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Université lumière Lyon 2 Institut d'Études Politiques de Lyon Aménagement Numérique du Territoire : déploiement du Très Haut Débit et fracture numérique. Le rôle optimal des PPP. Marine DUCHATELLE Mémoire de Séminaire Dans le cadre du séminaire 'Sphère privée et service public : les nouveaux partenariats ' 2012 -2013 Mémoire soutenu le 20/07/2013 Sous la direction de : Pierre-Yves PEGUY

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Université lumière Lyon 2Institut d'Études Politiques de Lyon

Aménagement Numérique du Territoire :déploiement du Très Haut Débit et fracturenumérique. Le rôle optimal des PPP.

Marine DUCHATELLEMémoire de Séminaire

Dans le cadre du séminaire 'Sphère privée et service public : les nouveaux partenariats '2012 -2013

Mémoire soutenu le 20/07/2013Sous la direction de : Pierre-Yves PEGUY

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Table des matièresRemerciements . . 5Epigraphe . . 6Avant-propos . . 7Introduction . . 10Titre I : Aménagement Numérique du Territoire et Très Haut Débit : liaison heureuse . . 12

A. Horizon de l’aménagement numérique du territoire . . 121. Quelques chiffres . . 122. Usages et caractéristiques du débit . . 133. Interventions publiques et investissements privés . . 154. La fracture numérique : résultat d’un manque de coordination entre sphèresprivée et publique . . 16

B. Contours législatifs et règlementaires . . 171. Les codes . . 182. Les lois . . 193. Les décrets . . 204. Autres cadrages nationaux . . 205. Cadre communautaire . . 20

C. Enjeux du très haut débit . . 211. Technologique . . 212. Economique . . 233. Territorial . . 244. Social . . 255. Culturel . . 256. Politique . . 26

D. L’ANT ailleurs . . 271. En Europe . . 272. Dans le monde . . 29

E. Défis de l’Aménagement Numérique du Territoire en Très Haut Débit . . 301. Supporter des investissements lourds, inégaux et incertains . . 312. Ne pas aggraver la fracture numérique . . 323. Envisager le THD comme une étape d’un processus continu . . 33

Titre II : Aménagement Numérique du Territoire et asymétries d’information : liaisondangereuse . . 35

A. La réduction des asymétries d’information par l’intervention publique . . 351. Rôle de l’ARCEP . . 352. Introduction d’une procédure d’aménagement numérique du territoire . . 403. Elaboration des SCORAN et SDTAN . . 42

B. La réduction des asymétries d’information par le montage juridique des contrats . . 44

1. Le Contrat de Partenariat : un montage juridique optimal pour un ANT cohérent. . 452. La Délégation de Service Public : un montage juridique fréquent . . 48

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3. Arbitrage entre DSP et CP . . 55Titre III : Perspectives de l’Aménagement Numérique du Territoire . . 59

A. Le « first best » : un Etat centralisateur garant d’un aménagement numérique duterritoire parfait ? . . 59

1. Analogie avec la construction du réseau d’électricité et de cuivre . . 592. Traduction pour l’ANT en THD : le retour d’un Etat centralisateur . . 61

B. Le « second best » : les partenariats public-privé et un retour de l’Etat stratègepour un Aménagement Numérique du Territoire optimal . . 62

1. Le nécessaire retour de l’Etat stratège . . 622. Les partenariats entre sphères publique et privée . . 63

C. La question de la pertinence de tels investissements . . 65Conclusion . . 69Bibliogaphie . . 72

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Remerciements

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RemerciementsJe tiens à remercier mon institut de formation que j’ai rejoint depuis peu, ainsi que l’ensemble de

ses professeurs qui nous ont enseignés un contenu riche en cette 4ème année d’affaires publiques.Cette année de formation m’a poussée à me dépasser parfois ; la satisfaction du travail accomplin’en est que plus grande.

Je veux aussi saluer mon université précédente, l’Université Lumières Lyon 2 et sa facultéd’économie et de gestion qui m’ont permis entre autre d’acquérir de solides connaissances enéconomie, finances et stratégie, réutilisées au cours de ce mémoire.

Le stage réalisé en juin sur une toute autre thématique, à Saint Brévin les Pins (44), sous laresponsabilité de M. Dupont, m’a permis de trouver une méthode de travail qui s’est révélée fortefficace et m’a apportée une confiance nouvelle. Merci pour cette vision moderne du managementpublic.

Je remercie mes proches pour leur patience, leur relecture et leurs conseils avisés.

Je pense aussi aux mauvaises expériences vécues qui aident à avancer et conditionnent lespas futurs.

Je souhaite enfin saluer la communauté internet pour la richesse d’informations qu’ellecontient et le fort potentiel de développement d’une autre culture à laquelle je crois.

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Aménagement Numérique du Territoire : déploiement du Très Haut Débit et fracture numérique. Lerôle optimal des PPP.

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Epigraphe« Si la France est passée en seulement quelques années du « désert numérique» à un « foisonnement digital », la concentration de 80 % de la population sur20 % du territoire constitue un réel défi technique et politique pour garantirun égal accès de tous aux technologies numériques (Internet, téléphonie,télévision, radio). Cela est d’autant plus vrai que les besoins en bande passanteont cru bien plus rapidement que la capacité des réseaux, sous l’influence desnouveaux usages. C’est donc un double défi : étendre la couverture numériqueet approfondir ses capacités. (…) Il en va de la vitalité de nos territoires, de lacompétitivité de nos entreprises et de la qualité de vie de l’ensemble de nosconcitoyens. »Hervé Maurey, sénateur de l’Eure, vice-président du groupe d’études postes et communicationsélectroniques, janvier 2010

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Avant-propos

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Avant-proposCe mémoire porte sur l’aménagement numérique du territoire et sur le déploiement du THD commemoyen de réduire la fracture numérique causée lors du déploiement du haut débit en France.

Ce sujet m’a particulièrement intéressée lorsque j’ai eu la chance d’assister aux 6èmesrencontres internationales sur les partenariats public-privé au Palais des Congrès à Paris en octobre2012. Plusieurs témoignages d’élus m’ont permis de prendre conscience du véritable enjeu pour lesterritoires de bénéficier d’infrastructures numériques, en particulier pour les zones rurales jusqu’icisouvent trop éloignées des lieux de culture, de dynamisme économique pour pouvoir en profiter.

Etant particulièrement sensible moi-même aux usages numériques, à l’instar de la génération àlaquelle j’appartiens, j’ai décidé rapidement que mon sujet de mémoire sur le thème des nouveauxpartenariats entre les secteurs public et privé parlerait du numérique. J’ai néanmoins longtempshésité pour la précision du sujet : installation et exploitation des infrastructures THD ou élaborationet exploitation des services publics dématérialisés ?

Mon choix s’est finalement porté sur la gestion des infrastructures du numérique parcequ’il s’agit de l’étape en amont de l’utilisation du potentiel des réseaux numériques. De plus,je trouvais intéressant d’assimiler tous les éléments physiques (câbles, fibre optique, fourreaux,nœud de raccordement, DSLAM etc) des infrastructures du numérique à une infrastructure plusmatérielle comme une route nationale par exemple, permettant une nouvelle forme de desserte etun rapprochement infini des personnes. Enfin, en termes de statistiques, de coûts et de qualité,ces éléments matériels sont plus simples à intégrer dans une réflexion comptable que les services,réputés pour être difficiles à évaluer quantitativement et qualitativement.

Ce mémoire m’a particulièrement plu parce que j’ai pu y mobiliser les différentesconnaissances acquises tout au long de la formation universitaire que j’ai suivie : une licence ensciences économiques et de gestion, une spécialisation dans l’audit et une maitrise en financesà l’Université Lumière Lyon 2 constituent le socle de mes connaissances, auquel sont venues

s’ajouter les riches enseignements de cette 4ème année à Sciences Po Lyon.

Le séminaire que j’ai suivi supposait l’étude et l’analyse de contrats de marché public. Ayantcontacté un ancien étudiant de Sciences Po aujourd’hui en poste à SFR Collectivités, je pensaisnaïvement pouvoir consulter des contrats afin de donner de la matière à ce mémoire.

La réalité est que les contrats ne peuvent sortir des bureaux de l’opérateur, pour des raisonsde confidentialité. Puis, d’autres impératifs m’ont fait mettre de côté ce travail important et mêmedécisif pour la validation de mon année, et mes démarches entreprises par la suite ne m’ont paspermis d’avoir de contact pertinent au sein des collectivités contactées.

Néanmoins, la richesse des données numériques m’a été d’une grande aide car j’ai alors putrouver quelques contrats, de nombreux témoignages d’élus, des statistiques officielles publiéespar des sites gouvernementaux et bien d’autres documents pertinents. Ce qui renforce mon idéeque l’International Network, Internet, est une source riche d’informations et donc de connaissancesaccessibles au plus grand nombre.

Le cadre général a été long et fastidieux à poser, aussi j’espère que la lecture de ce mémoirene sera pas trop compliquée. J’ai en effet cherché à simplifier le plus possible les différents termestechniques afférant aux communications électroniques et leurs infrastructures.

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Concernant les lois et règlements, je comptais réaliser un inventaire relativement exhaustifdes textes encadrant le déploiement du THD. Mais au fur et à mesure que ma problématique seprécisait plutôt sur la question de l’aménagement numérique du territoire, je me suis rendue comptedu vaste périmètre législatif et règlementaire qu’il faudrait évoquer si je voulais effectivement faireun inventaire exhaustif. Par conséquent, les lois et codes extraits dans ce mémoire sont les textesindispensables, auxquels il est fait référence dans le corps du mémoire et qui concernent doncsubstantiellement le sujet de l’aménagement numérique du territoire, et l’ouverture à la concurrencedu marché des communications électroniques.

J’ai aussi pu analyser le contrat de DSP d’affermage de la communauté d’agglomérationHavraise, mis en libre-accès sur Internet, séparé de ses annexes. Je suis déçue de n’avoir pas puconsulter ces annexes malgré mes demandes, mais je pense avoir su fournir une analyse concrètesur le contenu du contrat.

Pour conclure, mes nombreuses recherches théoriques, croisées avec les témoignages d’élus etd’usagers m’ont permis d’analyser les enjeux, les difficultés et de poser des axes de réflexion pourun meilleur aménagement numérique du territoire. Au terme de ma démarche, je peux affirmer quel’aménagement numérique du territoire est un volet fondamental de l’aménagement du territoire,consistant en l’installation pertinente d’infrastructures permettant le partage d’informations, lamodernisation des services administratifs, la compétitivité des entreprises et le développement desterritoires, garants de l’égalité des chances des résidents de France.

Guide des principaux sigles

3G : Réseau mobile 3ème génération

4G : Réseau mobile 4ème génération

AAI : Autorité Administrative Indépendante

AMII : Appel à Manifestation d’Intention d’Investir

ANT : Aménagement Numérique du Territoire

ARCEP : Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes

CGCT : Code Général des Collectivités Territoriales

CP : Contrat de Partenariat

CPCE : Code des Postes et des Communications Electroniques

DATAR : Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'AttractivitéRégionale

DSP: Delegation de Service Public

FttB : Fiber to the Building, fibre jusqu’au bâtiment

FttH : Fiber to the Home, fibre jusqu’à l’abonné

FttLA : Fiber to the Last Amplifier, fibre jusqu’au NRA

Fttx : terme générique pour designer toutes les poses de fibres optiques

HD : haut débit (entre 2 Mbps et 30 Mbps exclus) ou haute définition

MAPPP : Mission d’Appui aux PPP

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Avant-propos

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Mbps : Méga bits par seconde, unité de mesure du débit

NRA : Nœud de Raccordement des Abonnés

PFTHD : Plan France Très Haut Débit

PLU : Plan Local d’Urbanisme

PPP : Partenariat Public-Privé

RIP : Réseau d’Initiative Publique

RIPPP : Rencontres Internationales des PPP

SCORAN : Stratégie de Cohérence Régionale d’Aménagement Numérique du Territoire

SCOT : Schéma de Cohérence Territoriale

SDTAN : Schéma Directeur Territorial d’Aménagement Numérique du Territoire

THD : Très Haut Débit

TIC : Technologies de l’Information et de la Communication

TRI : Taux de Rentabilité Interne

Triple Play : Internet, Téléphone et TV

ZAC : Zone d’Activité Commerciale

ZAE : Zone d’Activité Economique

ZMD : Zone Moyennement Dense

ZTD : Zone Très Dense

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Aménagement Numérique du Territoire : déploiement du Très Haut Débit et fracture numérique. Lerôle optimal des PPP.

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Introduction

Au cours de ces dix dernières années, l’utilisation des technologies numériques a connuun essor exponentiel. L’accès à Internet est devenu un besoin essentiel, pour ne pasdire indispensable, à tel point que les réseaux mobiles permettant de rester connecté enpermanence ont connu la même évolution.

Cependant, en France, tous les foyers et entreprises ne bénéficient pas du mêmeaccès. En effet, l’accès Internet peut se faire plus ou moins rapidement selon la vitesse deconnexion, appelée « débit ». Caractérisé par des débits compris entre 2 Mbps et 30 Mbpsexclus, le haut débit s’est généralisé dans la quasi-totalité des foyers. Il offre cependantun accès fort inégal aux services numériques selon la couverture de ces foyers. Ainsi,la couverture a priori homogène du territoire français se révèle en réalité très contrastée,menaçant l’égalité des chances des territoires français et des leurs résidents.

Ces disparités marquent une fracture territoriale entre les zones urbaines, desserviesdepuis de nombreuses années en haut débit, bénéficiant des avantages d’une fortedynamique concurrentielle entre les grands opérateurs de communications électroniqueset en passe d’être connectées en très haut débit, et les zones rurales, ignorées desinvestissements privés, et peu voire non couvertes par des réseaux de communicationsélectroniques.

A cette fracture territoriale s’ajoute une fracture sociale, puisque l’accès à Internet estconditionné à la possession de terminaux connectés (ordinateur, tablette, smartphone), elle-même conditionnée au niveau de revenus des foyers. Ainsi, plus de 90 % des hauts revenusont un accès Internet à leur domicile contre 34 % des ménages modestes1.

Le très haut débit, ou THD, caractérisé par un débit supérieur à 30 Mbps et pouvantmonter à plus de 100 Mbps, est une évolution en matière de communications électroniques.Il passe, entre autre, par la technologie idéale que représente la fibre optique, et permet derépondre aux nouveaux usages numériques, plus gourmands en débit.

Le THD est considéré comme un fort potentiel de développement économique,d’attractivité territoriale et de cohésion sociale. Par le Plan France THD annoncé en 2012,le gouvernement Ayrault a fixé comme objectif la couverture totale du territoire en très hautdébit d’ici 2022, afin de profiter pleinement de la richesse apportée par une vitesse deconnexion accrue.

Cependant, le déploiement du THD nécessite des investissements massifs, que lesopérateurs privés, amenés à déclarer leurs intentions d’investir en infrastructures THD surle territoire français ne peuvent à eux seuls assurer. De même, les seules interventions descollectivités ne peuvent suffire pour remplir cet objectif. Ainsi, le déploiement THD risqued’empirer la fracture numérique et ses conséquences sur la société française.

Une mobilisation de l’Etat est donc fortement requise en amont, afin de définir unestratégie cohérente de ce qui est communément appelé : « l’aménagement numérique duterritoire », ou « ANT ».

1 Rapport du Centre d’Analyse Stratégique, Le Fossé Numérique en France, 2011

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Introduction

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Comment l’aménagement numérique du territoire peut-il concilier résorption de lafracture numérique et déploiement du THD quand des enjeux aussi contradictoires que ceuxde la rentabilité et de service public sont en jeu ?

La première partie de ce mémoire développera en quoi le très haut débit est unechance pour l’aménagement numérique du territoire, bien que leur association ne soit pasdépourvue de difficultés.

Ces difficultés seront décrites à l’occasion de la deuxième partie du mémoire qui seraconsacrée à la description de la double stratégie mise en place pour réduire les asymétriesd’information naissant à l’interface entre secteur public et sphère privée, sur un marchélibéralisé mais régulé,. Nous y verrons que l’intervention publique est primordiale pourédicter le cadre national d’aménagement numérique du territoire, mais qu’à l’échelon local,le recours aux montages juridiques des contrats permet aux collectivités de transférerleurs risques, et de réduire les asymétries d’information existantes, ou susceptibles dese développer au cours d’une relation de partenariat avec un opérateur privé fort de sonexpertise. Illustrée d’exemples, l’analyse se concentrera sur les contrats de délégation deservice public et les contrats de partenariats, car ils figurent assurément un partenariat entreles sphères publique et privée.

Enfin, la troisième partie de ce mémoire envisagera des perspectives pourl’aménagement numérique du territoire, basées sur l’analyse réalisée au cours dudéveloppement précédent. Un « first best » recommandant le retour d’un Etat centralisateurpour assurer un ANT cohérent, équitable et exhaustif sera évoqué, ainsi que les raisonsempêchant son application effective. Un « second best » y opposera alors une alternativeoptimale, dans laquelle le retour d’un Etat pilote aux commandes de la stratégie d’ANT,ainsi que le recours aux contrats de marché public, de type délégation de service public oucontrat de partenariat sont essentiels. Finalement, il semblera évident et indispensable dediscuter de la pertinence d’investissements massifs pour le déploiement d’un réseau qui nesemble pas susciter de réel engouement de la part des potentiels usagers.

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Aménagement Numérique du Territoire : déploiement du Très Haut Débit et fracture numérique. Lerôle optimal des PPP.

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Titre I : Aménagement Numérique duTerritoire et Très Haut Débit : liaisonheureuse

L’aménagement numérique du territoire concerne l’installation d’infrastructures permettantde créer un réseau de communications électroniques accessible aux résidents, leurexploitation, leur maintenance et leur mutabilité.

Après avoir investi dans le haut débit dans les années 2000, la France se retrouveconfrontée à un accroissement des besoins tant en terme d’utilisateurs que d’usage.

L’évolution des technologies a permis la découverte de la fibre optique comme nouveaumoyen de transport des données numériques. A l’inverse du réseau cuivre sur lequel reposel’actuel haut débit, la fibre optique garde la même conduction du réseau peu importe ladistance. De plus, elle permet d’avoir un débit minimum plus important que la haut débit, etmodulable selon les besoins. On parle ainsi du très haut débit ou THD.

A. Horizon de l’aménagement numérique du territoireIl convient, à des fins de compréhension du développement à suivre, de poser le cadregénéral de l’aménagement numérique du territoire en France.

1. Quelques chiffresSi la couverture numérique haut débit de la population française atteint les 99%, dans ledétail les chiffres sont moins bons. En effet, la moitié de la population ne bénéficie pas d’undébit de 6 Mbps permettant l’accès au Triple Play2, soit un débit de 6 Mbps.

En outre, environ 40% de la population française est ignorée par les initiatives privéespour doter leur territoire en THD, soit presque 90% des communes laissées sur le bord del’autoroute du très haut débit, de la compétitivité et de la reprise économique et sociale.

Cela s’explique par la concentration inégale de la population française sur le territoiremétropolitain selon la proportion suivante :

∙ 80% de la population dans les zones urbaines et péri-urbaines représentant 20% duterritoire ;

∙ 20% de la population dispersés sur les 80% de territoire restants, c’est-à-dire dans lescampagnes.

2 Offre comprenant une connexion Internet, la téléphonie fixe et la télévision.

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La desserte du plus grand nombre est relativement simple car elle suscite une rentabilitéintéressant les opérateurs privés. C’est la desserte des 20% restants qui pose problème.En effet, puisque ces 20% restants sont répartis sur 80% du territoire, cela signifie que cettepartie de la population est fortement dispersée et éloignée.

La volonté des pouvoirs publics de monter en débit et de proposer du THD estune réponse aux doléances de la population et des entreprises. En effet, devant ladémultiplication des usages numériques, la croissance des besoins en débit a été plusrapide que la capacité réelle des réseaux, arrivée à saturation dans de nombreusescommunes.

2. Usages et caractéristiques du débitLe débit est une mesure de vitesse, il mesure la quantité de données numériques transmisespar unité de temps. Il serait plus exact de parler de débit binaire, néanmoins le terme « débit »est entré dans le langage courant. Dans ce mémoire le débit sera exprimé en mégabits parseconde ou Mbps, soit 1 000 bits par seconde. Les accessoires de stockage (disque dur,clé USB) ont une capacité de stockage exprimée en octets, afin de clarifier ce discours, ilfaut savoir qu’un octet correspond à 8 bits.

Chaque utilisation d’Internet consomme ce que l’on appelle communément la « bandepassante », c’est-à-dire une vitesse maximale de transmission des données. C’est lacapacité de cette bande passante qui arrive progressivement à saturation avec le hautdébit, empêchant des usages simultanés ou ralentissant fortement la vitesse moyenne deconnexion.

Internet est ancré dans les habitudes de nombreuses familles et entreprises, il a permisd’accéder à de nouveaux services, de créer de nouveaux liens sociaux et de générer desgains de productivité.

Dans un rapport destiné aux collectivités territoriales, l’ARCEP3 publie des statistiques4

intéressantes sur ces nouvelles habitudes :

∙ 71% des Français sont connectés à l’internet à leur domicile pour les loisirs, le travail,les études, la communication avec les proches, les achats en ligne ;

∙ 25% des Français utilisent Internet pour travailler ou pour suivre une formation ;∙ 43% des Français effectuent des démarches administratives ou fiscales en ligne.

L’accès à Internet est très contrasté, en fonction du lieu car En fonction du lieu, la qualitéde l’accès à l’internet est variable :

∙ Environ 13% des foyers ne peuvent pas disposer d’un débit descendant de 2 Mbps ;∙ Environ 25% des foyers ne peuvent pas bénéficier, via leur connexion Internet, des

services de télévision, et 50% n’ont pas accès à la télévision haute-définition.

Selon les définitions, le THD est caractérisé par un débit descendant (téléchargement,download, réception) à partir de 30 ou 50 Mbps et un débit montant (téléversement, upload,envoi) à partir de 5 Mbps.

L’adjectif « descendant » désigne le débit le plus couramment utilisé : téléchargementde fichiers, visionnage de vidéo en ligne (streaming), navigation Web et consultation de

3 Autorité de Régulation des Communications Electroniques et des Postes, voir le Titre II. A. 1.4 Source : CREDOC Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie

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boîte mail. L’adjectif « montant » désigne le débit utilisé pour l’envoi de données : ajout d’unepièce jointe dans un mail ou transfert vers le cloud par exemple. Les jeux en ligne ou encoreles téléconférences consomment simultanément les débits montant et passant.

A titre de comparaison, le tableau ci-dessous synthétise les usages accessibles pourles particuliers selon les débits :

Type de débit Bas débit Haut débit Haut débit Haut débit Très Haut DébitDébit(descendant)

Inférieur à 2Mbps

2 Mbps 6 Mbps 10 Mbps 30 Mbps

Usages Accèsboîte mail,navigationinternet etréseauxsociaux. Fortelatence.

Mêmesusages maisavec plus defluidité

+ streaming,triple play(TV, internet,téléphone)avec TVbassedéfinition

+ TV HD,visio-conférences,usagessimultanésmais limités

+ Usagessimultanés,TV HD, 3D,visioconférence,télétravail, e-santé, jeuxévolués enligne…

Tableau 1 : Services numériques offerts selon la catégorie de débitLe THD permet de répondre à 2 évolutions simultanées :

∙ La multiplication des terminaux (ordinateurs fixes et portables, tablettes,smartphones), et avec elle l’augmentation des usages simultanés, augmentant doncla consommation de bande passante ;

∙ L’essor de nouveaux usages permis uniquement par le THD, gourmands en bandepassante, par exemple la télévision 3D ou ultra-haute définition.

A titre d’information, voici les consommations montantes et descendantes des principauxusages du numérique pour les particuliers :

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Titre I : Aménagement Numérique du Territoire et Très Haut Débit : liaison heureuse

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Figure 1 : Besoins en bande passante par type d’application5

En terme d’usages principaux, le THD permet le stockage en ligne (le cloud), le travailde pointe en collaboration à distance (opérations chirurgicales), l’ultra haute définitionpour les télévision, la 3D, les usages simultanés (TV, PC, tablettes, smartphones), ladomotique, le commerce électronique, l’internet des objets (objets ludiques), l’essor dutélétravail qui aura des conséquences environnementales et sociales fortes (réduction de lapollution, temps dans les transports, bien-être social, conjugaison des vies professionnelleet familiale), travail en mobilité, e-santé (centralisation de toutes les données médicalesdu patient sur un seul et même dossier alimenté par l’imagerie médicale, les analysessanguines, l’historique des vaccins…), l’e-éducation et l’e-formation (entrée dans la sociétéde la connaissance en permettant à tous de se former de chez soi et/ou en mobilité),ou encore l’e-administration (centraliser les données des administrés en un seul dossierpartagé entre toutes les administrations, cela modernisera les démarches administratives,simplifiera la vision de l’Etat).

Par conséquent, le THD permettra de créer une société de l’information et de laconnaissance, et rendra plus flexible l’utilisation du temps de chacun.

3. Interventions publiques et investissements privésLes infrastructures THD peuvent être l’objet d’investissements publics ou privés. Lesopérateurs privés ont la priorité pour se positionner sur les marchés rentables, c’est à dire lesZTD6 définies par l’ARCEP. Ces zones très denses sont les 20 plus grandes agglomérationsfrançaises et leur périphérie, concentrant à elles seules 20% de la population française.Les parts de marché y sont partagées entre Numéricâble qui fait du FTTB7 et les 4 autresopérateurs qui font du FTTH8. Ces zones très denses sont définies par l’ARCEP.

Viennent ensuite les zones denses qui concentrent 37% de la population. Sur ceszones, les opérateurs privés co-investissent : ils mutualisent leurs investissements etpartagent ainsi les risques. Ce sont ainsi 57% des foyers français qui vont pouvoir êtrecouverts par l’initiative privée. L’intervention publique est alors plus que nécessaire pouréquiper les 43% restants de la population.

Grâce à l’article L1425-1 du CGCT, et face à l’absence d’investissement privé, denombreuses collectivités ont pris l’initiative de créer des RIP : Réseaux d’Initiative Publiqueafin d’apporter à leurs habitants un réseau numérique et de dynamiser leur territoire.

L’association des réseaux créés par les opérateurs privés dans un souci de rentabilité,et des RIP dans un souci d’égalité des chances, sans oublier les zones où aucune initiativeprivée ou publique n’a été engagée, a généré un ensemble hétérogène de réseaux, auxcaractéristiques différentes et aux potentialités inégales,

Devant ce constat alarmant de fracture numérique, économique, sociale et territoriale,une intervention gouvernementale semblait indispensable afin de :

∙ Harmoniser les réseaux ;

5 Rapport THD IDATE, 20126 Zone Très Dense : présentant une forte concentration démographique, voir Rôle de l’Arcep, Titre II. A. 1.7 Fiber to the Building : fibre jusqu’au bâtiment8 Fiber to the Home : fibre jusque dans le logement, donc au plus près de l’abonné.

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∙ Interconnecter les réseaux pour assurer la continuité du service en cas de panne del’un d’entre eux ;

∙ Recenser et cartographier l’étendue des réseaux existants ;∙ Evaluer les besoins non satisfaits sur le territoire.

Ce constat a mené le législateur à reconnaître la fracture numérique comme une entorse auprincipe d’égalité devant le service public et comme un vecteur d’inégalités économiqueset sociales sur le territoire national. La loi 2009-1572 relative à la lutte contre la fracturenumérique est le produit de ce constat.

4. La fracture numérique : résultat d’un manque de coordination entresphères privée et publique

La crainte d’une forte inégalité entre les territoires est d’actualité aujourd’hui en témoignel’aménagement numérique a priori homogène du territoire français et pourtant imparfait.En effet, le territoire français comprend des zones encore non desservies en réseau decommunications électroniques, des zones ayant accès au haut débit (mais le haut débitest compris entre 2 Mbps et 30 Mbps, donc sur cette échelle, les services accessibles nesont pas du tout les mêmes), et enfin des zones déjà couvertes par le THD. La fracturenumérique provient de la différence entre les zones avec un très haut débit ou un haut débitdans la fourchette haute, et les zones peu ou pas desservies.

Ces zones peu ou pas desservies par le haut débit sont le résultat de déploiementsincohérents de réseaux de communications électroniques pour lesquels il n’y a pas eude concertation entre les initiatives privées et publiques. Les collectivités, conformémentà l’article L1425-1 du CGCT ont la possibilité d’ériger et d’exploiter leur propre réseau detélécommunication. On parle alors de Réseau d’Initiative Publique.

Mais ce déploiement presque anarchique de différents réseaux aux caractéristiquesdifférentes a engendré un déséquilibre dans l’aménagement numérique des territoires,offrant aux habitants d’une commune la possibilité de profiter d’un accès aux services dunumérique tandis que ceux de la commune voisine souffrent d’une connexion au ralenti.Ces inégalités devant l’accès au haut débit a eu des conséquences sur le développementterritorial, le dynamisme socio-économique et l’attractivité du territoire.

La fracture numérique, dont nous verrons qu’elle réunit des enjeux à la foiséconomiques, sociaux, territoriaux, culturels et politiques, est donc la conséquence dudésintérêt des opérateurs privés pour les zones pas assez, voire non rentables. Ce constatjustifie une intervention publique d’autant plus forte qu’avec l’intérêt économique du marchédu THD _ le marché du haut débit étant arrivé à maturité, il reste peu de parts de marché etpeu de nouvelles marges à dégager pour les opérateurs, tandis que le THD n’en est qu’àses débuts, et promet donc une dynamique concurrentielle forte, permettant une émulationde l’innovation_ le déploiement de cette technologie par le privé risque d’être limité auxterritoires déjà les mieux desservis, les 20 plus grandes agglomérations donc.

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Figure 2 : Répartition des accès ADSL en France, par débit descendant et par zone9

Ce schéma montre qu’en zone rurale, non seulement le haut débit est accessible àmoins de personnes qu’en zone urbaine (ce qui est logique étant donnée la répartitiondémographique inégale sur le territoire français), mais en plus, cet accès se fait à un débitmoindre qu’en zone urbaine ou suburbaine.

Ainsi, la fracture numérique apparue avec la couverture non exhaustive du territoirenational risque de s’aggraver alors qu’une faible part de la population commence à accéderau THD tandis qu’une part plus importante ne peut encore bénéficier d’un accès haut débitconvenable.

Afin de résorber cette fracture numérique, la loi 2009-1572 relative à la lutte contre lafracture numérique fixe comme condition du déploiement du THD, une montée en débit deszones les moins desservies. En contribuant au financement des SDTAN10, l’Etat s’assurede la prise en compte des zones jusqu’ici discriminées devant la couverture numérique.

Ainsi, c’est en voulant relever le défi technologique de fournir un débit de meilleurequalité aux zones urbaines seules jugées rentables, et donc d’apporter des sources decompétitivité aux territoires concernés, que les zones rurales se retrouvent à bénéficierd’une prise en compte de leur situation et au-delà : d’une obligation de solution au nom duprincipe de non-discrimination

B. Contours législatifs et règlementairesL’aménagement numérique du territoire est encadré par de nombreux textes législatifs etrèglementaires, nationaux et communautaires. Plusieurs textes communautaires peuventêtre insérés ici, néanmoins il est fait le choix pour ce mémoire de recenser les élémentsmajeurs du cadre législatif et règlementaire régissant l’aménagement numérique duterritoire et le marché des communications électroniques.

9 Rapport IDATE THD, 2012, à partir de données de décembre 201010 Schéma Directeur Territorial d’Aménagement Numérique du Territoire, voir Titre II. A. 3.

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1. Les codesL’aménagement numérique du territoire est encadré principalement par le Code Généraldes Collectivités Territoriales et le Code des Postes et des Communications Electroniques.Il sera ici fait mention des principaux articles concernant précisément le sujet del’aménagement numérique du territoire.

a. CGCTLe Code Général des Collectivités Territoriales regroupe les dispositions législatives etrèglementaires qui s’appliquent aux différentes collectivités territoriales. Le CGCT répartitainsi les compétences en matière de politique publique entre les régions, les départements,les communes et les diverses intercommunalités. Il consacre la libre-administration descollectivités territoriales11 comme principe fondateur de la décentralisation administrativeengagée de manière forte par l’Etat français en 198212.

Les compétences des collectivités territoriales en matière de communicationsélectroniques sont encadrées par les articles L1425-1 et L1425-2.

Article L1425-1 L’article L1425-1 donne aux collectivités territoriales le droit :

∙ de construire sur leur territoire des infrastructures passives et de déléguer leurexploitation à des opérateurs privés,

∙ d’exercer l’activité d’opérateur d’opérateurs consistant à établir et exploiter un réseaude communications électroniques revendu au détail par les opérateurs privés,

∙ d’exercer l’activité d’opérateur de services consistant à fournir des services decommunications électroniques aux utilisateurs finaux par le biais d’une relationcommerciale, uniquement si une carence d’initiative privée est constatée.

Article L1425-2L’article L1425-2 est rédigé sur la base du constat de la fracture numérique sur le territoiremétropolitain français. Afin de la réduire, cet article propose l’élaboration de schémasdirecteurs territoriaux d'aménagement numérique afin d’assurer une plus grande cohérencedans l’aménagement numérique du territoire français.

Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique recensent lesinfrastructures et réseaux de communications électroniques existants, identifientles zones qu'ils desservent et présentent une stratégie de développement de cesréseaux, concernant prioritairement les réseaux à très haut débit fixe et mobile,y compris satellitaire, permettant d'assurer la couverture du territoire concerné.Ces schémas, qui ont une valeur indicative, visent à favoriser la cohérence desinitiatives publiques et leur bonne articulation avec l'investissement privé.

Extrait de l’article L1425-2 du CGCCT

11 Article 72 de la Constitution de 195812 Loi DEFERRE, gouvernement MAUROY

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b. Code des Postes et des Communications ElectroniquesLe Code des Postes et des Communications Electroniques attribut à l’ARCEP lacompétence d’autorité administrative indépendante : elle est l’autorité de régulation dusecteur des communications électroniques et des postes. Pris dans sa globalité, le CPCEest reste vague quant aux descriptions de l’accès Internet.

De plus, le CPCE définit le service universel des communications électroniques dansson article L35. Celui-ci se caractérise par l’accès à des « communications de données àdes débits suffisants pour permettre l'accès à Internet », dans « des conditions tarifaireset techniques prenant en compte les difficultés particulières rencontrées dans l'accès auservice téléphonique par certaines catégories de personnes, en raison notamment deleur niveau de revenu et en proscrivant toute discrimination fondée sur la localisationgéographique de l'utilisateur ».

Il existe donc un service universel concernant la fourniture d’un accès auxcommunications électroniques, néanmoins le contenu règlementaire décrivant cescommunications semble manquer de précisions et peut donc induire des asymétriesd’informations.

2. Les lois

a. Loi 2004-575 portant sur la confiance dans l’économie numériqueLa loi n°2004-575 du 21 juin 2004 permet aux collectivités territoriales de déployer desréseaux de communication électronique. Cette loi a été codifiée dans le CGCT dans l’articleL1425-1. Elle permet aux collectivités de créer des Réseaux d’Initiative Publique (RIP) pourcompléter la dynamique des acteurs privés. Ainsi, couverture et concurrence vont de paircar les RIP favorisent l’intervention privée sur les territoires jusqu’ici peu ou non desservis.

b. Loi 2008-776 de modernisation de l’économie

Dans son chapitre 1er du titre III, la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation del’économie contraint les opérateurs à communiquer gratuitement à l’Etat et aux collectivitésterritoriales sur l’implantation et le déploiement de leurs infrastructures, à des fins derecensement des réseaux en place. Elle impose la mutualisation des réseaux FTTH afin depermettre une meilleure couverture numérique du territoire et une concurrence accrue dansles zones desservies, et le fibrage des immeubles neufs.

En outre, elle rappelle que les collectivités interviennent sur le marché dans le respectdes principes d’égalité et de libre concurrence. Enfin, cette loi est symbolique car elle crée un« droit à la fibre », inspiré du droit à l’antenne consacré par la loi n°66-457 du 2 juillet 1966.

c. Loi 2009-122 de finances rectificativesLa loi n°2009-122 du 4 février 2009, promulguée dans le cadre du plan de relance del’économie française, permet aux opérateurs d’utiliser les infrastructures de réseaux déjàprésentes sur le domaine public pour déployer leurs propres réseaux.

d. Loi 2009-1572 relative à la lutte contre la fracture numérique

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La loi n°2009-1572 du 17 décembre 2009 porte en titre II l’objectif de « prévenir l'apparitiond'une fracture numérique dans le très haut débit ».

Portant modifications et ajouts aux Code des Communications Electroniques etdes Postes ainsi qu’au Code Général des Collectivités Territoriales, cette loi reconnaitaux SDTAN une valeur juridique et les assied comme document validant une stratégiecohérente d’aménagement numérique des territoires, en complément des SCORAN. Pourélaborer ces SDTAN, la loi prévoit la création de Commission Consultative Régionale pourl’Aménagement Numérique des Territoires.

Elle met en place aussi un fond spécial dédié au financement de l’ANT dans le cadredes SDTAN : le Fonds National d’Aménagement et de Développement du Territoire.

Cette loi établit les modalités de mutualisation des réseaux afin de les déployerrapidement, et dans un souci de rationalisation des dépenses.

Enfin, afin d’assurer une meilleure cohérence entre les interventions publiques etprivées, elle encourage l’association des capitaux des 2 sphères autour d’un mêmeprojet d’aménagement numérique du territoire, dans le souci de réduction de la fracturenumérique. Les différents partenariats public-privé sont l’occasion de cette association.

3. Les décretsLe décret n°2009-166 contraint les opérateurs de communications électroniques à rendrepubliques, selon certaines modalités de présentation, les informations relatives à leur partde couverture numérique du territoire. Ceux-ci doivent aussi mettre à disposition du publicun service gratuit permettant de s’informer sur l’éligibilité à leurs services.

Le décret n°2009-167 fixe les obligations pour les opérateurs d’informer les collectivitéset l’Etat, sur demande, des éléments techniques concernant leurs infrastructures d’accueilet de fourniture de réseau établis sur leur territoire.

4. Autres cadrages nationauxAdressée aux préfets de région pour attribution et aux préfets de département pourinformation, la circulaire du 16 août 2011 relative à la mise en œuvre du programme nationaltrès haut débit et de la politique d'aménagement numérique du territoire permet de rappelerbrièvement les enjeux du déploiement du très haut débit en France. Elle précise en annexele contenu du SDTAN de manière concrète.

Dans tous les textes cités supra, le législateur précise que l’intervention de l’Etat, decollectivités ou de leur groupement sur le marché se fait dans le respect du principe delibre concurrence et dans des conditions « objectives, transparentes, non discriminatoireset proportionnées ». Ces réserves font référence au principe de liberté économique, ouliberté du commerce et de l’industrie, repris par le Traité de Rome qui suggère que lespersonnes publiques défavorisent les autres agents économiques lorsqu’elles interviennentsur le marché, et qu’il faut, par voie de conséquence, limiter leurs interventions.

5. Cadre communautaire

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La directive-cadre 2002/21/CE du Parlement européen décide d’un cadre réglementairecommun pour les réseaux et services de communications électroniques dans le but d’ouvrirle secteur à la concurrence.

Imposant la création de régulateurs nationaux, elle pose des modalités permettant defaciliter l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché jusqu’alors monopolistique, de stimulerla concurrence et les investissements.

C. Enjeux du très haut débitL’Aménagement numérique du territoire est une compétence qui revient à l’Etat. Il ne s’agitpas simplement une sorte d’aménagement du territoire mais aussi d’un investissementd’avenir.

Ainsi l’ANT réunit les enjeux sociaux de l’intégration et de la cohésion, des enjeuxculturels, des enjeux économiques grâce au potentiel de croissance élevé de l’économienumérique, et enfin des enjeux politiques pour moderniser l’administration et les servicespublics et parvenir à une meilleure utilisation des deniers publics grâce à la productivitédégagée par les services numériques.

1. TechnologiquePasser au THD relève d’un effort d’organisation pour adopter une technologie qui n’est passi récente puisqu’inventée dans les années 7013. Pays occidental développé, la France a prisdu retard dans l’aménagement de la fibre, c’est pourquoi les sénateurs P. Hérisson (UMP)et Y. Rome (PS) ont souhaité en alerter la population dans leur rapport d´information surl’action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire,publié en février 2013.

Tandis qu’il fut un temps où installer les infrastructures THD aurait relevé d’uneheureuse et stratégique action publique, aujourd’hui, même si la France reste mieux équipéeque la moyenne européenne, comme le montre la figure 4 (Titre I, D. 1.) , cet équipementdevient un impératif si la France souhaite retrouver un potentiel de croissance.

La fibre optique a été choisie face aux autres modalités de déploiement du THD parle Parlement, car cette technologie représente l’avantage de pouvoir transporter un débitimportant, sans que celui-ci ne diminue avec la distance, contrairement au réseau cuivre.De plus, le signal lumineux circulant à l’intérieur des fibres (c’est la lumière qui assure letransport des données) peut être intensifié selon la demande, la fibre optique semble doncêtre un choix pertinent car modulable à plus ou moins long terme, selon la variation desbesoins. Néanmoins, il faut que les fibres soient de qualité pour éviter des déperditions dedébit. En cela, la France pourrait soutenir ses industries, notamment en Normandie où unesociété14 fabrique des fibres optiques suite à une reconversion industrielle heureuse.

A l’occasion des 6èmes Rencontres sur les Partenariats Public-Privéen octobre2012 au Palais des Congrès à Paris, quelques élus ont exprimé leur crainte que les

13 Source : http://orange.com/sirius/histoire/fr/moments-forts/14 SCOP ACOME

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investissements actuels dans la fibre deviennent rapidement obsolètes, du fait de l’évolutionfulgurante des technologies. Ainsi, alors que la France a pris du retard dans son déploiementen fibre optique, d’autres recherches pourraient mener rapidement à la découverte d’unnouveau moyen plus rapide, moins invasif (il s’agit dans la majorité des cas d’enterrer lafibre), moins coûteux à installer, tandis que la France serait bloquée dans son programmede déploiement de la fibre.

Néanmoins, il semble inimaginable de ne pas prendre le créneau de la fibre optiqueafin d’attendre cette nouvelle technologie prometteuse mais pour le moment inexistante,au risque de freiner fortement le potentiel de reprise économique de la France et de priverla société française d’une nouvelle forme de cohésion sociale et d’un meilleur accès auxservices publics.

En outre, de nombreuses améliorations techniques peuvent être réalisées afin deprocéder à une montée en débit des territoires pas ou mal desservis en haut débit. C’estle cas, sur le schéma ci-après, de la figure n° 2 par rapport à la figure n°1 : il est ainsipossible d’apporter la fibre optique entre le NRA15 et le sous-répartiteur afin de booster lesconnexions en cuivre en aval.

Les solutions 3 et 4 sont les solutions permettant d’apporter du THD aux usagers. Lasolution n°3 représente le FTTB, « Fiber To The Building » ou fibre jusqu’au bâtiment, elleest presque entièrement le monopole du câblo-opérateur Numéricâble, et fournit un THDmoindre au FTTH.

Le FTTH, « Fiber To The House » ou fibre jusqu’au logement, est représenté par lasolution n°4, elle représente un marché dynamique sur lequel les 4 principaux concurrents(Orange, SFR, Free et Bouygues) cherchent à gagner des parts de marché.

Les réseaux hertziens utilisant les anciennes connexions de télévisions peuvent aussireprésenter de bonnes alternatives, combinant un recyclage d’infrastructures existantes etun moyen de réduire la fracture numérique par la montée en débit des territoires oubliés.

Enfin, il ne faut pas oublier la solution des réseaux mobiles qui permettent d’accéderà des débits de plus en plus élevés. Ceux-ci sont émis par des antennes, qui elles-mêmespeuvent être reliées par fibre optique en remplacement du cuivre pour augmenter leur débitfourni16.

15 Nœud de Raccordement des Abonnés16 Voir figure 6, Titre I, E. 2

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2. EconomiqueInstaller le nouveau réseau en fibre optique pour desservir tous les Français est un défi quela France doit relever car l’économie du numérique est porteuse d’emplois, de croissance,de gains de productivité et d’innovation. Ainsi, en 2010, ce secteur représente 4% desemplois en France, 3,7% du PIB et est responsable d’un quart de la croissance françaiseentre 2009 et 201017. Même, Internet serait à l’origine d’un quart de la croissance en Francesur la dernière décennie18.

Le sénateur Bruno Retailleau estime que le THD est « absolument nécessaire » dans uncontexte de crise économique car « le PIB s’accroît de 1,3% chaque fois que l’on gagne 10%de taux de couverture » ; en estimant que la France ait aujourd’hui un taux de couvertureen THD d’environ 25%, la marge restante avant d’atteindre une couverture totale et parfaitelaisse présager une croissance économique digne des 30 Glorieuses19.

Il s’agit donc d’un secteur stratégique. Selon l’ARCEP, le déploiement du THD surle territoire français dans les 15 prochaines années entrainerait la création de 700 000emplois puisque cela toucherait de nombreuses branches professionnelles : de la créationdes fibres et câbles, à leur installation, leur exploitation, les services administratifs autour deces activités, les formations professionnelles adéquates, les métiers d’ingénieries se basantsur le potentiel du THD et encore d’autres emplois auxquels il est aujourd’hui peut-êtreimpossible de penser car ils seront inventés grâce aux nouveaux usages permis par le THD.

Grâce à la réduction des frontières géographiques et l’efficacité des réseaux postaux,le commerce électronique s’est fortement développé depuis les années 2000, permettantde relier tous les foyers, même les plus isolés au dynamisme économique. De plus, Interneta permis de réduire les distances entre les personnes, et ainsi de permettre la persistanced’un lien social. On peut par exemple penser aux personnes âgées qui peuvent tirer d’uneconnexion Internet le bénéfice d’un lien social préservé avec leur famille, bien qu’aujourd’huiun fossé générationnel se soit créé devant les usages numériques et leurs potentialités.

17 Rapport IGF, janvier 2012, « Le soutien à l’économie numérique et à l’innovation »18 « Guide sur le déploiement de la fibre optique à l’usage des élus et des collectivités territoriales », rapport de l’ARCEP, juillet 2011

19 Environ 7%.

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Internet par le THD permet d’apporter le marché au sein des foyers, mêmeles plus éloignés, pour un prix moindre. Vecteur de comparaisons et d’entraidesentre les internautes, Internet contribue à augmenter le bien-être des consommateursen leur permettant de comparer les offres des producteurs, de recueillir l’avisd’autres consommateurs ou encore de demander l’avis de véritables experts, réduisantl’asymétrie d’information classiquement présente sur les marchés entre producteurs etconsommateurs.

Du côté du producteur, Internet lui permet d’atteindre plus de consommateurs, au-delàde son simple rayonnement géographique et exerce une sélection au sein des producteursen éloignant les moins effectifs en terme de service par exemple. De plus, les boutiquesen ligne permettent de réduire les coûts de structure qui pèsent sur les budgets desentreprises : les bâtiments peuvent être moins grands, les dépenses en accueil de laclientèle et en vitrine disparaissent, le personnel peut être réduit grâce à une meilleureflexibilité de la gestion de la relation clientèle, les frais courants liés à l’exploitation d’unbâtiment diminuent, le cloud permet de stocker les documents divers : sécurisation del’information, gain de place et de d’argent (impressions, papier….). Internet est ainsi uneformidable opportunité pour les entreprises françaises, de se faire connaître, de dégagerdes économies de fonctionnement et d’atteindre un public élargi.

Les collectivités qui veulent attirer les entreprises sur leur territoire, car elles sont ungage d’attractivité et de dynamisme du territoire, doivent donc se saisir de cette demande,d’autant plus que l’accès HD20 et THD est le 3ème critère d'implantation des entreprises,devant les facilités logistiques (accès aux infrastructures de transport).

3. TerritorialSi le THD et l’ANT sont des thèmes fréquemment abordés par les membres dugouvernement, les enjeux sont davantage ressentis par les élus locaux sur leur territoire.

Gage d’attractivité de leur territoire, le THD est le 3ème critère d’installation desentreprises, devant l’accès aux infrastructures de transport. Les entreprises sont un moteurde dynamisme des territoires pour les emplois qu’elles créent, la richesse qu’elles apportentet leur contribution fiscale aux politiques publiques locales. L’action publique locale, conduiteselon la libre-administration des collectivités territoriales, est financée pour plus de la moitiépar la fiscalité locale21 et par les dotations de l’Etat à hauteur d’environ 40%. Les élus ontdonc tout intérêt à déployer ce critère d’installation des entreprises afin de préserver voireaccroître l’attractivité de leur territoire, garante de leur autonomie financière.

L’aménagement numérique du territoire peut permettre d’insuffler une dynamique àla ruralité en lui donnant accès aux marchés, à l’information, à la culture à la santé,à la formation, à la compétitivité, aux emplois. Il s’agit de permettre une plus grandecohésion territoriale. La question centrale de cette convergence des zones rurales avecla dynamique urbaine est la solidarité devant les investissements. En effet, avec unepopulation métropolitaine concentrée à hauteur de 80% sur 20% du territoire, il s’agit detrouver un financement plus élevé pour une part moindre de la population, dispersée surles 80% du territoire restants.

20 Haut Débit21 La fiscalité locale est composée de : taxe d’habitation, taxes foncières sur le bâti et le non-bâti et la CET.

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Comment justifier de la hauteur de ces investissements pour le plus petit nombre ?Cette question a été relevée par la Ministre de l’égalité des territoires et du logement, CécileDuflot, qui évoque qu’ « en matière de territoires, égalité ne veut pas dire uniformité »22

et qu’en conséquence, d’autres options, au coût de déploiement mois élevé, doivent êtreenvisagées pour couvrir les zones peu peuplées (montée en débit par les réseaux mobiles,hertziens, l’accès à la boucle locale ; pour le THD : couverture satellite et fibre optiquesaériennes).

4. SocialInternet permet aussi de s’informer tant sur des questions de connaissances techniques,des savoirs que de la culture qui se désenclave des musées et autres expositions. Il estdonc un formidable outil de cohésion sociale, permettant d’effacer les distances entre lesgens, de desservir chaque résident connecté en informations, culture et connaissances.

Les promesses de l’installation du THD sont séduisantes :

∙ Création de nouveaux emplois et de nouveaux postes, très attendue quand le taux dechômage atteint les 9,8% de la population active23 en 2012.

∙ Attractivité du territoire permettant d’assurer une cohésion sociale grâce à laconvergence entre zones rurales et urbaines ;

∙ Résorption de la fracture numérique par l’obligation de faire monter en débit leszones pas ou faiblement desservies, dans le cadre des SDTAN et SCORAN24, selonl’application de la loi 2009-1572 ;.

∙ Réduction des frontières géographiques et temporelles, permettant ledésenclavement des personnes vivant en milieu rural isolé. Cela assurera un mieux-être de la population, grâce à un contact préservé, et la possibilité de nombreuxpartages : visioconférences, photos, vidéos, fichiers.

∙ Perspectives dans le domaine de la santé : développement de la e-médecinepermettant aux zones rurales désertées médicalement de réduire leur taux demorbidité ;

∙ Perspectives culturelles : accès élargi et enrichi aux œuvres artistiques, ouverture ;∙ Perspectives en enseignement : développement des formations à distance.∙ Essor du télétravail : en permettant de conjuguer vie familiale et professionnelle trajet.

Ce nouveau mode de travail représente une opportunité pour le retour des mères surle marché de l’emploi.

5. CulturelL’accès à la culture, en tant que richesse immatérielle et « âme de la démocratie »25

pourra être rendu possible pour les non-initiés et les populations habitants dans les zonespauvres en lieux et manifestations culturelles. Ainsi, la culture pourra se dématérialiser etêtre enrichie par des contenus numériques, par exemple une visite virtuelle et en 3D d’unmusée. Le THD est donc un nouveau moyen pour diffuser et enrichir la culture.

22 Discours de Cécile Duflot, à l’ouverture de la table ronde sur l’Aménagement numérique, Paris, juillet 201225 Lionel Jospin, Déclaration de politique générale - 19 Juin 1997

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Mais si la culture est un enjeu du THD, la réciproque n’en est pas moins vraie.En effet les usages numériques, accrus par le THD imprègnent aujourd’hui les jeunesgénérations, générations dites « connectées », les pratiques d’entreprises, les institutions.Ces nouveaux usages devenus progressivement des habitudes, des normes s’insèrent defaçon impalpable à la culture selon la définition de l’UNESCO,

« dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée commel'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs,qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les artset les lettres, les modes de vie, les droits fondamentaux de l'être humain, lessystèmes de valeurs, les traditions et les croyances ».

D’un côté la culture est menacée par une diffusion mondiale des modes de vie menant àune probable uniformisation culturelle, et par le piratage des œuvres artistiques menaçantla créativité future.

D’un autre côté, la culture peut au contraire être enrichie de contenus (ex : visite virtuelled’un musée en 3D), de meilleure qualité (ex : vidéo ultra-haute définition), partagée plusrapidement (ex : un débit symétrique ou quasi-symétrique permettant l’envoi et la réceptionde fichiers plus lourds, plus rapidement) et rendue accessible à plus de monde (ex : la fibreassure un débit égal d’un bout à l’autre de la ligne, et pour chaque usager utilisant unemême fibre) grâce au très haut débit.

6. PolitiqueSelon les gouvernements, on distingue une volonté identique : couvrir l’ensemble duterritoire par des infrastructures THD, néanmoins les modalités divergent selon lesorientations politiques.

En 2009, dans un discours sur le Plan France Numérique 2012, François Fillon alors

1er Ministre décrivait les projets lancés pour assurer une plus grande cohérence de l’ANT etsurtout une meilleure gouvernance de ces projets. Conscient du potentiel de développementéconomique d’une société connectée, le chef du gouvernement allait même jusqu’à évoquerun « véritable droit à l’accès internet haut débit ».

En 2010, Benoît Loutrel26, directeur de programme Economie Numérique auCommissariat Général à l’Investissement déclarait qu’ « on ne [pouvait] pasraisonnablement prévoir de déployer la fibre à moyen terme en zone 327 », et qu’en étant« pragmatique », il s’agirait d’éviter que se forme une trop large fracture numérique. Il faudraitdonc réfléchir aux alternatives à la fibre, par exemple le satellite, afin de permettre unemontée en débit.

En janvier 2013, moins d’un an après l’élection d’un candidat socialiste à la présidencede la République Française, le gouvernement affiche son vœu d’un retour de l’Etat stratègepour piloter le déploiement THD et effacer les incohérences d’aménagement des annéespassées. Il affiche sa détermination pour assurer comme prévu, la couverture totale duterritoire français en THD, mais avec un délai rallongé (par rapport au plan précédent lePlan France Numérique 2012 qui prévoyait une couverture totale en 2017), et insiste sur lanécessité de réduire la fracture numérique qui est une fracture sociale, culturelle, territoriale

26 http://www.clubparlementairedunumerique.fr/actualite-secteur/juin-2010/159-benoit-loutrel27 La zone 3 fait partie des ZMD, elle est distinguée car elle représente une population très éparse. Voir Titre II. A. 1.

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et économique avant même d’être une fracture technologique. L’aménagement numériquedu territoire était déjà une priorité de la campagne du président Hollande en 2012. Ainsi, lePFTHD projette que 100% du territoire français soit couvert par le THD d’ici 2022 et 50%d’ici 2017, avec un effort particulier pour réduire la fracture numérique « grâce à toutes lestechnologies ».

L’objectif européen n’est pas moins ambitieux compte tenu du territoire sur lequel ils’applique : une couverture de 100% des ménages à plus de 30 Mbps d’ici 2020, dont lamoitié à plus de 100 Mbps.

La ligne est donc claire, reste à trouver les financements pour ériger les infrastructuresdu THD. La ministre de l’égalité des territoires et du logement, Cécile Duflot, dansson discours du 27 juillet 2012 rappelle qu’égalité ne signifie pas uniformité et que «l’aménagement numérique n’est pas synonyme d’une réponse univoque ». En effet, la fibren’est pas le seul moyen d’accéder au THD. Les moyens sans fil et satellitaires peuventpermettre de desservir les zones faiblement denses sans engager des coûts exorbitantspour les collectivités, chargées de l’aménagement de ces zones suite au désintérêt desinvestissements privés.

Néanmoins, cette différence de traitement pourrait être critiquée puisque ces solutionssont plus chères pour l’utilisateur final que les offres illimitées des grands opérateurs.Des subventions permettraient alors de ramener leur coût à celui des offres classiquesdes opérateurs de communications électroniques. Mais c’est véritablement la question duprincipe d’égalité de traitement qui poserait problème ici.

Après une période caractérisée par une crise économique, l’aménagement numériquedu territoire serait donc une clé de voûte pour relancer l’économie française et le moral desménages. Devant l’étendue de ces enjeux, l’ANT en THD et en débit rehaussé peut êtreconsidéré comme une obligation de service public.

D. L’ANT ailleursAlors qu’en 2012, suite à une proposition de loi visant à améliorer et à rendre plus efficacel’aménagement numérique du territoire, le sénateur H. Maurey déclare que « la France esten passe de manquer le virage du numérique »28, la comparaison avec l’aménagementnumérique du territoire d’autres pays semble pourtant plutôt rassurante.

Néanmoins ces comparaisons sont à prendre avec prudence étant donné que chacundes Etats étudiés présente des caractéristiques différentes (composition du marché,règlementation, démographie, niveau d’urbanisation, secteurs économiques dominants…).

1. En EuropeL’aménagement numérique du territoire européen est une priorité évoquée par laCommission Européenne, tant à travers la couverture en haut débit minimum que ledéveloppement de la concurrence sur le marché des communications électroniques, commele rappelle Neelie Kroes, Commissaire européenne :

28 Interview du Club Parlementaire du Numérique, février 2012.

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« Il est important de souligner que l'objectif de la Commission n'est passeulement d'encourager et d'accélérer le déploiement des infrastructurespour les communications électroniques, mais aussi celui de veiller à ce que laconcurrence effective ait lieu sur ces réseaux. », Cahiers de l’ARCEP n°1, 1ertrimestre 2010

Ainsi, alors que dans tous les pays membres de l’Union Européenne des projets d’ANT sontlancés, la France semble pour le moment disposer d’un des meilleurs taux de couverturehaut débit et très haut débit de son territoire.

Sur le schéma ci-après, on s’aperçoit que la France offre un meilleur accès au hautdébit, que ce soit en terme de qualité de connexion – l’ADSL offre de meilleurs débits quele câble ou le modem- ou en terme de desserte de son territoire rural, en comparaison avecla moyenne européenne. Le seuil de 8Mbps est une référence car il permet de bénéficierdu Triple Play : l’accès internet, la téléphonie fixe et la télévision.

Les taux de pénétration et de couverture seront utilisés pour comparer la situationdes différents pays. Le taux de couverture est le rapport du nombre de foyers éligiblesau THD sur le nombre de foyers total du territoire. Il désigne donc la part des foyers quibénéficient d’une possibilité de contracter un abonnement THD s’ils sont intéressés. Le tauxde pénétration est le rapport du nombre de foyers abonnés sur le nombre de foyers éligibles,ce sont donc les foyers qui ont transformé leur possibilité d’être connecté en THD en uneréalité.

Ces taux sont des critères pour le choix des opérateurs privés d’investir ou non sur unterritoire, car il présage leur retour sur investissements. Par exemple, l’opérateur Free ne sepositionne sur un territoire pour un investissement en infrastructures THD que si son tauxde pénétration en haut débit y est supérieur à 15%. Cette même réflexion est ramenée à10% pour SFR29.

29 Rapport IDATE THD 2012

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Figure 4 : Part des abonnés bénéficiant d’un débit > 8Mbps par technologie d’accès etpar zone, décembre 201030

Une étude réalisée par l’IDATE31 compare la situation des grands marchés européensdu numérique : la Suède, l’Allemagne, le Royaume Uni et la France.

La Suède, championne européenne, connait un taux de couverture de 34% et un tauxde pénétration de 39%. Ce succès est dû à l’implication des collectivités qui ont déployésleurs propres réseaux dès les années 2000.

L’Allemagne connait une situation presque inverse à celle de la France : elle bénéficied’un taux de pénétration (19%) supérieur à son taux de couverture (2%)32. Néanmoins ils’agit principalement d’un déploiement d’initiative privée.

Dans le cadre de son plan Superfast Broadband doté d’un budget de 530 millionsGDP33, le gouvernement britannique soutient l’opérateur historique, British Telecom, afinqu’il déploie un réseau fibre optique. Ce plan national a pour ambition de créer « le meilleurréseau d’accès en Europe d’ici 2015 »34.

Quant à la France, si le taux de pénétration du THD sur son territoire parait faible,le rythme d’abonnements FTTx35 en 2011 est pourtant le plus rapide des pays de l’UE.Il est donc permis d’espérer que le nombre d’abonnés croisse exponentiellement avecl’augmentation de la couverture du territoire national et l’adoption progressive du nouveaupotentiel du THD.

2. Dans le mondeLes leaders mondiaux sont la Corée du Sud et le Japon, suivis de la Suède et des Etats-Unis.

Les Etats-Unis ont adopté une stratégie intéressante car différente de celle dela France : la proportion de couverture du territoire est moindre (19%), cependant lapénétration est forte (32%), grâce à une prospection intensive des entreprises. L’objectif dugouvernement fédéral est plus ambitieux qu’en France car il vise à couvrir 85% des foyersà 100 Mbps d’ici 2020. Le marché américain est caractérisé par une forte concurrencemultimodale entre les câblo-opérateurs et les opérateurs télécoms. Cette dynamiqueconcurrentielle est facteur de stimulation positive conduisant à une meilleure couverture duterritoire. Il semble ainsi qu’au pays de l’oncle Sam, le THD soit attendu avec plus de ferveurqu’en France où son usage peine à être adopté.

La Corée du Sud est la championne internationale du THD grâce à une couverturequasi-totale et l’abonnement de 6 foyers éligibles sur 10. Ce succès est dû à 2 facteursprincipaux :

30 Rapport IDATE THD, 2012, à partir de données de décembre 2010.31 Institut De l’Audiovisuel et des Télécommunications en Europe, think tank spécialisé dans l’économie numérique32 Rapport IDATE THD, 201233 Environ 620 millions €34 Rapport IDAT E THD 201235 Fiber to the X : terme générique pour évoquer l’ensemble des méthodes de raccordement en fibre optique

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∙ la structure d’habitat : la population y est particulièrement concentrée dans les villes,et dans des habitats collectifs, favorisant un déploiement rentable des infrastructures

du THD. Cette situation est identique au Japon, d’où sa 2nde place au classementmondial.

∙ La forte promotion du THD par l’Etat qui a créé un label pour les immeubleséquipés en fibre optique. Cette labellisation renforce la concurrence et l’envie de sedifférencier pour les opérateurs. Ainsi, de nouveaux immeubles connectés en UltraHaut Débit36 ont fait leur apparition, preuve de l’émulation initiée par le gouvernement.

Figure 5 : Comparaison entre le taux de couverture et le taux de pénétration sur les huitplus grands marchés mondiaux du THD37

Selon cette étude, la France occupe donc la 3ème place européenne et la 6ème placemondiale en 2011. Cependant, cela ne doit pas faire oublier que dans l’absolu la couvertureest insuffisante et que l’aménagement numérique du territoire français devra relever desérieux défis.

E. Défis de l’Aménagement Numérique du Territoire enTrès Haut Débit

L’Aménagement Numérique du Territoire en THD est confronté à 3 difficultés majeures :financière, sociale et technologique.

37 Journal du Net, sur la base du rapport IDATE THD 2012.

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1. Supporter des investissements lourds, inégaux et incertainsCet aménagement numérique, proposé par le Plan France Numérique 2012 puis par le PlanFrance Très Haut Débit, nécessite entre 30 et 40 milliards d’euros d’investissements selonle DATAR.

En plus d’être conséquents, ces investissements sont inégalement répartis entre leszones urbaines et rurales : le coût de la couverture THD de 80% de la population et desentreprises, présentes donc dans les zones urbaines, ne représenterait qu’environ la moitiédu coût d’une couverture exhaustive38. La géomorphologie de la France montre un territoiretrès escarpé dans les zones les moins denses. Les zones habitées reculées représententdonc des difficultés d’aménagement du territoire car elles nécessitent des techniques degénie civil plus poussées que les zones denses et déjà aménagées, des études d’impactenvironnemental.

Cela implique donc que ces aménagements soient plus coûteux, et moins rentablespuisqu’amortis par moins d’usagers potentiels. Le coût moyen des travaux dans cegenre de zone est donc bien plus élevé que dans les zones démographiques denses.Le coût marginal39 quant à lui est décroissant avec le nombre d’habitants profitant desinfrastructures, ce qui revient à dire ici que le coût marginal est très élevé pour aller installerdes infrastructures dans des zones escarpées et peu peuplées où l’habitat est rarementcollectif.

Chaque raccordement de foyer rural demanderait ainsi un investissement public, donccollectif, plus lourd que pour les foyers urbains vivant en immeuble. Le cas de la dessertedes immeubles urbains est particulièrement rentable car il s’agit de desservir avec un seulfourreau un immeuble avec un potentiel minimum de 12 foyers, tandis qu’en milieu urbain,il s’agit d’installer un fourreau par foyer.

De plus, si les opérateurs privés expriment leur intention d’investir, ils ne concrétisentpas toujours ce projet, laissant alors les collectivités combler le manque d’initiative au moyende leur budget propre, y ajoutant une nouvelle dépense très élevée et inattendue.

Ces investissements lourds, inégaux et incertains représentent donc un défi majeur queles collectivités ne peuvent relever seules.

Ces investissements doivent par conséquent être soutenus financièrement par desdotations nationales et/ou européennes. L’Etat français a déjà convenu d’attribuer 2 milliardsd’euros provenant des investissements d’avenir pour aider ce projet. Si cette enveloppesemble bien faible comparée au niveau des investissements requis, elle doit servir d’effetde levier afin d’inciter personnes privées et publiques à investir dans le THD. L’Etatfrançais souhaite par cette première dotation montrer son engagement et accompagnerle démarrage des premières intentions. D’après les déclarations du gouvernement, cetteenveloppe sera répartie de la façon suivante :

∙ 1 milliard d’euros servira de prêt ou de garantie d’emprunt pour les opérateurs privés ;∙ 900 millions d’euros serviront à soutenir les projets d’initiative publique selon des

critères stricts ;

38 « Guide sur le déploiement de la fibre optique à l’usage des élus et des collectivités territoriales », rapport de l’ARCEP,juillet 2011

39 Le coût marginal est ici le coût supplémentaire induit par le raccordement d’un usager en plus. Voir figure Titre II, A. 1.

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∙ 100 millions d’euros sont destinés à encourager le développement d’offressatellitaires, alternative à la pose de fibre optique dans les zones reculées etescarpées.

En outre, la péréquation devra permettre de financer les besoins contrastés des différentescommunes, selon le principe de solidarité nationale.

2. Ne pas aggraver la fracture numériqueLa fracture numérique, révélée par la fausse homogénéité de la couverture haut débit duterritoire national, risque de s’aggraver avec les forts investissements réalisés pour le THDdans les zones déjà parfaitement couvertes par le haut débit.

L’ANT par le THD doit aussi passer par une égalisation vers le haut des débits, enassurant une montée en débit dans les zones :

∙ Non desservies ;∙ Desservies dans la fourchette basse du haut débit, donc privées de nombreux

services numériques. Cette montée en débit peut être assurée selon plusieursméthodes, comme le décrit le schéma ci-après, en complément de la figure 3 (Titre I,C.1.) :

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Figure 6 : Différents moyens pour opérer la montée en débit ou le déploiement du THD40

3. Envisager le THD comme une étape d’un processus continuSi le THD est actuellement principalement vu à travers la pose de fibres optiques, d’autresalternatives au déploiement THD doivent être envisagées comme le satellite, la pose defibres aériennes, les accès mobiles et hertziens. Ces alternatives permettront de réduire lescoûts d’installation exorbitants dans les territoires escarpés.

En outre il convient aussi de ne pas penser que la fibre est une finalité car les progrèstechniques en matière de télécommunications sont rapides. Il faut donc voir l’ANT commeun processus continu qui devra passer par l’adoption de technologies dont nous ignoronsprobablement actuellement l’existence.

40 « Guide sur le déploiement de la fibre optique à l’usage des élus et des collectivités territoriales », rapport de l’ARCEP,juillet 2011

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L’aménagement numérique du territoire peut donc être amélioré par le déploiement duTHD car, grâce à la loi relative à la lutte contre la fracture numérique, les territoires oubliésjusqu’alors pourront bénéficier d’une montée en débit, rétablissant une certaine égalité entreles territoires, et amorçant une certaine convergence des zones rurales vers le dynamismeurbain.

Si cet aménagement, afin d’être plus homogène et d’offrir un potentiel d’attractivité àtous les échelons territoriaux, est soumis à des difficultés majeures, les enjeux qu’il véhiculedoivent renforcer l’engagement du gouvernement.

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Titre II : Aménagement Numérique du Territoire et asymétries d’information : liaison dangereuse

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Titre II : Aménagement Numérique duTerritoire et asymétries d’information :liaison dangereuse

L’aménagement numérique du territoire est réalisé par les investissements privés et publics.Les asymétries d’information naissant à l’interface entre ces 2 sphères est source de risquesnombreux pour une collectivité territoriale et ont conduit à la fracture numérique. Commentalors réaliser le déploiement du très haut débit et la résorption de cette fracture numériquetout en protégeant les collectivités territoriales ?

Dans un premier temps, l’intervention de l’Etat et du régulateur du marché descommunications électroniques permet d’encadrer de façon globale les relations entrecollectivités territoriales et opérateurs privés. Mais ce cadrage général doit être complété àl’échelon local par des outils techniques à valeur juridique, pour assurer un meilleur partagedes informations et une répartition des risques. L’étude de montages juridiques sera doncle sujet de la deuxième partie de ce titre II.

A. La réduction des asymétries d’information parl’intervention publique

Les asymétries d’information sont un obstacle à un aménagement numérique exhaustif duterritoire français. L’Etat joue alors un rôle de 3 façons :

∙ Mise en place d’une autorité de régulation du marché des communicationsélectroniques dont la mission est double : surveiller et réglementer le marché afin depréserver l’intérêt général ;

∙ Introduction d’une procédure pour l’aménagement numérique du territoire afin que lesopérateurs privés intéressés par la couverture d’un zone X déclarent officiellementcette intention, permettant alors aux collectivités oubliées de se mobiliser pourorganiser leur ANT ;

∙ Elaboration de schémas régionaux et locaux (départementaux, communaux,intercommunaux) afin de garantir plus de coordination entre les investissementsprivés et les initiatives publiques.

1. Rôle de l’ARCEPLe secteur des communications électroniques fait partie des industries de réseau. Celles-ci sont caractérisées par des économies d’échelle très fortes liées au nombre deconsommateurs. Si l’investissement initial est très lourd, plus il y a d’usagers, plus le coût

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moyen diminue, et le coût marginal, c’est-à-dire le coût supplémentaire pour un usager deplus, devient nul jusqu’à un certain seuil.

Si l’on prend pour exemple les autoroutes, l’investissement initial est particulièrementconséquent mais une fois le seuil de rentabilité atteint, le coût moyen par automobilistediminue et surtout le coût marginal se fait très faible car l’automobiliste supplémentaire nereprésente pas de surcoût mais uniquement des recettes au péage, et ce jusqu’au seuil desaturation des autoroutes.

Figure 7 : Coût marginal, coût moyen et recettes41

De plus, une industrie de réseau génère des externalités positives, car elle engage uncercle vertueux qui se traduit par la fabrication d’un monopole : plus il y a d’usagers, plus lesprix baissent et plus la qualité de service augmente. Ainsi un nouvel entrant sur le marchéne pourra supporter les coûts afférents aux investissements initiaux, tout en contractant sesprix et en déployant une offre de service de qualité au moins équivalente au leader. On parled’économies d’échelle ou de rendements croissants.

L’exemple du téléphone est édifiant car il ne s’est réellement développé qu’après qu’il yait eu un nombre critique de lignes téléphoniques : à quoi servait le téléphone quand trop peude gens pouvaient recevoir d’appel ? Devant cet obstacle à la concurrence, l’interventiond’un régulateur semble incontournable sur ce marché de réseau, déréglementé et libéralisédepuis 1996.

C’est justement en 1996 qu’est créée l’ART, Autorité de Régulation desTélécommunications, devenue l’ARCEP, Autorité de Régulation des CommunicationsElectroniques et des Postes, en 2005.

41 Graphique issu de : http://fr.wikipedia.org/wiki/Monopole

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Autorité administrative indépendante, ou AAI, l’ARCEP n’est subordonnéehiérarchiquement ni au gouvernement ni aux acteurs privés du secteur des communicationsélectroniques et des postes. Son budget est voté chaque année par le Parlement,représentation politique de la population, élu au suffrage universel. Cette indépendance estdestinée à renforcer son impartialité et ainsi rendre légitime cette AAI. Il s’agit d’éviter lesdécisions prises selon des considérations politiques et/ou des conflits d’intérêts.

Composée d’un collège d’experts au mandat irrévocable, l’ARCEP a été créée pourréguler le marché des communications électroniques, et plus tard des postes, suite à sadéréglementation, dans le but de préserver l’intérêt général porté par les exigences deservice public.

Concernant l’aménagement numérique du territoire, l’ARCEP joue plusieurs rôles.D’abord elle crée des groupes de travail réunissant élus et opérateurs privés autour de

thèmes précis tels que le déploiement du THD mobile ou encore la constitution du Fondsd’Aménagement Numérique des Territoires42.

Ensuite, en tant que régulateur, elle se charge, suite à l’ouverture à la concurrence dumarché des communications électroniques, d’opérer d’abord une régulation asymétriquedu marché, c’est-à-dire de favoriser l’accès à d’autres opérateurs en réduisant les barrièresà l’entrée du marché. En effet, Orange, anciennement France Télécom, étant l’opérateurhistorique garde un avantage concurrentiel sur ses concurrents potentiels :

∙ Ayant déjà accès à l’Internet, les usagers rechignent parfois à changer d’opérateur,compte tenu de démarches à entreprendre ;

∙ L’inquiétude des consommateurs devant la nouveauté : quels services, quels tarifs ?∙ Pour les concurrents entrants : les coûts pour lancer leur activité sont lourds et s’ils

ne proposent pas de tarifs attractifs, ils n’attireront pas de clients, il faut donc qu’ilsdiminuent leur marge, alors même que les coûts au début d’une activité sont trèsélevés et les recettes bien moindres.

Cette régulation asymétrique favorisant les entrants potentiels au détriment de l’opérateurhistorique est destinée à créer une dynamique de marché, grâce à la stimulation de laconcurrence. Cette stimulation permet de créer des externalités positives : recherche dumeilleur tarif, innovation, amélioration des services, investissements afin de gagner desparts de marché. Puis, lorsque le marché est jugé suffisamment concurrentiel, l’ARCEPapplique une régulation symétrique de ce marché, afin de laisser le jeu de la concurrenceou la main invisible de Smith faire son œuvre.

La concurrence s’est donc développée et de monopole, le marché destélécommunications haut débit et très haut débit est devenu oligopolistique : avec 5opérateurs principaux qui se partagent le marché (Orange, SFR, Bouygues Télécom,Numéricâble et Iliad/Free).

42 Le FANT, promulgué par la loi 2009-1572

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Figure 8 : Parts de marché du haut débit et du très haut débit (FTTH), mars 2013Ce partage restreint du marché assure aux opérateurs d’avoir une taille critique leur

permettant de supporter les investissements nécessaires à la préservation du service.Néanmoins il représente aussi un risque d’entente sur les prix et les services.

L’ARCEP doit donc veiller d’une part à ce que les opérateurs en place soientsuffisamment puissants pour assurer le prestation de service à tous leurs abonnés, c’est-à-dire un très grand nombre ; d’autre part à ce que les 5 opérateurs continuent d’êtredans une dynamique de concurrence et non de partage pacifique du marché avec uneentente sur les niveaux des prix et des services. En effet, on pourrait craindre que les 5opérateurs s’entendent pour ne pas aller aménager un territoire jusqu’ici non desservi, aulieu de chercher à attirer de nouveaux clients.

L’ARCEP est aussi tenue de remettre de nombreux rapports au Parlement afin derendre compte de l’aménagement numérique du territoire.

En tant qu’autorité administrative, elle règle les litiges avec les opérateurs, établit lesobligations de service public et contrôle l’effective réalisation des obligations des opérateurs.

L’ARCEP s’est également chargée de découper le territoire métropolitain en 3 types dezones en fonction de leur densité démographique pour le déploiement du THD en France :

∙ les Zones Très Denses, ZTD, représentent 148 communes, soit 5,5 millions de foyers.Ce sont donc les agglomérations françaises les plus peuplées. Seules considéréescomme rentables, elles concentrent les investissements privés et sont les premières

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où est déployé le THD au plus près de l’usager, le FTTH et le FTTB, du fait de laconcurrence forte entre opérateurs ;

∙ les Zones Moins Denses, ZMD, représentent toutes les autres communes du territoirenational. Jugées moins voire non rentables car moins peuplées, elles attirent peu lesinvestissements des opérateurs privés. Deux cas de figures se présentent :

– soit le territoire est estimé rentable, alors les opérateurs privésinvestissent seuls ou ensemble, on parle alors de co-investissement.Cette forme de mutualisation des financements est fortementencouragée par l’ARCEP à mesure que la densité du territoire décroit,afin d’éviter les doublons et d’assurer des investissements efficaces,partageant les risques entre les co-investisseurs.

– Soit le territoire n’est pas rentable et dans ce cas les projets THDdevront y être lancés par les collectivités locales sous forme departenariats public-privé en cas de non-positionnement des opérateursprivés. En outre, des alternatives à la fibre doivent y être envisagéesafin de réduire les coûts d’installation : satellite, réseaux hertziens,rapprochement du sous-répartiteur (VDSL2). L’accès au THD se fera en2 temps avec d’abord une montée en débit puis un raccordement FTTx ;

∙ les zones claires font partie des ZMD, elles sont aussi appelées « zones 3 ». Ellesnécessitent d’être distinguées car elles représentent une population éparse et doncune rentabilité nulle : c’est-à-dire un retour sur investissement nul pour des coûtsélevés de mise en place de l’infrastructure. Ces zones claires, fréquemment oubliéespar toute initiative, sont l’objet de la loi 2009-1572 relative à la lutte contre la fracturenumérique.

Ce découpage sert à visualiser a priori comment le territoire pourra être aménagé.L’ARCEP exerce un rôle complémentaire à ce premier découpage, qui consiste

à observer l’aménagement a posteriori, c’est-à-dire effectif, du territoire national. Cetteobservation lui permet de classer selon 3 zones les niveaux d’aménagement et deconcurrence présents sur le territoire :

∙ les zones noires sont les zones dans lesquelles au moins 2 fournisseurs de réseauà haut débit sont présents, garantissant donc un jeu de concurrence. Ces zonescorrespondent aux zones denses et à une partie des zones semi-denses ;

∙ les zones grises ne sont occupées que par un seul opérateur, contraignant leshabitants à souscrire un abonnement auprès de cet opérateur, sans avoir le choix.Ces zones grises correspondent au reste des ZMD, hormis la zone 3. Il s'agitdonc d’une situation inconfortable pour un consommateur, car l’opérateur ensituation de monopole assure la qualité de service qu’il souhaite, ne fait pas d’offrespromotionnelles pour attirer les clients.

∙ Les zones blanches ne présentent aucune infrastructure haut débit à court terme,c’est-à-dire qu’aucune initiative privée ou publique n’a encore été ni prise ni projetéedans un AMII43 ou un SDTAN. Il s’agit des zones 3.

Cet autre découpage, régulièrement actualisé, permet à l’ARCEP d’adapter sa politiquede régulation afin de stimuler la concurrence dans certaines zones et ainsi préserver ladynamique de marché ou encore améliorer le bien-être des consommateurs.

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Enfin, l’ARCEP recueille les intentions de projets, conjointement avec la Caisse desDépôts et Consignations, afin de distribuer les fonds publics destinés à aider au déploiementdu THD dans le cadre du Plan France Très Haut Débit.

L’ARCEP est donc chargée de surveiller que l’intérêt général est préservé par lesinterventions privées qui recherchent la rentabilité avant le service rendu. En tant qu’AutoritéAdministrative Indépendante, elle est censée représenter les intérêts des opérateurs privés,des collectivités et des usagers et donc prendre des décisions pour réglementer le marchédes communications électroniques de façon à concilier tous ces intérêts.

On est donc loin de l’Etat régalien qui exercerait son autorité par un organisme publicdéconcentré, de façon à contraindre le privé aux exigences publiques d’aménagementnumérique du territoire. Il s’agit plutôt d’un modèle de compromis avec la sphère privée,visant à tenir compte de ses exigences de rentabilité pour l’encourager à répondre auxappels d’offres futurs.

On pourrait aussi penser que l’ARCEP veille à la qualité des infrastructures déployées,et soutienne notamment les entreprises privées fabricant des fibres optiques. Effectivement,le secteur privé, dans sa recherche de la compétitivité pour remporter un marché public,peut être tenté de diminuer au maximum sa facture. En outre, les collectivités faisant face àdes budgets de plus en plus restreints, elles seront donc tentées d’accepter l’offre la moinscoûteuse. Cette recherche du meilleur tarif peut se faire au détriment de la qualité, et lesfibres optiques pourraient alors être achetées à des fabricants moins exigeants sur la qualité,bridant les capacités d’une telle technologie.

Finalement, l’ARCEP permet de surveiller et d’intervenir sur le marché descommunications électroniques afin de l’orienter vers une meilleure couverture du territoire,une concurrence plus marquée, afin que l’intérêt collectif entre en ligne de compte. Cetterégulation permet de réduire l’asymétrie d’information induite par e jeu d’opérateurs privéssur un marché libéralisé présentant des enjeux phares de service public.

De nombreuses autres institutions publiques sont liées au projet d’aménagementnumérique du territoire. Expertes quant aux besoins du secteur qu’elles étudient, et centréessur les problématiques et besoins territoriaux, ces différents services déconcentrés de l’Etat,placés sous l’autorité des préfets fournissent à l’ARCEP le terreau de ses analyses.

La DREAL44 est un relais local de l’ARCEP car elle met en place au niveaulocal les politiques publiques d’aménagement durable des territoires, dans lesquellesl’aménagement numérique occupe une place croissante.

On peut aussi citer la DIRECCTE45 pour les questions des besoins des pôles decompétitivité ou encore de l’émergence des nouvelles qualifications sur le marché dutravail lié à l’ANT, les ARS46 pour l’évaluation de la demande en e-santé, les DRAC47 pourl’évaluation du potentiel de diffusion numérique de la culture et de ses modalités…

2. Introduction d’une procédure d’aménagement numérique duterritoire

44 Direction Régionale de l’Environnement, l’Aménagement et le Logement45 Direction Régionales des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi46 Agences Régionales de Santé47 Direction Régionale des Affaires Culturelles

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Par ses compétences en règlementation, l’ARCEP a permis d’élaborer une procédurejuridique permettant d’officialiser les intentions d’investissements privés à moyen terme, afinde pouvoir par la suite organiser rapidement des RIP à l’aide de partenariats publics-privés.

Cette procédure d’appel d’offre publique passe par la réalisation à l’échelle nationaledes AMII, Appel à Manifestation d’Intention d’Investir. Ces AMII ont été rendus par lesopérateurs privés le 31 janvier 2011. Ils estiment couvrir 60% des foyers, selon uninvestissement de 7 Milliards d’euros.

Figure 9 : Cartographie des AMII rendus en janvier 201148

Il s’agit d’une cartographie de toutes les zones intéressant le secteur privé pour ledéploiement du THD, sans demander de subvention publique. Cet intérêt est manifesté parune intention d’investir sous 5 ans dans les zones concernées et représente donc une formed’engagement des opérateurs privés.

Les AMII permettent ainsi de réduire les asymétries d’information entre :

48 DATAR 2011

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∙ les collectivités locales qui attendent de savoir si leur territoire est attractif pour lesopérateurs privés ou si elles doivent lancer une procédure de marché public pour laréalisation de leur RIP ;

∙ les opérateurs privés qui peuvent d’un jour à l’autre décider d’investir sur un territoire ;∙ les habitants des territoires concernés : condamnés à une attente passive, les AMII,

rendues publiques, leur permettent de disposer d’une information quant au délaid’accès à un meilleur débit chez eux et selon quelles modalités (Montée en débit ouTHD)..

Au-delà de permettre une certaine planification du déploiement THD, cette procédure desAMII oppose une relative contrainte aux opérateurs privés, les obligeant à s’organiser,déclarer leurs intentions et attirer la concurrence.

S’ils sont officiels, les AMII ne font cependant pas l’objet d’un contrat les obligeant àréaliser effectivement les investissements projetés. Ainsi, l’opérateur Free n’a finalementpas concrétisé, de plein droit, son intention d’investir dans un quartier après y avoirpourtant manifesté un intérêt. Ces AMII représentent certes une contrainte, mais unecontrainte faible car ils n’engagent pas juridiquement les opérateurs privés à concrétiserleurs projets d’investissements. Cela est probablement lié au principe fondamental de libertéd’entreprendre, qui offre entre autre aux entreprises, le loisir de se désengager de manièrediscrétionnaire si elles le jugent pertinent (évolution du marché, baisse de la capacité definancement, projet plus rentable ailleurs…).

Les AMII réduisent donc en partie l’asymétrie d’information mais pas de manièredéfinitive puisque les intentions du privé ne sont pas considérées comme des promessesd’investissement.

3. Elaboration des SCORAN et SDTANLe législateur a promulgué la création de nouveaux documents juridiques d’aménagementdu territoire qui sont la SCORAN et le SDTAN. Ces documents doivent être la traductiond’une stratégie plus cohérente d’aménagement numérique du territoire après les disparatesinitiatives de la dernière décennie. Ces schémas doivent être transposés dans les autresdocuments d’aménagement du territoire (SCOT, PLU, PLH) pour la question du déploiementdes réseaux numériques.

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Figure 10 : Déclinaison des différents documents d’urbanisme et de stratégie territoriale.La SCORAN, Stratégie de Cohérence Régionale pour l’Aménagement Numérique,

fixe les grandes orientations au niveau régional. En encadrant les SDTAN, elle assurel’homogénéisation et la cohésion des actions départementales.

Objet d’une déclaration à l’ARCEP, le SDTAN, Schéma Directeur Territoriald’Aménagement Numérique du Territoire est d’une part un document juridique, d’autre partune stratégie de développement numérique des territoires à l’échelon départemental.

En tant que document juridique, il est élaboré sous l’autorité des préfets de régionafin d’abord de faire un inventaire des infrastructures et réseaux existants sur le territoire,qu’ils soient privés, publics ou mixtes, fixes ou mobiles. Ensuite, cet inventaire permet dedresser une carte des zones non desservies. Enfin, en partant de ce qui existe déjà etdes besoins non satisfaits, il est possible pour les collectivités d’établir une stratégie dedéveloppement des réseaux THD, fixes ou mobiles en veillant à la cohérence des initiativespubliques et privées et en tentant autant que faire se peut de créer une relation de partenariatentre collectivités locales et opérateurs privés. Le contenu de ces SDTAN est précisé parla circulaire du 16 août 2011. Le SDTAN est donc un plan d’actions basé sur un inventairepragmatique des réseaux existants et manquants. Il se décline ensuite dans les autresdocuments d’aménagement du territoire au niveau local : SCOT et PLU par exemple.

En tant que stratégie de développement des territoires, le SDTAN n’est pas un schémafixe. Il doit au contraire être évolutif et s’adapter aux innovations technologiques, aux besoinscroissants des usagers, à l’expansion des villes et de leurs périphéries, aux nouveauxusages. Ainsi il ne s’agit pas uniquement de fixer des objectifs de court terme mais d’inscrirece schéma dans le long terme afin d’éviter qu’une zone moderne aujourd’hui ne devienneune zone blanche dans 20 ans. Le SDTAN doit donc servir à pérenniser les investissementsd’avenir en faveur de l’aménagement numérique des territoires et donc du développentéconomique et social de ceux-ci. En cela, le SDTAN n’est jamais achevé.

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Ces documents relatifs à l’aménagement du territoire permettent donc d’équilibrer lesinformations en assurant une programmation stratégique de l’ANT, en se basant sur lesréseaux déjà existants, les besoins à satisfaire et la complémentarité potentielle entreinitiatives publique et privées.

Cependant, SCORAN et SDTAN ne sont que facultatifs, bien que leur utilité soitreconnue. C’est ainsi qu’une commune voulant déployer un RIP ne peut le faire si ledépartement auquel elle appartient n’a pas réalisé de SDTAN.

B. La réduction des asymétries d’information par lemontage juridique des contrats

La personne publique, par la législation, la règlementation ou la création de nouveauxdocuments d’urbanismes, parvient à réduire les asymétries d’information dans le contextegénéral. Mais en descendant en particularité, l’intervention publique ne peut suffire àréduire l’asymétrie d’information entre opérateurs privés, jouissant d’une forte technicité,et les collectivités locales cherchant une couverture de leur territoire optimale, à un coûtraisonnable et selon des besoins spécifiques.

Les différents montages juridiques existants permettent aux collectivités territoriales deconfier la responsabilité des infrastructures THD à un opérateur privé, de s’assurer de labonne foi de l’opérateur en question et de lui transférer les divers risques liés à l’élaboration,l’exploitation, le financement, la maintenance et l’entretien de ces infrastructures.

Tableau 2 : Récapitulatif des montages juridiques possibles pour réaliser et exploiterun RIP49

49 D’après http://numerique.aquitaine.fr/Etablir-et-exploiter-un-Reseau-d

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Puisqu’il est question dans ce séminaire d’analyser les différentes formes de partenariatentre les secteurs public et privé, les modes de gestion en régie ne seront pas abordés,puisqu’il s’agit alors d’une société privée, émanation d’une collectivité locale. Ce mode degestion est pourtant couramment utilisé dans le domaine de l’ANT, c’est le cas par exemplede la région Pays de la Loire qui a confié à sa régie Gigalis l’équipement de son territoireen THD.

Le recours à un contrat liant opérateur privé et personne publique ne peut se faire quedans les zones ne faisant pas l’objet d’un AMII, c’est-à-dire dans des ZMD, ou la seuleinitiative publique peut permettre l’ANT local.

Le dernier né des montages juridiques au plan national, le contrat de partenariat, estséduisant en particulier dans le cas d’infrastructures car il permet un partenariat globalet de long terme autour d’un ouvrage à forte technicité, nécessitant d’être livré dans undélai optimal. Cependant, le contrat de partenariat reste très peu utilisé dans le domainedes communications électroniques car d’une part, seules les très grandes entreprises aurayonnement international peuvent assurer le marché (l’introduction de 3 conditions limitedonc le recours au CP), et d’autre part, il s’agit d’un engagement sur le long terme, enfonction de la durée d‘amortissement, qui engage donc la collectivité contractante sur unedurée dépassant largement les mandats politiques.

Il est donc pertinent d’analyser le montage juridique le plus utilisé concernant l’ANT, quece soit en haut débit ou en THD : la Délégation de Service Public. Loin d’être une nouvelleforme de partenariat entre sphère privée et service public, la DSP est un montage juridiquedevenu classique et donc rassurant pour les décideurs publics locaux.

Ces 2 sortes de partenariats entre les sphères privée et publique permettent de limiteret de compenser les asymétries d’information et de transférer à l’opérateur privé tout oupartie des risques inhérents à une mission de service public.

1. Le Contrat de Partenariat : un montage juridique optimal pour unANT cohérent

a. Définition du Contrat de PartenariatLe Contrat de partenariat, institué par l’ordonnance du 17 juin 2004, est codifié à l’articleL1414-1 du CGCT :

« le contrat de partenariat est un contrat administratif par lequel une collectivitéterritoriale ou un établissement public local confie à un tiers pour une périodedéterminée en fonction de la durée d’amortissement des investissements oudes modalités de financement retenues, une mission globale ayant pour objetla construction ou la transformation, l’entretien, la maintenance, l’exploitationou la gestion d’ouvrages, d’équipements ou de bien immatériels nécessaires auservice public, ainsi que tout ou partie de leur financement à l’exception de touteparticipation au capital. »

Il s’agit donc d’un contrat global réunissant des fonds publics et privés autour d’un mêmeobjectif, permettant de réduire les risques d’interface entre les différentes phases du contrat,qui dans les autres montages juridiques font l’objet de contrats séparés. Cela permet aussi

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par la même occasion de générer des économies d’échelle, une meilleure coordination destravaux, un interlocuteur unique…

La jeunesse de ce type de contrat est une force et une faiblesse. C‘est une force parcequ’il répond à un besoin ressenti de créer un nouveau montage juridique permettant deconfier une mission de service public de A à Z à un opérateur privé. Mais cette jeunesse enfait aussi un contrat risqué car encore peu rodé, avec peu de littératures à son sujet. Lorsdes 6èmes RIPPP, de nombreux élus satisfaits du contrat de partenariat appelaient à uneadaptation du droit public et à une réflexion sur les écritures comptables.

Etant donnée l’importance des montants en jeu dans ce type de montage juridique,seules les grandes entreprises multinationales peuvent être capables d’assurer le marché.Cette caractéristique pénalise la concurrence des PME françaises, c’est pourquoi 3conditions ont été ajoutées à la définition originelle du CP. Une collectivité territoriale ne peutavoir recours à un contrat de partenariat qu’en cas de :

∙ Urgence : par exemple la reconstruction d’un hôpital suite à la destruction par lesflammes du précédent ;

∙ Complexité : il faut que le projet relève d’une forte technicité que seules les grandesmultinationales peuvent avoir à disposition ;

∙ Bilan contraintes/avantages positif.

Le contrat de partenariat donne lieu au versement de loyers sur la durée du contrat, àcompter de la livraison de l’ouvrage, ce qui en fait un contrat original. Si l’opérateur prenddu retard dans la construction de l’ouvrage, il ne pourra non seulement pas demander uneavance à la collectivité contractante, mais en plus le versement des loyers sera différé.De plus, par l’introduction de critères de performance, le contrat de partenariat permetl’intéressement de l’opérateur aux résultats d’exploitation, ce qui permet de réduire le risquecommercial du projet.

L’avantage du CP réside aussi en ce qu’il permet aux collectivités d’accéder à unfinancement. En effet, la crise financière a renforcé les exigences bancaires en terme desolvabilité pour l’octroi de prêts. Les collectivités se retrouvent ainsi dos au mur depuisquelques années, car la demande d’intervention publique est croissante50, tandis que lesétablissements financiers ne leur prêtent plus. En revanche, les opérateurs privés de grande

ampleur ne connaissent pas ces difficultés à trouver un financement. Lors des 6ème RIPPP,l’ancien député Bruno Bourg-Broc rapprochait ainsi le CP d’un emprunt ou d’un crédit-bailauprès de ces opérateurs privés.

En outre, le contrat de partenariat offre une modalité originale lors de la procédurede commande publique : le dialogue compétitif permet de réunir les candidats au marchéafin de stimuler plus encore leur concurrence et de réduire les asymétries d’information enorganisant justement un échange autour des besoins de la collectivité, des connaissancestechniques à mettre en œuvre, le budget correspondant etc. Ce dialogue compétitif permetà la collectivité de compléter son cahier des charges et de bénéficier théoriquement d’untarif avantageux.

Le contrat de partenariat peut être envisagé pour de nombreux secteurs. Lescommunications électroniques font partie des TIC51, ainsi la MAPP52 a relevé en 2012 le

50 Et sera continuellement croissante, d’après la loi de Wagner.51 Technologies de l’Information et de la Communication

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champ d’utilisation du CP dans l’Hexagone : les projets TIC représentent 9% des contratsde partenariats signés sur l’année 2011.

Figure 11 : Typologie des projets signés de contrat de partenariat, MAPPPToutefois, la difficulté de ce montage juridique, étant donnée sa durée, est d’en faire un

contrat souple pouvant être modifié en cours de réalisation, tout en le précisant au maximumafin d’en réduire au maximum l’incomplétude.

Néanmoins ce contrat est encore peu utilisé aujourd’hui, par rapport à la DSP. Cela estdû à une crainte des collectivités en raison de :

∙ L’engagement de long terme, entre 20 et 30 années, qui dépasse les mandatspolitiques ;

∙ L’importance des opérateurs privés, candidats au marché : ces multinationalesdisposent d’un éventail de services juridiques et d’évaluation économique etstratégique à même de profiter d’une faille dans le contrat. Les collectivités redoutentalors une nouvelle asymétrie d’information ;

∙ La complexité administrative de mise en œuvre liée à la globalité du contrat et sonengagement dans la durée ;

∙ La jeunesse de ce type de contrat en comparaison avec les autres montagesjuridiques : DSP, régie, maitrise d’ouvrage public.

∙ La délégation entière du projet à un opérateur privé : la collectivité est réduite au rôlede payeur. Considéré comme une privatisation du service public, ce contrat globalpeut déplaire aux usagers et aux décideurs locaux, responsables de la préservationde l’intérêt général, qui ont l’impression de transférer leur cœur de métier au secteurprivé, en quête de rentabilité ;

∙ L’inspiration néo-libérale : fortement soutenu par la Droite, le contrat de partenariatest au contraire critiqué par le gouvernement de gauche.

52 Mission d’Appui aux Partenariats Public-Privé

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b. Exemple du Contrat de Partenariat de Gironde NumériqueLe département de la Gironde a eu recours, au même titre que celui de Meurthe-et-Moselle, à un contrat de partenariat pour l’aménagement numérique de son territoire. Anne-Marie Keiser, présidente de Gironde numérique, vice-présidente du Conseil général de laGironde, reconnait que « le département n’a pas la compétence pour résorber la fracturenumérique ».Gironde Numérique est un syndicat mixte, créé par le conseil général afin des’occuper exclusivement de l’ANT du département.

Le dialogue compétitif a rassemblé 4 candidats et c’est France Télécom qui a remportéle marché. Le contrat de partenariat porte sur la résorption des zones blanches et grisesdu département, dont Bordeaux est bien évidemment exclue, sur une durée de 20 ans.Ce contrat représente un investissement public de 53,4 millions d'euros, dont 40 millionsapportés par le conseil général. Plus précisément, il s’agit de fournir 2 Mbps minimum àchaque citoyen du département, installer 1080 km de fibre optique et connecter en FTTHles ZAE53 , ZAC54, collèges, et les grands sites publics.

En terme de réalisation, Mme Keiser se félicite des délais respectés de livraison : alorsque les travaux ont débuté en juillet 2009, toutes les zones blanches, prioritaires dans lecontrat, étaient couvertes en novembre 2010, avant d’entamer la construction du réseaufibre. Ce respect des délais annoncés assure la satisfaction des citoyens.

Le risque encouru par la collectivité est un risque commercial : la collectivité verseraitdes loyers à France Télécom pour le déploiement du THD et la montée en débit dansles zones grises et blanches, alors qu’aucun abonnement ne serait contracté. Il estconcevable que France Télécom n’assure pas une prospection efficace, génératrice decoûts, puisqu’elle perçoit inéluctablement un loyer fixe tous les ans. Ce risque a étéanticipé dans le contrat de partenariat : Gironde Numérique encaisse tous les flux financierset France Télécom compense le manque de chiffre d’affaires entre les prévisions etles résultats réels. En plus d’un intéressement aux bénéfices, cette clause permet desanctionner un contre-effort de prospection.

De plus, afin de réduire l’asymétrie d’information entre le commandeur public etl’exécutant privé, le contrat prévoit la création d’une société ad hoc à France Télécom,dédiée à l’exécution de ce contrat de partenariat avec Gironde Numérique, afin que cedernier contrôle les données comptables et financières, en plus du rapport annuel rendupar la société ad hoc.

Selon Anne-Marie Keiser, les avantages du CP par rapport à une DSP sont nombreux :l’ « étalement » du paiement, l’intéressement de France Télécom, le dialogue compétitifqui a permis la rédaction d’un cahier des charges « précis et ferme », les clauses ajoutéespermettant de contrôler les actions de la société ad-hoc, et donc de rester « maître del’ensemble du projet ».

Néanmoins, elle reconnait que l’évolution pendant la durée du contrat vers d’autrestechnologies ou besoins risque d’être « difficile » étant donné la précision avec laquellecelui-ci a été monté. Ainsi, Mme Keiser est consciente que « les extensions dans le cadredu contrat signé seront donc limitées ».

2. La Délégation de Service Public : un montage juridique fréquent53 Zone d’Activité Economique54 Zone D’activité Commerciale

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a. Définition de la Délégation de Service PublicLe recours à ce qui est communément appelé aujourd’hui une Délégation de Service Public,ou DSP, s’est développé depuis l’Empire Romain autour d’une articulation entre les besoinspublics et les compétences privées. Mais la notion de « délégation de service public » n’estofficiellement apparue qu’en 1987, dans la circulaire relative à la gestion par les collectivitéslocales de leurs services publics locaux.

En 1993, la loi Sapin codifie les modalités de mise en place d’une DSP en introduisant2 principes destinés à simuler une dynamique concurrentielle périodique : la mise enconcurrence entre les différents opérateurs répondant à l’appel d’offre, et une limitation dela durée de la DSP.

C’est seulement la loi MURCEF du 11 décembre 2001 qui donne la première définitionde la DSP, codifiée par la suite à l’article L1411-1 du CGCT :

« une délégation de service public est un contrat par lequel une personne moralede droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilitéà un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liéeaux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé deconstruire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service ».

La loi Sapin de 1993 a ajouté des clauses à la procédure de marché public pour l’attributiond’une DSP, à savoir : la mise en concurrence des sociétés privées répondant à l’appel d’offreet la limitation dans la durée des DSP, menant ainsi à une remise en concurrence périodiqueassurant la contraction des prix et l’amélioration de la qualité du service. Néanmoins, la DSPse caractérise aussi, à cause de la procédure permettant une discussion discrétionnaireentre le décideur public et les sociétés candidates, par un fort intuitu personæ.

La DSP se décompose en 3 formes distinctes de délégation :[ [

- La régie intéressée :La régie intéressée est un contrat par lequel une collectivité locale délègue la gestion

d’un service public à un tiers. La collectivité réalise les investissements nécessaires,conservant alors le risque financier, tandis que le régisseur ne se charge que des fraisd’entretien et de gestion. Le régisseur est rémunéré sur une base fixe et une basevariable fonction du résultat de l’exploitation, des améliorations de qualité et des économiesréalisées. C’est cette rémunération destinée à s’assurer de la bonne foi du régisseur en lerécompensant, qui fait de ce montage juridique une régie intéressée.

- L’affermage :L’affermage est un type de DSP utilisé dans le cadre de l’exploitation d’infrastructures

de communications électroniques.C’est un contrat par lequel une collectivité territoriale confie l’exploitation d’une

infrastructure qu’elle a elle-même financée, à un fermier, opérateur privé. Assurant cettegestion à ses risques et périls, le fermier en contrepartie se rémunère directement auprèsdes usagers par une redevance préalablement fixée dans le contrat, et révisable selonles modalités précisées dans ce dit-contrat d’affermage. Le fermier reverse à la collectivitédélégante une redevance destinée à couvrir les amortissements de l’investissement qu’ellea réalisé pour la réalisation de l’infrastructure à exploiter, objet du contrat. La collectivité

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réalise donc les investissements, tandis que le délégataire assure les coûts d’exploitationet d’entretien courant et peut parfois participer aux travaux de modernisation ou d’extensionde l’infrastructure exploitée.

- La concession :La concession est le deuxième type de DSP qui intéresse le sujet de ce mémoire car

de plus en plus de collectivités y recourent pour l’élaboration et l'exploitation de réseaux decommunications électroniques.

La concession se distingue de l’affermage par le fait que c’est le concessionnaire,l’opérateur privé, qui réalise les investissements en plus de gérer l’infrastructure par la suite.Il se rémunère directement auprès de l'usager par une redevance fixée dans le contratde concession, révisable selon les modalités précisées dans ce dit-contrat de concession.De fait, la collectivité concédante est dégagée de la charge des investissements, elle doitalors accepter une durée de contrat plus longue qu’un affermage, en fonction de la duréed’amortissement des investissements.

Récemment, la Commission Européenne a permis aux collectivités locales decontribuer aux investissements privés des réseaux de communications électroniques, dansle cadre d’une concession, au nom de la compensation d’une obligation de service public.

De plus, les DSP permettent de transférer la majeure partie des risques auconcessionnaire. Gilles Quinquenel, président de Manche Numérique, vice-président duConseil général de la Manche s’estime ainsi satisfait du choix de la DSP par rapport à uncontrat de partenariat, parce qu’elle « permet un partage de responsabilité entre le publicet le privé équilibré, notamment dans le domaine commercial ». A des fins de contrôle, leCGCT prévoit la réalisation annuelle par la délégataire d’un rapport d’activité remis à lacollectivité délégante, ainsi que la totalité de la comptabilité liée à la DSP concernée.

La DSP peut être modifiée en cours d’exécution, à condition de ne pas changerl’économie générale du projet. Si les modifications apportées n’excèdent pas 15% dumontant initial du contrat, alors la jurisprudence estime que l’économie générale n’est pasmodifiée, et un avenant au contrat de concession peut être ajouté. Au-delà, un nouveaucontrat devra être édité, avec une nouvelle procédure de mise en concurrence. La DSPapparait ici plus souple que le CP.

Néanmoins, 2 obstacles d’ordre financier sont à prendre en compte dans le succès desDSP pour l’ANT :

La question du financement : les DSP ne peuvent être contractées que si la collectivitéparvient à obtenir une solution de financement auprès d’un établissement de crédit. Lecontexte financier tendu des dernières années a ainsi rendu plus compliquée la réalisationde DSP onéreuses.

La question de la rentabilité espérée : le délégataire doit dégager des bénéficessuffisants pour couvrir à la fois l’investissement initial et dégager une marge. Les DSPsemblent donc réservées aux zones les plus rentables.

b. La DSP concessive de la CODAH

Dispositions généralesA la suite de son appel d’offre passé en juin 2010, la COmmunauté D’AgglomérationHavraise a attribué son marché public consistant en l’exploitation d’une infrastructure

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de communications électroniques à très haut débit à la société Covage en août 2012.La procédure de commande publique aura donc duré 26mois. Covage est un opérateurd’infrastructures, spécialisé dans la conception, la construction, l’exploitation technique etla commercialisation de réseaux THD.

Le marché est une délégation de service public de type affermage, attribué pour 7ans. C’est la CODAH qui se charge du financement, de la conception et la construction del’infrastructure en fibre optique, tandis que la société ad hoc crée pour l’occasion, SeineEstuaire Networks, a pour mission l’exploitation technique et commerciale du réseau :raccordement, mise en service des clients et maintenance du réseau. L’exploitation duréseau est prévue pour septembre 2013.

Cette DSP représente un investissement public de 22,8 millions d’euros pour :

∙ 136 km de fibre optiques déployés ;∙ 27 zones d’activités desservies ;∙ 1533 entreprises couvertes ;∙ 113 sites publics raccordés : mairies, collèges, lycées, hôpitaux…

Articles du contrat destinés à la réduction des asymétries d’information et letransfert des risquesCe paragraphe est dédié à l’analyse, article par article du contrat de DSP d’affermage de laCODAH, afin de relever les différentes clauses insérées dans le contrat par la CODAH pourréduire les asymétries d’informations et les risques associés. Seules les articles pertinentspour cette analyse seront relevés ici, et développés.

Article 2 : L’affermage confié à Covage prévoit la possibilité de recettes annexes pourle fermier, à condition de ne pas porter atteinte ni à la qualité du service public, ni aux biensdu délégant.

Article 3 : La CODAH souhaite lier Covage à la réalisation du réseau qu’il exploitera unefois celui-ci construit. Cette clause (article 3) est le signe que la CODAH reconnait manquerd’expertise et souhaite réaliser un réseau qui conviendra à l’exploitant, tout en réduisant lespossibilités pour Covage de parler d’une mauvaise qualité de réseau qui en empêcheraitune exploitation optimale.

Article 5 : La CODAH prévoit la création d’une société ad-hoc, dédiée à l’exploitationde l’infrastructure THD. C’est cette société qui sera contractante. Le but ici est d’assurerune transparence accrue des documents comptables, témoins de l’activité exercée sur uneannée, contrôlés annuellement par la CODAH. Cette société doit être dotée de moyensnécessaires par la société mère Covage, et devient le seul interlocuteur de la CODAH.

La CODAH s’assure d’être avertie et de devoir donner son avis en cas de cession dela mission confiée initialement à la société dédiée, ou de modification de la propriété decelle-ci via la vente d’actions. Néanmoins, cet article contient une imprécision juridique carla CODAH demande à être prévenue en cas de « modification substantielle ». L’adjectif« substantielle » n’est précisé nulle part, ce qui peut conduire à un litige. La CODAHse réserve aussi le droit de résilier le contrat si les garanties apportées par le nouveauconcessionnaire lui semblent insuffisantes à la « bonne exécution du service publicdélégué ».

L’externalisation par le délégataire représente toujours un risque : fera-t-il appel à desservices de qualité ? N’essaiera-t-il pas de trouver une sous-traitance au rabais afin de

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maximiser sa marge ? Afin de réduire ce risque, la CODAH prévoit que tout projet de sous-traitance lui soit transmis, documenté, afin de juger la pertinence de celle-ci, la qualité dusous-traitant et la préservation de l’objectif du service public délégué. Elle donnera ou nonson accord à ce projet de sous-traitance. En cas d’accord, le délégataire conserve sonentière responsabilité sur la qualité du service public final. Enfin, un état récapitulatif annueldoit être remis à la CODAH concernant les contrats de sous-traitance et les contrats passésavec des tiers.

Articles 6 et 9: Les biens de la délégation font l’objet d’un inventaire contradictoirerapidement après la livraison du réseau par la CODAH au délégataire pour son exploitation.Cet inventaire doit être actualisé à chaque travaux, maintenance, incident.

L’inventaire est un moyen comptable de vérifier la réalité des investissements engagés,que ce soit en terme qualitatif (nombre de fourreaux posés par exemple) ou qualitatif (l’étatdes infrastructures).

Cet inventaire est divisé en 4 types de biens qui distinguent la propriété et la prérogatived’investissement de chacun :

∙ Les biens du délégant : financés par la CODAH, ces biens sont mis à la disposition dudélégataire pendant la durée de la délégation pour son exploitation ;

∙ Les biens de retour : financés par le délégataire, ils sont la propriété de la CODAH quiles met à disposition du délégataire pour la durée de la délégation,

∙ Les biens de reprise : ils appartiennent au délégataire ;∙ Les biens propres : ils sont financés par le délégataire et sont donc sa propriété.

Des informations spécifiques sont attendues concernant l’inventaire, afin d’en faciliter lalecture, telles qu’une description sommaire (mais qu’entend la CODAH par « sommaire » ?),la localisation géographique, la date de construction, les modalités d’amortissement… Uninventaire établit selon les caractéristiques demandées doit être transmis chaque année àla CODAH, et un inventaire contradictoire sera établi en fin de contrat.

Articles 7 et 8 : Cet article est une reconnaissance tacite de la CODAH sur son propremanque de compétences techniques quant à la construction du réseau. Elle contractualisedonc le besoin que le futur exploitant du réseau, le délégataire, apporte « conseil etassistance » à l’élaboration de ce réseau. Cependant, le délégataire ne dispose alors qued’un rôle d’observation et de recommandation, pendant les réunions pré-chantier et sur leterrain, mais d’aucun pourvoir d’exécution. Il est rappelé que c’est bien la CODAH qui resteresponsable du déploiement de l’infrastructure ; elle s’engage donc à réaliser les travauxen temps et en heure afin d’assurer une livraison dans les délais au délégataire.

Article 11 : A l’instar de nombreux autres articles, celui-ci rappelle et précise la missionconfiée au délégataire en décrivant les tâches à réaliser et les objectifs à poursuivre.

Un vide contractuel peut être relevé au paragraphe 3 expliquant que le délégatairedoit « garantir aux usagers un niveau optimum de qualité de service » : aucune précisionconcernant ce niveau n’est fixée plus loin dans le contrat. Le niveau optimum de qualitépourrait donc être fixé par le délégataire, sans opposition possible de la CODAH, alors qu’ils’agit d’un point majeur d’une DSP.

Article 12 : Cet article prévoit entre autre l’adaptation de la capacité de l’infrastructureTHD aux besoins des usagers. Cela permet d’assouplir le contrat, afin de procéder à unemontée en débit fourni par la fibre optique.

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Article 13 : Cet article est la continuité de l’article 12 car il oblige le délégataire à faireévoluer technologiquement son infrastructure afin de répondre à la variation des demandesdes usagers, les progrès technologiques et les évolutions législatives et réglementaires.

Basés sur une volonté de gestion proactive des besoins numériques, ces 2 articles(12 et 13) sont particulièrement importants car ils permettent d’éviter que la CODAH ne seretrouve coincée dans une relation contractuelle inadaptée voire obsolète au regard des 3domaines d’évolutions majeures.

Article 17 : Cet article représente une grande source de risque commercial. En effet,celui-ci présente les conditions d’un intéressement. Mais cet intéressement ne concerne pasle délégataire, comme c’est souvent le cas dans d’autres contrats, permettant de motiveret de récompenser l’opérateur privé. L’intéressement ici décrit concerne en fait la CODAH :en contrepartie de la mise à disposition de biens appartenant à la CODAH, le délégatairelui verse une redevance composée d’une part fixe et d’une part variable, fonction du chiffred’affaires réalisé. Si le chiffre d’affaires est inférieur à 300 000€ HT, la part variable est nulle,en revanche, au-delà de ce seuil, le délégataire doit reverser à la CODAH une part fixeéquivalente à 15% du chiffre d’affaires dépassant 300 000€ HT.

Le risque que le délégataire minimise ses efforts de prospection afin de ne pas dépasserle pallier de 300 000€, tout en réduisant les frais liés à cette activité, (ce qui le dispenseraitdonc de reverser une partie de ses gains à la CODAH), est donc important, a fortiori, comptetenu du taux élevé de quote-part une fois ce pallier franchi.

Article 22 : Cet article précise le contenu obligatoire du rapport annuel de délégation.Celui-ci est composé de nombreux « états récapitulatifs » : activités accessoires, cessionsd’actions, sous-traitants agrées, capacité restante, opérations de maintenance … Il doitaussi contenir des informations financières (compte de résultat analytique, liasse fiscale,équilibre économique du service…) et d’autres informations techniques (évolutions del’activité, taux d’utilisation des infrastructures…). Un accent particulier est donné auxinformations financières à transmettre : la CODAH impose une forme de présentation, desexplications complémentaires, l’utilisation de la comptabilité analytique afin de bénéficierd’une information comptable lisible, synthétique et opérationnelle.

Tous ces détails requis par la CODAH et contractualisés ici montrent que l’asymétried’information sur le volet financier entre le délégataire privé et une collectivité est trèsimportante. Toutefois, la transmission de toutes ces informations ne réduit pas d’elle-mêmel’asymétrie d’information tant redoutée : il faut qu’en aval, la CODAH dispose d’une équipeperformante pour analyser les informations transmises et pouvoir relever de potentielssignes d’exploitation suspecte

Article 28 : Cet article augure les sanctions et pénalités applicables au délégataire encas de manquement dans son exploitation. Cet article, par son existence, est indispensableau respect par le délégataire des obligations formulées tout au long du contrat de DSP. Cessanctions sont ce qui confère au contrat son caractère contraignant.

Ainsi, des sanctions sont prévues pour tous les retards ou manquements dans survenuspendant l’exécution du contrat. Cependant, les pénalités paraissent faibles. Par exemple,si le délégataire ne transmet pas le rapport annuel de délégation à temps ou dans lesformes requises par la CODAH, il ne s’expose qu’à une pénalité de 100€ par journée deretard constatée. Les sanctions pécuniaires sont toutes de 100€, qu’importe leur degréd’importance (absence à une réunion, retard dans la transmission des documents relatifs àla société dédiée ou des attestations d’assurance…).

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En outre, le chapitre portant sur les garanties, sanctions et contentieux, permettant à laCODAH de se prémunir contre tout manquement, retard, erreur, litige, est le plus volumineux(6 pages), après le chapitre portant sur les dispositions générales du contrat. Ce chapitreest un moyen de réduire les asymétries d’information qui existent au moment de la rédactiondu contrat mais aussi celles qui pourraient apparaitre pendant son exécution.

La CODAH a formulé dans ce contrat des exigences en terme de transmissiond’informations lui permettant de garder le contrôle sur l’exploitation du service délégué. Lecontrat entérine les responsabilités de chacun, et prévoit des mesures destinées à assurerune exploitation optimale du service public. Certains articles, par leur maladresse ou leurmanque de précision, semblent présenter des failles exploitables par le délégataire

N’ayant inséré aucune clause permettant l’intéressement du délégataire aux résultats,la CODAH préfère-t-elle utiliser un mécanisme de sanctions faibles, afin de préserver unerelation contractuelle de qualité, garante d’une exploitation dans les meilleures conditionsde son service public ?

c. Le retour d’expérience sur l’ANT de Sarreguemines Confluences aumoyen de 2 DSP.La communauté d’agglomération de Sarreguemines Confluences (CASC), dans ledépartement de la Moselle, a opté pour une stratégie originale.

Enfermée depuis 1993 et pour une durée de 30 ans, dans une DSP de type concessionvisant la couverture en haut débit du territoire, la collectivité s’est d’abord retrouvée devantl’incapacité d’offrir une desserte en THD à sa population et ses zones d’activité.

Au terme d’une négociation de 2 ans entreprise en 2006, la CASC est parvenue àmoderniser la DSP concessive existante avec Numéricâble. En co-investissant pour moitiédans les infrastructures nécessaires, elle assure le déploiement de la fibre optique en FTTLAsur le marché des particuliers, et la couverture des zones non reliées.

Des difficultés sont survenues à l’occasion de ce premier volet de stratégied’aménagement numérique de son territoire : d’abord le délai a été multiplié par 2 concernantla construction du réseau, ensuite la collectivité a quand même dû intervenir auprès desusagers, malgré la caractère concessif du contrat (théoriquement, le délégataire devraitêtre l’unique interlocuteur des usagers, libérant la collectivité d’une activité commerciale oud’assistance pour laquelle elle n’est pas compétente).

Devant le constat d’aucune initiative privée sur le territoire de ses ZAE, la communautéd’agglomération est intervenue pour leur assurer les moyens de leur compétitivité et deleur développement. Fort d’avoir compris leur erreur quant à la durée longue du contrat deconcession avec Numéricâble, une nouvelle DSP de type affermage a été conclue avecAlsatis Groupe, pour une durée de 11 ans, afin de relier en FTTH les 9 ZAE présentes surle territoire de la CASC.

Il s’agit donc d’une stratégie originale qui offre des couvertures différentes entre la partieagglomération et la zone de dynamisme économique. La CASC a eu recours à 2 formesde DSP différentes, lui permettant, dans le cas de la DSP d’affermage à destination del’équipement des ZAE, de conserver la main sur les travaux et de laisser uniquement ledélégataire exploiter le réseau construit.

Cet exemple est particulièrement intéressant car il permet d’observer les limites desDSP et des contrats en général lorsqu’ils sont peu souples.

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Par sa longue durée de 30 ans, la première DSP, concessive, représentait un véritableobstacle à l’adaptation de l’ANT de la communauté d’agglomération.

De plus, lorsque les relations entre personnes morales contractantes se dégradent etqu’apparaissent des contentieux, la collectivité peut se retrouver face à une exécution deson service public contraire ou au moins inadéquate avec l’idée qu’elle en avait. Ce genrede contentieux peut apparaitre à l’occasion d’un vide dans le contrat, une imprécision, uneclause oubliée ou retirée parce que la personne publique pensait que « cela allait de soi ».

Les négociations auront donc été longues mais auront permis d’avancer dans le bonsens pour les usagers.

Néanmoins, la CASC aura fait appel à un autre type de DSP, moins longue et avecun autre opérateur (il faut rappeler que tout contrat DSP est fortement empreint d’intuitu

personae) pour le 2ème volet d’ANT de son territoire.La stratégie adoptée par cette collectivité territoriale s’est donc traduite par l’adoption de

2 DSP, pour la couverture d’un unique territoire. Il semble pertinent de se poser la questiondu surcoût engagé par 2 procédures de marché public, 2 contrats conclus et à contrôler,2 entreprises dédiées créées rémunérant chacune leurs activités de soutien (secrétariat,RH, achats…) etc.

Le recours à un contrat de partenariat aurait permis d’envisager en une seule fois l’ANTglobal de la CASC, avec des économies d’échelle, des synergies et la mutualisation desressources. Quels sont donc les éléments discriminant ou avantageant la DSP par rapportà un contrat de partenariat, et réciproquement ?

3. Arbitrage entre DSP et CPLes 3 exemples ci-dessus ont permis d’envisager quelques limites de chacun des contratsde DSP ou PPP. En tant que montage juridique rodé, faisant l’objet de nombreuseslittératures, analyses et formations des décideurs publics, la DSP semble mieux maitriséeet moins angoissante que le jeune contrat de partenariat. Mais au-delà de cet aspect,chacun de ces 2 contrats présente des avantages et des inconvénients quant à la réductiondes risques liés au transfert d’une mission de service public à un opérateur privé par unecollectivité territoriale.

a. Réduction du risque d’aggravation de la fracture numériqueDans le cadre de l’ANT, le contrat de partenariat, en cela qu’il ne peut concerner que lesquelques leaders du marché, représente l’avantage formidable de permettre la cohérenceterritoriale recherchée par la puissance publique.

A l’inverse, les DSP représentent un risque de faire appel à de nombreux opérateurs,et l’assemblage de ces nombreux et divers opérateurs à l’échelle nationale peut créer unmaillage hétérogène, tant au niveau de la qualité des ouvrages, des délais de livraison quedes coûts.

De plus, de par son aspect global, le contrat de partenariat permet aussi d’attirer surles territoires peu voire non rentables les compétences des opérateurs privés. En effet,ce contrat comprend un ensemble de missions à réaliser qui sont autant de sources derémunération pour l’opérateur. Les contrats de partenariats peuvent donc être utilisés sur

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les zones au TRI55 faible où les opérateurs délégataires d’une DSP ne vont pas car ils n’ontalors comme source de revenus que l’exploitation commerciale du réseau, leur exigencede TRI est donc supérieure.

b. Réduction de l’intuitu personae, précision du cahier des charges etdynamique concurrentielleLe contrat de partenariat, par l’étape du dialogue compétitif entre les candidats lors dela procédure de marché public, permet d’élaborer un cahier des charges rapprochant lesmoyens techniques des objectifs de service public. Cette étape permet alors une émulationvers des techniques innovantes et des prix réduits, et donc un choix objectif du « meilleur »opérateur.

Cette démarche n’existe pas dans la procédure de DSP. La DSP procède à une mise enconcurrence mais le choix final reste marqué par une préférence personnelle et subjectivedu décideur public.

c. Réduction des aléas retard et surcoûtLe contrat de partenariat entérine définitivement les délais et le coût total de réalisation dela mission, tandis que la DSP, comme ce fut le cas pour la CASC, donne souvent lieu à desdélais supplémentaires et des coûts imprévus. Dans le cadre d’un contrat de partenariat,tout surcoût es assuré par l’opérateur privé et non la collectivité.

d. Réduction du risque financierLe contrat de partenariat peut être assimilé à une opération de crédit-bail, dans laquellela mission de service public est réalisée par un prestataire privé contre le versement deloyers pour une période déterminée au terme de laquelle l’infrastructure construite devientun patrimoine de la collectivité56 . Le risque financier de la collectivité est donc transférépuisque le paiement est étalé et que la collectivité n’est pas obligée d’emprunter.

Le contrat de partenariat permet donc aux collectivités de continuer à remplir leurmission de service public, alors même que leur accès au financement s’est complexifié avecla dégradation économique conjoncturelle. C’est le problème posé par le recours à uneDSP car la collectivité doit alors trouver le financement par elle-même et supporter le risquefinancier lié aux taux d’emprunt.

e. Réduction du risque commercial et incitation à la performanceLe contrat de partenariat entre dans la continuité de la logique de la LOLF 2001 souhaitantimposer aux collectivités un fonctionnement à la performance et non plus aux moyens.Il contient ainsi des indicateurs de performances et des mécanismes d’intéressement del’opérateur l’incitant à améliorer son activité, réduisant par la même occasion le risquecommercial du contrat.

Les DSP, bien qu’elles contiennent aussi des mécanismes incitateurs et évoquentl’obligation pour le délégataire d’assurer un service de qualité et efficace, restent des

55 Taux de Rentabilité Interne56 Le crédit-bail se caractérise au terme du contrat d’une option de rachat, ce qui n’est pas le cas avec le CP, c’est pourquoi l’on ditque le CP peut être assimilé à une opération de crédit-bail, mais n’en est pas une.

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contrats orientés vers une obligation de moyens et non de résultats, comme les contratsde partenariat.

f. Réduction des risques d’interface, et économies d’échelleLe contrat de partenariat, en tant que contrat global, permet de réduire les risques d’interfaceet de générer des économies d’échelle et des synergies en concentrant au sein d’un mêmecontrat et d’un même opérateur toutes les activités. Cela conduit donc à un coût totalinférieur à une situation où la collectivité multiplierait les autres formes de contrats (DSP,régie ou MOP57) pour un résultat semblable.

C’est l’observation qui a été faite plus haut, devant le constat du recours à 2 DSPdifférentes par la communauté d’agglomération de Sarreguemines Confluences pour lacouverture unique de son territoire. Cette collectivité a aussi passé d’autres contrats demarché publics pour la réalisation des travaux. Tous ces contrats réunis représentent uncoût supérieur à un contrat global unique qu’est le contrat de partenariat.

g. Réduction du risque d’enfermement de la collectivité et adaptabilité ducontrat à l’ANTLa DSP est un montage juridique qui est plus souple qu’un contrat de partenariat, ce quipermet de le faire évoluer dans une certaine limite. Il peut donc s’adapter plus facilementà l’évolution des besoins, des technologies et du cadre réglementaire qu’un contrat departenariat.

En cela, une DSP réduit le risque d’enfermement d’une collectivité dans une stratégieobsolète d’ANT par rapport au contrat de partenariat, a fortiori lorsque celui-ci est conclupour une durée moyenne de 25 ans.

h. Réduction de la généralisation des contentieuxLa DSP, en tant que délégation d’une partie seulement de la mission de service public,permet à la collectivité d’éviter une généralisation du contentieux en cas de dégradation desrelations avec le délégataire privé, c’est d’ailleurs l’exemple illustré par la CASC plus hautdans ce mémoire. Le contrat de partenariat contient ce risque qui est parfaitement illustrépar la maxime « il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier ».

i. Réduction du potentiel d’asymétrie d’information

Dans l’absolu, la DSP correspond à un coût inférieur à un contrat de partenariat58, lacommande publique peut donc être remportée par des sociétés d’importance moindreà celles pouvant supporter le coût d’un contrat de partenariat. Ces sociétés sont alorssusceptibles de disposer de ressources plus modestes en droit, stratégie et économie,ressources qui dans le cas des grandes sociétés exploitent les failles des contrats pour tirerleur épingle du jeu. C’est cette expertise juridique que les collectivités redoutent et qui leurfait préférer des montages plus basiques au contrat de partenariat, pour lequel elles doiventsinon aussi se munir d’une équipe experte, donc chère.

57 Marché d’Ouvrage Public58 Car proportionnellement à la quantité de service public confié, le CP est plus avantageux

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Finalement, seules les collectivités avec un budget important semblent pouvoir recourirraisonnablement à un contrat de partenariat, alors qu’elles correspondent souvent auxzones les plus rentables, donc celles où potentiellement soit aucune initiative publique n’estpermise (à cause de la présence d’AMII), soit les DSP intéresseraient plus les opérateursprivés.

Au-delà de la règlementation nationale, le recours aux contrats pour réduire lesasymétries d’information est une solution optimale pour l’ANT local. La diversité desmontages juridiques offre une palette de choix aux décideurs publics, selon leur sensibilitéau risque, les enjeux propres à leur territoire, le budget de la collectivité, leur vision duservice public, leur appartenance politique et leurs ressources disponibles.

Si le contrat de partenariat semble plus avantageux selon l’arbitrage réalisé ci-dessus, la DSP reste la forme de partenariat public-privé la plus utilisée dans le cadred’aménagement numérique du territoire.

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Titre III : Perspectives de l’Aménagement Numérique du Territoire

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Titre III : Perspectives de l’AménagementNumérique du Territoire

L’aménagement numérique du territoire nécessite de nombreux outils pour être optimisé.Faisant référence à une industrie de réseau, la stratégie d’ANT ne pourrait-elle pas s’inspirerdes précédentes constructions à succès et privilégier le retour d’un Etat centralisateur pourassurer une couverture exhaustive du territoire et des foyers français ?

Si tel n’est pas le cas, une solution alternative optimale peut-elle être envisagée ?Enfin, la France est-elle prête pour le THD ? Quelle est la pertinence de ces

investissements, publics et privés, massifs, inégaux et incertains ?

A. Le « first best » : un Etat centralisateur garant d’unaménagement numérique du territoire parfait ?

1. Analogie avec la construction du réseau d’électricité et de cuivreL’analogie avec la construction du réseau d’électricité est intéressante car il s’agit aussid’un réseau de câbles, aériens ou enterrés qui dessert tous les foyers métropolitains et sontdevenus un réseau essentiel.

L’électricité a été un formidable moyen de modernisation et de développement des

villes, avec l’apparition des métros, tramways et trains à la fin du 19ème siècle et début du

20ème siècle. A cette époque, les fournisseurs d’électricité sont privés, et ils se soucientde leur rentabilité.

Lorsque le besoin d’électrification des zones rurales se fait ressentir afin de permettreà ces zones un développement économique et une possible convergence avec les villes, laquestion du surcoût et du manque de rentabilité fait fuir les opérateurs privés.

C’est alors que déjà des partenariats publics-privés sont envisagés : les communesrurales concluent des contrats de concession de service public avec les opérateurs privés.Ceux-ci sont alors chargés de construire et d’exploiter le réseau, contre le versement deredevances pour ce service

.Rapidement, le territoire français est maillé de réseau d’électricité et les opérateurs

s’associent et créent des interconnexions pour assurer une continuité d’accès à l’électricitéen cas de panne de l’un d’entre eux. Néanmoins la couverture n’est pas parfaite et ladesserte inégale.

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L’Etat intervient alors en 1938 en lançant un plan d’interconnexion national pour assurerla desserte des dernières zones laissées pour compte. Ainsi, en 1945, la France bénéficiedu réseau de distribution électrique le plus dense du monde

avec 22,5 km de lignes de plus de 100 000 volts pour 1 000 km² (contre 5 km pourles États Unis, 15 pour la Grande-Bretagne et 18 pour l'Allemagne 59 ).

Alors qu’avant la 2ème Guerre Mondiale, l’aménagement de ce réseau était laissé àplusieurs opérateurs privés, à l’Armistice, le constat est inquiétant car le réseau électrique,fondement de l’activité industrielle du pays et donc de la reprise économique, est fortementtouché et amoindri tant au niveau de la production que de la distribution.

Devant ce constat, l’Etat décide de nationaliser les sociétés d’électricité par la loi du 8avril 1946. Cette nationalisation a eu de nombreux effets positifs :

∙ Création d’une entité publique : Electricité de France EDF, seule chargée de laproduction, le transport et la distribution de l’énergie ;

∙ Standardisation des débits distribués qui jusqu’alors étaient différents selon lesfournisseurs ;

∙ Reconstruction et modernisation de la France ;∙ Gestion cohérente et égalitaire de la distribution d’énergie compte tenu de la pénurie

des années 50 ;∙ Augmentation progressive de la production, en fonction des capacités d’abord puis

des besoins réels et enfin des prévisions, créant un réseau performant capable mêmed’exporter sa production.

La directive européenne de 1996 d’inspiration libérale, impose d’ouvrir à la concurrencele marché de l’énergie dans les pays membres. Transposée en 2000 en droit français,production, fourniture, distribution et transport deviennent des activités distinctes ouvertesà la concurrence. EDF sera alors progressivement privatisée et des concurrents directsviendront compléter l’offre sur le marché, cassant le monopole naturel d’EDF et permettantainsi la diminution des tarifs pour le consommateur. La Commission de Régulation del’Energie, autorité administrative indépendante veille désormais que l’intérêt général soitpréservé malgré la déréglementation du marché.

L’histoire s’est répétée de nombreuses fois à l’instar de la création de France Télécompour établir le réseau cuivre. Ce pilotage d’envergure nationale a permis à tous les foyers etentreprises d’avoir le téléphone et la télévision. Ancienne société nationale, France Telecomest devenue Orange en 1998, opérateur privé recherchant prioritairement la rentabilité dansses investissements, la minimisation de ses risques et la valorisation de son patrimoine.Grâce à son passé d’opérateur historique (l'ADSL s'est développé sur les paires de cuivredétenues par France Télécom), Orange est aujourd’hui toujours le premier fournisseur entéléphonie et en haut débit.

Pour toutes les constructions de réseau, l’Etat a fait appel à un organisme nationalpar le passé, garant de la cohésion nationale de la couverture du territoire. Puis cela a étéprivatisé puis ouvert à la concurrence. EDF et Orange sont devenues des géants mondiaux,des références internationales, exportant le savoir-faire français dans de nombreux pays.

Pourquoi ne pas faire la même chose avec l’aménagement numérique du territoire ?Quel est le poids de la doctrine néolibérale prônant de laisser en priorité les opérateurs

privés faire du profit dans les zones rentables, puis de permettre à la puissance publique59 http://www.erdfdistribution.fr/ERDF_Histoire

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Titre III : Perspectives de l’Aménagement Numérique du Territoire

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d’intervenir pour ralentir l’essor de la fracture numérique : accroissement des inégalités etretard dans le développement des territoires ?

2. Traduction pour l’ANT en THD : le retour d’un Etat centralisateurIl faudrait donc peut-être que l’Etat reprenne sous son aile, sous la forme d’une sociéténationale chargée de la construction et de l’exploitation des infrastructures, l’aménagementnumérique de son territoire, afin de s’assurer que tout le territoire et toute la populationsoient couverts. Cette société nationale aurait pour actionnaire majoritaire l’Etat français, etle capital serait ouvert aux prises de participations privées.

Elle procèderait au rachat des infrastructures déployées jusqu’alors par les différentesinitiatives privées et publiques, à la valeur nette comptable, c’est-à-dire la valeur d’achatdiminuée des amortissements et provisions pour dépréciation du bien.

Cet organisme public absorberait les ressources techniques, ce qui fait souvent défautà l’Etat, d’autant plus sur une question aussi pointue que le THD. Il pourrait soutenir lesentreprises françaises de fabrication de fibres optiques, s’assurant alors de la qualité duréseau ainsi aménagé et réalisant alors un véritable investissement d’avenir.

Il s’agirait d’abord de créer les infrastructures sur l’ensemble du territoire national, puis,une fois un maillage parfait réalisé, de lancer l’exploitation nationale du réseau. Dans unpremier temps, les opérateurs privés ne pourraient alors intervenir qu’en aval, sur le marchéde détail des fournisseurs de services.

Ensuite, l’Etat français procèderait à une privatisation progressive, ouvrant alors lemarché à la concurrence et laissant la guerre des prix et des services avoir lieu au bénéficedes usagers.

Dans la phase de nationalisation, les tarifs appliqués par la société nationale ne seraienten outre pas exorbitants : s’agissant de servir l’intérêt général, une modulation des tarifsselon les situations, sans pour autant discriminer les usagers serait envisageable, au nomde l’égalité devant d’accès devant le service public.

Cette nationalisation serait-elle une menace à la libre-administration des collectivitésterritoriales ou à la décentralisation, qui, avec l’acte III attendu sous peu, est censéeaccroître les compétences déléguées aux CT ? Aurait-elle véritablement la capacité decouvrir parfaitement le territoire et tous les foyers français ? Ne serait-elle pas un obstacleà la concurrence jugé trop imposant dans une économie de marché libérale ?

Pour répondre à ces interrogations, le centre gouvernemental d’analyse stratégiquea réalisé une étude SWOT60, c’est à dire évaluant les forces, faiblesses, opportunités etmenaces d’un tel scénario.

60 La matrice SWOT (Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats) est un outil incontournable de toute étude stratégique

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Figure 12 : Analyse SWOT du scénario de retour d’un Etat centralisateur pour l’ANT,réalisée par le centre gouvernemental d’analyse stratégique

D’après cette analyse, il semblerait effectivement qu’une intervention publiquecentralisée et d’envergure nationale permettrait une couverture parfaite du territoire,sans considération de rentabilité des investissements, mais plutôt selon une stratégied’investissement d’avenir pour la société et le développement économique du pays, garantde la paix sociale. Cependant la menace de la construction d’un monopole, situation demarché non efficiente d’après les théories microéconomiques est à envisager sérieusement,notamment parce que cela empêche l’émulation concurrentielle aboutissant à des progrèstechniques ou encore l’invention de nouveaux services pour l’usager.

Toutefois, sur une perspective de moyen terme, une nationalisation performantepermettant le maillage parfait de l’Hexagone en un bref délai, suivie d’une privatisationprogressive assortie d’une régulation par l’ARCEP pourrait être considérée comme le « firstbest » pour répondre aux enjeux et difficultés de l’ANT qui se posent aujourd’hui.

B. Le « second best » : les partenariats public-privéet un retour de l’Etat stratège pour un AménagementNumérique du Territoire optimal

En économie, à défaut de pouvoir mettre en place une solution parfaite, les théoriesenvisagent souvent un « second best ». Cet optimum de second rang, ou deuxièmemeilleure solution, est envisagé lorsque des contraintes règlementaires, juridiques ouéconomiques empêchent d’appliquer la « first best ».

Dans le cadre de cette analyse, l’idéologie néo-libérale pregnante sur les marchés, dansles législations et les politiques publiques, est clairement opposée à une nationalisation desinfrastructures numériques, sources de profits pour les agents économiques. Le « secondbest » est donc figuré par le recours à des partenariats entre les sphères privée et publique,sous l’égide d’un Etat stratège, à défaut d’être centralisateur.

1. Le nécessaire retour de l’Etat stratège

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Titre III : Perspectives de l’Aménagement Numérique du Territoire

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Actuellement, l’intervention de l’Etat dans les projets d’aménagement numérique duterritoire s’opère principalement par le biais de l’ARCEP. Le régulateur des communicationsélectroniques et des postes assure une veille sur la concurrence, centralise les stratégiesd’ANT (SCORAN et SDTAN) et réglemente le marché.

Au regard du déploiement hétérogène des réseaux numériques, haut et très haut débitsmenant à une fracture numérique susceptible de s’accroitre aujourd’hui, cette démarcheparait insuffisante.

Les sénateurs Rome et Hérisson appellent à un retour d’un « Etat stratège », qui seferait par une délégation de pouvoir aux préfets, représentants déconcentrés de l’Etat.

L’Etat stratège financerait davantage les projets des collectivités publiques que lesinvestissements privés rendus officiels par les AMII. Pour rappel, sur les 2 milliards d’eurospromis pour aider l’ANT dans le cadre du PFTHD, l’Etat s’est engagé à distribuer 1 milliardd’euros aux investisseurs privés sous forme de prêt, et 900 000 euros aux projets descollectivités. Bien que le différentiel ne soit pas excessif, la symbolique frappe les élus etles citoyens.

De plus, pourquoi ne pas engager plus officiellement, voire juridiquement les AMII ?En effet, de nombreux projets ont été abandonnés alors que les collectivités pensaientvoir leur territoire connecté rapidement. Cet abandon leur a fait non seulement perdredu temps dans le déploiement de leur réseau, mais aussi déstabilise les budgets locauxen faisant apparaître soudainement le besoin d’un investissement conséquent. Ainsi, lespréfets feraient signer une convention aux opérateurs privés ayant déposé un AMII afin depérenniser ces projets. .

En outre, puisque les collectivités sont confrontées à des difficultés notables pourtrouver un financement, l’Etat ne devrait-il pas en priorité se porter garant de leurs projetsd’ANT tout en préservant leur autonomie ?

Enfin, en ce qui concerne l’accès aux informations sur les infrastructures et réseaux enplace, bien que la loi impose la communication de ces informations aux collectivités par lesopérateurs privés, dans la réalité des comportements contrariant cette communication sontobservés. Le rôle de l’Etat stratège consisterait à centraliser toute l’information à ce sujetet à la redistribuer aux collectivités. Il jouerait ainsi le rôle d’intermédiaire, jouissant de sonstatut d’autorité publique et de son « monopole de la violence légitime »61.

Il est possible de percevoir dans cette requête pour le retour d’un Etat stratège, organisépar le recours à des entités déconcentrées, les limites de la décentralisation.

2. Les partenariats entre sphères publique et privéeLes partenariats entre sphères publique et privée permettent le concours des compétencesplurielles de chaque secteur autour d’objectifs de service public. Néanmoins l’expertise etla spécialisation des opérateurs privés face à l’approche globale des collectivités publiques,créent une asymétrie d’information que les montages juridiques des contrats permettent deréduire.

a. Transfert des risques et réduction des asymétries d’information

61 Référence à la célèbre définition de l’Etat par Thomas Hobbes dans Le Léviathan,1651.

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Les risques auxquels est exposée une collectivité sont nombreux lorsque, parce que sonterritoire ne présente pas une rentabilité suffisante pour faire l’objet d’un AMII, elle doitcollaborer avec un opérateur privé pour l’aménagement numérique de son territoire.

En reprenant l’analyse effectuée dans le Titre II, B, 3, il apparait que les montagesjuridiques de type DSP ou contrat de partenariat permettent non seulement de transférer lesrisques mais aussi de réduire les asymétries d’information potentielles entre la collectivitéet l’opérateur privé contractants.

De plus, la DSP ou le contrat de partenariat présentent chacun, selon leurscaractéristiques individuelles, des atouts et de inconvénients qui selon leur pondération parles acteurs de la commande publique permettent un ANT optimal.

b. L’atout réactivité et technicité du secteur privéLa collectivité locale, dont le territoire ne fait pas l’objet d’une manifestation d’intentiond’investir (AMII), n’a pas d’autre choix que de faire appel à un opérateur privé. En effet, lacollectivité a rarement en interne les ressources humaines nécessaires et adéquates, lescompétences techniques et logistiques qui lui permettraient de déployer un réseau THD dequalité, rapidement et à moindre coût.

De plus, l’activité des collectivités est régie par le CGCT et le droit public, ce quirevient à dire que le secteur public est affecté par le fonctionnement procédural et longqui le caractérise : les procédures de marché public, les obligations de publicité de sesactivités, les autorisations budgétaires, le statut des fonctionnaires et le recours limité auxcontractuels… Tous ces éléments sont contraires à une action rapide, efficace et compétitiveconcernant l’ANT.

A l’inverse, le secteur privé, régi par d’autres cadres tels que par exemple les codes ducommerce, de l’industrie ou encore le droit civil, bénéficie d’une plus grande réactivité. Cetteréactivité est plus adaptée aux chantiers techniques et technologiques car les progrès en lamatière peuvent être fulgurants. Alors que l’action publique est très procédurale compte tenudu droit public, un opérateur privé jouit de plus grandes liberté et flexibilité pour s’organiser,créer de nouveaux emplois ou des contrats d’intérim pour faire face à une demande accruemais temporaire, passer des contrats de sous-traitance avec le tiers de son choix, exercerson activité de manière discrétionnaire en ne rendant compte qu’à ses actionnaires...

Il peut aussi plus facilement emprunter auprès des établissements de crédit ou procéderà une levée de fonds tandis que les collectivités sont confrontées à de réelles difficultéspour trouver des financements.

En outre, le secteur privé attire les experts et autres personnes avec un haut niveau detechnique grâce à sa faculté à moduler les salaires, mettre en place des primes et autresmécanismes incitatifs. Autant de forces qui sont les faiblesses du secteur public.

Les qualités de réactivité et de technicité voire d’expertise du secteur privé, et qui fontsouvent défaut aux collectivités territoriales, sont donc un atout lorsqu’elles sont destinéesà une mission de service public, au travers de partenariat public-privé.

c. Le risque d’immobilisme et d’enfermement des contratsNéanmoins, l’interface entre ces 2 secteurs est source de ralentissements et d’immobilisme.En effet, les procédures de marché public sont fortement codifiées, doivent suivre desétapes obligatoires, avec de nombreux délais à respecter. Ainsi par exemple, la durée

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Titre III : Perspectives de l’Aménagement Numérique du Territoire

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moyenne de la procédure d’attribution d’une DSP est de 10 mois. Il est important de préciserque si ces lenteurs administratives sont souvent perçues comme des freins, leur vocationpremière est de protéger les acteurs engagés dans la procédure.

Concernant le risque d’immobilisme, il a déjà été évoqué lors de l’arbitrage entre DSPet contrat de partenariat. Il se traduit par une situation de blocage dans laquelle le contratconclu par le passé ne peut pas évoluer tandis que de nouveaux besoins se font pressants.Ainsi la forme contractuelle peut parfois bloquer l’évolution nécessaire des réseaux en coursd’exploitation. Selon Xavier Pintat, sénateur, président de la FNCCR62, alors qu’une montéeen débit pourrait se révéler intéressante comme étape intermédiaire à l’installation THD,« la nature des clauses juridiques et financières liées au cadre contractuel d’exploitation »risque de rendre compliquée la mise en œuvre de cette étape intermédiaire.

En conséquence, l’intervention du secteur privé pour aménager numériquement leterritoire dans le cadre d’une mission de service public est une façon de déployer rapidementdes ressources techniques, humaines et financières afin de couvrir le territoire. Associercette richesse aux besoins du secteur public est donc un gage d’expertise et de rapidité, bienque cette association ne soit dépourvue ni de règlementations, vecteur de ralentissementsprocéduraux, ni de risque d’immobilisme né des clauses juridiques des contrats conclus.

C. La question de la pertinence de telsinvestissements

Précédemment, la description des nombreux enjeux d’un aménagement numérique duterritoire exhaustif et non discriminant a été réalisée. Cependant, couvrir le territoire permetseulement de desservir ce territoire et les foyers et entreprises y résidant. Cela donnedonc l’opportunité à ces résidents de s’abonner pour accéder effectivement au réseau decommunications électroniques. Il convient désormais de parler des usages du numérique,ou plus précisément, des habitudes d’usages du numérique prises par la populationfrançaise.

Le problème ici est qu’alors que le territoire commence à être globalement bien couvertpar le THD, la volonté des foyers et entreprises éligibles de contracter un abonnement estpour l’instant faible, en témoigne la différence entre les taux de couverture du territoire ettaux de pénétration. En juin 2011, la France est couverte à hauteur de 21% de son territoireen THD, mais le taux de pénétration n’est que de 10%, c’est-à-dire que sur 10 françaiséligibles à la fibre optique, un seul décide de s’abonner.

62 Fédération nationale des collectivités concédantes et régies

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Figure 13 : Evolution des taux de couverture et de pénétration du FTTH/B en France,juin 201163

Cette différence, réduite en 2013 à un taux de pénétration de 12,5% d’abonnés, sot250 000 abonnés pour 2 millions de prises éligibles, est la preuve que les habitudes dunumérique ne sont pas encore prises et qu’il manque de la communication sur le potentieldu THD. C’est aussi la preuve de la qualité du réseau cuivre et de services fournis.

Devant ce manque d’engouement, il semble pertinent de se demander si les 30 à 40milliards d’investissements requis64 pour couvrir entièrement le territoire métropolitain d’ici2022 seront rentabilisés. D’autant plus que 40% de ces investissements sont destinés auxaménagements THD dans les espaces ruraux qui représentent, comme cela a déjà étédit, 20% de la population et des zones peu rentables compte tenu de la configuration del’habitat. Il y a donc un effort important qui est opéré pour une minorité de la population,sans même savoir quel sera le taux de pénétration des accès THD.

On touche ici les principes essentiels du service public : égalité, continuité, mutabilitéet neutralité. Les usagers doivent pouvoir jouir d’une égalité de traitement devant le servicepublic. Mais il s'agit plutôt d’une équité de traitement puisqu’il doit s’opérer à situationégale. Peut-on parler d’un traitement égal alors que les investissements sont plus dirigésà destination d’une partie de la population qu’une autre ? Qui plus est, une partie moinsnombreuse de la population.

Arrivé prioritairement dans les zones urbaines, par les investissements privés, le THDétait censé y être le plus attendu et apporter le plus aux foyers et ZAE. Cependant, les zonesurbaines bénéficient déjà de connexion stables et dans la fourchette haute du haut débit. Nesemble-t-il pas logique de ce point de vue que le taux de pénétration du THD, aujourd’huimajoritairement déployé en zone urbaine justement, soit faible ? N’aurait-il pas été plus

63 Rapport THD IDATE 201264 Estimation par le DATAR, 2010

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Titre III : Perspectives de l’Aménagement Numérique du Territoire

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élevé si la stratégie de déploiement avait été réalisée d’abord dans les zones privées deconnexion de qualité ?

Pour aller plus loin, ce manque d’engouement pour le THD peut être lié à une ouplusieurs causes suivantes :

∙ Son prix plus élevé que les offres haut débit,∙ Le manque d’informations sur les apports du THD comparé aux lignes ADSL,∙ La qualité de la connexion en haut débit dans les zones urbaines,∙ Le fossé générationnel constaté devant l’usage du numérique,∙ Le fossé social : l’accès à internet dépend de la possession d’un ordinateur ou d’un

smartphone, or ces équipements dépendent directement du niveau de revenus.

Les récentes déclarations du gouvernement Ayrault souhaitant augmenter la part desdémarches administratives effectuées sur Internet représentent certes un pas vers lamodernisation de l’Etat mais elles représentent aussi une menace d’isolement virtuel pourles personnes non connectées.

Tandis que près de 90 % des étudiants sont connectés à Internet chez eux, les retraitésne sont que 26 %, et 14% pour les plus de 70 ans. Le risque d’isolement virtuel est doncd’autant plus important qu’il concerne principalement les 3èmes et 4èmes générations de lapopulation, soit les personnes âgées de 60 à plus de 100 ans. Ce groupe d’âge représenteraenviron un quart de la population en 2015 et jusqu’à 30% de la population française en206065. Il est donc urgent de former les populations aux usages d’Internet, d’autant plus sison usage devient indispensable.

Cette formation est assurée par les établissements d’enseignements, de l’école auxuniversités pour les jeunes générations, puis par les entreprises pour les générationsactives. L’activité des seniors est de plus en plus observée, notamment leur implication dansles associations et l’économie sociale et solidaire. Cette activité peut être un vecteur à leurformation aux usages du numérique car sinon la promesse de cohésion sociale annoncéepar le THD sera vaine.

Le problème d’arythmie entre la lente adoption des nouveaux usages par lespopulations, et les fulgurants progrès en matière de télécoms doit donc être sérieusementêtre pris en compte. Il existe un décalage frappant entre le potentiel de productivité, decroissance économique, de mieux-être social, et les améliorations réelles dans la société.

Pourtant, l’accès internet et l’équipement sont premiers dans la réduction de ce quel’on pourrait appeler une fracture générationnelle. .

Enfin, la grande couverture par les réseaux mobiles a conduit à une tendance nouvelle,en forte progression en Australie66 : les foyers « mobile only ». Les foyers annulent toutabonnement fixe et ne conserve que leur accès mobile au réseau, même si celui-ci estde moindre ampleur que le THD. Ils ne payent ainsi plus que leur forfait mobile pour leursmartphone ou leur tablette.

Cette nouvelle tendance est très problématique car alors même la rentabilité espéréedes opérateurs privée se trouvera réduite et les investissements seront vains. La questionest d’autant plus à prendre en compte que la 4G67, récemment arrivée sur le marché des

65 Projection de population par grand groupe d'âge en 2060, étude INSEE, projections de population 2007-2060.66 De 8 à 13% entre 2009 et 2010, parallèlement à l’essor du déploiement THD sur le territoire.67 Réseau de 4ème génération en France, offrant un accès mobile à un débit compris entre

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Aménagement Numérique du Territoire : déploiement du Très Haut Débit et fracture numérique. Lerôle optimal des PPP.

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réseaux mobiles, offre des débits théoriques compris entre 100 Mbps et 1 Gbps68, bienque les débits apparemment constatés soient plutôt de l’ordre de plusieurs dizaines deMbps, soit bien plus que le débit moyen constaté de la 3G69. Ce réseau est désormaisaccessible avec une offre mobile comprenant un accès Internet, sous condition d’avoir unmobile compatible avec la 4G. Il est donc possible pour les particuliers de ne s’abonner qu’àcette offre mobile et de bénéficier d’un débit suffisant pour les usages courants.

.

68 1 Giga = 1000 Méga69 Environ 3 Mbps.

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Conclusion

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Conclusion

L’aménagement numérique du territoire est un volet de l’aménagement du territoire national.Réunissant des enjeux technologiques, économiques, sociaux, culturels et politiques forts, ilest aussi un moyen d’attractivité et de dynamisme des territoires, assurant une convergencede la ruralité avec les zones urbaines.

En permettant une prise de conscience de la part des membres de la classe politique,l’aménagement numérique du territoire par le déploiement du très haut débit peut êtreconsidéré comme une liaison heureuse. En effet, dans le cadre de la loi 2009-1572 relativeà la lutte contre la fracture numérique, l’installation d’infrastructures THD doit désormaiss’accompagner de mesures garantissant la résorption de la fracture numérique, sourced’inégalités sociales et territoriales. Cette résorption passe par la montée en débit des zonesdiscriminées devant l’accès aux communications électroniques.

Si la France dispose aujourd’hui d’une couverture relativement correcte en très hautdébit (25%) par rapport à ses voisins européens, elle est cependant aujourd’hui confrontéeà un impératif de terminer la desserte exhaustive de son territoire en haut débit etd’encourager le déploiement du très haut débit. N’ayant pas engagé cet investissementd’avenir plus tôt, elle risque de sceller durablement ses chances de reprises économiquessi la démarche n’est pas engagée à temps.

Pour assurer une couverture totale de son territoire, la France pourrait, à l’instarde ses réseaux d’électricité ou de cuivre, recourir à une société nationale, garante dela prise en compte exhaustive des besoins et potentialités de ses ménages et de sontissu économique. Cependant, en tenant compte du contexte économique et de l’idéologienéo-libérale dominante, prônant la liberté d’entreprendre et la limitation des interventionspubliques sur le marché, cette solution ne peut être mise en place.

L’aménagement numérique du territoire est donc réalisé d’une part par des opérateursprivés qui manifestent leur intention d’investir au cours des AMII, d’autre part par lescollectivités territoriales responsables de l’attractivité et du développement de leur territoire,par la mise en place de RIP autorisés par l’article L1425-1 du CGCT.

Caractérisées par une forte concentration démographique, les zones d’intérêt privése situent dans les ZTD définies par l’ARCEP, soit les zones urbaines et suburbaines,qui représentent une rentabilité forte, à même d’assurer un retour sur les investissementsmassifs des opérateurs. Ces zones présentant un caractère économique intéressantbénéficient donc d’une dynamique concurrentielle, assurant aux usagers de meilleuresprestations de service, de meilleurs tarifs, des innovations et des investissements.

Ces initiatives privées sont cependant source d’asymétries d’information qui freinentun aménagement national cohérent. Afin de limiter ces asymétries d’information, un cadrelégislatif et réglementaire, le recours à des schémas stratégiques et officiels d’aménagementnumérique des échelons régionaux (SCORAN), départementaux (SDTAN) et locaux, ainsique l’action d’un régulateur sur le marché des communications électroniques et des postesont été introduits.

Cependant, lorsque la collectivité doit faire appel aux atouts de réactivité et d’expertisedu secteur privé pour l’aménagement numérique de son territoire, parce que celui-ci n’a

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Aménagement Numérique du Territoire : déploiement du Très Haut Débit et fracture numérique. Lerôle optimal des PPP.

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pas fait l’objet d’un AMII, ce cadrage, national et communautaire, ne suffit pas au niveaulocal à lever les incertitudes et risques particuliers liés à la technicité des ouvrages et desmissions. Les montages juridiques des contrats de marché public permettent d’entérinercertains principes, de préciser les rôles de l’opérateur privé et de prévoir des mesuresincitatives ou coercitives.

Dans ce mémoire, les cas particuliers de la délégation de service public et du contratde partenariat ont été étudiés. Ces deux montages juridiques, figurant une véritablecollaboration du secteur privé avec le secteur public, présentent des avantages distincts.Si le contrat de partenariat semble mieux répondre à la nécessaire cohérence nationalede l’aménagement numérique, la DSP quant à elle permet d’éviter l’enfermement de lacollectivité dans un engagement contractuel de long terme qui serait devenu obsolète auregard de l’évolution de la demande des usagers, des progrès technologiques et du cadrelégislatif et règlementaire.

Finalement, ces deux montages juridiques différents permettent une réduction desasymétries d’information et un certain transfert des risques de la collectivité à l’opérateurprivé contractant, néanmoins l’arbitrage entre ces deux montages juridiques par lesdécideurs publics dépend de nombreux éléments subjectifs : sensibilité au risque,pondération des enjeux ou encore appartenance politique.

Face au constat de la fracture numérique, il semble que le recours aux contratsdoive nécessairement s’accompagner d’un retour de l’Etat pilote aux commandesde l’aménagement numérique du territoire, longtemps abandonnées aux mains descollectivités territoriales. Au-delà du rôle de régulateur exercé par l’ARCEP, il s’agiraitde concentrer davantage d’informations dans les services déconcentrés de l’Etat, decontraindre le secteur privé dans ses intentions d’investir et de mieux coordonner lesstratégies adoptées.

Si les investissements requis représentent une difficulté majeure pour l’aménagementnumérique du territoire par leur caractère massif (entre 30 et 40 milliards d’euros), incertain(les AMII ne correspondent pas à un engagement contractuel des opérateurs privés) etinégal (80% de la population française est concentrée sur les 20% du territoire où lesinvestissements sont les moins onéreux et les plus rentables, tandis que les 20% restantsoccupent 80% du territoire et requièrent la moitié des investissements totaux), l’engagementplus en avant de l’Etat permettrait de dynamiser les positionnements privés et d’encouragerles initiatives publiques.

Finalement, de tels investissements peuvent être remis en cause devant le faible tauxde pénétration du très haut débit en France (1 foyer éligible sur 10 s’abonne). Plus encore,c’est la stratégie de déploiement consistant à desservir en priorité les zones urbaines déjàtrès bien équipées qui pose question. A fortiori lorsque l’expansion et l’intensification desréseaux mobiles peut conduire à des comportements clandestins (Only Mobile).

De plus, ce manque d’engouement, traduit par le faible taux de pénétration du trèshaut débit dans les foyers, est une conséquence du décalage temporel entre l’évolutiontechnologique et l’acculturation de la population aux usages numériques. Ainsi, à l’heure oùmême les démarches administratives se dématérialisent, un nouveau défi peut être évoqué :celui de la fracture générationnelle, induite par le vieillissement démographique.

En juillet 2013, la Fédération Française des Télécoms et l’ARCEP ont publié desstatistiques plus rassurantes quant à l’acculturation des foyers français au THD : il y auraitainsi 1000 abonnés au FTTH de plus par jour en France, et la couverture en THD du territoire

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Conclusion

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progresserait au rythme de 1 000 000 de prises éligibles supplémentaires par an70. Ce chiffreramènerait donc le taux de pénétration du THD à 36,5%71.

Il reste à espérer que les efforts des collectivités territoriales et des opérateurs privésen vue d’un aménagement numérique du territoire optimal ne soient pas vains, et que lespromesses de débits augmentés tant pour les zones urbaines que rurales se concrétisentréellement.

70 Actualités très haut débit de l’Avicca, http://www.avicca.org/1000-abonnes-au-FTTH-de-plus.html71 1 000 x 365 jours = 365 000 abonnés FTTH par an. Et le taux de pénétration = 365 000 / 1 000 000 = 36,5%

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Aménagement Numérique du Territoire : déploiement du Très Haut Débit et fracture numérique. Lerôle optimal des PPP.

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Bibliogaphie

Revues

« Avenir du territoire. Ô débit »Loire Atlantique, le magazine du département. Juillet2013.

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« Projets PPP, la parole aux collectivités » PPP Mag. Octobre 2012.Ouvrages

Ouvrages Spécialisés

ARCEP. Guide sur le déploiement de la fibre optique à l’usage des élus et descollectivités territoriales. Les Rapports de l’ARCEP. Juillet 2011, 32 pages. (Lamontée vers le très haut débit sur l’ensemble du territoire)

ARCEP. L’aménagement numérique du territoire. Les Cahiers de l’ARCEP. 1er

trimestre 2010, 45 pages. (La revue trimestrielle de l’ARCEP, n°1)CABINET BIRD & BIRD. Etude sur l’intervention des collectivités territoriales en matière

d’infrastructures de réseaux de télécommunications à haut débit. Décembre 2003, 10pages.

CENTRE D’ANALYSE STRATEGIQUE. L’accès au très haut débit. Mars 2012,67 pages. (Etude comparée portant sur le déploiement d’infrastructures decommunication à très haut débit sur fibre optique jusqu’à l’abonné)

CENTRE D’ANALYSE STRATEGIQUE. Le fossé numérique en France. Rapports &Documents. 2011, 157 pages. La documentation Française.

INSPECTION GENERALE DES FINANCES. Le soutien à l’économie numérique et àl’innovation. Janvier 2012, 421 pages.

INSTITUT DE LA GESTION DELEGUEE. Aspects économiques et comptables desinvestissements dans les PPP. Juin 2011,84 pages.

MINISTERE DU REDRESSEMENT PRODUCTIF. Dossier de presse sur la nouvellestratégie gouvernementale pour le déploiement du très haut débit sur l’ensemble duterritoire. Février 2013, 16 pages.

REMI GILARDIN. La "libéralisation" des télécommunications en France (1981-1996).Mémoire de recherche. Sciences Po Rennes. 2010, 130 pages.

Ressources numériques

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