Écoterrorisme - numilog

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ouvrages d’éric denécé

Géostratégie de la mer de Chine méridionale et des bassins maritimes adjacents, L’Harmattan, coll. « recherches asiatiques », 1999

Le Nouveau Contexte des échanges et ses règles cachées. Information, stratégie et guerre économique, L’Harmattan, 2001

Guerre secrète contre Al- Qaeda (dir.), ellipses, « Géopolitique », 2002Forces spéciales, l’avenir de la guerre, Le rocher, « L’art de la guerre », 2002Les Secrets de la guerre économique, en coll. avec Ali Laïdi, seuil, 2004Al- Qaeda : les nouveaux réseaux de la terreur (dir.), ellipses, « Géopolitique »,

2004L’Autre Guerre des États- Unis. Économie  : les secrets d’une machine de

conquête, en coll. avec claude revel, robert Laffont, 2005Tourisme et terrorisme. Des vacances de rêve aux voyages à risque, en coll. avec

sabine meyer, ellipses, 2006Histoire secrète des forces spéciales (de 1939 à nos jours), Nouveau monde,

2007 (traduit en polonais et en portugais)Renseignement et contre- espionnage, Hachette pratique, « toutes les clés »,

2008 (prix Akropolis 2009)Les Services secrets, ePA Éditions, « tout comprendre », 2008Mission : agent secret. Les Techniques de l’espionnage expliquées aux enfants,

en coll. avec sophie merveilleux du Vignaux, milan Jeunesse, « Graine de savant », 2009 (traduit en chinois)

Renseignement, médias et démocratie (dir.), ellipses, 2009Histoire mondiale de l’espionnage, en coll. avec Gérald Arboit, ouest- France

éditions, 2010Dico- Atlas des conflits et des menaces, en coll. avec Frédérique Poulot, Belin,

2010Les Services secrets au Moyen Âge, en coll. avec Jean Deuve, ouest- France

Éditions, 2011Commandos et forces spéciales, ouest- France éditions, 2011Les Services secrets français sont- ils nuls ?, ellipses, 2012La Face cachée des « révolutions » arabes (dir.), ellipses, 2012L’Espionnage en 365 citations, Le chêne, 2013Les Services secrets israéliens  : Mossad, Aman, Shin Beth, ouvrage rédigé en

collaboration avec David elkaïm, tallandier, 2014

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Éric DeNÉcÉ JAmiL ABoU Assi

ÉcoterrorismeAltermondialisme, écologie, animalisme

De la contestation à la violence

Tallandier

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Les auteurs tiennent à remercier Florian inaudi, François- charles timmermann et Alexandra P. pour l’aide qu’ils leur ont apporté dans la préparation de cet ouvrage.

© Éditions tallandier, 2016.2 rue rotrou – 75006 Paris

www.tallandier.com

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introduction

« mino pouvait être fier de lui. il avait appris tant de choses qu’il avait l’impression de comprendre le monde, de le maîtriser. et il avait enfin un but : tuer. tuer d’une manière cynique et calculée. il avait compris qu’il n’y aurait plus jamais de grandes guerres mon-diales comme par le passé. mais une autre guerre était en marche : le terrorisme systématique contre ceux qui avaient le pouvoir de détruire, d’empester et d’oppresser, contre ceux qui n’avaient pas compris l’importance des déplacements des fourmis, la com-munication sensible des feuilles, la perception exceptionnelle des animaux et la nécessité des concepts environnementaux. il avait appris qu’il y avait des écosystèmes, des chaînes d’événements assemblées et forgées au cours d’un lent processus ayant duré des millions d’années. et que ces chaînes avaient été brutalement rom-pues par une course aveugle aux profits à court terme. il n’y avait pas de grâce à accorder. il ne pouvait pas y avoir grâce1. »

Paru en Norvège en 1989, Le Zoo de Mengele de Gert Nygardshaug est devenu un véritable phénomène d’édition. en 2007, ce thriller écologique a même été élu « meilleur livre norvé-gien de tous les temps ». mino, enfant vivant dans la jungle amazo-nienne, voit sa famille et ses amis massacrés par l’armée au service d’une multinationale américaine du pétrole. Dès lors, il promet de se venger et de protéger à tout prix la forêt équatoriale. Pour cela, il va se réinventer un destin sous une autre identité. Devenu adolescent, à l’occasion de ses déplacements dans divers pays d’Amérique latine, il fait la connaissance de trois autres jeunes gens

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de son âge avec lesquels il va former un commando, le mariposa. ce groupe d’« écoguerriers », véritables justiciers de l’environne-ment, se fixe pour mission de mettre fin au pillage et au saccage de la forêt et d’assassiner, partout dans le monde, les dirigeants des sociétés qui exploitent les animaux et détruisent l’écosystème, ainsi que leurs complices.

Au fil des pages, mino, qui n’écrase jamais de fourmis, prend plaisir à ôter la vie à tous ceux qui exploitent sans vergogne la forêt équatoriale et devient un tueur sans états d’âme. À travers les actions du commando mariposa, ce sont les victimes de la défo-restation et de la mondialisation qui se vengent ; leur révolte, c’est celle du monde animal et végétal. mais, à cause d’elles, mino et ses trois amis sont pourchassés par les services secrets occidentaux qui cherchent à les éliminer.

Bien évidemment, nul ne peut approuver les exactions commises par les multinationales qui détruisent, pour des raisons financières, les forêts et tout l’écosystème qui s’y développe. mais, par bien de ses aspects –  et au- delà de sa réelle qualité romanesque –, ce livre est une apologie de la vengeance et du terrorisme, que semble soutenir l’auteur. sa lecture pose la question de la légitimité des actions violentes et des meurtres au nom de la défense de l’envi-ronnement.

Le Zoo de Mengele a connu un succès réel au- delà de son pays d’origine pour devenir l’un des livres culte des mouvements environnementalistes radicaux pour qui la défense de la planète et du monde animal est une cause qui justifie de se livrer à des actes criminels. ce roman et les comportements de ceux qui en ont fait leur référence sont emblématiques d’une dérive de plus en plus marquée dans nos sociétés de ce début du xxie  siècle. il illustre la tendance à la radicalisation extrême d’activistes qui sou-haitent faire aboutir leurs idées ou changer le monde dans les plus brefs délais, quels qu’en soient les moyens. cette évolution porte en elle un paradoxe majeur  : alors que les causes défendues sont quasiment toujours parfaitement légitimes – ou tout au moins que leurs idées méritent débat (défense de la planète, protection des

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espèces, meilleure équité économique, etc.) –, toutes finissent par engendrer un mouvement ultraviolent qui tente de les imposer par la force, décrédibilisant par sa radicalité extrême l’ensemble de la démarche.

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Nuit du 28 au 29 avril 2007, Limonest, banlieue de Lyon. Les flammes dévorent les locaux de techniplast, une entreprise spécia-lisée dans la fabrication de cages pour animaux et fournisseur du laboratoire britannique d’expérimentation animale Huntingdon Life science (HLs). sur un mur situé à proximité des locaux dévastés ont été taguées les lettres « ALF ». ce mystérieux acro-nyme est celui de l’Animal Liberation Front, le Front de libération des animaux. ses activistes, responsables de cet incendie criminel, ont voulu par cet acte faire passer un signal fort aux dirigeants de techniplast : ils doivent cesser immédiatement toute relation com-merciale avec HLs. Le bilan de l’incendie est lourd  –  plus d’un million d’euros de dommages – et aurait pu faire des victimes sans l’intervention rapide des pompiers.

Les activistes de l’ALF déclarent ne jamais vouloir blesser ni homme ni animal, néanmoins le message laissé à Philippe Prévost, le dirigeant de techniplast, est dénué de toute ambiguïté  : « ce que tu fais aux animaux n’est rien comparé à ce qui t’attend ! » cet avertissement exprime la détermination et la violence des ani-malistes à l’égard de leurs cibles. certains observateurs relativisent ces menaces en avançant que, en quarante ans d’existence, l’ALF n’a tué personne. Pourtant, en 1999, outre- manche, Graham Hall, journaliste de la chaîne de télévision channel 4, a été enlevé et marqué au fer rouge des trois lettres ALF pour avoir enquêté sur ce groupuscule et ses exactions. on est loin du comportement de joyeux contestataires…

Les premières actions revendiquées par l’ALF en France ont débuté en juillet  2002 avec l’incendie criminel d’un mcDonald’s dans la région de Grenoble. Depuis cette date, les opérations

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des extrémistes de la cause animale se sont multipliées jusqu’à atteindre plusieurs dizaines d’actes criminels (dégradations, van-dalisme, incendies) chaque année. encore faut- il préciser que ce mouvement violent ne connaît pas, dans notre pays, un développe-ment comparable à l’ampleur qui est la sienne en Grande- Bretagne et aux États- Unis où ses nombreuses actions sont désormais qua-lifiées de « terroristes » par les autorités. toutefois, il poursuit son implantation dans l’Hexagone, ce qui ne cesse d’inquiéter les pou-voirs publics.

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Dès lors que l’on évoque les phénomènes de radicalisation vio-lente pouvant aller jusqu’au terrorisme, la majorité de nos contem-porains pense immédiatement aux formes les plus extrêmes de l’islamisme radical. mais si Al- Qaïda et l’organisation État isla-mique (Daech) relèvent bien de cette logique, ils sont loin d’être les seuls à poser un problème de sécurité majeur aux pays occi-dentaux. À côté des djihadistes se manifeste désormais la violence croissante de mouvements de contestation sociétaux ou environne-mentalistes radicaux.

en effet, la faillite du totalitarisme communiste n’a pas mis fin à l’existence de courants d’opinion cherchant à remettre en cause le fonctionnement des sociétés libérales. Bien au contraire, ils ont trouvé un nouveau mode d’expression à travers les mouvements contestataires altermondialistes, animalistes et écologistes qui ont vu le jour. si toutes ces nouvelles causes ont des fondements légitimes et s’expriment majoritairement à travers des actions de contestation légales, on observe néanmoins que chacune a donné naissance à des groupes partisans des actions violentes, ciblant en premier lieu les grandes entreprises et le « pouvoir de l’argent », et à des groupuscules terroristes n’hésitant pas à recourir à des « actions armées » (sabotages, attentats, assassinats) pour faire aboutir leurs idées.

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Depuis une vingtaine d’années sont apparus des mouvements ultraviolents comme les Black Blocs ou des groupes terroristes comme le Front de libération des animaux (ALF) et le Front de libération de la terre (eLF). ces entités sont nées et se sont déve-loppées outre- manche ou outre- Atlantique où elles ont à leur actif la destruction d’infrastructures publiques, d’entreprises et de biens privés, voire la mort d’êtres humains.

À seattle (1999, États- Unis) et à Gênes (2001, italie), la protesta-tion lors des sommets du G8 a pris la forme d’une guérilla urbaine initiée par le mouvement Black Blocs. De véritables terroristes pro-fessionnels – mais aussi de simples casseurs, hooligans, punks ou éléments anarchistes de droite ou de gauche – infiltrent, noyautent et manipulent les manifestants anticapitalistes pour provoquer des confrontations encore plus violentes.

Aux États- Unis, les écologistes radicaux de l’eLF s’en prennent à tous ceux qui contribuent à la « colonisation de la nature » (exploitations forestières, stations de ski, récoltes transgéniques, etc.). en 1998, le mouvement a revendiqué l’incendie d’un restaurant et détruit les remonte- pentes d’une petite station du colorado. Les militants ont expliqué que ces constructions détruisaient l’habitat des lynx canadiens, espèce en voie de disparition.

Au royaume- Uni, en septembre 2005, les activistes britanniques de l’ALF effectuent deux attaques à la bombe contre un bâti-ment de l’université d’oxford, en signe de protestation contre la construction d’un laboratoire destiné à effectuer des tests cliniques sur des animaux.

Désormais, ces groupes figurent sur la liste noire des organisa-tions terroristes au même titre que Daech ou Al- Qaïda. Le FBi et scotland Yard ont même créé des unités spécialisées afin de lutter contre eux. si la violence des mouvements contestataires n’est pas un fait nouveau, l’intensité et l’ampleur qu’elle prend au xxie siècle et dans le cadre de l’opposition à la mondialisation est inédite.

Nul ne peut nier que par bien des aspects notre monde ultra-libéral et mercantile est de plus en plus inégalitaire ; ni que notre environnement est menacé par la croissance industrielle, urbaine

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et démographique et qu’il convient de le préserver pour le déve-loppement harmonieux de tous ; ni encore que certains excès com-mis contre les animaux pourraient être évités. ces causes méritent notre considération, voire notre soutien, car elles expriment une nouvelle prise de conscience, de nouvelles aspirations collectives. Pour autant, justifient- elles le passage à l’action violente, voire ultraviolente ? c’est ce que pensent certains radicaux dont les dérives – et l’idéologie extrême – sont particulièrement préoccu-pantes.

cet ouvrage a pour but d’aider le lecteur à appréhender cette problématique nouvelle. il présente d’abord les grands courants d’idées qui animent et parfois secouent ou perturbent nos socié-tés : altermondialisme, écologie et défense des droits des animaux. il décrit leurs fondements idéologiques et met en lumière la diver-sité des mouvements qui les composent. Puis il explique leur structuration et leur fonctionnement car ils ont su concevoir une organisation très originale.

ensuite, cet ouvrage présente l’évolution des individus impli-qués dans ces « luttes », du militantisme à la contestation et de l’activisme au terrorisme. il s’attache à décrire les groupes violents issus de ces mouvances, leurs modes d’action, leurs cibles et leurs opérations, ainsi que leurs effets sur les acteurs économiques – car leur objectif principal est de porter directement atteinte aux per-sonnes, aux événements et aux biens matériels qui incarnent la mondialisation, nuisent à l’environnement ou exploitent les ani-maux – et les réactions prises par les États visés.

enfin, il aborde leur implantation progressive et leurs actions en France, contre l’élevage, les abattages rituels et les grands projets d’infrastructure, car notre pays découvre peu à peu ces franges radicales de l’altermondialisme, de l’écologie et de la défense des animaux, qui sévissent depuis près de deux décennies en Grande- Bretagne et aux États- Unis. si la France reste encore peu touchée par ce type de terrorisme, tout laisse craindre que ces mouvements, dans les prochaines années, développent des campagnes violentes dans l’Hexagone. Les événements de tarnac, de sivens, de roybon

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et surtout de Notre- Dame- des- Landes pourraient en être les signes annonciateurs.

il existe de nombreuses causes et mouvements contestataires dans le monde. mais tous ne se caractérisent pas par des dérives terroristes. c’est à celles- ci que nous allons nous intéresser, dans le but de comprendre comment, à partir d’idéaux ou d’aspirations légitimes, des militants finissent par justifier le passage à l’action violente, voire au crime délibéré. L’engouement pour ces causes ne doit pas conduire à soutenir, accepter ou s’abstenir de dénoncer leurs dérives les plus extrêmes, car celles- ci sont inacceptables et représentent un véritable danger pour nos sociétés modernes, au même titre que le terrorisme islamiste.

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Première partie

QUeLs soNt Les NoUVeAUx moUVemeNts

coNtestAtAires ?

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cHAPitre Premier

L’ère des micro- idéologies

même si cela n’a pas toujours été perçu, la fin de la guerre froide et la faillite du communisme ont marqué un tournant dans l’évo-lution philosophique des sociétés occidentales. Après l’ère du reli-gieux (du ier au xvie siècle), c’est l’ère des idéologies (xvie- xxe siècle) qui a pris fin avec la déroute du communisme, laissant nos contem-porains dans une phase d’interrogation quant aux valeurs qui doivent dorénavant conduire leur existence.

La « désintégration des croyances »

Ainsi que l’explique emmanuel todd dans L’Invention de l’Europe, si la disparition des clivages a apaisé le jeu politique, elle a cependant créé chez certains un sentiment nouveau d’anxiété  : « L’identification à une force idéologique traditionnelle quel-conque permettait à chaque individu de développer le sentiment d’une appartenance au groupe et d’éprouver ainsi un puissant sentiment de sécurité. La désintégration des croyances isole les individus et atomise, sur le plan des représentations, les sociétés européennes au moment même où elles atteignent, pour la pre-mière fois de leur histoire, un certain degré d’homogénéité maté-rielle, par la consommation de masse1. »

La perte des repères religieux ou idéologiques est un impor-tant facteur générateur de crise pour les sociétés occidentales et ce phénomène est accru par les effets pervers d’un néolibéralisme

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débridé. Dans un monde de plus en plus marqué par l’individua-lisme, le matérialisme, la consommation effrénée et par une com-pétition sans cesse croissante, nos sociétés s’interrogent sur leur raison d’être. en conséquence, s’est ouverte l’ère des doutes méta-physiques, car la satisfaction immédiate des besoins matériels ne saurait longtemps satisfaire l’être humain, en perpétuelle recherche de sens. Ainsi, comme le constate emmanuel todd, « dans la plu-part des pays européens, l’effondrement ou la reconversion des partis traditionnels permettent l’émergence de micro- idéologies offrant aux individus désorientés, aux groupes sociaux mena-cés par l’évolution économique, la possibilité d’exprimer leurs angoisses2 ».

Par ailleurs, trois autres facteurs sont à l’origine des interroga-tions des sociétés modernes sur leur devenir  : la mondialisation et ses effets sur la prospérité comme sur l’identité des « vieilles » nations ; les progrès scientifiques et technologiques et leur impact sur notre rapport à la vie (manipulations génétiques humaines, animales et végétales) ; et surtout, les relations entre l’humanité et son milieu naturel (climat, faune et végétation) en raison de l’élar-gissement constant de l’empreinte humaine sur l’environnement (urbanisation, pollution, etc.) dû au développement majeur de la démographie mondiale et des besoins croissants des populations.

ces interrogations et ces réflexions ont ainsi permis une large prise de conscience d’enjeux jusqu’alors négligés –  écologie, éthique, gouvernance, transparence, etc. –  et sont à l’origine de l’apparition de nouvelles causes à vocation humaniste. L’opposition à la mondialisation – souvent présentée comme étant la source de la dégradation générale observée dans l’ensemble des domaines (environnement, santé, droits de l’homme, droit du travail, etc.) – a été l’élément moteur de ce phénomène. Aussi, on observe que toutes les nouvelles causes ont des fondements communs qui lui sont liés, se caractérisant par une large aspiration à promouvoir une autre mondialisation, respectueuse non seulement de l’être humain, mais aussi de son environnement.

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L’émergence de nouveaux phénomènes sociétaux

ces nouvelles causes ont donné naissance à de nouveaux mou-vements consacrés à tel ou tel aspect des enjeux économiques, éthiques ou environnementaux, qui incarnent espoirs, émotions ou rejets communs à des groupes plus ou moins importants d’indi-vidus.

Au- delà de l’altermondialisme, les champs couverts par ces mouvements sont extrêmement divers  : activistes anti- oGm, défenseurs de la cause animale et de l’environnement, militants anti- avortement, groupes anticonsommation et antipub, etc. il convient de reconnaître que les problématiques qu’ils soulèvent sont, pour l’essentiel, légitimes. toutefois, leurs objectifs peuvent paraître confus tant ils sont divers, à tel point que ces causes sont souvent présentées comme un rassemblement de désœuvrés et de marginaux exprimant leurs frustrations ou illustrant les préoc-cupations de « nantis » des sociétés post-industrielles en mal de repères.

ces mouvements s’affirment comme de nouveaux acteurs de la société civile, initiateurs de débats utiles, jouant même parfois le rôle de conscience de nos sociétés modernes. ils attirent ceux qui rejettent tout ou partie de l’évolution du monde actuel. D’autres y voient le moyen d’impliquer la société et la population dans le combat qu’ils mènent.

il est indéniable que les initiateurs de ces mouvements ont eu l’intelligence de développer des idées en phase avec l’air du temps : écologie idyllique, angélisme rousseauiste, attendrissement ani-malier à la Walt Disney, etc. ces discours rencontrent beaucoup d’écho dans les populations occidentales qui ont perdu leurs repères politiques ou religieux. De nouvelles utopies émergent même et recueillent une certaine adhésion. toutefois, il pourrait être dangereux de nier le sérieux et l’importance de ces mouve-ments d’opinion qui bénéficient du soutien d’une fraction de l’opi-nion : ils expriment en effet les préoccupations d’une partie de nos

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concitoyens face à certaines évolutions discutables de la société moderne.

L’une des principales caractéristiques de ce phénomène est que la majorité de ces nouvelles causes n’a pas de projet politique global. Leur objectif est généralement de promouvoir une idée, souvent très spécifique, et non de proposer un projet alternatif. on assiste ainsi à la constitution de nouvelles communautés atta-chées à un projet ou à une revendication précise. Par exemple, en France, le mouvement Génération Précaire défend les stagiaires et les salariés précaires ; Don Quichotte et Droit au logement (DAL) œuvrent pour le logement des plus démunis ; et d’autres groupes mènent des actions de soutien aux sans- papiers, etc. ces causes n’attendent pas le « grand soir », mais participent plu-tôt d’une volonté de s’ancrer et de se réapproprier le territoire3. « on voit bien là que les processus d’individualisation conduisent à une singulière pluralisation des lignes et des thèmes de conflit. Dans la société individualisée, le champ est libre pour de nou-veaux conflits, de nouvelles idéologies et de nouvelles coalitions qui débordent les schémas en vigueur jusqu’alors : tout est plus ou moins spécifique à un thème précis, en aucun cas unifié mais plu-tôt lié à des situations ou à des personnes4. » Les micro- idéologies ne cherchent pas à créer des sociétés nouvelles. elles sont conser-vatrices et s’efforcent de protéger ce qui dans le monde moderne leur semble essentiel  : les mouvements écologistes veulent empê-cher la dégradation de l’environnement par la technologie. Les mouvements xénophobes s’inquiètent de la destruction de la société par les immigrants, etc.5.

ces micro- idéologies sont défendues par des microgroupes, ce qui explique pourquoi l’on retrouve souvent les mêmes individus militant dans plusieurs mouvements différents correspondant à plusieurs de leurs aspirations6. comme l’observe le député socia-liste malek Boutih à l’occasion d’un récent rapport, les « zones à défendre » (ZAD) « illustrent sûrement le mieux ces nouvelles formes de mobilisation. La première est née à Notre- Dame- des- Landes en 2012 pour contester le projet d’aéroport qualifié de

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