lacite mars 2014

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article sur les municipales à Issy-les-Moulineaux

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Page 1: Lacite mars 2014

6 MARS 2014 • LA CITÉ

L e soleil se couche sur le quartier du Fort à Issy-les-Mou-lineaux, ensemble d’immeubles tellement neufs qu’ils semblent sortis de leurs emballages. La place plonge

petit à petit dans le noir frileux de février. Un chiche éclairage bleuâtre y jette quelques zébrures ici et là. Dans la pénombre, Thomas Puijalon et son équipe se répartissent immeubles et étages pour y accomplir leur porte-à-porte. Campagne muni-cipale oblige. Âgé de 37 ans, cadre supérieur chez l’opérateur SFR, Tho-mas Puijalon occupe la tête de liste rassemblant le Parti so-cialiste auquel il appartient, le MoDem (centriste, mouvement créé par François Bayrou), Génération écologie et un groupe nommé Isséens engagés. Le jeune loup socialiste défie le vieux crocodile centriste, André Santini, 73 ans, maire d’Issy-les-Moulineaux depuis... 1980! Grand amateur de havanes et de calembours, figure haute en couleur des centristes de l’UDI (parti présidé par Jean-Louis Borloo), Santini est également dé-puté et fut membre du gouvernement français. Le «bleu» des «roses» s’attaque donc à rude partie. Mais, l’usure du pouvoir l’y aidant, l’outsider peut créer la surprise. Pour la provoquer, Thomas Puijalon s’inspire — à l’instar de l’équipe de campagne de François Hollande — des tactiques électorales mises au point par Barack Obama. Leurs caractéristiques principales se résument en une sym-biose entre les rencontres personnelles et les échanges inte-ractifs via internet. Les recettes qui ont servi à conquérir la Maison-Blanche peuvent aussi aider à emporter une ville de la banlieue de Paris. Issy-les-Moulineaux contredit le cliché ravagé et miséreux qui est trop souvent collé aux cités sises à la périphérie de la capitale. Avec ses recoins arborés aux allures quasi méditerra-néennes, elle paraît même cossue, si on la compare à d’autres villes moyennes françaises. Sa population (quelque 66 000 ha-bitants) est plutôt jeune avec une forte proportion de cadres supérieurs, ainsi que de cadres intermédiaires, employés et ouvriers. Issy accueille l’héliport de Paris et abrite le siège de nombreuses sociétés.

Flanqué de la conseillère municipale Cristina Soler, numé-ro 2 de sa liste, Thomas Puijalon s’apprête à investir le premier bâtiment. Il convient de ne pas commencer trop tôt, pour lais-ser aux habitants le temps de revenir à leur domicile. Mais à partir de la grand’messe télévisée du 20 Heures, les militants doivent plier bagage. Les gens n’aiment pas les coups de son-nettes nocturnes. À propos, de coup de sonnettes, Claude nous livre son truc: «Comme le facteur du roman de James Cain, il faut toujours sonner deux fois. Au premier coup, la personne hésite, se de-mande si ce n’est pas une erreur — après tout, elle n’attend sans doute personne. Au deuxième coup, la curiosité, ou l’agace-ment, l’emporte.» Après une trentaine de porte-à-porte, force est de reconnaître que la théorie du facteur s’est vérifiée. Dès que l’huis de l’appartement s’ouvre, Cristina Soler se présente. Pourquoi elle? C’est la régionale de l’étape comme l’on disait au Tour de France avant son américanisation. Af-firmer d’emblée sa proximité avec l’interlocuteur: «Bonsoir, je suis votre conseillère municipale et j’habite le quartier du Fort, juste à côté de chez vous.» Présentation de la tête de liste, Thomas Puijalon: «Vous avez vu son portrait sur les affiches, n’est-ce pas?» Histoire de souligner la notoriété du candidat. Un détail surprend. Le prétendant socialiste ne cache pas son appartenance au parti de François Hollande, le président le plus impopulaire de la Ve République. Se fait-il jeter? Pas du tout. Les gens s’en fichent. D’autant plus que Cristina Soler embraye sur des sujets qui les intéressent beaucoup plus, leur vie quotidienne. Après tout, c’est le boulot d’un maire, non? «Je n’arrive pas à chauffer mon appartement correctement, vous avez le même problème?» «Ah, ne m’en parlez pas! J’ai dû prendre des douches froides pendant tout le week-end», s’exclame un trentenaire en survêtement sportif. Le thème du chauffage devient central, si l’on ose dire. Chaque habitant a son expérience, bonne et souvent mauvaise, à exprimer. Thomas Puijalon poursuit sur un autre thème auprès d’une jeune femme qui s’apprête à donner le repas à sa fillette qui ga-zouille dans la cuisine: «Et les cambriolages?» La réponse fuse

au-dessus d’un petit pot de carottes: «Regardez donc, ils ont forcé la serrure. J’ai dû la changer. C’est incroyable!» Le can-didat d’opposition place alors juste une petite pointe contre son principal adversaire: «À la mairie, ils appellent ça un bizutage. Il paraît que les cambrioleurs choisissent en priorité les nou-veaux immeubles. C’est sympa, hein?» Toutefois, les attaques virulentes contre l’adversaire sont bannies. «On ne vient pas chez les gens pour porter de vaines polémiques. Ce qui nous in-téresse, c’est de faire remonter leurs propositions pour amélio-rer les choses et les inciter à intervenir sur notre site internet», nous explique Thomas Puijalon. Le candidat socialiste détaille ses tactiques de campagne qui reposent sur trois pieds: interventions sur les réseaux so-ciaux comme Facebook, avec ripostes immédiates aux adver-saires sur Twitter, afin aussi d’attirer l’attention des médias; porte-à-porte pour nouer un contact direct avec le maximum d’électeurs potentiels; réunions «Tupperware» au domicile d’un citoyen. Ce genre de séances privées, qui peut comprendre par-fois plusieurs dizaines de personnes, est particulièrement inté-ressant, note Thomas Puijalon: «Nous avons le temps de déve-lopper toute notre argumentation et de répondre directement aux questions, sans lourdeurs protocolaires.» Quant au porte-à-porte, il se révèle également d’une précieuse efficacité: «Selon une étude américaine, il faut 100 000 tracts distribués pour faire changer le vote d’un seul électeur, alors que treize contacts obtenus par le porte-à-porte peuvent suffire pour obtenir le même résultat.» Depuis dé-but octobre dernier, les supporteurs du candidat socialiste ont sonné à 2700 portes d’Isséens. Parviendront-ils à dépasser les 5200 logements atteints lors de la campagne de François Hol-lande? Pour ce soir, en tout cas c’est fini. Le 20 Heures sonne ses vêpres. 205 citoyens ont reçu la parole électorale. Claude a noté les numéros des appartements dont les portes ne se sont pas ouvertes, les communique à Thomas Puijalon. Et le candi-dat écrit un petit mot sur un tract qu’il glisse dans la boîte aux lettres de ceux qui ne se trouvaient pas chez eux. Rien n’est laissé au hasard.

GRAND ANGLE

Les tactiques électorales d’Obama inspirent les banlieues parisiennesLe jeune loup socialiste Thomas Puijalon défie le vieux crocodile centriste André Santini, maire sortant d’Issy-les-Moulineaux. Reportage sur les traces d’un candidat lors de l’un de ses porte-à-porte. texte et photos par Jean-Noël Cuénod paris

À GAUCHE, THOMAS PUIJALON. À DROITE, L’ÉQUIPE DE CAMPAGNE SE RÉPARTIT IMMEUBLES ET ÉTAGES. © JEAN-NOËL CUÉNOD, FÉVRIER 2014.