’hui » en wolof). Ce centre a pour vocation de faciliter l’accèsdes enfants sénégalais aux livres, au théâtre, aux marionnettes, auxjeux et autres activités artistiques directement inspirées des traditionsafricaines, le tout en langue nationale wolof. Le succès des activités ducentre conforte les responsables dans l’idée que l’utilisation descultures traditionnelles est une excellente porte d’entrée pour ledéveloppement d’activités éducatives. Ils élaborent alors un programmeexpérimental de quatre modules en langues nationales entre 1987 et1988, complété par l’expérimentation de deux autres modules entre1988 et 1991. La création de ce programmes innovateur et les activitésde développement qui l’accompagnent finissent par convaincre del’opérationnalité du programme et de la nécessité de l’inscrire dans ladurée. Le programme «Demb ak tey» change de statut en devenant enfévrier 1991 l’ONG TOSTAN.

Grandes orientations

l’être humain dans toutes ses dimensionsLa philosophie et l’action de TOSTAN sont centrées sur l’être humain, ce qu’il est , ce qu’il pense, ce qu’il vit, cequ’il sent et ressent, et ce à quoi il aspire. L’être humain dans toutes ses dimensions, en se basant sur son identitéculturelle. Il suffit de l’informer correctement et de le responsabiliser pour qu’il prenne en charge son propre destin,où qu’il se trouve et quelles que soient ses conditions d’existence.

Une phrase-clé : sañ sañi doomu aadama (droits humains)TOSTAN a fait de l’éducation aux droits humains le fondement de tout son programme d'éducation. Il s'agit depromouvoir une société où tous les droits humains sont connus, appliqués et respectés par tous avec à termel’émergence de villes, de villages où le respect et la défense des droits humains sont effectifs. Ainsi, comme unleitmotiv, une phrase wolof revient sans cesse dans les propos des formateurs et des facilitateurs : la notion desañ sañi doomu aadama qui signifie « droits humains ». Toutefois, ce vocable n’est jamais utilisé au sens de droit que l’on revendique de façon violente. L’idée de TOSTANest de permettre, au moyen du dialogue et de la concertation, comme cela se faisait sous l’arbre à palabre dansle contexte traditionnel, l’éclosion de décisions consensuelles, nourries par une information partagée et un éveilmutuel des consciences. Dans un tel espace d’échanges (celui du penc – place publique / espace démocratiqueen wolof), la notion de « lutte » s’efface au profit de celle d’« engagement » et le développement devient une actioncommune autour de problèmes communs.

Système de formation

La participation : clef de voûte du systèmeTOSTAN a bâti son système de formation à partir du principe de participation. En effet, les apprenants sont audébut, au centre et à la fin des interventions de TOSTAN. Ainsi, la rémunération des facilitateurs, qui interviennentdirectement à la base, est sous l’entière responsabilité des comités villageois de gestion, même si ces dernierstirent la plupart de leurs ressources des financements de l’ONG. Autre exemple, les populations elles-mêmes eten fonction de leurs contraintes de travail, choisissent les temps de formation. Le rôle du facilitateur et le règlementintérieur pour le fonctionnement de la classe d’alphabétisation sont définis par les participants eux-mêmes.

Une pratique pédagogique novatrice- par une démultiplication efficace des acquis…Le chiffre de 200 000 personnes touchées par les programmes de TOSTAN en 2001 peut paraître surréaliste auvu des résultats d’autres ONG et programmes. Grâce à un système de démultiplication des acquis, TOSTAN

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal47

Hypothèses pour une analyse globale et critique

parvient à atteindre le maximum de personnes avec le minimum de moyens. Chaque apprenant adopte une ouplusieurs personnes de son village, le même principe est appliqué entre villages.

… et un recours constant aux valeurs traditionnellesTOSTAN intervient le plus souvent en milieu rural, dans des terroirs où les valeurs socioculturelles traditionnellessont fortement enracinées. Les formateurs et les facilitateurs ne viennent pas avec l'idée de faire table rase maisessaient de valoriser au mieux l’existant.

Cette préoccupation de TOSTAN à déployer ses activités à partir ducontexte culturel traditionnel local trouve une application concrètedans les pratiques pédagogiques. Des outils tels que la chanson, leconte, la danse, la représentation théâtrale occupent une placecentrale dans le dispositif pédagogique de l’ONG.

Les contenus de formation

Appuyée par l’UNICEF et le gouvernement sénégalais, TOSTAN aélaboré des modules de formation validé par la DAEB :

un programme d'éducation de base pour adultes (10modules) et pour adolescents (6 modules)A travers ces deux programmes, TOSTAN cherche à responsabiliserles villageois et à assurer, au sein des communautés, un égal accèsà l’information et aux ressources. Les questions relatives aux droitshumains, la responsabilité individuelle et collective constituent labase et se retrouvent de façon transversale dans tous les modules.Par ailleurs, les programmes d'éducation de base offrentsimultanément une formation en lecture, en écriture et en calcul, et

mettent en place un processus d’acquisition de « connaissances qui permettent d’accéder au développement »,en insistant sur la méthodologie de résolution des problèmes (identification, analyse, étude de solutions adaptées,planification, exécution de la solution). Les modules du programme d’éducation de base de TOSTAN portent surles thèmes de l’eau, de la santé, de l’hygiène, de l’environnement, de la démocratie et de l’exode rural qui sont lesprincipaux problèmes auxquels sont confrontés les populations.

un programme de conscientisation et d'éveil de 4 modules destiné aux adultes et adolescents, axé surle renforcement des capacités.Dénommé également village empowerment programme (VEP), ceprogramme développe 4 thèmes principaux et s'étend sur dix (10)mois. Au départ, TOSTAN se lance en 1994 dans un projet avecl’Américan Jewish World Service, visant à contribuer à la diminutiondu taux de morbidité et de mortalité infantile et féminine au Sénégal.Une recherche participative est lancée pour identifier les préoccupationsdes femmes en la matière. Le constat de base est celui d'un manquede congruence entre les centres d’intérêt des femmes en matière debien-être physique et mental; et les priorités que se donne legouvernement du Sénégal dans ce domaine. Il est ainsi apparu à l’équipe de TOSTAN que pour une plus grandeefficacité de son action sur la santé maternelle et infantile, il étaitimpératif d’aborder des thèmes aussi importants que l’information surles périodes de menstrues, la ménopause, l’excision, l’avortement, lesrelations avec les services de santé, les violences envers lesfemmes... Bien que certains de ces thèmes soient considérés enmilieu traditionnel comme des sujets tabous (la sexualité et l’excisionnotamment), TOSTAN en a fait l’ossature de son programme deconscientisation et d'éveil, cela grâce à une forte capacité denégociation et à l’implication des populations.

Une série d’évaluations internes et externes a établi l’expertise de TOSTAN dans la mise en œuvre deprogrammes d’éducation et de développement, et le haut degré de maîtrise des modules enseignés par lesapprenants. En terme de renforcement des capacités, Il faut retenir que par une démarche cohérente associantles populations et intégrant leurs valeurs traditionnelles, TOSTAN a facilité, à travers l’information et laresponsabilisation, des transformations sociales tangibles, durables et efficaces.

maturation et sont pour la plupart capitaliséessous forme d’ouvrages. Comment valoriser cetexistant ?

de l’impact en terme de transformationssociales97 :Le changement d’échelle des expériencesd’éducation non formelle a un impact en termede transformations sociales. Même s’il n’est pasdirectement quantifiable, celui-ci prend desformes identifiables.On assiste tout d’abord à l’émergence d’unecitoyenneté partagée et active. L’accès auxsavoirs et aux compétences a permis à despublics jusqu’alors marginalisés de renforcerleurs capacités en termes de production, decommunication et d’organisation. Desgroupements associatifs ou privés composésessentiellement de jeunes et de femmes se sontconstitués localement en zone rurale et urbaine.En réduisant les écarts entre genre etgénération, ils sont les principaux moteurs de ladémocratisation et de la décentralisation auniveau local. Leur implication dans la gestiondes ressources et des secteurs sociaux faitd’eux des entités opérationnellesincontournables dans les prises de décision,impliquant les collectivités locales.

Les programmes d’éducation et de formationpermettent de développer à partir de cesgroupes une expertise locale touchantl’ensemble des domaines de développement etimpliquant à plus ou moins long terme uneamélioration des conditions de vie. C’est, parexemple le cas dans le domaine de la santé.Les programmes de formation et desensibilisation ont permis la généralisation depratiques positives (fréquentation des structuresde santé, vaccination, meilleure hygiènecorporelle, renoncement à l’excision,comportements sexuels responsables,prévention du paludisme, etc.) et le reculconsécutif des problèmes de santé publique. Ilsont également facilité la prise en chargemédicale des plus défavorisés : création demutuelles et de cases de santé, diffusion de

médicaments génériques, utilisation rationnelledes plantes médicinales, etc…Ces dynamiques locales de développement,parce qu’elles sont naissantes et qu’elles fontsouvent face à des résistances, doivent encoreêtre renforcées pour devenir totalementpérennes et autonomes. Leur mise en réseaudoit également se poursuivre pour qu’ellespuissent se nourrir et se fortifier entre elles.

1.3.3.2.3 L’alternative des écoles coraniquesrurales et urbaines

Il n’existe pas de statistiques fiables pourdéterminer le nombre exact des écolescoraniques et leurs effectifs, pour apprécier ladensité du réseau de l’éducation religieusetraditionnelle, son implantation géographique,ses résultats ou ses moyens.Il est certain qu’une enquête exhaustivepermettrait d’apprécier à sa juste valeur le poidsde l’éducation coranique au Sénégal.Néanmoins, on peut proposer une typologie quirende compte de la diversité de ces structureset de leurs rôles éducatifs.

1.3.3.2.3.1 Les écoles coraniques en milieuurbain

L’apparition d’écoles coraniques en milieuurbain est un phénomène relativement récent,directement lié à l’exode rural des années 60-70. Le plus souvent, la création d’une écolecoranique en milieu urbain n’obéit à aucunerègle précise. Il s’agit d’initiatives individuellesou collectives isolées, qui échappent aucontrôle des grandes confréries religieuses. Enville, il existe deux types d’écoles coraniques :

les Daara d’origine rurale

Il s’agit d’écoles coraniques ouvertes par desmarabouts venus des zones rurales, quis’installent en ville avec leurs talibé. Ces talibéont été le plus souvent confiés au marabout parleurs parents, qui eux sont restés dans leurmilieu d’origine.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal48 Hypothèses pour une analyse globale et critique

97 Plusieurs études ont été produites sur ce thèmepar l’ENTSS. La plupart insiste sur l’impact del’éducation non formelle en terme d’autonomie etd’expertise locale. Les principales difficultés ont traitau suivi (post-alphabétisation) et à la durabilité desprojets.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal49

Hypothèses pour une analyse globale et critique

Education alternative (Enda Sahel et Afrique de l’Ouest) : les communautés donnent un sens à l'acte éducatif

Le programme d'éducation alternative dénommé également EDUCAL est né d'une série de recherches- actionsmenées par Enda- Sahel et Afrique de l’Ouest en collaboration avec d'autres équipes d’ENDA sur les pratiqueséducatives. L’objectif était d'expérimenter puis de promouvoir des systèmes d’éducation simples et adaptés pourlutter contre la pauvreté. Dans cette optique, le levier principal à actionner s'est trouvé être l'éducation alternativedans le sens où elle permet une réappropriation de la fonction éducative par les populations.EDUCAL a ainsi vu le jour en 1999, se donnant comme objectif la "démarginalisation" des populations les plusdéfavorisées du Sénégal. Parmi elles, on compte des jeunes urbains non-scolarisés ou "déscolarisés", des migrantsruraux, des femmes des quartiers populaires, des artisans, des jeunes travailleurs de l'économie populaire et despaysans dont le point commun est de lutter contre l'exclusion sociale qui les caractérise de fait.

EDUCAL : une mise en réseau de situations éducatives très variées

"A l'occasion de toutes les situations vécues, des apprentissages techniques, sociaux, culturels et politiques sontpossibles". C'est fondamentalement dans cette hypothèse centrale que réside l'originalité de la démarcheEDUCAL. Elle consiste à utiliser des "situations vécues comme situations éducatives". En mettant en réseaudiverses situations éducatives, EDUCAL compte aboutir à une construction de sens communs fédérateurs deprojets de sociétés et de systèmes éducatifs alternatifs

Une administration de la diversité éducative sous forme de réseau

L'éducation, pour apporter les possibilités de prise en charge individuelle et de transformation sociale désirées, sedoit d'être d'abord une démarche de responsabilisation et de confiance dans les capacités des acteurs. Elle nesaurait être conçue comme un ensemble de ressources apportées et gérées par des experts "techniciens". Il n'ya pas de « technicien de la vie ». Un comité technique de suivi (CTS) réunissant les responsables des différentescomposantes a été mis sur pied et joue le rôle d’organe de coordination, de régulation et de gestion des conflits.Selon le coordonnateur d’Enda Sahel et Afrique de l’Ouest, cette instance peut être considérée comme unecomposante à part entière du programme éducatif ; en ce sens qu’il constitue un forum pouvant être un lieud’apprentissage de la gestion et du management.

Les composantes du programme EDUCAL et leurs activités

Les composantes d'EDUCAL (au nombre de six) regroupent pour la plupart des entités organisées dans le cadred'associations, espaces d'éclosion de la créativité sociale. Chacune des composantes articule son action autourd'une hypothèse de base qui n'est qu'une déclinaison du principe directeur suivant : "Pour mieux lutter contre lapauvreté, il faut que les populations se réapproprient leur éducation en participant aux processus de décision, àl'élaboration des contenus et à leur mise en œuvre".

Le réseau d'apprentissage populaire (RAP)Animé par des collectifs de femmes, le réseau expérimente l’alternative des apprentissages populaires. Cesderniers associent l’apprentissage des langues et du calcul aux autres apprentissages nécessaires à la promotiondes femmes. Chaque entité élabore et planifie son propre programme en fonction de ses besoins. A ce jour, le RAPa touché directement 20 groupements féminins (soit 3000 femmes) et a des effets induits sur 70 autresgroupements, notamment dans le domaine de l'alphabétisation.

L'éducation pour une citoyenneté responsable et solidaire (ECIRES)C'est un espace d'apprentissage de la régulation collective dans les communes et les communautés rurales. Cettecomposante travaille autour de l'idée que la reconfiguration des relations entre acteurs n'est possible que commerésultante de concertations entre toutes les initiatives et groupes agissant dans des terroirs donnés. Ce faisant,ENDA Sahel a expérimenté l'appui à la mise en place de Comités de Développement local (CDL) pour unereconfiguration des relations entre acteurs. Les CDL sont des espaces de concertation à l'échelle de la communeou de la communauté rurale. La vingtaine d'expériences menées à ce jour à travers EDUCAL98 et d'autresprogrammes démontre que les CDL sont devenus des lieux d'apprentissage de la gouvernance plurielle et

98 Notamment par l'entremise de l'ADY (Associationpour le Développement de Yoff), où la composanteECIRES intervient dans l'encadrement de l'unionlocale des pêcheurs ainsi que des structures demicro-crédits de la commune de Yoff. Son action

touche directement une douzaine d'associations etde groupements et a des effets induits sur lapopulation de Yoff en général (soit près de 30 000personnes).

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal50

Hypothèses pour une analyse globale et critique

Ces Daara échappent ainsi à tout contrôle99,qu’il soit religieux, étatique ou familial. Celaexplique en partie les dérives possibles, l’uned’entre elles étant le recours abusif à lamendicité.Cette question reste cependant relativementcomplexe. On accuse souvent, sansdiscernement, les écoles coraniques depousser les enfants à la mendicité. Il est vraique la demande d’aumône n’est pas exclue del’enseignement religieux. Cependant, elle neconstitue qu’une étape de l’apprentissage dontl’objectif n’est pas de faire vivre le marabout etsa famille, mais d’apprendre au talibé à resterhumble et à vivre dans des conditions

précaires100. D’ailleurs le plus souvent, lestalibé qui vivent cette situation en tantqu’apprentissage, demandent de la nourriture etnon de l’argent.

Une étude menée par la Direction de l’ActionSociale (DAS) et l’UNICEF en 1993 montre bienque le phénomène est circonscrit aux talibéd’origine rurale, migrants en ville.

La massification de la pauvreté en milieu urbain,l’absence de contrôle et le possible recours à lamendicité se combinent et favorisent la

99 Pour répondre à cette situation, El Hadj CheikhTidiane Mbengue, étudiant à l’ENTSS, proposait en1997 : la revalorisation des « Daara » par un statutapproprié, des organes de contrôle et de suivi, desprogrammes appropriés ; leur réhabilitation par unedotation de moyens, après une évaluation précises

démocratique et des outils de planification participative et démocratique du développement local. L'apprentissage de la régulation collective est également un axe privilégié au travers de cette éducation à lacitoyenneté. Ici, on s'appuiera sur l'exemple du programme impulsé par ENDA Sahel à Fandène (région de Thiès): il s'agit d'une expérimentation originale sur le management institutionnel où une organisation paysanne setransforme progressivement en espace d'action et de mise en cohérence d'une diversité d'acteurs locaux; lesconflits entre ces acteurs (relatifs surtout à la gestion des ressources) sont utilisés et valorisés à travers desdémarches de médiation et d'intermédiation qui débouchent sur la production endogène de règles et de normes.

La valorisation des acteurs marginalisés (VAM)Cette composante relie différents groupes socioprofessionnels engagés dans la lutte pour la reconnaissancesociale. Ce sont des coxeurs, artisans, jeunes travailleurs, pensionnaires des centres d'éducation spécialisée etautres petits vendeurs dont les activités économiques ne garantissent pas une intégration socioéconomiquecorrecte. L'hypothèse de base de la VAM est que les petits métiers exercés par cette frange de la populationpeuvent être valorisés à travers des réseaux d'échange et de solidarité, contribuant à leur reconnaissance sociale.Il s'agit alors d’aider les acteurs marginalisés à faire une analyse adéquate de leur situation, de les accompagnerdans leurs initiatives propres et au besoin leur dispenser une formation professionnelle dans le but d'améliorer leursrevenus. La VAM déploie des efforts considérables dans le domaine de la communication en vue du changementsocial. Les bénéficiaires directs sont estimés à 11 570.

La valorisation de l'apprentissage des femmes (VAF)L'hypothèse est que l'identification d’apprentissages au cours d'échanges portant sur le vécu des acteurs et desresponsables locaux, favorise la construction d'identités plus autonomes, permettant en particulier aux femmes des'affirmer socialement. La VAF intervient dans les domaines de l'éducation environnementale en milieu rural, etappuie les populations rurales dans des secteurs comme l'agriculture, l'élevage, l'épargne-crédit, la santé, etc. Dansles zones de Mont-Rolland (Thiès), Linguère (Louga) et Koungheul (Kaolack), ses activités touchent directement510 personnes (personnel de caisses de crédit-épargne et élus locaux formés et appuyés) et par ses effets induits33 000 (adhérentes des différentes caisses de crédits-épargne).

Les initiatives populaires d'éducation (IPE)Elles rassemblent des individus ou des groupes ayant initié des espaces de formation et d'éducation dans lesquartiers défavorisés. Les objectifs visés sont, à partir de la mise en réseau de ces initiatives, de favoriser uneanalyse critique du modèle éducatif dominant, de valoriser les compétences populaires et de développer desinitiatives d'éducation alternative. Les programmes de soutien aux IPE animés par Ecopole et Graf touchent environ1 000 appreneurs (enseignants dans les IPE, bénévoles pour la plupart) et près de 20 000 personnes (apprenantset habitants des quartiers en question). Les IPE regroupent 27 écoles privées et 52 formations de coins de rue.

des besoins réels - Quelles perspectives pour les« Daara » à Dakar ? – ENTSS, 1997100 Lorsque l’aumône est pratiquée commeapprentissage, elle est l’occasion également pour letalibé d’être en contact avec une grande diversité deréalités et de personnes – et autant de situationsd’apprentissage. De nombreux talibés tissentprogressivement des relations fortes avec desfamilles entières et font ainsi l’apprentissage d’unesolidarité sociale forte et « informelle ».

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal51

Hypothèses pour une analyse globale et critique

Les Daara du domaine de Xelcom ou "l'éducation au travail"

Les fondements spirituels des Daara de Xelcom

Faut-il le rappeler, l’école coranique a pour objectif de faire de l’apprenant un bon musulman, maîtrisantparfaitement le Coran, instruit des pratiques culturelles et cultuelles del’Islam. Mais son rôle ne se réduit pas à cela. Elle doit permettre à l’apprenantde vivre en harmonie avec les siens et d’exercer une activité utile à la société.Cela est particulièrement le cas chez les Mourides, pour qui le travail revêtune importance toute particulière. A travers les textes et les réalisations de son fondateur, Cheikh AhmadouBamba Mbacké et de son principal disciple Cheikh Ibra Fall, la Mouridiyas’est développé à partir d’une philosophie du travail101 profondémentenracinée. L’étude menée par Fatoumata SOW sur les logiques de travail chez lesmourides montre bien les fondements idéologiques de la « sanctification parle travail » et ses conséquences sur la régulation et la sécurisation de lasociété mouride. D’après elle, trois logiques sont à l’œuvre dans la notion detravail chez les mourides : l’acquisition d’un savoir spirituel (al amal), lanécessité du travail physique (al kasbou), la solidarité avec la communauté(al khidmat)102. C’est pour former les jeunes mourides à cette triptyque que Serigne SaliouMbacké, Khalife Général des Mourides, créa dans les années 1990,plusieurs Daara à Xelcom, et demanda à ses disciples d’y envoyer leursenfants.

Un projet éducatif d’envergure

Xelcom, mot composé wolof qui signifie «l’intelligence au service de l’économie», était une forêt classée d’unesuperficie de 70 milles hectares. Serigne Saliou Mbacké, lorsqu’il accéda au Khalifat mouride en 1989, activa unevielle demande de ses prédécesseurs, pour obtenir un bail de l’Etat sur ce domaine, ce qui lui fut accordé.Aujourd’hui Xelcom constitue un vaste projet agro-silvo-pastoral contenant 15 Daara. Chaque Daara constitue uneunité économique de production organisée de façon autonome.Les Daara bénéficient d’infrastructures modernes (constructions en dur et en étage, agriculture mécanisée, hôpital,eau courante et électrification…) contrastant avec les conditions de vie du monde rural environnant. La gratuité des Daara est un des principes de Xelcom. Tout ce qui est nécessaire à leur fonctionnement est pris encharge par le Khalife Général. Il s’agit d’une redistribution interne à la Mouridiya, les moyens du Khalife provenantdes contributions des fidèles. Ce projet est à tout point de vue titanesque : 15 écoles / unités de productionautonomes, 15 000 apprenants, 360 mille tonnes de céréales par an, 3 millions de francs cfa de médicaments parmois, une production annuelle d’arachide de 4 milliard de francs cfa…

Organisation pédagogique et sociale des Daara

mode de recrutementC’est sur propre initiative des parents que les apprenants sont envoyés aux Daara. Ils sont confiés au Khalife, quiles ventile dans l’une des 15 Daara se trouvant à Xelcom ainsi que dans les Daara créées antérieurement (Gott,Diappandal, Laghem). L’âge de recrutement des apprenants se situe entre 5 et 7 ans. Il arrive cependant que desenfants soient recrutés au-delà de cette tranche d’âge.

méthodes d’apprentissageLes apprentissages comprennent trois niveaux distincts :- les connaissances religieuses basées sur la mémorisation du Coran ;

101 Le sociologue Malick Ndiaye voit dans laMouridiya une éthique du travail comparable (dupoint de vue de l’impact en tout cas) à celle contenuedans le protestantisme et décrite par le sociologueallemand Max Weber – Voir l’articlce « L’éthiqueprotestante et nous. Ckeikh Ahmadou Bamba etl’éthique économique des religions universelles deMax Weber : l’exemple des Moodu Moodu ou

l’influence du facteur religieux mouride dans ledéveloppement économique du Sénégal » in -Penser le développement – Dakar, 1997, UCAD,Goethe Institut, pp.83-114.102 SOW, Fatoumata – Les logiques de travail chezles mourides – Mémoire de DEA, Paris I (UFR 07),1998, 67 pages.

Cheikh A. Bamba MbackéFondateur du Mouridisme

généralisation de cette dérive, en désaccordavec les fondements de l’enseignementreligieux104.

les Daara de quartier

Au détour d’une rue, il n’est pas rare de voir ungroupe d’enfants à même le sol, planche à lamain, récitant à tue-tête la fatiha105, sous leregard attentif d’un vieux lettré du quartier.Ces Daara accueillent les enfants du quartiersoit avant qu’ils soient scolarisés et jouent alorsaussi le rôle de garderie, soit pendant lespériodes de vacances. Elles ont donc deseffectifs très instables. L’apprentissage du

Coran est parcellaire et discontinu, interrompuou ralenti par les activités scolaires.A côté des écoles coraniques, il existe desécoles dites « franco-arabes », pour qui lapriorité n’est pas la mémorisation du Coran,mais la maîtrise de l’alphabet, de la grammaireet du vocabulaire arabe. Leur statut est reconnupar l’Etat et fait l’objet d’une politiqueparticulière.

1.3.3.2.3.2 Les écoles coraniques en milieurural

Les écoles coraniques en milieu ruralconservent le cachet traditionnel del’enseignement coranique, dont la missionessentielle est l’apprentissage du Coran.En général, les pôles d’excellence del’enseignement coranique se trouvent en milieurural, loin des activités mondaines.Le régime d’internat garantit un meilleurencadrement des apprenants (talibé) et uneéducation à la « vie achevée », comprenantaussi bien l’enseignement coranique qu’une

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal52

Hypothèses pour une analyse globale et critique

- les connaissances instrumentales qui permettent à l’apprenant de maîtriser les pratiques culturelles et cultuellesde la religion musulmane comme la prière, les comportements moraux et sociaux recommandés ;- les connaissances dites étrangères ; il s’agit des sciences et techniques enseignées à partir du Coran et quipeuvent être approfondies par l’apprenant dans le cadre d’une spécialisation (géographie, astronomie,mathématiques, histoire, etc.).Les méthodes actives d’apprentissage sont appliquées depuis très longtemps dans les Daara, qu’il s’agisse del’enseignement mutuel, de l’experiential learning, ou de la théorie des grands groupes. Chaque grouped’apprenants (environ 50) est placé sous la responsabilité d’un maître. Par ailleurs, les grands talibés aident les plusjeunes dans leur apprentissage. Il faut remarquer que l’organisation des enseignements n’est pas verticale, tout en apprenant le Coran, le talibés’initie aux connaissances instrumentales, étrangères et à l’apprentissage d’un métier.Malgré un cadre idéologique a priori rigide, on constate une approche pédagogique peu dogmatique et ouverte auxtechnologies nouvelles. Lors de notre enquête à Xelcom, la formation des apprenants aux nouveaux métiers a étéabordée, avec un grand optimisme, par les responsables de Daara. Le processus est à son commencement ettoutes les nouvelles technologies nécessaires au développement du Sénégal seront bientôt enseignées dans lesDaara de Xelcom. Actuellement, les talibés apprennent les techniques horticoles modernes. Ils sont également initiés à la maintenancemécanique, à la gestion financière et administrative, ainsi qu’à d’autres domaines liés à leur vie quotidienne.

Organisation pédagogique et sociale des Daara

Que deviennent les sortants des Daara ? Les prépare-t-on à une vie sociale et professionnelle active ? Rencontrent-ils les mêmes difficultés d’intégration que les sortants des circuits dits formels ?La voie d’intégration la plus fréquente est celle de l’économie dite informelle ou populaire. Les sortants des Daaras’intègrent facilement dans ce tissu économique souple, le plus souvent grâce au jeu des solidarités sociales etreligieuses. Le dynamisme de l'économie populaire, qui en fait aujourd'hui un modèle alternatif de développement,est directement liée aux capacités d'adaptation et d’entraide des acteurs, à leur esprit d'entreprise, à leur sens desaffaires. Des organisations comme l'UNACOIS (Union Nationale des Commerçants et Industriels du Sénégal), leRegroupement des Transporteurs du Sénégal, très puissants aujourd'hui, sont constituées majoritairement desortants des Daara, n'ayant pour la plupart jamais fréquenté l'école officielle. Aujourd’hui, alors que le systèmeformel ne remplit plus son rôle de promotion sociale, ces hommes sont des exemples de réussite. Ils sont lestenants de la culture de la "débrouillardise", débrouillardise qui leur permet d'acquérir les connaissances oucompétences nécessaires à leur épanouissement professionnel et social103.

103 En fonction des besoins de leurs activités, ilspeuvent apprendre de façon informelle des languesétrangères (le français, l'anglais, l'espagnol…), destechniques de communication ou de vente …104 Mamadou NDIAYE montre bien dans son étudede la mendicité infantile que ce phénomène n’aaucun fondement religieux ou historique. Il surgitsuite à la transposition du rapport d’origine ruraleserign/talibé en milieu urbain.105 Premier verset du Coran.

préparation à la vie active.Les écoles coraniques rurales sont souvent devieilles institutions – pouvant avoir plus d’unsiècle d’existence - rattachées aux centresreligieux des grandes confréries. Lesapprenants qui en sortent, bénéficient desréseaux de solidarité de la confrérie.

1.3.3.2.4 La formation pratique aux métiersde l’économie populaire

A Dakar comme dans le reste du Sénégal,l’offre en matière de formation est fournie engrande partie par l’économie populaire. Cesecteur est constitué de « milliers de micro-entreprises familiales »106 dont les activités nesont pas reconnues par l’Etat. Grâce à descoûts d’investissement très réduits107, à lapetite taille et à la mobilité de ses entités,l’économie populaire s’adapte facilement àl’évolution de la demande économiquelorsqu’elle ne la devance pas108. Alors que le secteur économique « moderne »n’absorbe qu’une infime partie de la demanded’emploi109 ; l’économie populaire connaît

depuis vingt ans une forte expansion. Celle-ciest en partie liée aux systèmesd’apprentissages qu’elle a mis en place.

Ils se caractérisent par :la grande diversité de l’offre : l’économie

populaire intervient dans tous les domaines del’économie (agriculture, industrie, artisanat etservice) et offre une gamme correspondante deformations ;

une ouverture à tous les types de profil :l’intégration des apprentis dans une unité deproduction ne se fait pas en fonction du niveaud’éducation ou de formation de départ ; le plussouvent ce sont les relations socialespréexistantes110 qui entrent en jeu ;

une intégration sociale et professionnelleprogressive : la formation aux métiers del’économie populaire se déroule à travers lesactivités de production des ateliers et autresentités de ce secteur. Au fur et à mesure quel’apprenti développe ses compétences, ildevient autonome techniquement et s’intègre autissu socioéconomique ;Bien que ce type de formation soit le pluscourant, le plus diversifié et dans un certainsens le plus efficace (la plupart des apprentis

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal53

Hypothèses pour une analyse globale et critique

106 L’économie populaire face au défi de la pauvreté– Philippe Engelhard, Enda, document de travail,Dakar, p. 1.107 D’après le BIT, « le coût d’un poste de travail auSénégal est 50 fois plus élevé dans le secteurmoderne que dans l’économie populaire » (rapport1992) in Enda op cit.108 Philipppe Engelhard résume ainsi ce qui faitl’efficacité sociale de l’économie populaire : « Elleconstitue une économie d’improvisation (elle fait feude tout bois), de vigilance (elle détecte les nouveauxbesoins) et de proximité (elle évite les déplacementscoûteux) ». in Enda op cit.109 « Le marché de l’emploi sénégalais a connu, en1991, un taux de chômage de 29% et une demanded’emploi qui augmente à un rythme beaucoup plusrapide que celui de l’offre. Dans le secteur moderne,public comme privé, on constate des baissessensibles sur le marché de l’emploi urbainaccentuées par l’exode rural. Pendant ce temps, lesecteur informel enregistrait un taux de croissanceannuel de 4,3% entre 1980 et 1991. Le nombred’emplois de ce secteur est estimé en 1991 à 638 000 dont 45 % dans la région de Dakar (…) AuSénégal, la production du secteur informelreprésenterait 50 à 55 % du PNB (Rapport duMinistère sénégalais du plan, 1996). Cetteproduction interviendrait pour 52 % dans laproduction intérieure brute totale, dont 95% dansl’agriculture, 35% dans l’industrie et 50% dans lesservices (BIT, Dakar, 1996). L’emploi dans le secteurinformel urbain y est passé en dix ans (1980-1990)

de 58 à 77% de l’emploi total (BIT, Dakar, 1996).Finalement, pendant la même période, les emploisde l’économie populaire ont plus que doublé, tandisque ceux de l’économie moderne ont diminué de2%. » in Enda op cit.110 On soulignera à ce niveau que certains métiersde l’économie populaire continuent à se transmettreselon les modalités propres aux castes (hérédité dustatut professionnel, apprentissage par filiationdirecte ou indirecte) ; C’est par exemple le cas pourla majorité des artisans qui travaillent le fer et dontl’appartenance est la caste des forgerons (tëgg enwolof).

réussissent à s’intégrer) au Sénégal, il n’existepas de données précises le concernant.Longtemps considérée comme un sympôme de« sous-développement », l’économie populairecommence à intéresser les intellectuels et lesdécideurs. La créativité et la souplesse qui luisont sous-jacentes, révèlent un potentiel encorelargement sous-estimé. Quelques organisationsdont le CIFOP et Enda tiers-monde, tentent devaloriser celui-ci dans le domaine de laformation.

1.3.3.2.5 Une disparition inéluctable desformes « traditionnelles » d’éducation ?

En 1987, dans son ouvrage L’enfant et sonmilieu en Afrique noire, Pierre Erny,psychologue et ethnologue, analysait ainsi ladisparition progressive des systèmesd’éducation « traditionnelle » : « Parmi lesdifférents éléments du système d’éducation, lesinstitutions semblent être les plus fragiles. Onles présente classiquement comme lecouronnement de l’éducation coutumière,opinion qui ne se révèle pas toujours exacte :mais dans la mesure où elles doivent assurerune certaine synthèse, il est indéniable qu’ellessubissent, dans leur fonction, le contrecoup detoute transformation. Dans un premier tempselles apparaissent souvent comme le haut lieuet le symbole de la résistance aux influencesmodernes et surtout au christianisme111. Puissubitement, elles s’effondrent d’elles-mêmes.L’école prend aux yeux des jeunes et desparents une importance accrue et dépouille lesvieux de leur prestige de dépositaires ultimes dela connaissance. Le savoir technique l’emportesur leur sagesse, l’écrit sur la parole. Lecalendrier scolaire rend les enfants moinsdisponibles ; les jeunes gens quittent le pays ;les classes d’âge se dépeuplent ; les brimadeshabituelles aux camps de brousse necorrespondent plus au goût du jour et ne sontplus acceptées. Même si personne ne combatouvertement les institutions initiatiques, elless’anémient cependant du fait que leurs supportssociologiques s’effondrent peu à peu. Un jour

plus personne n’est là pour les animer et ellesdisparaissent dans l’indifférence générale. »112

Les mécanismes décrits par Pierre Erny valentpour le Sénégal où la disparition des systèmesd’éducation traditionnelle est bien avancée.Cela signifie-t-il que toutes les formesd’éducation rattachées aux différents groupessocioculturels aient également disparu ?L’urbanisation ainsi que l’influence grandissantede l’Occident et de l’Islam ont grandementaffecté les structures et les valeurssocioculturelles d’origine. On aurait cependanttort de penser que celles-ci se soient« effondrées subitement ». Certes, elles ontperdu de leur cohérence, de leur « pureté »,mais elles ont aussi altéré en retour les modèlesoccidentaux et islamiques113. N’est-ce pas là,en fin de compte, un des effets de tout « chocinterculturel » ? L’éducation « traditionnelle »prend ainsi des formes plus diffuses, plusdiluées. Elle intervient par exemple dans lesformes, les méthodes et les contenusd’apprentissage utilisés pour la formation auxmétiers de l’économie populaire.Une des pratiques initiatiques courantes auSénégal reste par exemple le retrait des jeunescirconcis issus d’une même classe d’âge. Lacirconcision marque le passage del’insouciance de la petite enfance au statut dejeune homme responsable. Pour cette raison,elle est accompagnée de l’apprentissage desvaleurs sociales et morales liées à ce nouveaustatut. Elle est également rattachée à l’Islam.Une des scènes du livre autobiographiqued’Amadou Hampâté Ba en rappelle la portéesymbolique : « Quand j’eus atteint l’âge de septans, un soir, après le dîner, mon père m’appela.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal54

Hypothèses pour une analyse globale et critique

111 Pour les pays sahéliens comme le Sénégal, ellesincarnent dans une certaine mesure également larésistance à l’Islam ; la plupart des sociétésinitiatiques ayant disparues dans les milieuxfortement islamisés.

112 Erny, P. – L’enfant et son milieu en Afrique noire– Paris, L’Harmattan, 1987, p. 274113 La société sénégalaise urbaine est sansconteste une synthèse de ces trois grandesinfluences socioculturelles (traditions ouest-africaines, islam confrérique et modernitéoccidentale). Il est de plus en plus difficile de lesséparer tant elles sont liées, délayées. Chacune deces composantes agissant simultanément commefacteur d’équilibre : les traditions ouest-africainescomposent le socle identitaire et le tissu relationnel :matrice sociale, l’islam confrérique est facteur à lafois de spiritualité partagée, de stabilité sociale et dedynamisme économique : effet dynamique, lamodernité occidentale représente le lien avecl’évolution actuelle du monde, permettant d’être enphase avec les avancées technologiques : elle asurtout une fonction instrumentale.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal55

Hypothèses pour une analyse globale et critique

Ecopole ouest Africaine : l’appui aux initiatives populaires de formation

Un destin lié au quartier Xadim Rasul

L’histoire de l’Ecopole est directement lié au quartier Xadim Rasul, bidonville situé à proximité du centre de Dakar.Après plusieurs années de lutte, ce quartier « spontané » a pu être sauvé des bulldozers et restructuré suivant unplan d’aménagement et de développement concerté. Cette expérience, associantles habitants du quartier, les autorités administratives et Enda, a servi depremière pierre à l’édification de l’Ecopole. Installée dans une usine désaffectéeà l’entrée du quartier Xadim Rasul, l’Ecopole s’est progressivement construiteautour de programmes d’appui aux groupes populaires de la région de Dakar.Conçu comme un outil multifonctionnel, l’Ecopole a pour principal objectif lareconnaissance et la valorisation des initiatives populaires – en premier lieuéconomiques, mais aussi éducatives, sociales, culturelles ou environnementales.

Des réponses populaires à l’exclusion scolaire

Dans les premiers quartiers partenaires de l’Ecopole, l’expérience montra trèsrapidement qu’un des mécanismes d’aggravation de la pauvreté était l’exclusiondes plus défavorisés du système éducatif formel (accès limité, taux d’échecscolaire très fort), et que le quartier, à travers son organisation et ses ressourcespropres, trouvait des réponses à cette situation en créant des structuresd’éducation et de formation, animées par des volontaires, pour la plupartdiplômés au chômage. Malgré un potentiel de créativité sociale et éducative,celles-ci évoluaient le plus souvent sans moyen, de manière anonyme et isolée. A partir de ces constats, unprogramme fut élaboré et mis en œuvre, en partenariat avec l’Unesco, afin d’appuyer trois types d’initiativespopulaires de formation de la région de Dakar : les associations sportives et culturelles à travers un sous-programme spécifique d’éducation à la citoyenneté, les formations de coin de rue (FCR) et les ateliers de formationpré-techniques installés au sein même de l’Ecopole.

Création d’un espace d’expérimentation pédagogique

Les initiatives populaires de formation du fait de leur position marginale évoluent dans un espace libre de tout« dogme » pédagogique. La précarité matérielle et financière que connaissent ces structures ne doit pas être unfrein à leur créativité. Au contraire, celles-ci doivent pouvoir imaginer des méthodes et des outils adaptés à la foisau profil de leurs apprenants, à leur environnement et à leurs moyens. C’est dans ce sens qu’a été créé un espacede créativité pédagogique, impliquant des acteurs des initiatives populaires de formation et des personnes-ressources (pédagogue, assistants sociaux, médecins, animateurs…).Plusieurs outils ont ainsi été conçus et expérimentés durant le programme. Parmi les plus innovants, citons le jeudes 7 bâtonnets (photo) qui propose un apprentissage du calcul à partir de l’usage du boulier chinois et de lacalculatrice, l’abécédaire « lire et écrire ensemble » qui combinent français et langues nationales, le jeu de rôle du

car rapide et du cycliste, l’édition de bandes dessinées éducativessur différents thèmes liés au développement et à l’environnement.

Formation technique et intégration socio-professionnelle

Le programme appuie également les ateliers de formation auxmétiers de la récupération et du recyclage, implantés au sein del’Ecopole.L’insertion socioprofessionnelle de ces jeunes en find’apprentissage peut prendre plusieurs formes :

la création de micro-entreprise – c’est le cas d’une dizaine dejeunes filles qui se sont organisées pour travailler à leur compte ;

l’intégration dans des ateliers artisanaux (menuiserie, mallettes,…) ;la démultiplication et la délocalisation de la formation – certaines jeunes filles maîtrisant parfaitement les

techniques deviennent à leur tour formatrices.

A travers la conception et la réalisation d’outils et de matériels didactiques, le programme a montré qu’il étaitpossible de construire, à partir d’expériences d’éducation non formelle, une ingénierie pédagogique variée etdynamique. Ces réalisations sont essentielles à la fois comme supports d’apprentissage et comme témoignages del’identité propre aux structures d’éducation non formelle.

Il me dit : « Cette nuit va être celle de la mort deta petite enfance. Jusqu’ici ta petite enfancet’offrait une liberté totale. Elle t’accordait desdroits sans t’imposer aucun devoir, pas mêmecelui de servir et d’adorer Dieu. A partir de cettenuit, tu entres dans ta grande enfance. Tu serastenu à certains devoirs, à commencer par celuid’aller à l’école coranique. Tu vas apprendre àlire et à retenir par cœur les textes du livresacré, le Coran, que l’on appelle aussi Mère deslivres114. »Les formes d’éducation « traditionnelles » restent

cependant le plus souvent informelles :apprentissage de la langue et de la culturematernelles et/ou paternelles ; échangesinformels et ludiques, découverte de soi et del’autre au sein des classes d’âge ; relationsprivilégiées avec les grands-parents ; séjoursréguliers dans le milieu d’origine ; etc… Il est remarquable que les systèmes éducatifsformels et non-formels valorisent aussi peu unpotentiel éducatif aussi riche en contenus et enméthodologies.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal56

Hypothèses pour une analyse globale et critique

114 Un des enseignements majeurs de l’œuvre et dela vie d’Amadou Hampâthé Ba est que les systèmesd’éducation traditionnelle, islamique et occidentalepeuvent cohabiter et se compléter. Ils finissent parproduire ce que lui-même incarnait parfaitement,l’« homme synthétique » ouest-africain.

2.1 Regards croisés sur l’éducationnon formelle

En complément de ce descriptif, il étaitimportant de pouvoir apprécier les points de vuedes différents acteurs de ces expériencesd’éducation non formelle. Pour restituer - aumoins partiellement - la diversité de l’éducationnon formelle, nous avons eu des entretiensavec des personnes appartenant à 12structures (ACAPES, AJC3, ANAFA, ANBEP,ateliers artisanaux, Benn Barak, CAMG BOPP,CIFOP, ENDA Ecopole, ENDA Graf, NOSE,TOSTAN) :

131 apprenants et apprentis115 issus de 12structures. Les ressemblances de nature, deméthode et d'objectif permettent de regrouperces différentes entités en cinq grandes formes

d’éducation non formelle116. On sait qu'entermes de profil d’apprenant et de formateur, demode de recrutement, d'organisation etd'évaluation, les ateliers de l'Ecopole sontproches des ateliers artisanaux.

Il est également possible de regrouper AJC3,ANBEP et TRIDE sous la notion commune deIPE117, de rapprocher les centres de formationprofessionnelle que sont le CAMG BOPP et leCIFOP118 et les centres d’enseignementféminin (NOSE, Benn Barak). Les entités GRAF,TOSTAN et ANAFA, pour leur part, développentdes programmes comparables dans le domainede l’alphabétisation des adultes. Enfin,l’ACAPES, par la diversité de ses activités(petite enfance, entraide scolaire et formationprofessionnelle, alphabétisation), peut êtreconsidérée comme une structure mixte.

50 formateurs issus des mêmesstructures119 : majoritairement des hommes(76%), avec une ancienneté dans leurprofession de 8 ans en moyenne ;

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal57

Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

2ème partie :le point de vue des acteursde l’éducation non formelle

Tableau 1 : répartition des apprenants-apprentisselon la nature de la formation

Nature de la formation Fréquence

AgronomieAlphabétisationArtisanat d’artBâtimentCoutureElectricitéEnseignement généralFroidMécaniqueMenuiserieSantéTapisserieTôlerieSans RéponseTOTAL

12597

173837

123129

107

115 La distinction entre apprenants et apprentis estliée à la nature de la formation suivie : la notiond’« apprenti » est circonscrite à la formation auxmétiers de l’économie populaire, celle d’apprenantprend en considération les autres formesd’éducation non formelle. 116 Parmi les 131 apprenants/apprentis rencontrés,107 ont répondu à un questionnaire (entretienindividuel) et 24 ont été interviewés lors de focusgroup. Les résultats statistiques concernent lesentretiens individuels (107) ; les données des groupescibles ont fait l'objet d'un traitement par analyse decontenu et sont intégrés à la synthèse pourapprofondir et/ou vérifier certaines tendances ouconclusions apparues lors de l'analyse quantitative.

117 Initiatives Populaires d'Education : il s'agit depetites structures, appelées également « formationde coin de rue » (FCR), initiées par les associationsen milieu urbain et péri-urbain. A Dakar, elles sontpour la plupart soutenus par ENDA tiers-monde àtravers ses différentes équipes (Ecopole, Graf,Jeuda, etc.)118 CAMG BOPP et CIFOP : structures de formationplus ou moins structurées, provenant d'initiatives dumouvement associatif; elles relèvent du non formel,bien qu'elles soient proches du formel.119 dont 22 en entretien individuel et 28 en groupescibles (7 groupes cibles de 4 formateurs).

Graphique 13 : répartition des apprenants /apprentis par structure

Initiatives

populaires

d’éducation

11 %

Centre d’ens.

féminin

7 %

Ateliers

artisanaux

36 %

Programme

d’alpha

20 %

Centre de

formation

profes.

13 %

Acapes

(mixte)

13 %

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal58

Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

51 parents d’apprenants ou d’apprentis.Avec une moyenne d’âge de 45 ans,approximativement la moitié de cegroupe est constitué de femmes. Unepart importante des parents est sansemploi (44%) ou à la retraite (8%). Lesautres exercent les "petits métiers" del'économie populaire (vendeurambulant, petit commerce) ou sontartisans (mécanicien, tailleur, etc.).Près de 95% des parents interrogésappartiennent aux catégoriessocioprofessionnelles les plusdéfavorisées.

49 anciens apprentis / apprenants :avec une moyenne d’âge de 25 ans, laplupart (27) ont été formés dans desateliers artisanaux. Les autres ontparticipé à des programmesd'alphabétisation fonctionnelle (Aide etAction) ou sont passés par un centrede formation professionnelle (6).

Les entretiens que nous avons eus avec cesdifférents acteurs font ressortir certains pointsde vue essentiels sur les qualités et les limitesde l’éducation non formelle. Ces regards croisés sont le plus souvent sanscomplaisance. Ils sont la preuve qu’une analysecritique est à l’œuvre.

2.1.1. L'éducation non formelle : un choix"forcé" ?

L’entrée en apprentissage dans les structuresd’éducation non formelle se fait certainementsur des bases et selon des modalités différentesde celles du système formel. S’agit-il vraimentd’un « choix » au sens où on aurait deux ouplusieurs possibilités ? L’éducation non formelleest-elle une destination « naturelle » pour lesapprenants et les apprentis qui s’y engagent ?Si c’est le cas est-ce parce qu’elle s’adapte lemieux à leur profil ou bien parce qu’elle est laseule solution qui se présente ? Quelles sont lesfacteurs à l’origine du choix de l’éducation nonformelle ? Quelle sont les modalités et lesprincipaux acteurs du processus de décision ?Quelles attentes et perspectives accompagnentou orientent ce choix ?

Pour les parents, la décision de faire entrer leurenfant dans une structure d’éducation nonformelle découle de leur propre choix et non decelui de l’enfant. De manière contradictoire, une

part importante des apprentis etdes apprenants (42%), affirmentêtre eux-mêmes à l'origine de cechoix. 39% d’entre euxreconnaissent tout de mêmel’influence des parents.

Ces résultats nuancent laperception des parents et montreque les apprenants, en dehorsdes pressions externes, sontpréoccupés par leur devenir etperçoivent l’apprentissagecomme une solution à leurinsertion socioprofessionnelle. Siles proches (oncles, amis,responsables du quartier) jouentencore un rôle appréciable (aussibien chez les parents - 22% desréponses - que chez lesapprenants - 15%), on constate

que le placement en apprentissage est

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2

4

6

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ans

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ans

7-9

ans

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ans

13-15

ans

16-18

ans

19-21

ans

22-24

ans

Structure

Profession

0 2 4 6 8

Bac + 4

Bac + 3

Bac + 2

Bac + 1

Bac

BFEM

Graphique 14 : ancienneté dans la structure et dans laprofession (formateur)

Graphique 15 : niveau d’enseignement général des formateurs

rarement le résultat de l'action d'une institution.Par ailleurs, si on croise les variables "sexe" et"origine de la décision", on se rend compte queles garçons subissent plus l'influence desproches dans la décision. Tandis que pour lereste, la structure des réponses est presqueidentique : les filles ne sont pas plus influencéespar leur mère ou par leur père que les garçons.L'échec scolaire est le facteur déterminant duchoix de l'apprentissage dans des structures

non formelles. En agrégeant les donnéesrecueillies auprès des différents acteurs, il s’agitd’un point de vue largement dominant. Chez lesparents (52%) comme chez les apprenants(31%) et les anciens apprentis (35%), onretrouve le poids de ce facteur (40% pourl’ensemble). Aussi, l'existence deprédispositions ou d'un intérêt particulier pource type de formation motive-t-il peu l’entrée enapprentissage.L’éducation non formelle serait-elle alors un pis-aller ? Les concernés auraient-ilsmajoritairement fait le choix de l’éducation nonformelle si une offre éducative formelleaccessible et diversifiée leur avait laissé lapossibilité de poursuivre leur scolarité sous laforme d’un enseignement technique etprofessionnel ?La structure des réponses des apprenants etapprentis (en cours – 34% ou en fin deformation – 39%) montre que la plupart d’entreeux recherchent dans l’éducation non formelleune formation qualifiante qu'ils ne pensent pastrouver dans le système formel dont laréputation est de produire des diplôméschômeurs, n'ayant qu'un bagage théorique et"intellectuel". Au delà d'un manque d’efficienceou d'accessibilité de l'école formelle, certains

choisissent les apprentissages non formelsparce que pour l'heure, c'est dans ce secteurque l’adéquation entre emploi et formation est laplus probable. Un autre facteur prégnant qui ne s’oppose pasmais s’ajoute et renforce les deux premiers,est , comme nous l’avons évoqué, la pressiondes parents. Leur motivation est double. D’unepart, l’éducation non formelle a desconséquences socio-économiques directes (lamise en apprentissage permet par exemple deproduire de petits revenus et services). D’autrepart et cela semble être le principal motif desparents, elle permet de mettre un terme audésoeuvrement de leurs enfants et aux risquesqui lui sont liés (délinquance, drogue,prostitution, prison, etc.).

2.1.2 De fortes attentes enversl’éducation non formelle

Si l’éducation non formelle apparaît dansplusieurs cas plus comme un « pis-aller » qu’unvéritable choix, les différents acteurs s’attendentpourtant à y trouver l'essentiel, c’est à direl’insertion scolaire ou professionnelle, et lareconnaissance sociale…

En ce qui concerne leurs attentes vis-à-vis de laformation qu'ils embrassent, les apprenantsrecherchent principalement une qualification(33%) qui leur ouvre les portes de l'insertionprofessionnelle (29%)120. Les parents

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal59

Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

Tableau 3 : attentes des parents par rapport àl’apprentissage de leur enfant

Types d’attente Taux

MétierOccupationDiplôme professionnelMaîtrise de la lecture et del’écritureEviter la délinquanceTOTAL

52%18%16%

10%4%

100%

Tableau 4 : attentes des apprenants par rapport à la formation

Types d’attente Taux

Avoir une qualificationInsertion socioprofessionnelleRéinsertion dans l’école formellePerfectionnement desconnaissancesSans réponseTOTAL

33%29%22%

5%11%

100%

Tableau 2 : facteurs de motivation dominant dansla décision (parents)

Facteur de motivation Fréquence

Echec scolaireSouci de lui trouver unequalificationIntérêt ou prédispositionInadaptation dans l’enseignementformelAbsence de structure scolaire dansle secteurImpossibilité de supporter les fraisde scolarité dans l’éducationformelleIneficacité de l’école formelleAutreTOTAL

27

85

0

3

602

51

120 Soit en tout 62 % pour ces deux items.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal60

Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

également s'attendent à ce que leur enfantpuisse trouver dans ces structures un métier(52%), et mettent peu l’accent sur la possibilitéd’obtenir un diplôme.

2.1.3 L'éducation non formelle est-elleouverte à tous ?

Aussi bien en termes d'âge, d'appartenancesocioculturelle que de niveau d'instruction, lesprincipaux acteurs de l’éducation non formelle(formateurs, apprentis et apprenants ) ont desprofils très diversifiés.

La courbe des âges ci-dessus montre que lesprogrammes d’éducation non formelle auSénégal s’adressent en priorité aux jeunes.Mais ils ne se limitent pas à cette classe d’âgeet touchent des personnes de tout âge. Si lamoyenne d'âge pour le recrutement desapprentis dans les ateliers artisanaux tourneautour de 12 ans, on retrouve des apprenantsayant jusqu'à 46 ans dans les programmesd’alphabétisation. Le concept d'une éducationqui s'étend tout au long de la vie prend ici uneforme concrète.

Les expériences d'éducation non formelle quenous avons étudiées, reçoivent des hommescomme des femmes, avec au final une trèsfaible prépondérance masculine (51%d’hommes contre 49% de femmes). Ces chiffresglobaux cachent certaines disparités notablesselon le type de structure et/ou de formation.

Les ateliers artisanaux restent, dans lesreprésentations, des milieux typiquementmasculins, même si les jeunes fillescommencent timidement à investir cet espacede formation (sur les 29 anciens apprentis desateliers artisanaux, seule une était une jeunefille). Par contre, les jeunes filles sont majoritairesdans les structures qui proposent desformations comme la couture, la broderie, lapoupeterie, ou le "crochet plastique" (fabricationartisanale de poupées ou de sacs à partir detissus ou de sachets plastiques recyclés). Le

constat est le même quepour les métiersmasculins – très peud’hommes participent àce type de formation.Il faut remarquerégalement que la plupartdes programmesd'alphabétisation desadultes s’adressent enpriorité aux femmesadultes. C’est parexemple le cas pour latotalité des apprenants

interrogés dans le cadre du programme desocio-alphabétisation mené par ENDA GRAF etde celui d'alphabétisation fonctionnelle del’ANAFA à Louga.

Si les différents niveaux scolaires sontreprésentés, on note que la majorité desapprentis et des apprenants ont eu uneexpérience brève de l’école formelle,circonscrite à l’enseignement élémentaire.Il faut, là aussi, tenir compte de la nature desstructures où les enquêtes ont été réalisées. Eneffet, la plupart des occurrences « secondaire »sont liées à des structures plus ou moins« formalisées », qui s’inspirent du systèmeofficiel dans leur organisation et leur programmeet qui mènent à des formes de certification

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7 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45âges

Tableau 5 : répartition par sexe (anciens apprenants / apprentis)

Sexe Taux

MasculinFémininTOTAL

341549

sans élementaire moyen secondaire supérieur

S

22

50

2014

1

Graphique 16 : courbe des âges (appernants / apprentis)

Graphique 17 : répartition par niveau scolaire(apprenants)

reconnues et/ou organisées par l’Etat (CAP,BEP, Baccalauréat, etc.).En retirant les données issues de cesstructures, la prépondérance de l’occurrence« élémentaire » apparaît encore plus nettement.Cette tendance est encore plus forte concernant« les formes les plus informelles de l'éducationnon formelle » et particulièrement les structuresde formation proches de l'économie populaire…La variable "niveau scolaire" est donc àrapporter aux types de structures oud’expérience d'éducation non formelle.

2.1.4 Appréciation de la formation par lesapprentis et les apprenants

Les apprentis et les apprenants jugentmajoritairement que le niveau auquel ilsparviennent est satisfaisant et apprécient trèspositivement leur formation : 83 % disent avoirune complète satisfaction.Dans le détail, les apprenants et les apprentisse montrent largement satisfaits du temps deformation, de l'encadrement et surtout desméthodes ; par contre, ils sont assez réservésconcernant l'évaluation et regrettentl'insuffisance en nombre et en qualité des outilspédagogiques, tout comme l'exiguïté etl’inadaptation des espaces de formation.Ils jugent également que les débouchés enterme d’intégration socio-professionnelle sontassez limités, et sont largement insatisfaits del’absence de certification (reconnaissanceofficielle) de la formation. Ce dernier point n’est

cependant pas partagé par les apprenants desprogrammes d’alphabétisation ainsi que parceux des structures permettant de se présenteraux examens et concours avec le statut decandidat libre, qui se disent dans l’ensemblesatisfaits. A contrario, les apprenants enalphabétisation relèvent ne pas souventdisposer de débouchés ou de qualificationsuffisante après leur formation.On notera également que les questions liées àl’évaluation, aux débouchés et à la certificationrestent souvent sans réponse. Etant en coursde formation, les apprentis et les apprenantsn’ont vraisemblablement pas encore d’idéesprécises sur ces aspects – liés à la fin ou aprèsla formation. On peut également supposer queces questions ne sont pas suffisamment prisesen compte par les responsables de la formation.

2.1.5 Un modèle qui s'adapte auxbesoins des apprentis et des apprenants

Les apprenants et les apprentis qui ont eu àfréquenter l'école formelle gardent en généralun bon souvenir de ce passage. Ce sont lesdifficultés économiques et le caractèresystématiquement sélectif de l'école formellequi les ont obligés à la quitter et à se rapprocherdes expériences d'éducation non formelle. Ils sont pourtant nombreux à relever, pourexpliquer leur large satisfaction par rapport àl’éducation non formelle que celle-ci leur offreun cadre mieux adapté à leurs besoins, à leursaspirations et à leurs contraintes. Ils se

déclarent surtout sensibles à laliberté de conception, àl'approche pratique, à lacompréhension et à laprogression plus faciles, à larelation pédagogique basée surune éducation à la vie, sur lesavoir-faire et sur une bonnemaîtrise du métier, aux méthodes(écoute et concertation), à ladisponibilité et à l'exemplarité desformateurs.L’éducation non formelle sembleégalement adaptée auxpréoccupations des parents : les charges financières sont

réduites ou inexistantes (pour lesateliers artisanaux, mais aussil'Ecopole et le CIFOP qui offrentnon seulement une formation

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

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Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45

temps de formation

encadrement

méthodes

outils didactiques

formes d'évalutaion

débouchés

reconnaissance /certification

Bien Moyen Faible Sans réponse

Graphique 18 : niveau de satisfaction par rapport aux domaines deformation (apprenants/apprentis)

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal62

Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

gratuite mais qui prennent également en chargeune partie de la pension des apprenants) et laformation permet même parfois de dégagerquelques revenus et avantages pratiques ;

les jeunes acquièrent plus facilement unequalification et un emploi ;

un niveau scolaire préalable n’est souventpas nécessaire et le système de formation n'estpas sélectif ;

l’encadrement est meilleur (proximité) etles formateurs plus disponibles.L’adaptabilité et le caractère « polyforme » del’éducation non formelle qui permet à un grandnombre de s’y retrouver apparaît égalementlorsqu’on s’intéresse à la question de la duréede la formation.

Il faut tenir en considération que les quatorze

Le point de vue des formateurs

C’est connu, l’école formelle sénégalaise connaît un certain nombre de limites. Parmi elles, l’orientation tropthéorique des enseignements, la focalisation du système sur la filière d’enseignement général. Ainsi, on peutcomprendre pourquoi selon les formateurs interrogés, l’un des principaux avantages de l’éducation non formelle,soit le primat des compétences. Ils jugent que les enseignements y sont très pratiques, qu’ils mettent l’accent surle savoir-faire et le savoir-être. L’éducation non formelle permet l’acquisition de bases solides en termes dequalification et facilite ainsi l’insertion dans la vie active.

L’éducation non formelle présente comme autre atout de favoriser le développement personnel. Plus et mieux quele système formel, elle permet aux apprenants de devenir autonomes, à travers un renforcement concret de leurscapacités et une préparation active à leurs futures responsabilités. Ainsi en est-il du CIFOP (section couture) où,selon les formateurs, les jeunes filles sont préparées à « être des responsables de famille » ; ou encore del’ACAPES où les formateurs relèvent positivement « la formation additionnelle qui vise à socialiser les élèves » etqui fait que « l’élève devient un vecteur de développement, un animateur endogène dans les quartiers partenaires ».Les contenus d’enseignement ne sont donc pas « décentrés par rapport aux problèmes, contraintes et défis dumilieu ; ils sont au contraire confrontés et adaptés à ces derniers pour améliorer les systèmes d’action dans lescommunautés bénéficiaires ».

Ainsi, l’une des caractéristiques majeures de l’éducation non formelle serait d’aller au-delà de la simple scolarisationet de doter les individus et les groupes de compétences pour la vie. Elle chercherait directement à favoriser deschangements de comportement, pour une amélioration à court et moyen terme de la qualité de vie des bénéficiaires. Ainsi, les formateurs rencontrés ont mis en exergue les résultats ou les avantages suivants : l’accroissement de la propreté individuelle et de l’hygiène dans le village ; la diminution de certaines maladies ; la fréquentation plus assidue des structures de santé en cas de grossesse ; la meilleure organisation des activités journalières (femmes) ; la maîtrise de la lecture, de l’écriture, du calcul et la gestion par les apprenants de leurs propres affaires.

L’éducation non formelle se déploierait donc comme une véritable « école du développement ». La liaison desactivités de formation et d’éducation avec d’autres orientées contre la pauvreté produirait de nouvelles formes desolidarité ainsi que l’organisation socio-économique des personnes et des groupes.Dès lors, certains formateurs sont sensibles à des aspects comme : la circulation des biens et des devises ; la création de caisses d’épargne et de tontines (entraide avec prêt tournant) ; l’acquisition de matériels destinés à la location, dont les bénéfices servent à supporter certaines dépenses du

programme et à faire face à certaines charges sociales, etc.

Globalement, on retiendra que l’éducation non formelle séduit les formateurs et les enseignants parce qu’elle meten œuvre un modèle alternatif souple et adapté.Ce modèle se caractérise selon eux par : « la polyvalence » ; « une formation gratuite », « moins formelle et formaliste que l’éducation publique » ; la « flexibilité des expériences » et leur « facilité d’adaptation » ; la participation des communautés, l’engagement des parents et l’appui des personnes ressources et des gens

du quartier ; des modalités très adaptées pour les personnes âgées et les mères de famille ; une plus grande accessibilité, davantage de « proximité » et un large et profond « partage entre les acteurs » ;

Tous ces aspects mis en commun permettent d’atteindre, selon la plupart des formateurs, de « meilleuresperformances en terme de résultats » que le système formel.

apprenants qui ont eu un an ou moins deformation relèvent tous des programmesd'alphabétisation dont la durée est en généralde douze à dix huit mois. Si l’on ne prend pas en compte ces apprenants,on obtient un groupe pluscohérent dans sa composition,où la durée moyenne de laformation est de six ans. Si l’on considère les résultatsdes entretiens avec lesapprenants et les apprentis encours de formation, la duréede la formation, hormiscertaines structures assezproches du formel dans leurorganisation (CIFOP,ACAPES) semble égalementassez longue et le plussouvent non formalisée.On peut tenir en considérationici :La souplesse de l’éducation non formelle quitient compte du rythme d’apprentissage dechaque individu ;Le manque de structuration des apprentissageset de précision des programmes, d’où uneévaluation assez subjective - qui dépend pourles ateliers artisanaux du patron ;Le fait que la plupart débutent leur formationassez jeunes (en moyenne 9-10 ans, maisassez souvent 6-7 ans) ;

Le fait que les patrons dans les ateliersartisanaux ne veuillent pas "libérer" leursapprentis, même lorsque que ceux-ci ontmaîtrisé les différentes étapes del'apprentissage, cela parce que ces derniers

leur servent en même tempsde main d'œuvre. Pourcertains, cela implique uneprolongation de la durée del'apprentissage qui relèvealors du bon vouloir dupatron. Relevons à cepropos que des conflitsnaissent de plus en plusentre les patrons et leursapprentis lorsque cesderniers estiment qu'ils ont lamaîtrise nécessaire dumétier et "exigent" alorsqu'on leur remette le fameux"certificat" pour aller s'établirà leur propre compte ou

rechercher un emploi auprès des PME de laplace.Malgré tout, dans la plupart des expériencesd’éducation non formelle, c'est le système deformation qui s'adapte à la personne et non lecontraire. L'éducation non formelle n'a pas uncaractère sélectif. Cela se répercute sur lesmodes d'évaluation et les mécanismes deprogression, à l'exemple du Centre de l'ANBEPoù selon le mot du responsable : "il est possible

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Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

Vécu de l’école formelle par les apprenants

Les apprenants et apprentis ont été interrogés sur le souvenir (positif ou négatif) qu’ils ont gardé de l’école et surles raisons qui fondent leur appréciation. 72% d'entre eux disent garder un bon souvenir de l’école formelle. Lesraisons évoquées peuvent être classées de la manière suivante :

aspects instrumentauxLa plupart des apprentis et apprenants mettent l’accent sur l’apport de l’éducation formelle en terme deconnaissances instrumentales, utiles à leur formation actuelle.

aspects éducatifsD'autres mettent l’accent sur un apport de l‘école par rapport à l’éducation de la personne à la vie (éveil, ouvertured'esprit, éducation, savoir vivre).

aspects sociaux Pour certains, l’école leur a fourni l’occasion de développer des liens sociaux : relations amicales, camaraderie,etc…

aspects personnels- ces aspects sont positifs chez ceux qui gardent un souvenir nostalgique liée à la joie et à la fierté ressentiesà l’occasion de bons résultats,- ils sont négatifs pour d’autres qui y ont vécu une expérience démoralisante ou même traumatisante :« démotivation et perte de repères », « maître méchant », « absence de motivation », « châtiments corporels », etc.

qu’on redouble ; mais il ne saurait y avoird’exclus car c’est avant tout une écolecommunautaire qui vise justement à récupéreret à intégrer ceux qui sont déjà marginalisés".

2.1.6 Des problèmes pédagogiques…

Ces problèmes sont, selon les formateurs,souvent liés au profil des apprenants. En effet,les structures relevant de l’éducation nonformelle s’adressent à des publics particuliers,caractérisés le plus souvent par un faible niveauscolaire. Ils sont le plus souvent peu ou pasalphabétisés, exclus très tôt des structuresd’éducation formelle. La souplesse desstructures en termes d’organisation et de modede recrutement fait que les apprenants ontsouvent des niveaux scolaires très différents.Les formateurs connaissent d’énormesproblèmes à gérer cette spécificité propre àl’éducation non formelle.Une des difficultés soulignées par lesformateurs est l’attitude parfois négative desapprenants vis-à-vis de l’approche pédagogiqueutilisée, lorsque celle-ci leur paraît tropformaliste ou s’éloigne de leurs habitudesculturelles. Pour s’adapter aux apprenants, lesformateurs mettent en œuvre des démarchespédagogiques innovantes. De même, celles-ci nesont pas toujours bien comprises par lesapprenants.Il arrive que certaines spécificités desbénéficiaires posent problème. C’est parexemple le cas de la section couture du CIFOPqui accueille des filles en internat et où les« encadreurs » disent déployer beaucoupd’efforts pour un suivi comportemental etdisciplinaire strict. De leur côté, les« facilitateurs » en alphabétisation de l’ANAFALouga sont confrontés à un manque d’assiduité(irrégularité, retard, etc.) : les femmesbénéficiaires, mères de famille, sont le plussouvent occupées aux travaux domestiques ouchampêtres. Les aspects liés au niveau scolaireet à la spécificité des apprenants de l’éducationnon formelle font que les formateursconnaissent également certaines difficultés àcommuniquer : « problème de réceptivité »,« barrière de la langue », etc…

Le deuxième type de problème rencontré, et l’undes plus aigus, est lié au matériel et auxsupports. Les formateurs insistent tous sur lemanque de matériel, l’insuffisance des supports

et des moyens pédagogiques mais aussi surl’inadaptation de ceux-ci.Les conditions d’exercice entraînent égalementtoutes sortes de difficultés. C’est d’abord lecadre, jugé le plus souvent « peu adéquat ». Onrelève beaucoup de problèmes d’espace etquelquefois l’inadéquation du cadre par rapportaux activités qui s’y tiennent.Mais ce qui pose surtout problème, c’estl’organisation. De l’avis de certains,« l’enseignement n’est pas bien structuré », « laformation n’est le plus souvent pas planifiée».Cela donne une certaine souplesse maiscomplexifie aussi les tâches d’enseignement -apprentissage. De même, pour certainesexpériences, le manque de moyens fait que ladurée de formation est jugée insuffisante.Les formateurs relèvent enfin un certain nombrede problèmes liés à leur propre profil ou statut :le manque de formation des enseignants etencadreurs ; le problème de disponibilité(lorsque les « encadreurs » sont bénévoles etdoivent faire face à d’autres charges sociales) ;l’insuffisance du nombre de formateurs.

2.1.7 … et des limites objectives freinentle développement et l'expansion del'éducation non formelle

Durant les entretiens que nous avons eus avecles acteurs de l’éducation non formelle, chacuna insisté sur les limites que connaît ce secteurau Sénégal :

Apprentis et apprenantsLa principale limite ressentie par les apprenantset les apprentis est le manque d'outils et dematériels de formation, surtout dans les ateliersartisanaux. D'autres limites ont également étérelevées :

la mauvaise organisation de l'atelier ;le manque d'efficacité des pratiques

pédagogiques et l’inadéquation du systèmed'évaluation ;

les mauvais traitements (cela a étéparticulièrement souligné par les jeunesapprentis des ateliers artisanaux)

l’absence de pré-requis (lire et écrire,calculer, etc.) chez les apprenants ;

l’exiguïté de l’espace ;un volume horaire faible ;l’absence de certification ou de

reconnaissance des compétences à la sortie etla limitation consécutive des débouchés.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

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Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

Anciens apprenantsLes anciens apprenants en alphabétisationidentifient, comme la principale limite del’éducation non formelle, le manque de suivi etd’accompagnement après la formation. Cela apour principale conséquence de produire, pourla plupart d’entre eux, un analphabétisme deretour.Chez les autres anciens apprenants etapprentis (ateliers artisanaux et centres deformation pratique), le manque d'outils de travailet la cherté du matériel reviennent comme unelitanie lorsqu'on les interroge sur les entraves àleur insertion socio-professionelle. D’autreslimites sont également évoquées :

les risques d'accident du travail et lesmauvaises conditions d'apprentissage ;

le manque de moyens et la difficulté àouvrir son propre atelier ;

la saturation du marché de l’emploi.

ParentsMalgré leur satisfaction globale, ils restent trèscritiques envers l’éducation non formelle etrelèvent comme principales faiblesses :

le manque d’organisation ;le manque de matériels et d'outils ;l’inexistence d’appui pour se perfectionner ;

L’absence de certification (diplôme reconnu) ;la dureté des conditions de travail et

d'apprentissage ;la recherche du profit et les impératifs de

production qui dominent les aspectspédagogiques ;

le manque de suivi planifié et organisé desenfants.

FormateursMalgré ses apports et l’implication des différentsacteurs sociaux, l’éducation non formelle restele plus souvent « royalement » ignorée parl’Etat. La principale limite évoquée ici par lesformateurs est liée au manque dereconnaissance et de valorisation des produitsde l’éducation non formelle :

absence de reconnaissance des diplômesdélivrés ;

absence de reconnaissance officielle desstructures qui rend malaisée une insertion ouune réintégration dans l’éducation formelle -pour les établissements qui se donnent cettefinalité bien entendu.

Dans ces conditions, l’éducation non formelle

peut difficilement s’émanciper et rayonner au-delà des réseaux de l’économie populaire.Même lorsque les compétences sont avérées,elles ne peuvent donner lieu à une valorisationsociale ou professionnelle dans la sphère del’économie « moderne ». Il leur manque lacertification de l’Etat. Ainsi, certains apprenantssortant des structures d’éducation non formelleconnaissent d’énormes difficultés pour s’insérerdans le secteur privé. Etant considérés « sansdiplôme », ils sont utilisés pour des emplois« sous-qualifiés ». De même, ceux quimaîtrisent les langues nationales s’intègrentdifficilement dans un monde où le français« domine » les rapports socio-professionnels.Il s’y ajoute certaines faiblesses intrinsèquesaux programmes ou aux initiatives d’éducationet de formation non formelle. Le « suividisparate» ou inexistant, l’« absence de fond deréinsertion » participent à « l’absence deperspectives pour l’après formation ».

Les expériences d’éducation non formelleprocèdent le plus souvent des principes d’équitéet de solidarité sociale. Leur grande souplesseet leur ouverture aux plus défavorisés font quesouvent les moyens existants sont largementen-deçà des besoins réels. Cette insuffisancede moyens se traduit par : ● des difficultés dans la prise en charge desformateurs (salaires) et donc de motivation àlong terme des acteurs (conditions d’exercice etbesoins sociaux) ;● des espaces et locaux inadaptés ;● une durée de formation souvent écourtée ;● des moyens de mise en œuvre limités(matériel et supports didactiques).

Enfin, une dernière caractéristique a étélargement citée comme limite de l’éducation nonformelle, il s’agit du déficit de formation dupersonnel d’encadrement. La qualité s’enressent dans beaucoup de cas où il s’agit plusd’occuper les enfants que de les éduquer.

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Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

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2.2 Résultats des expériences enterme d’insertion professionnelleet d’intégration scolaire

A partir des entretiens que nous avons eus avecces différents acteurs, il est possible d’avoir uneidée plus précise des résultats et de l’impact deces expériences d’éducation non formelle enterme d’insertion socioprofessionnelle et deréintégration scolaire.

2.2.1. Projets et stratégies desapprenants et des apprentis

Quels sont les projets des apprenants et desapprentis, engagés dans des expériencesd’éducation non formelle, une fois qu'ils aurontterminé leur formation ?

La plupart des apprentis et des apprenantssouhaitent devenir autonomes en s'installant àleur propre compte, probablement en créantune petite structure artisanale.

Le tableau ci-dessus donne une idée destendances en ce qui concerne les projets desapprenants à la fin de leur formation, mais ilserait utile d'en faire une lecture différentielle enfonction des structures d'origine et donc de lanature et des conditions de la formation.

2.2.1.1 Des projets d'insertion fortement liésà la nature des structures fréquentées et dutype de formation

Pour mieux caractériser les projets desapprenants et des apprentis en rapport avecleur contexte de formation, nous avons effectuéun croisement dynamique entre le type de projetet la structure de formation.

Les deux tiers des apprentis des ateliers

artisanaux (18) et de l'Ecopole (8) ont le projetde s’installer et de travailler à leur proprecompte. Ce qui confirme le rapprochement déjàfait entre ces deux types de structure. Ce projetmotive également les apprenants qui setrouvent dans les centres d'enseignementtechnique féminin (couture, crochet, etc.)comme NOSE ou le Centre de Couture BennBarak. Ce n’est pas le cas pour les apprenants del'ACAPES et du CIFOP. Pour l’ACAPES, cela secomprend. Cette structure a pour principalevocation de « récupérer » des apprenants ayantconnu une interruption de leur scolarité et de lespréparer à réintégrer l'école formelle par le biaisdes examens nationaux (BFEM, BAC). Parcontre, le CIFOP est une structure de formationprofessionnelle et prépare normalement sesapprenants à une insertion directe dans lemonde du travail. Les apprenants du CIFOPs'attendent donc plus à être recrutés dans desentreprises modernes qu'ils ne sont enclins às'installer à leur propre compte. Cela peut êtreexpliqué par le fait que les apprenants duCIFOP ont, par rapport aux apprentis, desateliers artisanaux proches de l'économie nonformelle, une meilleure reconnaissance de leurscompétences (diplômes d'état et diplômed'école).

Le projet de "Chercher du travail sur lemarché" se retrouve justement dans lesprojections d'apprenants de structures commele CIFOP, le CAMG de BOPP et l'ACAPES (quioffre également des formations similaires àcelles des centres d'enseignement féminin encouture mais aussi en santé communautaire).

Le projet de "retourner à l’école (EF)", nullepart envisagé dans les ateliers artisanaux,

Tableau 6 : projet après formation des apprenantset des apprentis

Projet Taux

M’installer et travailler à monpropre compteChercher du travailSuivre une autre formationRetourner à l’école formelleJe ne sais pasAutreSans réponseTOTAL

42%19%16%8%1%4%

10%100%

C’est dans les structures de formation qui sontproches de l’économie populaire que l’onretrouve le plus de jeunes motivés pours’installer à leur propre compte à la fin de leurformation, et ainsi plus portés à une certaineautonomie et à la “débrouillardise”. Ils sontd’autant plus éloignés des sphères del’économie dite formelle qu’ils n’ont pas dediplômes reconnus par les entreprisesmodernes. Mais les difficultés à disposer desmoyens nécessaires à l’autonomisation fontque ce projet d’autonomie ne se réalise que surle long terme.

intéresse surtout les apprenants des écolescommunautaires ou IPE (7) ; les résultatsenregistrés pour l’ACAPES (1) restent trèsfaibles ;

En effet, les apprenants de l'ACAPES (6)sont plus enclins à vouloir "suivre une autreformation". Après avoir obtenu leur diplôme, cesapprenants sont plutôt intéressés par desformations professionnelles courtes (genreDUT). On note quelques projets dans ce sensau niveau des ateliers artisanaux (3) et chez lesapprenants de TOSTAN (3), dans les IPE (1).

2.2.1.2 Des stratégie(s) de mise en œuvreencore floues

Si les vœux sont assez clairement formulés, laquestion de "comment y parvenir", elle, laissepercer un certain attentisme ou fatalisme de lapart des apprenants et des apprentis.

Si on regroupe les réponses « je n’ai pasencore pensé à ça » (12) et les nombreux« sans réponse » (49), on peut conclure que lamajorité d’entre eux (57%) n’ont pas une idéeclaire des moyens à mettre en œuvre pourtransformer leur projet en réalité. Certainségalement préfèrent s’en tenir à la « volontédivine ».

Certains apprenants (14%) comptent égalementsur le soutien d’un tiers pour y parvenir : soit le

père ou un proche parent, soit l'appui de lastructure (TOSTAN, ACAPES) ou du patron.Pour ce dernier aspect, il s’agit surtout desapprentis des ateliers artisanaux, ce qui n’estpas sans rapport avec une pratique naguèrebien établie par laquelle le patron, lorsqu’il« libère » l’apprenti, lui remet en même tempsune caisse à outils pour qu’il puisse se mettre àson propre compte.

D’autres (11%) développent des stratégies plusautonomes : achat progressif d’outils, collectede fonds ou examens pour ceux qui veulentcontinuer des études à l’université ou dans lesinstituts supérieurs de formation professionnelledu supérieur.

Un certain nombre d’apprenants (9%)pensent qu'il s'agit surtout d'être sérieuxet persévérant dans l'apprentissage afinde maîtriser son métier. D’autres (7%)enfin pensent y parvenir à travers uncertain nombre de démarchesadministratives (demande d’emploi et destage) devant aboutir à un recrutementdirect.

2.2.1.3 L'intégration ou la réintégrationscolaire est-elle à l'ordre du jour ?

Les apprenants et apprentis ont-ils envied'intégrer ou de réintégrer le systèmeéducatif formel? Le cas échéant ce vœua-t-il des chances de se réaliser ? Lespasserelles entre les divers espacesd'éducation existent-elles ? Sont-ellesconnues et accessibles ?"Avez-vous envie d'aller ou de retourner

à l'école ?" Les réponses à cette question sontmajoritairement négatives. A ce niveauégalement, il est intéressant d'examiner d'unpeu plus près les réponses, notamment entenant compte du profil des différents typesd'apprenants.

En effet les réponses des apprentis (ateliersartisanaux) peuvent-elles être analysées aumême niveau que celles des apprenants duCIFOP ou des adultes participants aux

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Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

Tableau 7 : motivation pour un retour dans lesytème formel

Avez-vous envie d’aller ou deretourner à l’école ?

Taux

OuiNonTOTAL

38%62%

100%

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Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

programmes d'alphabétisation ?En croisant les données ci-dessus avec les cinqgrands types d’éducation non formelleidentifiés, nous obtenons les résultats suivants : Le nombre d’apprenants et d’apprentis qui n’ont

pas le projet de réintégrer le système formel estle plus important en valeur absolue (25) dansles ateliers artisanaux et à l'Ecopole. En effet,ces derniers estiment que leur apprentissageactuel les dotera de toutes les compétencesnécessaires pour subvenir à leurs besoins. On pourrait penser a priori que l'école formellen’a aucun intérêt pour eux. Cependant unnombre conséquent d’entre eux (13) affirmeavoir envie d’y retourner. Cela peut être lié aufait que la plupart des apprentis concernés onteu à fréquenter l'école élémentaire, et qu’enmajorité, ils déclarent en garder un bonsouvenir. Ils pensent également quel'enseignement de type général qui y estdispensé serait important pour leur permettre demaîtriser certaines notions utiles en situationprofessionnelle (calculs liés à la mesure, coupe,etc.). Cela leur permettrait également d'êtredavantage éveillés (culture générale).Néanmoins, presque tous affirment en mêmetemps qu'il leur sera impossible de réintégrer lesystème formel. Les taux enregistrés au niveau des femmesadultes du programme de socio-alphabétisation(Enda GRAF) sont également révélateurs.Presque toutes répondent par la négative (19sur 22). D’une part, les apprentissages sontfonctionnels et liés au développement d'activitéséconomiques ; d'où la conscience que lescompétences acquises dans le cadre duprogramme peuvent leur servir à renforcer et àaméliorer les projets qu'elles mènent au niveaude leurs groupements. D’autre part, et surtout,l’intégration ou la réintégration du système

formel est une solution inadéquate pour elles,vu leur profil et plus particulièrement leurmoyenne d’âge.

2.2.1.4 La contrainte de l’âge, principaleentrave à la (ré)intégration scolaire…

La principale entrave est l’âge avancédes apprenants et des apprentis. L'éducation devrait être davantageconçue comme un processus qui duretoute la vie et les politiques officiellesgagneraient à prendre cet aspect encompte.Les quelques solutions esquissées parle Ministère de l’Education Nationale,notamment les écoles communautairesde base et les programmesd'alphabétisation, ne semblent pas

bénéficier du même statut ou du mêmetraitement que les autres aspects du systèmeofficiel (surtout en terme de certification, de

reconnaissance et de valorisation desapprentissages).

2.2.2 Résultats des apprentissages enterme de capacités

Les entretiens que nous avons eus avec lesjeunes en situation d’apprentissage ontégalement permis d’avoir une idée plus précisedes résultats de leur formation en terme decapacités techniques et professionnelles.

Les catégories appliquées ici conviennentsurtout aux apprentis des ateliers artisanaux età ceux qui sont dans les centres de formationprofessionnelle. Les réponses des apprenantsen alphabétisation seront donc traitées à part.

0% 20% 40% 60% 80% 100%

Atelier artisanaux

IPE

Formation professionnelle

Enseignement technique féminin

Alphabétisation des adultes

Oui Non

Manque de

moyensfinanciers

6%

Absence destructures

adéquates14%

Besoin non

ressenti27%

Age tropavancé

53%

Graphique 19 : avez-vous envie de retourner à l’école ? réponse par rapport au type de formation (apprenants/apprentis)

Graphique 20 : entraves à la (ré)intégration du système scolaire

2.2.2.1 résultats des ateliers artisanaux enterme de capacités

Chaque performance implique que soit déjàassise celle qui la précède; ainsi, l'apprenti quirépond "je peux fabriquer un ouvrage tout seul"répond en même temps "je peux assister lepatron pour fabriquer un ouvrage"; "je peuxassister le patron pour réparer un ouvrage", etc.Aussi, y a-t-il lieu d'affiner ces premiers résultatspar un cumul décroissant des taux parcatégorie.

La forme du graphique fait bien apparaîtrel'évolution des acquis en fonction des niveauxd'apprentissages. Les capacités correspondantaux compétences les plus complexes sontévidemment les moins représentées. On peutprésager qu’elles dépendent des qualités desdifférents apprentis / apprenants, mais aussi etsurtout du temps d'apprentissage. Il y aégalement lieu de s’interroger sur le rapportentre les compétences acquises et l'anciennetédans la formation.

Les résultats sont manifestement corrélés àl'ancienneté. Au niveau des ateliers artisanaux,la moyenne d'ancienneté est de 3 ans pour lessujets qui atteignent le sixième niveau decapacité, alors qu’elle est de 1 an pour ceux quidéclarent être au premier niveau. Il arrive que des apprentis, malgré un tempsd’apprentissage court, parviennent à desniveaux élevés de capacité. Dans ce cas, il fauttenir compte de la nature de la formation, enparticulier de la "nature de l'ouvrage à réaliser".C'est le cas par exemple des apprentis del’Ecopole. Huit d’entre eux atteignent le sixièmeniveau de capacité, avec une durée moyennede formation d’un an. Cela s'explique par le faitqu'ils réalisent, sur la base de produitsrécupérés (sachets plastiques, bouts de tissus),des ouvrages assez simples en terme detechnologie (crochet sur plastique, "poupeterie",etc.).

2.2.2.2 résultats des programmesd'alphabétisation en terme de capacités

A ce niveau, on recense évidemment d'autrestypes de capacités au terme desapprentissages. D'abord ce qui revient le plusfréquemment, ce sont les connaissances etcompétences instrumentales : lecture, écritureet calcul.

Elles sont le plus souvent mises en relationavec des compétences fonctionnelles pourlesquelles ces capacités servent de base :

gérer une boutique, transformer des fruitset des légumes, faire du commerce et del'élevage ; mettre sur pied un groupement ;

faire du reboisement, résoudre lesproblèmes d'environnement, agir dansle quartier, sensibiliser les autres ; connaître ses droits et devoirs et

pouvoir sensibiliser les autres à cesujet ;

Les apprentissages ont également unimpact sur la vie quotidienne et ledéveloppement personnel de l'individusi on en croit la fréquence desréponses du type: ouverture d'esprit,savoir-vivre, savoir se comporter,

autonomie, etc.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal69

Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

Tableau 8 : résultats des apprentissages entermes de capacité (atelier artisanaux)

Types d’attente Taux

Je peux assister un patron dans laréparation d’un ouvrageJe peux réparer un ouvrage seulJe peux assister un patron dans lafabrication d’un ouvrageJe peux fabriquer un ouvrage seul Je peux assister un patron dans laconception et la fabrication d’unouvrageJe peux concevoir et fabriquer unouvrage seul TOTAL

36%12%

20%12%

4%

16%100%

0 5 10 15 20 25

Conception autonome

Assister une conception

Fabrication autonome

Assiter une fabrication

Réparation autonome

Assister une réparation

Graphique 21 : résultats en terme de capacité des apprenants /apprentis

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal70

Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

2.2.3. Une insertion "naturelle" dansl'économie populaire ?

Le parcours des anciens apprentis permet dedégager quelques hypothèses quant auxpossibilités réelles d’insertion des jeunes ensituation d’apprentissage dans les ateliersartisanaux.

2.2.3.1 Une insertion apparemment facile…

Si on s'intéresse aux anciens apprentis,certaines données, à défaut d'une étude de fluxplus exhaustive, renseignent sur lesperspectives d'insertion socioprofessionnelle decette catégorie. Aucun d’entre eux n’est restéoisif après sa formation. Chacun a pu trouver uncréneau dans lequel s'insérer. La grande majorité des anciens apprentis (84%)se sont insérés dans des ateliers artisanaux, laplupart comme assistants, certains à leur proprecompte.

On remarque cependant, qu'ils sontgénéralement loin d'avoir atteint le but qui lesmotivait à l’entrée en formation. Dans l’optiquede subvenir à leurs besoins socio-économiques,leur principale motivation était de s’établir à leurpropre compte en créant un atelier. Ils sontseulement 13% à y être parvenu (Tableau 9)alors que 71% sont encore assistants soit avecle patron qui les a formés, soit avec un autre).Une minorité d’entre eux s’intègrent dans lesentreprises modernes ou effectuent uneformation complémentaire.Concernant les apprenants des programmesd'alphabétisation fonctionnelle, la presquetotalité déclare n'avoir eu aucune activité depuisla fin de leur formation. Ils attendraient toujoursles financements promis comme mesured'accompagnement au moment de la formation.

2.2.3.2 Difficultés d’insertion socio-professionnelle

On peut retenir que l'éducation non formelletend à absorber ses propres produits. Lessortants ne restent pas inactifs. Au terme de leurformation, ils poursuivent leurs activités dansleur domaine de compétence. Mais le plussouvent, il ne s'agit en fait que d'une"occupation" et le chemin est long et pleind'embûches avant de parvenir à un exerciceautonome et rentable de leur métier.Pour la plupart, ils ne connaissent pas dedifficultés à s'insérer dans le tissusocioprofessionnel, puisqu'ils sont presque toussoit recrutés par le patron d'atelier qui les aformés, soit recommandés à un autre patron.Par contre, les difficultés sont nombreuseslorsqu’il s’agit de s'installer à son proprecompte, au lieu d'être simplement "exploités"par les "patrons" comme c'est souvent le cas.D'où le fait apparemment contradictoire que laplupart des anciens appentis qui répondentnégativement à la question « Avez-vous eu desdifficultés d’insertion ? » se prononcent tout demême sur la nature de celles-ci – étant sous-entendues qu’il s’agit en fait de la nature desdifficultés qui ne leur ont pas permis de réaliserleur projet d’atelier autonome.

Ainsi, c’est surtout l’absence de matériel (outilsde travail, machines, etc.) et de finances pourun premier investissement (local, électricité,etc.) qui empêchent les anciens apprentisd’atteindre leur objectif d’autonomie. Celad'autant plus que durant leurs apprentissages,ils ne reçoivent pas de subsides conséquentsde la part de leurs patrons. Il est rare égalementqu’ils aient une culture d’épargne et deplanification de leurs projets d’avenir… Parmi les difficultés citées, apparaissentégalement l’absence de reconnaissanceofficielle des compétences acquises et lescontraintes administratives ; ce qui fait que la

Tableau 9 : principales activités depuis la fin del’apprentissage (anciens apprentis)Types d’attente Taux

Travail dans une entreprise“moderne”Travail chez le patron qui m’aforméTravail chez un autre patronJe me suis installé à mon compteRien du toutUne formation complémentaireAutre (une occupation plusconforme à ma vocation)

9%

36%34%13%0%3%

5%

Tableau 10 : principale motivation à l’entrée enformation (anciens apprentis)

Types d’attente Taux

Créer mon propre atelierTravailler comme employé dans unatelier artisanalTravailler dans une entreprisemoderneNe pas rester oisifAutre

40%

8%

14%27%11%

plupart d’entre eux n’envisagent également pasde travailler dans une entreprise « moderne ».

2.2.3.3 Comment envisagent-ils leur avenir àcourt et moyen terme ?

Pour la plupart des anciens apprentisinterrogés, le principal objectif est de parvenir àl'autonomie le plus rapidement possible, enrésolvant l’équation des moyens nécessaires àcela.

Une minorité d’entre eux a probablement lemême objectif, mais compte s'y prendreautrement, notamment par l'émigration quecertains préparent en épargnant la plupart deleurs gains. D’autres entendent mettre l'accentd'abord sur le perfectionnement de leurformation ou attendent tranquillement dereprendre une affaire familiale (héritage).Les anciens apprenants du programmed'alphabétisation fonctionnelle d’Aide et Action /Ecoliers du Monde ont développé une stratégiedifférente en optant pour le regroupement enGIE. Ce type de structure leur permettra à la foisd’avoir accès au crédit et à des formationsqualifiantes. En attendant une reconnaissanceofficielle et un appui financier, ils cotisent pourpermettre à l'un d'entre eux de participer à uneformation complémentaire en teinture, à chargepour ce dernier d'initier les autres membres à lafin de son apprentissage.

Globalement, les anciens apprentis etapprenants n’intègrent pas, dans leursstratégies de développement, une formation

complémentaire. Pour eux121, leperfectionnement se fera avec l'expérience122…Les principales raisons évoquées sont lessuivantes : l'absence de besoin ressenti, lemanque à gagner et les pertes de temps quecela occasionne. Un certain nombre d’entre euxrépondent "je ne sais pas", en général parceque c'est une perspective à laquelle ils n’avaientpas pensé.Comme pour les apprentis et les apprenants encours de formation, les stratégies à développerpour atteindre les objectifs professionnels nesont pas très clairement formulées. Il n'y a pasde plan de carrière proprement dit : lesintéressés comptent surtout se "débrouiller".Certains restent pendant 5 à 10 ans assistants,jouant les seconds rôles ; ou alors, ils gèrenteffectivement l'atelier, tandis que le "patron" selimite à jouer un rôle de "propriétaire", donnantdes directives et encaissant les bénéficesréalisés…

Les parents non plus ne semblent pas habituésà prendre des dispositions pour préparer oufaciliter l'insertion de leur enfant à la fin de laformation. Leur principale préoccupation estqu’il puisse avoir une qualification. Chezcertains, il s’agit simplement d'éviter l'oisivetéou la délinquance .

Le tiers des parents rencontrés déclarentpenser à un certain nombre de dispositions pourfaciliter l’insertion de leur enfant en formation,mais le détail de ce "projet" reste souvent assezvague :

appui matériel, financier ou logistique (5) ;

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal71

Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

Tableau 12 : nature des difficultés rencontrées(anciens apprentis)

difficulté fréquence

Moyens (matériels, financiers)Patron (exploitation)ClientèleFilières et structuresManque d’appuiSans objetSans réponse

132145

213

Tableau 13 : motivation pour une formationcomplémentaire

perspective de formationcomplémentaire

fréquence

OuiNonJe ne sais pas

17257

121 Il s'agit principalement des anciens apprenantsdes programmes d'alphabétisation (11 sur 14) etdes anciens apprentis des ateliers artisanaux (14sur 24).122 Ceux qui sont intéressés se réfèrent à lanécessité du perfectionnement professionnel,l'utilité de certaines connaissances instrumentales(pour savoir faire des devis, factures, etc.) etl'intérêt de l'échange d'expérience pour un chefd'atelier.

Tableau 11 : difficultés d’insertion à la fin del’apprentissage (anciens apprentis)

Avez-vous eu des difficultésd’insertion ?

Taux

OuiNonSans réponse

38%55%3%

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal72

Le point de vue des acteurs de l’éducation non formelle

réintégration de structure d’éducationformelle ou formation qualifiante (4) ;

démarches pour son insertion dans unatelier ou une entreprise (4) ;

préparation pour assurer la relève del’atelier familial (2) ;

soutien, conseils, encadrement (1) ;études à l'étranger (1).

Près de la moitié par contre avouent qu'ils n'ontpris aucune disposition en ce sens, pour l'unedes raisons suivantes :

« manque de moyens » (7) ;« je n’y ai jamais pensé » (7) ;

« je ne sais pas quoi faire » (7) ;« je m'en remets à la volonté divine ou à la

chance » (3) ;« je compte sur l’aide de mon patron » (1).

Au total, il apparaît que l’éducation non formelleoffre un certain nombre de solutions et regorgede ressources éducatives. La principale valeurqui la traverse est la liaison entre les actes

éducatifs et la vie. Il s’agit d’expériences quitouchent en plein cœur le sens même que lespersonnes impliquées donnent à leur vie, à sonorientation et à ses finalités. Au-delà des tentatives d’analyse, on se retrouveface à des données difficiles à quantifier, àmesurer ou à capitaliser en terme d’impact. Carsi « impact » il y a, il s’agit de résultats globaux,qui doivent autant aux programmes initiés qu’audynamisme même des acteurs, à la manièredont ils s’approprient les actions et lesprolongent dans d’autres domaines de leurexistence, sans qu’on puisse de façon absoluesuivre à la trace les cheminements en terme devariables, de facteurs et de déterminisme strict. La plupart des apprenants mettent en avant desacquis comme la confiance en soi, l’éveil, lasolidarité, autant d’éléments dont on ne peutenfermer les trajectoires et les manifestationsdans des analyses statistiques quiappauvrissent ce qui n’existe que dansl’intensité et l’immanence. Comme cetapprenant du Village Empowerment Program(VEP) de TOSTAN qui évalue l’impact de laformation (fondée sur les droits humains) en cestermes « En tous cas, je sais que maintenant, ilsera difficile de me tromper sur les choses de lavie ». Quelle autre « éducation » serait plusutile ?

Tableau 14 : projet d’insertion à la fin del’apprentissage (parents)réponse fréquence

OuiNonSans réponseTOTAL

18258

51

Un ensemble d’hypothèses, à approfondir pourle renforcement de l’éducation non formelle,ressort de l’évaluation de ces expériences et del’analyse globale de ce secteur. Pour mieuxconnaître et maîtriser celui-ci, il faudraparallèlement réfléchir aux modalités d’unsystème de capitalisation, de suivi etd’évaluation qui lui sera consacré.

3.1 Evaluation globale et propositionspour le renforcement de l’éducationnon formelle

Les propositions pour un renforcement del’éducation non formelle doivent partir d’uneévaluation critique des principales forces etfaiblesses de ce secteur.

3.1.1 les forces de l’éducation nonformelle

L’expansion récente de l’éducation non formelleau Sénégal est la preuve que celle-ci est unsecteur dynamique et porteur, pouvantcontribuer aux objectifs d’éducation pour tous,ainsi qu’à la démocratisation et à ladécentralisation de la société sénégalaise. Sesprincipales forces sont, à notre avis, lessuivantes :

a. une volonté politique affirmée et partagée

Sur la base d’une analyse critique du systèmeformel et de l’identification de ses principaleslimites, les acteurs de l’éducation au Sénégal sesont engagés dans la recherche d’alternatives àtravers différentes expériences d’éducation nonformelle. Le développement de celle-ci partd’une volonté politique effective – elle se traduitpar des programmes d’actions concrets – etcombinée – elle associe les autoritésadministratives et les entités de la société civile.Toutes les personnes rencontrées au cours del’étude sont unanimes sur ce point. Les objectifsopérationnels décrits dans le PDEF concernantl’éducation non formelle supposent quel’engagement de l’Etat se poursuivra. Même si

certaines orientations peuvent faire l’objet dediscussions, cela constitue un acquisessentiel123.

b. la diversité des expériences : richesse etdynamisme de l’éducation non formelle

L’éducation non formelle au Sénégal tented’apporter des réponses aux nombreux besoinsd’éducation et de formation, en s’adressant àdes publics de tous âges (de la petite enfance àl’âge adulte) et de toutes catégories(scolarisés/déscolarisés/non-scolarisés,urbains/ruraux, hommes/femmes, etc…). Elleprocède également de différents modèleséducatifs. Cette grande diversité de situations, d’acteurs,d’objectifs et de paradigmes en fait un secteuréducatif riche et dynamique.

c. le primat des méthodes actives etparticipatives

L’analyse de différentes expériencesd’éducation non formelle montre que la richessede celle-ci est en grande partie liée à la naturedes méthodes mises en œuvre. Une destendances de l’éducation non formelle est de seconstruire progressivement en relation avec lesbesoins et le profil des publics concernés. Cettegrande souplesse permet l’expérimentation deméthodes pédagogiques actives etparticipatives. La relation pédagogique verticalequi caractérise le système formel (savoir maîtreélève) et dont l’objectif principal estd’« imprimer » à l’élève un ensemble deconnaissances et d’attitudes, est renversé àl’horizontal : l’apprenant détermine avec lapersonne ressource un ensemble d’objectifs etde contenus pédagogiques devant faire l’objetd’une appropriation collective complète.

d. Le renforcement des processusendogènes et réappropriation des fonctionsd’éducation et de formation

Cette configuration de la relation pédagogique

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal73

Conclusions et recommandations

3ème partie :conclusions

et recommandations

123 Elle correspond à la 1ère stratégie du Cadred’Action de Dakar : « Susciter, aux niveaux nationalet international, un puissant engagement politiqueen faveur de l’éducation pour tous, définir des plansd’action nationaux et augmenter significativementles investissements dans l’éducation de base. »

permet à l’éducation non formelle de « coller »aux composantes sociales constituant sonpublic et aux problèmes auxquels elles sontconfrontées. L’éducation non formelle seconstruit en relation directe avec lesdynamiques de développement. Elle participe àl’élaboration et à la mise en œuvre de stratégiesde lutte contre la pauvreté. L’impact de l’éducation non formelle sur lesconditions de vie permet en retour de renforcerles processus endogènes de lutte contre lapauvreté. Les problèmes de développement nesont plus perçus uniquement comme lesconséquences de politiques de prédationextérieure. Les entités individuelles etcollectives, en accédant davantage aux savoirset aux compétences, parviennent également àune compréhension plus fine des mécanismesproduisant leur propre pauvreté, de leur part deresponsabilité dans ce processus et despossibilités de résister et d’enrayer cettepaupérisation. On assiste à une sorte derévolution « copernicienne » qui, portée par uneréappropriation des fonctions d’éducation et deformation – gage de créativité sociale,technique, politique et culturelle -, se traduit parune reconfiguration sociale et politique.

e. modélisation partielle des démarches etdes supports pédagogiques

Après plus d’une décennie d’expérimentation,de nombreux programmes d’éducation nonformelle sont parvenus à un niveau dematuration qui leur permet de modéliser leursdémarches et leurs supports pédagogiques.C’est particulièrement le cas des ONGnationales et internationales dont la productionméthodologique et didactique est devenueconséquente – avec une prise en compteaccrue des langues nationales : modules deformation de TOSTAN ; journaux, manuelsd’ADEF Afrique et d’Aide et Action ; ouvragesméthodologiques et outils pédagogiquesd’ENDA TM, etc.

3.1.2 les faiblesses de l’éducation nonformelle

L’expansion de l’éducation non formelle et sonefficience sociopolitique restent cependantassez faibles – vu les potentialités de cesecteur. L’éducation non formelle fait face à desobstacles et à des limites de premier ordre :

a. une volonté politique circonscrite etambiguë

La volonté politique de l’Etat et desorganisations d’appui demeure limitée etambiguë. D’une part, elle ne prend pas encompte l’ensemble des formes d’éducation nonformelle. Les modèles coraniques ettraditionnels restent fortement marginalisés,ainsi que les initiatives populaires d’éducation etde formation liées à l’économie populaire et auxassociations locales. D’autre part, le systèmeformel et ses nombreux dysfonctionnements nesont pas remis en cause par le développementd’expériences éducatives plus adaptées auxbesoins des publics marginalisés et aux réalitéssocioéconomiques. L’éducation non formelle estdavantage conçue comme un moyen éphémèrelimité à certains publics pour atteindre lesobjectifs de scolarisation et d’alphabétisationuniverselles. Il existe très peu de ponts entre lesystème formel et l’éducation non formelleconcernant les approches méthodologiques etpédagogiques.

b. un secteur à deux vitesses ?

Cette politique a pour conséquence lemorcellement, le cloisonnement et lahiérarchisation des expériences d’éducationnon formelle. En fonction de leur intégrationdans les filières financières et politiques, lesstructures d’éducation non formelle ont plus oumoins accès aux informations et aux ressourcesnécessaires à leurs activités. Cela provoquedes déséquilibres importants entre structures. Ilse construit ainsi un système à double vitesseavec une première catégorie d’entités dont lesobjectifs et les contenus éducatifscorrespondent à la « norme » éducativedominante (modèles « modernes ») et quidisposent d’une reconnaissance et de moyensinstitutionnels importants – il s’agitprincipalement des ONG internationales etnationales ; une seconde catégorie d’entités qui

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal74

Conclusions et recommandations

par leur petite taille ou par leur projet éducatif,ne sont pas considérées par les décideurscomme porteuses ou pertinentes. Lesstructures de formation « informelle », lesentités coraniques et traditionnelles nebénéficient souvent d’aucun appui matérielet/ou méthodologique.

c. limites en termes de moyens et de qualité

Ces déséquilibres se traduisent par des limitesimportantes en termes de moyens et de qualité.A ce niveau, trois points retiennentparticulièrement notre attention : l’accèsrestreint et l’inadaptation des formations desformateurs (reproduction de la prévalenceintellectualiste, absence de support didactique),l’insuffisance du matériel didactique etpédagogique, la faible valorisation des acteurs,en particulier du personnel souvent bénévole ouvolontaire. Même si certaines initiatives sont en cours pourremédier partiellement à ces lacunes (il s’agit enparticulier du Programme de Formation deFormateurs pour l’Enseignement de Base),elles s’adressent surtout aux structuresreconnues de la 1ère catégorie. Les entitésmarginalisées sont contraintes de développerdes stratégies de survie qui affectentnégativement la qualité de la formation (recoursà la mendicité, réduction des temps deformation au profit de la production), lorsqu’ellesne disparaissent pas purement et simplementcomme les systèmes initiatiques.

d. efficacité réduite en termes de rendementet d’impact socioéconomique

A contrario, les expériences qui sont reconnuespar l’Etat et les organisations d’appui, semblentconnaître une efficacité réduite en termes derendement (exemple des résultats dans ledomaine de l’alphabétisation) et d’impactsocioéconomique. Selon les personnesressources que nous avons rencontrées, celaest lié à la fois aux limites des compétencestechniques des opérateurs qui souvent n’ontpas été formés dans ce sens et au fait que lechamp de la post-alphabétisation soit encorepeu investi – les néo-alphabètes trouvant peude champ d’application pratique pour leursnouvelles connaissances.On peut proposer une lecture plus « politique »du faible impact de l’éducation non formelle. Il

n’est pas possible de changer la société entravaillant seulement dans la marge et enlaissant en place les rapports entre acteurs,notamment entre "centre" et "périphérie".Malgré leur proximité avec les bénéficiaires etl'utilisation de méthodes actives etparticipatives, la plupart des expériencesinnovantes et alternatives voient leurs "produits"se heurter, au final, sur un monde et uneorganisation sociopolitique qui ne prennent pasen charge leurs besoins et leurs aspirations.Leurs "connaissances" et leurs "compétences"ne sont ni reconnues ni valorisées, devenant dumême coup "inutiles".

e. des résultats et des impacts difficiles àévaluer

Il reste que les résultats et les impacts del’éducation non formelle restent très difficiles àévaluer. La partialité des données quantitatives,l’absence d’analyse qualitative portent préjudiceà ce secteur, en laissant certaines de sescomposantes dans l’anonymat.Les nombreuses spécificités de l’éducation nonformelle doivent faire l’objet d’un système decapitalisation, de suivi et d’évaluationspécifique. La présente étude montre l’ampleurde la tâche. Dans la perspective d’unerégénération, d’une reconstruction et d’uneharmonisation de l’éducation au Sénégal, elleparaît cependant inévitable.

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal75

Conclusions et recommandations

3.1.3 propositions pour un renforcementet une extension de l’éducation nonformelle au Sénégal

La reconnaissance et le développement del’éducation non formelle au Sénégal sontrelativement récents. Il s’agit d’un secteur enconstruction. Cela explique en partie lesfaiblesses identifiées. Il faut dire également quel’expansion de ce secteur est en rapport directavec les limites du système formel. La plupartdes programmes se sont construits en relationavec l’école formelle – essayant pour ainsi direde « colmater les nombreuses brèches », sansse référer à l’héritage des formes éducativescoraniques et traditionnelles. Cependant, c’est àtort que l’on exclurait ces dernières. Sur la base des différents entretiens que nousavons eus avec les acteurs de l’éducationformelle, nous avons pu élaborer un ensemblede propositions pratiques pour le renforcementet l’extension de l’éducation non formelle auSénégal :

a. identification, reconnaissance etvalorisation des structures localesd’éducation non formelle

Un travail préalable consiste à mieux identifier,reconnaître et valoriser les différentesexpériences d’éducation non formelle. Si lesorientations et les actions des structuresd’envergure internationale et nationale sont« visibles » et « lisibles », ce n’est pas le cas detoutes les structures locales, qu’elles soientassociatives (ADQ, ASC), privées (ateliers deformation), coraniques (Daara) outraditionnelles (sociétés initiatiques).Il s’agirait d’approfondir la présente étude enétablissant un répertoire exhaustif et évolutif deces initiatives. Cette recherche pourrait êtreconfiée à une entité autonome d’appui ausecteur de l’éducation non formelle, qui seraitune émanation du partenariat entre l’Etat et lasociété civile. Celle-ci servirait également detrait d’union : d’une part entre les différentesentités d’éducation non formelle, d’autre partentre l’éducation non formelle et le systèmeformel. Nous reviendrons plus tard sur lesmodalités institutionnelles et techniques d’unetelle entité.

b. élargissement et redéfinition de cadrespartenariaux au niveau local et central

L’identification de ces structures locales doitêtre accompagnée de leur intégration dans lesentités de concertation locales (CDCS etCRCS) et centrale (CSEF) prévues par le PDEF.Pour ce faire, les différentes structurespourraient renforcer leur organisationhorizontale par la création de collectifs locaux etnationaux. Ces collectifs pourraient refléter ladiversité de l’éducation non formelle etfonctionner comme des pôles ouverts et inter-reliés. Ces derniers mandateraient un ou deuxreprésentants au sein des entités deconcertation. Cette participation aux instancesde décision est essentielle si l’on prend encompte les compétences des collectivitéslocales en matière d’éducation – celles-ci sontdans la plupart des cas restées jusqu’à présentinefficientes, faute de moyens et de contenus.Un des rôles possibles de ces entités deconcertation locales seraient de nourrir lescadres institutionnels de « matière » et de« sens ». Il existe déjà des entités qui fédèrent desstructures éducatives du même type :association des formations de coin de rue etcollectif « éducation alternative » pour le milieuassociatif, responsables des confrériesreligieuses pour les Daara, syndicats pour lesateliers de formation aux métiers de l’économiepopulaire, etc. Cet existant pourrait servir debase à une mise en réseau les impliquantdavantage dans les prises de décisionsconcernant l’éducation.Ce renforcement organisationnel permettrait deconsolider les identités éducatives et de créerdes ponts entre celles-ci. Les différentes formesd’éducation ne sont pas exclusives, bien aucontraire.

c. appui à la modélisation et à ladémultiplication des expériences

Indubitablement, l’éducation non formelle ne senourrit pas suffisamment d’elle-même. Ledécloisonnement des expériences passeégalement par un appui spécifique (sous laforme d’un programme national) à lamodélisation et à la démultiplication des acquis(organisationnels, méthodologiques,pédagogiques, …).

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal76

Conclusions et recommandations

Le programme en question prendrait en chargela conception, l’expérimentation, la validation, laproduction et la diffusion de supportsméthodologiques, de matériels didactiques etd’outils pédagogiques adaptés, émanant desdifférentes expériences d’éducation nonformelle. Les produits de l’éducation nonformelle déjà existants pourraient constituer uncorpus de départ. Une fois identifiés, ilspourraient être expérimentés par une entiténeutre et compétente – l’INEADE associé à uncollectif d’ONG par exemple. Selon les résultatsobtenus, ils seraient validés (à travers unelabelisation « éducation pour tous »), édités etdiffusés aux entités intéressées (système formelcompris).

d. renforcement de l’appui aux structureslocales par la création de centres deressources éducationnelles décentralisées

Cette modélisation des acquis de l’éducationnon formelle doit être accompagnée sur leterrain par la mise en place de centres deressources ouverts à l’ensemble des structureslocales. Ces centres auraient pour principalesfonctions :la formation de formateurs suivant des modulesspécifiques et pertinents, expérimentés etlabellisés suivant la démarche précédemmentexposée ;la mise en œuvre de programmes décentralisésd’appui méthodologique et matériel : diffusionde supports didactiques et pédagogiquesadaptés au profil des structures ; renforcementorganisationnel (reconnaissance légale,recherche de financement, mise en relation desstructures) ; appui à l’élaboration, la mise enœuvre et l’évaluation des enseignements-apprentissages ;élaboration et mise en œuvre de programmesde formation complets s’appuyant sur lesstructures éducatives existantes ; proposantaux apprenants et aux apprentis des cursusdiversifiés intégrant formation professionnelle,enseignement traditionnel et/ou religieux,alphabétisation en langues nationales et enfrançais ; développant des stratégies concrètesd’intégration socioprofessionnelle en rapportavec les unités de production locales etl’Agence Nationale Pour l’Emploi récemmentcréée ;la liaison avec les autres entités d’éducation nonformelle et le système formel : élaboration

d’activités et de programmes communs, accèsaux systèmes d’information et decommunication.Ces centres de ressources décentraliséspourraient être implantés dans chaque régiondu Sénégal. Gérés conjointement par la sociétécivile et l’administration décentralisée du MEN(IA ou IDEN), ils disposeraient d’une grandeautonomie d’action, de réflexion et decommunication. Leur efficacité dépendrait enpartie de leurs moyens logistiques (NTIC,véhicule) et de leurs ressources humaines(chercheurs et praticiens de l’éducation).

e. renforcement des relations entreéducation formelle et non formelle…

Le système formel ne peut continuer à tournersur lui-même. Il est impératif qu’il s’ouvre àd’autres formes éducatives. Le potentiel quipeut être dégagé de l’éducation non formelle,doit alimenter l’école « formelle » en contenus,en méthodes et en débouchés. Il s’agit à notreavis d’opérer plusieurs changementssignificatifs dans les relations formel-nonformel :le renforcement du partenariat entre les écolesformelles et les autres structures éducatives :formations et recherches-actions pédagogiquescommunes124 par la mise en place de cercles deréflexion pédagogique; diffusion des supportsdidactiques issus des deux secteurs; alternancesystématique des temps de formation formelleet non formelle. Dans cette perspective, il paraîtindispensable de réfléchir à une systématisationdes rapports formel – non formel dans le cadredu système à double-flux. Un partenariat entreles écoles formelles des zones urbaines et péri-urbaines – particulièrement affectées par ledouble-flux - avec les structures associatives,privées et religieuses permettraient de répondrede manière plus satisfaisante aux besoinséducatifs des enfants les plus défavorisés etd’expérimenter une approche pédagogiqueoriginale alternant l’enseignement formelclassique intra-muros et les apprentissagesnon-formels extra-muros. Le système dedouble-flux, au lieu de réduire comme c’est le

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal77

Conclusions et recommandations

124 Soulignons qu’un programme de formationcommun aux enseignants du formel et du non formelvient d’être initié dans ce sens : PEEB (programmede formation d’enseignants pour l’éducation debase).

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal78

Conclusions et recommandations

cas actuellement les chances de réussitescolaire et sociale, ouvrirait d’autresperspectives de formation et d’insertion. Lesacquis institutionnels et méthodologiques decertains programmes d’éducation non formelle(ACAPES, ENDA, ECB…) pourraient servir debase à une telle expérimentation.intégration des acquis de l’éducation nonformelle (plus particulièrement dans lesdomaines de la petite enfance et de la formationprofessionnelle) : dignité éducative125 del’alphabétisation en langues nationales,apprentissages basés sur la valorisation descompétences et des savoirs locaux, méthodesd’apprentissage actives et participatives, liaisonentre apprentissages et stratégies de luttecontre la pauvreté, reconnaissance légale des formations nonformelles jugées pertinentes par un système decertification ayant des équivalences dans leformel et reflétant les compétences particulièresà l’éducation non formelle (maîtrise des languesnationales, techniques de fabrication liées auxmétiers de l’économie populaire, connaissanceet pratique des enseignements religieux ettraditionnels, etc…). Cet aspect est essentielpour valoriser l’expertise propre à l’éducationnon formelle, pour faciliter l’intégration desenfants, des jeunes et des adultes formés dansle système formel (soit comme apprenants, soitcomme personnes ressources) et dans le tissusocioéconomique « moderne » et « populaire ».

f. … en vue de construire un systèmeéducatif synthétique

Il s’agit en fin de compte de mieux connaître etd’organiser le secteur de l’éducation nonformelle, pour que sa diversité et sondynamisme (reflet des multiples composantesdu Sénégal) alimentent le système formel. Il estpossible à partir des relations formel-non formel,de produire progressivement un systèmesynthétique - entre les modèles éducatifs - etfédéré - entre les formes éducatives –d’éducation et de formation qui puisse prendre

en compte la complexité et les problèmes de lasociété sénégalaise126.Il est impératif d’aller dans le sens d'unepolitique intégratrice et donc d’undécloisonnement par rapport aux barrières de"forme"127. Les acteurs de l’éducation auSénégal doivent sortir du schéma réducteur« formel-non formel ».L’enjeu est de taille. L’école « formelle » seprésente de moins en moins comme l’avenir. Lesystème formel est en cours de"marginalisation" par les acteurs réels del'économie et de la société. Pour éviter quel'évolution sociale aille dans le sens d'unedisqualification de fait de cette école par lespopulations128, il faudrait que la diversité cessede produire la « cacophonie » éducativeactuelle, qui joue en dernière instance contrel'unité nationale. Une synthèse est à produire;cela demande que l'Etat joue un autre rôle, celuide fédérateur des productions sociales enmatière d'éducation – et non de concurrent etd'opérateur face à ses citoyens.Ce nouveau rôle implique un respect vis-à-visde toutes les "formes" d'éducation et d'unevalorisation de leur diversité. L’Etat doitconserver ses fonctions régaliennes : contrôlerles initiatives, garantir la qualité desenseignements-apprentissages.... Mais lapremière d’entre elles reste la production d’unsystème éducatif – et non simplement scolaire –qui fasse la synthèse des expérimentationssociales dans une vision large de ce qu'estl'éducation et qui porte un projet de sociétéreflétant les aspirations communes.

126 Cela implique, comme le souligne Penda Mbow,la construction d’un modèle de référence l’homosenegalensis qui reflète l’essencemultidimensionnelle et les aspirations du peuplesénégalais.127 Une étude réalisée dans le département deRufisque par Enda tiers-monde sur l’éducation à lacitoyenneté et le partenariat éducatif montre biencombien l'école formelle gagnerait à s'ouvrir et àpartager avec les expériences de la société civile, àassocier plus directement les populations dans lagestion de l'éducation…128 C'est déjà le cas dans les Daara du type deXelcom qui se modernisent et prennent de plus enplus d'importance.

125 Cette expression est empruntée à SouleymaneBachir Diagne pour qui une des questionséducatives essentielles est le problème du doublelangage dans l’enseignement. Comment parvenirrapidement à la reconnaissance des languesnationales tout en préservant l’accès à une langueuniverselle ?

3.2 Propositions pour la collecte dedonnées, le suivi et l’évaluation del’éducation non formelle au Sénégal

3.2.1 Analyse sommaire de l’existant

Comme nous l’avons vu au cours la présenteétude, il existe au Sénégal plusieurs entités deconcertation regroupant des acteurs del’éducation non formelle. Il s’agitprincipalement :

de la coordination nationale des opérateursen alphabétisation et du comité national deconcertation et d’appui technique soutenus parla DAEB – qui permettent avec l’appui desservices de la DAEB de produire un annuairestatistique annuel et des rapports d’évaluation ;

de la table de concertation de la DEPEEqui associe des organisations nationales etinternationales intervenant dans le formel et lenon formel – parmi les produits de capitalisationde cette entité à noter la confection d’unrépertoire détaillant certaines expériencesd’éducation formelle et non formelle ;

du réseau thématique sur l’alphabétisationmis en place par le CONGAD et d’autrescollectifs nationaux d’ONG (FONGS, SiggilJigéen) ;

des réseaux d’associations localesappuyés par certaines ONG (ENDA tiers-monde, ACAPES) – et la publication connexe deplusieurs ouvrages de capitalisation129 ;des syndicats regroupant les acteurs del’économie populaire ;

des confréries religieuses auxquelles sontrattachés des réseaux d’écoles coraniques ;

Ces différentes entités sont toutesfonctionnelles, cependant leur couvertureinstitutionnelle est partielle. De ce fait, les basesde données existantes sont incomplètes. Aussise focalisent-elles soit sur des indicateursquantitatifs (DAEB), soit sur la réflexion et lepartage d’expériences (CONGAD, DEPEE,ENDA).Il s’agit de s’appuyer sur cet existant pour

construire un système de capitalisation, de suiviet d’évaluation qui prenne en compte toutes lescomposantes de l’éducation non formelle.

3.2.2 Cadre méthodologique

La diversité qui caractérise l’éducation nonformelle implique l’élaboration d‘un cadreméthodologique souple et adaptable quipermette la prise en compte de l’ensemble desformes éducatives qui lui sont rattachées. Pourcela, quelques critères de suivi et d’évaluationcommuns pourraient être retenus (voir encadréà la page suivante). Ceux-ci seraient ensuitespécifiés suivant la forme précise del’expérience d’éducation non formelleconsidérée.Pour répondre à l’ensemble de ces critères maisaussi pour que cet exercice serve avant tout, lesexpériences d’éducation non formelle, il estessentiel qu’il soit mené directement par lesconcernés (responsable, formateurs,apprenants, parents et autres membres de lacommunauté) sous forme d’auto-évaluationcollective. Les données ainsi recueilliespourront directement être réinvesties dansl’action. Cependant pour faciliter et compléter ceprocessus, un appui méthodologique devra êtreapporté aux différentes communautéséducatives :

personne ressource issue du centre deressources éducationnelles régional (CRER)pouvant conseiller, apporter un regard extérieuret chercher à compléter les informationsrecueillies lors de l’auto-évaluation,

guide de capitalisation et d’évaluation avecdes outils appropriés en langues nationales130

et une combinaison d’approches et deméthodes pour obtenir des donnéesquantitatives et qualitatives,

un suivi régulier des décisions collectivesprises lors de l’auto-évaluation.Les différentes données recueillies à échéancerégulière dans une région (tous les ans parexemple) seront ensuite traitées et analyséesde manière globale par les CREL. Cettesynthèse fera ensuite l’objet d’une restitutionaux différentes entités et d’une publicationnationale.C’est sur la base de ces évaluations que

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Conclusions et recommandations

129 Entre autres : « Enfants en recherche et enaction : une alternative africaine d’animationurbaine » publié par Enda Jeunesse Action ;« L’avenir des terroirs : ressource humaine » et« Diobass : les paysans et leurs terroirs » publié parEnda Graf ; « Apprendre autrement. Réflexions etexpériences » publié par Enda Procape.

130 On aura compris qu’il ne s’agit pas de reproduireles critères ci-dessus, mais d’en partir pourconcevoir des outils accessibles et intéressants.

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au Sénégalau Sénégal80

Conclusions et recommandations

Proposition de critèrespour la collecte de données, le suivi et l’évaluation de l’éducation non formelle

I. Cadre institutionnel1.1 Descriptif : nom, date, responsable, coordonnées, type d’organisation, reconnaissance légale,nombre de membres, localisation1.2 Origine et évolution structurelle1.3 Domaines d’intervention1.4 Grandes orientations : développement, éducation et formation, communication et valorisation

II. Descriptif de l’expérience2.1 Contexte d’intervention (situation socioéconomique et éducative)2.2 Objectifs : quantitatifs, qualitatifs2.3 Type d’activité : éducation religieuse, éducation traditionnelle, formation technique et professionnelle,alphabétisation, petite enfance, entraide scolaire, activités socio-éducatives (préciser par type d’activité :nature, volume horaire, nombre d’intervenants, profil des intervenants, nombre d’apprenants, ratiofille/garçon)2.4 profil des apprenants : âge moyen, niveau de scolarité et de formation, origine sociale, situation visà vis du système formel, confrontation profil d’entrée / profil de sortie, nombre de formés, taux moyen deréussite avec distinction G/F) ;2.5 Résultats : nature et analyse des résultats (réintégration scolaire – nombre, taux moyen, ratio G/F,niveau, etc.), insertion professionnelle – nombre, taux moyen, rapport formation/emploi, modalitésd’insertion, nature du métier), écarts objectifs / résultats2.6 Difficultés et obstacles : description, analyse et propositions de remédiation

III. Pédagogie3.1 Objectifs et contenus pédagogiques : analyse par champs d’apprentissage (connaissances,compétences, attitudes, méthodes, description et analyse des programmes si possible (niveau, durée,contenus, modes d’évaluation, certification, méthodes de remédiation, taux de réussite)3.2 Approches et outils pédagogiques : modalité d’élaboration des objectifs et des contenuspédagogiques (rapport avec le formel et participation des apprenants) ;méthodes d’enseignement etd’apprentissage utilisées ; nature, nombre et état des outils et supports didactiques utilisés.3.3 Innovations pédagogiques.3.4 système d’évaluation et de capitalisation (enseignements-apprentissages, l’expérience dans sonensemble) : procédés, supports et outils, produits.

IV. Ressources et organisation4.1 Ressources : 4.1.1 personnel (nombre, statut, type et niveau de formation, formation pédagogique spécifique, autresactivités professionnelles, modes de recrutement, analyse quantitative et qualitative par rapport auxbesoins4.1.2 ressources matérielles : infrastructure , équipement, analyse quantitative et qualitative par rapportaux besoins4.1.3 ressources financières : budget annuel, répartition budgétaire (personnel, frais de fonctionnement,activités pédagogiques, autres), origine des ressources (frais d’inscription, subventions, production,autres), analyse quantitative et qualitative par rapport aux besoins4.2 organisation et gestion4.2.1 mode organisationnel : organigramme, procédures de gestion administrative et financière4.2.2 cadre partenarial : implication de la communauté (définition et mise en œuvre, gestion et prise dedécision, financement et appui matériel), rapports institutionnels4.2.3 durabilité et autonomie : analyse des acquis, blocages et perspectives en terme d’autonomiematérielle et financière / institutionnelle et organisationnelle / pédagogique et méthodologique4.2.4 rapports au système formel : analyse des acquis, des blocages, des possibilités d’échange

V. Impacts de l’expérience d’éducation non formelle sur le développementAnalyse et évaluation des objectifs et des enseignements-appentissages par rapport à leur portée, à leuradéquation au contexte et aux besoins d’éducation et de formation et leur impact en terme detransformations sociales (économie, environnement, citoyenneté)

LL’éducation non formelle ’éducation non formelle

au Sénégalau Sénégal81

Conclusions et recommandations

pourront être également élaborés et mis enœuvre des programmes d’appui concertés etadaptés aux réalités des différentescomposantes de l’éducation non formelle.

3.2.3 Cadre opérationnel

Certains principes directeurs pourraient êtreretenus pour que ce système de capitalisation,de suivi et d’évaluation devienne opérationnel :

3.2.3.1 Une mise en place progressive etconcertée :

Sa mise en place pourrait se faire à traversquatre grandes phases opérationnelles :Première phase : élaboration d’uneméthodologie par les entités « fédératrices » del’éducation non formelle (DAEB, DEPEE,FONGS, Siggil Jigéen, CONGAD, ENDA tiersmonde, syndicats, autorités religieuses ettraditionnelles…) sous l’égide de l’Unesco ;Deuxième phase : concertation élargie etdécentralisée pour la validation du schémainstitutionnel et des outils de collecte et de suiviproposés ;Troisième phase : stabilisation et structuration(création des centres de ressourceséducationnelles décentralisées) ;Quatrième phase : suivi et évaluation locale,régionale et nationale.

3.2.3.2 un schéma institutionnel associantconcertation et professionnalisme :

On peut prévoir un schéma institutionnels’appuyant sur les entités de concertationprévues par le PDEF, appuyées au niveaurégional et national par des équipes techniquesperformantes :Au niveau décentralisé (région) : élection ausein des CRCS d’un comité ad hoc pour le suiviet l’évaluation de l’éducation non formelle au

niveau local ; ce comité sera appuyé par uneéquipe technique compétente composée dedeux spécialistes de l’éducation (statisticien,pédagogue-évaluateur), rattachée au centrerégional de ressources éducationnelles ;Au niveau central : un comité had hocémanation du Conseil Supérieur de l’Educationet de la Formation, appuyé par une équipepluridisciplinaire autonome131 chargée de laformation et du suivi des centres de ressourceséducationnelles régionaux, de l’analyse et de lacapitalisation des données, de l’élaboration etde la diffusion de rapports, d’outilsd’accompagnement …

3.2.3.3 une politique de communicationinterne et externe performante

Il est essentiel que le système de capitalisation,de suivi et d’évaluation s‘appuie sur un réseaude communication opérationnel et performant : le renforcement et la valorisation des moyensde communication existants : nouvellestechnologies de l’information et de lacommunication (page web, conférenceélectronique entre acteurs de l’ENF,…),utilisation des médias populaires pour ladiffusion et la restitution des donnéescapitalisées ;des mécanismes de feed-back et de partageavec le système formel : animation etpublication régulière de supports d’échanged’expériences et de débats (TV, radio, presseécrite, page web, …) ; restitution aux entitésfédératrices des acteurs de l’éducation nonformelle des résultats et analyses, ateliersd’échange et de formation entre acteurs duformel et du non formel, appui méthodologiqueà des projets liant formel-non formel.

3.2.3.4 une logique de programme appuyéecollectivement (Etat, agence de coopération,ONG)

La capitalisation, le suivi et l’évaluation doiventêtre intégrés à l’élaboration de programmesnationaux d’actions, tenant compte de la grandediversité de l’éducation non formelle (modèles,contextes, etc…), particulièrement au niveaulocal, et de la problématique formel-non formel.Dans le cadre des politiques mises en place, lePDEF notamment, il est prévu une large placeau partenariat entre les différents acteurs duformel et du non-formel. Cependant les plans

131 Les profils suivants pourraient être retenus :statisticiens, psychosociologues, pédagoguesspécialisés dans l’évaluation et l’élaboration d’outilspédagogiques, communicateurs spécialisés dansl’édition et les NTIC. Les éléments de cette entitéseront recrutées par le CSEF sur la base de leurscompétences et de leurs expériences. Une desorientations pour le recrutement pourrait être qu’ilsreflètent la diversité qui caractérise l’éducation nonformelle au Sénégal : culture, confession, âge etgenre diversifiés…

d'actions tout comme leur financement, selimitent à des aspects techniques. Vu le poidsdu passé et des pesanteurs idéologiques,psychologiques et sociopolitiques, il estessentiel, pour que ce partenariat réussisse,qu'il soit nourri et animé de façon régulière etcontinu. Pour favoriser l'apprentissage denouveaux rôles et de nouvelles postures chezles différents acteurs (Etat, ONG, bailleurs,bénéficiaires, etc.) les programmes d’appui àl’éducation non formelle doivent impérativementintégrer cette donne. Le renforcement dupartenariat éducatif est un élément clé pour unemise en œuvre adéquate du PDEF et l'atteintedes objectifs d'Education Pour Tous au Sénégal.

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Conclusions et recommandations

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Bibliographie

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