le feu, la terre, l'eau et l'air - numilog

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L E F E U , L A T E R R E , L ' E A U E T L ' A I R

Anthologie poétique contemporaine de langue française

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DANS LA MÊME SÉRIE :

PÉDAGOGIE FREINET : Poèmes d'adolescents. « Avec ces quelques mots qui enfantent le jour ». Préface de Jean-Claude Renard (3e édition).

ÉCOLE FREINET : Poèmes d'enfants. « La Porte de la clé perdue » (3e édition).

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jean-hugues malineau

LE FEU, LA TERRE L'EAU ET L'AIR ,,,

anthologie poétique contemporaine de langue française

CASTERMAN

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DU MÊME AUTEUR :

La Fanfare avec 15 burins de Jean Coulon, Commune Mesure, 1971. Poésie I n1h 28-29, L'Enfant la poésie, Saint-Germain-des-Prés, 1972. L'Ombre du doute (poèmes), Saint-Germain-des-Prés, 1973. Petites choses (poèmes), Commune Mesure, 1973 (épuisé). L'Un après l'autre (poèmes), Grasset-Jeunesse, 1974. Des jeux pour dire des mots pour jouer, L'École des Loisirs, 1975. Feu mon enfance (poèmes), Commune Mesure, 1975 (épuisé). Manuel de typographie (à l'usage des gardes-barrières), Commune Mesure,

1976 (épuisé). La Promenade en forêt (poèmes), L'Arbre, 1976. Tarentelles (comptines pour enfants), L'École des Loisirs, 1977. Les Couleurs de mon enfance (prose pour enfants), L'École des Loisirs, 1977.

En préparation :

Campagnelle (comptines pour enfants), L'École des Loisirs. Tourterelle (comptines pour enfants), L'École des Loisirs.

ISBN 2 203 23144 0.

@ Casterman 1977

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tons pays. Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est interdite. Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit, ¡d/otographie, microfilm, bande magnétique, disque ou autre, constitue une contrefaçon passible

des peines prévues par la loi du Il mars 1957 sur la protection des droits d'auteur.

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PRÉFACE

La poésie contemporaine de langue française est une des plus riches du monde. Il se peut même que l'on n'ait pas rencontré depuis le Moyen Age un tel foisonnement, une telle variété d'auteurs et de textes d'une grande quali- té. Or la France méconnaît presque totalement ses poètes. La pédagogie n'en faisait pratiquement aucun cas jusqu'à ces dernières années, si ce n'est par le biais de la tradi- tionnelle récitation qui, dans le meilleur des cas, permet- tait à l'enfant de découvrir Guillaume Apollinaire un demi-siècle après sa mort. La seule année 1975-1976, Roger Kowalski, Pierre Jean Jouve, Saint-John Perse, Pa- trice de la Tour du Pin, Jehan Mayoux et le merveilleux Jean Malrieu nous ont quittés dans une indifférence pres- que générale. Les poètes ne sont pas lus et les recueils de nos auteurs les plus reconnus ne se vendent qu'exception- nellement à trois mille exemplaires, tirage qu'atteignent bien souvent de médiocres romanciers.

Il n'existait pas, par ailleurs, d'anthologie qui se fasse l'écho de cette richesse contemporaine dans son ensemble. Celles que l'on trouve en librairie couvrent soit des pério- des historiques beaucoup plus longues soit au contraire beaucoup plus partielles; d'autres sont plus spécialisées dans leur thématique; d'autres encore, et souvent excel- lentes, s'adressent au seul public d'âge scolaire. Je vou- drais que celle-ci puisse être considérée comme un lieu de découverte et comme un lieu de désir. S'il est absurde d'imaginer rendre compte de la création poétique de ces trois quarts de siècle dans un volume de deux cents pages, du moins peut-on espérer, grâce à ce choix, voir naître chez le lecteur le besoin et le goût d'aller plus avant vers tel ou tel auteur oublié ou méconnu de lui, vers tel ou tel recueil cité, d'aller vers la poésie.

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Mon premier souci a été de rassembler ici des poèmes lisibles par tous et en particulier par les adolescents dont un grand nombre, en secret, cherchent à s'exprimer par le biais de l'écriture poétique. Ils trouveront là quantité de voix différentes, proches ou étrangères, qui leur permet- tront peut-être de développer en eux ce que René Char appelle notre « étrangeté légitime ». J'ai donc écarté vo- lontairement certains textes considérés comme « herméti- ques » afin d'en finir avec l'idée trop répandue que la poésie d'aujourd'hui est difficile à « comprendre ». La poésie, il est vrai, réclame de son lecteur une participation totale. Non seulement sa logique, sa rigueur, son intellect sont mobilisés mais aussi son imagination, sa sensibilité, sa sensualité; son œil comme son cerveau, son corps comme son histoire, son oreille comme son humour...

Le poème est un lieu qui requiert une présence entière du lecteur comme de l'écrivant : rien en nous-même ne lui demeure étranger, rien en lui-même ne nous est étranger. Et si la poésie reste incompréhensible à beaucoup, c'est justement que ceux-ci cherchent à la comprendre très partiellement et intellectuellement le plus souvent, à la réduire ou à la traduire au lieu d'accepter de la vivre et de vivre. Ils vont vers la poésie comme le travailleur en miettes décrit par Friedman et non comme une personne de chair et en devenir.

En ce sens la poésie est capable de faire découvrir à chacun sa propre unité. Elle est chez chacun de ses auteurs une réponse unique et une révolte face à ce fractionne- ment de l'individu que l'économie, la politique et donc la pédagogie entretiennent et auquel elles nous contraignent.

Rien ne m'est plus grave et plus précieux que le plaisir pris par les enfants à l'écoute d'une comptine par exem- ple, plaisir de l'imagination, plaisir de l'oreille, plaisir des mains qui battent, plaisir de rire aux éclats... Pourquoi ce plaisir total de se découvrir en priverions-nous l'adoles-

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cent, pourquoi nous en priverions-nous nous-mêmes ? Il s'agit là pourtant d'une mobilisation beaucoup plus légi- time et complète que celle que peut proposer la résolution d'une équation mathématique !

Ce plaisir de faire découvrir est celui qui m'a guidé tout au long de ce travail; c'est un plaisir semblable à celui de faire se rencontrer deux personnes que nous ai- mons. J'ai essayé de présenter des poètes très différents les uns des autres sans oublier les plus reconnus mais en laissant également une large place à de jeunes auteurs (E. Savitzkaya et Olivier Lécrivain n'ont pas vingt ans) et à des poètes de ma propre génération (Béatrice de Jurquet, Pernette Marty, Dominique Autié, Denise Borias, Pierre Peuchmaurd...). Certains auteurs trop méconnus, décou- verts dans de petites plaquettes à faible tirage (Thérèse Aubray, Yves de Bayser, Maurice Blanchard, Jean Fer- ry...), côtoieront également des poètes étrangers de langue française : Suisses, Belges, Québécois, Libanais ou Afri- cains.

Si cette anthologie m'a confirmé dans mes propres goûts de lecteur et d'éditeur, elle m'a également permis de lire à mon tour des poètes que je méconnaissais injuste- ment. En ce sens une anthologie doit être considérée comme un carrefour à un moment donné de notre histoire et de notre vie même. Très paradoxalement je tiens au- jourd'hui ce livre écrit par plus de cent vingt poètes comme étant un de ceux qui me représente le plus, qui m'est le plus personnel parmi ceux que j'ai publiés.

C'est dire également que ce choix de textes et d'au- teurs est inévitablement et nécessairement très subjectif. Personne, certainement, n'aurait fait ce même choix et il n'est pas d'anthologie idéale; « le meilleur choix de poè- mes », disait Paul Éluard, « est celui que l'on fait soi- même ».

Je regrette bien sûr d'emblée l'absence de maints poè-

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tes que j'aime tout autant que ceux qui se trouvent ici. Elle est souvent due au fait de n'avoir pas rencontré un de leurs textes s'inscrivant effectivement dans le cadre théma- tique que je m'étais proposé. Que cette lacune souligne au contraire à nouveau l'infinie richesse de notre poésie ac- tuelle.

Ce cadre thématique des quatre éléments fondamen- taux, Bachelard en a montré toute l'importance en poésie dans ses travaux sur l'imagination : La Psychanalyse du feu, L'Eau et les rêves, L'Air et les songes, La Terre et les rêveries de la volonté, La Terre et les rêveries du repos. Il m'apparut comme étant le cadre thématique idéal pour une anthologie de la poésie contemporaine : il m'obligeait à une certaine rigueur. Il m'amenait parfois à relire l'œu- vre entière d'un auteur à la lumière de cette thématique au lieu de m'abandonner à ma mémoire. Il me révélait l'om- niprésence du feu chez Aimé Césaire, de la terre chez Georges Drano ou chez Jean Follain, de l'air chez Philippe Jaccottet... Il permettait enfin, soit par rapprochement soit par le jeu de la contradiction, de mettre davantage en relief l'originalité de chaque texte, la personnalité de cha- que écriture.

Choisir l'ordre de ces quatre éléments était un autre dilemme. Celui suggéré par Henri Pichette dans son ex- pression : « Ce quadrille de l'eau de l'air du feu et de la terre », me séduisait car il correspond à la vie même de l'homme, — fœtus évoluant dans l'eau du ventre de la mère, respirant pour la première fois puis vivant de sang, de fièvre et de feu avant de retourner à la terre. J'ai toutefois opté pour l'ordre héraclitéen — feu, terre, eau, air — qui propose une vision cosmique décrivant le feu central comme principe de l'univers ou comme étant au centre même de la terre, une terre couverte d'eau et entou- rée d'air.

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A l'intérieur même de chaque élément les textes (au nombre d'une cinquantaine environ pour chaque partie) iront d'écho en écho, d'étincelle en étincelle selon un ordre plus ou moins subjectif. Ce classement fondé sur l'amitié entre deux auteurs, sur la ressemblance entre deux poèmes, joue aussi sur la rupture ou sur la nature même de l'élément en question. L'eau seule suit son cours de la pluie à la source et de la source à l'océan. On trouvera néanmoins deux constantes parmi ces classe- ments : la présence de Francis Ponge qui introduit chaque élément par une définition (l'air excepté) et la présence de Malcolm de Chazal qui clôture chaque partie en laissant l'imagination libre, une imagination nourrie par l'humour et l'observation, une poésie faite du hasard de l'expression et du poids des mots. Enfin ces poèmes isolés sont agencés de façon à ce que le lecteur décide du rythme de sa promenade (lecture partielle, isolée ou totale), chaque élément constituant un tout construit de cinquante chapi- tres divers. Une anthologie est également une œuvre indis- soluble : son unité souterraine est la mienne qui en ai choisi les acteurs, agencé les scènes, calculé les rebondis- sements.

Jean-Hugues MALINEAU.

Note. Malgré notre désir de publier « Éclairage à perte de vue » et « Parti- pris » (extraits de Feu de joie), dans les éléments feu et air, nous respectons la volonté de leur auteur, Louis Aragon, de ne plus participer à une anthologie. Nous remercions les auteurs et éditeurs qui ont bien voulu nous autoriser à reproduire leurs textes et plus particulièrement les auteurs qui nous ont confié des poèmes inédits.

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le feu

Car écrire, c 'est brû ler vif, mais c 'est aussi renaî t re de ses cendres.

Blaise CENDRARS.

Qu 'es t -ce qui gr impe a u x arbres et ne redes- cend que lorsqu' i ls sont mor ts ?

J .-H. M.

Fleurs de la vie aux villages sans saisons. Herbier de feu que rien ne fanera.

Marce l BÉALU.

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L e f e u f a i t u n c l a s s e m e n t : d ' a b o r d t o u t e s l e s f l a m m e s

s e d i r i g e n t e n q u e l q u e s e n s . . .

( L ' o n n e p e u t c o m p a r e r l a m a r c h e d u f e u q u ' à c e l l e d e s

a n i m a u x : i l f a u t q u ' i l q u i t t e u n e n d r o i t p o u r e n o c c u p e r

u n a u t r e ; i l m a r c h e à l a f o i s c o m m e u n e a m i b e e t c o m m e

u n e g i r a f e , b o n d i t d u c o l , r a m p e d u p i e d ) . . .

P u i s , t a n d i s q u e l e s m a s s e s c o n t a m i n é e s a v e c m é t h o d e

s ' é c r o u l e n t , l e s g a z q u i s ' é c h a p p e n t s o n t t r a n s f o r m é s à

m e s u r e e n u n e s e u l e r a m p e d e p a p i l l o n s .

F r a n c i s P O N G E .

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De grands lierres s'étiraient sur la maison grise du métaphysicien le feu y prit une nuit éclairant la plaine rase dans l'air flottèrent les cendres dans l'odeur du foin brûlé puis les cieux passèrent calmés sur la ruine assaillie par beaucoup d'enfants sans mère qui sur ses brèches jouèrent vêtus de haillons noircis imaginant leur vie longue.

J e a n FOLLAIN.

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Il arrivait que le feu fût saisi de frayeur. La flamme se couchait sur l'écorce, et brusquement la bûche l'avalait.

Une âme monte au ciel, pensait l'enfant. Son ongle suivait le long des veines du parquet un sentier connu de lui seul.

Puis le J)ois^soupirait, le feu léchait ses plaies, la vie retrouvait sa lumière.

Cependant nous restions attentifs à d'autres évidences. Nos yeux, hantés de flammes plus voraces, ne quittaient plus le cadavre de braise.

Gorge nouée, nous attendions la fin. Nulle parole jusqu'alors n'aurait pu apaiser ce silence où couvait une nuit autrement menaçante.

Pierre GABRIEL.

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LES ROCS

La danse est en eux, La flamme est en eux, Quand bon leur semble.

Ce n'est pas un spectacle devant eux, C'est en eux.

C'est la danse de leur intime Et lucide folie.

C'est la flamme en eux Du noyau de braise.

GUILLEVIC.

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LE RÈGNE MINÉRAL

Dans ce pays la foudre fait germer la pierre.

Sur les pitons qui commandent les gorges Des tours ruinées se dressent Comme autant de torches mentales actives Qui raniment les nuits de grand vent. L'instinct de mort dans le sang du carrier.

Toutes les veines du granit Vont se dénouer dans ses yeux.

Le feu jamais ne guérira de nous, Le feu qui parle notre langue.

Jacques DUPIN.

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IX

Rien ne me suffit. Je ne suffis à rien. Le feu qui souffle sera le fruit de ce jour-là, sur la route en fusion qui réussit à devenir blanche aux yeux heurtés des pierres.

XIII

Ce feu comme un mur plus lisse en prolongement verti- cal de l'autre et violemment heurté jusqu'au faîte où il nous aveugle, comme un mur que je ne laisse pas se pétrifier. La terre relève sa tête sévère. Ce feu comme une main ouverte auquel je renonce à donner un nom. Si la réalité est venue entre nous comme un coin et nous a séparés, c'est que j'étais trop près de cette chaleur, de ce feu.

XV

Ce qui demeure après le feu, ce sont les pierres disquali- fiées, les pierres froides, la monnaie de cendre dans le champ. Il y a encore la carrosserie de l'écume qui cliquette comme si elle rejaillissait de l'arbre ancré dans la terre aux ongles cassés, cette tête qui émerge et s'ordonne, et le silence qui nous réclame comme un grand champ.

André DU BOUCHET.

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ICI, LE FEU

Ici le feu ne pèse ni son poids d'ombre ni son poids d'eau. Ici le feu respire les oiseaux de l'orage. Ici le feu palpite, animal pris dans l'herbe. Ici le feu murmure, ici le feu défend le centre roux des choses.

La nuit germe du feu; il se fait tôt et tard dans la saison, s'effeuille dans le matin, feu frais du dernier rêve.

Pierre PEUCHMAURD.

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LA SAINT-JEAN

Après l'ondine marche et vient la salamandre La rousse du Jourdain en feu — Saint-Jean des templiers et de l'airain des

[salamandres —

Comment la fée porte son deuil Petit ange violet Ceci me fut révélé Sur le chemin à midi

Dieu le sait.

Les fées ont le cœur gros toujours et bondissant Le lièvre le sait et le fait

C'est la Saint-Jean.

Source source source Chemin de ton bruit Source toujours source

C'est la Saint-Jean.

Valentine PENROSE.

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LE BRASIER

A Paul-Napoléon Roinard.

J'ai jeté dans le noble feu Que je transporte et que j'adore De vives mains et même feu Ce Passé ces têtes de morts Flamme je fais ce que tu veux

Le galop soudain des étoiles N'étant que ce qui deviendra Se mêle au hennissement mâle Des centaures dans leurs haras Et des grand'plaintes végétales

Où sont ces têtes que j'avais Où est le Dieu de ma jeunesse L'amour est devenu mauvais Qu'au brasier les flammes renaissent Mon âme au soleil se dévêt

Dans la plaine ont poussé des flammes Nos cœurs pendent aux citronniers

Guillaume APOLLINAIRE.

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FLAMMES

Des langues ! Une fois la semaine, une douzaine de fantoches (et ce

citron de perspective qu'ils seront pions de province de- main) envahissent ma table.

Après qu'avec les tisonniers jaillis de leurs yeux ils se sont réciproquement écarté leurs cendres de moustache, une flamme avivée rampe, se tord, pétille, gicle en cha- cune des douze bouches aux joues réfractaires, et ces flammes tant s'expriment qu'on ne distingue plus qu'elles bientôt et que leur somme parvient à symboliser un bû- cher de sectaires ridicules, martyrisant la pureté, la vail- lance, la gloire vraie, la merveille absolue, et les femmes et les amis absents...

0 ces opiniâtres aspics ! Ce jour-là, le Supplice du Feu m'est familier dans son

intégrale épouvante. Aussi passer devant un rôtisseur me rappelle que, chez

moi, l'on rôtit hebdomadairement, et que ma patience (ô ma pauvre, ta lassitude?) m'y transforme en oie (suis-je modeste !) de première grandeur.

D'écœurement mon front se dore, de dépit mon foie se racornit; de stupeur mes os craquettent...

A se jeter par la fenêtre dans la faim des mendiants qui rôdent! Mais le devoir d'hôte me rive à la broche.

Des langues !

SAINT-POL-ROUX.

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FLAMMES

L'eau et la clarté de la lune lui coulaient doucement dans l'œil.

Les derniers passants de la nuit traînaient leur som- meil sur le marbre. La couleur se mêlait au bruit. Du haut de la pente, le roulement des rêves glisse avec des éclairs. Dans un champ dévasté où se perdent des ombres, un cheval saute une haie d'étincelles. Une écharpe nocturne s'accroche aux étriers de ce cavalier bleu. Une foule ir- réelle s'engouffre sur le trottoir d'en face, au milieu des reflets du mur trempé de pluie que suivent les personnages imaginaires des affiches.

P i e r r e REVERDY.

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Petite chandelle 0 source La soif luit Son loup fiévreux halète Il craint il adore le feu Ses yeux c'est l'eau de feu La vive l'aiguillon Ton loup, flammèche, il ne faut pas le Consoler de l'ardente Un loup fébrile est son chien toute la nuit Bluette ma soif mon infinie Viens d'abord veiller réveiller sais-tu Qui du moins je veux l'entendre de ma bouche Scintiller vaciller dire Chers petits êtres à l'intérieur de l'étincelle Chers luminaires dire que Vous ne ressemblez à personne

Y v e s DE BAYSER.

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TORREILLES, Pierre (1921, Gard ) : « Sentier de l 'a ir », « Loin des cités », p. 205 . Extra i t s d 'Er ran tes g raminées , @ Édi t ions G L M .

TOUR DU PIN, Patrice de la (1911, Paris - 1975, Paris) : « L 'Enfan t sur la f laque », p. 141 ; « L 'Orei l le de mer », p. 186. Extra i t s d 'Une lut te p o u r la vie, @ Éditions Gal l imard .

TZARA, Tr is tan (1896, Moines t i , R o u m a n i e — 1963, Paris) : « Lent lever du feu », p. 27. Ext ra i t de Terre su r terre, @ Librair ie Ernest F l ammar ion .

VALÉRY, Paul (1871, Sè te - 1945, Paris) : p. 31. Ext ra i t de L ' Â m e et l i danse , @ Édit ions Gal l imard .

VERHESEN, Fernand (1913, Bruxelles) : p. 8 7 ; p. 185. Extra i t s de f r a n c h i r la nui t , @ Le Cormier .

VINCENSINI, Paul (1930, Bessans) : p. 197. Extra i t s de Q u a n d m ê m e , @ Édit ions Saint-Germain-des-Prés .

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T A B L E D E S M A T I È R E S

P r é f a c e 7

L E F E U 1 3

L A T E R R E 6 3

L ' E A U 1 3 1

L ' A I R 1 9 7

I n d e x a l p h a b é t i q u e . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 4 3

Imprimé en Belgique par Casterman, s.a., Tournai - septembre 1977. E. 5871-3464. D. 1977/053/101.