psychopathologie de la grossesse malika sana, psychiatre. hôpital cochin- port-royal
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PSYCHOPATHOLOGIE DE LA GROSSESSE
Malika SANA , psychiatre . Hôpital Cochin- Port-Royal
TROUBLES PSYCHIQUES DE LA GROSSESSE ET DU POST-PARTUM
GENERALITES
La grossesse et la période du post-partum peuvent être à l’origine de différents troubles psychiques et psychopathologiques.
Plusieurs cas de figures: -Apparition de troubles psychiatriques au
cours de la grossesse ( surtout thymiques) -Exacerbation des troubles psychiatriques -Episodes de troubles mineurs transitoires non
pathologiques survenant pendant la grossesse
LA GROSSESSE C’est une étape importante de la vie
psychoaffective de la femme 2 aspects évolutifs: - soit la grossesse est vécue comme une
période de maturation normale avec épanouissement de la féminité et disparition des psychopathologies antérieures ( rôle protecteur dans les états psychotiques majeurs )
- soit elle est vécue comme une épreuve de souffrance avec révélation ou aggravation des psychopathologies et mise en évidence des carences affectives conjugales et sociales ( importance du milieu: conjoint, entourage parental, réseau amical et conditions de vie socio-économique )
LE DESIR D’ENFANT
Le désir de grossesse ne se superpose pas toujours au désir d’enfant
2 situations psychologiques à problème:
- soit on est face à un désir pathologique de grossesse
- soit à un désir d’enfant mais la grossesse est redoutée , vécue avec une angoisse majeur ou comme une transformation du corps intolérable ( la plus fréquente en pratique )
TROUBLES PSYCHIATRIQUES DE LA GROSSESSE
PENDANT LA GROSSESSE - les troubles mineurs - les dépressions gravidiques -les troubles psychiatriques avec ou sans ATCD
connus (décompensations psychotiques )
DANS LE POST-PARTUM - le baby-blues - les dépressions du post-partum - les psychoses puerpérales
PENDANT LA GROSSESSE1. LES TROUBLES MINEURS ( symptômes
névrotiques ) : Anxiété : surtout 1er trimestre - craintes pour l’enfant à venir - craintes du déroulement de la grossesse et de
l’accouchement - peur des responsabilités , appréhension de sa
nouvelle fonction Nausées et vomissements du 1er trimestre Labilité émotionnelle et thymique : brefs moments
dysphoriques avec crises de larmes itératives Conduites de régression avec dépendance :
revendications affectives Modification du comportement alimentaire :
grignotage ou envies
PENDANT LA GROSSESSE
2. LES DEPRESSIONS GRAVIDIQUES
Fréquence : 10 à 20 % des grossesses Souvent , exacerbation des symptômes
habituels de la grossesse Etats dysphoriques : plaintes somatiques
variées , vomissements persistants, asthénie , sentiment de découragement et d’incapacité , perte de l’estime de soi
Ruminations anxieuses et phobies Troubles du sommeil
Les dépressions mélancoliques sont rares: symptomatologie d’allure confusionnelle et délirante . Souvent ,rechutes des pathologies maniacodépressive de type bipolaire après arrêt du traitement en début de grossesse.
Le cas de névrose post-traumatique : - Elle se manifeste par une dépression anxieuse à
l’approche de l’accouchement . Décrite par E.Papiernik et M.Bydlowsky
- Femmes aux antécédents d’accouchements dramatiques avec risque de mort pour la mère et naissance d’un enfant mort ou handicapé
LES FACTEURS DE RISQUES
Jeune age:< 20 ans ou primipare âgée Ambivalence vis-à-vis de la grossesse Antécédents d’IVG Environnement socio-familial instable: - Conflits conjugaux - Isolement affectif ( abandon du père de
l’enfant ) - Deuil au cours de la grossesse - Difficultés économiques et/ou
professionnelles
3. LES DECOMPENSATIONS PSYCHOTIQUES : rares
Rôle protecteur de la grossesse vis-à-vis des états psychotiques majeurs
2 tableaux : - Bouffées délirantes ou poussées
schizophréniques (très rare) avec éléments confusionnels souvent marqués par des thèmes de culpabilité , de persécution ou d’autoaccusation
- Mélancolie délirante avec autoaccusation , sentiment d’indignité etc.
Mais risque de rechute aigue après l’accouchement
LE POST-PARTUM
1. Le baby-blues Episode banal et bénin Survient au 3ème jour , résolution rapide :
quelques heures à une semaine Environ 80 % des femmes Symptomatologies diverses et variables - Rapides fluctuations de l’humeur avec euphorie,
irritabilité, crises de larmes itératives - Asthénie , hypersensibilité aux critiques - Troubles du sommeil, ruminations anxieuses
avec craintes d’être incapable de s’occuper du bébé, sentiment d’accablement, de vulnérabilité, de découragement
Sa prolongation au-delà du 10ème jour peut être parfois le point de départ d’une dépression traînante du post-partum
LE POST-PARTUM2. LA DEPRESSION DU POST-PARTUM
Très fréquente : 10 à 20 % des femmes ayant accouché ,survient 2 à 8 semaines après l’accouchement
Tableau clinique marqué par : - Abattement , asthénie, anorexie, troubles du
sommeil, irritabilité, agressivité - Labilité thymique et émotionnelle - Ralentissement psychomoteur pouvant prendre
une allure stuporeuse ou confusionnelle - Présence fréquente de phobies d’impulsion
( peur de faire mal à son bébé ) - Sentiment de honte et de culpabilité d’être une
mère incompétente
Le diagnostic de dépression est souvent tardif car:
- Les symptômes dépressifs apparaissent après le retour à domicile
- Ils sont attribués aux conséquences inévitables de la maternité
Le retentissement sur le bébé se traduit par : des pleurs prolongés, troubles du sommeil, perte de poids ( refus alimentaire ), eczéma, infections ORL à répétition .
LE POST-PARTUM
3. LES PSYCHOSES PUERPERALES :
Troubles psychiatriques aigues et sévères du post-partum avec ou non des antécédents psychiatriques
La symptomatologie est marquée par : - Des troubles de l’humeur - Une expression délirante polymorphe - Des troubles de la conscience
3 tableaux cliniques sont décrit : - La psychose délirante aigue - L’accès dépressif majeur - L’accès maniaque atypique
LA PSYCHOSE DÉLIRANTE AIGUE Début brutal : pic au 10ème jour Symptomatologie polymorphe et variable
avec troubles de la vigilance - Etat confusionnel avec DTS et stupeur - Etat perplexe avec altération des
perceptions et fausses reconnaissances ( déni de la maternité, du mariage )
Troubles de l’humeur : fluctuante , instable , dépressive ou exaltée avec moments d’abattement, de désespoir
Parfois la symptomatologie est mixte : - Syndrome confuso-maniaque - Syndrome confuso-mélancolique
L’ACCÈS DÉPRESSIF MAJEUR
Se manifeste dans les 15 premiers jours marqué par une labilité thymique d’allure stuporeuse ou confusionnelle ou mixte
1 fois sur 2, tableau de mélancolie délirante dominé par :
- Des sentiments d’incapacité et de culpabilité - Des visions morbides et mortifères avec
scénarios catastrophes . A ce stade , danger extrême car risque de raptus suicidaire et/ou infanticide
CAT immédiate : hospitalisation de la mère en UME si possible pour traitement par psychotropes ou ECT
L’ACCÈS MANIAQUE ATYPIQUE
Début brutal et précoce : dans les 15 premiers jours caractérisé par : agitation intense, désorganisation psychique, idées délirantes centrées sur la maternité avec hallucinations ( thèmes de persécution, de mission divine et de toute puissance )
Etat mixte fréquent Dans 50 % des cas : évolution vers
PMD
LES ÉTATS SCHIZOPHRÉNIQUES
L’accouchement est un facteur déclenchant de la rechute d’une schizophrénie ou de la décompensation d’un processus schizophrénique évoluant à bas bruit
Début précoce : dans les jours qui suivent l’accouchement. La symptomatologie est dominée par une discordance idéo-affective et des éléments dissociatifs pouvant altérer la relation mère-bébé
Prise en charge immédiate pour traitement en hospitalisation, si possible en UME pour préserver la relation mère-bébé
PRISE EN CHARGE EN PRE ET POSTNATALE
LA PRISE EN CHARGE DES TROUBLES PSYCHIATRIQUES CHEZ LA FEMME ENCEINTE
Le dépistage et la prévention s’organisent à partir de la maternité avec les différents intervenants ( SF, Obst , AS, pédiatre, psy de liaison ) et l’intervention permanente des psychologues du service d’obst.
Pendant la grossesse : PEC des troubles émergents ou
exacerbations des troubles antérieures Dans le post-partum : Prévention des
décompensations psychiatriques et des troubles de l’attachement
DÉPISTAGE EN PRÉNATAL
Troubles psy souvent méconnus Les femmes consultent rarement pour des
troubles anxieux ou dépressifs Les 1er acteurs sont les SF et les
obstétriciens qui doivent repérer les symptômes cliniques , les ATCD personnels , familiaux et les signes de souffrance lors du suivi de grossesse
DANS LE POST-PARTUM Le rôle de prévention et de dépistage revient
aux médecins généralistes , aux pédiatres , aux SF et puer des PMI en raison d’une sortie précoce de la maternité
Objectifs: - prévenir les dysfonctionnements précoces
des interactions entre parents-enfants - dépister et soigner les troubles parentaux
avérés
Le travail en réseau est pour la psychiatrie périnatale une nécessité
Les psychiatres doivent avertir les équipes de maternité des pathologies lourdes dont le risque de rechute est élevé afin d’organiser une PEC adaptée donc globale avec la collaboration de tous
La grossesse est alors incluse dans un projet thérapeutique
LA PRISE EN CHARGE GLOBALE La prise en charge globale doit être pluridisciplinaire
et nécessite une bonne articulation entre les « services concernés » et les différents intervenants pour créer un espace de travail partagé ou s’échangent les informations concernant la patiente et les soins qu’elle pourra recevoir.
Pour ces femmes, un suivi régulier va être mis en place en lien avec l’obst et la SF qui participe à l’évaluation de l’état clinique et en lien avec le psychiatre traitant qui sera informé de l’évolution clinique et sollicité pour participer au projet thérapeutique
Le projet de sortie sera élaboré en fonction de l’évaluation de la situation médico-psycho-sociale
Les pathologies psychiatriques ne sont pas toutes invalidantes: les patientes coopérantes ayant une bonne observance de leur TRT = stabilité sociale, familiale et professionnelle
Les troubles psy sont souvent compliqués de conduites addictives ( tabac, alcool, cannabis etc.), dans ce cas la prise en charge est encore plus spécifique et nécessite parfois un long séjour en SDC en cas de syndrome de sevrage du NNE
La psychiatrie périnatale est une psychiatrie d’urgence
Elle doit permettre une réponse immédiate et répétée car l’évolution est quelquefois rapide vers une aggravation ou une amélioration
Certains troubles anxieux ou bizarreries très discrets du comportement peuvent annoncer une décompensation psychotique
Des troubles mis en évidence lors d’une consultation peuvent évoluer à bas bruit vers un ED en l’absence de PEC rapide
La formation et la sensibilisation des équipes soignantes est nécessaire
Objectifs: recherche systématique des facteurs de risque - certains troubles anxieux ou dépressifs, alcoolisme , toxicomanie, ATCD d’accès maniaque ou de psychose puerpérale
-les tr. à expression somatique (vomissements gravidiques , manif douleur chr.,aggravation des maladies somatiques)
-repérer les signes de souffrance liés à des ATCD de complications obst ou néonatales ( Gr. Path., décès périnataux, annonce d’handicap, prématurité, césar. en urgence, hémorragie de la délivrance etc.)
La PEC des troubles psychiques maternels doit débuter en prénatal, en ambulatoire ou lors d’une hospitalisation à la maternité , tout retard compromet les possibilité d’adaptation de la femme à sa maternité et augmente le risque de décompensation en post-partum
Pendant la gr., une certaine levée du refoulement et une labilité psychique intense rendent rapidement efficace un soutien thérapeutique en cas de manif. anxieuses ou dépressives
Pour les autres troubles ( TCA, TOC, Psychose chr. etc.) cela permet un 1er travail d’élaboration qui sera poursuivi en post-partum
La prévention d’une rechute peut nécessiter un soutien psychothérapique associé à un TRT médicamenteux
LES CONDUITES THÉRAPEUTIQUES Pendant la grossesse - écoute attentive des plaintes et angoisses
des femmes enceintes - les traitements médicamenteux : à éviter si
possible le 1er trimestre mais l’arrêt d’un trt prescrit pour une pathologie chronique peut provoquer un risque de décompensation de l’état maternel avec un retentissement sur le déroulement de la grossesse
LES CONDUITES THÉRAPEUTIQUES
Dans le post-partum - la prescription médicameuse est de
règle en cas de décompensation psychiatrique
- à coté de cela, d’autres formes de soins sont possibles : la PEC ambulatoire dans le cadre de consultation mère-bébé (DPN, tr.de la relation...), l’accueil de jour mère-bébé (path. dépressives ou anxieuses)ou les hospitalisations conjointe en unité mère-bébé (décompensation psychotiques aigues ou chroniques, dépressions graves…)
PSYCHOTROPES ET GROSSESSE Prescription pendant la grossesse: - en fonction de la gravité - tous les psychotropes traversent la
barrière placentaire - nécessite la collaboration entre les
différents intervenants (obstétriciens, SF, pédiatres, psychiatres et pharmacologues)
- évaluation du rapport bénéfice/risque devant la pathologie de la mère et les effets tératogènes de chaque molécule
LA PRESCRIPTION DES PSYCHOTROPES
Le Centre de Référence sur les Agents Tératogènes ( www.lecrat.org) est à la disposition des professionnels pour les renseigner sur les effets des médicaments sur la grossesse et l’allaitement
Les anxiolytiques : - BZD de pref , à demi-vie courte ou
intermédiaire - L’atarax - Le BusparLes antidépresseurs: le choix se
porte sur les tricycliques : anafranil, laroxyl mais les IRS sont actuellement tolérés car les données récentes du CRAT sont rassurantes
Les neuroleptiques :Id AD ,
Les thymorégulateurs: toujours CI en raison des risques malformatifs
Les hypnotiques:autorisés dans certains cas: stilnox et imovane
Les ECT Les psychothérapies L’hospitalisation Les unités mère-bébé
L’ALLAITEMENT
Choix laissé à la maman. Condition: pas de prise de substance psycho active ou de médicament incompatible avec l’allaitement
Permet le maintien de l’abstinence en cas d’addiction
Favorise le lien mère-enfant Renforce la confiance de la mère dans ses
compétences, la valorise Prévient les troubles relationnels et les
troubles du comportement du bébé lors du SDS
CI en cas de VIH+: risque de transmission
LA CULPABILITÉ DE LA MÈRE FACE AU SYNDROME DE SEVRAGE DU NOUVEAU-NÉ
Risque dans la relation mère-bébé Enfant « idéalisé » pas celui attendu L’état de manque du bébé la renvoie à
son vécu personnel Moment difficile à gérer pour la maman,
angoisse, inquiétude, déni, conduites d’évitement avec rejet du bébé, fuite
Repérer la souffrance et entendre la demande d’aide et de soutien
Accompagnement et valorisation de la mère vont l’aider à reconnaître ses propres compétences et dépasser son sentiment de culpabilité
ORGANISATION DE LA SORTIE La contraception : Relais intra et extra hospitalier Mise en place de la prise en charge en
ambulatoire avec un étayage medio-psycho-social
RV de CS postnatal RV de CS : CSST, MG, PSY Retour au domicile ou dans la famille HAD pédiatrique PMI et puéricultrice de secteur Travailleuse familiale Services sociaux etc.
ORGANISATION DE LA SORTIE D’ autres orientations sont envisagées
à la sortie en fonction des pathologies psychiatriques , somatiques et addictes ou en cas de grande précarité sociale
- Appartement thérapeutique - Centre maternel - Unité mère-enfant - Placement du bébé en pouponnière