international - le devoir€¦ · les amériques et dans le monde. ... pour faire de plus en plus...

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ETIENNE PLAMONDON EMOND «I l y a eu une époque l’isolement, c’était stratégique. Plus on était isolé, plus on pouvait gar- der notre culture, notre langue et notre identité, admet à l’autre bout du fil Denis Desgagné, pré- sident-directeur général du Cen- tre de la francophonie des Amé- riques. Maintenant, on est dans une stratégie complètement contraire. On brise l’isolement et on se met en contact grâce aux outils numé- riques. Il y a un grand change- ment de para- digme, de stratégie, de culture, qu’il faut opérer. Et c’est ce qu’on tente de faire. » Première étape : briser cette impression qu’ont les franco- phones que peu de gens parlent leur langue de ce côté-ci de l’At- lantique. Or, au-delà des appa- rences, les francophones se- raient plus nombreux à l’exté- rieur du Québec qu’on le pense. Denis Desgagné donne en exemple les 11 millions d’habi- tants, seulement aux États-Unis, qui ont déclaré lors du recense- ment de 2000 avoir une origine ethnique « française ». «Il m’est arrivé, lors de réu- nions au Québec, de parler d’un espace franco- phone économique et d’entendre cer- tains me répondre que cet espace-là doit se faire en anglais, que c’est naturelle- ment ainsi. Pourtant, dans les rencontres que j’ai un peu partout, je constate que les Caraïbes voudraient travailler avec le Québec, le Canada et la Franco- phonie en français. Il y a un es- pace qu’il faut mettre en place. Et ce n’est pas un espace isolé des autres, que ce soit des espaces his- panophones, lusophones, etc. » C’est d’ailleurs pour combat- tre la méconnaissance du fait français existant au sud de la frontière canadienne que le Cen- tre de la francophonie des Amé- riques présentera dans six villes québécoises, du 12 au 21 mars prochains, la pièce La souillonne. Ce monologue écrit par Nor- mand Beaupré, qui met en scène l’alter ego étatsunien de la Sagouine, sera ainsi pré- senté pour la première fois au Québec. Une façon toute cultu- relle d’entrer en contact, puis d’échanger, de partager avec d’autres communautés franco- phones à quelques kilomètres d’ici. « On va souvent entendre que l’avenir de la francophonie, c’est l’Afrique. C’est vrai et c’est extraordinaire. Ils ont le nom- bre et c’est un joueur extrême- ment important qui donne du poids. Mais ceux qui vivent en minorité, donc en marge, sont obligés de trouver des solutions auxquelles on ne pense pas lorsque l’on est dans la majo- rité », évoque M. Desgagné. Selon lui, les Québécois au- raient avantage à s’inspirer des mécanismes mis en place par les minori- tés ailleurs sur le conti- nent pour protéger leur langue, leur culture et leur identité, tout comme les autres communautés francophones peuvent trouver des solutions à leurs problèmes dans les expériences du Québec. Carnet francophone Pour rendre encore plus pal- pable et concrète la présence francophone en Amérique, le Centre a investi dans les outils virtuels. L’automne dernier, il a mis en ligne le Carnet de la francophonie des Amériques. Ce répertoire des organismes francophones et de leurs coor- données couvre 54 pays. Près de 12 000 données y sont réu- nies jusqu’à maintenant. « Il y a beaucoup de services en fran- çais. Ça va être un bel outil pour démontrer, par ceux qui vont s’y inscrire, la dynamique sur le territoire. » Le carnet se remplit progressivement, mais certains États ou communau- tés ont répondu plus vite à l’ap- pel. « Le Brésil aspirait à rapi- dement mettre ensemble les in- formations pour s’assurer que le carnet soit accessible en prévi- sion la Coupe du monde de foot- ball », affirme M. Desgagné. Toujours pour donner un meilleur accès à la francopho- nie des Amériques, le Centre lancera officiellement le 11 avril prochain sa bibliothèque numé- rique. « Les gens qui sont à l’exté- rieur du Canada n’ont pas accès à des livres [en français]. Sinon, ils ont accès à ce qui vient de la France et de l’Europe. Ils ont donc des référents culturels euro- péens. C’est très bien. Sauf que là, ils pourront désormais avoir — et c’est très demandé — accès à des ressources et à la culture américaines [francophones] », explique-t-il. De plus, le Centre mise beaucoup aussi sur son initia- tive de Radio jeunesse des Amériques, un espace radio- phonique sur le Web composé d’un volet éducatif et citoyen. Ce projet mobilise les jeunes francophones et francophiles des milieux scolaires et com- munautaires du continent. Car au-delà de mettre en contact les différentes commu- nautés francophones, M. Des- gagné croit que la francopho- nie des Amériques doit s’ou- vrir à tous les francophiles du territoire. « Il faut augmenter notre capacité d’empathie et de rapport interculturel ou trans- culturel. » Dans les formations fournies par le Centre, comme dans son université d’été, M. Desgagné affirme que le dialogue interculturel est abondamment abordé, car il s’agit d’un autre enjeu primor- dial pour la vitalité de la franco- phonie à ses yeux. « Il n’y a pas tellement long- temps, on était avec des cher- cheurs en Louisiane et on pré- sentait une table ronde de fran- cophones et de Métis de l’Ouest canadien sur le rapprochement que ces derniers sont en train de réaliser par un processus de jus- tice réparatrice ou de dialogue interculturel, raconte M. Desga- gné. Quand les gens de la Loui- siane ont entendu ça, il y a des Créoles qui ont dit qu’ils se sen- taient exclus de la francophonie de la Louisiane. Puis, il y a des Premières Nations qui parlent français qui se sentaient aussi exclues. Après, on a appris qu’il y avait des Canadiens noirs et des Créoles blancs qui se sen- taient exclus. Comment peut-on bâtir une francophonie quand tout le monde se sent exclu ? » Une fois, de plus M. Desga- gné croit qu’il faut changer les perceptions. Pourquoi un Afri- cain s’exprimant en français est- il automatiquement désigné comme francophone, même s’il ne s’agit pas de sa langue mater- nelle, alors qu’une personne dont la première langue est l’an- glais, l’espagnol ou le portugais n’est pas considérée comme francophone même si elle maî- trise parfaitement la langue de Molière? «Peut-être qu’on de- vrait avoir une réflexion à ce su- jet , croit M. Desgagné. Si on peut faire en sorte qu’il y ait plus de francophones francophiles et plus de francophiles pas nécessai- rement francophones, la franco- phonie va se porter mieux dans les Amériques et dans le monde. On va devenir beaucoup plus atti- rant et attrayant pour les jeunes.» Collaborateur Le Devoir Les francophones d’Amérique ignorent-ils l’importance de leurs semblables sur le continent ? Un peu trop au goût de De- nis Desgagné, président-directeur général du Centre de la francophonie des Amériques. Son principal défi, à l’heure ac- tuelle, consiste à briser l’isolement des différentes commu- nautés de langue française du territoire et de ses locuteurs francophones. « Comment bâtir une francophonie quand tout le monde se sent exclu ? » Le Centre de la francophonie des Amériques veut rejoindre tous les francophones du Nord et du Sud Jean-François Lisée croit en une francophonie économique Page 2 INTERNATIONAL FRANCOPHONIE Abdou Diouf plaide pour la diversité culturelle et linguistique Page 3 Les universitaires s’activent pour une production agricole et durable Page 6 CAHIER THÉMATIQUE G › L E D E VO I R , L E S SA M E D I 8 E T D I M A N C H E 9 M A R S 2 01 4 SAUL LOEB AGENCE FRANCE-PRESSE Les francophones d’Amérique sont beaucoup plus nombreux hors du Québec que ce que l’on peut croire. En l’an 2000, 11 millions d’Américains ont dit avoir des origines ethniques «françaises».

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Page 1: INTERNATIONAL - Le Devoir€¦ · les Amériques et dans le monde. ... pour faire de plus en plus ... ministre des Relations interna-tionales, toute entreprise qui n’a pas son certificat

E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

«I l y a eu une époqueoù l’isolement,c’était stratégique.Plus on était isolé,plus on pouvait gar-

der notre culture, notre langue etnotre identité, admet à l’autrebout du fil Denis Desgagné, pré-sident-directeur général du Cen-tre de la francophonie des Amé-riques. Maintenant, on est dansune stratégie complètementcontraire. On brise l’isolement eton se met encontact grâceaux outils numé-riques. Il y a ungrand change -m e n t d e p a r a -digme, de stratégie,de culture, qu’ilfaut opérer. Et c’estce qu’on tente defaire.»

Première étape : briser cetteimpression qu’ont les franco-phones que peu de gens parlentleur langue de ce côté-ci de l’At-lantique. Or, au-delà des appa-rences, les francophones se-raient plus nombreux à l’exté-rieur du Québec qu’on le pense.Denis Desgagné donne enexemple les 11 millions d’habi-tants, seulement aux États-Unis,qui ont déclaré lors du recense-ment de 2000 avoir une origineethnique «française».

« Il m’est arrivé, lors de réu-nions au Québec, de parler d’un

espace franco-phone économique

et d’entendre cer-tains me répondre

que cet espace-là doitse faire en anglais,que c’est naturelle-ment ainsi. Pourtant,dans les rencontres quej’ai un peu partout, jeconstate que les Caraïbes

voudraient travailler avec leQuébec, le Canada et la Franco-phonie en français. Il y a un es-pace qu’il faut mettre en place.Et ce n’est pas un espace isolé desautres, que ce soit des espaces his-panophones, lusophones, etc.»

C’est d’ailleurs pour combat-tre la méconnaissance du faitfrançais existant au sud de lafrontière canadienne que le Cen-tre de la francophonie des Amé-riques présentera dans six villesquébécoises, du 12 au 21 marsprochains, la pièce La souillonne.

Ce monologue écrit par Nor-mand Beaupré, qui met enscène l’alter ego étatsunien dela Sagouine, sera ainsi pré-senté pour la première fois auQuébec. Une façon toute cultu-relle d’entrer en contact, puisd’échanger, de partager avecd’autres communautés franco-phones à quelques kilomètresd’ici. «On va souvent entendreque l’avenir de la francophonie,c’est l’Afrique. C’est vrai et c’estextraordinaire. Ils ont le nom-bre et c’est un joueur extrême-ment important qui donne dupoids. Mais ceux qui vivent enminorité, donc en marge, sontobligés de trouver des solutionsauxquelles on ne pense paslorsque l’on est dans la majo-rité», évoque M. Desgagné.

Selon lui, les Québécois au-raient avantage à s’inspirer

des mécanismes mis enplace par les minori-

tés ailleurs sur lec o n t i -

nent pour protéger leur langue,leur culture et leur identité, toutcomme les autres communautésfrancophones peuvent trouverdes solutions à leurs problèmesdans les expériences du Québec.

Carnet francophonePour rendre encore plus pal-

pable et concrète la présencefrancophone en Amérique, leCentre a investi dans les outilsvirtuels. L’automne dernier, il amis en ligne le Carnet de lafrancophonie des Amériques.Ce répertoire des organismesfrancophones et de leurs coor-données couvre 54 pays. Prèsde 12 000 données y sont réu-nies jusqu’à maintenant. «Il y abeaucoup de services en fran-çais. Ça va être un bel outilpour démontrer, par ceux quivont s’y inscrire, la dynamiquesur le territoire. » Le carnet seremplit progressivement, maiscertains États ou communau-tés ont répondu plus vite à l’ap-pel. « Le Brésil aspirait à rapi-dement mettre ensemble les in-formations pour s’assurer que lecarnet soit accessible en prévi-sion la Coupe du monde de foot-ball », affirme M. Desgagné.

Toujours pour donner unmeilleur accès à la francopho-nie des Amériques, le Centrelancera officiellement le 11 avrilprochain sa bibliothèque numé-rique. «Les gens qui sont à l’exté-rieur du Canada n’ont pas accèsà des livres [en français]. Sinon,ils ont accès à ce qui vient de la

France et de l’Europe. Ils ontdonc des référents culturels euro-péens. C’est très bien. Sauf quelà, ils pourront désormais avoir— et c’est très demandé — accèsà des ressources et à la cultureaméricaines [francophones]»,explique-t-il.

De plus, le Centre misebeaucoup aussi sur son initia-tive de Radio jeunesse desAmériques, un espace radio-phonique sur le Web composéd’un volet éducatif et citoyen.Ce projet mobilise les jeunesfrancophones et francophilesdes milieux scolaires et com-munautaires du continent.

Car au-delà de mettre encontact les différentes commu-nautés francophones, M. Des-gagné croit que la francopho-nie des Amériques doit s’ou-vrir à tous les francophiles duterritoire. « Il faut augmenternotre capacité d’empathie et derapport interculturel ou trans-culturel. » Dans les formationsfournies par le Centre, commedans son université d’été,M. Desgagné af firme que ledialogue interculturel estabondamment abordé, car ils’agit d’un autre enjeu primor-dial pour la vitalité de la franco-phonie à ses yeux.

« Il n’y a pas tellement long-temps, on était avec des cher-cheurs en Louisiane et on pré-sentait une table ronde de fran-cophones et de Métis de l’Ouestcanadien sur le rapprochementque ces derniers sont en train de

réaliser par un processus de jus-tice réparatrice ou de dialogueinterculturel, raconte M. Desga-gné. Quand les gens de la Loui-siane ont entendu ça, il y a desCréoles qui ont dit qu’ils se sen-taient exclus de la francophoniede la Louisiane. Puis, il y a desPremières Nations qui parlentfrançais qui se sentaient aussiexclues. Après, on a appris qu’ily avait des Canadiens noirs etdes Créoles blancs qui se sen-taient exclus. Comment peut-onbâtir une francophonie quandtout le monde se sent exclu?»

Une fois, de plus M. Desga-gné croit qu’il faut changer lesperceptions. Pourquoi un Afri-cain s’exprimant en français est-il automatiquement désignécomme francophone, même s’ilne s’agit pas de sa langue mater-nelle, alors qu’une personnedont la première langue est l’an-glais, l’espagnol ou le portugaisn’est pas considérée commefrancophone même si elle maî-trise parfaitement la langue deMolière ? «Peut-être qu’on de-vrait avoir une réflexion à ce su-jet, croit M. Desgagné. Si onpeut faire en sorte qu’il y ait plusde francophones francophiles etplus de francophiles pas nécessai-rement francophones, la franco-phonie va se porter mieux dansles Amériques et dans le monde.On va devenir beaucoup plus atti-rant et attrayant pour les jeunes.»

CollaborateurLe Devoir

Les francophones d’Amérique ignorent-ils l’importance deleurs semblables sur le continent ? Un peu trop au goût de De-nis Desgagné, président-directeur général du Centre de lafrancophonie des Amériques. Son principal défi, à l’heure ac-tuelle, consiste à briser l’isolement des dif férentes commu-nautés de langue française du territoire et de ses locuteursfrancophones.

«Comment bâtir une francophonie quandtout le monde se sent exclu?»Le Centre de la francophonie des Amériques veut rejoindre tous les francophones du Nord et du Sud

Jean-FrançoisLisée croit en unefrancophonieéconomiquePage 2

INTERNATIONALFRANCOPHONIE

Abdou Dioufplaide pour ladiversitéculturelle etlinguistique Page 3

Les universitairess’activent pourune productionagricole etdurable Page 6

C A H I E R T H É M A T I Q U E G › L E D E V O I R , L E S S A M E D I 8 E T D I M A N C H E 9 M A R S 2 0 1 4

SAUL LOEB AGENCE FRANCE-PRESSE

Les francophones d’Amérique sont beaucoup plus nombreux hors du Québec que ce que l’on peut croire. En l’an 2000, 11 millions d’Américains ont dit avoir des origines ethniques «françaises».

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C L A U D E L A F L E U R

«C ’est tolérance zéro quantaux bris d’éthique pour

les entreprises québécoises quiagissent au Sud, déclare Jean-François Lisée. Cela fait partiede cette réputation du Québecqu’on veut promouvoir : pragma-tisme, efficacité et intégrité !»

Car le Québec est l’un deceux qui insistent beaucouppour que le Sommet de Da-kar développe une stratégieéconomique : « Il y a uneréelle volonté, indique M. Li-sée, pour faire de plus en plusd’économie. »

En pratique, il s’agira deconvaincre les entreprises,tant celles du Sud que duNord, qu’il existe un espaceéconomique où on peut faire

af faires en français. « Selonnous, la façon la plus simpled’entrer sur le marché interna-tional, c’est dans sa langue,poursuit M. Lisée. Notre straté-gie économique, c’est de dire :ne pensez pas que de passer àl’anglais soit la chose la plus fa-cile pour devenir des expor ta-teurs mondiaux. Non. Commen-cez par faire des af faires avecles Québécois, les Français, lesBelges, les Suisses et les Afri-cains francophones pour en-suite conquérir le monde. »

Même en zoneanglophone

À titre de ministre représen-tant le Québec à l’étranger,Jean-François Lisée se fait leténor d’une présence beau-coup plus forte de nos entre-

prises en Afrique francophone.« Mais j’insiste énormément

pour que cela se fasse en ap-pliquant une grande responsa-bilité sociale de la part des en-

trprises, dit-il. Cela veut dire :respect des droits des travail-leurs, et que, dans la chaînedes approvisionnements, ons’assure que les droits des sa-

lariés soient respectés . Çaveut aussi dire : pas de travailpour les enfants et que les en-treprises respectent toutes lesnormes édictées par les orga-

nisations internationales dutravail. »

D’autre part, il estime quenos entreprises ont beaucoupà of frir en matière de solu-t ions et de technologiesver tes. « Au Québec, noussommes en avant du peloton —certainement en Amérique duNord — en matière de réduc-tion de nos émissions de gaz àef fet de serre, dans la transfor-mation verte de nos entreprises,alors que nous venons d’ajouterl’électrification des transports »,fait-il remarquer.

Nos entreprises ont en ou-tre un rôle à jouer dans l’utili-sation du français dans l‘écono-mie internationale. M. Liséecite l’exemple de Benoît LaSalle, fondateur de SEMAFOqui mène des activités auri-fères en Afrique. « Son entre-prise minière opère entièrementen français en Afrique franco-phone, précise M. Lisée. Voilàqui ne va pas de soi, puisque là-bas, les minières proviennentd’Afrique du Sud et du Canada,et donc tout se fait en anglais. »

Or, SEMAFO étant une en-treprise québécoise, elle y tra-vaille en français ; ses cadressont francophones et elle em-bauche des salariés locaux quitravaillent en français. « Tantqu’on ne voit pas ça, on ne saitpas que c’est possible», constateavec satisfaction le ministre.

Tolérance zéro!Pour Jean-François Lisée,

les questions éthiques sonttrès impor tantes, « puisquenous voulons avoir une réputa-tion d’intégrité, dit-il. Et c’estpourquoi, depuis que je suisministre des Relations interna-tionales, toute entreprise quin’a pas son cer tificat d’inté-grité de l’AMF ne peut partici-per à nos missions commer-ciales à l’étranger. »

Pour lui, les entreprisesdoivent appliquer de bonnespratiques d’af faires ailleurscomme au Québec . « Cesb o n n e s p r a t i q u e s s o n téthiques et à la fois prennenten compte le développementdurable, comme on le fai tici », précise-t-il.

« Et j’ai bien dit aux entre-prises : si vous êtes reconnuescoupables d’un bris d’éthiquedans un pays étranger, vous per-drez votre certificat d’intégritéau Québec, lance M. Lisée. Çafait partie de la volonté de no-tre gouvernement d’être sansmerci pour la corruption et lacollusion, et ça se reflète à l’in-ternational aussi. »

Le ministre constate en ou-tre que l ’un de nos grandsatouts à l’étranger, c’est lefait que nos entreprises sontconsidérées comme étant deg r a n d e q u a l i t é , p r a g m a -tiques et, sur tout, non arro-gantes. « Souvent, on me dit :“Nous connaissons d’autrespays qui sont très arrogants.Mais vous, vous avez un élé-ment de convivialité et de dia-logue.” Voilà qui m’est trèscher, et je tiens à ce que l’inté-grité fasse par tie de notre ré-putation internationale. »

La charte? Pas un problème!

Quant au débat sur la chartede la laïcité qui secoue le Qué-bec, pour le ministre des Rela-tions internationales, ce n’estvraiment pas un problème.« Lors de mes voyages, dit-il, jerencontre quantité d’investis-seurs, de gens qui font du com-merce et, bien sûr, plein de res-ponsables politiques… Or, lachar te, pour eux, n’est nulle-ment une préoccupation. »

« Si à Toronto, on trouveépouvantable de se demandercomment on doit gérer le lienentre l’État et la religion, par-tout ailleurs, on a ce débat-là,observe M. Lisée. Même dansles pays musulmans, on débatde la place des signes religieuxdans la fonction publique.Donc, pour tout le monde, cen’est pas une nouveauté. »

C e q u ’ o n o b s e r v e p a rcontre, poursuit-il, c’est le faitque depuis le dépôt du projetsur la charte, « le nombre de de-mandes d’immigration au Qué-bec provenant de pays d’Afriquedu Nord [donc musulmans] aaugmenté de 79%!»

CollaborateurLe Devoir

En novembre se tiendra à Dakar, au Sénégal, le 15e Sommetdes pays francophones. L’un des objectifs, s’il n’en tient qu’auQuébec, sera de conférer à cet espace culturel un caractèreéconomique. Ce faisant, Québec préconise que nos entre-prises étendent leurs activités à l’ensemble des pays franco-phones, mais à condition de respecter de sévères règlesd’éthique et de bonne gouvernance. Le ministre québécoisdes Relations internationales, de la Francophonie et du Com-merce extérieur, Jean-François Lisée, explique.

QUÉBEC INTERNATIONAL

Vers une francophonie économique?«Ne pensez pas que de passer à l’anglais soit la chose la plus facile pour devenir des exportateurs mondiaux »

F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 8 E T D I M A N C H E 9 M A R S 2 0 1 4G 2

TIRAGE D’UNE LISEUSE PARMI LE PUBLIC À CHACUN

DE CES ÉVÉNEMENTS !PARTICIPEZ ET COUREZ

LA CHANCE DE GAGNER !

CINÉ-RENCONTRE UN RÊVE AMÉRICAIN

Partez à la découverte des communautés francophones des États-Unis, avec le musicien

16 mars 2014 à 14 hÀ la Chapelle du Musée

de l’Amérique francophone,2, côte de la Fabrique, Québec

SPECTACLE JAZZ-FOLK-ROCK avec ALEXIS NORMAND (SASKATCHEWAN)et RAPHAËL FREYNET (ALBERTA)

Ces deux multi-instrumentistes combinent leur répertoire pour présenter un spectacle unique qui incarne la chanson francophone de l’Ouest actuelle.

9 mars à 20 h, au Verre Bouteille, 2112 Avenue du Mont-Royal Est, Montréal,et 18 mars à 19 h 30, au Studio P,280 Saint-Joseph Est, Québec

LA SOUILLONNE

Émouvant monologue interprété par Marie Cormier, La Souillonne se veut La Sagouine franco-américaine. Elle se « débourre le cœur » sur scène, comme on dit dans sa langue populaire, à la façon d’Antonine Maillet.

13 mars à 20 h à Coaticook, 14 mars à 14 h à Victoriaville, 14 mars à 20 h à Richmond, 20 mars à 20 h à Saint-Georges de Beauce et 21 mars à 14 h à Québec

DANS LE CADRE DU MOIS DE LA FRANCOPHONIE, LE CENTRE DE LA FRANCOPHONIE DES AMÉRIQUES VOUS PROPOSE UNE MULTITUDE D’ACTIVITÉS !

DANS UNE MISE EN SCÈNE DE NORMAND BEAUPRÉ ET MARIE CORMIERTiré du roman Petit Mangeur de Fleurs de l’auteur franco-américain NORMAND BEAUPRÉ

ÉMOUVANT MONOLOGUE, INTERPRÉTÉ

MAGISTRALEMENT PAR MARIE CORMIER.

CETTE PIÈCE PRENDRA L’AFFICHE DANS

6 MUNICIPALITÉS AU QUÉBEC.

LA SOUILLONNELa Souillonne se veut La Sagouine

franco-américaine. Elle « se débourre le cœur » sur scène, comme on dit

dans sa langue populaire, à la façon d’Antonine Maillet.

POUR LA PREMIÈRE FOIS AU QUÉBEC! MARS 2014

LES AMÉRIQUES LITTÉRAIRES - LITTÉRATURE FRANCOPHONE DES CARAÏBES

Découvrez des écrivains d’Haïti et d’ailleurs en plus de quelques notions de créole, avec Gary Victor, un des romanciers les plus lus en Haïti, et Alix Renaud, écrivain et linguiste.

20 mars 2014 à 19 h 30À la Chapelle du Musée de l’Amérique francophone, 2, côte de la Fabrique, Québec

Réservations

FRANÇOIS PESANT LE DEVOIR

La mission de Jean-François Lisée au Sommet des pays francophones de Dakar sera de convaincreles entrepreneurs que le français peut être une langue pour les af faires.

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R É G I N A L D H A R V E Y

I l quittera ses fonctionscomme secrétaire général de

l’OIF vers la fin de la présenteannée, et il a déclaré plus d’unefois qu’il n’entend pas faire debilan de son passage aux com-mandes de cet organismeavant le Sommet de Dakar auSénégal à la fin de novembreprochain; Abdou Diouf réservece discours aux chefs d’État etaux représentants gouverne-mentaux qui seront présentsdans son pays natal.

10 ans plus tardIl consent tout de même à dé-

gager quelques dates charnièresfondatrices pour la francophoniedepuis son entrée en fonction en2003: «Nous avons fait énormé-ment de choses, c’est difficile de ré-sumer 10 ans en quelquesphrases! Je pense qu’il faut quandmême signaler deschangements institu-tionnels importants ausein de l’Organisation,comme l’adoption duCadre stratégique dé-cennal en 2004 ou lanouvelle Charte de laFrancophonie en 2005,qui a notamment menéà une modernisation età une plus grande effi-cacité de l’OIF. N’ou-blions pas l’adoption, eno c t o b r e 2 0 0 5 , àl ’ U N E S C O , d e l aConvention sur la pro-tection et la promotionde la diversité des expressions cul-turelles, pour laquelle la Franco-phonie s’est fortement mobiliséedès 2001.»

Il se tourne vers un autrechamp d’action : « Dans le do-maine politique, nos États etgouvernements membres ontadopté, en 2006, à Saint-Boni-face, une Déclaration sur laprévention des conflits et la sé-curité humaine. Ils ont égale-ment célébré, en 2012, les dixans de la Déclaration de Ba-mako, qui fixe les règles del’OIF en matière de démocratie,droits et liber tés. Je pourraiségalement vous citer l’étroitecoopération que nous menonsavec de nombreuses organisa-tions internationales, dont leCommonwealth, ou des projetsqui mobilisent tous les acteursde la Francophonie institution-nelle, comme le projet de volon-tariat francophone, qui encou-rage la mobilité pour les jeunesâgés de 21 à 34 ans, ou l’Initia-tive francophone pour la forma-tion à distance des maîtres duprimaire (IFADEM).»

Et il y a cet événement quilui tient par ticulièrement àcœur et qui s’est tenu dans la

Vieille Capitale : « Enfin, jevoudrais citer le premier Fo-rum mondial de la languefrançaise, que nous avons or-ganisé en 2012 à Québec etqui a connu un grand succès.J’ai souhaité cette manifesta-tion festive pour que les jeuneset la société civile s ’appro-prient la Francophonie. Ladeuxième édition aura lieu en2015, à Liège en Belgique,mais je n’y assisterai pas entant que secrétaire général,plutôt en s imple mil i tantconvaincu que je suis qu’unefrancophonie dynamique etmoderne doit être une franco-phonie populaire. »

Retour sur 2013Au cours de la dernière an-

née, quels événements vous ap-paraissent marquants dansl’existence de l’Organisation?« Nous avons lancé le Réseau

f rancophone pourl ’ é g a l i t é f e m m e -homme dans la fouléedu Forum mondial desfemmes francophones,une initiative très im-portante qui a été orga-nisée pour la premièrefois en 2013 conjointe-ment par l’OIF et laFrance, et dont la se-conde édition vientd’avoir lieu à Kins-hasa, en République dé-mocratique du Congo.Car l ’avenir de laFrancophonie, c’estauss i l ’avenir des

femmes, comme des hommes, quila composent. Nous devons com-battre avec force la persistance deviolations graves et massives desdroits des femmes et des filles.»

Avant même les jeux de Sot-chi, la Francophonie avaitdonné rendez-vous à la planèteen France : «Nous avons égale-ment assisté, l’année dernière, àune très belle édition des Jeux dela Francophonie, à Nice. CesJeux nous ont permis de décou-vrir, une nouvelle fois, des ta-lents francophones très promet-teurs, tant dans le domainesportif que culturel. Mais je vou-drais également souligner l’im-por tance que l’OIF accorde àl’accompagnement de certainsde nos pays pour sortir des situa-tions de crise, comme c’est le caspour le Mali, la RCA, la Gui-née-Bissau, et Madagascar, quia réussi l’organisation de sesélections en 2013.»

Un vibrant appel à la diversité…

La notion de nationalisme estremise en question en maintsendroits et sur plusieurs tri-bunes dans le fort courant de lamondialisation; elle secoue no-

tamment l’Europe. Est-il possi-ble pour les peuples de demeu-rer à la fois ouver ts sur lemonde et fiers de leurs valeursnationales, culturelles et linguis-tiques? Le secrétaire général ap-porte d’abord cette nuance: «Jeferais une distinction entre “na-tionalisme” et enracinement. Leprésident Senghor disait quep o u r s ’ o u v r i r a u m o n d e ,l’Homme a besoin d’être profon-dément enraciné dans sa culture.C’est indispensable pour créer desidentités ouvertes sur le monde etsur l’Autre. Mais ce que j’observeactuellement dans le monde, c’estplutôt un repli identitaire des ci-toyens face à une mondialisationdébridée, inégale, déséquilibrée.»

Et il étof fe sa pensée de lasorte : « Le village planétaire,tant vanté, est en passe de setransformer en une planète devillages, plus encore, de commu-nautés balkanisées et exacerbées.Et c’est dans ce contexte qu’il

nous faut resituer le concept dediversité culturelle et linguis-tique, de même que de celui dedialogue des cultures, mais dansle respect des valeurs univer-selles. Il faut, bien évidemment,réaffirmer sans cesse la nécessitéde préserver, face à l’uniformisa-tion toujours menaçante et à lamarchandisation toujours possi-ble des cultures, la nécessité im-périeuse de préserver la diver-sité, parce que la diversité estinhérente à la vie, parce que laperte de la diversité est non seu-lement un processus mortifèrepour le patrimoine de l’huma-nité, mais aussi une menacepour la démocratie internatio-nale. Bien sûr, il ne s’agit pasd’une diversité entre cultures an-tagonistes, mais d’un vrai dia-logue entre cultures ouvertes.»

Droits de la personneSur le plan des droits de la

personne, Abdou Diouf est tou-

jours apparu, tant dans sa car-rière politique de président duSénégal que dans son parcoursde secrétaire général de l’Orga-nisation, comme un ardent et in-conditionnel défenseur desdroits de la personne. Quant à,notamment, l’homophobie la-tente qui ressurgit vigoureuse-ment dans plusieurs pays, iltient ce discours: «L’OIF est fer-mement opposée à toutes lesformes de discrimination, notam-ment celles fondées sur la reli-gion, les convictions politiques,l’âge, le sexe ou l’identité sexuelle.L’OIF est engagée pour le respectdes droits de l’homme de tous lesindividus, et s’oppose à la peinede mort, la torture et autres mau-vais traitements. Il est importantque l’intégrité physique de cha-cun soit respectée, conformémentaux principes fondamentaux dudroit international.»

En fin de compte, AbdouDiouf est invité à se tourner

vers le Québec : il existe unenette volonté de rapproche-ment du gouvernement québé-cois à l’égard de l’Afrique quis’est manifestée au cours desderniers temps. De quel œilvoyez-vous ce rapproche-ment ? « D’un très bon œil !L’Afrique a besoin de tout lemonde pour poursuivre son dé-veloppement. Si elle arrive à ju-guler les crises récurrentes quifreinent son avancée, l’Afrique,c’est sûr, sera le continent de de-main. Et s’il fallait encore uneraison supplémentaire , i lme semble que le rayonnementdu français comme langue dy-namique et moderne passeaussi par des alliances fortes en-tre l’Amérique et l’Afrique, qui,d’après nos prévisions, abritera85% des 715 millions de franco-phones en 2050!»

CollaborateurLe Devoir

Dates charnières dans l’existence de l’Organisation internatio-nale de la Francophonie (OIF) depuis 10 ans, bilan de la der-nière année, nationalisme et mondialisation, droits de la per-sonne et homophobie, rapprochement Québec-Afrique : voiciautant de sujets qu’aborde pour Le Devoir Abdou Diouf, se-crétaire général de l’OIF.

F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 8 E T D I M A N C H E 9 M A R S 2 0 1 4 G 3

Parce que l'Agence universitairede la Francophonie est convaincueque le français est une chance ellevalorise l’acquisition des savoirspar la mobilité internationaledes étudiants et des jeunes chercheurs.

MOBILITÉ INTERNATIONALECOOPÉRATIONAMÉRIQUESRECHERCHEÉTUDIANTSDROIT

ENVIRONNEMENTJEUNES CHERCHEURSMAGHREBSTAGESUNIVERSITÉFORMATIONMOYEN-ORIENT

BIOÉTHIQUEENSEIGNEMENT SUPÉRIEURAFRIQUEFRANCOPHONIE

aufameriqueswww.auf.org/bureau-ameriques

ORGANISATION INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE

Abdou Diouf plaide pour une diversité culturelle et linguistique« Le village planétaire, tant vanté, est en passe de se transformer en une planète de villages »

SOURCE OIF

Le secréta ire généra l de l ’Or ganisat ion inter nat ionale de la Francophonie, Adbou Diouf

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

En septembre dernier, Adbou Diouf avait énoncé un plaidoyer en faveur de la diversité culturelle au sein de la Francophonie devant leConseil des relations internationales de Montréal (CORIM). Le voici en compagnie du ministre québécois des Relationsinternationales, de la Francophonie et du Commerce extérieur, Jean-François Lisée.

«Pours’ouvrir aumonde,l’Homme a besoind’êtreprofondémentenraciné dans sa culture»

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E T I E N N E P L A M O N D O N E M O N D

T rès tôt, l’établissement s’est défendu, dansun article de La Presse canadienne, de met-

tre en place un tel bureau en réaction à une let-tre ouverte publiée dans Le Devoir du 29 jan-vier. Dans cette dernière, un étudiant avait dé-noncé un « laxisme » et une « complaisance »dans l’application de la Politique linguistique del’UdeM. Le projet de bureau de la valorisationde la langue française et de la francophonieétait déjà sur les rails depuis des mois, assure-t-on à l’Université de Montréal. Alors, en quoiconsiste ce bureau?

«Ce que je souhaite, c’est qu’on dépasse la poli-tique linguistique», a exprimé celle qui fut l’unedes premières à avoir proposé l’adoption d’unetelle politique à l’UdeM. Prenons un match dehockey : la défensive va avoir un rôle à jouer dansune équipe, mais ce n’est pas seulement elle quiva assurer la victoire, a-t-elle fait comme analo-gie. Il faut aller chercher l’adhésion des esprits, etje pense que c’est possible. Il faut que les règle-ments et les politiques linguistiques existent, maisil faut aller beaucoup plus loin. C’est la vision dece bureau. Je pense qu’il faut sensibiliser la com-munauté universitaire au fait que le français estune langue universelle, une langue partagée pardes millions de personnes, une langue de partage.Ce n’est plus qu’une langue qui est parlée parquelques millions de personnes en Amérique duNord dans une mer anglophone. Ça reste vrai,mais on est en communication avec tout l’espacefrancophone», a-t-elle expliqué.

À l’interne et à l’internationalLe bureau jouera en fait sur deux tableaux : la

dynamique à l’intérieur de l’université et son ap-proche à l’international. Car l’effet de la mon-dialisation sur la réalité universitaire est évoquécomme la principale raison ayant motivé la créa-tion dudit bureau. La mobilité des étudiantss’avère plus importante. Les collaborations en-tre les différentes universités sont de plus enplus fréquentes, comme l’a démontré l’ententede partenariat entre l’UdeM, l’Université librede Bruxelles et l’Université de Genève en sep-tembre 2012. «On a souvent tendance à voir lamondialisation comme une menace. Mais aufond, elle a permis à l’espace francophone de seconstituer et à notre langue, le français, de se dés-enclaver, a dit Mme Cormier. Ce qu’on veut faire,c’est de profiter stratégiquement de cette mondia-lisation et de faire en sorte que le français conti-nue d’être pour nous une occasion de se faire va-loir et de travailler avec les autres pays. »

Bref, l’UdeM veut jouer à fond la carte de soncaractère francophone à l’étranger et elle croitque cette identité peut l’aider à tisser ou conso-lider d’autres partenariats, voire à attirer chezelle des gens dont la langue maternelle n’estpas nécessairement le français. « On souhaitetravailler avec des étudiants qui ne sont pas fran-cophones, qui viennent d’autres pays, qui sont in-téressés par ce que nous offrons et qui souhaitentapprendre le français, parce qu’il y en a beau-coup», a assuré Mme Cormier.

Soutien linguistiqueQuant aux actions concrètes qui seront me-

nées par ce bureau, Mme Cormier dit explorerplusieurs questions et attend de valider cespistes auprès d’autres personnes avant des’avancer. Mais il y a un dossier qui lui tient àcœur et sur lequel elle assure qu’elle se pen-chera : celui du soutien linguistique.

«Il y a déjà un très bon soutien qui est offert. Il fau-dra évaluer l’offre actuelle en matière de maîtrise etde qualité de la langue en fonction des besoins de lacommunauté universitaire. Donc, il faudra peut-êtrevoir si ça vaut la peine ou si l’on peut se permettred’offrir des services de soutien linguistique à certainstypes d’employés ou même aux professeurs. Ce sontdes questions qu’on va devoir se poser.»

Langue et rechercheEt la recherche ? Nul doute que l’anglais oc-

cupe une place importante dans ce milieu sur lascène internationale. Est-ce que le bureaus’aventurera sur ce terrain ? « Quand on parled’un bureau de valorisation de la langue fran-çaise, ça ne veut pas dire que la seule langue quinous intéresse est le français. Bien au contraire,

a précisé Mme Cormier. Pour moi, quand onparle français, on n’exclut pas l’utilisation d’au-tres langues. »

Elle a d’abord tenu à préciser que « les étu-diants du premier cycle doivent être formés enfrançais, parce qu’on est beaucoup plus à l’aisedans sa langue maternelle ou dans sa langued’usage pour acquérir et comprendre de nou-veaux concepts. C’est important que les jeunesque l’on forme aient accès à une terminologie delangue française. »

Mais elle a concédé que, dans le domainede la recherche, l’anglais constitue la languevéhiculaire. « Il y a eu d’autres époques oùc’était le latin. Aujourd’hui, c’est l’anglais, a-t-elle ajouté. Nous entretenons une relation par-ticulière [avec l’anglais] du fait de notre situa-tion géolinguistique. Maintenant que les cher-cheurs, entre eux, communiquent en anglais oucommuniquent les résultats de leur rechercheen anglais, pour moi, ça n’a pas le même ef fet,parce que ce sont des communautés limitées.Pour des physiciens qui travaillent sur des re-cherches extrêmement pointues, c’est assez nor-mal qu’il y ait une langue dans laquelle ils vontpouvoir discuter entre eux. Mais ensuite, ce quiest important, c’est que les jeunes aient accès àces résultats de recherche en français. Alorspeut-être qu’il faudra penser à sensibiliser descollègues à un transfert de connaissances qui sefera davantage en français. C’est important, etça fait partie de la mission de l’université defaire ce transfert de connaissances aux citoyenset à l’ensemble de la société. »

ValorisationElle a par contre insisté pour dire que le bu-

reau de la valorisation de la langue française etde la francophonie concernera l’ensemble de lacommunauté universitaire. « Ce qui nous inté-resse, c’est l’utilisation du français et sa valorisa-tion par tous les employés ainsi [que le souci] dela qualité de la langue chez tout le personnel, quece soit le personnel de soutien, les professeurs oules étudiants. »

À ses yeux, la création du bureau de la valo-risation de la langue française et de la franco-phonie place l’Université de Montréal « àl’avant-garde », comme lorsque l’établisse-ment avait élaboré le Guide de féminisation :titres et fonctions en 1988 ou sa Politique lin-guistique en 2001. « Je maintiens que languefrançaise et francophonie sont désormais inti-mement liées. Au fond, pour nous, l’horizon dela langue française, ce n’est plus uniquement leQuébec, c’est la francophonie et le monde. »

CollaborateurLe Devoir

P I E R R E V A L L É E

«N ous le faisons au moyend’avis que nous dif fu-

sons, explique Monique La-chance, directrice par intérimdu CSLF. Ces avis peuventprendre deux formes. Dans lepremier cas, ce sontdes avis sollicités, c’est-à-dire que c’est le mi-nistre responsable dela Charte qui nous de-mande de produire unavis sur une questionqu’il nous signale.Dans le second cas, cesont les membres duConseil qui choisissentla question sur la-quelle ensuite le CSLFémettra son avis. »

Qui d i t av is d i taussi recherches etétudes. Le CSLF pos-sède à l’interne sapr opr e équipe decher cheurs , maispeut faire appel à deschercheurs externes,en général des uni-versitaires, si le be-soin s’en fait sentir.« Notre première tâche est deprendre connaissance des tra-vaux qui ont déjà été faits au fildes ans sur la question sur la-quelle nous nous penchons. En-suite, il s’agit de s’assurer queles données sont à jour. Une foisces deux étapes franchies, nousprocédons à l’analyse de l’en-semble des éléments de la re-cherche pour en arriver à uneconclusion que nous publionssous forme d’avis. »

Le but de ces avis, qu’ilssoient sollicités ou non par leministre responsable, de-meure le même. «Ces avis, quisont au fond des études, peu-vent venir ensuite influencer lespolitiques du gouvernement.Peu impor te la politique quechoisit de mettre en place legouvernement, nous voulonsque ce dernier puisse le faire ens’appuyant sur des études et desdonnées tangibles. »

Un cas précisÀ son arrivée au pouvoir, le

gouvernement Marois a indi-qué qu’il souhaitait bonifier laCharte de la langue française.Cette intention a aussitôt inter-pellé les membres du CSLF,

qui ont décidé de se penchersur cette question. Le CSLF aensuite publié un avis non sol-licité sur le sujet intitulé Redy-namiser la politique linguis-tique du Québec.

« On a voulu par cet avisbrosser un tableau de la situa-

tion dans lequel on no-tait les progrès qui ontété faits à ce sujet,mais aussi en détermi-nant les zones où il yavait eu peu ou pas deprogrès, et qui deve-naient pour nous deszones prioritaires d’ac-tion. » L’avis en a re-levé quatre : le fran-çais, langue de tra-vail, la francisationdes immigrants etleur insertion socialeen mi l i eu f ranco -phone, la maîtrise dufrançais par tous lesQuébécois, et finale-ment, le rôle moteurdu secteur publicquébécois.

« Par exemple, surla question du fran-çais, langue de tra-

vail, notre avis recommanded’appliquer la Charte aux entre-prises comptant de 25 à 49 em-ployés, mais de le faire selonune formule plus allégée et sou-ple que celle présentement enplace pour les entreprises possé-dant plus de 49 employés. »

Diffusion et promotionLe CSLF a aussi le mandat de

diffuser ses avis. Il le fait en pu-bliant ces derniers, mais aussides communiqués de presse, eten participant à des colloqueset des congrès. « Nous avonsaussi le mandat plus large de dif-fuser l’ensemble des connais-sances sur le français au Québec,que ce soit sous forme d’avis, demémoires ou d’études. Nousavons donc le mandat d’infor-mer le public au sujet de toutequestion relative au français auQuébec. De plus, notre missioncomprend aussi la valorisationdu français au Québec et l’obliga-tion de travailler à la pérennitédu français au Québec.»

Cet effort de diffusion et depromotion passe aujourd’huipar le site Internet du CSLF, oùl’on trouve non seulement lesavis du CSLF, mais aussi une

foule de renseignements et deliens en tout genre concernantle français. «Notre site Internetest devenu aujourd’hui notre pre-mier outil de communication.»

Hors des frontières du Québec

Bien que le champ de re-cherche sur le français duCSLF soit limité au seul terri-toire québécois, le CSLF entre-tient tout de même des lienshors frontières. Ainsi, le CSLFest membre du réseau OPALE(Organismes francophones depolitique et d’aménagement lin-guistiques), ce qui lui permetde tisser des liens avec des or-ganismes francophones inter-nationaux, pour le momentprincipalement européens.

Quant aux communautés fran-cophones hors Québec, le CSLFassure sa présence auprèsd’elles principalement au moyende prix et de distinctions qu’il re-met chaque année. Il y a d’abordl’Ordre des francophones d’Amé-rique, décerné depuis 1978 à despersonnes qui se consacrent àl’épanouissement du français enAmérique. Le Prix du 3-juillet-1608, qui commémore la fonda-tion de la ville de Québec par Sa-muel de Champlain, est remis àune organisation qui a rendu desservices exceptionnels à unecommunauté francophoned’Amérique du Nord. « Nousavons aussi depuis 2004 le prix lit-téraire Émile-Ollivier, qui est re-mis à l’auteur d’un ouvrage litté-raire publié en français par unemaison d’édition membre du Re-groupement des éditeurs cana-diens-français.»

Parfois, la présence du CSLFse fait sentir de façon plus lu-dique. « Nous mettons chaqueannée en ligne le jeu-question-naire Je réseaute en français por-tant sur l’utilisation du françaisen informatique. Et nous inscri-vons ce jeu-questionnaire parmiles activités des Rendez-vous dela Francophonie. Ce jeu-ques-tionnaire est une façon pournous de rejoindre la populationplus jeune. C’est la raison, d’ail-leurs, pour laquelle le CSLF estaussi présent dans les médias so-ciaux. Il faut être en mesure d’at-tirer l’attention des jeunes.»

Collaborateur Le Devoir

F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 8 E T D I M A N C H E 9 M A R S 2 0 1 4G 4

Créé en 1977, à la suite de l’adoption de la loi 101, le Conseil supérieur de la langue fran-çaise (CSLF) a pour principal mandat de conseiller le ministre responsable de la Charte de lalangue française sur toutes les questions relatives à la langue française au Québec.

CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA LANGUE FRANÇAISE

Les gardiens de la langueont aussi le mandat d’en faire la promotion

Le 24 février dernier, l’Université de Montréal a annoncé la création d’un bureau de la valori-sation de la langue française et de la francophonie. En entrevue avec Le Devoir, Monique C.Cormier, directrice du Département de linguistique et de traduction de l’Université de Mont-réal, qui s’est vue confier la mise sur pied de ce bureau, signale que sa mission se concentreradavantage sur l’af firmation de cette langue française que sur sa défense.

UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL

«Il faut aller chercher l’adhésiondes esprits »

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

Le CSLF est notamment responsable de conseiller la ministre responsable de la Charte de la languefrançaise. Le Conseil a été fondé dans la foulée de la naissance de la loi 101.

RÉMY BOILY

Monique C. Cormier

FRANÇOIS PESANT LE DEVOIR

L’Université de Montréal a récemment annoncé la mise sur pied d’un bureau de la valorisation de lalangue française et de la francophonie.

«Peu importela politiqueque choisit de mettre enplace legouvernement,nous voulonsque ce dernierpuisse le faireen s’appuyantsur des étudeset desdonnéestangibles»

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P I E R R E V A L L É E

A -t-il été surpris, DamienRobitaille, que l’on ait

voulu lui confier pareil rôle, ce-lui d’être un por te-paroled’une francophonie, la cana-dienne ? « Honnêtement, non,répond-il. Depuis le début dema carrière, j’ai toujours voulumettre en lumière les commu-nautés francophones hors Qué-bec et, en quelque sorte, les re-présenter. Mon rôle de porte-pa-role des Rendez-vous de la Fran-cophonie est par faitementconforme à mon engagementenvers les communautés franco-phones canadiennes. »

D’ailleurs, l’importance desRendez-vous de la Francopho-nie ne fait pas de doute dansson esprit. « Les Rendez-voussont essentiels. Auparavant, lescommunautés francophones nese parlaient pas entre elles.Chacune fonctionnait en vaseclos dans son coin de pays. Ilfaut briser ces murs entre lescommunautés francophones ettisser davantage de liens. LesRendez-vous sont une occasionde le faire. »

Car, isolement, il y a bel etbien. «Dans mon village natalde Lafontaine, à labaie Georgienne enOntario, nous par-lions français. Mais,jeune, je ne savais pasque d’autres que nousle parlaient aussi. Jene savais pas qu’il ya v a i t d e s f r a n c o -p h o n e s a i l l e u r s ,comme à Sudbury ouà O t tawa , enco r emoins au Manitobao u a u N o u v e a u -Brunswick. Et le Qué-bec était une vague etlointaine contrée. Leschoses se sont cer tesaméliorées depuis cetemps, mais le senti-ment d’isolement des commu-nautés francophones hors Qué-bec demeure malgré tout. Ettoutes les occasions de le brisersont bonnes. »

Le rôle du QuébecDamien Robitaille estime

que le Québec ne devrait passe gêner pour faire partie de lafête. « Lorsque je me suis ins-tallé à Montréal, il y a dix ans,les Québécois que je rencontraistrouvaient que j’avais un ac-cent quand je parlais français.Certains trouvaient ça exotique,mais personne n’arrivait àidentifier correctement l’accent.On me demandait si je venaisdu Nouveau-Brunswick, oupeut-être même de Saint-Boni-face. Et quand je leur répondaisque je venais de l’Ontario, ilsétaient tous surpris. Raresé taient le s Québécois quiétaient au courant qu’il y avaitdes francophones en Ontario.D’ailleurs, depuis que je suis au

Québec, je n’ai jamais cachémes or ig ines f ranco -onta -riennes, bien au contraire, etj’ai toujours fait la promotiondes communautés francophoneshors Québec. »

Mais il constate aujourd’huique les choses ont évolué.« Avec le temps, je me rendscompte que ça s’est grandementamélioré. Je sens que les Québé-cois ont de plus en plus d’ouver-ture envers les communautésfrancophones hors Québec. Àpreuve, l’accueil que les Québé-cois font maintenant aux ar-tistes francophones issus de cescommunautés, comme moi. LesRendez-vous de la Francopho-nie sont une occasion pour lesQuébécois de mieux connaîtreces communautés. Trop sou-vent, les communautés franco-phones hors Québec ont l’im-pression de ne pas compter auxyeux des Québécois, par fois,elles se sentent même un peu re-jetées. Un rapprochement de lapar t des Québécois viendraitcorriger cette impression. »

Promotion du fait françaisC’est avec cette idée de rap-

prochement en tête que Da-mien Robitaille voit dans les

Rendez-vous de laFrancophonie un ou-til de promotion dufait français au Ca-nada, peu importe oùil se manifeste. « Quevous soyez Québécois,o u A c a d i e n , o uFranco-Ontarien, ouFranco-Manitobain,peu importe votre ré-gion, vous êtes d’abordun francophone. C’estvotre langue et votreculture. Ou, devrais-jedire, notre langue etnotre culture, car à labase, on provient tousde la même place. Onn’est pas seulement

Franco-Ontarien ou Québécois,on appartient tous à la grandefamille canadienne-française.Et les Rendez-vous nous permet-tent de nous le rappeler. »

De plus, pour les commu-nautés francophones horsQuébec, les Rendez-vous de laFrancophonie sont un outil deconsolidation. « Il faut toujoursgarder à l’esprit que vivre enfrançais hors du Québec exigede la volonté et de l’ef fort. C’estun choix que les francophoneshors Québec font sciemment.Toutes les occasions de souli-gner cet ef for t, tous les gestesfaisant la promotion de la cul-ture francophone, toutes les ac-tivités permettant à ces commu-nautés de se rassembler sont au-tant de moyens de consolider lescommunautés francophones etla culture française. »

Et cette célébration de laculture française en sol cana-dien se doit d’être la plus ou-ver te possible. « Il ne faut

pas mettre de barrières, plu-tôt, il faut ouvrir les portes. Ilne s ’agit pas de célébrer lefai t f rançais entre f ranco-phones seulement, il faut yconvier aussi les anglophoneset les francophiles. Il faut êtreen mesure de démontrer quenon seulement il est possiblede vivre en français , maisque c’est aussi agréable de lefaire. Je rêve du jour où par-ler français apparaîtrait auxyeux de tous aussi cool que deparler l’anglais. »

Pour la suite des chosesDamien Robitaille par tici-

pera à la soirée d’ouver turedes Rendez-vous de la Fran-cophonie. Ensuite, il s’envo-lera vers la France, où desspectacles prévus à l’horairel’attendent. De retour au Qué-bec, il reprendra la tournéede son dernier disque Omni-présent. De plus, on pourravoir Damien Robitail le àl’écran dans le documentaireUn rêve américain, du réalisa-teur Bruno Boulianne.

Dans ce film, Damien Robi-taille sillonne les États-Unis àla recherche de traces franco-phones qui ont façonné le ter-ritoire. Une autre façon pourlui de souligner l’importantecontribution des francophonesdans la construction de ce nou-veau continent qu’est l’Amé-rique du Nord.

CollaborateurLe Devoir

C’est l’auteur-compositeur-interprète Damien Robitaille, d’ori-gine franco-ontarienne, qui agit cette année comme porte-pa-role des Rendez-vous de la Francophonie (RVF), cette fêtepancanadienne célébrant le fait français au Canada qui se dé-roule du 7 au 23 mars.

FRANCOPHONIE CANADIENNE

Les Rendez-vous se veulent un outil de promotion du fait français au Canada« Jeune, je ne savais pas que d’autres que nous parlaient français »

F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 8 E T D I M A N C H E 9 M A R S 2 0 1 4 G 5

DIMANCHE !" MARS!#HProjection du film «Unrêve américain» ettable ronde organiséespar le Centre de la Fran-cophonie des Amériques(CFA) au Musée de lacivilisation, à Québec.

LUNDI !$ MARS!%H&% Remise d’une bourse àl’École primaire Saint-Joseph de Lévis dans lecadre du concours«'@nime ta francopho-nie'» organisé par leCentre de la Francopho-nie des Amériques ettémoignage de LexAlbrecht, jeune cyclistequébécoise médailléed’argent aux Jeux de laFrancophonie 2013 (enpartenariat avec l’IFDD).

MARDI !( MARS!%H&%Conférence de presse delancement à l’occasion dela Semaine de la Franco-phonie en Mauricie, àl’Université du Québec àTrois-Rivières.!)H&%Alexis NormandArtiste du Saskatchewan.Spectacle jazz-rock enfrançais organisé par leCentre de la Francopho-nie des Amériques auStudio P, 280 Saint-Joseph Est à Québec.+

JEUDI *% MARS!!H#+ , !&H&%Déjeuner - débat orga-nisé à Québec par laSORIQ. sur le thème de :«'L’impact positif del’intégration de la res-ponsabilité socialepour les entreprisesdans l’espace franco-phone'» en partenariatavec!le Ministère desRelations internationales,de la Francophonie et duCommerce extérieur(MRIFCE) – Groupe desconsulats, de la déléga-tion Wallonie-Bruxelles etdes institutions de laFrancophonie au Québec– IFDD - Chambre decommerce et d’industriede Québec.!(HOuverture du colloqueinternational des Hautesétudes internationales(HEI) de l’UniversitéLaval, à Québec. Thème!:«!Analyse contempo-raine des conflits enAfrique'»!)H - *!HLes Amériques Litté-raires - littérature fran-cophone des Caraïbes,suivi d’une réception,organisées par le Centrede la Francophonie desAmériques à la Chapelledu Musée de l’Amériquefrancophone à Québec.

VENDREDI *! MARS(H - !(HJour 2 du colloqueinternational des HEIde l’Université Laval, àQuébec.

)H!+Table ronde en visiocon-férence sur le thème de«La Jeunesse au Séné-gal et au Québec':regards croisés», avecdes intervenants à Dakaret à Montréal. Organiséepar l’Observatoire démo-graphique et statistiquede l’espace francophone(ODSEF) de l’UniversitéLaval en partenariat avecl’Agence universitaire dela Francophonie (AUF)ainsi que le Laboratoirede Recherche sur lesTransformations Écono-miques et Sociales(LARTES) de l’UniversitéCheikh Anta Diop et leGroupe interuniversitaired’études et de recherchessur les sociétés africaines.Lieux de la visioconférenceau Québec : siège del’AUF à Montréal et Uni-versité Laval à Québec.!#H - !"H Présentation de la piècede théâtre franco-améri-caine du Maine : “LaSouillonne” (conclusiond’une tournée au Qué-bec) suivie d’un Café-causerie, organisés par leCentre de la Francopho-nie des Amériques à laChapelle du Musée del’Amérique francophone àQuébec.SOIRÉE Réception à la Maisondu Maroc à Montréalorganisée par le Groupedes consulats, de la délé-gation Wallonie-Bruxelleset des institutions de laFrancophonie au Québec.

!(H&%Souper d’honneur, avecl’honorable RoméoDallaire (dans le cadredu colloque des HEI, àQuébec).

SAMEDI ** MARS

)H - !*H#+Jour 3 du colloqueinternational des HEIde l’Université Laval, àQuébec.!(H&% , *HSoirée de Gala de laQuinzaine sénégalaiseet Francophonie,au Grand Salon, PavillonDesjardins, UniversitéLaval, à Québec.

LUNDI *#MARS

!$H&% , *%H5 à 7 de la coopérationici et ailleurs et projec-tion du documentaire«'Cataire contre lesmoustiques'» organisépar l’Agence consultativeen éthique de la coopéra-tion internationale(ACECI) au Musée de lacivilisation à Québec, enpartenariat avec l’IFDD,Alixir et le restaurantl’Atelier.

VENDREDI *( MARS

Remise de livres et debandes dessinées àLac-Mégantic par laDélégation Wallonie-Bruxelles à Québec.

L’Organisation internationale de la Francophonie(OIF), à travers l’Institut de la Francophonie pour ledéveloppement durable (IFDD), ainsi que ses parte-naires de la Francophonie au Québec, organisent unesérie d’activités autour de la Journée internationalede la Francophonie 2014 (20 mars). Téléchargez leprogramme complet à l’adresse suivante! :www.ifdd.francophonie.org

SOURCE FRANCOFOLIES DE MONTRÉAL

«Depuis le début de ma carrière, j’ai toujours voulu mettre en lumière les communautés francophones hors Québec», af firme l’auteur-compositeur-interprète d’origine franco-ontarienne Damien Robitaille.

YVON CORMIER

Les RVF rassembleront notamment les communautés acadiennes, franco-ontariennes, fransaskoiseset bien d’autres.

«Trop souvent, lescommunautésfrancophoneshors Québecontl’impressionde ne pascompter auxyeux desQuébécois»

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J A C I N T H E L E B L A N C

L ’événement du 20 mars prochain, organiséconjointement par le ministère des Rela-

tions internationales, de la Francophonie et duCommerce extérieur du Québec et l’IFDD,veut « sensibiliser la population québécoise et ca-nadienne au travail de la Francophonie », ex-plique Louis-Noël Jail, chargé de communica-tion à l’IFDD. «Chaque année, précise-t-il, l’Ins-titut organise un événement dans le cadre de la[semaine de la] Francophonie, puisqu’on est unorgane subsidiaire de l’Organisation internatio-nale de la Francophonie. »

De l’IEPF à l’IFDDJadis connu sous le nom de l’Institut de

l’énergie et de l’environnement de la Franco-phonie (IEPF), l’Institut a changé son nom il ya un peu plus d’un an. Fatimata Dia, directricede l’IFDD, assure que ce changement de nom,qui s’est opéré dans la foulée de l’après-Rio+20,« renforce l’orientation de l’Institut » et permetde mieux aborder « les questions d’environne-ment et d’énergie dans une perspective de déve-loppement durable».

Concrètement, l’IFDD organise pour les paysmembres de la francophonie «des formations as-sez pointues en gestion, en planification des poli-tiques énergétiques», raconte M. Jail. Ces forma-tions, poursuit-il, s’adressent principalement«aux cadres des ministères, aux décideurs des mi-nistères. Mais on les élargit de plus en plus à lasociété civile ».

Ainsi, la thématique de la réception du20 mars prochain donnera la possibilité àl’Agence universitaire de la Francophonie,l’AUF, un des partenaires de l’IFDD, de présen-ter son nouveau projet intitulé Technologiesd’énergie renouvelable pour l’amélioration dela production agricole. Le choix d’inviter l’AUFà présenter son projet relève de leur champd’intérêt semblable, les deux institutions s’inté-

ressant aux questions d’énergies renouvelables.«Le but du 5 à 7, continue M. Jail, c’est d’inviterles partenaires de la région de Québec qui œu-vrent dans le domaine de l’environnement et dudéveloppement durable de l’énergie et de parlerdu travail de la francophonie dans ce domaine. »Ainsi, aborder le projet collectif de l’AUF et del’UQTR permettra d’atteindre cet objectif.

Coopération scientifique Nord-SudCar il faut savoir que l’UQTR mène le projet

de front en partenariat avec deux écoles du Sé-négal, explique Mamadou Lamine Doumbia,professeur au Département de génie électriqueet génie informatique à l’École d’ingénierie del’UQTR et participant au projet sur les technolo-gies d’énergies renouvelables mené par le pro-fesseur Kodjo Agbossou. Il s’agit de « l’École su-périeure polytechnique de l’Université CheikhAnta Diop de Dakar et l’Université Gaston Ber-ger de Saint-Louis, mentionne M. Doumbia.D’autres partenaires du Sud, y compris d’Amé-rique latine, pourront se joindre au projet. »

« L’objectif ultime du projet, indique le pro-fesseur, est la réduction de la pauvreté, sur-tout en milieu rural, grâce à l’utilisation desénergies renouvelables dans la productionagricole. » Deux volets constituent ce projetqui s’étend sur quatre ans. D’abord, l’aspectrecherche, qui vise à « développer des sys-tèmes d’énergie renouvelable », servira à « desapplications de pompage d’eau pour l’agricul-ture […] et l’électrification », spécifie-t-il. Cesrecherches por teront principalement surl’énergie solaire photovoltaïque et l’énergieéolienne. Puis, le volet formation viendra« renforcer les capacités des par tenaires lo-caux qui ont des programmes de maîtrise enénergies renouvelables », note M. Doumbia.

L’AUF, un partenaire financierLe rôle du Bureau des Amériques de l’AUF

dans ce projet en est un de partenaire financier,

souligne Jean-Philippe Labrecque, coordonna-teur régional des projets à l’Agence. En effet,le projet universitaire est financé par le pro-gramme GIRAF, acronyme pour Grandes initia-tives de recherche, d’animation et de forma-tion de l’AUF, visant à « appuyer l’universitédans le montage du consortium et des partena-riats liés à la mise en œuvre du projet, mais touten gardant l’autonomie du chercheur et de l’uni-versité dans le contenu du projet », comme leprécise M. Labrecque.

Un critère incontournable du programmede financement est la « coopération scientifiqueNord-Sud ». Le coordonnateur mentionne d’ail-leurs que « ce qui est intéressant pour nous,c’est d’associer justement des travaux qui sefont ici au Nord, ce qui est sur tout de la re-cherche fondamentale, [avec ceux du Sud]dans le cadre de recherche appliquée ». Il y a unéchange scientifique qui se fait et qui est bé-néfique pour tous les participants.

De plus, par son impor tant réseau decontacts s ’étendant sur cinq continents,l’équipe du Bureau des Amériques souhaitepartager cette « position privilégiée […] stra-tégique » le plus possible « avec l’Agence et sesuniversités membres », indique Jean-PhilippeLabrecque. Il précise par ailleurs que les ré-

sultats du projet seront dif fusables et expor-tables, mais que les façons de faire restent àdéterminer.

La francophonie et les francophilesL’Agence universitaire de la Francophonie

est également active dans les pays francophiles.Comme le souligne Virginie Mesguich, char-gée des communications et des relations exté-rieures au Bureau des Amériques de l’AUF,l’Agence peut être présente « dès lors qu’il y aun lien avec la francophonie, soit un départe-ment de langue française [par exemple]. Et là,les universités peuvent intégrer l’Agence à titrede membre associé. »

L’AUF a donc un mandat international qui vaau-delà des universités francophones, intégrantces établissements ayant un intérêt au dévelop-pement de leur francophonie. Et ce mandat res-sort dans le projet collectif avec l’UQTR. Despartenaires d’Amérique latine, soit une univer-sité de la Colombie ou du Brésil, soulève Jean-Philippe Labrecque, pourraient d’ailleurs sejoindre à ce projet de recherche sur les techno-logies d’énergie renouvelable.

CollaboratriceLe Devoir

É M I L I E C O R R I V E A U

F ondé en 1984 par Alain Bi-deau, alors jeune cher-

cheur au Centre national de lar e c h e r c h e s c i e n t i f i q u e(CNRS), et le docteur CharlesMérieux, le Centre Jacques-Cartier naît de la volonté depermettre aux milieux univer-sitaires, aux gouvernementset aux gens d’affaires d’échan-ger entre eux, led i a l o g u e é t a n t àl ’époque pratique-ment inexistant.

Dès le dépar t, lestrois universités deL yon, neuf grandesécoles, le CNRS, lesHospices civils deL yon, la FondationMérieux, les facultéscatholiques ainsi quele Pôle de génie biolo-gique et médical sejoignent au Centre.Viennent ensuite lesuniversités et les villes deSaint-Étienne et de Grenoble.

Premiers EntretiensEn 1987 ont lieu les pre-

miers Entretiens Jacques-Car-tier. Ceux-ci s’ar ticulent au-tour de treize colloques et l’in-terdisciplinarité des contenustraités y est déjà importante.Dès cette première édition,plusieurs Québécois par tici-pent à l’événement. Rempor-tant un sérieux succès, les En-tretiens sont reconduits l’an-née suivante, cette fois, àMontréal. La tradition des En-

tretiens est lancée, et sa for-mule est à ce point séduisanteque les quatre grandes univer-sités de la métropole québé-coise — soit l’Université deMontréal, l’Université du Qué-bec à Montréal, l’UniversitéMcGill et l’Université Concor-dia — se joignent au groupe.

En 1993, lors de la sixièmeédition de l’événement annuel,le caractère francophone du

Centre Jacques-Car-tier est clairement af-firmé. De fil en ai-guille, de plus en plusde partenaires se gref-fent à lui. En 1997,l’Université d’Ottawas’y joint, et en 2005,HEC Montréal etl’École Polytechniqueadhèrent au Centre.S u i v e n t e n 2 0 0 7l’École de technologiesupérieure de Mont-réal et l’Institut natio-nal de la recherche

scientifique. L’année 2011marque un tournant importantpour le Centre; il s’agit de l’en-trée de ses deux premiers parte-naires européens, l’Universitéde Liège en Belgique et l’Écolepolytechnique fédérale de Lau-sanne en Suisse.

Cette adhésion concrétise ledésir des partenaires du Cen-tre de s’ouvrir sur le monde etse traduit notamment par la te-nue de colloques en dehors dela France et du Québec. « Cesont des initiatives très intéres-santes, car elles font travaillerplusieurs partenaires interna-

tionaux sur une thématiquedonnée», relève M. Bideau.

Partenariats multiplesAujourd’hui, le Centre

compte plus de 80 partenairesfrancophones, sinon certaine-ment francophiles. Aussi, ilpeut se targuer d’avoir missur pied l’un des plus impor-tants événements scienti-fiques de haut niveau de lafrancophonie. « Plus de 80 %des communications qui ontlieu dans le cadre des Entre-tiens Jacques-Cartier sont ef fec-tuées en français, souligne lemaître d’œuvre de l ’événe-ment. Il n’y a pas d’autre évé-nement scientifique dans lemonde de cette envergure et dece niveau où la par t du fran-çais est aussi importante. »

Ainsi, profitant de la contri-bution importante d’acteurspolitiques et économiques, lesEntretiens sont devenus un im-portant outil de réseautage so-cioéconomique pour les mem-bres de la Francophonie.

Ouverture sur le mondeS’il occupe une place déjà

bien importante au sein des ré-seaux de recherche du mondef r a n c o p h o n e , l e C e n t r eJacques-Car tier devrait voirson impact encore augmenterd’ici les prochaines années.D’abord parce qu’une pre-mière institution maghrébine,l’Université Saint-Joseph deBeyrouth, a récemment dé-cidé d’adhérer au Centre, maisensuite, parce qu’au cours dessemaines à venir, M. Bideau

doit rencontrer plusieurs rec-teurs d’universités belges afinde leur présenter les Entre-tiens et de les inviter à devenirmembres de l’association.

Le cofondateur du Centre aégalement bon espoir de voirun établissement marocain etune université africaine se join-dre à ses partenaires d’ici lesprochains mois. De plus, il ef-fectue les démarches pour te-nir, en collaboration avec l’Uni-versité Senghor d’Alexandrie,une manifestation scientifiquelors du Sommet de la Franco-phonie à Dakar en novem-bre 2014.

« Ce qui nous intéresse, noteM. Bideau, c’est d’avoir trois ouquatre par tenaires qui nouspermettent d’organiser des ren-contres en dehors du Québec,

du Canada et de la France. Parexemple, l’an dernier, nousavons organisé un colloque auLaos. Cette année, on se rencon-tre à Haïti sur la santé globale,et en novembre, il y aura uncolloque au Vietnam sur l’eau.Tenir une ou deux rencontresscientifiques en dehors des conti-nents nord-américains et euro-péens, cela fait partie mainte-nant de notre volonté. »

Vers 2017Quant à l’avenir du centre à

plus long terme, celui-ci seratrès bientôt planifié. À la finmars, lors d’une réunion duConseil d’orientation Canada-Québec tenue à Montréal, lesorientations du Centre serontvalidées. Parmi les questionsabordées, celle de l’ouverturesur le monde occupera uneplace capitale.

« On ne veut continuer cetteévo lu t i on qu ’à cond i t i onqu’elle soit validée par nospar tenaires, indique M. Bi-deau. Nous allons discuteravec l’ensemble de ceux-ci desorientations à donner au Cen-tre pour le futur. Ensuite, lamême démarche sera entre-prise en France, et on présen-tera ça au Conseil stratégiquelors des Entretiens. »

Au cours des prochains mois,les partenaires devront égale-ment se pencher sur la ques-tion de la pérennité du CentreJacques-Car tier, son maîtred’œuvre ayant déjà annoncéqu’il passerait le flambeau à sessuccesseurs en 2017.

« Ça laisse le temps de péren-niser et de trouver d’autres par-tenaires, conclut M. Bideau.Moi, j’aurai porté Jacques-Car-tier sur les fonts baptismaux ; ily en a d’autres qui le porterontplus loin encore. »

CollaboratriceLe Devoir

F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 8 E T D I M A N C H E 9 M A R S 2 0 1 4G 6

Cette année, le Centre Jacques-Cartier célèbre son trentièmeanniversaire. Au départ mis sur pied pour stimuler le dia-logue entre la France et le Québec, au fil des ans, il s’est ou-vert sur le monde. Comptant aujourd’hui des partenaires dediverses régions, il est considéré comme l’une des plate-formes d’échanges et de recherche interuniversitaire les plusintéressantes de la Francophonie.

CENTRE JACQUES-CARTIER

De Lyon et Montréal jusqu’au Laos…« Plus de 80 % des communications qui ont lieu dans le cadre des Entretiens sont effectuées en français »

Dans le cadre de la semaine de la Francophonie, l’Institut de la Francophonie pour le dévelop-pement durable (IFDD) tiendra une réception à Québec, le 20 mars prochain. Sur le thème del’énergie et du développement durable, ce sera l’occasion, entre autres, d’entendre parler dunouveau projet de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et de l’Université du Qué-bec à Trois-Rivières (UQTR) sur les technologies d’énergie renouvelable.

DÉVELOPPEMENT DURABLE

L’AUF et l’UQTR s’allientpour améliorer la production agricoleL’IFDD présentera le nouveau projet collectif en énergie renouvelable

JACQUES NADEAU LE DEVOIR

L’historien français et délégué général du Centre Jacques-Cartier, Alain Bideau

Le Centrecompte plusde 80 partenairesfrancophones,sinoncertainementfrancophiles

JUNIOR D. KANNAH AGENCE FRANCE-PRESSE

L’objectif du projet de l’Institut de la Francophonie pour le développement durable est ultimementde réduire la pauvreté en milieu rural grâce aux énergies renouvelables.

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A S S Ï A K E T T A N I

L orsque Tahar Ben Jellounrecevait le prix Goncourt

en 1987, il était le premier lau-réat du continent africain enprès d’un siècle à re-cevoir une telle dis-tinction. Depuis, latendance ne fait ques’accélérer, imposantune nouvelle donnedans le paysage litté-raire : la littératurede langue françaisefait état d’une pré-sence internationale,accordant sa recon-naissance à des paysqui n’avaient jamaisencore conquis le de-vant de la scène.

Parmi ceux qui ontinscrit leur nom surun tableau d’honneurqui brille de plus en plus parsa diversité, citons par exem-ple Amin Maalouf, LéonoraMiano, première lauréate afri-caine du prix Femina (2013),Ahmadou Kourouma, AlainMabanckou, T ierno Moné-nembo et Scholastique Muka-songa, quatre auteurs afri -cains à empocher le prix Re-naudot depuis le début du siè-cle, et bien sûr Dany Lafer-rière, lauréat du prix Médicisen 2009 et dernier-né parmiles « immortels ».

« Avec l ’af f luence des au-teurs de littérature franco-phone parmi les prix lit té-raires français, les choses ontchangé sur le plan média-tique », constate ChristianeNdiaye, professeure de litté-r a t u r e f r a n c o p h o n e àl ’UdeM. À tel point qu’en2008, un journaliste avait de-mandé à Edmonde Charles-Roux, la présidente de l’Aca-démie Goncourt, s’il « fallaitêtre nègre pour avoir un prixlittéraire en France », selon cequ’avait rapporté Tahar BenJelloun dans une chronique.

VitalitéAu Département des littéra-

tures de langue française del’Université de Montréal, unetelle ébullition est loin de pas-ser inaperçue. Bien sûr, « la lit-térature francophone n’est pasune littérature émergente», pré-cise Christiane Ndiaye. D’ail-leurs, ça fait 20 ans que la litté-rature francophone — autreque québécoise et française —y est intégrée aux études litté-raires à travers des spécialisa-tions en littérature d’Afriquesubsaharienne, du Maghreb etdes Antilles. Quant aux paysétudiés, la tendance est plutôtà la régression qu’à l’expan-sion : un pays comme le Viet-nam, par exemple, appartientdésormais à l’histoire littérairede la francophonie plutôt qu’àson actualité.

En revanche, la vitalité dela production l ittéraire ducontinent africain et des An-tilles génère un renouvelle-ment constant des corpus, cequi fait de la littérature fran-cophone « une littérature plusque contemporaine, où on atoujours de nouveaux textes àintégrer » , poursuit -el le. Àcôté des classiques — AiméC é s a i r e , A h m a d o u K o u -rouma, Ousmane Sembèneou Jacques Roumain —, unenouvelle génération d’au-teurs s’immisce parmi les su-jets de thèse de doctorat oude maîtrise, comme Gisèle Pi-neau, Dany Laferrière, AlainMabanckou, Malika Moked-dem, Tierno Monénembo ouMaryse Condé.

MétissageDerrière ces noms, Chris-

tiane Ndiaye souligne le mé-tissage des formes et des cul-tures qui donne à la littéra-ture francophone sa richesse etsa complexité.

Venues s’intégrer au cœurd’un bagage culturel préexis-tant, les formes littérairesimpor tées avec la colonisa-tion se métissent, s’enrichis-sent d’influences multiples etengendrent une littératurequi conquier t son indépen-dance en marge des modèles

préexistants. « Ceux qui décou-vrent les littératures francophonesont l’impression que, parce que cesont des pays qui sont considéréscomme en voie de développement,la culture aussi est en voie de dé-

veloppement. Maisc’est une culture trèsancienne, où l’art ver-bal et la dramaturgieexistaient bien avantla littérature de languefrançaise.»

Ainsi, les formestraditionnelles tellesque la poésie, «genredominant du temps dela négritude», précise-t-elle, et encore au-jourd’hui dans les An-tilles, ont fait place,dans cer taines ré-gions, aux formes enprose, comme le ro-man ou les nouvelles.

Mais «aujourd’hui, on considèreque ce sont des champs litté-raires devenus autonomes, quine se développent pas de lamême façon», poursuit-elle.

Ainsi, les différentes littéra-tures façonnent la langue à

leur image, s’appropriant et ré-inventant le même modèle aug r é d e s r é a l i t é s d i f f é -rentes. Dans plusieurs paysd’Afrique, « le roman réaliste,social et didactique s’impose »,alors qu’au Maghreb, la littéra-ture est passée par une re-cherche sur les formes, don-

nant naissance au « roman-poème », dans une « fusion desgenres que nous ne connaissonspas en Occident».

La langue française elle-même voyage, s’enrichit etbourgeonne. « La languefrançaise n’a pas qu’uneseule forme : c’est une langue

vivante qui évolue et quichange, notamment dans sonvocabulaire. »

Ouverture académiqueDu côté des études et de

la recherche, la littératurefrancophone a « le vent dansles voiles », selon les mots deBenoît Melançon, directeurdu Dépar tement des littéra-tures de langue française del ’UdeM. « De nombreux étu-diants s’inquiètent des débou-chés en enseignement et pen-sent qu’un candidat spécialisésur un écrivain guadeloupéenserait en bas de la liste. Maisc’est le contraire qui se produit :presque tous mes étudiants quiont fait des maîtrises sur lafrancophonie se sont trouvé despostes au cégep » , raconteChristiane Ndiaye.

Et même si l’UdeM ne pré-voit aucune embauche danscette discipline, c’est loin d’êtrele cas dans les autres universi-tés canadiennes et américaines.« Récemment, on dénombraitplus de 90 postes en littératurefrancophone aux États-Unis »,ajoute Benoît Melançon. Mêmel’Université McGill, qui «n’a ja-mais eu de spécialiste en franco-phonie, alors qu’à l’UdeM, çafait 25 ans qu’il y en a, a décidécette année de créer un poste »,poursuit Mme Ndiaye.

Si la littérature de la franco-phonie est plus que jamais d’ac-tualité, c’est aussi, selon Chris-tiane Ndiaye, en raison del’évolution de la société, deplus en plus ouverte à l’interna-tional. « La rencontre des cul-tures, les préjugés de type racialsont des enjeux qui intéressentet qui touchent un nombre crois-sant de lecteurs.»

Le grand absent de cet en-gouement actuel pour l’ensei-gnement et la recherche en litté-rature francophone? La France.« C’est surprenant, mais nousavons peu d’échanges avec laFrance, contrairement aux États-Unis, à l’Afrique et aux Antilles.Les centres de recherche sur lafrancophonie en France ontpresque disparu. Ils font appel ànous pour donner des cours!»

Alors que la littérature de lafrancophonie semble en pleinessor, on se réjouira du fait querien ne semble présager son es-soufflement, bien au contraire.En effet, alors que l’avenir de lafrancophonie est en Afrique, se-lon l’OIF, avec des estimationsdémographiques de 700 mil-lions de francophones en 2050,la littérature dans la langue deMolière semble appelée à unbel avenir.

CollaboratriceLe Devoir

Alors que le nombre de francophones sur la planète ne cessede croître — l’Organisation internationale de la francophonieen dénombre 220 millions répartis sur 75 pays —, on assisteaujourd’hui à une autre forme d’extension de la francophonie :celle de ses auteurs.

LETTRES FRANCOPHONES

Les différentes littératures façonnent la langue à leur imageFaut-il « être nègre pour avoir un prix littéraire en France » ?

F R A N C O P H O N I EL E D E V O I R , L E S S A M E D I 8 E T D I M A N C H E 9 M A R S 2 0 1 4 G 7

Research InfoSource 2013

LA TROISIEMENOUS SOMMES

Et nous faisons avancer la science en français

UNIVERSITE DE RECHERCHE

THOMAS SAMSON AGENCE FRANCE-PRESSE

Léonora Miano, d’origine camerounaise, était en 2013 la premièrelauréate africaine du prix Femina.

La vitalité de la productionlittéraire du continentafricain et des Antillesgénère unrenouvellementconstant des corpus

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