la croatie, membre de l'otan, candidate a l'union europenne

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La Croatie, membre de l'OTAN, candidate à l'Union Européenne 8 janvier 2010 La Croatie, membre de l'OTAN, candidate à l'Union Européenne Lors du sommet de Thessalonique (qui consacra la nouvelle forme de coopération et de soutien de l'Union Européenne aux Balkans) a été conceptualisé du 19 au 21 juin 2003 l'expression géographique de « Balkans occidentaux ». Elle correspond aux six états succédant à la Yougoslavie moins la Slovénie (intégrée très tôt à l'Union Européenne dès 2004) plus l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine et la Croatie. Après avoir fait un rapide rappel historique à propos de cette dernière, nous allons explorer ensemble la façon dont elle articule son intégration dans l'OTAN avec celle à l'Union Européenne. 1. L'éclatement de l'ex-Yougoslavie : un contexte historique conflictuel récent et lourd de conséquences 1.1 Naissance d'un nouvel Etat croate Mosaïque de peuples née du règlement de la Première Guerre Mondiale, intégrée au bloc communiste à partir de 1945, la République Socialiste Fédérale de Yougoslavie, dont le ferment semble être la personnalité de TITO, ne résiste pas à l'absence de successeur en 1980 et à l'effondrement du bloc de l'Est au début des années 90. Au terme d'élections multi-partites libres, de cet ancien ensemble (re)naissent alors des états distincts, sans qu'ait été résolu le problème des minorités. Si la nouvelle capitale de Serbie, Belgrade, renonce à imposer sa loi en Slovénie et en Macédoine, ce n'est pas le cas notamment en Croatie où vivent d'importantes minorités serbes. La Croatie déclare son indépendance le 25 juin 1991, voit le déclenchement d'une guerre fratricide, doublée de nombreuses exactions de toutes les parties prenantes, l'Union Européenne et l'ensemble de la communauté internationale interviennent dans le conflit au travers des forces de l'OTAN et reconnaisse la création de l'Etat croate le 15 janvier 1992. Ces transformations douloureuses sont toujours d'actualité, notamment avec des conflits armés au Kosovo pour lequel la question albanaise n'est toujours pas réglée dans la région. Nastasia DESANTI – Liqiang SUN - Richard CARLIER Master 1 Journalisme Européen - URCA Une situation identitaire fort complexe

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La Croatie, membre de l'OTAN, candidate a l'Union Europeenne

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Page 1: La Croatie, membre de l'OTAN, candidate a l'Union Europenne

La Croatie, membre de l'OTAN, candidate à l'Union Européenne 8 janvier 2010

La Croatie, membre de l'OTAN, candidate à l'Union Européenne

Lors du sommet de Thessalonique (qui consacra la nouvelle forme de coopération et de soutien de l'Union Européenne aux Balkans) a été conceptualisé du 19 au 21 juin 2003 l'expression géographique de « Balkans occidentaux ».

Elle correspond aux six états succédant à la Yougoslavie moins la Slovénie (intégrée très tôt à l'Union Européenne dès 2004) plus l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, l'Ancienne République Yougoslave de Macédoine et la Croatie.

Après avoir fait un rapide rappel historique à propos de cette dernière, nous allons explorer ensemble la façon dont elle articule son intégration dans l'OTAN avec celle à l'Union Européenne.

1. L'éclatement de l'ex-Yougoslavie : un contexte historique conflictuel récent et lourd de conséquences

1.1 Naissance d'un nouvel Etat croate

Mosaïque de peuples née du règlement de la Première Guerre Mondiale, intégrée au bloc communiste

à partir de 1945, la République Socialiste Fédérale de Yougoslavie, dont le ferment

semble être la personnalité de TITO, ne résiste pas à l'absence de successeur en 1980 et à

l'effondrement du bloc de l'Est au début des années 90.

Au terme d'élections multi-partites

libres, de cet ancien ensemble (re)naissent alors des états distincts,

sans qu'ait été résolu le problème des

minorités.

Si la nouvelle capitale de Serbie, Belgrade,

renonce à imposer sa loi en Slovénie et en Macédoine, ce

n'est pas le cas notamment en Croatie où vivent d'importantes minorités serbes.

La Croatie déclare son indépendance le 25 juin 1991, voit le déclenchement d'une guerre fratricide, doublée de nombreuses exactions de toutes les parties prenantes, l'Union Européenne et l'ensemble de la communauté internationale interviennent dans le conflit au travers des forces de l'OTAN et reconnaisse la création de l'Etat croate le 15 janvier 1992.

Ces transformations douloureuses sont toujours d'actualité, notamment avec des conflits armés au Kosovo pour lequel la question albanaise n'est toujours pas réglée dans la région.

Nastasia DESANTI – Liqiang SUN - Richard CARLIER Master 1 Journalisme Européen - URCA

Une situation identitaire fort complexe

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La Croatie, membre de l'OTAN, candidate à l'Union Européenne 8 janvier 2010

1.2 Une intégration facile auprès de l'OTAN

Toujours à l'affut des positions stratégiques dont les Balkans font partie, l'OTAN propose dès le 9 mai 2000 à la Croatie de devenir son partenaire : pendant cette période précédant son intégration effective, elle associe ce pays nouvellement souverain à ses activités dans toute la mesure du possible, et a toujours été moteur d'un effort de soutien et d'assistance.

Pour pouvoir intégrer de nouveaux pays, l’OTAN inscrit sa démarche d'accueil dans le cadre d'un «plan d’action pour l’adhésion» (MAP : Membership Action Plan).

Dans le cadre de ce protocole, l'OTAN adapte ses critères d'éligibilité dans un esprit « sur mesure », en fonction des problématiques propres à chacun des pays candidats.

Ces critères ont donc été négociés entre la Croatie et l'alliance militaire et se sont traduits par des plans de réforme et un plan national annuel d'application (ANP) ; parmi les domaines-clés figurent logiquement des réformes de fond dans les secteurs de la politique, de la question militaire et de la sécurité.

La Croatie a relevé ces défis et a rejoint l'OTAN en tant que membre officiel le 1er avril 2009.

Au-delà de l’attention particulière accordée à ce système d'intégration, le soutien du pays aux opérations dirigées par l'organisation militaire représente un aspect déterminant de coopération constructive et de participation active.

La Croatie a ainsi contribué, à la fois directement et indirectement, à la Force de Paix au Kosovo (KFOR) dirigée par l’OTAN.

Depuis 2003, elle participe aussi à la Force Internationale d'Assistance à la Sécurité (FIAS) pour le conflit actuel en Afghanistan.

1.3 Beaucoup de chemin parcouru au niveau politique

L'élection au poste de Président de la République du modéré Stjepan MESIC en 2000 représente un véritable tournant. Cette figure historique de l'ancienne République Yougoslave marque une volonté de démocratisation et d'ouverture à la question de l'intégration communautaire.

Au soir de sa réélection en 2005, il déclare : "Aujourd'hui la Croatie se dirige à grands pas vers l'Europe. Maintenant nous devons faire preuve d'unité, de consensus national afin de remplir nos objectifs" (son deuxième mandat arrive à son terme ces jours-ci : le deuxième tour de la présidentielle se déroule en effet le 10 janvier 2010).

Les relations entre tout ces états fédérés et nouvellement constitués sont encore tendues : elles reposent sur les cendres encore chaudes d'un conflit complexe et lourd de conséquences.

La Croatie se relève cependant progressivement au travers de sa démocratisation ; la plupart des auteurs de crimes de guerre ont été poursuivis dans le cadre du Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie (TPIY), la politique de privatisations a été largement enclenchée, l'esprit d'ouverture est massive au travers de nombreux investissements étrangers.

Ces évolutions se sont toutefois opérées avec de fortes résistances internes. Deux exemples, des affaires de corruption qui entachent les plus hauts responsables ou encore la présence de nationalistes extrémistes dans certaines structures de l'appareil d'État (notamment à la défense) et dans certaines régions stratégiques (comme Split, une des plus grandes villes du pays). Ces deux éléments ne garantissent toujours pas une totale homogénéité de son territoire et une bonne image du pays à l'étranger.

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La Croatie, membre de l'OTAN, candidate à l'Union Européenne 8 janvier 2010

2. Quelle légitimité pour une candidature croate à l'intégration européenne ?

2.1 Les conditions économiques pour pouvoir adhérer et réussir « l'examen de passage »

Seulement 8 ans après la fin des conflits, la Croatie s'est officiellement déclarée candidate le 21 février 2003 à l'adhésion à l'Union Européenne.

Le statut d'État candidat lui a été reconnu officiellement le 17 juin 2004 par les instances communautaires.

Pour pouvoir adhérer les Etats doivent mener à bien une séries d'importantes réformes pour se mettre en conformité avec les critères de convergence européens : ils exigent que l'administration des Etats candidats doivent mener les réformes nécessaires à la maîtrise de l'inflation, de la dette publique et du déficit public, la stabilité du taux de change et la convergence des taux d'intérêt.

La situation était plutôt bonne avant la crise mais ce n'est plus le cas aujourd'hui, le déficit public était en baisse, la croissance était positive en 2008 (2,4%) mais a connu une très forte baisse en 2009 (- 6%).

Dans le domaine institutionnel, le pays candidat doit s'assurer de disposer d'un état de droit et de lutter contre la corruption et le crime organisé : nous avons pu voir que les affaires de corruption sont monnaie courante, ce fut un thème central des dernières élections présidentielles.

Dans le même temps, le pays candidat à l'intégration européenne est dans l'obligation de (faire) respecter les principes de démocratie et de droits de la personne, le tout dans un cadre de libéralisation de son économie et d'ouverture à la concurrence.

Ce chantier aurait pu être considéré comme long et particulièrement difficile à mettre en oeuvre : les succès croates auront été nombreux, rapides et parfois cités en exemple mais de douloureuse pierres d'achoppement auront aussi été au rendez-vous.

2.2 Les facteurs géopolitiques en jeu : des contradictions entre ce pays candidat et les motivations de l'Union Européenne pour l'accueillir

Le processus d'intégration dans l'Union Européenne est en bonne marche pour la Croatie.

Après de nombreuses étapes encourageantes (comme la signature d'un accord de stabilisation avec l'ensemble de ses voisins ou encore une politique de rigueur monétaire exemplaire), mais aussi après des embuches certaines, la Slovénie fait jouer son droit de véto en plein processus d'intégration de sa voisine le 17 décembre 2008 (tous les Etats Membres possèdent en effet un droit de refus sur les possibilités d'adhésion d'un nouveau pays à l'Union Européenne).

Cette malencontreuse initiative sonne le blocage du processus d'intégration de la jeune république : alors que depuis le 17 juin 2004 la Croatie dispose du statut de candidat officiel, le 3 octobre 2005, l'Union Européenne avait reconnu qu'elle remplissait bien les conditions pour lancer plus avant les étapes de son adhésion définitive.

En cause, un contentieux territorial datant de l'indépendance et qui l'oppose à sa voisine : ce différent porte sur la délimitation des frontières maritimes dans le Golfe de Piran.

La Slovénie dispose au fond de l'Adriatique d'une étroite bande de littoral de 37 km, coincée entre les eaux territoriales italiennes et croates. En déplaçant légèrement la frontière terrestre, cela permettrait à la Slovénie d'accéder directement aux eaux internationales : elle souhaite donc que soit déplacée cette frontière pour pouvoir remplir cet objectif.

Cette question est devenue au fil des ans un enjeu majeur de chacune des politiques nationales de ces deux protagonistes. L'Union Européenne essaie d'intervenir en vain et ce n'est qu'une rencontre des deux premiers ministres, slovène (M. Borut PAHOR) et croate (Mme Jadranka KOSOR) le 11 septembre 2009 qui permet de désamorcer la crise en attendant que la Croatie rejoigne l'Union Européenne et que sa limite soit ainsi déplacée d'autant.

Depuis le mois d'octobre, l'Union Européenne a donc accepté de reprendre les négociations, conditionnées à un dialogue bilatéral raisonnable entre ces deux pays. Le Commissaire Européen pour l'Elargissement, M. Olli REHN, a ainsi confirmé que « la Croatie se rapproche de la ligne d'arrivée » : d'après lui, les

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La Croatie, membre de l'OTAN, candidate à l'Union Européenne 8 janvier 2010

négociations pourraient être bouclées d'ici l'été 2010.

Tout ces retards auront cependant fait gagner du terrain à l'euroscepticisme parmi le peuple croate : il a mené au pas de charge et au prix de nombreux efforts toutes les difficiles réformes nécessaires pour pouvoir atteindre ses objectifs.

Les négociations avec les Slovènes pour le règlement du différent sur le partage des eaux territoriales auront obligés les Croates à céder sur des positions qu'ils leur tenait particulièrement à coeur, un retard certain n'arrange pas leurs affaires.

ConclusionDe nombreux points d'équilibre restent encore à être trouvés dans les Balkans à la suite de la série de guerres des années 90.

L'intégration de la Slovénie a été extrêmement rapide (2004) grâce à une petite taille et une situation plus simple ; a contrario, le climat est toujours tendu et le chemin reste encore long, complexe et semé d'embuches pour des pays comme la Bosnie-Herzégovine ou la Serbie.

Plusieurs analystes se posent d'ailleurs la question des motivations du véto slovène : une intégration (trop ?) proche de la Croatie, alors que la Serbie rencontre toujours de sérieuses difficultés à rejoindre les critères de convergence, et pour laquelle l'adhésion ne peut être envisagé avant de nombreuses années, pourrait représenter un déséquilibre évident dans une région où les sensibilités sont encore exacerbées et où le temps n'a pas encore fait toute son oeuvre pour assurer le calme indispensable dans une région qui était encore à feu et à sang il y a moins de 10 ans.

Pour conclure, on peut dire que La Croatie souhaite adhérer pour pouvoir être plus indépendante et ainsi se détacher de la région des Balkans. Dans le même temps, l'Union Européenne considère l'intégration de ce pays comme une tête de pont au sein de cette région stratégique, mais elle souhaite le faire à son rythme et à ses conditions.

Bibliographie

Sites Internet

Ambassade de Croatie à Paris

Article collectif (2009). Elargissements : vers un doublé Croatie et Islande, Euronews, publié le 14 octobre 2009

COMPAGNON, O. (2008). L'éclatement de la Yougoslavie, Encyclopédie Universalis en ligne

CHENU, G-M. (2008). Les Balkans occidentaux et l'intégration européenne, diploweb.com, publié le 10 janvier 2009

LEVEILLÉ, B. (2008), Querelle de clocher entre Croates et Slovènes, rfi.fr, publié le 30 Novembre 2008

Page de présentation de l'intégration de la Croatie sur le site de l'OTAN

Périodiques

Article collectif (2009). La Croatie de retour dans le jeu européen, Gazeta Wyborcza, publié le 2 octobre 2009

BANKCROFT, I. (2009). Les illusions perdues des Balkans, The Guardian, publié le 15 juillet 2009

DÉRENS, J.-A. (2009). Interminables fiançailles entre Bruxelles et les Balkans, Le Monde Diplomatique, numéro de novembre 2009 - p.14 & 15

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