intelligence en essaim

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    Dans son livre La vie des termites,le pote belge Maurice Maeter-linck (1862-1949) crit prop o sde ces insectes : Qui est-ce qui

    donne des ordres, prvoit l'avenir, tracedes p lans, quil ibre , adm inis tre ,condamne mort ? Tout cela n'est-ilque jeux de chaos? Ces question s pr-occupent galement les biologistes :dans une colonie dinsectes sociaux,tels les fourmis, les abeilles, les ter-mites, etc., pourquoi le groupe est-ilc o h rent alors que chaque individusemble autonome? Comment les acti-vits de tous les individus sont-ellesc o o rdonn es sans superv ision? Les

    thologistes qui tud ient le compor-tement d es insectes sociaux observentque la coopration au sein d es colo-

    nies est auto-orga ni se : souvent, ellersulte dinteractions entre les indi-vidu s. Bien que ces interactions puis-sent tre simples (par exemple, unefourmi se contente de suivre la tracelaisse par une autre), elles permettent la collectivit de rsoudre des pro-blmes difficiles, telle la re c h e rc h edu chemin le plus court entre le nidet une source de nourriture, parm i din-nombrables voies possibles. Chez lesinsectes sociaux, le comport ement col-lectif qui merge d es comportementssimples des individus est nomm intel-ligence en essaim.

    Ces phnom nes dintelligence en

    essaim sont d e plus en plus tud isen informatique et en robotique, o dessystmes de contrle centra l iss

    gagnent tre remplacs par dautres,plus au tonomes et p lus flexibles, fon-ds sur les interactions dlmentssimples. Dans cet a rticle, nous dtaille-rons plusieurs applications qui mon-trent les avantages et la pertinence dece type de systme : une nouvellemthod e de modification du trafic dunrseau de tlcommu nications satur,calque sur le comport ement des four-mis la recherche de nourriture ; desalgorithmes de commande pour desrobots plus efficaces, inspirs de lacoopration des fourmis qui trans-portent une grosse proie ; une nouvelleanalyse des donn es bancaires copie

    sur la man ire dont les insectes agr-gent les cadavres douvrires de la colo-nie et trient leurs larves.

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    Lintelligenceen essaimRIC BONABEAU GUY THRAULAZ

    Sinspirant des fourmis et des insectes sociaux, des informaticiens ont cr

    des agents qui cooprent pour rsoudre des problmes complexes.

    Ils automatisent notamment la gestion des donnes dans les rseaux

    de tlcommunications.

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    1. LES FOURMIS COPHYLLES CONSTRUISENT UN NID grce unecoopration de tous les individus de la colonie. Pour joindre deuxfeuilles, des fourmis forment des chanes vivantes de plus en plus

    importantes (page de gauche). Puis ces chanes rtrcissent et , enfin,des fourmis maintiennent les deux feuilles (en haut) pendant quedautres utilisent la soie scrte par les larves pour les fixer (en bas).

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    Des fourm is virtuelles

    Bruxelles, Jean-Louis Deneub ourget ses collgues ont t d es pionniersde lintelligence en essaim. Ils ont mon -tr que les processions de fourmisrsultent de la scrtion par les indi-vidus dune phromon e, une molcule

    qui attire d autres fourmis (voir L adt ection des phro m o n e s , par KjellDving et Did ier Trotier,Pour la Science,s e p t e m b re 1999). La cration dunetelle piste marque est une bonne stra-tgie pour trouver le chemin le pluscourt entre un nid et u ne source denourri ture .

    Dans une exprience, des fourmis

    dArgentine Linepithema humile taientspares dune source de nourriture pardeux voies, lune d une longueur d oublede lautre ; en quelques minutes, elleschoisissaient le chemin le plus court.C o m m e n t? Les fourmis suivent despistes marques par une phromone etelles en dposent d errire elles. Les pre-mires fourmis qui retournent au nid partir de la source de nourriture ontemprunt le chemin le plus court dansles deux sens: ce chemin, marqu deu xfois par la phromone, attire plus lesautres fourmis que le long chemin, mar-qu une seule fois (voir la figure 2).

    Toutefois, quand le chem in le pluscourt nest ouvert qu aprs le cheminplus long, dj marqu la phromone,les fourm is continuent de p arcourir le

    chemin plus long. Dans les systmesartificiels, les informa ticiens vitent cetcueil en employant des phromonesvolatiles : ainsi, les pistes de phromonesubsistent d ifficilement su r les cheminsles plus longs. Les fourmis virtuellesemprunten t alors les voies plus courtes,mme quan d elles ont t dcouvertesplus tardivem ent. Grce cette pro-prit, le systme ne se stabilise pas surdes solutions mdiocres. Notons que,chez Linepithema humile, les concen-trations en phromone dcro i s s e n teffectivement, mais trs lentement.

    Dans une simulation informatiqu eo les phromones svaporaient, lesinformaticiens ont p rsent un e colo-nie artificielle des sources de nourri-t u re identiques, des d is tances

    d i ff rentes d u nid : les fourmis vir-tuelles ont explor leur environnementau hasard , puis elles ont tabli despistes qui reliaient toutes les sourcesde nourri ture au n id . Elles nontd a b o rd exploit que les sou rces lesplus proches, en entretenant les pistesqui y menaient. Enfin, quand cettenourriture est puise, les fourmis vir-tuelles se sont diriges vers les sourcesplus loignes. Quelle app lication peutavoir une telle simulation?

    M a rco Dorigo et ses collgues d elUniversit libre d e Bruxelles ont t rans-pos cette stratgie pour rsoud re leproblme du voyageur de commerce.Il sagit de trou ver le plus cour t cheminpassant une seule fois par des villes reliespar des chemins fixes. La formulation

    est simple, mais le problme est d ifficile :pour seulement 15villes, il y existe envi-ron 90 milliards de t rajets possibles.

    Ce problme est NP-complet : lenombre dtapes de calcul augmente

    2. LES PISTES DE PHROMONE que suivent les fourmis permett ent celles-ci de chercher effi-cacement leur nourriture. Des fourmis quittent le nid (en rouge), et suivent au hasard lune desdeux voies o elles dposent de la phromone (en vert). Les fourmis qui ont emprunt le che-min le plus court retournent au nid le plus vite (en violet) : cette piste est alors davantage mar-que la phromone ; elle at tirera davantage de fourmis que le chemin plus long.

    3. DANS CETTE SIMULATION INFORMATIQUE, trois sources de nourr iture identiques sontsitues des distances ingales dun nid (en bleu). Aprs avoir cherch au hasard (a), lesfourmis att eignent les sources proximit du nid (b et c), puis slectionnent la plus proche (d). mesure que la nourriture spuise, la concentration en phromone diminue, et les fourmisexploiteront une source plus loigne.

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    NID NOURRITURE

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    plus vite que nimporte quelle puis-

    sance d u nom bre de villes. Pourtant,M.Dorigo a trouv une solution quasioptim ale laide de four mis artificiellesqui dposent lquivalent numriquede pistes de phromone volatiles.

    Des fourm isreprsentantes

    Le programm e commence lcher auhasard sur le rseau d e villes des four-mis virtuelles indpendant es, qui vontau hasard de ville ville, en privil-giant les trajets les plus cour ts (les four-mis connaissent les distances des villesgrce des tables qui les rpertor ient).Aprs avoir visit toutes les villes,chaque fourmi rebrousse chemin, dpo-sant nouveau une certaine quantit

    de ph romone virtuelle sur les liaisonsquelle parcourt. La quantit de ph-romone dp ose est inversement pro-portionnelle la longueur totale duchemin parcouru par la fourmi. Commela phromone svapore, les liaisonsdes parcours longs sont moins chargesen phrom one que celles des trajetsles plus courts. Lorsque toutes les four-mis ont termin, les quantits de ph-romone dposes par chaque fourmisont sup erposes. Parmi toutes les liai-sons, celles qui sont les plus riches enp h romone appartiennent u n plusgrand nombre de trajets courts.

    Puis les fourmis artificielles sont denouveau libres au hasard : elles sontmaintenant guides par les pistes dephromone dposes prcdemment

    (les liaisons forte concentration sontfavorises), ainsi que p ar les distan cese n t re les villes (les localits les p lusproches ont priorit). La concentrationen ph romone et la distance entre deuxvilles ont une influence gale dans lechoix dune piste.

    Quand t outes les fourmis sont deretour dans leur ville de dpart, onritre lopration. mesure d es essais,le trajet des fourmis art ificielles serduit et, au final, les liaisons favori-ses, mises bout bout, constituent u ntrajet total court (voir la figure 4).

    Quelquefois, de nombreux trajetscontiennent une liaison courte qui nefait pas p artie dun trajet court : cetteliaison est d onc trs marque sans fairepartie dun trajet optimal. M. Dorigo

    a dcouvert qu e cette liaison nest uti-lise que lors de quelques itrations.Rapidemen t, une autre liaison, qui faitpar tie dun trajet court, est choisie : elleest davant age renforce que la liaison

    prcdente, qui perd alors son attrait

    mesure que la phromo ne svapore.Cette optimisation rsulte de linter-action du renforcement et d e lvapo-ration de la p hromone.

    linverse, une liaison longu e estparfois indispensable un trajet court.Cette liaison est initialement moinsemprunte, mais, comme dans le casprcdent, elle sera rapidem ent re n-force aprs quelle aura t choisie.

    Si cette mthode inspire p ar le com-porteme nt des fourm is est efficace pourtrouver d es chemins courts, elle niden-tifie pas ncessairement le plus court.On se contente toutefois de telles solu-tions quasi optim ales, car la recherchedu m eilleur chemin ncessite une quan -tit excessive d e calculs. En outre, cesystme est flexible: les fourm is artifi-

    cielles explorent continuellement dif-frentes voies ; les diff rentes pistesde phromone fournissent donc desplans de secours. Ainsi, lorsquune voieest coupe, des solutions de rechangesont dj prtes. Cette proprit, quiexplique sans d oute le succs colo-gique des v raies fourmis, est crucialepour de nombreuses applications.

    Des approches similaires ont rsolu

    d a u t res tches doptim isation. Parexemple, des four mis artificielles ontrsolu le problm e daffectation qua-dratique, o lon veut rpartir la fabri-cation d e divers produits dans diff-rentes usines en minimisant la distancetotale que chaque lment doit par-courir entre les diverses installations.David Gregg, de la Socit U n ile v er,et Vince Darley et Alberto Donati, dela Socit Bios Group, ont mis au pointun mod le fond sur le comportem entdes fourmis pour rduire le temps deprodu ction dans une usine d e la SocitU n i l e v e r : le systme organ ise lem-ploi des rservoirs d e stockage, desmlangeurs chimiques, des chanesdemballage et dautres quipemen ts.

    O u t re les p roblmes doptimisa-

    tion, qui sont statiques, les agents detype fourmi r solvent galement lesp roblmes de systmes dynam iques,tel le flux dun rseau d e tlcommu-nications ou d e la produ ction dans un eusine o une m achine tombe en panne.

    Un rseau de tlphone, parexemple, est d ynamique et imp rvisible:un appel de A vers B passe par des

    4. PARMI TOUS LES CHEMINS qui relient 15 villes (en haut), les fourmis virtuelles dter-minent un des chemins les plus courts (en bas) en dposant des pist es de phromones queleurs congnres suivent.

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    nuds intermdiaires, ou stations de

    commutat ion. Comment planifier le tra-jet du m essage? Un algorithme qui greainsi les messages ou les appels d oit vi-ter les zones congestionnes afin de mini-miser les dlais, et il doit trouver d esvoies de secours lorsque les conditionsse dtriorent. Le mauvais temps ou un esaturation locale pendant u n jeu tlvisobligent rediriger les appels vers desparties moins encombres (voir lafigure 5).

    Des fourm is au tlphone

    Ruud Schoonderwoerd et Janet Bru-ten, des Laboratoires de recherche Hew-l e t t - P a c k a r d, e t Owen Holland, delUniversit de Bristol, ont mis au pointun systme o des agents de type

    fourmi dp osent des bits dinforma-tion, une ph romone virt uelle, len-d ro it d e s nuds du r seau p ou rre n f o rcer les passages travers deszones non congestionnes, tandis quun

    mcanisme d vaporat ion ajuste lin-

    formation donne par les nud s pourdfavoriser les zones encombres.

    Chaque nu d dispose dune tablede trafic, qui indique au x appels tl-pho niques le chemin suivre selon leurdestination. Des agents de type fourm iajustent en perman ence les valeursdes tables qu i refltent alors les condi-tions de circulation sur le rseau. Unagent qui subit un retard important dansune p artie de rseau congestionneajoute une p etite quantit de phromonevirtuelle aux valeurs des tables sus-ceptibles denvoyer les appels vers cettezone surcharge. En termes mathm a-tiques, les valeurs des nuds corre s-pondants sont lgrement augm entes.

    En revanche, un agent qui passe rapi-dement dun nu d un autre renforce

    lutilisation de cette voie en d posantune grande quantit de phrom o n e ,cest--dire que les valeurs des tablesaugmentent notablement. Les calculsempchent quun chemin encombr,donc suivi par de nombreux agents, aitune quantit de phromones suprieure celle dpose sur une voie non conges-tionne frquente par m oins dagents.

    Le systme supprime les solutionsobsoltes grce une vaporationmathmatique : toutes les valeurs destables sont rgulirement diminues.Cette vaporation et laugmentation desvaleurs par les agents de type fourmifonctionnent de pair : ainsi, sur les voiesencombres, lvaporation est suprieureau renforcement ; en revanche, les che-mins d gags se renforcent.

    Lquilibre entre vaporation et ren-forcement est fragile. Lorsquun cheminqui tait sat isfaisant se congestionne, lesagents qui lempru ntent sont retard s,et lvaporation devient suprieure aurenforcement. Le chemin est alors rapi-demen t abandonn, et les agents dcou-v rent (ou re d c o u v rent) dautre ssolutions qu ils exploitent. Les avan-tages sont doubles: lorsque des appelstlphoniques sont redirigs vers deszones du rseau moins surc h a rg e s ,dune p art celles-ci se dcongestionnent,et, dautre part, les appels sont rapides.

    Les Socits Fran ce Tlcom et Bris-tish Telecommunications ont t les pre-m i res tud ier ces m thodes. Au xtats-Unis, la Socit MCI Worldcom uti-l ise galement ces mthodes pou r

    dautres tches, telle la facturation d esclients. Le rseau Internet, o le traficest particulirement im prvisible, estcelui qui profitera le plus des pro-gramm es dintelligence en essaim.

    Dans une colonie dabeilles, les individus ont une spcialit qui dpend de leur ge. Par

    exemple, les abeilles les plus vieilles sont plutt des butineuses, tandis que les

    jeunes sont les nourrices. Lattribution des tches nest pas rigide: lorsque la nourritur e

    manque, les nourrices butinent galement.

    Cette rpartition souple du travail nous a inspir, avec Michael Campos, de lUniver-

    sit Northwestern, une technique de programmation des cabines de peinture dans une

    entreprise de construction automobile. Dans lusine, les cabines peignent les vhiculesassembls, et chaque cabine, la manire dune abeille artificielle, est spcialise dans

    une couleur. Le changement de couleur dune cabine est long et coteux.

    Nous avons suppos quun individu abandonne une tche sil peroit un besoin impor-

    tant pour une autre fonction. Ainsi, une cabine peinture rouge utilisera cette couleur

    jusqu ce quil soit urgent de peindre un vhicule en blanc, alors que les cabines sp-

    cialises pour le blanc sont satures.

    Malgr la simplicit des rgles, le systme des abeilles permet aux cabines de pein-

    ture dtre programmes plus efficacement, notamment avec moins de changements de

    couleur, quavec un ordinateur centralis. Dautre part, la mthode sadapte aux souhaits

    des consommateurs : quand la demande de vhicules blancs augmente de faon inat-

    tendue, des cabines renoncent rapidement leur couleur de spcialisation et reoiventles vhicules non affects. En outre, le systme traite facilement les contretemps, tellesles pannes de cabines, que dautres stations compensent rapidement en partageant le

    travail supplmentaire.

    La f lex ib i l i t du t rava i l

    LES ABEILLES adaptent leur travail aux besoins de la ruche. La faon dont ces tchessont rparties inspire aux informaticiens des amliorations dans la faon de program-mer les quipements dune usine automatise ( droite), telle une usine automobile.

    5. LE TRAFIC DUN RSEAU peut tre modi-fi rapidement laide dagents logicielsqui se comportent comme des fourmis. Unappel de A B transite travers des nudsintermdiaires. Quand une partie de la voiela plus courte (en orange) est congestion-ne, le systme redirige la transmissionvers une autre voie (en vert). Des agents logi-ciels effectuent ce changement automati-quement, de la mme manire que les fourmisvisitent diffrentes sources de nourritu re :une voie congestionne quivaut une sourcede nourriture puise.

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    Des fourm is sur la toile

    Pour grer les conditions astreignantesdu rseau I n te rnet, M. Dorigo et soncollgue Gianni Di Caro ont p erfec-tionn les agents de type fourmi afinquils tiennent compte d e facteurs su p-plmentaires, tel le temps total d e tran-sit dune information entre son dpar tet son arrive (pour les rseaux tl-phoniques, seul le temps dun n ud un au tre est pris en compte, et letrafic est suppos gal quel que soit lesens). Aussi bien p our la m aximisationdes dbits que pou r la minimisationdes dlais, les premiers rsultats dessimulations indiqu ent que ce systmede gestion du trafic est plus effi caceque ceux qui sont u tiliss, tel le proto-cole aujourdhui en vigueur sur le

    rseau Internet, o les nuds sinfor-ment en p ermanen ce de ltat des liai-sons auxqu elles ils sont connects.

    Ou t re lorientation et le d place-ment, dautres comportements d in-sectes sociaux sont copis par lesroboticiens. Par exemple, ils tudientle transport coopratif chez les four-mis pour concevoir des techniques decommande dun groupe d e robots.

    Chez certaines espces, une fourm iqui ne peut rcuprer seule une p roiere c rute parfois d es congnres p ourlaider : pend ant quelques minutes, lesfourmis changent d e positions et dali-gnements autour de lobjet, jusquce quelles soient capables de tr ans-porter la proie vers le nid.

    Ronald Kube et Hong Zhang, de

    lUniversit dAlberta, ont reproduitce comporte ment avec des robots mca-niques. Ces derniers devaient pous-ser une bote vers un emp lacementdonn . La bote ne pouvait tre pous-se par un seul robot et, de surcro t ,ceux-ci t aient dots dinstru c t i o n ssimples telles que : trouver la bote, ta-blir un contact avec elle, se position-ner de m anire ce que la bote set rouve entre le robot et le bu t, puispousser la bote en direction du but.

    Malgr la simplicit des pro-grammes, la similitude entre le com-portement des robots et celui dunecolonie de fourmis est frappant : lesrobots se dplacent dabord au hasard, la recherche de la bote. Puis, quandils lont localise, sils sont en nombre

    suffisant, ils la poussen t. Lorsque la botereste immobile, les robots changent leurspositions et leurs alignements. Ils serepositionnent en p ermanence lorsquilsperdent le contact avec la bote, quand

    ils se bloquent mu tuellement ou lorsque

    la bote tourne. Enfin, malgr leurs capa-cits limites, les robots amn ent la boteau but (voir la figure 6).

    Confronts au mme p roblme, destres humains imaginent des collabo-rations plus efficaces. Toutefois, lap -proche d e lintelligence en essaim estp ropice la m iniaturisation et larduction des cots. Les ingnieursconcevraient ainsi des robots simpleset peu onreu x qui coopreraient pourdes tches de plus en plus comp lexes.

    Dans un au tre projet, des mthodesdanalyse de d onnes financires repro-duisent les stratgies de regroupementdes cadavres et de tri des larves misen uv re par les fourmis. Chez les four-mis Messor sancta, les ouvrires net-toient les nids en entassan t lextrieur

    les cadavres. Dans d es nids artificiels

    reproduits en laboratoire, elles regrou-pent en quelques heures des corpsdisperss de faon alatoire (voir laf i g u re 7 ). De la mme manire, lesouvrires de lespce Leptothorax uni-fasci a tus trient systmatiquement leslarves et les u fs. Les petites larves sontregroupes avec les u fs, les pup es etprpupes (des stades intermdiairesdans le dveloppemen t des insectes)sont autou r, elles-mmes entoures p arles larves les plus grand es.

    Selon J.-L. Deneub ourg, de petitsamas d e cadavres sagrand issent, car ilsattirent les ouvrires qui y dposent plusdlments : cette rtroaction positiveentrane la formation de tas de p lus enplus gra nds. Pour les couves, les four-mis rama ssent et dposent les lments

    en fonction du nombre d objets simi-laires environnants. Par exemple, quandune fourmi trouve une grande larveentoure dufs, elle prend de prf-rence la larve qui constitue lintruset la dpose dans u ne zone qui contientdj dautres grandes larves.

    6. LA COOPRATION DES FOURMIS, ici pour porter une grosse proie ( gauche), a inspiraux informaticiens des programmes simplifis de robots. Dans une exprience ralise lUniversit dAlberta, l es robots doivent pousser une bote circ ul ai re il lumine vers unesource de lumire. Bi en que chaque robot (en haut, gauche) ne communique pas avec lesa ut res et agisse indpendamment, en suivant un petit ensemble dinstr uct ions simples,laction collective du groupe permet dat teindre lobjectif fix ( droite).

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    Des cimetires de do nnes

    En se fondant sur ce tri du couvain,nos collgues britanniques Erik Lumeret Baldo Faieta ont mis au p oint unemthode d exploration dune grand ebanque de d onnes. Supp osons, parexemple, quune banqu e veuille iden-tifier ses clients les plus su sceptibles derembourser un prt. La banque dis-pose de nombreux renseignements surses clients, tels lge, le sexe, la situa-tion familiale, le type de logement, lesservices bancaires favoris... En tu-diant des groupes de personnes auxcaractristiques similaires, les respon-sables des prts dtermineraient la fia-bilit des divers clients et ils pourraientexiger des garanties solides des deman -deurs de prt app artenant aux groupes

    domins par des d biteurs d faillants.Les spcialistes danalyse des don-

    nes aiment visualiser les groupes surun plan (au-del, linterprtation desdonnes est difficile), o chaque clientest reprsent par u n point. Ces clientssont donc dan s la situation des ufs etdes larves qu e des fourmis logiciellespeuvent d placer, ramasser et dp oserselon les lments environn ants. La dis-tance entre deux clients indique leurdegr d e similitud e. Les fourmis arti-

    ficielles prennen t leur dcision d e tri en

    fonction de tou tes les caractristiquesdes clients et, selon les objectifs de labanque, le logiciel peut avantagermathm atiquement certains attributs.

    Grce ce type danalyses, unebanque identifie facilement les per-sonnes ges denviron 20 ans, cli-b ataires, vivant pour la plupart chezleurs parents et dont le service bancaireprfr est le suivi des p lacements,ou celles qui sont ges d enviro n5 7 ans, de sexe fminin, m aries ouveuves et pro p ritaires de leur loge-ment sans hypothque.

    Les banques et les compagnies das-surances ut ilisent d j ce type danalysede p rofils. Cependant, grce au m odledes fourmis, la visualisation des don-nes est facile et, surtou t, le nombre d e

    groupes ressort automatiquement desdonnes, alors que les mthod es clas-siques requirent un nom bre prdfinide groupes o les donnes sont rpar-ties. Ainsi, le tri d es fourmis ar tifi-cielles met au jour des communautsqui autrement restent caches.

    Par ailleurs, lagrgation descadavres a insp ir Alcherio Martinoliet ses collgues de lcole polytech-nique fdrale de Lausanne, qui onttranspos les comp ortements des four-

    mis des robots nomm s Khepera.

    Chaque robot est quip dune pinceavec laquelle il saisit et transp orte desobjets dun diamtre infrieur cinqc e n t i m t res. Grce des rcepteursinfrarouges, les robots vitent les obs-tacles ou les autres robots. Quand lobs-tacle est p etit, le robot y voit u n objet prendre : lorsque le robot ne transporterien, il saisit lobjet ; sinon, il dp oselobjet quil tient ct du n ouvel objet.Les expriences ont t effectues d ansune arne carre de 80 centimtres dect, o cinq robots et 20objets ont trpartis au dp art. En quelques heures,les robots ont rassembl tou s les objetset construit des agrgats en forme deserpentins (voir la figure 7).

    Lagrgation dobjets nest quunepremire tape vers la comp rhension

    du lien existant entre le processus decon struction dune struct ure spatialeet des algorithmes de rsolution dis-tribus. Quel doit tre le compo rtemen tdes robo t s? Qu elles rgles d e d ptet de p rise dobjets doivent-ils suivreafin que leurs interactions produisentla forme recherche?

    Les insectes sociaux ont dj rpond u ces questions. Ainsi, chez les gup essociales, qui construisent d es nids, encarton ou en bou e, darc h i t e c t u re

    7. LES FOURMIS OUVRIRES re g roupent les cadavres pour ne t-toyer leur ni d. Dans une exprience, 1 5 0 0 c a d a v res sont par-pills au hasard (en haut, gauche) : aprs 26 heures, les ouvriresont form tr ois amas (en bas, au centr e ). Ce comportement et la

    m a n i re dont les fourmis tri ent galement leurs larves ont inspi-rs des algorithmes de robots, qui dplacent des objets placsinit ialement au hasard dans une arne (en haut, dro i t e ), et lesrassemblent en un serpenti n (en bas, dro it e).

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  • 8/8/2019 Intelligence en Essaim

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    C BM Y100 % 80 % 60 % 40 % 20 % 10 % 5 %100 % 80 % 60 % 40 % 20 % 10 % 5 % 100 % 80% 60 % 40 % 20 % 10 % 5 %100 % 80 % 60 % 40 % 20 % 10 % 5 %

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    pliimpaire

    complexe, la forme du nid dtermineindirectement la construction par unprocessus nomm stigmergie : certainesmicrostru ctures rencontres sur le nidinfluencent lactivit btisseuse. Parexemple, certaines configurations decellules, identifies par la gupe grce ses antennes, entranent la construc-tion dune nouvelle cellule, alors quedautres sont sans effet. La dyn amiquede construction sapparent e un pro-cessus d auto-assemblage. Nou s avonsmontr que les structures produites parcet auto-assemblage et des algorithmesstigmergiques pouvaient tre trs la-bores (voir la figure 8). De plus, dautres

    problmes peuvent tre convertis sousla forme dune reprsentation spatiale,afin dtre rsolus par des robots ma ni-pu lateur s dobjets. Les divers systm esque nous avons dtaills illustre n tlabondance dapplications fondes surle comportement des insectes sociaux.Nou s pouv ons encore citer dautre sexe m ples : la planification du travaildans un e usine peut tre amliore parltude de la flexibilit de la rpartitiondes ta ches chez les abeilles (voir lenca-dr de la page70) ; inspir par la maniredont les gupes construisent leurs nids,Dan Petrovich, de lInstitut de techno-logie de larme d e lair am ricaine, amis au point u n essaim de petits satel-lites mobiles qui sassembleraient enune stru c t u re d onne p lus gran de ;

    grce des agents logiciels de typeinsecte, Van Dyke Parunak, de lInsti-tut de recherches enviro nne mentalesdu Michigan, rsout des pro b l m e sde fabrication, telle la gestion dun

    rseau de fournisseurs dune

    usine...Paul Kantor, d e lUniver-

    sit Rutgers, utilise lintelli-gence en essaim pour recher-cher des informations sur lerseau Internet, ainsi que dansd a u t res gr ands rseaux :dans u ne colonie dutilisa-teurs, les internautes larecherche de sites intressantsaccdent aux informationssous forme de phro mone snumriques la isses pardautres membres de la m-me colonie lors de recherchesprcdentes.

    Lintelligence en es saimoffre un m oyen de concevoirdes systmes capables de

    sadapt er rapidement desconditions changeantes. Ellesest dveloppe grce

    n o t re comprhension du fonction-nemen t des socits dinsectes, mmesi parfois les dtails prcis sur lesmcanismes impliqus sont encorei n co nn u s.

    Toutefois, bien qu efficaces da ns d enombreuses tches doptimisation etde contrle, les systmes d intelligenceen essaim sont p ar principe ractifs etmanquent dune vue d ensemble indis-pensable la rsolution de problmesqui requirent des techniques de rai-sonnement app rofondi.

    Les informaticiens craignaient qu eles agents autonomes de type insectene deviennent incontrlables dan s les

    ordinateurs quils habitent. Les nom-breuses applications leur ont dmon-tr que cette caractristique est unavantage lorsquelle permet de telssystmes de sadapter des problmesimpr vus : cette flexibilit fait dfautaux logiciels classiques.

    Ainsi, les insectes sociaux n ousenseignent que des lments ractifset simp les, correctement connectsdans un groupe, sont capables de pro-d u ire des rsultats intelligents : las-tuce rside dans la p ert inence desconnexions.

    ric BONABEAU est directeur scienti-fique la Socit Euro-Bios, Paris. GuyTHRAULAZ est thologiste au CNRS, lUniversit Pau l Sabatier, Toulouse.

    ric BO N A B E A U, Marco DO R I G O e tGuy THRAULAZ , Swarm Intelligence:F rom Natu ral t o Arti ficial Systems,Oxford U niversity Press, 1999.

    8. CETTE STRUCTURE (vue sous deux angles) a t obte-nue par auto-assemblage de 500 briques grce un pro-cessus sti gmerg i q u e : selon le voisinage peru,cest--dire ltat des 26 briques qui lentourent, lagentvirtuel btisseur dpose ou non une brique dans la cel-

    lule quil occupe. On a t la c ouche de briques superfi-cielle pour montrer la structure interne de lensemble.

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