le psychiatre, le psychogériatre et les gériatres

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NEUROLOGIE • PSYCHIATRIE • GÉRIATRIE - Année 4 - Mars-Avril 2004 42 REFLEXIONS ET PERSPECTIVES Lorsque j’ai suivi l’enseignement du DU de Psychogériatrie, j'ai été frappée par la très petite proportion de psychiatres qui s'intéressaient à cet enseignement, et aussi étonnée de l'accueil d'emblée revendicateur des collè- gues gériatres. A peine avions nous fait connaissance qu'ils m'expliquaient combien ils se sentaient abandonnés par la psychiatrie, soit dans l'impossibilité d'obtenir des consulta- tions, soit ne trouvant pas de réponses adaptées aux spécifi- cités de leurs patients âgés. Cela m'a interrogée, et sous l'impulsion de Monsieur le Professeur J.P. Clément, j'ai choisi de travailler ce sujet et d'en faire le thème de mon mémoire de DU. J'ai adressé des questionnaires à des psychiatres, à des psychogériatres et à des gériatres dans le but de collecter les avis et réflexions des différents collègues sur ce sujet, de voir ce qui attire ou repousse les psychiatres dans la prise en charge des sujets sâgés, et aussi quel type de collaboration se met en place avec les gériatres. A la date d'arrêt, j'avais reçu 20 réponses pour chaque grou- pes : 20 psychiatres, 20 psychogériatres, 20 gériatres. J'ai été très touchée par la qualité des réponses, par l'inves- tissement de chacun à me livrer leurs réflexions sur un sujet qui, visiblement, leur tenait à cœur. La petitesse de la population étudiée n’autorise pas des extrapolations statistiques. Aussi me suis-je attachée à rele- ver les commentaires qui étaient apportés. Le dépouillement de toutes ces réponses a ainsi permis, à travers le vécu rela- té de chacun, d'avoir un aperçu des satisfactions et des difficultés rencontrées par les uns et les autres dans leur expérience quotidienne. ELEMENTS STATISTIQUES SUR LE GROUPE DES PSYCHIATRES AYANT REPONDU AU QUESTION- NAIRE Age et formation Les différences entre ces deux groupes (pour faciliter la rédaction nous distinguerons un groupe de psychogériatres et un groupe de psychiatres, bien que les psychogériatres soient avant tout des psychiatres) commencent avec l'année de leur mémoire et le type de formation qu'ils ont choisi. L'année de mémoire (tableau I) chez les psychiatres se répartit de façon homogène entre les trois dernières décen- nies, alors qu'il y a une proportion nettement plus importan- te de jeunes (mémoire postérieur à 1990) dans le groupe des psychogériatres. Les formations complémentaires Les réponses aux questionnaires ont montré (tableau II) que les psychogériatres sont globalement moins tournés vers une formation analytique : 45% (9 sur 20) pour 85% (17 sur 20) des autres psychiatres. Et cela est retrouvé pour toutes les classes d'âge. Par contre 55% (11 sur 20) des psychogé- riatres ont suivi un cursus de formation à la thérapie fami- liale pour 25% (5 sur 20) chez les psychiatres. Le psychiatre, le psychogériatre et les gériatres A. E. ROCHE (1) (1) Psychiatre, C.H.U., place du Professeur Robert Debré, 30900 Nîmes Tableau I : Comparaison psychiatres/psychogériatres : année du diplôme. Tableau II : Comparaison psychiatres/psychogériatres : formations complémentaires. Année du diplôme Psychiatres Psychogériatres Total % 1969 et avant 2 0 2 5 % 1970 à 1979 6 3 9 22,5 % 1980 à 1989 9 6 15 37,5 % 1990 à 1999 3 9 12 30 % Pas de réponses 0 2 2 5 % Total 20 20 40 Formations Psychiatres Psychogériatres Total complémentaires Psychanalyse 17 sur 20 (85%) 9 sur 20 (45%) 26 sur 40 (65%) Thérapie familiale 5 sur 20 (25%) 11 sur 20 (55%) 16 sur 40 (40%)

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NEUROLOGIE • PSYCHIATRIE • GÉRIATRIE - Année 4 - Mars-Avril 200442

R E F L E X I O N S E T P E R S P E C T I V E S

Lorsque j’ai suivi l’enseignement du DU dePsychogériatrie, j'ai été frappée par la très petite proportionde psychiatres qui s'intéressaient à cet enseignement, etaussi étonnée de l'accueil d'emblée revendicateur des collè-gues gériatres. A peine avions nous fait connaissance qu'ilsm'expliquaient combien ils se sentaient abandonnés par lapsychiatrie, soit dans l'impossibilité d'obtenir des consulta-tions, soit ne trouvant pas de réponses adaptées aux spécifi-cités de leurs patients âgés.Cela m'a interrogée, et sous l'impulsion de Monsieur leProfesseur J.P. Clément, j'ai choisi de travailler ce sujet etd'en faire le thème de mon mémoire de DU. J'ai adressé desquestionnaires à des psychiatres, à des psychogériatres et àdes gériatres dans le but de collecter les avis et réflexionsdes différents collègues sur ce sujet, de voir ce qui attire ourepousse les psychiatres dans la prise en charge des sujetssâgés, et aussi quel type de collaboration se met en placeavec les gériatres.A la date d'arrêt, j'avais reçu 20 réponses pour chaque grou-pes : 20 psychiatres, 20 psychogériatres, 20 gériatres.J'ai été très touchée par la qualité des réponses, par l'inves-tissement de chacun à me livrer leurs réflexions sur un sujetqui, visiblement, leur tenait à cœur.

La petitesse de la population étudiée n’autorise pas desextrapolations statistiques. Aussi me suis-je attachée à rele-ver les commentaires qui étaient apportés. Le dépouillementde toutes ces réponses a ainsi permis, à travers le vécu rela-té de chacun, d'avoir un aperçu des satisfactions et des

difficultés rencontrées par les uns et les autres dans leurexpérience quotidienne.

ELEMENTS STATISTIQUES SUR LE GROUPE DESPSYCHIATRES AYANT REPONDU AU QUESTION-NAIRE

Age et formation

Les différences entre ces deux groupes (pour faciliter larédaction nous distinguerons un groupe de psychogériatreset un groupe de psychiatres, bien que les psychogériatressoient avant tout des psychiatres) commencent avec l'annéede leur mémoire et le type de formation qu'ils ont choisi.L'année de mémoire (tableau I) chez les psychiatres serépartit de façon homogène entre les trois dernières décen-nies, alors qu'il y a une proportion nettement plus importan-te de jeunes (mémoire postérieur à 1990) dans le groupe despsychogériatres.

Les formations complémentaires

Les réponses aux questionnaires ont montré (tableau II) queles psychogériatres sont globalement moins tournés versune formation analytique : 45% (9 sur 20) pour 85% (17 sur20) des autres psychiatres. Et cela est retrouvé pour toutesles classes d'âge. Par contre 55% (11 sur 20) des psychogé-riatres ont suivi un cursus de formation à la thérapie fami-liale pour 25% (5 sur 20) chez les psychiatres.

Le psychiatre, le psychogériatreet les gériatres

A. E. ROCHE(1)

(1) Psychiatre, C.H.U., place du Professeur Robert Debré, 30900 Nîmes

Tableau I : Comparaison psychiatres/psychogériatres : année du diplôme.

Tableau II : Comparaison psychiatres/psychogériatres : formations complémentaires.

Année du diplôme Psychiatres Psychogériatres Total %

1969 et avant 2 0 2 5 %

1970 à 1979 6 3 9 22,5 %

1980 à 1989 9 6 15 37,5 %

1990 à 1999 3 9 12 30 %

Pas de réponses 0 2 2 5 %

Total 20 20 40

Formations Psychiatres Psychogériatres Totalcomplémentaires

Psychanalyse 17 sur 20 (85%) 9 sur 20 (45%) 26 sur 40 (65%)

Thérapie familiale 5 sur 20 (25%) 11 sur 20 (55%) 16 sur 40 (40%)

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Pour ces deux types de formation, notre échantillon de psy-chiatres non psychogériatres est similaire à celui qui a été étu-dié par Y. Manela et A. Trinniac dans leur étude publiée en2000 (80% des psychiatres ont une formation analytique et13,4% un cursus de thérapie familiale) (1).Le psychiatre qui va s'orienter vers la gériatrie semble doncdéjà s'intéresser à un registre de formation différent de sescollègues.

Orientation et motivations

Pour tous les psychiatres -Vingt cinq pour cent des psychia-tres qui ont répondu à notre questionnaire avaient commencéleurs études de médecine dans le but de devenir psychiatre. Etcette proportion est la même pour les deux groupes.Il semblait intéressant de connaître les motivations quiavaient poussé chacun à se tourner vers la psychiatrie. Celapouvait permettre de comprendre si une éventuelle réticencedes psychiatres à la prise en charge des personnes âgées vien-drait d’une inadéquation entre ces motivations et le moded’exercice que propose la pratique gériatrique. J’ai donc pro-posé aux psychiatres de cocher parmi un choix de 18 itemsceux qui avaient pu être à l’origine de leur orientation. J’aichoisi ces items en me référant à des études nord-américainessur ce thème (2, 3, 4, 5) (tableau III).Le tableau III regroupe la majorité des réponses puisque cessix items correspondent à 115 cases cochées sur un total de173, pour les 40 questionnaires des psychiatres.

Les 12 autres items proposés n’ont recueilli que 58 réponsessur 173 cases cochées. Les voici dans l’ordre dans lequel ilsont été trouvés : intérêt pour les progrès des psychotropes,

intérêt pour une recherche en expansion, intérêt pour l’aspectsocial et politique, intérêt pour l’autonomie du psychiatre,rencontre avec la psychanalyse avant la spécialité, marginali-té du psychiatre, disponibilité de postes de PH, réticence ducontact avec le corps des patients, désintérêt pour les problè-mes somatiques, place sociale du psychiatre, intérêt pour letravail des urgences psychiatriques, salaire.

Comparaison entre les deux groupes - Dans les différencesnotables entre les deux groupes (tableau IV), on relève que lespsychogériatres sont plus attirés par le travail en équipe. Uneautre différence qui incite à la réflexion est celle de l'intérêtpour le suivi au long cours, étonnamment plus marqué chezles psychiatres que dans le groupe des psychogériatres. Nousavions également demandé dans les questionnaires, si cesmêmes critères avaient pris une importance différente aprèsles débuts de l’exercice professionnel.

On note (tableau V, nous n'avons retenu dans ce tableau queles items présentant une variation remarquable) pour les deuxgroupes, que les progrès des psychotropes sont un facteurmotivant apparaissant après les débuts professionnels. Ce quise conçoit puisque ces progrès sont récents. La place socialedu psychiatre prend de l'importance pour les psychogériatres,alors que ce facteur reste mineur dans le groupe des autrespsychiatres. Par contre, on est étonné de la chute de la dimen-sion affective chez les psychogériatres. Nous avions vu dansle tableau IV, un «renoncement» à une prise en charge au longcours dans les motivations à devenir psychiatre chez lespsychogériatres. Le tableau V montre que cet état d'esprits'estompe avec la pratique.

Tableau III : Motivation du choix de la psychiatrie (tous les psychiatres).

(Nombre correspond au nombre de fois où la case a été cochée)

Motivation du choix de la psychiatrie Nombre Rang

Intérêt pour la prise en charge d’un sujet avec son histoire 28 1er

Intérêt intellectuel 27 2ème

Intérêt pour le travail en équipe 18 3ème

Intérêt pour la dimension affective 17 4ème

Intérêt pour le suivi au long cours 13 5ème

Rencontre avec un «maître» 12 6ème

Tableau IV : Comparaison psychiatres/psychogériatres : motivations du choix de la psychiatrie.

Motivations Général Psychiatres Psychogériatres

Intérêt pour la prise en charge d’un sujet avec son histoire 1er 2ème 1er

Intérêt intellectuel 2ème 1er 3ème

Intérêt pour le travail en équipe 3ème 5ème 2ème

Intérêt pour la dimension affective 4ème 4ème 4ème

Intérêt pour le suivi au long cours 5ème 3ème 6ème

Rencontre avec un «maître» 6ème 6ème 5ème

R E F L E X I O N S E T P E R S P E C T I V E S

LES PSYCHIATRES

Leurs satisfactions dans la prise en charge des personnesâgées

Tous les collègues sont d'accord sur le fait que la prise encharge des troubles psychopathologiques des personnesâgées fait partie de la tâche du psychiatre. Ils pensent avoirmême une place à prendre dans le traitement de la personnedémente, ne serait-ce que pour aider les proches.Et de façon contradictoire avec la réticence annoncée despsychiatres, on retrouve même un réel enthousiasme à s'oc-cuper de personnes âgées. Le tableau VI résume les répon-ses des psychiatres. Le chiffre est celui du nombre de ques-tionnaires dans lesquels cette réponse apparaît. Les rapports/17 et /18 correspondent aux nombres de questionnaires surlesquels il y avait une ou plusieurs réponse à la question étu-diée. Cela explique aussi pourquoi il y a parfois plus deréponses que de questionnaires impliqués (voir tableau VI).• Les questionnaires mettent en avant la gentillesse fréquen-te de ce type de patients, et une capacité d'amélioration rapi-de plutôt gratifiante (12 réponses sur 17 !).• Une autre source de plaisir à prendre des sujets âgés encharge, commune aux deux groupes se tient dans le bonheurde les écouter parler d'un passé, de notre passé, dont il ontété témoins (4 réponses sur 17). Cependant le pourcentage de sujets de plus de 65 ans dansleur clientèle active reste très bas : la moitié a moins de 12%de sujets >65 ans parmi leurs patients.

Leurs difficultés dans la prise en charge des personnesâgées

(Suite du tableau VI; mêmes remarques que précédemmentpour la compréhension du tableau).Les psychiatres voient la démence et les troubles somatiquescomme principaux obstacles à la prise en charge des per-sonnes âgées (7/18 réponses). Pour eux, cela complique lediagnostic et la mise en place du traitement, et nécessite unecollaboration avec des somaticiens, ce qu'ils n'ont pas tou-jours le temps, ni la disponibilité de faire.La dimension contre-transférentielle est également recon-nue comme un obstacle dans plusieurs questionnaires(4/18) : la nécessité pour le psychiatre de composer avec lesinfirmités, la vieillesse, la détérioration, la réalité de la mortprochaine, dimension dont ils sont relativement protégésdans leur exercice quotidien auprès des patients adultes. Quelques collègues soulignent leur manque de formationspécifique (4/18) et leur sentiment de ne pas être compétentsdans la prise en charge de ces patients. Certains pensent que la prise en charge de personnes âgéesnécessite des moyens de disponibilité, de temps pour lespatients et pour les relations avec les autres intervenants,d'aménagement des locaux qu'ils n'ont pas (3/18).Une autre source de difficultés mise en avant dans la ren-contre sujets âgés/psychiatres, également liée aux problèmescorporels, vient d'un manque de mobilité (3/18). Il faut noterici que si les psychiatres ressentent une difficulté dans le faitque les patients âgés ne se déplacent pas facilement, lesmédecins et les gériatres se plaignent du manque de mobili-té des psychiatres. La difficulté à faire sortir le psychiatre deson cabinet ou de son service est une plainte fréquemmentretrouvée dans les questionnaires des médecins et des géria-tres (11 sur 20). Ils aimeraient que leurs patients soient vussur place, afin d'éviter des déplacements pénibles, voireimpossibles.L'absence de demande (3/18) de la personne âgée est égale-ment relevée comme complication à la prise en charge psy-chiatrique. En effet, bien souvent la personne âgée n'a pas dedemande spécifique d'aide psychologique, voire même estinquiète d'être prise pour «folle» ou «démente». Sa plainteest essentiellement corporelle et elle n'envisage pas le bien-fait qu'elle pourrait tirer d'une rencontre avec un «psy». Onretrouve dans les questionnaires des gériatres un certain aga-cement face à cette «sacro-sainte» demande du patient quecertains psychiatres leur imposent pour le voir en consulta-tion.

NEUROLOGIE • PSYCHIATRIE • GÉRIATRIE - Année 4 - Mars-Avril 200444

Tableau V : Comparaison des psychiatres et des psychogériatres : évolution des motivations avant et après les débutsde la pratique professionnelle.

Psychiatres Psychogériatres

Motivations avant après avant après

Intérêt intellectuel 1er 2ème 2ème 4ème

Intérêt pour la dimension affective 3ème 4ème 4ème 10ème

Intérêt pour le suivi au long cours 3ème 3ème 6ème 4ème

Intérêt pour une recherche en expansion 9ème 10ème 8ème 6ème

Intérêt pour les progrès des psychotropes 11ème 6ème 7ème 3ème

Intérêt pour la place sociale du psychiatre 17ème 13ème 14ème 8ème

Tableau VI : Satisfactions et difficultés mises en avantdans la prise en charge des personnes âgées par lespsychiatres.

Psychiatres

Satisfactions Gentillesse, guérison rapide 12/17

Entendre parler du passé,

aspect humain 4/17

Difficultés Prégnance du somatique 7/18

Difficultés contre- transférentielles 4/18

Manque de formation 4/18

Manque de moyens 3/18

Problèmes de mobilité 3/18

Absence de demande 3/18

LES PSYCHOGERIATRES

Leurs satisfactions dans la prise en charge des personnesâgées(Tableau VII, mêmes remarques que pour le tableau VI).Dans leurs motivations à s'occuper de personnes âgées, lespsychogériatres notent leur intérêt à travailler en équipe(6/19) avec les gériatres, à partager leurs connaissances avecd'autres professionnels au service du malade. Cette dimensionest plutôt considérée comme un obstacle, une complicationpour les autres psychiatres.Le travail avec les familles est aussi une source d’intérêt(6/19).Eux aussi soulignent la gentillesse des personnes âgées (5/19).La «globalité de la prise en charge» est un argument majeurde la satisfaction des psychogériatres (7/19). L'aspect«humain» de cette prise en charge globale, voire «humaniste»semble soutenir la motivation des psychogériatres dans leuractivité (5/19). On perçoit la satisfaction de leur engagementpresque militant à défendre leurs patients. La gageure person-nelle à regarder le vieillissement et la mortalité commehumains et à aider les patients dans cette dimension si peuadmise par notre système social est également mise en avantcomme une stimulation. On peut lire dans un questionnaire :«Mettre fin aux projections médicales péjoratives alors que denouvelles pages d’existence, aussi courtes soient-elles, restentencore possibles». On peut d'ailleurs noter que cette caracté-ristique est retrouvée dans le groupe des gériatres.Cet engagement est surtout touchant pour les plus jeunes quiparlent, dans leurs réponses, de la satisfaction de découvrirune médecine au service du sujet, au service d'êtres humainspris dans leur intégralité somatopsychique mais aussi socialeet familiale. L'un d'eux évoque comment le renoncement à latoute-puissance médicale a changé sa façon de voir son exer-cice professionnel : «Depuis que je suis en psychogériatrie,ma façon de travailler s’est transformée, passant d’une volon-té de toute puissance à l’exercice d’un art».Les jeunes collègues qui s'orientent vers la gériatrie sont éga-lement attirés par la dimension de discipline nouvelle (5/19),par l'ampleur du travail de recherche qui est à faire sur la

psychopathologie des personnes âgées. Certains confrères perçoivent dans la psychogériatrie une voiepour se réconcilier avec une psychiatrie qui devient trop tech-nicienne et qui ne leur convient plus sur le plan éthique (3/19).«La gérontopsychiatrie est devenue le refuge des valeurs de lapsychiatrie. Du moins celles que j’ai apprises, c'est-à-direbâtir un cadre pouvant accueillir la psychothérapie institu-tionnelle, disposer du temps nécessaire pour écouter le trans-fert, etc. et non pour gérer des lits et des hospitalisationscomme une agence de voyage gère des places dans un avion». Il faut noter que 12 psychogériatres consacrent plus des troisquarts de leur activité professionnelle à la gériatrie, dont 80 à100% de leur temps.On est, par ailleurs, frappé par l'importance de la «rencontre»avec un service ou un médecin, ou un professeur qui a été àl'origine de l'orientation vers la psychogériatrie (14 question-naires sur 20 en parlent).

Leurs difficultés dans la prise en charge des personnesâgées(Suite du tableau VII)La difficulté principale mise en avant par les psychogériatresest leur sentiment de marginalité (6/19), par rapport à la psy-chiatrie, à la médecine, mais aussi socialement : l'impressionde décalage par rapport à une société qui prône la guérisoncomme but et la jeunesse comme seule valeur véritable.Comme les gériatres, ils souffrent de la difficulté à faireaccepter leurs patients (4/19) : «Lutter contre le désintérêt descollègues pour les patients âgés», «Défendre une populationdélaissée».Ils se plaignent du manque de respect dont les personnesâgées sont victimes, et dont eux-mêmes subissent les consé-quences (3/19). «Quand je me suis orienté vers la psychogé-riatrie, certains collègues regardaient cela avec mépriscomme si je choisissais une sous-spécialité, ou une planque.Ou bien ils me plaignaient comme si je faisais fausse route.Peu imaginaient la richesse de ce travail, avec la personneâgée elle-même, la famille, le réseau, etc.».Mais comme leurs collègues qui ne travaillent pas en gériatrie,les psychogériatres soulignent les difficultés cliniques et

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Tableau VII : Satisfactions et difficultés mises en avant dans la prise en charge des personnes âgées par lespsychogériatres.

Psychogériatres Nombre

Satisfactions Globalité de la prise en charge 7/19

Travail en équipe 6/19

Travail avec les familles 6/19

Gentillesse, patients faciles à soigner 5/19

Aspect humaniste 5/19

Discipline nouvelle 5/19

Dimension éthique plus satisfaisante 3/19

Difficultés Sentiment de marginalité 6/19

Difficulté à faire accepter leurs patients 4/19

Manque de respect pour leurs patients et pour eux 3/19

Intrication avec les maladies somatiques 3/19

Dimension contre- transférentielle 2/19

Trop grande intrusion des familles 2/19

thérapeutiques posées par l'intrication des problèmes psy-chiques et somatiques (3/19).Ils relèvent également leurs souffrances contre-transféren-tielles (2/19). Et, malgré leur satisfaction à collaborer avecles familles, certains trouvent que parfois cela compliqueleur travail (2/19).

COLLABORATION PSYCHIATRES-GERIATRES

Beaucoup de questionnaires ont été prolixes sur le sujet desrelations entre psychiatres et gériatres. Comme la questioninitiale venait de la plainte des gériatres à ce propos, nousnous sommes particulièrement intéressés à ces réponses.

Du côté des gériatres

Dans leurs questionnaires, les gériatres sont très sévèresavec les psychiatres. Il faut reconnaître, au vue des chiffresqu'ils donnent sur les interventions de psychiatres dans leurservice, qu'ils sont en effet très peu aidés. (Sur 16 réponses,4 n'ont ni psychiatre, ni psychologue ; 3 ont un psychologuemais jamais de psychiatre ; 5 voient un psychiatre de uneheure par mois à trois demi-journées par semaines, maisn'ont pas de psychologue ; 4 seulement travaillent à la foisrégulièrement avec un psychiatre et un psychologue). Maismême ceux qui bénéficient de l'intervention d'un psychiatrepensent celle-ci le plus souvent inadaptée, ne répondant pasà leur attente (10 questionnaires sur 18 réponses). Ils trou-vent les traitements prescrits non adaptés à l'âge de leurspatients, ils ont le sentiment que le psychiatre n'a pas prisassez de temps pour évaluer toute la dimension du problè-me. Le manque de disponibilité du psychiatre est le repro-che principal (11 réponses). En fait, ils estiment se sortir assez bien des problèmespsychopathologiques courants du sujet âgé, et attendent uneplus grande considération des raisons, souvent complexespour lesquelles ils appellent le psychiatre. Ce peut d'ailleursne pas être spécifiquement pour le diagnostic ou le traite-ment d'un trouble psychiatrique, mais pour une aide dans lagestion de l'équipe, de la famille, voire de leur propre diffi-culté personnelle dans une situation particulièrement diffici-le. Voici ce qu’ils écrivent :- «Le travail avec ces patients est parfois déprimant à causedes événements de vie douloureux, des situations familialesdramatiques».- «Le travail avec ces patients est fatigant car leur histoireinterpelle personnellement, leur angoisse est communicative».- «Ce travail est fatigant car il faut beaucoup d’énergiepour positiver, pour assumer les situations fortes».

Du côté des psychiatres

La moitié des psychiatres pensent que les problèmes de col-laboration entre gériatres et psychiatres viennent de la réti-cence de ces derniers, tandis que l'autre moitié y voit uneinadéquation des demandes des premiers. Pour la majorité des psychiatres, leurs réticences vis-à-visdes patients âgés pourraient se justifier par le manque réelde temps pour une discipline qui demande une disponibilitédont ils ne disposent pas. Mais la méconnaissance et un apriori négatif de la personne âgée et de sa prise en charge estmise en deuxième position pour expliquer ce peu d'intérêtdes psychiatres.

Les réponses concernant les difficultés ou satisfaction de lacollaboration avec les gériatres sont étonnantes. En effet,dans certains questionnaires, entre la rubrique «satisfac-tions» et la rubrique «difficultés», on retrouve des réponsesqui semblent contradictoires. Par exemple deux collèguesécrivent, à quelques lignes d’intervalle (rubrique : «satisfac-tion», puis rubrique «difficulté»):- «Intérêt de travailler en médecine et d'apporter un éclai-rage psychiatrique pour les patients hospitalisés pour unepathologie somatique, et plaisir de la confrontation despoints de vue» mais «Difficulté pour certains gériatres detravailler en collaboration et de laisser les psychiatresgérer et traiter les problèmes psychiatriques des patients».- «La satisfaction de la mise en commun des éléments del'investigation pluridisciplinaire dans le sens du respectd'une éthique commune» mais «La difficile reconnaissancepar les gériatres des caractères spécifiques de la démarchede soin psychiatrique».À la vue de ces réflexions, on se rend compte que l’appa-rente ambivalence n’est en fait qu’une contradiction entreles aspirations du psychogériatre, - un idéal vers lequel sonexercice aspire -, et la réalité de sa pratique quotidienne enpsychogériatrie. Mais les réponses suivantes montrent quela collaboration entre psychiatre et gériatre est aussi écarteléeentre complémentarité et rivalité. Voici les réflexions de deuxautres psychogériatres, toujours à quelques lignes d’intervalle :- «Satisfaction dans le sentiment d'une communauté dansl'appréhension des problèmes quotidiens» mais «Difficultésrelationnelles avec ceux qui se prennent pour des psychia-tres».- «Plaisir d'un travail dans la complémentarité» mais«Quelquefois rivalité».Le tableau VIII illustre ces sentiments contradictoires(mêmes remarques, pour la compréhension des données,que pour les tableaux précédents).Nous constatons que la collaboration psychiatres/gériatresn’est pas simple. Nous avons vu que les gériatres n’étaientpas très indulgents avec les psychiatres. Et si les psychogé-riatres ressentent qu’ils partagent avec les gériatres l’intérêtpour les sujets âgés et se sentent «dans la même galère»qu’eux, ils sont cependant, eux aussi, assez sévères :- «Ils attendent des psychiatres des interventions magiques,exigent des traitements pharmacologiques quand il faut sur-tout du relationnel».- «Les gériatres sont comme les parents d’enfants à problè-mes, et attendent qu’on leur répare leurs vieux qui présen-tent des symptômes bizarres».Le tableau VIII montre que certains psychiatres trouvent lesdemandes des gériatres inadaptées. Voici les commentairesqu’ils en font :- «Les gériatres formulent leur demande en terme de solu-tions attendues, plutôt qu'en terme de problèmes».- «Ils ont tendance à aborder la psychiatrie, ou les difficul-tés psy de leurs patients sur un mode médical, c'est-à-dire àraisonner sur la maladie et non sur le patient».- «Ils sont plus sensibilisés à la question du soin des condui-tes qu'à celle de la fonction de ces mêmes conduites».

CONCLUSIONS

Toutes ces données et ces réponses écrites suscitent plutôtune réflexion que chacun peut confronter à son propre vécu.Quelques points méritent cependant d'être soulignés.

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NEUROLOGIE • PSYCHIATRIE • GÉRIATRIE - Année 4 - Mars-Avril 200446

Tableau VIII : Satisfactions et difficultés mises en avant par les psychogériatres dans la collaboration avec lesgériatres.

Collaboration psychogériatres/gériatres Nombre

Satisfactions Plaisir d’une vue commune, d’une complémentarité 12/17

Qualités humaines et médicales des gériatres 10/17

Satisfaction dans la confiance qu’ils portent aux psychiatres 4/17

Ne collaborent pas avec les gériatres 1/17

Difficultés Méfiance et ambivalence des gériatres 6/14

Disqualification de l’aide psychiatrique 5/14

Gériatres qui se prennent pour des psychiatres 3/14

Demandes inadaptées 5/14

Gériatres surchargés de travail 1/14

Problèmes d’échantillon : Il est bien évident que l’on ne peutpas tirer des conclusions générales à partir de ce travail. Leséchantillons étudiés sont trop petits, et on peut, pour certainsrésultats, s’interroger sur des biais de recrutement. Par exem-ple sur l'âge des psychogériatres, et aussi sur une particulièrevirulence des gériatres qui étaient tous étudiants d'un DU depsychogériatrie : auraient-ils éprouvé le besoin de cetteformation s'ils s'étaient senti aidés et soutenus par des psy-chiatres ?

La crise et le corps : On est étonné de voir que finalement lespsychiatres ont plutôt un regard bienveillant sur la prise encharge des personnes âgées. Ils relèvent (et cela est soulignépar tous les psychiatres) la facilité fréquente à soigner et àaméliorer les situations psychopathologiques des sujets âgés.On peut associer cela au fait que la pathologie psychiatriquedes sujets âgés est le plus souvent sous-tendue par une situa-tion de crise. Nous sommes alors dans «l'existentiel». Or sinous considérons les pratiques psychiatriques en général, onse rend compte que les psychiatres désertent les situations oùil faut affronter «l'existentiel». La psychiatrie de liaison (6), lapsycho-oncologie, comme la psychogériatrie ne recrutent pasfacilement des psychiatres. L'enquête de Lee et coll. (3) mon-tre que les étudiants en médecine qui vont s'orienter vers lapsychiatrie, préfèrent prendre en charge des «pathologies psy-chiatriques lourdes».On a beaucoup écrit sur la réticence du psychiatre à l'endroitdu corps. Notre étude montre que la réticence pour le soma-tique n'est pas une motivation importante dans le choix de laspécialité en psychiatrie pour les psychiatres qui ont réponduau questionnaire. Cependant l'intrication avec les difficultéssomatiques reste la difficulté principale mise en avant par lespsychiatres et les psychogériatres dans la prise en charge dessujets âgés. On peut se demander si certains psychiatres ne choisissent pasla psychiatrie pour fuir ce quotidien de la souffrance humainebanale qu'ils ont rencontrée dans les hôpitaux tout au long deleur formation médicale, pour trouver un sens à la souffrance,sens que leur proposent les théorisations sur lesquelles se fon-dent les pratiques psychiatriques (7). Or vieillir et mourir est d'une banalité déconcertante, et lebanal se théorise mal.

La mobilité, la demande, les moyens : Le manque de mobili-té des psychiatres est une plainte récurrente des gériatres. A laquestion de savoir quelle serait la qualité essentielle d'un psy-chiatre qu'un gériatre souhaiterait, l'un d'eux répond : «venir».Le manque de disponibilité, parfois le manque de souplessedans les possibilités de s'adapter à une situation de travail dif-férente, paraît un obstacle qui écarte certains psychiatres duchemin vers la gériatrie. Cela est reconnu par les psychiatreseux-mêmes. Mais si ce type de prise en charge ne les intéres-se pas dans le contenu, il y a peu de chance qu'ils se donnentles moyens de remédier à ces difficultés.

Formation : Certains psychiatres conviennent qu'ils n'ont paseu de formation à la psychogériatrie, et qu'il s'agit d'un modede pratique qu'ils ne connaissent pas.Les psychiatres qui se sont orientés vers la prise en charge despersonnes âgées évoquent leur «rencontre» avec un ensei-gnant, un maître de stage, un stage qui a constitué un momentd'initiation à la psychogériatrie. Or Scheer (4) et Zimny (5) ont noté que l'orientation des étu-diants en médecine vers la psychiatrie se fait souvent aussi àpartir d'une «rencontre». Alors que ces étudiants avaient plu-tôt un mauvais a priori des malades mentaux et du travail enpsychiatrie, la rencontre avec un stage dans un service et/ou laqualité de l'accueil par les seniors psychiatres avaient décidéde leur choix. On peut remarquer cependant que ce ne sontque certains étudiants qui vont s'orienter vers la psychiatrieaprès cette rencontre, comme ce ne sera que quelques psy-chiatres qui vont se tourner vers la gériatrie après un contactrévélateur. Il est donc vraisemblable qu'il existe des raisonsplus personnelles qui motivent cet attrait, mais qu'il s'estdévoilé à l'occasion de cette rencontre qui devient donc unmoment essentiel. Le développement de l'enseignement et despossibilités de stage en psychogériatrie pourrait faciliter ces«vocations», mais ne lèvera pas toutes les réserves de ceux àqui ce type de pratique ne convient pas.

Les différences entre psychiatres et psychogériatres :Cependant notre étude montre que certains psychiatres ontchoisi la gériatrie et en sont heureux. Le dépouillement de l'é-tude a montré plusieurs différences entre ces deux groupes depsychiatres et nous ne reviendrons que sur celles qui semblentles plus marquantes.

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Références1. Manela Y, Triniac A. Enquête sur la formation du psychiatre. Psychiatrie Française, 2000 ; 31, 1 : 8-26.2. Frank H, Paris J. Psychological factors in the choice of psychiatry as a career. Can J Psychiatry 1987 ; 32 : 118-22.3. Lee EK, Kaltrieder N, Crouch J. Pilot study of current factors influencing the choice of psychiatry as a speciality. Am J Psychiatry1995 ; 152 , 7: 1066-69.4. Scheer ME, Carline JD, Murray JA. Specialization in psychiatry : what determines the medical student’s choice pro or con ?Comprehensive psychiatry 1983 ; 24, 5 : 459-68.5. Zimny GH, Lindbergh SS. Influence of factors before and during medical school on choice of psychiatry as a speciality. Am JPsychiatry 1986 ; 143, 1 : 77-80.6. Consoli SM. La psychiatrie de liaison, de ses définitions à la diversité de ses pratiques : quelles perspectives ? Nervure 2000 ; 13,6: 12-15.7. Kress JJ. Orientation théorique et formation des psychiatres. In : Thérapeutique psychiatrique, éd. Hermann, 1995 ; 1199-1206.8. Zarifian E. Les deux psychiatries. Psychiatrie Française 1996 ; 27, 1 : 47-61.9. Leger JM. La psychiatrie du sujet âgé : une discipline médicale nouvelle ? In : Psychiatrie du sujet âgé, éd. Flammarion, 1999 ; 3-7.10.Tessier JF. La gériatrie : modèle médical de demain ? Sem Hop Paris 1985 ; 61,31 : 2253 -55.11. Goust F. Qu’attend le généraliste du gérontopychiatre ? Rev Ger 1982 ; 7, 3: 109-11.12. Roche A. Un psychiatre dans la vie quotidienne d'une institution médicale. Psychiatrie Française 1996 ; 27, 2 : 112-17.13. Roche A. Le psychiatre et le patient atteint d'une maladie organique grave. Psychiatrie Française 1999 ; 1 : 94-103.

MOTS CLÉS - KEY-WORDSPsychiatres et personnes âgées, psychogériatres et gériatres, motivations, humanisme. Psychiatrists and elderly patients, geronto-psychiatrists and gerontologists, motivations, humanism.

La rédaction d'un mémoire pour le D.U. de psychogériatrie a été l'occasion d'interroger des psychiatres, des psychogéria-tres et des gériatres sur leurs motivations, leurs satisfactions et les difficultés qu'ils rencontrent dans la prise en charge dessujets âgés et dans leur collaboration. Les psychogériatres sont plus intéressés dans le travail d'équipe et la prise en compte des facteurs environnementaux que lespsychiatres qui travaillent avec des adultes. La relation entre les psychogériatres et les gériatres est présentée de façon sou-vent ambivalente. Cependant ces deux catégories de médecins partagent le renoncement à la toute puissance médicale et unregard vers une médecine humaniste.

Writing a dissertation for validation of psychogeriatric degree was the opportunity to ask psychiatrists, geronto-psychia-trists and gerontologists about their motivations, their satisfactions or their difficulties in taking care of elderly patients andin their each other collaboration. Geronto-psychiatrists are more interested in teamwork and environmental factors thanpsychiatrists working with adults. Relationship between geronto-psychiatrists and gerontologists is often shown as ambiva-lent. Nevertheless both share renunciation of medical power and a humanist approach.

RÉSUMÉ - SUMMARY

R E F L E X I O N S E T P E R S P E C T I V E S

NEUROLOGIE • PSYCHIATRIE • GÉRIATRIE - Année 4 - Mars-Avril 200448

• Le travail en équipe - Nous avons vu que les psychogéria-tres aiment travailler à plusieurs, échanger dans la pluridis-ciplinarité, collaborer avec les équipes et les familles. Lepsychiatre a en général une réputation de solitaire qui nepartage pas facilement ce qu'il sait du patient. Un reprochefait par un grand nombre de gériatres qui ont répondu auquestionnaire est de ne pas travailler en pluridisciplinarité.Il pourrait donc y avoir dès le départ une préférence pour unmode d'exercice impliquant une nécessité de partager, d'é-changer.• Le choix d'une psychiatrie humaniste - Il apparaît souventdans les questionnaires des psychogériatres, l'intérêt pourune discipline nouvelle, en pleine évolution, riche de projetsde recherche. Mais aussi celui de redécouvrir une forme depratique qui retrouve des valeurs humanistes dans unemédecine où l'humain se perd. Pris dans le choix entre les«deux psychiatries» (8), le psychogériatre choisit délibéré-ment la sienne : la psychiatrie du sujet. Jean-Marie Leger(9) explique ce choix résolu de la psychogériatrie parce qu'iln'y a pas d'autre alternative dans le soin des personnes âgées.Ce que J. F. Tessier (10) résume de façon percutante : «Lagériatrie fait redécouvrir au médecin l'humilité de sonmétier et restitue la technique dans ses limites».

Cette «obligation» qui est faite au psychogériatre deretrouver l'humilité et à partir d'elle l'humanité, apparaît, àtravers les réponses des questionnaires, un travail intérieurvécu comme attractif enrichissant. Beaucoup disent qu'ils sesentent «éthiquement» plus confortables dans ce typed'exercice que dans une pratique psychiatrique classique. Nous avons vu que l'aspect «prise en charge globale» dusujet semble une motivation professionnelle importantepour le psychogériatre. «Global» prenant ici le sens de touteles dimensions de la souffrance psychique : celles liées auxaspects directement personnels du patient, mais aussi lesraisons environnementales, en relation avec la famille, avecles soignants, voire même avec la société, les problèmesphilosophiques et éthiques, et les difficultés politiquesposées par le rejet de la vieillesse. Et beaucoup de proposprennent une tonalité quasiment militante dans la défense deleurs patients âgés. Cet engagement éthique, humaniste, la volonté d'une appro-che clinique et thérapeutique différente constituent ce qui, àtravers les questionnaires, distingue le plus nettement lepsychogériatre de son collègue ne travaillant pas auprès depersonnes âgées �