intérêt du monitorage de l’etco2...
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N°
ACADEMIE DE PARIS
Année 2009
MEMOIRE
Pour l’obtention du DES
D’Anesthésiologie-Réanimation
Coordinateur :Mr le professeur M. SAMAMA
Par
CARREIRA Serge
Présenté et soutenu le 15 Octobre 2009
Intérêt du monitorage de l’ETCO2 pendant
la ventilation non invasive
Travail effectué sous la direction du Dr D. Barouk, validé par le Pr O. Langeron
2
RESUME
Introduction : La Ventilation Non Invasive (VNI) a pour objectif de diminuer le travail respiratoire et d’améliorer la ventilation alvéolaire mais l’échec de cette technique peut‐être délétère pour le patient. Son efficacité est évaluée par la mesure des gaz du sang artériels et en particulier de la PaCO2. La mesure de l’ETCO2, reflet de la mesure de la PaCO2 chez les malades intubés n’a pas été évaluée au cours de la VNI. Méthodes :Etude prospective, observationnelle, monocentrique.. Les valeurs de l’ETCO2 et de la PaCO2 ont été mesurées au début (T0) et à la fin (T1) de 30 séances de VNI réalisées dans le cadre d’une Insuffisance Respiratoire Aiguë. Une étude de corrélation et une analyse de Bland et Altman ont été réalisées pour déterminer l’agrément entre les variations de l’ ETCO2 (ΔETCO2) et de la PaCO2 (ΔPaCO2 ). Résultats : Il existe une corrélation forte entre ΔETCO2 et ΔPaCO2 (r
2= 0,63, p<0,001). Le biais entre ΔETCO2 et ΔPaCO2 est de 0,8 mmHg [IC 95% : (‐8) ; 9,7 mmHg]. L’ETCO2 et la PaCO2 ont varié dans le même sens dans 20 des 30 séances de VNI(66% [IC 95% :49 ‐83%]. Conclusion : La mesure de l’ETCO2 pendant la VNI est réalisable. La surveillance continue du ΔETCO2 pourrait se substituer à la répétition des GDS et améliorer le monitorage des patients lors de la VNI.
3
SOMMAIRE
Résumé ....................................................................................................................................... 2
Sommaire ................................................................................................................................... 3
Liste des abréviations ................................................................................................................. 5
1.Introduction............................................................................................................................. 6
1.1 Bases physiologiques du monitorage du CO2 expiré ........................................................ 6
1.2 Monitorage du CO2 expiré en dehors du bloc opératoire ................................................ 9
1.2.1. Monitorage du CO2 expiré chez le patient non‐intubé .................................................... 9
1.2.2 Monitorage du CO2 expiré pendant la ventilation non invasive .................................... 11
1.2.3 Contraintes associées au monitorage du CO2 expiré au cours de la ventilation non
invasive ..................................................................................................................................... 12
1.2.4 Position du problème ...................................................................................................... 12
2. Matériels et méthodes ......................................................................................................... 13
2.1.1 Avis du Comité de Protection des Personnes ................................................................. 13
2.1.2 Critères d’inclusion dans l’étude ..................................................................................... 13
2.1.3 Critères de non inclusion : ............................................................................................... 13
2.1.4 Objectif principal de l’étude ............................................................................................ 13
2.1.2 Objectifs secondaires de l’étude ..................................................................................... 14
2.1.3 Protocole de mesure ....................................................................................................... 14
2.1.5 Analyse statistique .......................................................................................................... 16
3. Résultats ............................................................................................................................... 17
3.1 Caractéristiques de la population d’étude ..................................................................... 17
3.2 Caractéristiques des séances de VNI .............................................................................. 18
3.3 Comparaison des valeurs de PaCO2 et d’ETCO2 ............................................................... 19
3.4 Comparaison des variations de l’ETCO2(ΔETCO2) et des variations de la PaCO2 (ΔPaCO2)
............................................................................................................................................... 21
3.5 Pouvoir discriminant du sens de variation de l’ETCO2. .................................................. 22
4
3.6 Comparaison du gradient PaCO2‐ETCO2 entre le début et la fin de la séance de VNI .... 23
3.7 Comparaison du volume de fuite entre le début et la fin de la séance de VNI .............. 25
4. discussion ............................................................................................................................. 26
4.1 Analyse de la relation entre ETCO2 et PaCO2 ................................................................... 26
4.1.1 Données de la littérature ................................................................................................ 26
4.1.3 Influence de l’interface patient–moniteur de CO2 expiré ............................................... 27
4.1.4 Influence de la dyspnée et de l’asynchronie patient‐ventilateur ................................... 27
4.2 Analyse des variations de PaCO2 et d’ETCO2.................................................................... 28
4.2.1 Analyse de ΔPaCO2 et de ΔETCO2 ..................................................................................... 28
4.2.2 Analyse de ΔPaCO2‐ETCO2 ................................................................................................ 29
4.3 Limites de l’étude ............................................................................................................... 30
5. Conclusion ............................................................................................................................ 31
6.Table des illustrations ........................................................................................................... 32
7.Table des Tableaux ................................................................................................................ 32
8. Bibliographie ........................................................................................................................ 33
5
LISTE DES ABREVIATIONS
BiPAP : Bi‐level Positive Airway Pressure (ventilation à deux niveaux de
pression positive
BPCO : Broncho‐Pneumopathie Chronique Obstructive
CO2 : dioxyde de carbone
CPAP : Continuous Positive airway Pressure (ventilation à pression positive
continue)
Δ PaCO2‐ETCO2 : Gradient PaCO2‐ETCO2
Δ ETCO2 : Variation de l’ETCO2 pendant la séance de VNI
Δ PaCO2 : Variation de la PaCO2 pendant la séance de VNI
DS : Déviation Standard
ETCO2 : Pression partielle de CO2en fin d’expiration = PETCO2
Fe : Concentration d’un gaz X dans l’air expiré
Fi : Concentration d’un gaz X dans l’air inspiré
FICO2 : Concentration maximale inspiratoire en dioxyde de carbone
GDSart : Analyse des gaz du sang artériels
OAP : Œdème aigu du poumon
PaCO2 : Pression partielle en dioxyde de carbone au niveau artérielle
PACO2 : Pression partielle en dioxyde de carbone au niveau alvéolaire
PECO2 : Pression maximale expirée en dioxyde de carbone
PETCO2 : Pression en dioxyde de carbone en fin d’expiration
PICO2 : Pression maximale inspirée en dioxyde de carbone
SBT : ‘Single Breath Test ‘, test portant sur un seul mouvement respiratoire
SDRA : Syndrome de détresse respiratoire aiguë
SNG : Sonde naso‐gastrique
TO : Début de la séance de VNI
T1 : Fin de la séance de VNI
VA/Q : Rapport ventilation/perfusion alvéolaire
V x: Ventilation de l’espace x
VD : Espace mort physiologique (volume total de l’espace mort)
VT : Volume courant total
6
1.INTRODUCTION
1.1 Bases physiologiques du monitorage du CO2 expiré
Le dioxyde de carbone (CO2) est produit par le métabolisme cellulaire aérobie1. Son
élimination dans les poumons dépend du débit cardiaque et de la ventilation alvéolaire
(figure 1).
Figure 1. Schéma du métabolisme du CO2.
PaCO2 : pression partielle artérielle en CO2, PACO2 : pression partielle alvéolaire en CO2, PETCO2 : pression partielle du CO2 en fin d’expiration (= ETCO2), VA : ventilation alvéolaire, VD : ventilation de l’espace mort, VCO2ti : production tissulaire de CO2 Dans la pratique clinique quotidienne, le métabolisme du CO2 est évalué par la mesure des
gaz du sang artériel (GDSart) et de la pression partielle de CO2 dans les gaz expirés (PeCO2).
La mesure du CO2 expiré est appelée capnométrie. Elle est généralement couplée à la
représentation graphique de cette mesure en fonction du cycle respiratoire, nommée
capnographie. Dans un poumon parfait, en fin d’inspiration, la pression alvéolaire en CO2
(PACO2) est égale à la PaCO2. Chronologiquement, les premiers gaz expirés, proviennent des
structures inertes du système respiratoire (oropharynx et arbre trachéo‐bronchique). Les
derniers gaz expirés correspondent aux gaz contenus dans les alvéoles pulmonaires. En
conséquence, le CO2 mesuré en fin d’expiration (ETCO2) est le reflet du CO2 alvéolaire et
donc de la PaCO2.
7
Le capnogramme normal se compose de 4 phases. La Phase I (ligne de base) reflète
l’inspiration, la phase II (pente ascendante) reflète la transition entre les gaz provenant de
l’espace mort et les gaz provenant des alvéoles pulmonaires, la phase III (plateau expiratoire
en pente douce ascendante) représente l’expiration des gaz alvéolaires, la phase IV (pente
descendante verticale) représente le début de l’inspiration suivante. L’ETCO2 correspond au
point le plus haut de la phase III et reflète au mieux la PACO2 (figure 2).
Figure 2. Capnogramme normal.
Phase I : ligne de base, phase II : expiration des gaz provenant de l’espace mort, la phase III : plateau expiratoire, phase IV : pente descendante inspiratoire
En clinique, cette affirmation ne se vérifie que partiellement. En effet, les échanges gazeux
entre alvéole et capillaire pulmonaire nécessitent une adéquation entre la ventilation et la
perfusion pulmonaire. En physiologie respiratoire, le poumon est partagé en 3 zones dites
zones de West (figure 3) qui séparent le poumon selon que le rapport Ventilation/Perfusion
(VA/Q) soit élevé, idéal ou bas. Evalué dans son ensemble, un poumon idéal aurait un
rapport VA/Q égal à 0,8. Les zones de poumon ventilées mais non perfusées sont appelées
‘Espace mort physiologique’ (VD). La ventilation de l’espace mort est caractérisée par un
ratio VA/Q élevé, et une proportion plus ou moins grande du volume courant total (VT) qui
n’est pas impliquée dans les échanges gazeux.
8
Figure 3. Schéma des 3 zones pulmonaires de West.
Zone 1 : alvéoles mieux aérées que perfusées, Zone 2 : alvéoles idéalement ventilées et perfusées, Zone 3 : alvéoles mieux perfusées que ventilées.
La principale application physiologique de la capnométrie en dehors de la pratique de
l’anesthésie‐réanimation est la détermination de l’espace ‘mort’ lors des épreuves
fonctionnelles respiratoires. L’espace ‘mort’ physiologique est la somme de l’espace ‘mort’
alvéolaire (alvéoles ventilées mais non perfusées) et de l’espace ‘mort’ anatomique.
Ce calcul repose sur l’équation de Bohr. Si l’on admet d’une part que le CO2 excrété par les
alvéoles fonctionnelles, se dilue dans l’ensemble du poumon (y compris l’espace ‘mort’) et
d’autre part que l’ensemble du CO2 alvéolaire est expiré à chaque cycle, on a :
PACO2 x VA = PeCO2 + VT
Or : PACO2 = PaCO2, PeCO2 = ETCO2, VA = VD + VT
Donc : (VD/VT)= 1 – (ETCO2 / PaCO2)
PACO2 = Pression partielle alvéolaire en CO2, VA=volume alvéolaire, PeCO2= pression partielle
de CO2 expiré, VT =volume courant
Le rapport VD/VT représente la mesure de l’efficacité de l’élimination du CO2. Ainsi toute
condition physiopathologique créant des alvéoles ventilées mais non perfusées augmente
l’espace mort physiologique, et accroit le ratio VD/VT. Cet accroissement du rapport VD/VT
majore à son tour la différence entre PaCO2 et PACO2 et donc la différence entre PaCO2 et
ETCO2.
9
En clinique, l’augmentation du rapport VD/VT (espace mort) peut résulter d’une diminution
du débit cardiaque, d’une embolie pulmonaire, ou d’une pathologie du parenchyme
pulmonaire. Ces conditions sont donc associées à une différence (gradient) élevée entre
PaCO2 et ETCO2.
Déterminants de l’ETCO2
Pression artérielle en dioxyde de carbone (PaCO2)
Espace mort physiologique
Débit cardiaque
Rapport Ventilation/ Perfusion (V/Q)
Métabolisme cellulaire
Tableau 1. Déterminants de l’ETCO2
1.2 Monitorage du CO2 expiré en dehors du bloc opératoire
1.2.1. Monitorage du CO2 expiré chez le patient non‐intubé
Ces dernières années ont vu croître le nombre d’explorations diagnostiques invasives et
d’interventions chirurgicales réalisées sous sédation. La plupart des drogues anesthésiques
utilisées (propofol, midazolam) entraine une dépression respiratoire dont les conséquences
dépendent des antécédents du patient (pédiatrie, maladies neurologiques, handicap
respiratoire) et d’une variété inter‐individuelle impossible à évaluer en période pré‐
opératoire. De même, la prise en compte accrue de la douleur et l’utilisation plus importante
de morphiniques en Salle de Surveillance Post‐Interventionnelle (SSPI) ou en salle
d’hospitalisation, souvent à l’aide de pompes autocontrôlées, s’accompagne d’une
augmentation des effets adverses de la morphine notamment neurologiques et
respiratoires. Plusieurs publications appuient ce constat : en 2002, une Conférence
d’Actualisation de la Société Française d’Anesthésie‐Réanimation (SFAR)2, sans citer la
capnographie, rappelle qu’une sédation réalisée pour un acte médico‐chirurgical doit obéir
aux mêmes règles de surveillance et de sécurité que l’anesthésie générale. Aux Etats‐Unis,
10
plusieurs recommandations encouragent l’utilisation du monitorage de la capnographie lors
de la pratique de la sédation.3‐5 Ces recommandations concernent la Pédiatrie Générale, la
Dentisterie Pédiatrique et la sédation des patients atteints de dystrophie musculaire de
Duchenne. En 2006, Bhananker et coll. 6 publient une analyse du registre des plaintes de
L’American Society of Anesthesiologists établi depuis 1990. Ce registre montre que 6% des
plaintes concernant l’anesthésie sont associées à la pratique de la sédation (n=121), la
dépression respiratoire étant responsable de 21% (n=25) des accidents graves. Dans leur
discussion, Les auteurs signalent que le monitorage de la capnographie aurait évité 20% de
ces accidents. Parallèlement à l’évolution des pratiques, l’industrie biomédicale a développé
des dispositifs de monitorage de la capnographie permettant l’utilisation de cette technique
chez les patients non‐intubés. De nombreuses études ont évalué l’agrément de ces
technologies avec la PaCO2 et leur intérêt potentiel dans la pratique clinique quotidienne7, 8.
La première étude de ce type a été réalisée par Bowe et coll. en 1989. Ils utilisaient alors un
dispositif de lunettes nasales ou l’un des orifices délivrait de l’oxygène et l’autre prélevait les
gaz expirés. Lors de mesures effectués chez des patients en ventilation spontanée
(préopératoire) puis intubés, le gradient PaO2‐ETCO2 (ΔPaO2‐ETCO2) était comparable (2,1 ±
2,1 mmHg versus 3,1 ± 2,8 mmHg). Des résultats comparables ont été retrouvés dans
plusieurs études chez l’adulte9‐11 mais aussi en Pédiatrie12 où la problématique des accidents
respiratoires est omniprésente. Les bons résultats retrouvés en contexte péri‐opératoire ont
motivé la réalisation d’études dans d’autres secteurs de soins, en particulier aux urgences13
mais aussi en service de médecine14. Dans ce dernier cas, les auteurs ont comparé la mesure
de l’ETCO2, effectuée lors d’un cycle respiratoire spontané ou lors d’une manœuvre de
capacité vitale. La mesure de l’ETCO2 retrouvée lors de la réalisation d’une capacité vitale
était fortement corrélée à la mesurée de la PaCO2 (r = 0,91, p < 0.0001).
Au total, il est probable que le rôle de la capnographie dans le monitorage respiratoire des
patients non‐intubés soit amené à s’accroître.
11
1.2.2 Monitorage du CO2 expiré pendant la ventilation non invasive
La ventilation non invasive (VNI) s’est imposée au fil des 15 dernières années comme un
atout majeur dans la prise en charge de l’Insuffisance Respiratoire Aiguë (IRA)15. Sa place est
devenue incontournable dans la prise en charge des exacerbations aiguës des broncho‐
pneumopathies chroniques obstructives (BPCO) et de l’œdème aigu pulmonaire (OAP)
d’origine cardiogénique. Son utilisation dans l’insuffisance respiratoire aiguë post‐opératoire
et dans le sevrage ventilatoire a fait l’objet de publications encourageantes16(amélioration
gazométrique, diminution du taux de réintubation des patients souffrant de BPCO).
Néanmoins, l’efficacité de cette technique est conditionnée par de nombreuses variables
telles que la sévérité de la maladie, la coopération du patient, la qualité du matériel et
l’expérience de l’équipe. En 2006, Demoule et coll. montrent que l’échec de la VNI est
associé à une augmentation de la morbidité et de la mortalité des patients en insuffisance
respiratoire aiguë en particulier lorsque celle‐ci est prescrite en dehors des indications
classiques que sont l’exacerbation aiguë de BPCO et l’œdème pulmonaire cardiogénique17. L’
auteur évoque le fait que le retard à l’intubation oro‐trachéale pourrait être un facteur de
risque de mortalité17.
A l’heure actuelle, les facteurs prédictifs d’échecs de la VNI sont la sévérité du tableau
clinique initial, l’étiologie de l’insuffisance respiratoire aiguë et l’absence d’amélioration
rapide de la gazométrie artérielle.18
L’ensemble de ces données plaide d’une part pour la surveillance et le monitorage rigoureux
des patients traités par VNI et d’autre part pour la recherche de critères permettant de
prédire précocement l’échec cette thérapeutique. A ce jour, il n’existe pas d’étude évaluant
la pertinence de la capnographie comme technique de monitorage de la VNI utilisée dans le
cadre de l’insuffisance respiratoire aiguë.
12
1.2.3 Contraintes associées au monitorage du CO2 expiré au cours de la ventilation non invasive
La mesure de l’ETCO2 est utilisée en routine chez le patient intubé et ventilé à travers un
circuit respiratoire fermé. La ventilation en circuit fermé facilite l’analyse des gaz expirés, en
particulier dans les modes de ventilation dits contrôlés. Lors de la VNI, cette situation
s’observe rarement du fait de l’utilisation du mode VS avec aide inspiratoire (VS‐Ai), de la
présence de fuites autour de l’interface patient‐respirateur et des asynchronies patient‐
ventilateur. En effet, la déperdition d’une partie des gaz expirés s’accompagne d’un
amortissement de la courbe de capnographie et d’une sous‐estimation de la valeur réelle
d’ETCO2.
1.2.4 Position du problème
Devant les incertitudes persistantes sur les indications et les risques associées à la
prescription à tord d’une VNI, une surveillance clinique et biologique rapprochée est
indispensable à la gestion du patient sous VNI. La course d’une aggravation respiratoire est
habituellement marquée par la survenue d’une hypoxémie18 et/ou d’une acidose
hypercapnique19. La PaO2 est évaluée de manière fiable par le monitorage continu de la
SpO220 mais à ce jour, seule la gazométrie artérielle permet d’évaluer le degré d’acidose et
d’hypercapnie. Dans ce contexte, la surveillance continue de l’ETCO2 pourrait faciliter la
conduite de la VNI voire améliorer l’efficacité de cette thérapeutique.
L’objectif de notre étude est donc d’étudier la corrélation et l’agrément entre les valeurs
absolues d’ETCO2 et de PaCO2 mais aussi et surtout d’évaluer l’agrément entre les variations
d’ETCO2 (ΔETCO2 ) et de PaCO2 (Δ PaCO2) pendant la ventilation non invasive.
13
2. MATERIELS ET METHODES 2.1.1 Avis du Comité de Protection des Personnes
Le Comité de Protection des Personnes du Groupe Hospitalier Pitié‐Salpêtrière (GHPS) a
approuvé cette étude prospective observationnelle, monocentrique, portant sur des
patients adressés en Salle de Surveillance Post‐Interventionnelle et d’Accueil des
Polytraumatisés (SSPI‐AP) et présentant dans leur évolution une insuffisance respiratoire
aiguë.
2.1.2 Critères d’inclusion dans l’étude
Les patients ont été inclus dans l’étude si, à l’arrivée ou au cours de leur séjour dans le
service, ils ont présenté une détresse respiratoire aiguë, justifiant un traitement par VNI.
L’indication de VNI a été portée sur des critères cliniques (dyspnée, polypnée, sueurs, signes
de lutte) et/ou biologiques (hypoxémie, hypercapnie).
2.1.3 Critères de non inclusion : Les situations suivantes ont représenté des critères de non‐inclusion dans l’étude :
• patient mineur
• Instabilité hémodynamique
• Risque élevé d’inhalation (hémorragie digestive haute, coma non hypercapnique)
• Traumatisme maxillo‐facial.
• Occlusion intestinale ou présence d’anastomoses digestives hautes
• Présence d’une pathologie nécessitant un traitement chirurgical en urgence
2.1.4 Objectif principal de l’étude
L’objectif principal de l’étude a été de calculer la corrélation entre les mesures d’ ETCO2 et de
PaCO2 et de tester l’agrément entre les variations de l’ ETCO2 (ΔETCO2) et les variations de la
PaCO2 (ΔPaCO2) mesurés au début (T0) et à la fin (T1) d’une séance de VNI.
14
2.1.2 Objectifs secondaires de l’étude
Les objectifs secondaires de l’étude sont de :
• Evaluer la stabilité du gradient ETCO2‐PaCO2 entre le début et la fin de la séance de
VNI
• Evaluer l’influence du volume de fuite sur le gradient PaCO2‐ ETCO2
• Evaluer l’influence de la présence d’une sonde nasogastrique (SNG) sur le volume de
fuite
2.1.3 Protocole de mesure
La VNI a été réalisée à l’aide de masques naso‐buccaux ConfortFull (Respironics®, France). La
mesure du CO2 expiré a été réalisée à l’aide d’une extension de mesure de CO2
(Microstream, Oridion®,USA) ,placée en aval du filtre antibactérien et intégrée dans un
moniteur Intellivue MP90 (Phillips®‐France). La ventilation mécanique a été réalisée avec des
respirateurs EVITA 2® et EVITA 4® (Dräger®, USA).(figure 4)
Figure 4. Schéma du montage expérimental
L’ensemble des données cliniques et biologiques ont été recueillies à T0 et T1. Les conditions
préalables au recueil de données ont été une bonne adaptation du patient à son respirateur,
un volume courant expiré d’au moins 6ml/kg, une courbe de capnographie montrant des
cycles réguliers (figure 5) , superposables, et un volume de fuite correspondant à la
différence entre volume inspiré et volume expiré, le plus faible possible.
15
La valeur d’ETCO2 la plus élevée, observée sur une période de 1 minute, dans les conditions
de fuite et de mesure les plus stables possibles a été recueillie.
Figure 5. Exemple de courbe de capnographie souhaitée lors de la réalisation de la VNI
Figure 6. Ecran de respirateur DRAGER®‐EVITA 2 – montrant les différents volumes calculés
par le respirateur.
VT, volume courant, VTE, volume expiré, VTAI, volume délivré par le respirateur
Les valeurs de PaCO2 ont été mesurées à T0 et à T1 à partir des prélèvements de GDSart
prélevés juste après le recueil des valeurs d’ETCO2. Le monitorage hémodynamique,
respiratoire et capnographique a été réalisé de manière continue. Le maintien d’une courbe
de capnographie la plus proche possible de son allure normale et la minimalisation des fuites
ont été les objectifs de surveillance de la ventilation mécanique.
16
2.1.5 Analyse statistique
Les données quantitatives sont exprimées en moyenne ± déviation standard (DS). Les
résultats d’analyse de Bland et Altman sont présentés en biais (moyenne des différences) et
limites d’agrément (biais ± 2DS)
• Les valeurs numériques d’ETCO2 et de PaCO2 recueillies à T0 et T1 ont fait l’objet
d’une comparaison de moyenne à l’aide d’un test t de student pour séries appariées.
• Les corrélations entre les valeurs mesurées et les variations de l’ETCO2 et de la PaCO2
ont été évaluées à l’aide d’un test de corrélation de Pearson.
• La méthode de Bland et Altman a été utilisée pour déterminer l’agrément entre les
mesures d’ETCO2 et de PaCO2 ainsi qu’entre les variations de l’ETCO2 ( ΔETCO2 ) et les
variations de la PaCO2 ( ΔPaCO2 ).
• La concordance entre le sens de variation de ΔETCO2 et de ΔPaCO2 a été comparée
entre TO et T1.
• Le gradient PaCO2‐ETCO2 (ΔPaCO2‐ETCO2 ) a été calculé au début (T0) et à la fin (T1) de
la séance de VNI. Les gradients mesurés à TO et T1 ont fait l’objet d’une comparaison
de moyenne à l’aide d’un test t de Student sur séries appariées, d’un test de
corrélation de Pearson et d’une analyse de Bland et Altman.
• La moyenne des volumes de fuites mesurés au début (T0) et à la fin (T1) de la séance
de VNI ont été comparés à l’aide d’un test de t pour séries appariées au seuil α de
5%.
• Les volumes de fuite entre les patients porteurs d’une SNG (‘SNG +’) et les patients
non porteurs de SNG (‘SNG ‐‘) ont fait l’objet d’une comparaison de moyenne à l’aide
d’un test de Mann et Whitney au seuil α de 5%, car la distribution des valeurs de
fuite ne présente pas une distribution normale
• L’existence d’une corrélation entre le volume de fuite et ΔPaCO2‐ETCO2 a été évaluée
à l’aide d’un test de corrélation de Pearson.
Un p < 0,05 est considéré comme significatif. Les analyses statistiques ont été réalisées à
l’aide des logiciels SPSS 13.3®, Medcalc 10.0® et Analyse‐It®.
17
3. RESULTATS
3.1 Caractéristiques de la population d’étude Les données de 28 patients ont été inclues dans l’étude. Les mesures ont été réalisées deux
fois chez deux patients à plusieurs heures d’intervalle. Les caractéristiques de la population
d’étude sont reportées dans le tableau 2. Les étiologies des détresses respiratoires aiguës
sont présentées dans le tableau 3. Au cours de l’évolution de leur détresse respiratoire
aiguë, 7 patients ont été intubés. L’intubation est survenue à distance des séances de VNI
inclues dans l’étude. Aucun patient n’est décédé avant sa sortie de l’hôpital.
Caractéristiques des patients Patients (n=28)
Age (années) 63 ± 18 ans
Hommes/Femmes (n) 24/4
BPCO (n) 6
VNI au domicile(n) 2
SAS appareillé (n) 1
Asthme (n) 1
Contusion thoracique (n) 5
Tabagisme (n) 11
Cardiopathie ischémique 4
SLA (n) 2
Autres neuropathies 4
IGS II (pts) 48 ± 9
SOFA (pts) 3 ± 1
Tableau 2. Caractéristiques de la population d'étude
BPCO :Broncho‐Pneumopathie Chronique Obstructive, SAS :Syndrome des Apnées du Sommeil, VNI :Ventilation Non Invasive, SLA :Sclérose Latérale Amyotrophique
18
Etiologies des détresses respiratoires aiguës (n=)
Post‐extubation 15
Traumatisme médullaire 6
Exacerbation aigüe de BPCO 3
Œdème aigu du poumon 2
Causes neuro‐musculaires non traumatiques 2
Pneumopathie infectieuse 1
Tableau 3. Etiologie des détresses respiratoires aigües BPCO : Broncho‐Pneumopathie chronique Obstructive
3.2 Caractéristiques des séances de VNI
La durée moyenne des séances de VNI a été de 89 ± 60 min. Les données des séances de VNI
sont présentées dans le tableau 4.
Variable mesurée TO T1 p
Niveau d’aide (mmH20) 11 ± 5 11 ± 5 0,6
PEEP (mmH20) 5 ± 1 5 ± 2 0,4
FR (cycles/min) 20 ± 5 20 ± 5 0,85
Volume courant (ml) 596 ± 198 614 ± 217 0,57
Fuites (ml) 124 ± 93 130 ± 143 0,85
Tableau 4. Caractéristiques des séances de VNI
PEEP :Pression Expiratoire Positive, FR : fréquence respiratoire, T0 : début de la séance de VNI, T1 : fin de la séance de VNI
19
3.3 Comparaison des valeurs de PaCO2 et d’ETCO2
Les données de 30 séances de VNI ont été inclues dans l’analyse. Les données biologiques
recueillies sont présentées dans le tableau 5.
T0 T1 p
ETCO2(mmHg) 23,4 ± 6,9 21,3 ± 5 0,08
PaCO2(mmHg) 47,5 ± 13,6 44,6 ± 13,6 0,03*
PH 7,34 ± 0,1 7,36 ± 0,1 0,04*
HCO3‐(mmol/l) 25,2 ± 13,6 25,3 ± 6,1 0,96
Tableau 5. Données biologiques recueillies
ETCO2 : Pression partielle de fin d’expiration en CO2, PaCO2 :pression partielle artérielle en CO2, PH :pouvoir hydrogène, HCO3‐ :concentration artérielle en bicarbonates * : présence d’une différence significative
Nous retrouvons une corrélation forte et significative entre PaCO2 et ETCO2 (R2= 0,42 ;
p < 0,001 )(figure 9). Selon la méthode de Bland Altman, le biais entre la mesure de PaCO2 et
la mesure de l’ETCO2 est 23,7 mmHg et les limites d’agrément de la mesure (2 DS) sont de
[IC 95% : 4,5–42,9]mmHg (figure 10).
20
Figure 7. Droite de régression linéaire de l’ETCO2 en fonction de la PaCO2
Figure 8. Représentation graphique de Bland et Altman montrant l'agrément entre la mesure de l'ETCO2 et la mesure de la PaC02
21
3.4 Comparaison des variations de l’ETCO2(ΔETCO2) et des variations de la PaCO2 (ΔPaCO2) Les variations de l’ETCO2 entre T0 et T1 sont de – 1,7 ± 1,2 mmHg alors que les variations de
PaCO2 entre T0 et T1 sont de – 2,4 ± 1,3 mmHg (p = 0,35). Il existe une corrélation forte
ΔPaCO2 et Δ ETCO2 (R2 = 0,63 ; p<0.001). Selon la méthode de Bland et Altman, le bais entre
les deux méthodes de mesure est de 0,8 mmHg et les limites d’agrément (2 DS) sont [IC 95 %
‐ 8 ‐ 9,7] mmHg. Le biais calculé n’est pas significativement de 0 (p = 0,34).
Figure 9. Droite de régression linéaire des variations de l'ETCO2 en fonction des variations
de la PaCO2
22
Figure 10 . Représentation graphique de Bland et Altman illustrant l'agrément entre les variations de PaCO2 et d'ETCO2
3.5 Pouvoir discriminant du sens de variation de l’ETCO2.
Le sens de variation de l’ETCO2 a été comparé au sens de variation de la PaCO2. Les variations
de ces mesures se sont faites dans le même sens dans 20 des 30 séances (66 % [IC95% : 49 ‐
83 %])de VNI. Un ΔPaCO2 supérieur à 4 mmHG était associée à un ΔETCO2 dans le même sens
dans tous les cas (n=8). De même, un ΔETCO2 supérieur à 4 mmHG était associé à un ΔPaCO2
dans le même sens dans 8 cas sur 9.
23
Figure 11. représentation graphique de la répartition des patients illustrant l'adéquation entre les variations de l'ETCO2 et les variations de la PaCO2
3.6 Comparaison du gradient PaCO2‐ETCO2 entre le début et la fin de la séance de VNI Le ΔPaCO2‐ETCO2 est en moyenne de 24 ± 10 mmHg à T0 et de 23 ± 9 mmHg à T1 (p=0,32)
Il existe une corrélation entre le ΔPaCO2‐ETCO2 mesurés à TO et à T1 de la séance de VNI
(r = 0,90 ; p < 0,001). L’analyse par la méthode de Bland et Altman retrouve un biais de ‐0,8
mmHg [IC 95% :‐9,3 ‐ 7,7 mmHg].
24
Figure 12. Droite de régression linéaire illustrant la corrélation entre Δ PaCO2‐ETCO2 mesurés à TO et T1 (r= 0,9 ; p < 0,001)
Figure 13. Représentation graphique de Bland et Altman illustrant l'agrément
entre Δ PaCO2‐ETCO2(TO) et Δ PaCO2‐ETCO2 (T1).
25
3.7 Comparaison du volume de fuite entre le début et la fin de la séance de VNI
Sur l’ensemble de l’étude, le volume moyen de fuite a été de 121 ± 114 ml (n=52 mesures)
représentant en moyenne 19 ± 14% du volume courant. Les données de 23 patients (46
mesures) ont été inclues dans l’analyse des volumes de fuite du fait du défaut de recueil de
cette variable sur 5 patients. A T0, la moyenne des fuites est de 120 ± 87 ml. A T1, la
moyenne des fuites est de 123 ± 139 ml (p=0,94). Une SNG était présente sur 5 patients. Le
volume moyen de fuite des patients ‘SNG + ’ (7 mesures) est de 150 ± 207 ml. Le volume
moyen de fuite des patients ‘SNG ‐ ‘ (39 mesures) est de 117 ± 100 ml (p=0,67).
26
4. DISCUSSION
4.1 Analyse de la relation entre ETCO2 et PaCO2
4.1.1 Données de la littérature
Notre étude est la première étude rapportant l’utilisation de la capnographie lors de la VNI
réalisée en situation de détresse respiratoire aiguë. Nous avons mis en évidence une
corrélation significative (r2=0,42 ; p < 0,001) entre les valeurs mesurées d’ ETCO2 et de PaCO2.
L’existence de cette corrélation n’est pas surprenante dans la mesure ou il existe une base
physiologique forte associant ces deux valeurs21. Par ailleurs, l’importance du biais et
l’intervalle entre les limites d’agrément nous semblent trop importants pour recommander
l’estimation de la PaO2 par l’ETCO2 en pratique clinique quotidienne, lors des séances de VNI.
Nos résultats diffèrent de ceux habituellement rapportés dans la littérature sur les patients
non ventilés. En 1989, Bowe et coll.7 retrouvaient un biais entre la mesure de la PaCO2 et la
mesure de l’ETCO2 de 2,09 ± 2,18 mmHg. De même, Liu et coll.9, en 1992, avec un dispositif
proche, retrouvaient un biais de 3,6 ± 6,8 mmHg. Ces résultats, confirmés par d’autres
études9, 11, 14, 22‐24, sont proches des valeurs classiquement admises chez le sujet sain intubé.
Néanmoins, en 1994, Sanders et Coll. ont étudié 41 patients dans le cadre d’évaluations
polysomnographiques et d’essais de ventilation nocturne. Les patients étaient soumis à 3
conditions de ventilation : air ambiant, oxygène nasal, CPAP‐BiPAP. La capnométrie était
réalisée au travers d’un masque facial. Les biais entre la mesure de la PaCO2 et de l’ETCO2
dans les 3 conditions sus citées, étaient respectivement de 2,56 ± 8,4 mmHg (air ambiant) ,
22,51 ± 13 mmHG (oxygène nasal) et 13,7 ± 10,8 mmHg (CPAP‐BiPAP1). Nos résultats sont
concordants avec la cohorte de patients de Sanders et coll. et soulignent l’influence de
l’interface entre le patient et l’analyseur de gaz sur la mesure de l’ETCO2.
1 CPAP : Continuous Positive Airway Pressure, BiPAP :Bi‐level Positive airway Pressure : dispositifs de ventilation en pression positive utilisés dans le cadre des apnées du sommeil, de l’OAP cardiogénique ou de la ventilation du patient souffrant de BPCO.
27
4.1.3 Influence de l’interface patient–moniteur de CO2 expiré
A ce jour, la quasi totalité des systèmes de mesure du CO2 expiré disponibles, utilise comme
principe physique, l’analyse de l’absorption de la lumière infra‐rouge25. Le choix du clinicien
porte alors sur les système dit ‘Mainstream’ , placés en série sur le circuit respiratoire et
analysant l’intégralité du flux expiratoire, et les systèmes dit ‘Sidestream’ qui échantillonnent
une partie des gaz expirés pour les analyser à distance du circuit respiratoire. Les avantages
des systèmes ‘Sidestream’, sont la simplicité d’utilisation (absence de calibration) et le coût
moins élevé. Toutes les études citées dans le paragraphe précédent, ont utilisé des
dispositifs ‘Sidestream’ analysant l’absorption de la lumière infra‐rouge par les gaz expirés.
Bowe et coll.7 ainsi que Liu et coll.9 ont utilisé des lunettes nasales intégrant un dispositif
d’échantillonnage des gaz expirés. Sanders et coll.24 ont branché le système de recueil sur
un masque facial. Dans notre étude, le dispositif d’échantillonnage était branché sur le
circuit respiratoire en aval du masque facial (cf. figure 2). ce qui explique pourquoi nos
résultats soient plus proches des résultats de Sanders et coll. L’intégration du système
d’échantillonnage dans les lunettes nasales possède l’avantage d’analyser les gaz expirés au
plus près des poumons. Néanmoins, ces dispositifs peuvent être pris à défaut par les
patients respirant par la bouche, ce qui est généralement le cas dans les situations de
détresse respiratoire aiguë, et en cas d’un apport continu d’oxygène susceptible de se diluer
dans les gaz expiratoires. A contrario, le masque facial permet, au prix d’une dilution des gaz
expirés dans un espace plus important, de recueillir l’ensemble des gaz expirés.
L’augmentation de l’espace mort engendrée par la présence du masque facial explique le
biais de mesure plus important lorsque l’ETCO2 est analysé à travers ce type d’interface.
4.1.4 Influence de la dyspnée et de l’asynchronie patient‐ventilateur
La détresse respiratoire aiguë s’accompagne d’une polypnée dont l’un des effets est de
diminuer la part expiratoire du cycle respiratoire. Ce phénomène s’observe fréquemment en
anesthésie pédiatrique où la polypnée physiologique de l’enfant engendre un capnogramme
sans plateau bien défini. L’analyseur de gaz expirés est alors pris à défaut et la valeur
numérique affichée est une sous‐estimation de la valeur réelle d’ETCO2.
28
De même, la présence d’asynchronies altère la régularité des cycles respiratoires et perturbe
la mesure de l’ETCO2, et ce, d’autant plus que la valeur numérique d’ETCO2 affichée peut
correspondre à un moyennage effectué sur plusieurs cycles respiratoires.
Dans notre étude, la fréquence respiratoire moyenne de nos patients pendant la ventilation
non invasive a été de 20 ± 5 cycles/minute. Ce niveau de fréquence respiratoire est
suffisamment bas pour permettre une mesure correcte de l’ETCO2 et ne pourrait être mise
en cause pour expliquer l’importance du biais de mesure.
De même, une des conditions préalables au recueil de données à été la régularisation de la
courbe de capnographie. De plus, l’analyseur de gaz utilisé dans notre étude offre un
monitorage cycle par cycle sans moyennage de données. Dans ces conditions, l’impact de la
polypnée et des asynchronies ont probablement été faibles dans notre étude.
4.2 Analyse des variations de PaCO2 et d’ETCO2
4.2.1 Analyse de ΔPaCO2 et de ΔETCO2
Notre étude est la première à comparer le ΔPaCO2 et le ΔETCO2 lors de la VNI. Nous
retrouvons une corrélation forte et significative entre ΔPaCO2 et le ΔETCO2 (R2=0,63, p <
0,001). L’analyse de Bland et Altman retrouve un biais de 0,8 mmHg [IC 95% : (‐8) ;
9,6]mmHg (cf. chap. 4.1). Ces résultats suggèrent que la variation de l’ETCO2 a de fortes
chances de traduire la variation de PaCO2 . Malheureusement, l’une des limites d’agrément
est négative alors que le biais calculé est positif. Ainsi, le sens de variation de l’ETCO2 a été
identique au sens de variation de la PaCO2 dans 66 % [IC95% : 49 ‐ 83 %] des séances de VNI
de notre série et discordant dans 30% des cas. Ces discordances peuvent s’expliquer soit par
une erreur de mesure, soit par une modification du ΔPaCO2‐ETCO2 au cours de la séance de
VNI. Dans notre série, les variations de PaCO2 (ΔPaCO2 = ‐2,4 ± 7mmHG) et d’ETCO2 (ΔETCO2 =
‐1,6 ± 6,4 mmHG) sont relativement faibles. Dans ces conditions, la mesure de l’ETCO2
devient vulnérable aux nombreux facteurs confondants tels que fuites, asynchronies,
variabilité de mesure de l’appareillage, variabilité inter‐observateur, variabilité intra‐
observateur. L’automatisation de la procédure de recueil et la diminution des volumes de
fuites devrait améliorer la performance diagnostique du ΔETCO2. Appuyant cette hypothèse,
nous constatons que, un ΔPaCO2 supérieur à 4 mmHG était associée à un ΔETCO2 variant
29
dans le même sens dans tous les cas (n=8). De même, un ΔETCO2 supérieur à 4 mmHG était
associée à un ΔPaCO2 concordant dans 8 cas sur 9.
Nos résultats suggèrent que la variation de l’ETCO2 peut être utilisée pour diagnostiquer les
variations importantes (> 4 mmHg) de PaCO2. Une étude plus large serait nécessaire pour
confirmer cette hypothèse.
4.2.2 Analyse de ΔPaCO2‐ETCO2
La deuxième hypothèse pouvant expliquer les discordances de variations de l’ETCO2 et de la
PaCO2 est une modification du ΔPaCO2‐ETCO2 au cours de la séance de VNI.
Nous savons que les déterminants de l’ETCO2 sont la PaCO2, le débit cardiaque, le
métabolisme énergétique et l’espace mort physiologique. De principe, la VNI n’est indiquée
que chez les patients conscients, allongés et stables sur le plan hémodynamique. Ainsi, à
débit cardiaque, métabolisme et espace mort constant, une variation de PaCO2 devrait se
traduire par une variation identique d’ETCO2. A contrario, une diminution ou une
augmentation de l’espace mort devrait s’accompagner d’une modification du ΔPaCO2‐ETCO2
dans le même sens.
En période péri‐opératoire, la problématique de l’espace mort est omniprésente. La
chirurgie lourde, en particulier abdominale et thoracique, est associée au développement
d’atélectasies sévères qui augmentent le ΔPaCO2‐ETCO2. En 2005, Jaber présentait, à
l’European Society of Intensive Care Medicine (ESICM)26, une amélioration significative de
l’aération pulmonaire (n=10, p< 0,05) après seulement 30 minutes de VNI, en période post‐
opératoire de chirurgie abdominale. Dans notre série, la durée moyenne des séances de VNI,
était de 89 ± 60 minutes, mais nous n’avons pas retrouvé de différence significative entre
ΔPaCO2‐ETCO2 mesuré à TO et T1.
Les variations de ΔPaCO2‐ETCO2 n’ont jamais été étudiées dans le cadre de la VNI. En
revanche, plusieurs études réalisées dans le Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë
(SDRA) montrent des résultats discordants. En 1984, Jardin et coll27. publient que le
ΔPaCO2‐ETCO2 ne permet pas de titrer la PEEP chez les patients en SDRA. En 1987, Blanch et
coll.28 retrouvent au contraire que chez certains patients, le ΔPaCO2‐ETCO2 pourrait aider à
sélectionner le niveau de PEEP idéal en terme de recrutement alvéolaire. A ce jour, le
ΔPaCO2‐ETCO2 n’est pas utilisé en routine dans cette indication.
30
Nos résultats ne suggèrent pas que la modification des rapports V/Q, liés à l’utilisation de la
VNI, soit suffisante pour expliquer les discordances d’évolution observées entre ΔPaCO2 et
ΔETCO2.
4.3 Limites de l’étude
Notre étude présente certaines limites. Sur le plan matériel, nous ne disposions pas de
matériel spécifique adapté à la VNI, ainsi le dispositif échantillonneur de gaz expiré était
placé en aval du filtre échangeur de chaleur et d’humidité, participant ainsi à l’augmentation
de l’espace mort de notre système. Un tel montage pourrait diminuer l’efficacité de la VNI,
en particulier chez les patients hypercapniques.
Sur le plan méthodologique, nos résultats concernent un effectif réduit. Ainsi, malgré la mise
en évidence d’un biais entre ΔPaCO2 et ΔETCO2 à 0,8 mmHg, non différent de 0 d’un point de
vue statistique, le risque β associé à ce calcul est de 84%. Il serait nécessaire d’inclure 260
patients pour obtenir un risque β de 20% ce qui est la valeur classiquement admise en
recherche clinique. Nous aurions pu augmenter la puissance de notre étude en réalisant un
point de mesure supplémentaire ce qui aurait multiplié par trois, le nombre de
comparaisons de valeurs.
Enfin, l’absence de données graphiques ou d’enregistrement de la capnométrie, minute par
minute, ne nous permet pas d’apporter de données sur le caractère véritablement continu
du monitorage de l’ETCO2 ainsi que sur l’impact réel d’une augmentation du volume de fuite.
L’enregistrement de telles données nécessitait un équipement informatique dont nous ne
disposions pas au moment de l’étude. Néanmoins, l’impact des fuites sur la mesure de la
capnométrie est un phénomène bien connu chez le patient intubé et qui ne peut être que
majoré par la VNI. En pratique, dès l’observation de l’aplatissement de la courbe par
l’investigateur, une correction du positionnement du masque ou des paramètres de la
ventilation était réalisé. Ainsi, dans notre série, il n’existe pas de différence significative
entre les volumes de fuites mesurés au début et à la fin de la séance de VNI. Ce dernier
point est essentiel pour notre étude puisqu’il appuie l’hypothèse initiale que dans des
conditions stables, il est possible d’évaluer la variation de la PaCO2 à l’aide de l’ETCO2.
31
5. CONCLUSION
La mesure de l’ETCO2 pendant la VNI est réalisable mais nécessite une rigueur dans la gestion
des fuites et l’adaptation du patient à son respirateur. L’interprétation d’une valeur isolée
d’ETCO2 ne permet pas de prédire la PaCO2 d’un patient donné. En revanche, la surveillance
continue du ΔETCO2 pourrait se substituer à la répétition des gaz du sang et améliorer le
monitorage des patients lors de la VNI.
32
6.TABLE DES ILLUSTRATIONS
Figure 1. Schéma du métabolisme du CO2. ................................................................................ 6
Figure 2. Capnogramme normal. ............................................................................................... 7
Figure 3. Schéma des 3 zones pulmonaires de West. ................................................................ 8
Figure 4. Schéma du montage expérimental ........................................................................... 14
Figure 5. Exemple de courbe de capnographie souhaitée lors de la réalisation de la VNI ...... 15
Figure 6. Ecran de respirateur DRAGER®‐EVITA 2 – montrant les différents volumes calculés
par le respirateur. ..................................................................................................................... 15
Figure 9. Droite de régression linéaire de l’ETCO2 en fonction de la PaCO2 ............................. 20
Figure 10. Représentation graphique de Bland et Altman montrant l'agrément entre la
mesure de l'ETCO2 et la mesure de la PaC02 ............................................................................. 20
Figure 11. Droite de régression linéaire des variations de l'ETCO2 en fonction des variations
de la PaCO2 .............................................................................................................................. 21
Figure 12 . Représentation graphique de Bland et Altman illustrant l'agrément entre les
variations de PaCO2 et d'ETCO2 ................................................................................................. 22
Figure 13. représentation graphique de la répartition des patients illustrant l'adéquation
entre les variations de l'ETCO2 et les variations de la PaCO2 ................................................. 23
Figure 14. Droite de régression linéaire illustrant la corrélation entre Δ PaCO2‐ETCO2 mesurés
à TO et T1 (r= 0,9 ; p < 0,001) ................................................................................................... 24
Figure 15. Représentation graphique de Bland et Altman illustrant l'agrément entre Δ PaCO2‐
ETCO2(TO) et Δ PaCO2‐ETCO2 (T1). ................................................................................................. 24
7.TABLE DES TABLEAUX
Tableau 1. Déterminants de l’ETCO2 ......................................................................................... 9
Tableau 2. Caractéristiques de la population d'étude ............................................................. 17
Tableau 3. Etiologie des détresses respiratoires aigües .......................................................... 18
Tableau 4. Caractéristiques des séances de VNI ...................................................................... 18
Tableau 5. Données biologiques recueillies ............................................................................. 19
33
8. BIBLIOGRAPHIE
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