le budget de la justice · 2015. 9. 17. · le nouveau pouvoir judiciaire - n° 392 livre blanc...

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LE BUDGET DE LA JUSTICE 31 le nouveau pouvoir judiciaire - n° 392 Livre blanc bilan 2010 La Chancellerie se félicite régu- lièrement de l'augmentation du budget de la Justice. Pour 2011, le budget a été annoncé en hausse substantielle : + 4,15 %, ce qui pourrait apparaitre dans un contexte de crise économique et budgétaire comme une excel- lente nouvelle. Mais cette nouvelle n’est pas aussi excellente qu’il n'y parait. Tout d’abord depuis des années les budgets sont annoncés en hausse (+ 14 % par rapport à 2007 peut on lire) et pourtant jamais les juridictions n’ont été à ce point en état de quasi faillite. Chacun sait en outre ce qu’il en est des reports et des annula- tions de crédits. Enfin si augmentation il y a, il faut la mettre en parallèle avec l’augmentation des recours à la justice, plus encore en situation de crise. Le Ministre de la Justice semble prendre conscience de la misère de la Justice en France, comme en témoigne son audition au Sénat du 21 juin dernier à l’occa- sion du débat sur le règlement des comptes et du rapport de gestion pour l’année 2009 : « Tout d'abord, je rappelle que les budgets sont désormais triennaux, et que je suis arrivée à la Chancellerie en cours d'exer- cice. Le budget du ministère est la conséquence d'une situation ancienne, la Chancellerie n'ayant pas bénéficié sur la longue durée des mêmes efforts que d'autres ministères. L'activité de la justice a sensiblement augmenté : de 2002 à 2008, le nombre d'affaires civiles a augmenté de 58 %, les décisions en matière pénale, de 10 %, tandis que le taux de réponse pénale passait de 68 % à 85 %. Or, parallèlement, le budget n'a augmenté que de 5 %... » « Le problème des tutelles, très chronophages, est réel : cette réforme n'a pas été accompa- gnée de la création de postes de magistrats correspondants, et son impact financier n'a pas été mesuré ». « L'an dernier, les juridictions étaient dans le rouge dès juillet. Nous avons réussi à débloquer des crédits et à finir l'année en limitant les reports. Le dégel obtenu en mars a évité d'accu- muler les retards. Nous devrions obtenir les moyens nécessaires pour répondre aux besoins des juridictions jusqu'à la fin de l'année, d'au- tant que nous avons renégocié des contrats avec les opéra- teurs extérieurs. C'est une course permanente entre notre capacité à réduire les coûts et l'augmentation des volumes ! » « Je l'ai dit ce matin au Premier ministre, si chacun doit consentir des efforts, certains avaient vu leurs crédits augmenter plus que d'autres depuis cinquante ans. En outre, l'évolution de la société a entraîné une augmentation de l'activité ». Faire ce constat est une bonne chose, changer en profondeur la situation et doter la Justice d’un budget digne d’un pays comme le notre en est une autre. Même si des efforts sont faits, ils sont mani- festement largement insuffisants. Comme tous les ans, l’essentiel des augmentations budgétaires qui permettent d’accroitre les moyens matériels et de créer des postes est affecté à l’administra- tion pénitentiaire. Il est évident que compte tenu de l’état de nos prisons et de la politique pénale menée, un effort massif doit être mis en œuvre en ce domaine. Les augmentations du budget des services judiciaires restent quant à elles trop limitées pour faire rattraper les retards du passé et faire face à des mis- sions en hausse. Au delà même de ces observa- tions, les constats européens sont identiques. En effet, dans son rapport 2010 sur la qualité de la Justice, la Commission Européenne pour LE BUDGET DE LA JUSTICE

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  • LE BUDGET DE LA JUSTICE

    31le nouveau pouvoir judic ia ire - n° 392 Livre blanc bi lan 2010

    La Chancellerie se félicite régu-lièrement de l'augmentation dubudget de la Justice. Pour 2011,le budget a été annoncé enhausse substantielle : + 4,15 %,ce qui pourrait apparaitre dansun contexte de crise économiqueet budgétaire comme une excel-lente nouvelle.

    Mais cette nouvelle n’est pasaussi excellente qu’il n'y parait.

    Tout d’abord depuis des annéesles budgets sont annoncés enhausse (+ 14 % par rapport à2007 peut on lire) et pourtantjamais les juridictions n’ont été àce point en état de quasi faillite.

    Chacun sait en outre ce qu’il enest des reports et des annula-tions de crédits.

    Enfin si augmentation il y a, ilfaut la mettre en parallèle avecl’augmentation des recours à lajustice, plus encore en situationde crise.

    Le Ministre de la Justice sembleprendre conscience de la misèrede la Justice en France, commeen témoigne son audition auSénat du 21 juin dernier à l’occa-sion du débat sur le règlementdes comptes et du rapport degestion pour l’année 2009 :« Tout d'abord, je rappelle queles budgets sont désormaistriennaux, et que je suis arrivée à

    la Chancellerie en cours d'exer-cice. Le budget du ministère estla conséquence d'une situationancienne, la Chancellerie n'ayantpas bénéficié sur la longue duréedes mêmes efforts que d'autresministères. L'activité de la justicea sensiblement augmenté : de2002 à 2008, le nombre d'affairesciviles a augmenté de 58 %, lesdécisions en matière pénale, de10 %, tandis que le taux deréponse pénale passait de 68 % à85 %. Or, parallèlement, le budgetn'a augmenté que de 5 %... »

    « Le problème des tutelles, trèschronophages, est réel : cetteréforme n'a pas été accompa-gnée de la création de postes demagistrats correspondants, etson impact financier n'a pas étémesuré ».

    « L'an dernier, les juridictionsétaient dans le rouge dès juillet.Nous avons réussi à débloquerdes crédits et à finir l'année enlimitant les reports. Le dégelobtenu en mars a évité d'accu-muler les retards. Nousdevrions obtenir les moyensnécessaires pour répondre auxbesoins des juridictionsjusqu'à la fin de l'année, d'au-tant que nous avons renégociédes contrats avec les opéra-teurs extérieurs. C'est unecourse permanente entre notrecapacité à réduire les coûts etl'augmentation des volumes ! »

    « Je l'ai dit ce matin au Premierministre, si chacun doit consentirdes efforts, certains avaient vuleurs crédits augmenter plus qued'autres depuis cinquante ans.En outre, l'évolution de la sociétéa entraîné une augmentation del'activité ».

    Faire ce constat est une bonnechose, changer en profondeur lasituation et doter la Justice d’unbudget digne d’un pays comme lenotre en est une autre. Même sides efforts sont faits, ils sont mani-festement largement insuffisants.Comme tous les ans, l’essentieldes augmentations budgétairesqui permettent d’accroitre lesmoyens matériels et de créer despostes est affecté à l’administra-tion pénitentiaire. Il est évidentque compte tenu de l’état de nosprisons et de la politique pénalemenée, un effort massif doit êtremis en œuvre en ce domaine.

    Les augmentations du budgetdes services judiciaires restentquant à elles trop limitées pourfaire rattraper les retards dupassé et faire face à des mis-sions en hausse.

    Au delà même de ces observa-tions, les constats européenssont identiques.

    En effet, dans son rapport 2010sur la qualité de la Justice, laCommission Européenne pour

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  • l'Efficacité de la Justice (CEPEJ)souligne que :

    - alors qu'il y a 2 ans, la Franceétait déjà classée au 35ème rang,elle n'est aujourd'hui plus que37ème sur 43 pays, pour le bud-get public annuel total alloué ausystème judiciaire (tribunaux,ministère public et aide juridic-tionnelle) rapporté au ProduitIntérieur Brut (PIB) par habitant.

    Elle se situe ainsi derrière laFinlande, l'Azerbaïjan, l'Arménie...

    - le budget total annuel allouéaux services judiciaires n’a aug-menté en France que de 0,8%entre 2006 et 2008. Dans le mêmetemps, ce budget augmentait de26,8 % en Espagne de 24,5 % auPortugal, de 20,1 % en Autriche,de 10,3 % en Belgique et de 7,7 %aux Pays Bas, la moyenne euro-péenne étant fixée à 17,7 % !

    La CEPEJ relève même dans sonrapport que « la France note uneffet de ciseaux sur le budget dela justice judiciaire, entre uneévolution négative ou stagnantedes crédits et une évolutioncroissante des besoins, qu'ils'agisse des personnels, des cré-dits de fonctionnement ou desfrais de justice ».

    DES DÉPENSES IMPAYÉES

    Les juridictions se voient allouer unbudget de fonctionnement, destinéaux dépenses courantes, ainsiqu’un budget pour les frais de jus-tice, qui correspondent au coût desdifférentes procédures, pris encharge par les juridictions.

    Les frais en matière pénale repré-sentent plus de 60% des dépensesglobales. Ils constituent parfois desdépenses contraintes, car liées àdes actes de procédure obligatoires(par exemple, les expertises psy-chiatriques obligatoires en matièrecriminelle, en matière d'infractionssexuelles, ou pour les mis en causesous protection de justice, les exa-mens médicaux de droit pour lespersonnes gardées à vue…).

    Surtout, ce sont des dépenses qui,souvent, ne sont pas décidées parles magistrats eux-mêmes (parexemple lorsqu'elles sont induitespar un placement en garde à vue,décidé par un Officier de PoliceJudiciaire)

    Selon la Chancellerie, une revalori-sation du tarif des frais médicaux estintervenue. De même, dans ledomaine des réquisitions adresséesaux opérateurs de téléphonie et enmatière d'analyses génétiques, lesdépenses ont été diminuées par desmarchés.

    Ces revalorisations des tarifs d'ex-pertises pourraient être bénéfiquessi le problème essentiel ne demeu-rait pas lié à l'effectivité du paiementdes experts...

    En effet, l'Etat n'est pas bon payeuret s'adonne à ce qui ressemble énor-mément à de la cavalerie financière :incapable de payer ses interlocu-teurs, il les oblige à patienter, parfoisde nombreux mois, avant d'honorerses dettes sur le budget de l'annéesuivante, grevé d'autant, dès ledébut de l'exercice budgétaire.

    Cette absence de paiement est insti-

    tutionnalisée puisque dans le projetde budget pour l'année 2011, leMinistère indique que depuis 2006,60% des mémoires (factures) del'année sont payés dans la mêmeannée et 40 % le sont dans lesannées suivantes. Pire, pour 2011, ilest estimé que 55% seulement desmémoires seront payés dans l'annéeet 45 % dans les années suivantes.

    Dans toutes les juridictions, lesmoyens alloués sont notoirementinsuffisants et les magistrats peu-vent avoir le sentiment que toutedépense est susceptible de leurêtre reprochée.

    Un dossier d'instruction particulierpeut nécessiter des frais particuliè-rement importants et en consé-quence grever l'enveloppe globaledestinée aux frais de justice.

    Le TGI de Montargis a été en ces-sation de paiement dès octobre2009. Au vu des budgets allouéspour 2010 (diminution de 40% del’enveloppe de crédit, déjà trèsjuste), une cessation de paiementétait crainte à compter de juin. Celacréé des problèmes pour les fraisde justice et les frais de fonctionne-ment. Il était alors envisagé que lesavocats fournissent leur papier pourles photocopies de pièces.

    A Tours, l’enveloppe 2010 pour lesfrais de justice a été diminuée de10% par rapport à l’année passée.En 2009, la juridiction n’a plus pufaire face à ses dépenses (1,7mil-lions d’euros ) à compter de sep-tembre (l’enveloppe était de 1,260Millions d’euros).

    De même, à Blois, l’enveloppe

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  • globale de 2010 a été diminuée de30% par rapport à celle de 2009A Nice également. A Montbelliard,la dotation initiale a été réduite de14% mais une dotation complémen-taire a été attribuée fin mai. Des éco-nomies ont dû être faites sur lescodes et les jurisclasseurs. A Senlis,le budget de fonctionnement est enbaisse. Sans abondement supplé-mentaire, il n'y aura plus de créditpour l'électricité et le chauffage au4ème trimestre 2010. A Bergerac,les crédits ont été diminués d'un tiersen 2010. A Compiègne, le budgetnettoyage est à la baisse. Le budgetde fonctionnement courant ne per-met pas de gérer les dépenses obli-gatoires. La dernière facture de gaz(chauffage) ne pourra pas êtrepayée. C'était déjà le cas en 2009 etcette année le budget a été réduit de15 000 euros. A Moulins les paie-ments ont été interrompus le 30 sep-tembre 2009 pour l'année 2009. Lacour d'appel de Metz n'a obtenu que60% du budget sollicité. Le TGI deMontluçon avait été en cessation depaiement en octobre 2009. Cetteannée, la cessation de paiementintervient courant septembre.

    Au TGI de Cusset, les dépensesnon obligatoires ne bénéficient plusde budget, alors que 1200 eurosseraient nécessaires pour mettre ensécurité la chaudière, que la char-pente devrait être traitée et que letribunal ne peut être chauffé l'hiver.Quant aux frais de justice propre-ment dits, ils sont bloqués depuisplusieurs mois : le tribunal était encessation de paiement, pour l'an-née 2009, dès septembre. Bien quedes fonds aient été débloqués, lesexperts n'ont pas été payés pen-dant plusieurs mois.

    L’enveloppe du Tribunal d’Instancede Briey a été diminuée de 20%alors même que cette juridiction aabsorbé le TI de Longwy. Un petitbudget permettait auparavant dediligenter des enquêtes sociales oud’avancer des frais de certificatsmédicaux en matière de tutellespour les personnes indigentes (celaconcernait 20 à 30 mesures par an)et ces avances étaient ensuiterecouvrées par le Trésor Public.Cependant, ces dépenses ne sontplus possibles, au détriment desjusticiables les plus fragiles.

    Il manque 2 millions d’euros à laCour d’Appel de Pau, depuis octo-bre, pour payer les dépenses jusqu’àla fin de l’année 2010. Il faut préciserque le budget 2010 a, dès le débutde l’année, été amputé de 600 000euros pour payer les dépenses de2009, qui n’avaient pu être régléesavec le budget 2009. Des sommessupplémentaires vont certainementêtre accordées mais ces abonde-ments au « lance-pierre » empê-chent une gestion à moyen ou longterme et sont nécessairement chro-nophages pour définir les prioritésde paiements…Les juges d’instruc-tion de Pau ne peuvent plus payerles frais de justice depuis juin.

    A Aurillac, le paiement des frais dejustice a été interrompu en septem-bre, pour l’année 2009, de mêmeque pour l’année 2010. Pourtant,une gestion rigoureuse des frais dejustice avait permis des économies,alors même que l’enveloppe budgé-taire avait été diminuée. Mais10 000 euros ont été prélevés surl’enveloppe d’Aurillac pour réglerd’autres frais de justice de la Courd’Appel.

    Le TGI du Mans s’est vu affecter unbudget d’1,6 millions d’euros pourl’année 2010 (versés en février etavril). Une dotation complémentairede 250 000 euros a déjà été accor-dée en juin. Pour autant, débutoctobre 2010, plus de 350 000euros manquent (majoritairementau pénal), étant précisé que ceschiffres ne tiennent pas compte desdépenses à venir à la fin de l’année.Il est estimé que 2,2 millions d’eu-ros seraient nécessaires pour fonc-tionner correctement mais le budgetalloué au TGI diminue chaqueannée (2,1 millions en 2008, 1,9millions en 2009).

    A Gap, le budget est en grandediminution : 12 millions d’euros ontété demandés, 7 ont été alloués,dont 3 pour payer l’arriéré 2009.Par exemple, le budget pour lesfrais de justice est passé de510.000 euros en 2008 à 230.000euros en 2009. Il est désormaisinsuffisant pour couvrir lesdépenses obligatoires, telles queles visites médicales en garde àvue, les expertises psychiatriques,les citations, les frais liés à la Courd’assises (défraiement des jurés,témoins..), qui ne peuvent être infé-rieurs à 350.000 euros. Afin de faireface au problème, des consignesécrites ont été données par leProcureur de refuser les actes d’en-quête trop coûteux eu égard à l’en-jeu du dossier. Des consignes ontégalement été données pour limiterle nombre de gardes à vue, et limi-ter ainsi les frais. Pour l’entraideinternationale, certaines pièces nesont pas traduites pour limiter lesfrais. Aucune réquisition bancairen’est payée. Malgré ces efforts, cer-tains experts, interprètes, labora-

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  • toires ADN ou opérateurs télépho-niques ne sont pas payés depuisplusieurs mois, les paiements à par-tir de juin 2009 ayant été bloquésjusqu’au versement de créditsdébut 2010. Les délégués du procu-reur sont payés avec 6 mois deretard. Globalement, on peut consi-dérer que la juridiction sera ensituation de cessation de paiementau plus tard en juin 2010.

    A Digne les Bains, il n'y a plus debudget suffisant depuis le 1er mai2010. Le budget alloué était de moitiéinférieur à celui de l'an passé. En2005, il était de 240 000 euros. En2010, il était de 35 000 euros (+100000 euros au titre des marchéspublics souscrits au niveau régional).

    La juridiction de Beauvais est elleaussi paupérisée. En septembre2009, il ne restait que 27 euros pourfinir l'année. Les contrats « espacesverts » ont été résiliés, faute de cré-dit. Des personnes condamnées àdes Travaux d'Intérêt Général sontemployées pour les travaux d'archi-vage. Il n'y a aucun budget pour lesdépenses non obligatoires et lebudget est insuffisant pour payerles dépenses obligatoires.

    A Paris, le budget initialement attri-bué en début d'année est régulière-ment insuffisant au bout de quelquesmois seulement. Des rallonges sontaccordées pour permettre à la juri-diction de tenir jusqu'à l'automnemais les dernières dépenses de l'an-née sont généralement payées surle crédit budgétaire de l'année sui-vante. Il devient alors impossible decontinuer à employer des personnesprivées pour la frappe des décisionsdes magistrats.

    Alors que le TGI de Bordeaux estpôle d'expérience pour la médiationfamiliale, la participation financièrede la juridiction diminue.

    250 000 euros manquent, depuismai 2010, à Mont de Marsan pourpayer les frais de justice. Des éco-nomies doivent être réalisées, parexemple en mettant à la charge desmajeurs protégés le coût de l'exper-tise indispensable à la procédure deprotection...

    Les magistrats placés de la Courd'Appel d'Aix En Provence sontaffectés en fonction de leur domi-cile, à titre d'économies. Ceux de laCour d’Appel de Pau ne seront rem-boursés que sur le budget de l’an-née suivante pour les frais exposéspar eux lors de leurs délégations àcompter de septembre.

    A Briey, on a demandé, il y a plusd’un an, au service du juge auxaffaires familiales de ne notifier lesdécisions que par lettre simple sansles doubler d’une lettre recomman-dée avec accusé réception, à titred’économie.

    En l'absence de fonds suffisantsdès la deuxième session d'assises,les jurés devant siéger à Saintes nepeuvent plus se voir octroyerd'avances financières s'ils doiventexposer des frais importants pourleur hébergement, leurs transportsou leur alimentation. La Courd'Assises est alors contrainte d'ac-corder des dispenses de siéger,quasi d'office à des chômeurs ettitulaires du RMI.

    Pour éviter que des sessions d’as-sises ne doivent être reportées,

    faute de budgets suffisants pourindemniser les jurés, les experts,les témoins… des chefs de courbloquent maintenant les sommesnécessaires pour tenir l’ensembledes sessions de l’année, au détri-ment d’autres frais.

    LE MANQUE D'EXPERTS,INTERPRÈTES...

    L'Allier, ressort du TGI de Cusset,ne dispose que d'un seul expertpsychiatre, qui pour des raisons fis-cales (le paiement d'expertises l'an-née suivante, au mieux, de leurréalisation a une incidence fiscalenégative s'il en réalise trop), sou-haite limiter ses expertises à 20 paran. Ne souhaitant pas venir témoi-gner aux assises, les experts deClermont-Ferrand, du départementvoisin, ne veulent pas venir réaliserd'expertises dans l'Allier. Lesmagistrats de l'Allier doivent doncrecourir aux experts de Nevers ouBourges, qui dépendent d'une Courd'Appel différente. Le juge d'instruc-tion peut également être confrontéà un manque total d'expert dansdes procédures où l'expertise estpourtant obligatoire (notamment lesexperts psychiatres pour les vic-times) et des dossiers d'instructionont ainsi été retardés pour qu'unchangement d'exercice permette lepaiement de l'expert (2009-2010).Pour l'année 2009, le tribunal a étéen cessation de paiement dès sep-tembre et des fonds ont du êtredébloqués pour payer les experts,après plusieurs mois d'attente.

    Les experts du TGI de Riom refu-sent de continuer à intervenir, fautede paiement. Les enquêteurs n'ont

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  • pas plus les moyens de leurs mis-sions : un véhicule dégradé, les 2seuls enquêteurs de la BR ne peu-vent plus aller effectuer des com-missions rogatoires....

    Un expert du TGI d'Abbeville a 10000 euros de mémoires en souf-france. La juridiction compte, débutoctobre 195 000 euros d'impayés etun abondement a été sollicité pouréviter que ces impayés ne s'ajoutentà ceux du TGI d'Amiens, juridictionabsorbante.

    Le TGI de Saint Quentin a quant àlui 40 000 euros d'impayés à l'égarddes seuls médecins légistes.

    A Montauban, les frais de justicesont payés très en retard et les psy-chiatres sont très réticents à réali-ser des expertises pénales (137missions impayées depuis plus de 6mois) ou dans le cadre du renouvel-lement des mesures de tutelles. Lesexperts psychiatres ont mis endemeure la juridiction de régulariserles paiements dans un délai de 6mois, la menaçant de démissionnercollectivement. Un abondement aété effectué après demande insis-tante des chefs de juridiction auprèsdes chefs de cours mais un impor-tant problème de recrutement desexperts subsiste, pour des raisonsfinancières. Par ailleurs, un expert adémissionné de la liste, n'ayant passouhaité venir déposer aux assises,à défaut de paiement.

    A Belfort, la situation est égalementtrès difficile ; des économies ont étéréalisées mais il est impossible d'al-ler plus loin : une meilleure gestiondes scellés a été mise en place ; il aété imposé que le parquet donne

    son autorisation pour toute dépenseengagée par un OPJ, ce qui consti-tue une charge supplémentairepour les magistrats.

    Dans les juridictions de la Courd'Appel de Douai, les paiements desfrais de justice n'ont pu être effec-tués que jusqu'en novembre 2009puisque 4,5 millions d'euros man-quaient. En 2010, l'enveloppe glo-bale n'était que de 20 millionsd'euros, soit au moins 6 millionsmanquants de sorte qu'il était envi-sagé que les paiements de frais dejustice ne puissent être honorés àpartir de la rentrée. C'est ainsi qu'unexpert de Boulogne Sur Mer arefusé de continuer à réaliser desexpertises psychiatriques, malgrél'absence de demande de rembour-sement de ses frais de déplacement,puisqu'il n'était plus payé depuis plusde 8 mois. Les juges de l’applicationdes peines de Saint Omer etBoulogne Sur Mer ne disposentplus d’expert sur le ressort, pas plusd’ailleurs que de médecin coordon-nateur, et malgré la présence d’unétablissement pour peines.

    Il est souvent difficile de trouver desexperts, notamment légistes ou psy-chiatres, acceptant de réaliser desexpertises, en l'absence de paie-ment. Il en va ainsi à Tarascon, àTours, à Bordeaux (1,2 millionsd'euros était dus aux experts),Albertville, Bergerac (les expertsne sont payés qu'un an et demiaprès leur mission), Briey (où ilmanque des experts psychiatres etmédecins légistes), le Puy en Velay,Aurillac, Tarbes, Bayonne.

    En l'absence de médecin coordon-nateur dans le ressort, les magistrats

    du TGI de Nice recourent à ceux deGrasse mais ceux-ci n'acceptent pasplus de 20 mesures.

    A Nancy, les experts travaillent àcrédit, la juridiction ayant plus de 9mois de retard de paiement, et envi-ron 1 million de dettes. Certainesaffaires ou certains procès peuventgrever le budget de la juridiction :un procès d'un proxénète étranger,qui a duré 3 semaines, a entraînédes frais très importants du fait desinterprètes. Il semble que ces diffi-cultés soient nées du fait qu'aumoment du passage à la LOLF, lesbudgets ont été évalués en fonc-tion des crédits qui avaient alors étéengagés (or, il y avait, à ce momentlà, de nombreux impayés). Lesassociations de Nancy et Epinalsont au bord du dépôt de bilan. Lajuridiction a plus de 80 000 euros dedettes à l'égard de SOS médecins.

    A Caen, il a fallu donner des enga-gements de paiements à SOSmédecins pour que les médecins sedéplacent à nouveau, tant lesdettes étaient importantes.

    A Verdun, les médecins expertsne veulent plus intervenir enmatière de tutelles car ils ne sontplus payés. Les frais de justiceont été diminués de 30 % par rap-port à l'année précédente où ilsétaient déjà insuffisants. Au 9 juin(jour de la visite), les dépenses de2009 n'étaient pas toutes payées.Ce manque de moyens a conduitle parquet à former appel contreune décision d'expertise sollicitéepar le juge d'instruction. Des gara-gistes ne veulent plus récupérerdes véhicules. La juridiction doitfonctionner avec 2 experts

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  • psychiatres seulement. Il n'y a pasd'expert psychologue. Le JAP deVerdun fait appel aux experts de laCour d'Appel voisine de Reims,pour les expertises du Centre deDétention. La juridiction a unedette très importante à l'égard dumédecin légiste. Le problème d'ar-gent pose également problèmepour les interprètes : l'un d'entreeux, qui devait avancer ses frais detransports pour de nombreux kilo-mètres, a du renoncer.

    A Nice, un risque de renvois dedossiers d'assises a été évoqué etdes audiences correctionnelles (ycompris avec des détenus) ont duêtre renvoyées, en l'absence d'ex-perts ou d'interprètes. En effet, desexperts (légistes, psychiatres, inter-prètes... - la juridiction devaitnotamment 10 mois de rémunéra-tion à l'interprète en arabe pour sonintervention lors des audiences cor-rectionnelle) ont fait grève et lespaiements seront repris en janvier2011. L'enveloppe 2010 était large-ment insuffisante.

    Le TGI de Laon a été en difficul-tés pour payer les frais de justiceà partir de l’été 2010 mais un sur-croît de financement lui a étéaccordé. La chancellerie a par ail-leurs demandé à la juridiction depayer prioritairement un labora-toire. Les experts ne refusentpour l’instant pas de mesuresmais se plaignent des retards depaiement.

    L'association d'aide aux victimesde l'Allier est au bord du dépôt debilan, en l'absence de paiementdes enquêtes sociales et des sub-ventions.

    LES JUGES DE PROXIMITÉ :DES VACATIONS NONREMUNÉRÉES

    Les juges de proximité ont étécréés, dans le but de désengorgerles tribunaux d'instance et de rap-procher la justice des citoyens, parla loi d'orientation et de programma-tion sur la justice du 9 septembre2002, complétée par la loi organiquedu 26 février 2003 et les lois du 26janvier 2005 et du 5 mars 2007.

    En matière civile, ils statuent sur lesactions personnelles ou mobilièresjusqu'à la valeur de 4000 euros. Encas d'absence ou d'empêchementdu juge de proximité, ses fonctionssont exercées par le juge d'instance.

    En matière pénale, ils statuent surles contraventions des 4 premièresclasses et siègent en qualité d'as-sesseurs aux audiences correction-nelles collégiales.

    Ils sont nommés, parmi les prati-ciens du droit, pour une durée de 7ans non renouvelable, et suivent uneformation de 12 jours à l'EcoleNationale de la Magistrature. Ils sontrémunérés au titre de vacations (62euros pour une demi-journée de tra-vail et 300 euros, forfaitaires, pourles audiences civiles).

    Le plafond annuel de vacations estfixé à 200.

    Les juges de proximité, qu'on avaitprésentés comme devant désengor-ger les tribunaux et rapprocher laJustice des justiciables, ne peuventsouvent plus exercer leurs missions.Pour certains, les vacations consti-

    tuent un complément non négligea-ble de revenus et ces interruptionsde paiement s'apparentent à deslicenciements, ou rupture de contrat,qui, dans le secteur privé, seraientdénoncés, voire condamnés.

    Le besoin de la juridiction de proxi-mité de Nantes a été estimé à 1000vacations, pour les 7 juges de proxi-mité, qui, en 2009, ont rendu 1418décisions civiles. Cependant, lenombre de vacations a du êtreréduit à 717, bien que les audiencesauxquelles ils devaient participeraient déjà été prévues. Des magis-trats professionnels doivent doncdésormais siéger aux audiencesauxquelles les juges de proximité nepeuvent plus participer : correction-nelles, injonctions de payer,audiences pénales 4ème classe,audiences civiles. Par ailleurs, il estdéjà acté que le budget alloué pour2011 sera en nette diminution.

    A Rennes, le solde de vacations nepermettra pas aux juges de proxi-mité de continuer à siéger 3 fois parsemaine en correctionnelle, outreaux audiences de comparutionimmédiate. A compter du 1er

    novembre, les vacations ne pour-ront plus être payées. Le quota devacations pour le TGI et le TI deRennes est de 760 vacations,devant être partagées en 6 juges deproximité, qui ne peuvent donc êtreemployés à temps plein.

    A Pontoise, le problème est iden-tique : les juges de proximité nepeuvent siéger en correctionnelleentre septembre et décembre, fautede budget suffisant pour les rému-nérer. La charge pèse directementsur les magistrats professionnels

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  • dont le nombre déjà notoirementinsuffisant est encore réduit par desarrêts maladie et par l'affectation àtemps plein, pendant plusieursmois, de 4 magistrats du siège pourjuger le dossier de l'accident duConcorde.

    Des réductions similaires de vaca-tions des juges de proximités sontconstatées dans de multiples autresjuridictions : Valenciennes (où il n'ya plus de juge de proximité),Troyes (les juges de proximité ontdécidé de siéger en audience cor-rectionnelle malgré l’absence depaiement), Saintes, les Sablesd'Olonne, La Rochelle, Le Puy enVelay (la juge de proximité peut sié-ger à l’instance mais non en correc-tionnelle, faute de vacationssuffisantes), Tours (diminution desvacations de 200 à 100 par mois),Blois, Rennes, Cusset, Montauban(ils peuvent seulement continuer àl'instance), Toulouse (les juges neproximité ne font plus d'ordon-nances pénales ni d'injonctions depayer), Perpignan.

    Au TI de Puteaux (TGI Nanterre),l'ensemble des affaires audiencéesdébut octobre 2010 a du être ren-voyé au 7 février 2011, les juges deproximité ne siégeant plus, du faitdu défaut de paiement de leursindemnités.

    Au contraire, des juges de proximitésupplémentaires sont recrutés àLaval, alors que la juridiction n’en apas besoin.

    A Versailles, le budget alloué pourles juges de proximité est limité à107 vacations par an et par juge carles 43 juges de proximité du ressort

    ne peuvent recevoir les 200 vaca-tions autorisées annuellement.Cependant, le nombre de vacationsdisponibles et attribuées a du êtrerestreint au fur et à mesure desmois. Les dysfonctionnements ontentraîné une réduction de la partici-pation des juges de proximité auxaudiences correctionnelles à comp-ter du mois de mai 2010 puis unesuppression de toute participation àces audiences à compter de sep-tembre 2010 sans qu'aucuneaudience ne soit supprimée malgréla charge de travail supplémentairesur les magistrats. Dans les tribu-naux d'instance du ressort, l'activitédes juges de proximité est réduitefaute de vacations suffisantes et lesjuges d'instance sont déléguésdans les fonctions de juge de proxi-mité pour traiter le contentieux.Par ordonnance du 28 juillet 2010,le président du tribunal indique que :« considérant que nonobstant l'ab-sence de toute vacation envisagéeen rémunération de la participationà une audience correctionnelle àpartir du mois de septembre 2010,les crédits des vacations des jugesde proximité pouvant être engagésd'ici la fin de l'année 2010 ne per-mettront pas de faire fonctionner lesjuridictions de proximité dans lesconditions prévues et renduesnécessaires par la compétence decette juridiction définie dans le codede l'organisation judiciaire ; consi-dérant que le défaut des moyenssuffisants de rémunération pourque les juges de proximité tiennentles audiences de la juridictionconstitue un empêchement imposéà ces juges de proximité ;Vu l'article L232-2 du code de l'or-ganisation judiciaire, Disons qu'entre le 1er septembre et

    le 31 décembre 2010, les fonctionsde juge de proximité seront exer-cées par les magistrats en chargedu service des tribunaux d'instance(…) chaque fois qu'il apparaîtra queles vacations des juges de proxi-mité ne pourront pas être payéesau titre des crédits de l'exercicebudgétaire 2010 ».Les juges de proximité du ressort etl'Association Nationale des Juges deProximité ont diligenté un recoursdevant le tribunal administratif pourdétournement de pouvoir et détour-nement de procédure. Ils soutiennentque cette ordonnance contrevient auprincipe à caractère constitutionnelselon lequel la décision de nomina-tion et d'affectation d'un juge relèvedes dispositions relatives au statut dela magistrature.

    DES POSTES D'ASSISTANTSDE JUSTICE SUPPRIMÉS

    Les assistants de justice apportentleur concours aux magistrats, eneffectuant des travaux derecherche de documentation ou dejurisprudence, des notes de syn-thèse de dossiers, en traitant ducourrier ou en rédigeant des pro-jets de décisions sur les instruc-tions des magistrats. Ils effectuentpar ailleurs parfois des fonctionsdévolues aux fonctionnaires, ensous-effectif.

    Ils sont recrutés, parmi les titulairesd'un diplôme sanctionnant 4 annéesd'études après le baccalauréat, pourune durée de 2 ans, renouvelable 2fois, et perçoivent un salaire de 450à 500 euros par mois, pour exercerleurs fonctions à temps partiel dansla limite de 720 heures par an.

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  • On constate régulièrement unebaisse du recrutement de nouveauxcontrats d'assistants de justice etun non renouvellement des contratsarrivant à échéance.

    Même si, lors de la présentation dubudget 2010, le Garde des Sceauxa annoncé une hausse du recrute-ment des assistants de justice, pourpermettre aux magistrats de se« recentrer » sur leurs fonctions, laréalité est loin de ces annonces.

    Il en va ainsi à Châlons enChampagne, Angers, à Marseille,les contrats des assistants de jus-tice ne sont pas renouvelés alorsqu'ils sont 5 au siège et 8 au par-quet. Ils sont appelés à disparaîtreau profit des vacataires, notammentpour l’implantation de Cassiopée ;de même le contrat de 2 assistantsde justice de Bayonne ne sera pasrenouvelé ; à Mont de Marsan,Tarbes (un magistrat est contraintde ranger la bibliothèque), àNarbonne (qui a perdu 3 assistantsde justice), au Puy En Velay (oùpour autant, aucun vacataire n’a étérecruté, en l’absence de crédit), àSoissons, au Mans (où 3 assis-tants n’ont pas été renouvelés), àLaon, à Laval, Pontoise, Versailles,Rennes, Compiègne, Tours, Blois,Caen, Perpignan, Albertville, Gap,Draguignan.

    A la Cour d’Appel de Montpellier,11 assistants de justice ne serontpas remplacés en 2011, au TGI deMontpellier, il n’y a plus d’assis-tants de justice au service desaffaires familiales, où ils ont pour-tant pré-rédigé 595 décisions en2009 de sorte qu’un système degestion de pénurie se met en place.

    DES BUDGETS DE FONC-TIONNEMENT INSUFFI-SANTS

    "Il n'y a plus rien à gratter, on a atta-qué l'os" a dit un magistrat pour leséconomies que cherchent à réaliserles juridictions dans des conditionsde plus en plus difficiles.

    De nombreuses juridictions ne peu-vent engager de dépenses non obli-gatoires, ou très difficilement :Belfort, Aix en Provence, Aurillac,Montluçon, Rennes…

    Il est particulièrement difficile de seprojeter pour prévoir certains tra-vaux. Les chefs de juridiction et degreffe doivent donc toujours avoir unpetit projet (réfection de la peintured’un bureau, achat de mobilier…)pour pouvoir utiliser, au derniermoment, en urgence, et avant la finde l’année, les crédits pouvantéventuellement être débloqués.

    Au delà des frais de justice, lemanque de financement desdépenses de fonctionnement desjuridictions a un impact direct sur lavie de la juridiction et les conditionsde travail des personnels.

    Au TGI de Rennes, l'absence debudget pour les dépenses non obli-gatoires se traduit par des petitesmesquineries : les post-it sontdécoupés, les stylos usagés doiventêtre restitués pour en obtenir desneufs... et des dysfonctionnements :les avocats obtiennent des renvoisen correctionnelle car ils n'ont paseu copie des dossiers à temps...

    La juridiction de Montauban a du

    terminer l'année 2009 sans papier nisoit-transmis (photocopiés). Fautede papier, le tribunal de Montargisdemande aux avocats de fournircelui-ci pour l'obtention de photoco-pies de pièces de dossiers. Peuavant notre visite à Charleville-Mézières, au printemps 2010, unerupture de stock de papier étaitdéplorée, le budget y afférant pourl'année 2010 n'étant toujours pasparvenu. Un TI de Paris n'a plusd'enveloppes...

    Les magistrats du TGI d'Aix enProvence se sont vus demander,par note interne de service, d'impri-mer les documents recto-verso etse voient accorder des crayons aucompte-goutte. Un magistrat attendle changement du néon de sonbureau depuis un an. Le juge destutelles de Montargis a dû acquérirpersonnellement un tamponencreur et l'ancien tampon encreurdu TI de Gien, supprimé, est main-tenant utilisé par le TI de Montargis,en rayant la mention "Gien".

    Des économies de papier sont éga-lement demandées aux personnelsdu TGI de Troyes. Certains magis-trats et fonctionnaires du TGI deVerdun amènent leur propre maté-riel (classeurs, crayons...) et denombreuses ampoules grillées nepeuvent être remplacées, faute decrédits. A Sarreguemines, les post-it et stylos sont distribués à l'unité,lorsque les magistrats n'achètentpas eux-mêmes leur matériel. Desproblèmes similaires se rencontrentà Marseille. les post-it doivent êtreéconomisés à Dax et à Cambrai ; leTribunal Pour Enfants de Bayonnene peut plus bénéficier de chemises(trop onéreuses) sur lesquelles sont

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  • déjà fixées les cotes transparentespour insérer les noms des mineurs,à Pau, il n’est plus possible d’obtenirles chemises colorées déjà impri-mées (pour les côtes des dossiers)car trop onéreuses et il est doncdemandé aux greffiers de découperet coller eux-mêmes les films trans-parents pour ajouter les mentionssur les chemises des dossiers ; ilfaut également « quémander » lepapier et les stylos.

    A Albertville, l'entreprise assurantl'entretien des photocopieuses ne sedéplace plus avec toute la célériténécessaire, n'étant pas payée. Ilmanque des photocopieurs dans denombreuses juridictions, notammentLa Roche Sur Yon, Strasbourg (unseul photocopieur pour un étage),Bobigny (les magistrats et fonction-naires du TPE ont du réclamer l'ins-tallation d’un photocopieur pendant 2ans avant d'obtenir 2 appareils, dontl'un a très rapidement été remplacépar un ancien, fonctionnant mal...)

    DU MATÉRIEL INFORMA-TIQUE OBSOLÈTE OUINADAPTÉ

    Le modèle d'imprimantes équipanttous les personnels du ministèretombe très régulièrement en panne,même lorsque l'encre n'est pasmanquante.

    La pénurie d'encre est un problèmerécurent pour tous les matériels...Au TPE de Bobigny, l'encre manquerégulièrement et deux greffières separtagent la même cartouche, ce quiest problématique en cas d'au-diences simultanées. Le fax de cemême service n'a pas fonctionné

    pendant plus de 10 jours, rendant leservice injoignable en cas d'urgence.

    Le service de l’application despeines de Quimper n’a ni fax niphotocopieur. Le TGI ne disposepas du nombre suffisant de photo-copieurs.

    Pendant plusieurs semaines, leTPE de Sarreguemines n'a pas eude toner et de cartouches d'encredans le fax et devait faire la navette,pour emprunter ce matériel au par-quet, lorsqu'un service avisait del'envoi d'un fax...

    Le Tribunal Pour Enfants de Briey,lui, n’a pas de fax propre au serviceet les greffiers doivent faire lesallers-retours toute la journée àl’étage inférieur pour utiliser un fax.

    A la Cour d’Appel de Pau, il estenvisagé de mutualiser les impri-mantes entre 2 et 3 magistrats, cequi pose de réels problèmes deconfidentialité. Il en va de même àAurillac.

    En décembre 2009, c'est en l'ab-sence de toner dans la machine àaffranchir que le courrier n'a pu partirde cette même juridiction deSarreguemines. Les services del'instruction et du TPE se rendaientau Tribunal d'Instance pour affranchirle courrier urgent.

    Les ordinateurs sont souvent peuperformants.

    Ainsi, à Thionville, Sarreguemines,Metz certains magistrats sontencore dotés de vieux matériels, lesnouveaux demeurant parfois dansdes cartons pendant de longs mois

    avant de pouvoir être installés. Lesordinateurs du TGI de Montargis,particulièrement anciens, ne dispo-sent pas de lecteurs DVD et lesmagistrats ne peuvent donc pasvisionner les auditions filmées...lerenouvellement du parc informa-tique du TGI de Colmar est difficile.

    Les ordinateurs sont égalementanciens à Lorient, Agen, Riom (lesjuges placés n’ont pas de portablesrécents).

    Lors du renouvellement d’ordina-teurs en 2007, des postes datantde 2002 ont été installés dans cer-tains bureaux du TGI de SaintOmer et sont tombés rapidementen panne ; pour autant, il fautencore attendre pour pouvoir lesremplacer, au motif que la dotationdate de moins de 5 ans.

    La juridiction de Cusset est dotéed'un accès internet bas débit, cequi est très problématique pour lesrecherches jurisprudentielles. AVersailles, les magistrats doiventacquérir eux-mêmes leurs ordina-teurs portables et les logiciels (480euros) et ne peuvent se servir declés USB pour éviter les risquesde virus.

    Ces vastes économies exigées despersonnels de justice sont en déca-lage certain avec les implantationsde matériels perfectionnés parfoisinutiles....

    A Toulon, les économies en termesd'entretiens, de parc automobile etde fournitures contrastent avec lesachats de scanners, graveurs etmatériels de visio-conférence dansles cabinets d'instruction.

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  • Les 4 juges des enfants deClermont-Ferrand n'utilisent pas,faute de besoin, le matériel d'enre-gistrement vidéo dont ils ont tousété dotés, pour un budget de 12000 euros.

    De même, les juges d'instruction,juges des libertés et de la détentionet juges d'application des peines duTGI de Tarascon se voient imposerl'implantation de matériels très coû-teux de visioconférence (15000euros pièce), mais peu opérants enpratique. Les matériels d'enregistre-ment vidéo, installés y compris pourl'instruction vouée à disparaître danscette juridiction infra-pôle, sont peuutiles et performants car d'impor-tants problèmes de son subsistent.

    A Pau, les magistrats sont invités àutiliser le plus possible la visiocon-férence, les économies ainsi réali-sées étant destinées à recruter unvacataire. La Cour d’Appel de Paudispose ainsi de 3 sites de visiocon-férence (pour le cadre administratif,dans la chambre de l’instruction etla salle d’assises), mais seulementde 2 lignes téléphoniques dédiées(de sorte que seuls 2 sites peuventêtre utilisés simultanément). Il en vade même au TGI.Cependant, l’utilisation de la visio-conférence est très chronophage,notamment pour le greffe : environ2 heures sont ainsi nécessairespour s’assurer, dans chaque local(par exemple à la cour d’appel et àla maison d’arrêt), que le matérielsera disponible, à une heure pré-cise…par ailleurs, l’absence de faxpour permettre la signature des pro-cès-verbaux dans les salles devisioconférence allonge d’autant ladurée des débats.

    La visioconférence reste en outretrès onéreuse, et soumise à desproblèmes techniques. Ainsi, aumoment de notre visite, la Courd’Appel ne pouvait appeler l’exté-rieur : l’interlocuteur doit lui-mêmeappeler la Cour pour créer le lien etdébuter la visioconférence.

    A Montargis, le matériel de visio-conférence a été installé dans unesalle dédiée à la visio-conférenceadministrative et dans une salled'audience dans laquelle le logicielpour le Juge des Libertés et de laDétention (JLD) n'est pas installé :la greffière JLD doit donc faire desallers-retours dans son bureaulorsque la visio-conférence est utili-sée. La visio-conférence va par ail-leurs être installée dans le bureaudu Juge d'Application des Peines,qui ne l'a pas sollicitée.

    A Briey, le matériel de visioconfé-rence n’est réellement utilisé quedans le cadre administratif et estdonc peu rentable.

    A Bordeaux, 7 scanners ont étéinstallés au Tribunal Pour Enfants etau parquet-mineurs, sans mêmeavoir été sollicités. A Thionville, 3scanners non sollicités ont étélivrés, semble-t-il par le biais de laDirection de la Protection Judiciairede la Jeunesse.

    A Bethune, chaque juge d'instruc-tion dispose d'un scanner individueldepuis 2 ans, mais sans logiciel defonctionnement....alors qu'à Arras,juridiction voisine, le logiciel a étéinstallé sur les ordinateurs maissans les scanners....

    Un logiciel à commande vocale a

    été acquis pour un magistrat duPuy en Velay…mais n’est pas com-patible avec l’ordinateur, tropancien.

    Saint Omer, juridiction pilote pourla numérisation, a été dotée d’uneseconde station de numérisation en2007 alors qu’elle ne l’avait pas sol-licitée et n’en avait pas besoin. Parailleurs, les 3 scanners individuelsreçus en 2007 n’ont toujours pasété installés. L’imprimante livréed’office au service d’application despeines paraît, elle également, inu-tile, car le service disposait déjàd’un photocopieur couleur enréseau.

    La numérisation des dossiersnécessite une réelle organisation,liée à une formation et à desmoyens humains, puisqu'un dossiernumérisé sans nomenclature claireet/ou inventaire détaillé peut êtreinexploitable pour les magistrats.Ceux-ci doivent en effet pouvoirconsulter une pièce cotée sansavoir à faire défiler toutes les pagesdu dossier, sur un écran adapté àune telle consultation. Le dossierdoit par ailleurs être facilementconsultable, y compris en salled'audience et de délibéré.

    Dans le cas contraire, tout le béné-fice lié à la numérisation peut êtremis à néant.

    A Paris, les magistrats ne disposentpas de matériel adapté et la qualitéde la numérisation des dossiers estaléatoire, puisqu'il est matérielle-ment impossible pour les greffiersde procéder eux-même à cettenumérisation, qui repose donc surdes personnels non formés. Il n'y a

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  • pas de postes informatiques dans lasalle de délibéré de la chambre del'instruction et les dossiers sont diffi-cilement consultables, de sorte quela numérisation n'a d'intérêt que pourles petits dossiers et que la détentionpeut être problématique à gérer.

    Dans beaucoup de juridictions, lesformations des personnels à lanumérisation ne sont intervenuesque plusieurs mois après la livrai-son des stations de numérisation(pour délivrer rapidement copie desdossiers aux avocats).

    DU MATÉRIEL JURIDIQUEÉCONOMISÉ

    L'achat de codes est délégué àchaque juridiction de sorte que lesprix négociés sont très différentssur tout le territoire national. LaDirection des Services Judiciairesenvisage de négocier les prix descodes au niveau national pour opti-miser les dépenses.

    Au regard de l'insuffisance des bud-gets, les chefs de juridiction et degreffe sont contraints de réaliser deséconomies, y compris sur le maté-riel juridique pourtant essentiel etcertains magistrats acquièrent desouvrages sur les contentieux spé-cialisés avec leurs propres deniers.

    A Bergerac et Laval, les abonne-ments des bibliothèques ont étésupprimés même si Lexis Nexis(abonnement internet pour desrecherches jurisprudentielles) a étéimplanté ; à la Cour d'Appel deRennes, les codes ne sont pas àjour, y compris dans la bibliothèqueet Lexis Nexis n'a pas été implanté.

    Lexis Nexis n’est pas installé àQuimper, Agen, le Puy en Velay(alors que les avocats en dispo-sent), Lorient (où la bibliothèquen’est pas à jour), à Brest.

    A Cahors, Auch et Agen, aucontraire, Lexis Nexis a été installémais le marché ne sera pas recon-duit par la Cour d’Appel, au regard deson coût, trop important pour l’utilisa-tion qui en est faite, ou un seul accèspourrait être disponible par juridic-tion. Pour autant, la bibliothèquen’est plus mise à jour (il n’y a plusd’abonnements à des revues juri-diques « papier ») et les magistratsdemeurent peu informés des suitesdonnées au contrat d’abonnement.

    A Montargis et Saint Nazaire, LaRochelle, les Sables d'Olonne,Amiens, Saintes, Angers les codeset/ou ouvrages ne sont pas à jour ;à Strasbourg, les jurisclasseurs nesont pas mis à jour depuis plus d'unan, les codes ne sont pas à jourdans la bibliothèque, le Lamy pro-cédure collective (ouvrage tech-nique très complet) date de 2007 (ily a eu plusieurs réformes depuiscette date) ; à la Cour d'Appel deMetz, la bibliothèque n'est pas àjour et les revues jurisprudentiellessont dans les placards et inaccessi-bles sans l'aide des assistants dejustice...dont les contrats ne sontpas renouvelés ; à Aix en Provence(un parquetier n'a pas eu de guidedes infractions ; un autre, chargé del'environnement, n'a qu'un code del'environnement de 2007 à sa dis-position) ; à Avesnes Sur Helpe,les abonnements pour les revuesont été supprimés avant même lamise en place de Lexis Nexis et lesmagistrats n'ont pas tous droit à des

    codes à jour, notamment les nom-breux placés affectés à la juridiction ;à Dax, les 2 juges d'instancedevront désormais se partager lesséries de codes nécessaires àl'exercice de leurs fonctions ; ondemande aux magistrats de Vannesde ne pas trop commander decodes ; les magistrats des tribunauxd'instance de Paris n'ont pas tousdes codes et les crédits sont insuffi-sants pour acheter des ouvrages debase ; de même à Bayonne, il a étéconseillé aux parquetiers de limiterleurs demandes aux codes pénal etde procédure pénale ; à la Courd’Appel de Caen, les magistratsn'auront que certains codes, choisis« après arbitrage » (non défini dansla note écrite diffusée), au prétextequ'il y a une collection complète à labibliothèque...des codes 2009 !

    A Sarreguemines, les codes nesont fournis aux magistrats ques'ils sont considérés commenécessaires au service. C'est ainsique le parquetier chargé desaffaires civiles a du se battre pourobtenir un code civil.... le juged'instruction et le juge d'applicationdes peines ont eu un code maispas de guide des infractions. Labibliothèque, qui n'est pas à jour,n'est accessible qu'après avoir sol-licité une clé au secrétariat deschefs de juridiction.

    De même, les magistrats deBethune peinent à obtenir lesouvrages de base. Plus de deuxans ont été nécessaires à un col-lègue pour obtenir un guide desinfractions et des poursuites alorsque le substitut chargé de l'exécu-tion des peines n'a pas un tel guidedepuis 4 ans.

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  • Dans ces conditions, de nombreuxgreffiers et fonctionnaires ne peu-vent disposer d'un code.

    DES CONDITIONS MATÉ-RIELLES DE TRAVAIL ETD'ACCUEIL DÉPLORABLES

    Au Tribunal d'Instance deDunkerque, les fientes d'oiseaux etles pigeons morts sont laissés dansla cour intérieure et attirent lesmouches, qui peuvent pénétrerdans les bureaux.... Le même pro-blème se relève au TGI de Caen,où, par ailleurs, une souris morteest restée tout au long de sadécomposition sur la plaque grilla-gée surplombant une salle d'au-dience. De même à Reims, il arriveque des fientes de pigeon tombentsur la table autour de laquelle lacour d’assises délibére, à traversune verrière dont des vitres man-quent...

    La salle d'audience correctionnelled'Aix en Provence ne dispose pasde micros pour entendre les préve-nus dans le box et la configurationdes locaux oblige les victimes às'installer à côté des prévenus.

    Le standard téléphonique du TGI deThionville pose problème, les lignesgrésillent. Le fax n'a pas fonctionnépendant 15 jours au début de l'an-née. Le Tribunal Pour Enfants nepeut pas être joint directement. Lesaudiences du Tribunal Pour Enfantsdoivent être limitées, pendant lestravaux en cours dans la juridiction,à 3 demi-journées pour les 2 jugesdes enfants qui ont pourtant besoinde 10 demi-journées par semaine.

    A Sarreguemines, le téléphone aété coupé pendant 2 jours ennovembre 2009. Seul le parquet,disposant d'une ligne directe, pou-vait être contacté.

    Les magistrats du parquet du TGI deBlois n'ont aucun moyen dédié à lapermanence téléphonique, ni locauxni secrétariat. Ils doivent donc faireeux mêmes les photocopies, appelerles avocats en préparation desaudiences de comparution immé-diates ou déferrements... et sont dif-ficilement joignables par lesenquêteurs.

    Le service du Traitement en TempsRéel du parquet du TGI de Béziersn’a été doté d’un fax que depuis ledébut de l’année 2010.

    Les juges aux affaires familiales duTGI de Strasbourg reçoivent lesjusticiables dans une salle d'au-dience sans fenêtre. De même pourles audiences du tribunal pourenfants de Caen. Dans cette mêmejuridiction, les marches de l'escaliercentral sont irrégulières. Il semblequ'il s'agissait initialement d'unchoix délibéré des architectesroyaux, voulant empêcher l'éven-tuelle fuite de prévenus, qui, ferrésaux pieds, chutaient ...cependant,aujourd'hui, ce ne sont plus les pré-venus qui chutent régulièrement,mais le personnel. 6 marches seu-lement ont pu être réhabilitées.

    Les problèmes de l'éclairage insuffi-sant du TGI de Colmar sont récur-rents. Par ailleurs, la vétusté del'électricité oblige à enlever l'une des6 ampoules du lustre du bureau duProcureur...pour éviter que toutesles ampoules ne grillent...Dans cette

    même juridiction, plusieurs bureaux,notamment des magistrats du par-quet, donnent directement sur lacour de la promenade de la Maisond'Arrêt, adjacente au tribunal. Lesmagistrats ne peuvent donc ouvrirles fenêtres s'ils veulent échapperaux insultes régulières des détenus.Parallèlement, les plexiglass instal-lés devant les fenêtres à titre de pro-tection, servent de buts pendant lesparties de foot dans la cour de pro-menade. Le bruit, assourdissant,créé des conditions de travail parti-culièrement stressantes pour lescollègues qui attendent donc la fer-meture de la maison d'arrêt....

    Deux années ont été nécessairespour réparer le système d'éclairagede l'escalier du TGI deSarreguemines et des chutes onteu lieu. Aujourd'hui, la lumière resteallumée y compris la nuit...A Aix EnProvence, les agents techniquesrécupèrent les ampoules dans lesparties condamnées et désaffectéesdu bâtiment pour remplacer lesampoules grillées. A Lisieux, le juged'application des peines attenddepuis 10 mois le remplacement de3 des 4 néons de son bureau et doitrecevoir les justiciables avec seule-ment une rampe de lumière ; quantau juge d'instruction, la poignée dela porte de son bureau, cassée,n'est pas remplacée.

    La lumière entre dans le servicede l’application des peines du TGIde Lille, transféré en sous-sol, parde grands soupiraux à hauteur duplafond avec vue plongeante surles bureaux et les entretiens s’ydéroulant. La lumière artificielleest indispensable.

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  • A Dignes les Bains, les deux agentstechniques, particulièrement perfor-mants et débrouillards, récupèrentdu matériel pour permettre à la juri-diction de fonctionner sans achatssupplémentaires (faux-plafonds,meubles de bureau dans le bâti-ment à rénover, pots de peinturepour repeindre des bureaux, fuel...)

    Du fait du manque de salles d'au-dience du TGI de Cusset, lesaudiences du juge aux affairesfamiliales et des criées se déroulentaux mêmes lieu et moment. LeJuge aux Affaires familiales pro-cède donc à l'appel des causesavant de laisser la salle d'audiencepour l'audience des criées puis detenir l'audience. Cependant cetteorganisation est largement mise àmal en cas de vente à la criée, obli-geant les justiciables et avocats àpatienter avant que l'audience duJuge aux Affaires Familiales puissereprendre.

    La juridiction de Saint Omer dis-pose de 2 véhicules, dont l’un a étéaccidenté il y a 7 ans mais n’a pasété remplacé, malgré une certainedangerosité : les freins en étantdéfaillants, ce véhicule est réservéaux trajets en ville, et ne peut doncêtre utilisé pour les déplacementsdes juges de tutelles, les jugesd’application des peines au centrepénitentiaire…

    DES JURIDICTIONS SUR-CHAUFFÉES OU NONCHAUFFÉES

    Dans de nombreuses juridictions, laconfiguration des locaux, le matérielde chauffage et de climatisation et le

    coût de fonctionnement de ceux-cine permettent pas d'assurer aux uti-lisateurs des locaux une tempéra-ture adaptée.

    Souvent, également, l'anciennetédes huisseries favorise le passagedu froid et parfois même de lapluie...Ainsi en va-t-il à Dunkerque,au TPE de Reims, à Châlons enChampagne, à Douai, à Nantes(malgré le caractère récent deslocaux), Avesnes Sur Helpe (cer-tains bureaux n'ont pas de fenêtres,comme conçu par les architectes), àl'annexe du TGI de Boulogne SurMer (la chaudière tombe régulière-ment en panne), Lille (manque d'iso-lation), La Roche Sur Yon,Beauvais, Saintes, la Cour d'Appeld'Aix-En-Provence, Lons LeSaunier, Brest (où les magistrats ontun chauffage d’appoint) Angers, àLa Rochelle (où il est impossibled'ouvrir les fenêtres du service del'instruction, pour éviter un appel d'airsoulevant les dalles du plafond...),Colmar, Thionville, Mulhouse (oùle problème d'isolation a égalementdes répercussions sur l'insonorisa-tion puisqu'il est possible de suivre laconversation du bureau voisin),Strasbourg, Paris, Sarreguemines,Draguignan, Abbeville, Montauban(l'hiver 2009-2010 a été marqué parde nombreuses coupures de chauf-fage, faute de crédits pour les répara-tions), Perpignan (sauf dans la salled'audience principale, l'acte de jugerdevient une épreuve physique, parforte chaleur), Agen (ce qui crée desproblèmes de bruit et de chaleurpuisqu’il peut faire jusqu’à 41° danscertains bureaux), Auch, dans l'undes trois sites du TGI de Metz (oùdes températures très élevées ont puentraîner des malaises du person-

    nel), le service d'accueil de la Courd'Appel de Toulouse, Montbelliard(absence totale de climatisation, mal-gré des locaux entièrement vitrés),Albertville (il n'y a plus de créditspour le chauffage et les fenêtresfuient), Sarreguemines, Vannes (il afait 10 à 12 degrés dans la salle d’au-dition des tutelles pendant 15 jours,fin avril), Lorient (le chauffage estcoupé le week-end et il fait très froidle lundi matin), Laval (il peut fairejusqu’à 35 ou 40° l’été car les locauxsont vitrés), Pontoise (il n'y a nichauffage ni climatisation, alors queles bâtiments ont été inaugurés en2005), Versailles (certains bureauxn'ont ni store ni rideaux ; des storesont été commandés en 2006...).

    A Cambrai, la commission de sécu-rité a exigé la remise en marched'un système de ventilation du bâti-ment qui a de nouveau été coupé,car il diffuse de l'air froid dans toutle bâtiment. En hiver, le bâtimentest très froid le matin, notammentcar la dalle du premier étage est enpanne et ne peut être réparée fauted'argent pour la réparer. Le person-nel utilise des chauffages d'appoint,encore plus onéreux.

    La juridiction de Montluçon financeplus facilement des petits travaux sil’hiver n’est pas trop rigoureux et sides économies de chauffage peu-vent être réalisées. En octobre2010, la juridiction dispose du bud-get suffisant pour payer la moitiéd’une livraison de fuel alors que 2,5livraisons seraient nécessaires pourchauffer la juridiction…jusqu’à la findécembre 2010.

    Au Mans, seul le 5e étage de la citéjudiciaire dispose de la climatisa-

    LE BUDGET DE LA JUSTICE

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  • tion, de sorte qu’il fait plus de 40°dans les bureaux des autres étagesl’été alors même que les locauxsont récents. Le TGI étant constituéde nombreuses surfaces planes, unsystème de réfrigération par vapori-sation d’eau a été installé. Mais, dufait d’un problème de canalisation,l’eau ainsi vaporisée est chaude etentraîne un risque de légionellose.

    A Moulins, de gros problèmes dechaudière ne permettaient pas dechauffer la juridiction. Mais l'argenta fini par être débloqué aprèsqu'une audience solennelle a ététenue par 7,5°C....

    A Cusset, qui ne peut être suffisam-ment chauffé l'hiver, 1200 eurosseraient nécessaires pour mettre ensécurité la chaudière mais les tra-vaux ne peuvent être engagés. Latoiture devrait être traitée, également.

    A Compiègne, la dernière facturede gaz, pour le chauffage, nepourra pas être payée. C'était déjàle cas en 2009 et le budget a étéréduit de 15 000 euros cette année.

    Dans le bâtiment du TGI deBesançon, en partie vitré, la clima-tisation initialement prévue a duêtre abandonnée faute de crédits. Iln'est pas possible d'ouvrir les fenê-tres et il peut faire 35 degrés danscertains bureaux, l'été, de sorte qu'ila été nécessaire d'aménager leshoraires du greffe, notammentpénal. Le service de reprographie,situé dans des locaux en sous-soldans les anciennes cellules degarde à vue, n'a pas de fenêtres etest extrêmement confiné, sansaération.

    Heureusement, le sens pratiquedes agents techniques permet sou-vent aux tribunaux de connaître desconditions de fonctionnementmoins difficiles. Ainsi, à Digne lesBains, situé à 700 m d'altitude, lesbudgets de fonctionnement n'ontpas permis de chauffer le bâtimentdu Tribunal de Grande Instance àcompter de l'automne 2009. Lesagents techniques ont alors pompéles 2500 litres restant dans la cuvedu Tribunal d'Instance sur le pointde fermer, pour faire fonctionner lechauffage du Tribunal de GrandeInstance. Cependant, une tellesolution ne pourra être utilisée en2010...

    UNE HYGIÈNE DÉFECTUEUSE

    De même, les contraintes budgé-taires ne permettent pas unménage régulier, qui se limite sou-vent à la poussière et au vidage despoubelles : Colmar, Caen,Sarreguemines, Lille, Avesnes(où des allergies se développent dufait des moquettes), Dunkerque,Reims, Troyes, Poitiers, LesSables d'Olonne, Niort, Angers,la Roche Sur Yon, Amiens,Toulon, Compiègne, Quimper,Cahors, Auch et Brest, Versailles,Arras, Paris.

    Dans de nombreuses juridictions,les moquettes, murales ou pour lessols, posent des problèmes d'hy-giène, faute d'entretien. A Argentan,un magistrat a dû arracher elle-même sa moquette murale, où sedéveloppaient des champignons dufait de fuites d'eau. Des magistratsde Versailles ont repeint eux-mêmes leur bureau. Des problèmesd'acariens et d'hygiène se rencon-

    trent également à Perpignan.Les magistrats et fonctionnaires duTGI de Caen s'inquiètent des condi-tions d'hygiène : plusieurs ont eneffet vu leur problème d'asthme naî-tre ou s'aggraver depuis leur arrivéeau TGI...et disparaître à leur départ.

    Un magistrat de Paris a du jeter àterre ses papiers pendant plusieursjours avant de pouvoir bénéficierd'une simple corbeille à papiers...

    Aux TGI de Dunkerque, Bobigny,Aix En Provence, les toilettes sontrégulièrement bouchées et laissentéchapper des odeurs nauséa-bondes. Le TGI de Quimper a éga-lement été confronté à un problèmede chasses d’eau. Cahors connaitun problème d’entretien. Les toi-lettes du TGI de Paris sont notoire-ment insuffisantes, de même qu’àAmiens.

    Le TGI de Vannes a connu une rup-ture de stock de papier toilette pen-dant 1 semaine en 2009. A Briey,les 60 personnes du TGI se parta-gent 42 toilettes…mais sans papier.

    LE BUDGET DE LA JUSTICE

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