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Diplôme de Master professionnel Management du Secteur public : Collectivités et Partenaires Année universitaire 2006-2007 L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ? Mémoire soutenu par Caroline de Marqueissac Le vendredi 7 septembre 2007 Olivier Nys, Directeur général adjoint de la Ville de Lyon, Président du jury Sandra de Pinho, Administrateur territorial, Directrice de mémoire Alain Schneider, Responsable du Pôle Services et Conseils financiers de Finance Active, Maître de Stage

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Diplôme de Master professionnel Management du Secteur public : Collectivités et PartenairesAnnée universitaire 2006-2007

L’effondrement des marges bancaires :réalité ou faux semblant ?

Mémoire soutenu parCaroline de MarqueissacLe vendredi 7 septembre 2007

Olivier Nys, Directeur général adjoint de la Ville de Lyon, Président du jury Sandra de Pinho,Administrateur territorial, Directrice de mémoire Alain Schneider, Responsable du Pôle Services etConseils financiers de Finance Active, Maître de Stage

Table des matièresRemerciements . . 5Introduction . . 6Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des margesbancaires . . 12

1. Cadre général du recours à l’emprunt pour les premiers investisseurs publics . . 12A- Cadre juridique du recours à l’emprunt . . 12B- Présentation des marchés financiers et des taux d’intérêt . . 16

2. Des banques en quête de parts de marché sur un secteur peu risqué . . 19A- L’impact du ratio Cooke sur les marges bancaires : le nouvel attrait desinvestisseurs publics locaux . . 20B- Les conséquences d’une concurrence acharnée : une érosion progressive desmarges qui s’inscrit dans la durée . . 22

Conclusion de la première Partie . . 33Partie II A la recherche d’une rentabilité perdue : Remise en cause de l’érosion des margespar une stratégie de réamagement d’encours . . 34

1. Du prêteur au réaménageur : de l’apport de flux nouveaux à la gestion de stocks . . 34A- Une stratégie de travail régulier des encours à l’initiative du prêteur . . 35B. Etude de deux propositions de réaménagement : où les collectivités paient le prixde l’effondrement des marges . . 40

2. Les conséquences : érosion des marges ou érosion de la confiance des collectivités ?. . 46

A. Diversité des sources de rentabilité des établissements bancaires . . 46B- Mutation des relations banques / collectivités : défiance croissante des unes faceà la stratégie offensive des autres ? . . 52

Conclusion de la deuxième Partie . . 58Partie III Quel avenir pour les marges bancaires et les relations entre banques /collectivités ? . . 60

1. Des interrogations légitimes quant à la poursuite de ce mode de fonctionnement . . 60A- La pérennité de ce mode de fonctionnement en question . . 60B- Nécessité d’une réflexion sur une éventuelle balisation du marché des empruntsdes collectivités territoriales . . 65

2. La place des marges bancaires dans une démarche de gestion dynamique de la dette. . 71

A- Les instruments d’une gestion dynamique de la dette . . 71B- Une diversification de l’encours nécessaire pour réduire le risque de taux . . 74C- Ultimes recommandations adressées aux gestionnaires de la dette . . 79

Conclusion de la dernière Partie . . 80Conclusion générale . . 82Bibliographie . . 83

Ouvrages sur les finances publiques . . 83Rapports sur les finances publiques et la dette des collectivités territoriales . . 83Documents Finance active . . 83Articles . . 84

La Gazette des Communes, des Départements et des Régions . . 84

Fiches pratiques financières de la Lettre du Cadre territorial . . 85La Lettre du Cadre territorial . . 85Autres . . 85

Sites Internet . . 85Annexes . . 87

Glossaire . . 87Questionnaire adresse aux Banques . . 93

Résumé . . 96

Remerciements

de Marqueissac Caroline - 2007 5

RemerciementsJe tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont permis de réaliser ce mémoire :

MM. Descourtieux et Chatard qui m’ont accueillie au sein de leur société Finance active ;

M. Schneider, mon responsable de stage, ainsi que tous mes collègues consultants du pôleServices et Conseils financiers, qui m’ont fait découvrir leur métier et auprès desquels j’ai purecueillir informations et conseils ;

Mlle de Pinho ma directrice de recherche, pour l’attention qu’elle a pu porter à mon travail etpour ses remarques et orientations lors de la rédaction de ce mémoire.

Je tiens également à remercier les personnes qui m’ont consacrée du temps afin de répondreà mes questions :

M. Kervran, ancien Directeur adjoint des Collectivités et des institutionnels à la Caissenationale des Caisses d’épargne ;

Mme Girard, Chargée d’affaire Grands Comptes à la Caisse d’Epargne ;

M. Desvignes, ancien Chargé d’affaire de Dexia, aujourd’hui à la Caisse d’Epargne ;

M. Quievreux, Directeur Gestion de la dette/Produits dérivés, DePfa Bank ;

M. Versini, Directeur régional de Dexia Crédit local.

M.Siwertz, Directeur des Finances de la Ville de Saint-Priest ;

J’adresse enfin mes remerciements à Mme Blanc Boge, responsable du Master, pour le soutienqu’elle apporte à ses étudiants tout au long de l’année.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

6 de Marqueissac Caroline - 2007

Introduction

« Une dette n’est rien si elle ne vous prive de rien ». C’est en ces termes que l’écrivainquébécois André Duval, dans son ouvrage Le Mercenaire (1961), fait le constat selon lequelune dette contractée auprès d’un tiers ne porte préjudice à l’emprunteur que si elle lui faitsupporter des frais d’une importance telle qu’ils pénalisent la mise en œuvre de tout autreprojet.

En comptabilité, une dette est l’un des éléments du passif du bilan, comprenantégalement capitaux propres et provisions. « Les passifs sont les éléments du patrimoineayant une valeur économique négative pour l'entreprise, c'est-à-dire l es obligations

de l'entreprise à l'égard d'un tiers » 1 . Il est probable ou certain qu'elles provoqueront

une sortie de ressources au bénéfice de ce tiers, sans contrepartie au moins équivalenteattendue de celui-ci.

« L’actif est un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positivepour une société, c'est-à-dire une ressource que l'entreprise contrôle du fait d'événementspassés et dont elle attend un avantage économique futur ». Cet avantage se définit commele « potentiel qu'a cet actif de contribuer, directement ou indirectement, à des flux nets detrésorerie au bénéfice de l'entreprise » 2.

La gestion actif – passif, en anglais Asset and Liability Management (ALM), existedepuis longtemps dans le secteur privé. Dans le secteur public local, la dette est un levierde financement des investissements dont l’optimisation est une préoccupation relativementrécente dans les collectivités territoriales.

Les collectivités territoriales sont des personnes morales de droit public qui ne peuventagir que dans le cadre de l’intérêt public. Elles sont régies par le Code général desCollectivités territoriales (CGCT) et s’identifient par le principe de libre administration3. Ceprincipe a été reconnu par la Constitution de 1958, dont l’article 72 alinéa 3 précise « Lescollectivités s’administrent librement par des conseils élus et dans des conditions prévuespar la Loi ». Le premier alinéa consacre l’existence de plusieurs catégories de collectivitésterritoriales, parmi lesquelles les communes, départements, régions, les collectivités à statutparticulier et les collectivités d’outre-mer, dont il est question dans cet exposé.

Avec les étapes successives de la décentralisation, amorcée en 1982 par les LoisDeferre et complétée par la Loi du 13 août 2004 relative aux Libertés et Responsabilitéslocales, les collectivités gagnent en autonomie et en compétences. Les collectivités ontacquis la liberté d’emprunter en 1982 et peuvent désormais librement recourir à l’emprunt,un mode de financement qui s’est peu à peu banalisé.

Il existe plusieurs modes de financement des investissements auxquels les collectivitéspeuvent faire appel.

∙ Le financement interne1 http://fr.wikipedia.org2 http://rfcomptable.grouperf.com/3 DANTONEL-COR Nadine, Droit des collectivités territoriales, Bréal, 2ème Ed., 2005, p.8.

Introduction

de Marqueissac Caroline - 2007 7

∙ Il repose sur l’autofinancement. Les collectivités peuvent utiliser leur épargne brute(également appelée capacité d’autofinancement ou CAF). L’épargne brute correspondà l’épargne de gestion (recettes réelles de fonctionnement moins les dépenses degestion) diminuée des charges d’intérêt.

∙ Le financement externe direct ou indirect.– Le financement externe direct signifie que les collectivités se financent

directement sur les marchés financiers. Elles peuvent aujourd’huiémettre des obligations (moyen ou long terme) et des titres à courtterme (billets de trésorerie).

– Le financement externe indirect repose sur l’intermédiationd’établissements de crédit. Il s’agit bien sûr de l’emprunt.

Les emprunts représentent chaque année un tiers des recettes d’investissement descollectivités. En 2007, le recours à l’endettement est estimé à hauteur de 4 milliards d’euros.La dette des collectivités territoriales atteindra 116,2 milliards d’euros en fin d’année, soit6,3% du PIB.4

Source : Notes de conjoncture, Dexia Crédit local, février 2007

Les collectivités et leurs groupements (Etablissements publics de Coopérationintercommunale ou EPCI) sont de plus en plus des investisseurs récurrents, développeursde services et d’infrastructures.

Ils sont devenus des emprunteurs structurels, c'est-à-dire permanents5.

4 Finances locales en France, Grandes tendances 2006-2007, Note de conjoncture, Dexia Crédit local, février 2007, p.1.5 Gestion de dette, Quelle stratégie adopter ?, Fédération des Maires des Villes moyennes, Collection Repères municipaux,

en partenariat avec le Groupe Caisse d’Epargne, Saint-Just-La-Pendue, 2006, p.16.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Avec la décentralisation et les transferts massifs de compétences de l’Etat vers lescollectivités, celles-ci vont chercher à dégager des marges de manœuvre afin de faire faceà leurs nouvelles responsabilités. La gestion de la dette apparaît sous un jour nouveau.L’optimisation de la dette est désormais indispensable et un grand nombre de responsablesfinanciers se sont emparés de cette problématique. Si l’on valorise en effet les actifs d’unesociété, le passif d’une collectivité peut également être optimisé, dans la mesure où lacollectivité peut chercher à minimiser, voire réduire ses frais financiers. La dette peut êtreconsidérée comme une « matière budgétaire vivante » sur laquelle il est possible d’agir enpermanence, afin qu’elle conserve son caractère de levier de l’investissement local6.

L’emprunt est une ressource essentielle de l’investissement et en tant que telle, lescollectivités s’attachent à son prix. Le prix de l’argent est le taux d’intérêt et plus précisémentla marge sur ce taux avec laquelle la banque se rémunère.

Un taux d’intérêt est la mesure de la rentabilité pour le prêteur, ou du coût pourl’emprunteur, des flux financiers du prêt ou de l’emprunt sur une période donnée. Un empruntest un contrat passé entre deux personnes, physique ou morale, de droit public et de droitprivé. Par définition, un prêt est pour l’une ce que l’emprunt est pour l’autre.

Pourquoi raisonner en termes de marges et non de taux d’intérêt ? Le taux d’intérêt estcertes le prix auquel le prêteur vend l’argent, mais il ne fait pas apparaître immédiatementsa rémunération. Les établissements de crédit achètent sur les marchés puis vendent de laressource financière aux emprunteurs publics.

Pour comprendre les concepts de taux d’intérêt et de marge, il est nécessaire de faireappel à la représentation graphique des taux d’intérêt, soit la courbe des taux.

Source : Finance active

La courbe ci-dessus7 représente les taux de l’Etat (en vert), soit les conditions d’empruntdu Trésor, la meilleure signature du pays, et les taux interbancaires (en rose), soit le tauxauquel les banques s’échangent des flux financiers. La courbe des taux interbancairesest par conséquent supérieure à la courbe des taux de l’Etat (taux OAT ou Obligationassimilables du Trésor). Il s’agit des taux Euribor ou des cours de swap standard (tauxfixe contre Euribor sur 1 à 30 ans).Pour une duration donnée (durée de vie moyenne ennombre d’années d’un produit financier), le marché interbancaire paie une prime de risquepar rapport à l’Etat.

6 Ibid., p.17.7 http://www.financeactive.com

Introduction

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Il faudrait ajouter sur ce graphique la courbe des taux payés par les collectivités, courbequi se placerait au-dessus de la courbe des taux de swap. Cette courbe résulte en effetde la courbe interbancaire à laquelle s’ajoute la marge payée par la collectivité sur l’indiceEuribor 1 an pré-fixé8.

Ce graphique correspond aux conditions financières qui prévalaient début août 2007.On constate que cette courbe est plutôt « plate », c'est-à-dire que l’écart (ou le spread) entreles taux long terme et court terme est mince. En situation dite « normale », la courbe destaux est croissante ou pentue, c'est-à-dire que les banques demandent aux emprunteursdes taux d’intérêt annuels plus élevés à long terme qu’à court terme, car le taux d’intérêtcorrespond au prix du temps et à la solvabilité d’un agent économique9.

En matière de gestion de la dette, les responsables financiers des collectivitéss’attachent donc à la comparaison des offres, tout comme le chaland qui compare le prixdes cerises d’un étalage à un autre sur un marché. A défaut de connaître le prix auquel lefournisseur vend les cerises aux commerçants, il opte pour celui qui propose les cerisesau prix le plus bas. Par contre, s’il connaît le prix de gros, il lui est loisible de calculerimmédiatement la rémunération du marchand.

On ne peut comparer immédiatement les taux des produits bancaires entre eux, car ilsdoivent faire l’objet d’un retraitement avant d’évaluer la marge sur le taux de swap connu. Lebanquier affiche en effet un taux facial ou nominal qui n’a qu’une valeur indicative. Le tauxannoncé ne garantit pas que les propositions des banques soient comparables entre elles.« Lorsque l’on achète au poids, au volume ou à la surface, le fait que toutes les propositionssoient libellées en kilogrammes, en litres ou en mètres carrés garantit a priori qu’elles sonthomogènes »10. Par conséquent, il en va de même pour le commerce de l’argent : il fautramener toutes les propositions à un étalon unique, le taux actuariel.

Le terme « actuariel » vient du mot « actuel ». Le taux actuariel correspond àune situation dans laquelle les intérêts sont post comptés annuellement, c'est-à-direcomptabilisés à terme échu chaque année, à la date anniversaire de l’emprunt (365 joursaprès réception des fonds)11. Ramener un taux au taux actuariel permet de comparer desoffres entre elles, par exemple des taux fixes dont la périodicité des échéances (mensuelles,trimestrielles, annuelles…) ou les bases de calcul des intérêts sont différentes (en Exact/Exact ou Exact/360).

La formule du taux actuariel est la suivante :Taux actuariel = (1+ taux nominal/n)^n - 1Où n représente le nombre de facturations d’intérêts dans l’année.

Prenons l’exemple12 d’un emprunt dont les taux sont proposés avec des échéancesannuelles ou infra-annuelles. Quel est le taux le plus intéressant ?

8 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, Le Moniteur, 4ème Ed. Paris, 2005, p.565.9 Ibid., p.564.10 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit, p.4511 Le coût du financement (1), BUFFY Thierry, La Lettre du cadre territorial, Fiche pratique financière n° 26, février 2001.12 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, La Lettre du Cadre, Essais, Voiron,

2002, p.90-91.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

10 de Marqueissac Caroline - 2007

Le taux facial de 6% semble au premier abord le plus élevé. Mais les autres propositionsramenées en taux actuariel ressortent plus coûteuses pour l’emprunteur. Un règlementprécoce des intérêts entraîne un surcoût de trésorerie pour la collectivité tandis que leprêteur replace les acomptes infra-annuels plus tôt. C’est la raison pour laquelle il tente devendre des taux facialement moins élevés mais qui lui rapportent plus.

Ce n’est qu’après avoir rendu les taux comparables entre eux qu’il est possible d’estimerla marge sur le taux de swap ou la marge sur Euribor de la banque, c'est-à-dire sarémunération. Si le taux fixe de marché, pour reprendre l’exemple précédent, est de 5,95%,alors les taux de 6,00%, 6,04%, 6,03% et 6,01% sont équivalents à des propositions enEuribor + 0,05%, Euribor + 0,09%, Euribor + 0,08% et Euribor + 0,06%.

Les propositions en taux fixes sont en effet ramenées à des équivalents en Euribor,un taux de swap contre Euribor + une marge (soit taux interbancaire contre Euribor + unemarge).

En matière de taux variables, les banques indiquent la marge sur chaque index proposé.Si deux banques n’appliquent pas la même base de calcul sur un index identique, lacollectivité doit également retraiter cette marge. Par exemple, la base de calcul des intérêtssur les index post fixés TAM et TAG est usuellement en Exact/Exact. Si un établissementaffiche une marge sur index dont la base de calcul est Exact/360, il faut alors ajouterquelques centimes sur cette marge faciale pour corriger l’effet de base.

Depuis une vingtaine d’années, les professionnels de la finance constatent que lesmarges proposées aux collectivités ont fortement diminué, quelque que soit la strate àlaquelle elles appartiennent. En effet, alors que les marges sur Euribor étaient dans lesannées 90 comprises entre 0,25% pour les grands comptes et 0,80 à 1,00 % sur lescollectivités de plus petites strates, les marges atteignent aujourd’hui des niveaux si basque le terme de niveau plancher est fréquemment évoqué. Un grand compte, une région,un département, une grande ville ou une communauté urbaine, peut obtenir actuellementdes marges exceptionnelles proches de 0,00%, ou aux alentours de 1 centime d’euro (soit0,01% ou 1 point de base). 97 % des marges sur les deux derniers mois étaient inférieuresà 0,02%, selon les données de Finance Active.

C’est dans cette société de conseil en gestion de dette, au sein de son pôle Serviceset Conseils financiers, que j’ai effectué un stage de trois mois. L’analyse des stratégiesdes établissements financiers et l’évaluation des marges sur les produits proposés auxcollectivités, ont constitué l’essentiel de ma mission au quotidien. J’ai eu sous les yeux untrès grand nombre d’offres bancaires, en réponse à des consultations pour des nouveauxfinancements, ou bien des offres spontanées de réaménagement d’encours.

Quelles sont les raisons de cette baisse progressive ? Pourquoi s’y intéresser dans lecadre de cet exposé ? Les collectivités semblent être en effet les heureuses bénéficiaires

Introduction

de Marqueissac Caroline - 2007 11

de la diminution du prix de l’argent. Peuvent-elles croire leurs banquiers lorsqu’ils affirmentvendre à perte ? Auquel cas pourquoi les résultats financiers des principaux prêteurs necessent-ils de croître ?

La multiplication des propositions de réaménagement d’encours suscitent plusieursinterrogations, notamment sur la nature des produits proposés et leur prix en termes demarge. La relation entre les banques et les emprunteurs publics paraît avoir profondémentévolué ces dernières années. Peut-on parler de relations d’égal à égal ?

Il devient par conséquent légitime de s’interroger : « l’effondrement des margesbancaires, est-ce une réalité ou un faux semblant ? ».

L’exposé qui suit comprend de très nombreuses citations, tirées pour l’essentiel desarticles de la presse locale dans laquelle intervient nombre de responsables financiersen collectivités, ou bien extraites des entretiens menés auprès des chargés d’affaires deplusieurs banques. Il m’a semblé en effet indispensable de confronter les points de vue enrecueillant ceux des principaux intéressés.

Ce mémoire s’articule autour de trois idées principales. Après avoir rappelé le cadrejuridique du recours à l’emprunt des collectivités territoriales, nous nous pencherons sur lesfacteurs expliquant l’évolution à la baisse des marges bancaires (Partie I).

Ces marges étant souvent réduites à peau de chagrin, il paraît de prime abordimpossible aux établissements de crédit d’assurer une rentabilité minimale. Commentrestaurent-ils leur rentabilité perdue ? Par les réaménagements d’encours qui tendent àse multiplier ces dernières années ? L’étude de deux propositions de réaménagement,complétée par les avis recueillis auprès des personnes que j’ai interviewées, nousconduirons à nous interroger sur les conséquences et l’impact d’une telle stratégie sur lesrelations entre les banques et les collectivités (Partie II).

Si le niveau des marges sur les produits classiques s’est effectivement effondré, larecherche d’une rentabilité globale par les banques se traduit par une défiance croissantedes clients. La pérennité de ce mode de fonctionnement, qui exacerbe les tensions entreprêteurs et emprunteurs, est par conséquent posée. Il conviendra enfin de replacer laquestion des marges bancaires dans une démarche de gestion dynamique de la dette(Partie III).

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

12 de Marqueissac Caroline - 2007

Partie I Les collectivités et l’emprunt :les facteurs de l’évolution à la baissedes marges bancaires

Le constat de la baisse des marges bancaires est unanimement partagé, que ce soit par lesresponsables financiers et les professionnels de la gestion de la dette des collectivités, oupar les banquiers eux-mêmes. Faut-il croire les établissements bancaires lorsqu’ils affirmentatteindre des niveaux planchers qui ne leur permettent pas d’assurer la rentabilité de leurfonds propres et au-delà desquels ils ne peuvent descendre ?

Avant de se pencher sur les origines et les causes premières de cette situation, il estindispensable de rappeler le contexte dans lequel les relations entre les banques et lescollectivités ont émergé.

Dans un premier temps nous aborderons le cadre général du recours à l’emprunt, afinde comprendre les règles applicables aux collectivités territoriales en matière de gestionde dette, ainsi que les fondamentaux des marchés financiers (1). Puis nous souligneronsla forte attractivité des collectivités, en raison du faible risque qu’elles représentent en tantque premiers investisseurs publics, dans un contexte fortement concurrentiel (2).

1. Cadre général du recours à l’emprunt pour lespremiers investisseurs publics

En matière d’emprunt, les relations entre les banques et les collectivités sont relativementrécentes. La volonté de procéder à une évaluation de la marge prise par les banques sur lesproduits financiers s’est progressivement imposée à l’esprit des décideurs financiers. Le faitde recourir de plus en plus fréquemment à un mode de financement externe, l’emprunt, lesa conduit à examiner avec un soin grandissant les conditions financières dans lesquellesles prêts leur sont accordés.

Le cadre juridique du recours à l’emprunt par les collectivités sera dans un premiertemps exposé (A), avant de présenter les marchés financiers et les taux d’intérêts (B).

A- Cadre juridique du recours à l’empruntEn l’espace de vingt ans, les relations entre banques et collectivités ont profondémentchangé de nature. L’acte I de la décentralisation, introduit par la Loi du 2 mars 198213,constitue une date clef dans l’histoire des relations banques-collectivités. Avant 1982, lesemprunts étaient soumis à un contrôle a priori par le Préfet, soit un contrôle d’opportunité.Depuis 1982, le contrôle s’effectue a posteriori et prend le nom de contrôle de légalité.

13 Loi n°82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, www.legifrance.gouv.fr

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

de Marqueissac Caroline - 2007 13

Après avoir évoqué l’impact des Lois Deferre en matière d’emprunt (a), nousévoquerons les règles et principes qui leur sont applicables (b).

a) Libéralisation d’un marché auparavant fortement encadré : le tournant de1982Avant 1982 : un régime de contrôle a priori et d’opportunité

Avant les Lois de décentralisation de 1982, le marché était simplifié à l’extrême. Lescollectivités étaient soumises à de nombreuses obligations pour que l’Etat puisse contrôlerles prêts qui leur étaient accordés.

∙ Elles devaient ainsi obtenir une autorisation préalable du Préfet à chaque fois qu’ellessouhaitaient emprunter auprès d’établissements privés14.Elles n’étaient pas libres dechoisir leurs prêteurs, ni les taux d’intérêt de leurs emprunts.15

∙ Les collectivités avaient la possibilité d’obtenir des prêts à taux privilégiés auprès desinstitutions financières publiques, telles que la Caisse des Dépôts et Consignations(CDC), ou encore le Crédit mutuel, à la condition que le projet d’investissementbénéficie d’une subvention étatique16.

∙ Enfin, la règle était que les collectivités affectent le produit de l’emprunt àl’investissement précis pour lequel leur demande avait été faite.

La négociation avec les banquiers n’existait pour ainsi dire pas. La préfecture exerçait satutelle sous la forme d’un contrôle a priori et d’un contrôle d’opportunité. Les collectivitésn’avaient accès qu’à un seul type de produit bancaire : un taux fixe à annuités constantes.L’évaluation de la marge des établissements bancaires ne constituait pas une préoccupationdes décideurs financiers.

Ce régime contraignant de régulation des emprunts a commencé à se libéraliser dès1976 avec la mise en œuvre de prêts globalisés accordés par la CDC à certaines communesde plus de

10 000 habitants. La règle de non affectation des recettes aux dépenses entre envigueur en 1979, mais il faudra véritablement attendre 1982 pour assister à une réformeprofonde du recours à l’emprunt.

Après 1982 : libéralisation du recours à l’empruntLa Loi de 1982 marque le coup d’envoi de la libéralisation du recours à l’emprunt

en supprimant toute forme de tutelle étatique sur les actes des collectivités territoriales.Les articles L.2336-3, L.3335-1, L.4333-1 et L.5211-26 du Code général des collectivitésterritoriales (CGCT), reconnaissent aux communes, départements, régions, ainsi qu’à leursgroupements, une liberté pleine et entière d’appréciation de l’opportunité financière. Lescollectivités peuvent donc librement recourir à l’emprunt17.

∙ Le régime d’approbation préfectorale préalable disparaît au profit d’un nouveaurégime de contrôle a posteriori.

∙ Les taux d’intérêt sont libres. Tout comme n’importe quel emprunteur, les collectivitésne peuvent contracter des emprunts au-dessus du taux de l’usure, publié tous lestrois mois par la Banque de France.

17 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.529.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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∙ Si les prêteurs traditionnels, la CDC et dans une moindre mesure le Crédit mutuel etle Crédit agricole, restent présents sur le marché, les collectivités ont désormais ledroit de choisir leur établissement prêteur.

L’impact de la libéralisation du recours à l’emprunt est d’autant plus important que les LoisDeferre18 confèrent aux collectivités des responsabilités et compétences croissantes avecla décentralisation. Les collectivités élargissent leurs domaines d’activité. Si la mission descommunes s’élargit à l’urbanisme, l’enseignement primaire, le logement, la santé et l’actionsociale, ce sont les départements qui sont les principaux bénéficiaires de ces transfertsde compétences. Ils interviennent désormais dans des domaines aussi divers que l’actionsociale et sanitaire, l’aménagement de l’espace et l’équipement (voirie, transports routiersnon urbains), l’éducation (collèges), la culture et le patrimoine. Les régions quant à elles sevoient attribuer un rôle en matière de développement économique, social et sanitaire.

Les relations des collectivités avec leurs banquiers sont aujourd’hui régies par le droitprivé et la liberté contractuelle.

b) Les règles et principes applicables aux emprunts des collectivitésCette partie aborde différents aspects des règles et principes auxquels les emprunts sontassujettis :

∙ les autorités compétentes dans la prise de décision d’emprunter et le contrôle delégalité du préfet ;

∙ les caractéristiques juridiques du contrat de prêt ;∙ l’emprunt au regard des marchés publics.

Une décision d’emprunter soumise au contrôle de légalité du PréfetLa décision de contracter un emprunt relève désormais de la compétence de

l’assemblée délibérante des collectivités territoriales. C’est à elle que revient la charge dedéterminer l’objet de l’emprunt, ses conditions financières de réalisation : le montant ducapital emprunté, le taux d’intérêt, le mode de remboursement et le type d’amortissement19.

La délibération est par conséquent l’acte par lequel l’organe délibérant décide derecourir à l’emprunt et autorise l’exécutif à signer le contrat de prêt. Elle est exécutoire deplein droit dès sa publication et sa transmission au Préfet, représentant de l’Etat. Celui-ci dispose de deux mois pour déférer devant le tribunal administratif les actes suspectésd’illégalité, afin de procéder à leur annulation.

L’assemblée délibérante a la possibilité de déléguer tout ou partie de sa compétenceen matière d’emprunt à l’organe exécutif, soit :

∙ le maire, par le conseil municipal (article L.2122-22 du CGCT) ;∙ la commission permanente ou le président, par l’assemblée départementale (article

L.3211-2 du CGCT) ;∙ la commission permanente ou le président, par l’assemblée régionale (article

L.4221-5 du CGCT) ;∙ le bureau ou le président par le conseil communautaire ou le conseil syndical (articles

L.5211-10, 5332-1 et 5711-1 du CGCT).18 Lois du 7 janvier 1983 et du 22 juillet 1983 relatives à la répartition des compétences entre les communes, les départements,les régions et l’Etat.

19 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.529.

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

de Marqueissac Caroline - 2007 15

Les caractéristiques juridiques du contrat d’empruntLes contrats d’emprunt reposent pour l’essentiel sur un régime juridique hybride. Ce

sont des contrats de droit privé, mais ils restent soumis à des règles de droit public du faitdu statut particulier des emprunteurs publics locaux20. La préfecture peut en effet contesterindirectement leur légalité et les collectivités sont quant à elles confrontées aux techniquesde financement privé, relatives, par exemple, au réaménagement de la dette. Par ailleurs,les contrats d’emprunt relèvent de la compétence du juge judiciaire en cas de litige.

En tant que contrats de droit privé, les contrats d’emprunt ne peuvent faire l’objetd’un déféré. Le Préfet peut néanmoins contrôler le respect du principe de l’équilibreréel du budget21, c'est-à-dire l’affectation de cette ressource aux dépenses nouvellesd’investissement, et non au remboursement de précédents emprunts.

Les emprunts ne peuvent en aucun cas combler un déficit de la section defonctionnement, ou une insuffisance des ressources propres des collectivités, ressourcesdestinées à l’amortissement de la dette22. Ils ne peuvent financer que les projetsd’investissement des collectivités, sans pour autant être affectés à des opérationsprécises23.Le remboursement en capital de la dette est comptabilisé en dépensesd’investissement, tandis que les frais financiers, comprenant intérêts et frais annexes, sontimputés en dépenses de fonctionnement.

Le service de la dette revêt le caractère de dépense obligatoire et constitue ainsi uneforte protection pour la banque. En cas de défaillance de la collectivité, le prêteur peut eneffet exiger le paiement des échéances par une procédure d’inscription et de mandatementd’office24. Les dépenses obligatoires sont cependant limitées à la dette dite « exigible »,définie par une jurisprudence du Conseil d’Etat le 11 mars 1887. La dette est « exigible »si trois conditions sont réunies25 :

∙ la dette est liquide, c’est à dire que son montant exact a été préalablement calculé ;∙ la dette est certaine du point de vue juridique, c'est-à-dire que le contrat est

effectivement exécuté ;∙ la dette est incontestable dans son principe et son montant.

L’emprunt au regard du code des marchés publicsLa question de savoir si les emprunts des collectivités doivent être ou non soumis aux

lois et directives relatives aux marchés publics de service, a donnée lieu à de nombreuxdéveloppements et revirements de situation. En effet, les emprunts ont été assujettis aucode des marchés publics (CMP) entre février 1998 et juillet 1999, puis entre février et mai200526.

La directive européenne n° 92-50 du 18 juin 1992 portant Coordination des procéduresde passation des marchés publics, a défini les principes de publicité et de concurrence

20 Les contrats d’emprunt, La Gazette n°1867, 01/01/2007, p.1.21 Article L.1612-4 du CGCT.22 Article L.232-4 du CGCT.23 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.530.24 Ibid., p.531.25 Ibid., p.532.26 Dexia Crédit Local - Les ressources des collectivités locales 2006-2007 - Mémento guide, Editions 2006, p.492.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

16 de Marqueissac Caroline - 2007

s’imposant aux « pouvoirs adjudicateurs » dans la passation des marchés publics deservices. La France a tardivement transposé cette directive, et ce n’est que le 27 février 1998qu’elle adopte un décret introduisant dans le CMP les dispositions nécessaires applicablesaux « services bancaires et d’investissement et aux services d’assurance ». L’incertitudesur le régime juridique des contrats d’emprunt n’est pas levée. Il faudra attendre le décretn° 99-634 du 19 juillet 1999 pour clarifier la situation et exclure les contrats d’emprunt, leslignes de trésorerie et les émissions obligataires des procédures de mise en concurrencenationales et européennes.

Le 23 février 2005, le Conseil d’Etat réintroduit les emprunts des collectivités dans leCMP en se fondant sur un avis du Commissaire du Gouvernement. Mais trois mois plustard, la transposition d’une nouvelle directive européenne27 en droit français, par le décretdu 27 mai 2005, rend les dispositions du code non applicables « aux contrats qui ont pourobjet des services financiers relatifs à l’émission, à l’achat, à la vente et au transfert de titresou d’autres instruments financiers et à des opérations d’approvisionnement en argent ouen capital »28.

L’assouplissement de la réglementation supprime alors les contraintes auxquellesétablissements prêteurs et collectivités ont dû se plier. En effet, si les procédures de publicitépouvaient être menées rapidement, la durée de la procédure de réponse et de dépouillementdes offres s’avéraient pénalisantes pour les emprunteurs. La mobilisation rapide des fondsétait difficile et rendait délicate la possibilité de saisir des opportunités de taux sur lesmarchés financiers.

Bien que les emprunts soient exclus du CMP depuis 2005, une mise en concurrencereste effective bien qu’informelle, grâce à une circulaire du Ministère de l’Intérieur auxPréfets en date du 6 septembre 1999. Il recommande aux collectivités de « procéderdans la mesure du possible à la consultation des établissements de crédit, y comprisdes établissements étrangers, dans des conditions permettant une véritable concurrenceentre les établissements bancaires. Dans un contexte de diversification et d’élargissementde l’offre de produits bancaires, seule cette politique permettra aux collectivités localesde bénéficier des meilleures conditions disponibles tout en minimisant les risques decontentieux »29.

Après avoir évoqué le cadre juridique relatif aux contrats d’emprunt des collectivitésterritoriales, il convient de présenter les marchés financiers ainsi que les taux d’intérêts,taux à partir desquels les collectivités vont pouvoir évaluer la marge des établissementsbancaires.

B- Présentation des marchés financiers et des taux d’intérêtDepuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Etat a joué le rôle de banquier del’économie. Le système financier français évolue peu et reste marqué par la forte influencede l’administration publique. Ce système montre des signes d’essoufflement à l’orée desannées quatre-vingt face aux bouleversements de la mondialisation et à « l’accélérationdu temps financier ».30La Loi bancaire du 24 janvier 1984 est un tournant dans le système

27 Directive n°2004-18 CE, in KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.533.28 Décret n°2005-601 du 27 mai 2005, in KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.533.29 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.534.

30 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.6.

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

de Marqueissac Caroline - 2007 17

financier français (a). Alors que les collectivités n’ont eu accès qu’à des emprunts à tauxfixe à annuités constantes, elles accèdent désormais à une multitude d’index, des taux àcourt terme (b) et des taux long terme (c).

a) La réforme bancaire de 1984Avec la loi bancaire de janvier 1984, le législateur a cherché à banaliser la professionen regroupant sous le terme « d’établissements de crédit » les différentes institutions.L’idée était de créer les conditions d’une véritable concurrence, de séduire les déposantssans pour autant asphyxier les emprunteurs31. Le marché financier français se décloisonneprogressivement grâce à la mise en place de passerelles entre les différents acteurs, ce quiconduit à l’instauration « d’un marché unifié de l’argent allant du jour le jour au très longterme, accessible à tous les agents économiques, au comptant et à terme, avec possibilitéd’options », d’après le Livre blanc du Ministère de l’Economie et des Finance32s.

Un marché est le lieu où se rencontrent une offre et une demande pour un bien, icil’argent. La réforme bancaire de 1984 a entraîné la disparition des prêts à taux bonifié et acontribué à instaurer un grand marché unifié de capitaux du court au moyen terme ouvert àtous les agents économiques. Le décloisonnement du marché confère une place essentielleaux mécanismes de marché permettant une régulation monétaire par les taux d’intérêt.

Le marché est composé de trois principaux compartiments reliés les uns aux autresen permanence.

Le marché interbancaireIl est réservé aux seuls professionnels du secteur bancaire. C’est la Banque centrale

européenne (BCE) qui en assure le contrôle depuis 1999 et la création de l’Unionéconomique monétaire (UEM). Le rôle de la BCE est de contrôler la quantité de monnaie encirculation (l’agrégat M3), afin de juguler l’inflation. Son taux d’intervention, le taux directeur,correspond à un niveau plancher d’intervention. Le 6 juin 2007 la Banque centrale a relevéson taux de refinancement de 3,75% à 4%.

Le taux de refinancement et les anticipations des agents économiques ont une influencedirecte sur le taux du marché au jour le jour. C’est en effet sur le marché interbancaire quese déterminent l’Eonia et l’Euribor de 1 à 12 mois33.

Le marché des titres de créances négociables (TCN)Les emprunteurs peuvent désormais se financer à court terme grâce à l’émission de

titres négociables. Ceux-ci sont des droits de créance émis pour une durée déterminée.Le marché obligataireC’est sur ce marché que se détermine les taux de rendement des obligations

assimilables du Trésor (OAT).Tout responsable financier se doit de connaître les principaux indices du marché afin

de pouvoir évaluer les propositions des banques selon les niveaux des taux du moment etde déterminer la marge prise par les établissements bancaires.

31 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.32.32 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.32

33 Idem.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

18 de Marqueissac Caroline - 2007

b) Les taux à court terme34

Les taux d’intérêt court terme, de 1 jour à 1 an, dépendent en grande partie de la politiquemenée par la BCE, bien qu’ils soient également déterminés par le jeu de la loi de l’offre etde la demande.

L’EONIA ou Euro Overnight Index Average (en français TEMPE, Taux européen moyenpondéré en Euros)

Il est le taux au jour le jour du marché interbancaire de la zone euro. Il est publiéquotidiennement à 19h00 à Bruxelles par la Fédération Bancaire européenne et estcalculé par une moyenne, pondérée par les volumes, des transactions consenties par 57établissements financiers de la zone euro.

Trois index découlent de l’Eonia : le T4M, le TAM et le TAG. Ce sont, comme l’Eonia,des index post-fixés.

Le T4M ou Taux mensuel du marché monétaireIl correspond à la moyenne arithmétique mensuelle des Eonia du mois précédent.Le TAM ou Taux annuel monétaireC’est le taux moyen capitalisé des douze derniers T4M. Il correspond au taux de

rendement d’un placement mensuel (T4M), renouvelé chaque fin de mois pendant 12mois.Le TAG ou Taux annuel glissantC’est le taux moyen des Eonia sur une période de 1 à 12 mois. Il se calcule par la

capitalisation des moyennes mensuelles des Eonia de la période de référence. Le TAG dudernier jour d’un mois « m » n’est autre que le TAM de ce même mois.

L’Euribor ou Euro Interbank Offered Rate (TIBEUR en français, soit le taux interbancaireen euros)

Il est aussi un index du marché monétaire. C’est le prix de l’argent pour des duréescomprises entre une semaine et un à douze mois sur le marché interbancaire de la zoneeuro. Il est publié par la BCE tous les jours à 11h00.C’est un index pré-fixé, calculé par unemoyenne des cotations fournies par les 57 établissements évoqués ci-dessus, après avoirretiré 15% des cotations les plus hautes et 15% les plus basses.

Tous les taux se terminant par « IBOR » sont des taux calculés soit à Francfort (Euribor),soit à Londres (Libor) pour le dollar US et la livre sterling, …, ou sur des places domestiquestelles que Stockholm (Stibor), Prague (Pribor)…

c) Les taux à long termeAlors que les taux d’intérêts court terme dépendent en grande partie des politiques menéespar les banques centrales, les taux long terme dépendent quant à eux des anticipationsdes agents économiques de la politique monétaire35 et de leurs prévisions sur l’évolutiondes marchés financiers. Ils se focalisent alors sur les indicateurs de la croissance à longterme. Les taux long terme sont généralement supérieurs aux indices court terme : lesagents réclament une rémunération liée en effet au manque de liquidité de leur placement,rémunération qui tient compte de l’inflation et de la diminution de la valeur de la monnaiedans le temps.

34 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.539-541.35 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.78.

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

de Marqueissac Caroline - 2007 19

C’est le marché obligataire qui reflète des taux d’intérêt sur le long terme. L’Etat et lescollectivités territoriales sont les principaux émetteurs, tandis que les investisseurs sont laCaisse des Dépôts et Consignations, les particuliers, banques ou compagnies d’assurance.

Il est constitué d’un marché primaire sur lequel ont lieu les nouvelles émissionsd’obligations et d’un marché secondaire sur lequel s’échangent les obligations déjà émises,selon le jeu de l’offre et de la demande.

Les taux du marché obligataire sont les suivants :

∙ Le TME ou le Taux mensuel des emprunts d’Etat C'est le taux de rendement sur lemarché secondaire des emprunts d'Etat à taux fixe, supérieurs à 7 ans.

∙ Le TMO ou le Taux moyen du marché obligataire C’est le taux de rendementdes nouveaux emprunts émis à taux fixe, au cours du mois et pondérés par lesvolumes des obligations correspondants. Le TMO le plus souvent utilisé concerne lesemprunts du secteur public (garantis par l’Etat) et il est calculé au règlement, c'est-à-dire en intégrant les frais payés par l’émetteur.

∙ Le TEC ou Taux à échéance constante C'est le taux de rendement d'une OATfictive de 5 ans (TEC 5) ou de 10 ans (TEC 10). Il est calculé, par le Comité deNormalisation Obligataire, par interpolation linéaire des taux de rendement des deuxOAT dont la maturité encadre la période donnée.

∙ L’OAT ou l’Obligation assimilable du Trésor. Les OAT sont les instruments utiliséspar l’Etat pour emprunter sur des durées de 7 à 30 ans, et parfois même 50 ans,avec remboursement in fine, à taux fixe ou indexé. Le taux le plus souvent utilisé estl’OAT 10 ans à partir de laquelle est calculée quotidiennement le TEC 10. L’adjectif« assimilable » vient du fait que le Trésor rattache chaque nouvelle émission à uneancienne qui présente des caractéristiques identiques en termes de taux de coupon,date de règlement et de remboursement du coupon, le but étant de réduire le nombrede lignes des emprunts de l’Etat.

Les OAT sont émises sur le marché primaire mais peuvent s’échanger sur le marchésecondaire. Le cours des OAT varie inversement au niveau des taux d’intérêt : si les tauxbaissent, le cours des OAT augmente. En période de tensions sur le marché des actions,les obligations deviennent des valeurs refuge dans le cadre d’un mouvement de « flight toquality ».

De multiples index sont désormais proposés aux collectivités, les plus courants étantles index court et long terme, bien qu’il en existe de nombreux autres sur lesquels ellespeuvent se positionner.

2. Des banques en quête de parts de marché sur unsecteur peu risqué

Jusqu'au milieu des années quatre-vingt, l’univers financier des collectivités territoriales étaittrès simplifié : un seul partenaire, la Caisse des Dépôts et Consignations, un seul produit(taux fixe à annuités constantes), ainsi que des conditions de crédit bonifiées. L’ouverturedes marchés financiers constitue alors un profond tournant : à partir de 1986 les ressourcesdu Livret A s’effondrent, les ménages se tournent vers de nouvelles formes d’épargnefinancière. Les banques commerciales partent à la recherche de nouveaux clients dans

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

20 de Marqueissac Caroline - 2007

un contexte de forte liquidité, accentué par la possibilité des entreprises de se financerdirectement sur le marché.36.

L’instauration du ratio Cooke en 1988 est l’un des premiers facteurs structurelsexpliquant le nouvel attrait des banques pour les collectivités (A). Le développementd’une concurrence acharnée et l’entrée des collectivités dans un cycle de désendettementconforte la tendance et conduit à des marges de plus en plus minces, voire nulles (B).

A- L’impact du ratio Cooke sur les marges bancaires : le nouvel attraitdes investisseurs publics locaux

Après avoir évoqué les principes et fondements du ratio Cooke (a), son incidence sur lescollectivités territoriales sera ensuite mise en lumière (b).

a) Principes et fondements du ratio CookeLe ratio Cooke est un ratio prudentiel permettant de mesurer la solvabilité desétablissements bancaires. L’objectif du comité de Bâle en 1988 était de renforcer la soliditéet la stabilité du système bancaire international par la promotion de conditions d’égalité deconcurrence entre les banques à vocation internationale. Le comité de Bâle étaient composédes banques centrales et des autorités de surveillance des dix Etats siégeant auprès dela Banque des Règlements internationaux (BRI). Le ratio, baptisé Cooke, porte le nom duprésident du comité, mais on le rencontre également sous le nom de ratio de solvabilité.Bien que la règle de solvabilité n’ait pas de portée réglementaire, un grand nombre de paysl’ont adoptée et intégrée dans leur réglementation, notamment les pays du G10 depuis 1992et plus d’une centaine d’autres37.

Le ratio Cooke est une norme de solvabilité bancaire qui définit le montant de fondspropres que chaque banque doit détenir compte tenu de son exposition sur différentescatégories d’actifs. Le calcul est effectué d’après le rapport entre les fonds propres (capitalpur) et quasi fonds propres (réserves, certaines provisions et titres subordonnés), etl’ensemble des engagements, ceux-ci étant pondérés par leur caractère plus ou moinsrisqué. Le risque pris en compte est le risque de crédit ou risque de contrepartie, c'est-à-dire le risque de perte en cas de non remboursement d’un emprunteur.

(Fonds propres + quasi fonds propres)/ Ensemble des engagements > 8%Le niveau d’exigence en fonds propres doit être supérieur à 8% des actifs pondérés.

Un taux de pondération est appliqué aux engagements qui figurent au bilan et hors bilan. Ilcorrespond à plusieurs catégories de risques inscrits au bilan38 :

∙ Une pondération de 0% pour un risque estimé nul pour les créances sur les Etat,les banques centrales et certaines collectivités des pays de l’OCDE (Allemagne,Autriche, Suède…).

∙ Cette pondération est exceptionnelle et repose d’une part sur la maîtrise par certainescollectivités de la fiscalité (pouvoir de créer l’impôt et/ou de modifier les bases fiscaleset/ou les taux) et d’autre part sur l’existence de dispositions institutionnelles réduisantle risque de défaillance39.

36 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.539-541.37 SERVE Stéphanie, Le risque financier des collectivités locales en Europe occidentale, Economica, Paris, 2006, p.77.

38 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.8.

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

de Marqueissac Caroline - 2007 21

∙ Une pondération de 20% pour un risque jugé plus élevé pour les créances desbanques et de certaines collectivités locales de l’OCDE.

Les collectivités françaises ne sont pas totalement autonomes en matière de levée d’impôt,mais elles ne présentent pas les mêmes risques qu’une entreprise. Ainsi, le ratio imposeaux banques de détenir en réserve une part de 1,6¨% des crédits accordés (20% x 8%).

∙ Une pondération de 50% pour les prêts hypothécaires ;∙ Une pondération à 100% pour les crédits accordés aux entreprises ou aux particuliers

puisqu’il s’agit du risque supposé maximal.

En d’autres termes, une pondération de 0% signifie qu’une banque peut prêter à unecontrepartie sans pour autant disposer de fonds propres de sécurité. Pour un même volumeprêté et dans le cas d’une pondération à 100%, la banque doit constituer cinq fois plus defonds propres que pour un actif pondéré à 20%.

b) Le ratio Cooke et les collectivités territorialesQuelles sont les incidences du ratio Cooke sur les relations entre les banques et lescollectivités ? Elles sont de deux ordres40.

Conséquences quantitatives : les volumes prêtésPour prêter à une collectivité territoriale française, les banques n’ont besoin que de

1,6% de fonds propres, et non des 8% exigés pour un prêt à une entreprise.Le calcul est le suivant : une pondération de 20% x 8% = 1,6%Les banques ont immédiatement saisi l’intérêt que représentait cette différence de

pondération. Avec un même montant fonds propres, elles peuvent prêter cinq fois plus envolume, pour des entités présentant un risque moindre que celui des entreprises ou desparticuliers.

Conséquences qualitatives : la rémunération du prêtLa notion de rémunération des fonds propres (Return on Equity ou ROE) est l’un

des ratios essentiels de l’entreprise. Le milieu bancaire considère par exemple commeobjectif de gestion minimum une rémunération des fonds propres de 10%. C’est de mêmela rentabilité espérée par un actionnaire lorsqu’il investit dans une entreprise.

L’instauration du ratio Cooke et notamment ses niveaux de consommation de fondspropres, ont par conséquent un impact sur le niveau des marges pratiquées par les banquesauprès de leurs clients publics. Ainsi pour obtenir une rentabilité des fonds propres de 10%,un prêt reposant sur un ratio Cooke de 8% nécessite une marge bancaire de 0,80%, margequi ne tient pas compte de tous les autres frais inhérents au prêt (charges de gestion,émission du contrat…).

Un prêt accordé à une collectivité française ne réclame lui qu’une marge de 0,16% (soit20% x 8% x 10%).

L’instauration du ratio Cooke a profondément modifié le regard que les banques portentaux investisseurs publics. Il constitue ainsi une explication technique du faible niveau demarges appliquées aux collectivités, qui présentent un risque de crédit nettement inférieurà celui des particuliers et des entreprises. Les collectivités, qui ont acquis la possibilité defaire appel à des prêteurs autres que les prêteurs historiques, se tournent vers de nouveaux

40 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.9.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

22 de Marqueissac Caroline - 2007

partenaires bancaires, devenus d’autant plus compétitifs par la disparition des prêts à tauxprivilégiés.

B- Les conséquences d’une concurrence acharnée : une érosionprogressive des marges qui s’inscrit dans la durée

L’ouverture des marchés financiers et l’instauration du ratio Cooke ont rendu attractif, voireincontournable, le secteur public local pour un certain nombre d’établissements de crédit.La multiplication des acteurs bancaires conduit peu à peu à la complexification des offresproposées aux collectivités (a). Face à une concurrence acharnée, les banques réduisentleurs marges à peau de chagrin dans une « guerre » des prix destinée à capter les encoursdes clients (b).

a) Multiplication des acteurs bancaires et complexification des offresQuels sont les établissements présents sur le marché des collectivités ? Comment le niveaudes marges évolue-t-il face à une offre massive et une demande plus rare à la fin des années90 ?

Segmentation du marché jusqu’en 1993Les établissements de crédit ont saisi l’intérêt de consentir des prêts aux collectivités

territoriales, sans pour autant toujours appréhender avec justesse le risque qu’ellespouvaient représenter, du fait d’une mauvaise interprétation de l’article 11 de la Loi de 1982.En effet jusqu’au début des années 90, le risque « collectivité » était assimilé au risquesouverain sur l’Etat français. Les banques s’engouffrent donc sur le marché de l’empruntpublic local.

La Caisse des Dépôts et le Crédit agricole mettent un terme à leurs offres à tauxprivilégiés, qui représentaient 65% des prêts en 1982.41 Une filiale de la CDC, dénomméela Caisse d’Aide à l’Equipement des Collectivités locales (CAECL) devient en 1987 unesociété anonyme sous le nom de Crédit local de France.

Au début des années 90, la médiatisation de plusieurs cas de surendettement conduitles prêteurs à redéfinir le risque « collectivités ».Le cas le plus emblématique est celui de laville d’Angoulême qui se retrouve en situation de cessation de paiement après avoir vécu au-dessus de ses moyens. Elle ne pouvait relever sa fiscalité car les taux d’imposition étaientdéjà proches du maximum légal.

Le surendettement de Briançon et de Plan-de-Cuques sont également révélés au grandpublic en 1990, le premier après un investissement sur-calibré et le second pour avoirassumé les emprunts qu’il avait garanti à une société d’économie mixte42.

Les prêteurs prennent alors des dispositions restrictives, notamment par l’exclusionde certaines communes présentant des risques importants ou encore par la signature deprotocoles avec des emprunteurs s’engageant à maîtriser leurs dépenses.

Jusqu’en 1994, seules trois banques historiques sont présentes sur le marché : le Créditlocal de France, les Caisses d’Epargne et le Crédit agricole43.

41 Gestion active de la dette : la rentabilité démontrée d’une technicité raisonnée, La Gazette n°1556, 26/06/2000.42 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.9.43 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.41.

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

de Marqueissac Caroline - 2007 23

∙ Le Crédit local de France (CLF)

Il est issu de la CAECL originellement créée en 1966 afin de traiter les dossiers de prêts nepouvant être gérés par la CDC. Devenu une société anonyme en 1987, le CLF est privatiséen 1993 après avoir fait l’objet d’une introduction en Bourse en 1991. En 1996, le CLFfusionne

avec le Crédit communal de Belgique et donne naissance au groupe Dexia. Aujourd’huiDexia est leader auprès des collectivités françaises et s’est fortement développé àl’international. Dexia se finance sur les marchés obligataires français et international.

∙ Les Caisses d’Epargne

Ce sont les deuxièmes prêteurs du marché. Elles sont habilitées depuis 1950 à prêter ausecteur public local dans leur zone de collecte de l’épargne (Loi « Minjoz »). Les Caissesd’Epargne sont aujourd’hui un réseau composé par des sociétés locales d’équipements,sociétaires de plus d’une trentaine de Caisses régionales d’Epargne. Elles se financenten majorité par l’épargne locale. Le réseau est dirigé par la Caisse nationale des Caissesd’Epargne et de Prévoyance.

En octobre 2003, CDC Ixis, un établissement spécialisé est intégré au groupe Caissesd’Epargne afin de réaliser des montages reposant sur une forte ingénierie financière.

∙ Le Crédit agricole

Présent depuis longtemps sur le secteur public local, il est une banque de proximitécomme les Caisses d’Epargne. Il se finance par des émissions sur les marchés obligataires,émissions qui lui apportent des ressources d’adossement de ses prêts. Le Crédit agricole estle troisième prêteur sur le marché. Sa présence sur le secteur est par ailleurs renforcée parl’intermédiaire de ses filiales, la Banque de Financement et de Trésorerie (BFT) et Calyon.

Retour de la concurrence (1994-1998) et début d’un cycle de désendettement descollectivités

La concurrence se renforce à partir du milieu des années 90, et ce pour plusieursraisons :

∙ la crise économique de 1993 réduit les besoins de financement des entreprises. Lesclients publics sont de nouveaux fortement recherchés ce qui conduit à une fortebaisse des marges ;

∙ l’entrée dans un cycle de désendettement et de stagnation du volume desinvestissements locaux durant huit années consécutives ;

∙ l’émergence des émissions obligataires de grandes et moyennes collectivités, à lafaveur d’une notation directe ou indirecte ;

∙ la baisse des taux qui favorise les réaménagements des dettes anciennes à taux fixe,mal protégées par des indemnités forfaitaires ;

∙ l’entrée de nouveaux intervenants sur le marché44, notamment des banqueseuropéennes suite à la fusion des marchés des pays de la zone euro.

La Société générale est une des banques de dépôts. Elle consent des efforts importants depénétration du secteur public local, en se positionnant notamment sur les grands comptes

Parmi les banques mutualistes, le Crédit mutuel continue d’affecter 50% des fonds deson Livret bleu à des emplois d’intérêt général auxquels figurent les collectivités. Il n’a pas

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

24 de Marqueissac Caroline - 2007

de démarche homogène sur l’ensemble du territoire, mais s’avère particulièrement présentdans certaines régions telles que Rhône-Alpes, Bretagne ou Alsace.

Le groupe BNP-Paribas intervient sur les grands comptes en financement de projetsou en prêt direct.

Les années 90 sont marquées par l’apparition de concurrents étrangers sur le marchéfrançais, avec parmi lesquelles la Caïxa de Catalunyia qui tente de s’imposer sur le marchédes produits revolving ; la Deutsche Girozentrale ou encore DePfa-Bank.

D’après Luc Croizé Pourcelet, Directeur en 2000 de la Deutsche GirozentraleInternational SA45, le marché des collectivités est brusquement passé d’un « marché captépar trois ou quatre banques françaises » à une situation proche du « délire (…) avec desdizaines de banques arrivées en masse ». Les banques allemandes ont pu proposer desmarges compétitives aux collectivités françaises, car le niveau des marges en Allemagneavait également diminué dans les décennies 70 et 80. Selon lui, l’impact de l’arrivée enmasse des banques étrangère a été double : une pression à la baisse des marges du fait dela forte concurrence, et l’apparition de produits nouveaux « les fameux prêts structurés ».

Les collectivités entrent à partir de 1996 dans une phase de huit années dedésendettement, c'est-à-dire qu’elles parviennent à amortir chaque année davantaged’encours qu’elles ne contractent de nouveaux emprunts46. Ainsi les communes voientleur capacité de désendettement (rapport entre l’encours de dette et l’épargne brute quimesure le nombre d’années nécessaires au remboursement de la dette en ne mobilisantque l’épargne), passer de 10 ans à 6,5 ans (elle est autour de deux ans pour les Conseilsgénéraux et régionaux), avec en parallèle une hausse des impôts ménages de 15%. Aprèsavoir emprunté 13 milliards d’euros en 1994, elles n’en empruntent que 11 en 1995 et 10,4en 199647.

Source : Rapport Bourdin 48

45 Gestion active de la dette : la rentabilité démontrée d’une technicité raisonnée, La Gazette n°1556, op.cit.46 Comment expliquer la baisse des marges bancaires ?, ASHER Sarah, La Lettre du cadre territorial, Fiche pratique financière

n° 89, mai 2007.47 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.15.48 BOURDIN Joël, LAIGNEL André, Les finances des collectivités locales en 2006, Observatoire des finances locales, La

Gazette, Cahier détaché n°2-38/1856, 9 octobre, p.259.

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

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Le secteur public comprenant régions, départements, communes et leurs groupements,améliore sa solvabilité. Cela se traduit par une diminution des besoins de financement etdonc du recours à l’emprunt. C’est « un coup dur pour les prêteurs, d’autant que dans lemême temps s’est développé le marché obligataire », conclut Sarah Asher, responsablede la gestion de la dette et de la trésorerie à la communauté urbaine de Lille49. Ainsi,le déséquilibre entre une demande plus rare et des acteurs plus nombreux accentue latendance vers la diminution des marges bancaires.

Les prêteurs s’étaient jusque là habitués à un marché « giboyeux »50 avec desperspectives de rentabilité croissante, la demande étant en constante progression. Dèslors, la seule perspective qui s’offre aux banques pour conserver leurs parts de marché,est d’améliorer les conditions financières et les rendre plus attractives pour les emprunteurspublics.

Le tableau ci-dessous51 indique l’évolution des marges sur une période de 6 à 8 ans.L’écart maximal entre une collectivité de catégorie A et une petite commune en 1991atteignait 0,75%, soit 75 points de base. En 1998, cet écart s’est considérablement réduitet n’est plus que de 0,24% (24 points de base).

Marges sur Euribor 1990-1991 1997-1998Collectivités A (régions, grands départements etcommunes)

0,25% 0,06% à 0,09%

Collectivités B (communes moyennes en bonne santé) 0,40% à 0,50% 0,15% à 0,20%Catégorie C (petites communes, villages) 0,80% à 1,00% 0,20% à 0,30%

Complexification et structuration de l’offre bancaire (1998-2007)49 Comment expliquer la baisse des marges bancaires ?, ASHER Sarah, op.cit.50 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.15.51 Ibid., p.16.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Les prêteurs réagissent en diversifiant leurs produits. Ils se tournent alors vers desmontages et stratégies plus complexes. Comme il a été évoqué précédemment, une banquequi prête à une collectivité publique et qui souhaite obtenir une rémunération de 10% deses fonds propres est contrainte de vendre son produit avec une marge minimale de 0,16%.Avec l’érosion progressive des marges, la souscription par une région d’un emprunt indexépar exemple à Euribor + une marge de 0,06% ne permet pas à la banque d’atteindre sesobjectifs de rémunération de ses fonds propres.

Les établissements de crédit innovent et se lancent sur la voie de la sophistication.Des nouveaux produits voient le jour, « toutes sortes de prêts génétiquement modifiés àla dénomination flatteuse : prisma, (…), tip-top, taux fixe bonifié, quanto (..) » 52constituantl’essentiel de l’offre bancaire aujourd’hui. Les banques, cherchant en effet à asseoir uneposition monopolistique, inventent des produits nouveaux afin de rendre les produitsdifficilement comparables les uns par rapport aux autres.

b) Produits d’appel et marges faciales « dérisoires » : une stratégiecommerciale offensive tournée vers la conquête de nouveaux encoursAlors qu’à la fin des années 90 certains professionnels estimaient que la situation tendaitvers une stabilisation des marges, leur érosion se poursuit au même rythme, tandis queles écarts entre collectivités de strates différentes s’amenuisent. Comment s’explique lapoursuite de la tendance ? Quelles sont aujourd’hui les marges affichées dans le cadre d’unappel d’offre ?

Une reprise de l’endettement début 2003De l’avis général, les marges atteignaient déjà des niveaux planchers en 1998. D’après

Paul Roussier, alors responsable du service collectivités locales et aménagement rural àla Caisse nationale du Crédit agricole, « les banquiers [évoquaient] plutôt une stabilisationdes niveaux actuels de marge que de nouvelles baisses substantielles »53. De même,Frédéric Guillemin, directeur adjoint d’EFI Conseil-Collectivités locales, considérait que« l’élargissement de la gamme des marges [allait] s’accentuer, et [que] les mauvaisessignatures [seraient] pénalisées par ce mouvement »54. En 2000, Luc Croizé Pourcelet,directeur de la Deutsche Girozentrale International SA conclut en des termes similaires, enajoutant cependant qu’il « n’en mettrait pas [sa] main au feu, car les choses peuvent évoluerde façon tellement contraires aux prévisions »55.

Une évolution contraire aux prévisions s’est donc produite et s’est traduite par lapoursuite de l’érosion des marges. Pour quelles raisons ?

L’endettement des collectivités repart à la hausse dès 2003, mettant un terme à uncycle de huit années de désendettement. La Loi du 13 août 2004 relative aux Libertés etResponsabilités locales organise de nouveaux transferts de compétences de l’Etat vers lescollectivités territoriales. Il s’agit de l’Acte II de la décentralisation. Les transferts concernentpour l’essentiel le développement économique, les transports, l’action sociale et l’éducation.

52 Ibid., p.17.53 L’impact de l’euro sur la gestion de la dette, La Gazette n° 1446, 23/03/1998.54 Idem.55 Gestion active de la dette : la rentabilité démontrée d’une technicité raisonnée, La Gazette n°1556, op.cit.

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

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Dans un tel contexte, l’investissement des collectivités territoriales change de nature.À l’effort d’équipements « neufs » consenti dans le courant des Lois Deferre s’ajoutedésormais des investissements dits de « renouvellement » d’infrastructures.

Le tableau ci-dessous schématise la nature descompétences transférées par type de collectivités.

Source : Fédération des Maires des Villes moyennes 56

De nouvelles contraintes pèsent donc sur les collectivités, notamment la nécessitéde renouveler le patrimoine public et de faire face aux transferts de compétences.L’investissement des administrations publiques locales (au sens de la formation brute decapital fixe, soit la réalisation, l’acquisition et l’entretien de bâtiments, d’infrastructures etd’équipements neufs), a représenté 40 milliards d’euros en 2005, soit près de 2,5% duproduit intérieur brut (PIB), 10% de l’investissement de l’économie française et 70% del’investissement public civil57. C’est la raison pour laquelle les collectivités françaises sontconsidérées comme les premiers investisseurs publics. Les plus gros investisseurs restentcependant les communes, qui représentent plus de la moitié des dépenses d’équipement(53%)58 en 2005.

56 Gestion de dette, Quelle stratégie adopter ?, Fédération des Maires des Villes moyennes, op.cit. , p.9.57 RICHARD Pierre, Solidarité et Performance, Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, La Gazette, Cahier

détaché n° 2-2/1868, 8 janvier 2007, p.246.58 RICHARD Pierre, Solidarité et Performance, Les enjeux de la maîtrise des dépenses publiques locales, op.cit., p.246.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Ainsi, la croissance soutenue des investissements communaux et intercommunaux(plus de 22 milliards d’euros), ne faiblit pas depuis 2002, mais connaît une forte croissance(+32%)59.

Les graphiques60 suivants montrent l’évolution de la part des emprunts dans lesressources des communes, départements et régions entre 2000 et 2005

59 Fédération des Maires des Villes moyennes, Gestion de dette, Quelle stratégie adopter ?, op.cit., p.11.60 Dexia Crédit Local - Les ressources des collectivités locales 2006-2007, op.cit., p.492, p.13.

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

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La part de l’emprunt dans les ressources communales est passée de 9 à 8% entre 2000et 2005, de 4 à 6% dans les ressources départementales, et de 5 à 10% dans les ressourcesrégionales. Le dynamisme de l’investissement local, porté par l’Acte II de la décentralisation,stimule la demande et le recours à un mode de financement externe de l’investissement,l’emprunt. Il en résulte un renforcement de la concurrence et une pression inéluctable surle niveau des marges.

Etat des lieux en 2006-2007 : des conditions financières excellentes voireexceptionnelles pour les collectivités

La reprise à la hausse du besoin de financement des investissements continue destimuler à la baisse les marges proposées aux collectivités dans le cadre de leur appeld’offre. « Mais si les banques étrangères ont joué un rôle déclencheur au milieu des années90, elles ne sont plus aujourd’hui les acteurs de la baisse des marges ni de l’innovation »,d’après Luc Croizé-Pourcelet61. La concurrence est redevenue franco-française, puisqueseuls trois établissements détiennent 80% de parts de marché à l’heure actuelle : Dexia,(40%), la Caisse d’Epargne (25%), le Crédit agricole (15%). Viennent ensuite la Sociétégénérale, le Crédit mutuel et la CDC, ainsi que quelques autres établissements, parmilesquels se trouvent DePfa Bank ou la BNP. Le marché s’apparente plus à un oligopole àl’intérieur duquel les trois ou quatre premières banques mènent une guerre des prix, afin deconserver leurs parts de marchés et capter de nouveaux encours.

L’Observatoire de la dette mis en place par la société de conseils Finance active, crééeen 2000, fournit des chiffres plus récents relatifs au niveau des marges actuelles. Aprèsavoir ramené les taux à un étalon unique, le taux actuariel, il est possible de comparer desoffres bancaires et des taux entre eux.

61 Gestion active de la dette : la rentabilité démontrée d’une technicité raisonnée, La Gazette n°1556, op.cit.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Finance active a donc constitué une base de données à partir des informationsrecueillies auprès de ses clients et notamment des propositions bancaires qu’ils reçoivent.Les tableaux ci-dessous rassemblent les meilleures offres obtenues par les collectivitésselon leur strate, sur les mois de juin et juillet. Finance active distingue les offres en tauxfixe, les offres en taux variable, et offres relatives aux lignes de trésorerie.

Le tableau fait la distinction entre le taux facial ou nominal et le taux actuariel. Le tauxactuariel est le taux d’un emprunt dont les intérêts sont payés annuellement, à terme échu.

Sur les deux derniers mois, 97% des marges obtenues sont inférieures à 0,02%, 2%sont inférieures à 0,05% et 1% inférieures à 0,08%62. Le 11 juin dernier, un département aobtenu une marge sur Euribor de 1,15 centimes. L’écart de marges entre des collectivitésde strates différentes s’est réduit à peau de chagrin, en témoigne le tableau des dernièresoffres en taux variable. Un département emprunte à Euribor + 0,0075% centimes et une villede plus de 3 500 habitants emprunte à Euribor + 0,04% centimes. L’écart n’est plus que de0,0325%, soit 3,25 points de base ou centimes !

62 http://www.financeactive.com

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

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Fin avril, le niveau des marges (sur Euribor pré-fixé) selon les types et les strates decollectivités était le suivant :

∙ Régions : de 0,005% à 0,015%∙ Départements : de 0,005% à 0,03%∙ Villes de plus de 100 000 habitants : de 0,005 à 0,04%∙ Villes de 50 à 100 000 habitants : de 0,0075 à 0,05%∙ Villes de 30 à 50 000 habitants : de 0,015% à 0,05%∙ Villes de 15 à 30 000 habitants : de 0,020% à 0,07%∙ Villes de 5 à15 000 habitants : de 0,025% à 0,09%∙ Communautés urbaines : de 0,015%à 0,04%∙ Communautés d’agglomération : de 0,015% à 0,05∙ Communautés de communes : de 0,025% à 0,07%.

Le tableau ci-dessous est la synthèse d’une campagne d’emprunt de 6 millions d’eurospassée par une commune de 10 000 habitants. Ce nouvel emprunt représente 28% del’encours futur (28% de 21 millions). La dette de la commune est composée avant l’appeld’offre de 80% de taux fixe fort, 12% de variable fort et 5% de variable faible63. La communeopte pour une formule en multi-index, c'est-à-dire qu’elle peut amortir plusieurs lignes denature, de durée et de profil différents Ces différentes « consolidations » peuvent êtredéclinées en différentes formules à taux fixe de courte et longue période et à taux variables.

Par ordre décroissant, les meilleures offres sont les suivantes : Dexia, Calyon, Caissed’Epargne.

Cette ville de 10 000 habitants obtient des marges extrêmement intéressantes,3 centimes sur de l’Euribor. La Caisse d’Epargne proposait des taux fixes très bienpositionnés, mais à la condition de prendre 4 millions d’euros en produits structurés.

De même, il n’est désormais plus rare de rencontrer des marges sur Euribor nulles,voire négatives, pour les très gros comptes qui procèdent à des appels d’offres deplusieurs dizaines de millions d’euros. Lors d’une mise en concurrence sur des produitsclassiques, les collectivités bénéficient d’une concurrence qui rend les marges extrêmementcompétitives. L’arbitrage du « moins disant » est aisé.

63 Terminologie utilisée par la Société de conseil en gestion de la dette Finance active, pour distinguer les emprunts indexés à destaux fixes ou variables classiques, de ceux qui comportent plusieurs phases d’intérêts, des clauses de désactivation ou des clausesde plafond.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Pour ce tableau consulter la version papier au Centre de DocumentationContemporaine de l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Néanmoins, les collectivités d’Outre Mer se voient appliquer une marge différente.En effet, elles sont souvent moins solvables que leurs homologues en métropole et lesétablissements financiers facturent une marge plus élevée. La fourchette s’établit entre +0,20 % pour les collectivités les plus solvables et + 0,40% pour les autres.

A la recherche de « la matière première de demain » où les encours d’aujourd’hui sontdes perspectives de réaménagements ultérieurs

Gardant à l’esprit la nécessité pour le banquier de dégager une rémunération de sesfonds propres de 10%, ce qui revient à appliquer une marge d’au moins 0,16% (sans prendreen compte les frais fixes) sur les collectivités, il semble évident qu’à de tels niveaux lesétablissements ne peuvent obtenir une rentabilité minimale de leurs fonds propres.

Les banquiers interrogés dans le cadre de ce mémoire en conviennent par ailleurs euxmêmes : seule une concurrence exacerbée les pousse à resserrer les marges à un niveaujusqu’alors jamais atteint. « Facialement les banques ne gagnent pas leur vie » reconnaîtl’un d’eux, tandis qu’un autre admet que « [qu’ils] vende(nt) à perte, en dessous du prixcoûtant ».

Les banques, dans leur discours aux responsables financiers, affirment atteindre desniveaux planchers au-delà desquels elles ne peuvent descendre. Une marge dérisoire faitmontre de leur volonté à vouloir travailler avec tel ou tel client, bien qu’elles soient, selonelles, perdantes dans l’opération. Le niveau des marges ressemble plus à un niveau defacturation dérisoire qu’à un niveau de rémunération.

Mais la banque est-elle vraiment perdante lorsqu’elle prête à une collectivité ? Qu’estce qui la pousse à proposer des produits à des prix qui ne leur permettent pas à premièrevue de dégager une rentabilité satisfaisante ?

De l’avis des personnes interrogées, les établissements bancaires souhaitent « acheterun encours, c'est-à-dire la matière première de demain ». En effet, la stratégie des banquesest tournée vers une rentabilité globale des encours. Elles acceptent de « [sacrifier] la margesur le produit. Ce qui n’est pas gagné aujourd’hui est gagné demain ».

Les produits proposés dans le cadre d’appel d’offre sont ni plus ni moins des produitsd’appel. Ils permettent aux banques de s’implanter, ou d’asseoir leur assise, au sein descollectivités avec lesquelles elles souhaitent tisser des relations susceptibles d’aboutir à desopérations leur permettant d’appliquer une nouvelle marge, d’autant plus importante que lapremière était ridicule.

Les responsables financiers en collectivités en sont d’ailleurs conscients. Un chargéd’études financières d’un Conseil général s’exprimait en ses termes à propos des margesexceptionnellement basses affichées pour des lignes de trésorerie, sur le forum dediscussion des responsables financiers et comptables des collectivités64 : « La seulemotivation qui pousse une banque à nous consentir ce niveau, c’est le pari qu’elle fait sursa capacité à structurer cet encours et à recréer de la marge à chaque renégociation ».« Le niveau des marges dépend fortement de l’espérance de gain que [la banque]pourrafaire sur vos emprunts long terme ». De même, le Directeur financier d’une ville de 40 000habitants reconnaît que « Les marges sont impossibles à tenir. Le produit seul ne permetpas à la banque de vivre. Celle-ci a une pure démarche de faire tourner les encours ».

64 http://www.territorial.fr

Partie I Les collectivités et l’emprunt : les facteurs de l’évolution à la baisse des marges bancaires

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Conclusion de la première Partie L’observation du niveau des marges appliquées aujourd’hui dans le cadre de financementde nouveaux investissements des collectivités semble donner raison aux banquiers, dontle discours laisse à penser qu’ils n’arrivent pas à dégager une rentabilité suffisante.L’effondrement des marges est donc de ce point de vue une réalité pour les acteurs publicslocaux, de la même façon que les centres hospitaliers et les organismes de logement social.Les conditions financières obtenues sont excellentes, voire exceptionnelles grâce à uneforte concurrence, à l’exception des collectivités d’Outre Mer. Le marché, oligopolistique, serépartit entre quatre ou cinq établissements. Il est aisé pour une collectivité d’arbitrer entredes offres dites « classiques » selon le principe du « moins disant ».

Néanmoins, de l’avis des banques elles-mêmes, la stratégie commerciale estdésormais tournée vers le travail des encours « captés » suite à des appels d’offres, ce dontsont conscients les responsables financiers en collectivités.

Au regard des bénéfices réalisés par les établissements bancaires ces dernièresannées, et la rentabilité affichée des fonds propres, il est plus que probable que les banquesparviennent à restaurer largement leurs marges auprès de leurs clients.

Si l’on peut conclure avec certitude que l’effondrement des marges bancaires estune réalité au sein du secteur public local, et que les collectivités peuvent, dans unecertaine mesure, sortir gagnantes aujourd’hui de cette course à la baisse engendrée parune concurrence accrue, quelles sont les conséquences de la stratégie des banques quicherchent à regagner à tout prix une rentabilité perdue ?

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Partie II A la recherche d’une rentabilitéperdue : Remise en cause de l’érosiondes marges par une stratégie deréamagement d’encours

De l’avis même d’un banquier, « les banques cassent les marges dans l’espoir detransformer ces crédits en produits plus élaborés ». La stratégie de réaménagement desencours n’est plus un secret pour personne. La concurrence sur le secteur local étant forte etles marchés financiers bénéficiant d’importantes liquidités, l’évolution du niveau des margessemble plus proche de l’effondrement que d’une simple diminution. Alors que les chargésd’affaire et commerciaux prétendent que les banques ne gagnent plus rien ou très peulors d’opérations de nouveau financement, les résultats financiers d’une année à l’autresemblent indiquer le contraire. « Un coup de fouet à la rentabilité bancaire est discrètementreconnu dans les rapports annuels des établissements financiers (…), et qui, pour conforterle cours du titre en Bourse, mettent en relief l’apport conséquent des filiales spécialisées eningénierie financière, à la rentabilité du groupe et donc à la progression du dividende »65.

Le métier de banquier a changé de nature. De prêteur classique, il est devenuréaménageur, c'est-à-dire qu’il développe une stratégie de travail des stocks destinée àrestaurer, par la vente de produits plus complexes, des marges perdues lors d’un nouveaufinancement (1). Après l’étude de deux propositions de réaménagement, il conviendrad’analyser les conséquences des stratégies de travail des encours sur les relations entre lesbanques et les collectivités. Tout en remettant en cause le phénomène d’érosion des margesbancaires, ces stratégies semblent conduire à l’érosion de la confiance des collectivités enleurs prêteurs (2).

1. Du prêteur au réaménageur : de l’apport de fluxnouveaux à la gestion de stocks

Le niveau des marges pratiqué aujourd’hui auprès des emprunteurs publics laisse supposerque la rentabilité minimale des fonds propres, Return on Equity (ROE), n’est pas assurée,puisque pour obtenir une rentabilité minimale de 10% des fonds propres, la marge doit êtrede 0,16%. Les marges faciales étant bien en deçà de ce seuil, il est légitime de s’interrogersur les moyens par lesquels certaines banques affichent un ROE aussi élevé. Ainsi, aupremier trimestre 2007, Dexia publie de bons résultats, notamment une rentabilité des fondspropres de 25,8%66sur son activité « Services financiers au Secteur public ». Cela signifie en

65 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.619.66 http://www.dexia-clf.fr

Partie II A la recherche d’une rentabilité perdue : Remise en cause de l’érosion des marges parune stratégie de réamagement d’encours

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d’autres termes qu’elle aurait réussi à facturer une marge au moins deux fois plus importanteque la marge minimale de 0,16%.

De même, la rentabilité des fonds propres de la Société générale et de la Caissed’Epargne est respectivement de 21%67 sur son réseau France pour la première et 13%pour la seconde68.

Après avoir décrit la stratégie commerciale des prêteurs tournée vers leréaménagement des encours, avec des produits structurés dont la marge est masquée parleur complexité (A), deux exemples de réaménagement seront analysés pour illustrer cespropos (B).

A- Une stratégie de travail régulier des encours à l’initiative du prêteurDans le cadre d’une campagne d’emprunt menée par une collectivité, la banque répond àune sollicitation du client. Elle est par conséquent systématiquement soumise à une miseen concurrence. Dans le cadre d’une proposition de réaménagement, la relation de banqueà collectivité n’est plus la même : le travail des encours relève le plus souvent de l’initiativedu seul prêteur (a) qui propose alors des produits dont la complexité dissimule la marge, etsur lesquels la concurrence n’est pas exercée (b).

a) Un rythme de réaménagement de plus en plus soutenu« Les banques appellent tous les six mois pour nous faire part de propositions [deréaménagement] spontanées » raconte un directeur financier. Il ne se passe en effetplus un trimestre sans qu’un responsable en collectivité ne reçoive des propositions derenégociation ou de réaménagement d’un ou de plusieurs emprunts de son encours.L’établissement prêteur cherche à instaurer une relation en face à face avec l’emprunteurpublic, exempte de toute mise en concurrence qui le pousserait à s’aligner sur lemoins-disant. C’est la raison pour laquelle il privilégie des produits récents, difficilementcomparables, afin de conserver une position monopolistique.

Cette stratégie répond à trois objectifs : 69

Sécuriser son encoursUn emprunt indexé sur Euribor peut être remboursé à chaque échéance et sans pénalité

par la collectivité. Celle-ci peut, par conséquent, se défaire d’un emprunt dont la margeest élevée. Pour le banquier, ce prêt est « fragile » car il ne touche pas d’indemniténi de commission de rompu. Il va donc chercher à vendre des produits structurés pourlesquels les conditions de remboursement anticipé sont contraignantes et pénalisantes pourla collectivité.

∙ Accroître sa rentabilité par le biais de produits dont la marge est peu lisible.∙ Rallonger l’encours.

La collectivité réalise des gains budgétaires alors que le rallongement s’avèrefinancièrement plus coûteux à terme.

67 http://www.socgen.com68 http://www.groupe.caisse-epargne.com69 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.18.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Certains affirment que les commerciaux se voient fixer des objectifs deréaménagements : « ainsi cet établissement qui assigne à chaque commercial leréaménagement de 15% de son encours chaque année, ce qui signifie qu’en moyennel’encours de dette de l’établissement doit être complètement réaménagé tous les sixans ! »70. Un banquier interrogé nie cependant suivre un rythme de renégociation déterminé.Selon lui, « il n’y a pas de règle en la matière, tout dépend des marchés », c'est-à-diredes opportunités dont le client pourrait bénéficier. Il s’agirait d’une démarche de gestion« active » de la dette.

De l’avis de quatre des cinq personnes interrogées, tant banquiers que collectivités, laprésentation des offres bancaires est de plus en plus soignée. Cela s’explique par le nombrecroissant de produits nouveaux et complexes, dont l’argumentaire est nécessairement plusdéveloppé que sur un produit classique. Les offres sont illustrées par des graphiqueset commentaires par souci de « transparence et de compréhension », car ces produitsreposent sur de « l’ingénierie financière ».

La relation entre les banques et les collectivités est donc principalement pilotée par labanque, le réaménagement de gré à gré se fait par défaut sans appel d’offre.

D’après les données de l’Observatoire de la dette de Finance active au 1er janvier2007, Dexia a émis 52% des propositions de réaménagement, la Caisse d’Epargne 19%, leCrédit agricole 13% et la Société générale 10%. En 2006, le montant des réaménagementseffectivement réalisés s’est élevé à 4 milliards d’euros, dont 82% concernaient des empruntsDexia. Dexia, premier prêteur des collectivités, apparaît également comme la banque laplus « réaménageuse », ou du moins celle qui réussit le mieux ces opérations d’après lesdonnées du panel de Finance active.

b) Des produits complexes dissimulant une marge très éloignée de celle desproduits « classiques »Les produits structurés sont apparus dans un contexte fortement concurrentiel. Ils ontdeux finalités, l’une de répondre au besoin de diversification des banques et l’autre ded’assurer une rentabilité importante. Quels sont les différents types de produits structuréset leur mécanisme ? Les produits ont été classés selon un ratio risque /bonification, qui estproportionnellement lié à la marge du produit en question71. Plus un produit comprend deparamètres et plus la marge assortie est élevée.

D’un point de vue juridique, les produits structurés sont régis par la réglementationrelative aux emprunts classiques et non à celle relative aux opérations de couverture72.Un produit dit « structuré » est issu d’un croisement entre un produit classique et un ouplusieurs instruments de couverture (options ou swap).C’est un emprunt à moyen ou longterme construit sur des opportunités offertes par les marchés financiers. Il permet auxcollectivités de bénéficier d’un taux meilleur que les conditions du marché, ou taux bonifié.En contrepartie, la collectivité accepte de prendre un risque. Normalement, plus le risqueest important, meilleure est la bonification en retour. Si ce nouveau taux comporte plusde risques que l’indexation du moment, alors l’opération est spéculative. La bonificationest obtenue par la vente d’options de taux ou de change. La collectivité connaît songain maximal, mais pas sa perte potentielle en cas d’évolution défavorable des marchés

70 Idem.71 Fin’actu n° 96, Cartographie des produits structurés : ratio risque/bonification, 24 juillet 2006.

72 Du bon usage des produits structurés, GUYON Laurent, Fiche pratique financière n° 45, janvier 2003.

Partie II A la recherche d’une rentabilité perdue : Remise en cause de l’érosion des marges parune stratégie de réamagement d’encours

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financiers. Elle prend le risque de voir ses taux déraper. La stratégie est ici spéculative carelle accroît l’incertitude de l’emprunteur. A l’inverse, une opération dite de couverture leprotège contre un dérapage du taux payé, grâce à une opération de swap, c'est-à-dire d’unéchange d’indexation, ou l’achat d’un cap qui permet de plafonner le taux payé73.

Les taux fixes désactivantsIl s’agit de l’un des produits structurés les plus répandus. Il est fréquent de le rencontrer

dans les réponses des banques à un appel d’offre. La collectivité dispose d’un taux fixebonifié et accepte que ce taux fixe devienne un taux indexé sur Euribor si celui-ci dépasseun certain seuil (5,50% ou 6,00% par exemple). Par exemple, la collectivité est vendeused’un cap à barrière activante à 5,50%. Au-delà du seuil, elle n’est plus protégée à la haussedes taux. Ainsi, lorsque l’Euribor est inférieur à 5,50%, elle paye un taux fixe inférieur auxconditions du marché (il est bonifié par la vente du cap), mais si l’Euribor dépasse la barrière,la collectivité paye Euribor plus une marge. Ce produit comprend donc un effet de seuil.Dans le commerce, la fourchette des prix de ce produit est comprise entre 15 et 30 pointsde base. 15 points de base pour les gros emprunteurs et jusqu’à 30 points de base pourles emprunteurs les moins solvables. Ce prix varie ensuite selon que le produit soit proposéen solution pour un nouveau financement ou dans le cadre d’un réaménagement, auquelcas il est plus élevé.

Un nouveau produit Dexia a vu le jour, il s’agit du Fixia, qui présente plusieursdifférences avec le taux fixe désactivant classique : le levier dans la formule du taux dégradéet la continuité du taux payeur dégradé (il n’y a pas d’effet de seuil).

Le montage du produit est le suivant : 3,50% si l’Euribor 12 mois post –fixé < 6%,Sinon 3,50% + 5 x (Euribor 12 mois post fixé – 6%).Le coefficient multiplicateur augmente la sensibilité au risque. En cas de dérapage des

taux, le taux payé devient rapidement insupportable. Si Euribor 12M est égal à 6,25%, letaux payé est de 4,75%, alors que le taux fixe aux conditions de marché initiales était de4,40%.

Enfin, il existe des taux fixes à barrière unique ou progressive, désactivante sur unindex international. C’est le cas du produit Bonifix USD de la Caisse d’Epargne. Sur 30 ans,la collectivité paye par exemple :

73 Fin’actu n° 121, Opération de couverture, opération spéculative, 29 janvier 2007.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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∙ pendant 10 ans : 3,90% si Libor $ < 6,25% sinon Libor $∙ pendant 20 ans : 4,00% si Libor $ < 6,50% sinon Libor $

Ce produit comprend un risque supplémentaire de décorrélation : le taux fixe dépend eneffet de l’évolution du taux interbancaire américain. Or le Libor $ est un index beaucoup plusvolatil que l’Euribor, c'est-à-dire qu’il est susceptible d’atteindre des niveaux plus élevés etdes niveaux plus bas que l’Euribor. La volatilité est un autre élément que la banque prenden compte pour déterminer sa marge.

Produits InflationIls reposent sur un risque macro économique. Il en existe de plusieurs catégories.

∙ Le produit IPCH (Indice des Prix à la Consommation Hors tabac) + une constante.

Si l’on pense que l’inflation restera modérée, ce produit est préférable à un taux fixe. Demême, si l’on anticipe une hausse de l’écart entre l’Euribor et l’inflation, alors il est préférableau taux variable. La fourchette des prix de ce type de produit est comprise entre 10 et 30points de base.

∙ Un produit reposant sur un différentiel d’inflation

Une première phase à taux fixe bonifié et une seconde phase égale à 5,15% - 5 x (IPCHZone Euro – IPCH France). Il est très difficile de faire apparaître une marge sur ce type deproduit, y compris pour les spécialistes de la gestion de dette.

Produits de penteLa pente est l’écart (spread) entre les taux longs et les taux courts, calculée sur la

courbe des taux interbancaires, la courbe des swaps (CMS ou Constant Maturity Swap), etnon la courbe des taux de l’Etat. La proposition type est la suivante :

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∙ Taux fixe bonifié si la pente CMS long – CMS court > 0,60%∙ Taux fixe dégradé = taux dégradé – 5 x (CMS long – CMS court).

Si à l’origine l’indicateur le plus souvent observé était le CMS 10 ans – le CMS 2 ans, lesbanques proposent aujourd’hui « des CMS longs plus longs et des CMS courts plus courts »74 . Pourquoi écarter les spreads ? Parce que la volatilité augmente avec l’écart. Dans uncontexte de courbe des taux « plate », le risque est d’assister à une inversion des courbes,c'est-à-dire que les taux longs soient inférieurs aux taux courts. La formule variable du tauxdégradé serait d’autant plus pénalisante pour un emprunteur avec un écart négatif.

Par ailleurs, la Caisse d’Epargne commercialise depuis peu un nouveau produitreposant sur l’écart entre les taux longs anglais et les taux courts japonais. Il s’agitde l’Overseas qui apporte un risque supplémentaire de décorrélation, car les zoneséconomiques ne sont pas les mêmes.

Les marges sur les produits de pente sont de l’ordre de 50 à 90 points de base, maisil n’est pas rare de rencontrer une marge de 200 points de base (soit 2% !) dans despropositions de réaménagement.

Produits de change

∙ Les plus courants sont le Dual (Dexia), ou l’Helvetix (Caisse d’Epargne).

La formule est la suivante : 2,90% si EUR/CHF ≥ 1,44,Sinon 2,90% + [50% (1,44-EUR/CHF)/EUR/CHF].Le marché des changes étant très volatil, le ratio risque / bonification est le plus fort du

marché actuellement. Le risque de fixing est important et l’emprunteur s’expose à un risquede décorrélation entre l’évolution des produits de taux classiques et une telle indexation.Par ailleurs, ce type de produit est proposé sur une durée très longue, alors que 90% desoptions vendues en salles de marché le sont pour des durées inférieures à deux ans.

Ce produit est situé le plus haut dans la hiérarchie des produits structurés. Les margesappliquées sur un tel montage oscillent facilement entre 70 et 120 points de base.

∙ De plus, des produits peuvent être également indexés sur un cours de change entredeux devises, par exemple Libor $ / CHF.

Ce bref tour d’horizon a permis de distinguer les familles de produits structurés les plussusceptibles d’être proposés à des emprunteurs publics lors d’un réaménagement. Plusles produits comprennent des paramètres tels que effet de seuil, coefficient multiplicateur,volatilité du sous-jacent (sur le change), ou risque de décorrélation, et plus ils sont coûteuxpour les collectivités et lucratifs pour les prêteurs. Il faut noter que les marges ne sont pas lesmêmes si le produit est proposé pour un nouveau financement ou pour un réaménagement.Enfin, les marges appliquées aux collectivités d’Outre Mer sont supérieures à celles descollectivités de métropole, pour les raisons évoquées précédemment.

Des calculs plus approfondis sont nécessaires pour faire apparaître la marge de labanque. Même les cabinets de conseil en gestion de la dette ont parfois du mal à en extrairele prix, ou à les coter, dans le jargon financier. Si eux ne sont pas en mesure de faireressortir la marge, malgré les outils dont ils disposent, comment un responsable financieren collectivité le pourrait-il ? De tels produits aux marges incalculables sont dangereux, carla banque fait ce qu’elle veut.

74 Fin’actu n° 86, Le choix du spread de CMS, 15 mai 2006.

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Si tous les produits décrits ci-dessus n’existaient pas il y a seulement quelques années,on peut constater une relative diminution des marges pour certains d’entre eux. Les margesfrôlaient allégrement 80 à 100 points de base il n’y a pas cinq ans, alors qu’aujourd’hui ellessont plus proches des 20 ou 80 points de base, pour les plus « classiques » d’entre eux.

B. Etude de deux propositions de réaménagement : où lescollectivités paient le prix de l’effondrement des marges

Le principe des réaménagements est souvent le même : la banque, prétextant mener unegestion dite « active » de la dette, propose de regrouper plusieurs lignes d’emprunts dontle réaménagement semble opportun, avec d’autres lignes dont les durées résiduelles ouconditions de taux n’imposent pas de réaménager.

Deux propositions de réaménagement initiées par Dexia et la Caisse d’Epargne vontêtre analysées, du point de vue de leur pertinence en termes de stratégie et en termesde coût financier. Les banques promeuvent des produits structurés, par le biais desréaménagements, car leur complexité permet de masquer la marge. Elles facturent ainsides marges sur lesquelles la concurrence n’est pas exercée et restaurent leur rentabilitéglobale.

a) Proposition de Dexia pour une commune de plus de 20 000 habitantsCette proposition de réaménagement a été spontanément envoyée par Dexia à unecommune de plus de 20 000 habitants, dont la dette globale s’élève à 82 millions d’euros.L’encours se répartit de la façon suivante :

∙ 41% de la dette est en taux fixe classique, c'est-à-dire en taux fixe sur toute la duréede l’emprunt ;

∙ 24% est en taux fixe faible, c'est-à-dire que les emprunts comportent soit plusieursphases d’intérêt, soit des clauses de désactivation. Ces taux fixes sont réputés« faibles » car ils sont exposés aux variations des marchés financiers ;

∙ 27% en taux variable fort, c'est-à-dire que les emprunts sont en taux variableclassique sur toute leur durée. Par définition, ils sont directement exposés auxvariations des marchés financiers ;

∙ 8% en taux variable faible, c'est-à-dire que les emprunts comprennent plusieursphases d’intérêt ou bien bénéficient de clauses de plafond (cap ou tunnel).

Dexia se propose de réaménager 5 emprunts en taux fixe classique et un emprunt en tauxfixe désactivant (4,98% si Euribor 6 mois < 6%), détaillés ci-dessous.

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Le taux moyen, c'est-à-dire le taux moyen global de ces 6 emprunts pondéré par lecapital restant dû (CRD) est de 5,31%, soit nettement supérieur aux conditions de marché.La pénalité en cas de remboursement anticipé est une pénalité actuarielle de type OAT dedurée de vie moyenne, c'est-à-dire que le taux de réemploi est le taux de l’OAT qui a lamême durée de vie moyenne que l’emprunt. Sauf courbe des taux inversée, la collectivitésera toujours perdante avec cette pénalité.

Le montant total des emprunts susceptibles d’être réaménagés est de 14 385 628 €,soit 17% de l’encours de la commune.

Le produit proposé par Dexia est le suivant :

∙ Phase 1 : 1 an à 4,84%∙ Phase 2 : 15 ans à 4,84% si le CMS 30 – CMS 1 ≥ 0,20%∙ Sinon 7,38% - 5 x (CMS 30 – CMS 1)

Evaluation des emprunts susceptibles d’être quittés : le surcoût actuelLes calculs ont été effectués selon les conditions de marché du 5 juillet 2007. La

méthode consiste à calculer les taux fixes auxquels la collectivité pourrait se financeraujourd’hui et de faire la différence entre le taux actuel de chaque emprunt et le taux dumarché. On dégage ainsi la marge en centimes d’euros que l’on multiplie avec la valeurdu point de base. Le point de base est une unité de compte liée au profil d’un emprunt. Ilpermet de mesurer l’impact en numéraire d’une variation de 0,01% du taux payé.

La banque a précisé que les « indemnités compensatrices sont ramenées à 0,00€». Lasituation avant réaménagement présente donc des surcoûts certains, environ 602 717,16€ :les emprunts actuels sont globalement plus chers que les conditions auxquelles la communepourrait aujourd’hui emprunter.

Evaluation du produit de pente : calcul du surcoût futurLe produit de pente doit également faire l’objet d’une évaluation. Il comprend deux

phases, l’une de 1 an et l’autre de 15 ans. La démarche est la même que précédemment.On calcule la marge en centimes du taux fixe à 4,84% que l’on multiplie par la valeur

du point de base d’un emprunt d’une durée de 16 ans avec une première phase de 1 an.Puis on calcule la marge sur Euribor d’un emprunt en taux fixe avec un coefficient (5) sur unspread de CMS (CMS30-CMS1), départ le 01/08/2008, sur une durée de 15 ans. La margeobtenue est multipliée par la valeur du point de base de la seconde phase.

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Le surcoût du nouveau financement est de 3 058 669 €, et la marge sur le produitéquivaut à Euribor + 300 points de base, soit Euribor + 3% !

Bilan de la proposition de réaménagement de Dexia

La pertinence du réaménagement est en partie déterminée par son bilan financier75.En effet, un réaménagement s’analyse comme l’échange d’un surcoût actuel, celui des

emprunts que la banque se propose de réaménager, pour un nouveau surcoût induit par leproduit proposé par la banque.

Le bilan financier de l’opération est le suivant :Gain/perte de réaménagement =surcoût actuel – pénalité (ramenée à 0€)-surcoût futur.= 602 717- 3 058 669= -2 455 952€Ramené à une marge sur Euribor, le montage proposé équivaut à Euribor + 341

centimes (= 3 058 669,82- 602 717,16) / 7 185,58), soit Euribor + 3,41% !Le bilan financier est ici clairement défavorable à la commune, le nouveau montage

présentant un surcoût supérieur à celui de ses emprunts actuels. La nouvelle margeappliquée par la banque est excessivement élevée, Euribor + 3,41%, alors que les empruntsactuels sont margés en moyenne à Euribor + 0,84% ! La ville pourrait aujourd’hui se financerentre 0,02% et 0,007%. Nous sommes loin ici des niveaux de marge sur les produitsclassiques.

Par ailleurs, le réaménagement n’est pas pertinent en termes de stratégie et ce pourdeux raisons :

∙ Un allongement de l’encours

3 des 6 emprunts concernés ont une durée de vie résiduelle inférieure à 8 ans (4, 5 et7 ans), tandis que celle des 3 autres est comprise entre 12 et 15 ans. Dexia cherche àrallonger l’encours en fixant à 16 ans la durée du réaménagement. Elle préserve ainsi des« stocks » au sein de la commune et les reconstitue sans passer par l’étape d’une miseen concurrence.

∙ Une exposition accrue au risque de taux

La part de taux fixe classique, c'est-à-dire la part de l’encours non soumise à la variation desmarchés financiers, passerait de 41% à 34% tandis que la part de taux fixe faible attendrait30% au lieu des 24% initiaux. L’exposition au risque de taux serait donc accrue, 17% del’encours de la ville reposant sur un produit de pente, dont le spread CMS 30-CMS 1 esttrès volatil.

La courbe des taux observant par ailleurs une configuration dite « plate », le risqued’inversion des courbes existe bel et bien. Auquel cas, le taux dégradé deviendraitrapidement insupportable pour la commune avec un écart négatif.

75 Réaménagements : les pièges à éviter, de PINHO Sandra, DERVAL Vincent, Fiche pratique financière n°59, mai 2004.

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Source : Finance active

La proposition de Dexia n’est donc pertinente ni sur le plan stratégique, ni sur leplan financier. Dans cet exemple, Dexia n’a d’intérêt que celui d’appliquer une nouvellefacturation sur des produits dont la complexité rend la marge difficilement lisible (+ 3,41%).Ce prix masqué est très éloigné de celui des produits plus classiques.

b) Proposition de la Caisse d’Epargne pour une communauté urbaineLa Caisse d’Epargne est également très active en matière de propositions deréaménagement. Celui dont il est question ici concerne une communauté urbaine de plusd’un million d’habitants, dont l’encours atteint 877 millions d’euros.

L’encours se répartit de la façon suivante :

∙ 40 % des emprunts sont des taux fixes classiques ;∙ 17 % sont classés parmi les taux fixes faibles ;∙ 40 % des emprunts sont indexés sur des taux variables classiques ;∙ 4 % sont classés parmi les taux variables faibles.

Evaluation des emprunts susceptibles d’être quittésLa Caisse d’Epargne se propose de réaménager plus de 54 millions d’euros, répartis

en 9 emprunts. Elle présente 2 stratégies de réaménagement, dont l’une sur les 8 premiersemprunts (16 570 091,29) et l’autre sur le dernier représentant 38 220 924,52€.

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Les marges sur Euribor des emprunts à taux variable sont nettement plus élevées quecelles auxquelles pourrait prétendre la communauté urbaine dans le cadre d’un nouveaufinancement, entre Euribor + 0,00% et Euribor + 0,02%. Ils génèrent par conséquent dessurcoûts liés au niveau de la marge bancaire appliquée.

Ainsi, l’emprunt indexé sur l’Euribor 12 mois génère un surcoût de 461 345,69€.Les 8 autres emprunts que la Caisse d’Epargne souhaite compacter et ramener en une

seule ligne, ne sont pas sources de surcoût pour la collectivité, au contraire : -15 791,97€.Les emprunts à Euribor + 0,15% et Euribor + 0,35% ont des montants négligeables dans leréaménagement global (moins de 300 000 €). Les trois autres taux fixes sont effectivementélevés (entre 25 et 124 points de base ou centimes), mais leur montant est égalementnégligeable (moins de 250 000 €). Le surcoût induit par ces emprunts est dérisoire : moinsle capital restant dû d’un emprunt est élevé, moins la valeur du point de base est importante.En revanche, deux des emprunts à taux fixe présentent un excellent niveau de taux, à 3,91%, soit un taux nettement inférieur aux conditions de marché du 3 mai 2007 (Euribor –0,52%).Ces deux taux fixes contrebalancent le surcoût engendré par les autres emprunts.

Evaluation des produits proposésDans le cadre de ce que la Caisse d’Epargne appelle une « Gestion dynamique de la

dette », ou G2D, la banque propose de réaménager les 9 emprunts en produits structurés.

∙ Une stratégie Overseas sur un montant de 16 570 091,29 €

Ce produit se décompose de la façon suivante :Phase 1 : 3 ans à 3,00%Phase 2 : 11 ans et 7 mois à12,32% - 10 x (GBP 10 ans post – Libor Yen 3mois post -

3,50%), flooré à 3,00% et capé à 11%, c'est-à-dire que le taux payé ne peut excéder 11,00%.La stratégie est ici fortement spéculative car l’emprunteur joue sur un écart entre les

taux longs anglais et les taux courts japonais. Le montage est indexé sur des taux étrangerspour une durée plutôt longue. L’emprunteur s’expose à un risque de décorrélation entrel’évolution des produits de taux « classiques » et une telle indexation. Les taux payés sontsusceptibles de déraper fortement : dès lors, comment expliquer le surcoût d’une stratégiefondée sur des courbes de taux anglaise et japonaise alors que les taux payés dans lecas de produits classiques seraient inférieurs ? Les taux payeurs potentiels sont élevés etrelativement probables.

Ce produit empêche toute lisibilité budgétaire, ce qui rend la prévision des fraisfinanciers aléatoire. Le produit est certes proposé sur 2% de l’encours global, mais la

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situation financière de la communauté urbaine ne justifie pas la recherche d’une bonificationsur 3 ans associée à une forte exposition au risque d’un taux dégradé sur 11 ans. La margesur ce produit est très difficilement calculable, mais appartenant à la famille des produitsde pente, il est plus que probable que la marge soit supérieure à 0,80%. Auquel cas, sila collectivité optait pour cette stratégie, elle paierait une nouvelle marge d’au moins 80centimes, alors que la marge regroupée des 8 emprunts est de -3 centimes, c'est-à-direinférieure aux conditions de marché du 3 mai !

∙ Une stratégie Helvetix 3 sur un montant de 38 220 924,52 €

Le montage proposé est le suivant :Phase 1 :5 ans à 2,75%Phase 2 :17 ans à 2,75% si EUR/CHF ≥ 1,44Sinon 2,75% + 30 % [(1,44-EUR/CHF)/EUR/CHF]Le ratio risque / bonification est fort du fait de la grande volatilité du marché des

changes.En général, c’est une indexation de dernier ressort sur des opérations de

réaménagement et sur des lignes fortement perdantes76. Les emprunts visés par la banquesont loin d’appartenir à cette catégorie. L’Helvetix de la Caisse d’Epargne ne s’avère paspertinent puisque le réaménagement des emprunts ne se justifie en aucun cas. Sa marges’établit probablement entre 70 à 120 points de base et sans doute au-delà.

76 Fin’actu n° 118, Les indexations conditionnées au change EUR/CHF », 8 janvier 2007.

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Bilan de la proposition de réaménagement de la Caisse d’EpargneLe réaménagement des 9 emprunts visés par la banque n’est en aucun cas opportun.

De ce fait, il n’est pas nécessaire de procéder au calcul du surcoût d’une telle opération,surcoût auquel s’ajoute la commission de 0,10% du montant réaménagé. Si certainsemprunts présentent des niveaux de marges bancaires et de taux fixes élevés, leur montantest négligeable dans la dette de la communauté urbaine. L’impact des frais financiers surun montant de 530 000euros est infime dans un encours de 877 millions d’euros.

La communauté urbaine n’a aucun intérêt à se positionner sur des produits structuréspour gagner une bonification qui n’est pas souhaitée, ses taux fixes de 3,91% étantparticulièrement avantageux. Elle peut laisser les trois autres taux fixes mourir de leur bellemort.

Quant aux emprunts à taux variable (Euribor + 0,08%, + 0,13%, 0,15%) dont le capitalrestant dû est important (48 millions d’euros), il ne pourra que lui être conseillé de chercherà négocier avec la Caisse d’Epargne afin de l’amener à réduire ses marges, car ils seremboursent sans pénalité à la prochaine échéance. En cas d’échec de la renégociation, illui sera toujours possible de procéder à un remboursement anticipé sans payer de pénalité.

La seule raison qui pousse la banque à proposer un réaménagement absolumentinopportun est l’espoir d’appliquer une marge faramineuse sur un produit de pente et surun produit de change. Cette marge est dissimulée par la complexité des produits que lescollectivités ont du mal à appréhender.

Si les marges bancaires affichées dans le cadre d’appels d’offres avec mise enconcurrence se sont effectivement effondrées, la contrepartie de cet effondrement estl’application de marges excessivement élevées lors de réaménagement d’encours. Onmesure désormais la raison pour laquelle les banques prennent tant à cœur leur activité deréaménagement, source de rentabilité aujourd’hui essentielle. « Le marché des empruntscommence à ressembler », d’après Michel Klopfer77, « à celui de l’automobile : on fait dudumping sur la première “monte”, et on se rattrape sur la “rechange” ».

2. Les conséquences : érosion des marges ou érosionde la confiance des collectivités ?

L’un des arguments du commercial pour vendre un produit est que l’établissement bancaireest perdant sur l’opération et qu’il a du mal à gagner sa vie. Les réaménagements sont doncessentiels pour restaurer la rentabilité globale des créanciers. Néanmoins, il existe d’autressources de rentabilité et de modes de financement qui expliquent les raisons pour lesquellesles marges diffèrent d’une banque à l’autre (1).

Au phénomène reconnu, mais désormais nuancé, d’érosion des marges, se greffe celuide l’érosion progressive de la confiance des collectivités en leurs prêteurs. Les stratégiesde travail des encours suscitent une défiance croissante des emprunteurs (2).

A. Diversité des sources de rentabilité des établissements bancaires

77 Il faut provisionner les bombes à retardement sur la dette, KLOPFER Michel, La Gazette n°1881, 09/04/2007.

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Les commerciaux affirment souvent que leur établissement est perdant sur les opérationsde financement, tant le niveau des marges est dérisoire. Ils affirment atteindre des niveauxplanchers, alors qu’en réalité ils continuent à s’aligner sur les prix les plus bas. Si ledéveloppement de services annexes apporte aux banques d’autres sources de revenus (a),certains établissements ont une fâcheuse tendance à glisser dans leurs propositions descommissions et des clauses particulièrement pénalisantes pour les emprunteurs (b).

a) Diversité des modes de financement et développement de servicesannexesDes modes de financement permettant à certaines banques de proposer de meilleuresmarges

Les modes de financement des banques sont aussi variés que complexes.Certaines banques lèvent directement de la ressource sur les marchés financiers, en

empruntant auprès de leur banque centrale ou à d’autres établissements. Les très fortesliquidités de ces dernières années, liées notamment à la hausse du prix du pétrole, ontentraîné une diminution du prix de l’argent. Les pays producteurs de pétrole ont en effetgénéré d’importants excédents qu’ils ont ensuite cherché à replacer.

Lorsque les banques prêtent à des collectivités en Euribor, elles se refinancentégalement au terme de l’échéance de l’index (tous les 3 mois s’il s’agit de l’Euribor 3mois). D’après Eric Versini, directeur régional de Dexia Crédit local, Dexia est noté « tripleA », ce qui est synonyme de la meilleure signature financière sur les marchés. La banquepourrait par conséquent se financer à de meilleures conditions que ses concurrents. Cetavis serait néanmoins à nuancer. En avril 2007, l’agence de notation Moody’s a revu à labaisse la notation de Dexia, notée Aa1 au lieu de Aaa78. Sa note est la même que celle dela Société générale en 200679. Le Crédit agricole, quant à lui est noté Aa280. La fourchettedes notes chez l’agence de notation Moody’s s’échelonne de la manière suivante, par ordredécroissant : Aaa, Aa1, Aa2, Aa3, A1, A2, A3.

Ces notations traduisent la santé financière et la solvabilité des établissements,auxquels il arrive régulièrement de prêter à des collectivités ayant une meilleure solvabilitéqu’eux. « On prête à des gens qui ont une meilleure santé financière que nous » reconnaîtEmmanuel Quievreux, le Directeur Gestion de la dette/Produits dérivés de DePfa.

Si une banque A et une banque B prêtent 1 million d’euros à Euribor 3 mois + 0,02%,leur marge est à première vue équivalente car elle est de 2 points de base. Il s’agit en faitde la marge commerciale. Le gain commercial des banques s’élève à 1 000 000 x 0,02%= 200 €. Le ratio Cooke impose de mobiliser 1,6% de fonds propres, soit 16 000 € (1,6% x1 million d’euros). La rentabilité sur les fonds propres (ROE) est par conséquent de 200/16000 = 1,25%, loin de la rentabilité de 10% espérée par un actionnaire. Cela suppose queles banques se soient refinancées à Euribor. Or les établissements financiers présents surle marché des collectivités se financent en règle générale à des conditions meilleures quel’Euribor.

La banque A se finance à Euribor – 0,06% tandis que la banque B se finance à Euribor– 0,04%. La marge réelle n’est plus de 2 points de base, mais 8 points de base pour labanque A et 6 pour la banque B. La rentabilité réelle sur les fonds propres est plus élevée,

78 La note de Dexia, Fortis et KBC abaissée par Moody’s, 11 avril 2007, http://lecho.be79 http://www.ir.socgen.com/fr/ratings/asp80 http://www.credit-agricole.sa.fr

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respectivement de 5,00% pour A et 3,75% pour B. La marge réelle des établissements decrédit dépend donc du prix de leur refinancement, les investisseurs préférant proposer de laressource aux établissements qui ont une meilleure santé financière. Certains sont certesplus solvables que d’autres (Dexia a été longtemps notée triple A) et peuvent se financerà de meilleures conditions, mais sur le marché des collectivités, la différence ne joue quede quelques centimes.

Même en prêtant avec des marges quasi nulles, la banque n’est pas « perdante »financièrement, c'est-à-dire qu’elle n’achète pas plus cher qu’elle ne vend. (Cette situationest pourtant arrivée au Crédit foncier de France lorsque le Gouvernement d’Alain Juppé adécidé de la suppression de ses avantages fiscaux. Plus aucun établissement ne voulaitlui prêter des fonds. L’établissement a été contraint de prêter à Euribor – 0,35 % ! ). Unebanque présentant une excellente solvabilité peut afficher une marge sur Euribor inférieureà celle de ses concurrents, tout en ayant une marge réelle supérieure si ces conditions derefinancement sont bonnes.

Néanmoins, elle se doit de restaurer sa rentabilité par tous les moyens afin de satisfaireaux exigences de ses actionnaires. L’application de marges illisibles sur les produitsstructurés est donc une bénédiction pour les établissements bancaires. Ce qui explique queles Return on Equity des banques atteignent les niveaux que l’on connaît (autour de 20%).

Les banques peuvent également avoir recours au financement par l’intermédiaire del’une de leurs filiales, si le montant des dépôts des épargnants est supérieur au crédit. LeCrédit agricole peut ainsi s’appuyer sur des excédents de collecte, excédents qu’il achèteau même titre qu’une ressource sur les marchés financiers.

Lorsqu’un établissement émet une proposition de taux fixe à une collectivité, celasignifie qu’elle s’est au préalable assurée de la disponibilité des fonds. Il est fréquent deconstater de grandes disparités dans les taux fixes proposés lors d’un appel d’offre. Certainstaux fixes sortent avec une marge plus mince que d’autres, voire négative. L’explicationtient au fait que l’emprunteur peut bénéficier d’un décalage de marché en période de tauxhaussiers. L’établissement qui émet une cotation aux conditions de marché du début de lasemaine propose un taux inférieur à celui qui évalue un taux fixe au dernier moment. Si lestaux ont augmenté en quelques jours, la marge sur Euribor du premier établissement estimmanquablement négative, c'est-à-dire que la collectivité pourra s’assurer d’un taux fixedéfinitif inférieur aux conditions de marché.

Prenons un exemple : un taux fixe s’élève à 4,50%, aux conditions de marché de lundi.Si la banque souhaite appliquer une marge de 0,03%, alors la collectivité devra payer 4,53%.Aux conditions de marché de vendredi, le taux fixe pour un montant, une durée, un profild’amortissement, une base de calcul et une périodicité des intérêts identiques sort à 4,60%.Le second établissement qui souhaite faire un effort pour remporter l’appel d’offre décidede n’appliquer qu’une marge de 0,01%. Il propose donc un taux de 4,61%.Celui-ci est doncmargé à Euribor + 0,01%, mais le premier taux bénéficie d’un décalage de marché et ressortà Euribor – 0,07% alors qu’à l’origine la marge appliquée par la banque est supérieure.

Une stratégie de différenciation fondée sur le développement de services et produitsannexes

D’après le responsable de la gestion de dette chez DePfa, « [la banque] rentabilisebeaucoup plus en swappant les propositions des concurrents ». Plutôt que de soumettre desoffres de réaménagement dont la réalisation reste incertaine, DePfa mise sur une activitéd’échange de taux qui « suffit pour [ses] objectifs ». L’emprunteur s’adresse lui-même à

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l’établissement, sachant que d’autres banques, telles que Dexia, ne proposent pas de swapen direct.

Par exemple, si un emprunteur indexé sur l’Euribor 3mois estime que les marchés sonthaussiers, il cherche à échanger son taux variable pour un taux fixe, afin que son empruntne soit pas soumis aux variations à la hausse de l’Euribor. Cela donne le schéma suivant :

Source : Finance active

A chaque échéance, l’emprunteur reçoit de sa contrepartie le montant qu’il verse à sonprêteur (« jambe receveuse » du swap), ce qui neutralise par conséquent le taux variable. Ilne règle plus que le taux fixe (« jambe payeuse » du swap) à sa contrepartie et se retrouvepayeur de taux fixe. Si les anticipations de l’emprunteur ne se réalisent pas, c'est-à-dire siles taux baissent et qu’il ne peut en profiter, il a la possibilité de solder l’opération de swapen procédant à un débouclage, moyennant le paiement d’une soulte à sa contrepartie. Lasoulte équivaut à une pénalité de remboursement anticipé sur un emprunt. La collectivitéabandonne en effet un taux plus cher que le marché, donc très onéreux.

DePfa ainsi que d’autres établissements tels que la Société générale, Natexis ouCalyon proposent des cotations pour des swaps. Les swaps étant des produits dérivés demarché, leur prix est un prix de marché faisant l’objet d’une mise en concurrence entreau moins deux établissements. La banque ou la salle de marché se rémunère en prenantune commission comprise en moyenne entre 5 et 15 points de base. Les marges sontplus basses et surtout lisibles. Le recours aux swaps a d’ailleurs tendance à se développerdu fait de leur décorrélation du contrat d’origine81. Les swaps sont des moyens plus sûrset moins coûteux de travailler un encours rigide, en cas d’interdiction de remboursementanticipé ou de pénalité trop importante. Ils ne sont pas des instruments miracles, maisdonnent l’opportunité aux collectivités d’adapter une indexation à leurs propres anticipationset d’échanger des conditions d’intérêt avec une contrepartie.

Depuis quelques années, les banques développent, parallèlement à leur offre definancement classique, des produits et services annexes destinés à diversifier leur offre,mais également et surtout à se différencier des concurrents.

Elles se sont emparées de l’opportunité d’Internet pour fournir des nouveaux servicesinteractifs à leurs clients. Ainsi Dexia et la Caisse d’Epargne ont respectivement développésous le nom d’e-Tresoria et Ligne de Trésorerie interactive, une offre de ligne de trésoreriedont la gestion s’effectue exclusivement par Internet. La collectivité envoie ses demandesde tirage par mail, plutôt que par fax et peut suivre en direct le niveau de sa ligne, le nombrede tirages ou le montant des remboursements.

La Caisse d’Epargne a également conçu un Service public +, soit un sited’encaissement des recettes publiques en ligne. Les administrés qui souhaitent régler des

81 Comment expliquer la baisse des marges bancaires ?, ASHER Sarah, La Lettre du Cadre territorial, Fiche pratique financièren° 89, mai 2007.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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prestations sur le site des administrations peuvent aujourd’hui le faire par le biais d’unetransaction sécurisée par la banque.

Dexia et la Caisse d’Epargne mettent également à disposition de leurs clients publicsune Carte Achat qui est une carte de paiement nominative. Elle permet aux agents de laFonction publique de régler des biens et services, dans la limite de plafonds définis aupréalable, chez des fournisseurs référencés par l’ordonnateur.

D’après Elisabeth Girard, chargée d’affaires grands comptes à la Caisse d’Epargne,ces produits monétiques et l’accès Internet constituent d’autres sources de rentabilité pourl’établissement qui diversifie son offre. Mais pour Eric Versini, directeur régional de Dexia,la diversification de l’offre n’est pas destinée à compenser l’érosion des marges, mais àcompléter une gamme de produits nécessaires aux emprunteurs publics.

L’essor de ces produits tient sans doute aux deux explications. Les collectivités setournent peu à peu vers les nouvelles technologies qui répondent à une problématique degain de temps et de simplification des procédures. Les établissements financiers saisissentcette opportunité qui leur permet tout à la fois de se différencier ou de précéder unconcurrent, tout en répondant à une demande croissante des clients. Des publicités pour lacarte d’achat public ont fait leur apparition dans les courriers de réponse à des consultationsde la Caisse d’Epargne (annexe p.116).

b) Impact de la commission de non utilisation, des clauses de révocation etrenonciation sur les marges bancairesDepuis deux ou trois ans sont apparues des clauses et commissions particulières dans lescontrats revolving.

Un revolving est une formule qui associe un emprunt long terme classique et l’ouverturede droits de tirages comparables à une ligne de trésorerie. Tout remboursement paranticipation, total ou partiel redonne à l’emprunteur une nouvelle capacité de tirage. Lesemprunts revolving sont proposés par Dexia (Allegro, ex CLTR), la Société générale (OCLT),la Caisse d’Epargne (Prêt reconstituable), Calyon (Souplesse), ou encore la BFT (Iéna).

Ils comprennent le plus souvent une phase de mobilisation, de quelques mois à troisans, pendant laquelle l’emprunteur effectue des tirages et des remboursements dans lalimite d’un plafond préalablement défini avec le prêteur. Il ne paie d’intérêts que sur lesmontants tirés. La fin de la phase de mobilisation correspond au point de départ del’amortissement (PDA). La collectivité doit alors mobiliser une partie ou la totalité des fondsmis à sa disposition par la banque, qu’elle va pouvoir ensuite consolider en une ou plusieursenveloppes, sur le ou les index choisis. Un profil d’amortissement différent peut être attribuéà chaque enveloppe et les tirages s’effectuent dans la limite d’un plafond dégressif.

La commission de non utilisationAux conditions financières classiques des multi-index (marges sur index, conditions

de passage à taux fixe), s’ajoute le plus souvent une commission de non utilisation,plus communément appelée CNU. La CNU est généralement calculée sur le montant del’emprunt non mobilisé et varie entre 0,01% et 0,05% selon les banques. Une collectivité quisouhaite emprunter 10 millions d’euros en revolving mais qui ne consolide que 7,5 millionsau terme de la phase de mobilisation, paye au prêteur une CNU. Le prêteur, qui a levéde la ressource pour un montant de 10 millions d’euros, se garantit ainsi de toucher une« compensation » financière si son client n’utilise pas la totalité des fonds dont il pourraitdisposer.

Partie II A la recherche d’une rentabilité perdue : Remise en cause de l’érosion des marges parune stratégie de réamagement d’encours

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Si la commission de non utilisation est une contrainte financière pour les emprunteurspublics, deux nouvelles clauses ont fait leur apparition82 :

∙ la clause de révocation (Dexia, Société générale, Caisse d’Epargne),∙ la clause de renonciation (Caisse d’Epargne).

La clause de révocationLa clause de révocation donne la possibilité à la banque de mettre un terme

unilatéralement et à chaque échéance, au caractère revolving du contrat. Si le prêteurdécide d’exercer cette clause, l’emprunteur perd la possibilité de réaliser des tirages auxconditions initialement prévues. Seuls les tirages déjà consolidés continueront à s’amortirnormalement selon les conditions définies lors de la signature. La collectivité est donc privéede l’aspect revolving du contrat, tout remboursement par anticipation, partiel ou total, nereconstitue plus le droit au tirage.

La clause de renonciationLa clause de renonciation se retrouve uniquement dans les propositions de la Caisse

d’Epargne et apparaît sensiblement plus contraignante que la clause de révocation. Elle a uneffet rétroactif et la banque peut l’exercer à chaque échéance. En plus de ne pouvoir réaliserdes tirages aux conditions du contrat, la Caisse d’Epargne impose le remboursement,avec un préavis d’un mois, de tous les tirages effectués au sein de l’enveloppe. Ceremboursement sans pénalité est effectif sur tous les tirages en taux fixe, variable et produitstructuré.

L’exercice d’une telle clause est excessivement pénalisant pour l’emprunteur. Il perdsa capacité d’endettement et d’excellentes conditions de marges initiales. Il est contraintde se refinancer aux conditions du marché et risque de subir une hausse des taux. Enfin,le remboursement en un mois de tous les tirages en cours de consolidation a un impactsur la trésorerie qui doit absorber ce choc. Même s’il semble difficile que la banque oseactiver une telle clause, son existence fait peser une incertitude sur les contrats. La crise des« subprime », qui affole actuellement les marchés financiers, pourrait cependant pousser labanque qui ne peut plus se financer à des conditions optimales, à exercer cette clause.

Des marges bancaires faibles, voire nulles, que compensent des clauses pénalisantesCertains établissements affichent donc des marges extrêmement séduisantes, proches

de zéro, dans les offres qu’elles soumettent aux collectivités, mais en contrepartie ellesglissent des clauses dont l’exercice est à leur entier avantage. Cette pratique devientmalheureusement de plus en plus courante.

Un centre hospitalier en a fait l’expérience récemment. Il a reçu en effet des offrespour un emprunt revolving, émanant de trois établissements de crédit, Calyon, la Caissed’Epargne et la Société générale, dans le cadre d’une nouvelle consultation d’un montantde 31 millions d’euros. Calyon et la Caisse d’Epargne proposent des marges nulles surl’Euribor, le TAM/TAG et le taux de swap. Les marges de la Société générale quant à ellessont positives mais dérisoires. Après un examen attentif des offres, il s’avère que celles dela Caisse d’Epargne et de la Société générale comprennent respectivement une clause derenonciation et de révocation.

La meilleure offre du point de vue financier et pratique est le produit Souplesse deCalyon, exempt de toute clause mettant en péril la pérennité du financement. Mais le centrehospitalier, qui souhaite élargir le nombre de ses prêteurs et scinder son enveloppe en deux

82 Fin’actu n° 111, Commission de non utilisation, clause de renonciation et de révocation, 20 novembre 2006.

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lots, décide d’emprunter 20 millions d’euros chez Calyon et le solde à la Caisse d’Epargneaprès suppression de la clause de renonciation. Plusieurs relectures de la proposition, duprojet de contrat et du contrat lui-même seront nécessaires pour s’assurer de la suppressioneffective de la clause incriminée.

Si le travail des encours est un moyen pour les banques de restaurer des margesperdues lors des appels d’offre, ces différentes clauses peuvent garantir une autre sourcede rentabilité pour certains établissements. Toute la vigilance du responsable financierest nécessaire pour repérer ces clauses et en négocier la suppression, en acceptant encontrepartie l’instauration d’une CNU moins pénalisante, ou des marges sur index plusélevées.

Les banques cherchent, par une diversification de leur offre, à se différencier deleurs concurrentes. Cependant, elles misent surtout sur le réaménagement d’encourspour restaurer une rentabilité perdue lors des nouveaux financements. Leur espérancede rendement repose essentiellement sur la propension des collectivités à opter pour desproduits structurés et à accepter les réaménagements qui leur sont soumis. Le pire scénariopour la banque serait que l’emprunteur accepte sa perte en cas de dérapage des fraisfinanciers.

B- Mutation des relations banques / collectivités : défiance croissantedes unes face à la stratégie offensive des autres ?

L’attitude offensive voire « agressive » de certains prêteurs ne conduit-elle pas à unemutation des relations entre les banques et les collectivités et une défiance accrue deces dernières ? Les pratiques de quelques établissements ne risquent-elles pas de jeterl’opprobre sur la profession de banquier toute entière ? Il semblerait que le manquede lisibilité sur les prix et les produits structurés (a) ainsi que l’évolution de la fonctioncommerciale (b) suscitent interrogations et inquiétude de la part des responsables financiersen collectivités.

a) Manque de lisibilité sur le prix et la nature des produits structurésDans le cadre d’un réaménagement ou d’une renégociation, la relation entre la collectivitéet la banque est le plus souvent « pilotée [par cette dernière] qui donne le tempo »83. Lesproduits proposés à l’emprunteur ne faisant l’objet d’aucune mise en concurrence, chaqueétablissement bancaire facture la marge qu’il souhaite.

Toutes les personnes du milieu bancaire interrogées sont unanimes : il est inévitabled’appliquer une marge plus élevée sur les structurés que sur les produits classiques. Cesont « des produits très complexes dont le montage a nécessité une ingénierie financièreplus importante ». Ils requièrent un « suivi » particulier nécessairement répercuté dans leprix facturé au client. Une métaphore a d’ailleurs été employée pour justifier de la nécessitéde prélever une marge supérieure : plus une automobile comprend d’options et de finitionset plus elle est chère. Le client paye donc le prix de la technicité de l’offre bancaire.

Mais il n’existe pas de règle concernant la fourchette de prix. Elle est donc largeet « franchement très variable selon les strates de collectivités» aux dires d’un chargéd’affaires.

83 Emprunts : accepter une juste marge, NYS Olivier, La Gazette n°1857, 16/10/2006.

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D’après Sandra de Pinho, la marge moyenne sur les structurés pour un emprunt de10 millions d’euros sur 15 ans est de 0,35%84, alors que la moyenne sur des financementsclassiques s’établit à 0,02%. Par ailleurs, la marge peut parfois atteindre « jusqu’à 50 pointsde base » selon Sarah Asher85, responsable de la gestion de la dette et de la trésorerie àla Communauté urbaine de Lille.

Curieusement, rares sont les banquiers à s’aventurer sur le terrain du niveau desmarges qu’ils appliquent dans leur établissement. Certains avancent toutefois les chiffresde 10 à 20 points de base sur les produits proposés aux grandes collectivités, laissantentendre qu’une marge de 40 points de base serait abusive si la banque n’assure aucunaccompagnement par la suite.

Pour l’un d’entre eux, il est ridicule de s’attacher à tout prix à l’estimation de cettemarge: « on présente le produit mais c’est après que l’on parle de prix ». L’essentiel seraitd’évaluer le « couple performance/risque ». Si le banquier fait gagner plus à une collectivitégrâce à un produit pertinent, il est normal que la marge soit élevée. Mais il semble oublier queles marges ne sont jamais précisées, alors que sur n’importe quel marché, le prix, fonctionde l’offre et de la demande, est connu par les acheteurs avant la transaction. Pourquoi lesbanquiers sont-ils donc tant réticents à révéler le leur ?

D’après le responsable de la gestion de la dette d’une banque européenne, certainsconcurrents mènent « une politique excessive des marges » avec une « fourchette [de prix]hallucinante », alors que son établissement tablerait sur des marges raisonnables de « 3 à10 points de base ». L’écart s’expliquerait, toujours selon lui, par une différence de stratégie.Les banques leaders sur le marché des collectivités se fixent des objectifs de « parts demarché commerciales ». Leur but est de capter le maximum d’encours, alors qu’elles neconnaissent pas la propension des emprunteurs à accepter des produits structurés. Cettepolitique les amène à sur-marger les emprunteurs qui y souscrivent, afin de compenser larentabilité perdue sur les autres.

A l’inverse, cette banque européenne s’attacherait à déterminer en amont, avant derépondre à une consultation, l’appétence des collectivités vis à vis des formules structurées.Les marges appliquées seraient donc plus basses, mais la part des clients qui acceptentle réaménagement serait supérieure.

Cet établissement explique de plus que ses « coûts intermédiaires », c'est-à-dire depersonnel et d’infrastructures sont minimes comparés à ceux de ses concurrents dont lessuccursales sont largement implantées sur tout le territoire.

N’est-ce pas les propos d’une banque jalouse du succès des leaders du marché,notamment Dexia et la Caisse d’Epargne ? Probablement. Mais l’objectif de la Caissed’Epargne étant aujourd’hui de « devenir le premier partenaire » des collectivités, laguerre des prix va probablement se poursuivre afin de conquérir de nouvelles parts demarché et se traduire par une recherche accrue de rentabilité globale sur les opérations deréaménagement.

Il est certain que le manque de lisibilité sur le prix des produits que l’on soumet auxemprunteurs publics suscite des interrogations de leur part. Si l’on reprend la métaphore,évoquée précédemment, qui assimile la technicité et le prix d’une automobile à ceux d’unproduit structuré, qu’est ce qui empêche les établissements bancaires de faire apparaître

84 Banques-collectivités : des comptes…à régler ! de PINHO Sandra, La Lettre du Cadre territorial, n°333, 01/03/2007.85 Comment expliquer la baisse des marges bancaires ?, ASHER Sarah, op.cit.

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leur marge ? L’opacité de leur rémunération ne peut qu’alimenter le sentiment d’impuissancedes emprunteurs face à des produits complexes.

b) Evolution de la fonction commerciale : une stratégie devenue plusoffensiveLes responsables financiers en collectivités s’accordent à dire que les relations entretenuespar les banques et les collectivités ont changé de nature. Les échanges avec lescommerciaux sont beaucoup plus fréquents que par le passé. Ils cherchent désormaisà vendre des montages très rémunérateurs pour leur établissement et démarchentrégulièrement les clients. Il n’est pas rare qu’une collectivité reçoive une proposition deréaménagement d’un emprunt sur une indexation « exotique », avant même la fin de lapremière phase de bonification.

Il semblerait que l’attitude de Dexia, d’après certains responsables financiers, soit plusagressive que d’autres. L’un d’entre eux va même jusqu’à employer le verbe « harceler »pour décrire l’attitude de son interlocuteur. « Les commerciaux de Dexia sont plus mordantsque les autres [car] ils relancent le sujet beaucoup plus » confie un directeur des finances.Les autres établissements effectuent quant à eux « plusieurs tentatives pour pousser lacollectivité à réaménager son encours », mais certains sont « un peu plus clean et n’insistentpas ».

D’après un responsable de banque interpellé à ce propos, tous les établissementsont leurs propres « brebis galeuses », c'est-à-dire des « mauvais commerciaux » dont lecomportement est malheureusement mis en avant par la suite pour dénigrer la professionde banquier. Il est indispensable de ne pas généraliser sur le caractère agressif descommerciaux. Cependant leur principal objectif étant naturellement de vendre pour atteindreles objectifs fixés en interne, leur attitude est certainement plus offensive depuis quelquesannées.

La Caisse d’Epargne et Dexia poussent parfois leurs clients à souscrire une partde produits structurés lors de consultations pour un nouveau financement, en faisantmiroiter des marges exceptionnelles et sans concurrence, si 20% de l’emprunt au moinsest consolidé sur une indexation exotique86. Les banques affichent des marges ultracompétitives (Euribor + 0,01% voire 0,00%) sur le multi-index, car il leur suffira de margersuffisamment le produit structuré pour restaurer leur rentabilité globale. Sans la souscriptionde structurés, les marges sur les index classiques sont plus élevées et souvent supérieuresà 0,02%.

Le problème du montage est que la marge sur le structuré n’est bien sûr jamais affichée.Les cotations sont indicatives, mais les banques assurent qu’elles seront déterminées « auxconditions de marché ». Les cotations définitives ne sont en fait connues que lors du top,c'est-à-dire après la signature du contrat et au moment où l’emprunteur souhaite commencerà amortir. L’emprunteur ne dispose alors d’aucun recours pour contester les conditionsfinancières imposées par la banque.

Le gain de marge initial est donc trompeur. La collectivité choisit la banque dont lesmarges sont les plus basses en pensant avoir réussi à « gratter » un à deux centimes,mais se retrouve à payer une marge de plusieurs dizaines de points de base sur un produitstructuré représentant 20% au moins de son nouvel emprunt !

86 Fin’actu n° 89, Rejetez les propositions liées (multi-index + structuré) !, 5 juin 2006.

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De plus, d’autres attitudes sont critiquables chez les banques, notamment le manquede clarté des stratégies proposées et le rôle de conseil que certaines d’entre elles cherchentà endosser.

Les banques sont amenées à faire des efforts de présentation afin de convaincre lesemprunteurs. Les propositions envoyées comptent souvent plus d’une vingtaine de pages,comprenant explications, démonstrations, simulations, historiques et parfois une mise engarde.

Il est intéressant de noter que la Société générale fait un point sur les avantages et lesinconvénients du produit qu’elle soumet, alors que d’autres ne simulent que des stratégiesgagnantes ou évoquent des « stress scénarii » pas vraiment catastrophiques à partir degraphes non actualisés.

Source : Proposition de réaménagement de la Société générale pour une communede 25 000 habitants

Le paragraphe « Inconvénient » est bien mince au regard des avantages listés au-dessus, mais il a le mérite d’exister, même si le terme reste au singulier.

Source : Proposition de réaménagement de Dexia pour une commune de 20 000habitants

Dexia de son côté ne souligne que les avantages de son produit et affirme même que lemontage est sécurisé par le taux de 4,84 %, alors que le taux est seulement assuré pour lapremière échéance ! Les quinze échéances suivantes reposent sur une stratégie de pentedécrite en début de seconde partie, stratégie qui peut être une source de bonification et/oude diversification de la dette de la ville, mais qui ne sécurise en aucun cas sa dette.

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Les banques évoquent parfois les scénarii catastrophes dans les propositions. LaCaisse d’Epargne illustre par exemple le « stress scénario » de l’Helvetix 3 proposé à unecommunauté urbaine dans le cadre du réaménagement décrit au début de la seconde partiede ce travail.

Source : Proposition de réaménagement de la Caisse d’Epargne pour une communautéurbaine d’un million d’habitants

Elle fait l’effort de présenter un scénario défavorable, mais se fonde sur l’historique descours de

change de 1999 à 2007, période pendant laquelle jamais le cours n’a atteint la barrièrede 1,44.

Source : Finance active

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La Caisse d’Epargne tait en revanche les anticipés du cours de change sur les vingtprochaines années. Les anticipés ne se réalisent pas par définition, mais sont pourtant undes éléments qui jouent dans la décision de la communauté urbaine.

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D’autres propositions comprennent des mises en garde. Calyon et la Caisse d’Epargneprécisent que leur rôle n’est pas d’exercer une fonction de conseil87. Elles soulignent laresponsabilisation totale du client et attirent son attention sur le fait que tout ne se passerapas comme prévu :

« Toute opération de marché sur un instrument financier à terme comporte desrisques, du fait notamment des variations de taux d’intérêt, des taux de change(…).

Vous serez également réputé agir pour votre propre compte, avoir pris la décisionde conclure chaque opération de manière indépendante et déclarer que chaqueopération est adaptée à votre situation après avoir éventuellement requis l’avis devos conseils habituels si vous le jugez nécessaire (…).

Les informations contenues dans le présent document ne sont pas non plusconsidérées comme étant un conseil en investissement ou une recommandation deconclure l’opération.

Calyon ne saurait être tenu pour responsable des conséquences financières ouautres de la mise en œuvre des opérations décrites dans le présent document ».

Calyon et la Caisse d’Epargne redonnent à chacun le rôle qui est le sien, par écrit,même si à l’oral les commerciaux ont tendance à chaudement recommander une stratégie.

D’autres établissements, protégés par un « document non contractuel » n’ont pas lamême attitude et affichent des stratégies et des « simulations alléchantes »88.

Conclusion de la deuxième PartieL’effondrement progressif des marges faciales a été peu à peu compensé par une nouvellestratégie de rentabilité globale fondée sur la vente de produits structurés fortement facturéset aux marges illisibles. L’analyse de deux réaménagements proposés par Dexia et la Caissed’Epargne a révélé que les stratégies mises en avant sont non seulement inopportunesmais également très coûteuses. Sous couvert d’une gestion dite « active » de la dette, lesétablissements de crédit dégagent une rentabilité faramineuse.

La relation liant banques et collectivités a profondément changé de nature. Lesproduits structurés ne sont pas critiquables en eux-mêmes, car ils peuvent constituer desopportunités de marché. En revanche, la manière par laquelle certains établissements enfont la promotion est discutable, même si les comportements des commerciaux varient d’unebanque à l’autre.

De telles attitudes ne sont heureusement pas systématiques, mais les collectivités sesentent souvent démunies face au discours des prêteurs. D’où une impression amère dene pas maîtriser le vocabulaire et les fondamentaux des marchés financiers et de ne passavoir argumenter face à leurs interlocuteurs.

La confiance des collectivités en leurs partenaires, parfois historiques, s’érodentprogressivement, tandis que le phénomène d’érosion des marges bancaires apparaît peuà peu plus proche du-faux semblant que de la réalité. Dès lors, quel avenir prédire aux

87 Fin’actu n° 41, Lorsque les banques avouent ne pas exercer une fonction de conseil, 20 juin 2005.88 Idem.

Partie II A la recherche d’une rentabilité perdue : Remise en cause de l’érosion des marges parune stratégie de réamagement d’encours

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relations entre les banques et les collectivités, relations qui dépendent du niveau des margesbancaires ?

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Partie III Quel avenir pour les margesbancaires et les relations entrebanques / collectivités ?

97% des offres émanant des établissements de crédit affichent des marges inférieures à0,02%. Les grands comptes obtiennent de plus en plus fréquemment des marges prochesde zéro, nulles, voire même négatives, ce qui laisse supposer que le rythme des propositionsde réaménagement va se poursuivre et s’accélérer. Les collectivités territoriales ont profitéd’un cycle de baisse des taux et de la diminution du prix de l’argent. Cependant, la stratégiede travail régulier des encours avec la vente de produits structurés aux marges illisibles,associée à une remontée des taux, laisse présager d’une augmentation des frais financiersà venir, d’autant plus que certains produits structurés (de pente) se sont activés chez denombreuses collectivités.

Il est légitime, d’une part, de s’interroger sur la pérennité de ce mode de fonctionnementqui tend à exacerber les tensions entre prêteurs et emprunteurs (1). D’autre part, il convientde replacer la question des marges bancaires dans une démarche plus globale de gestiondynamique de la dette, en évoquant les autres leviers de l’optimisation d’un encours (2).

1. Des interrogations légitimes quant à la poursuite dece mode de fonctionnement

Les personnes interrogées ont chacune leur propre avis quant au caractère pérenne ou nond’une mode de fonctionnement qui « n’est sain pour personne », reconnaît un banquier.La chute des marges peut-elle se poursuivre ? Quel serait son impact sur le marché desemprunts des collectivités territoriales ? Les prêteurs et emprunteurs sont entraînés dansun cercle vicieux qu’il semble difficile, bien que nécessaire, de rompre.

Après avoir démontré les raisons pour lesquelles la pérennité de la tendance estremise en question, tant par certaines banques que par certains responsables financiersen collectivités (A), il conviendra de réfléchir sur une éventuelle balisation du marché desemprunts des collectivités territoriales (B).

A- La pérennité de ce mode de fonctionnement en questionPrêteurs comme emprunteurs sont responsables de la situation actuelle. Les premiers enprofitant d’un manque de connaissances des seconds, et les seconds en encourageant ladémarche des prêteurs tout en étant conscients que la seule alternative pour ceux-ci est desurfacturer les réaménagements.

Partie III Quel avenir pour les marges bancaires et les relations entre banques / collectivités ?

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Les deux catégories d’acteurs en présence sont entraînées dans un cercle vicieux (a).Mais les avis sont partagés quant à la poursuite ou non de ce mode de fonctionnement (b).

a) Un cercle vicieux entretenus par les deux catégories d’acteurs enprésenceSi les collectivités territoriales détiennent une part de responsabilité dans l’attitude deleurs partenaires bancaires, elles souffrent néanmoins d’une asymétrie d’information et depratiques parfois abusives de certains prêteurs.

Les collectivités victimes consentantes des banques ?La majorité des responsables financiers qui ont des notions ou qui maîtrisent la culture

financière, sait pertinemment qu’une banque qui consent des marges exceptionnellescherchera par la suite à compenser sa rentabilité perdue par tous les moyens dont elledispose. « La seule motivation qui pousse une banque à nous consentir ce niveau, c’estle pari qu’elle fait sur sa capacité à structurer cet encours et à recréer de la marge àchaque renégociation », explique un chargé d’études financières d’un Conseil général àses homologues, surle forum de discussion des responsables financiers et comptables descollectivités89 : Un autre directeur financier reconnaît que « s’il y a une absence de gainau départ, il y aura une logique de renégociation après », et « que c’est une aberrationéconomique que de vendre sans marges qui garantissent une rentabilité [minimale] ».

Les collectivités sont heureuses de profiter d’un marché sur lequel une concurrenceforte leur garantit un niveau de marge très bas pour le financement de leurs projets.Elles se sont progressivement habituées à bénéficier de conditions d’autant plus optimalesqu’associées à une période de baisse des taux et de désendettement.

Pour le responsable gestion de la dette/produits dérivés de DePfa, « les collectivitésentretiennent une culture excessive de la marge apparente » et « raisonnent en risque demarge plus qu’en risque de taux ».Ainsi, elles ont tendance à se focaliser uniquement sur lamarge faciale affichée par le prêteur, plutôt que d’évaluer l’impact d’un produit sur le risquede taux auquel est soumis leur encours.

Les collectivités sont par exemple très attachées à la négociation de la marge sur leslignes de trésorerie auxquelles elles souscrivent. Elles consacrent du temps à la négociationde la marge, en espérant toujours « gratter un à deux centimes». Or, que représente un gainde un centime si la collectivité ne sait pas gérer sa trésorerie et si celle-ci est régulièrementexcédentaire ? Le coût d’un excédent de trésorerie pèse plus dans les finances d’unecollectivité que la négociation d’un centime sur la marge, la part du taux étant nettementsupérieure à celle de la marge dans le calcul des frais financiers.

En période pré-électorale, des produits affichant un taux bonifié sur une première phasede quelques années apparaissent particulièrement séduisants pour certains élus. De telsproduits leur permettent d’arborer d’excellents taux d’intérêt la veille des élections. Combiende responsables financiers ont-ils en effet été tentés de souscrire sur 20% de leur encours etdans le cadre d’un nouveau financement, un produit de change qui rend possible d’afficherun taux de 2,15% pendant trois ans ? On peut déplorer le manque de vision à long decertains décideurs qui reconnaissent que de toute façon, ils ne seront plus là dans vingt anspour faire face à l’explosion de frais financiers. Heureusement, les banquiers sont là et ilsne passeront pas à coté de l’opportunité de réaménager un emprunt et de proposer en unautre produit structuré plus risqué que le précédent !

89 http://www.territorial.fr

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

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Les collectivités entretiennent en partie le phénomène de « guerre des prix »en contraignant les banques à s’aligner les unes par rapport aux autres. Or certainsétablissements ne répondent plus aux nouvelles consultations des très grands comptes,sachant qu’ils ne peuvent se permettent de proposer des marges aussi compétitives queleurs concurrents. De ce fait, « la BNP ne s’adresse plus à certaines collectivités à moinsde 5 points de base » estime un directeur financier.

Les collectivités pourraient donc pâtir de la diminution du nombre de prêteurs. Lemarché étant déjà fortement oligopolistique, une concentration accrue risque d’accroître laposition déjà plus qu'avantageuse des trois leaders.

Elles sont parfaitement conscientes que le banquier n’exerce pas une activitéphilanthrope. En acceptant de contracter un emprunt avec une marge ridicule, elles« [acceptent] de facto le fait que la banque cherchera à réaménager »90.

Mais une asymétrie d’information au détriment des collectivitésMais si les collectivités sont pour la plupart lucides sur les pratiques des banques, il

n’en reste pas moins qu’elles souffrent d’un manque de connaissances et d’une asymétried’information au profit de leurs prêteurs. A la question « Les relations entre banqueset collectivités sont-elles des relations d’égal à égal ? », les avis des banquiers et desresponsables financiers interrogés diffèrent.

Pour certains banquiers, « les gens sont plus connaisseurs ». Avec la mondialisation, ledéveloppement des moyens de communication et l’outil Internet, les responsables financiersseraient mieux au fait de l’évolution des économies des zones géographiques lointaines.Dans cette optique, il devient pertinent de proposer des stratégies reposant sur des courbesde taux étrangères. Pourquoi pas un produit construit sur l’écart entre les taux longs anglaiset les taux courts japonais (Overseas) ? Ou encore un produit à barrière sur le Libor Dollar(Bonifix USD) ?

Il arrive bien sûr que des responsables financiers aient à cœur de choisir des produitscomprenant un haut degré de technicité, pour la seule satisfaction d’être les premiers à lessouscrire, selon un chargé d’affaires en banque, et surtout parce qu’ils sont à même de setenir enformés de l’actualité des zones économiques dont dépendent leurs indexations.

Mais qu’en est-il de la grande majorité des responsables financiers, de ceux qui gèrentleur encours seulement quelques jours par an ? Il n’est pas certain qu’ils disposent dutemps, des moyens et de la volonté nécessaires à la compréhension et au suivi régulierdes emprunts « à risque » de leur encours. « Je suis censé être un expert en matière dedette, mais ce n’est pas le cas (…). Il faut des compétences d’économistes qui n’existentpas ou peu, ou seulement réservées à une élite dans les grosses collectivités » reconnaîtun directeur financier.

Les établissements de crédit récusent « toute vente forcée » et affirment « qu’il y a trèspeu de chance qu’un client achète un produit qu’il n’a pas compris ». L’emprunteur doit faireconfiance à son banquier, tel est le leitmotiv. Un chargé d’affaire ajoute : « Je ne prends pasle client pour un idiot mais pas pour un expert non plus. Je le prends pour un client ». Sur lesquestions techniques, l’avantage est donné au banquier. Les « rapports peuvent [donc] êtredéséquilibrés notamment en matière de réaménagement avec des produits structurés ».Mais la décision finale, ne l’oublions pas, revient à la seule collectivité : « le banquierpropose, la collectivité dispose ».

90 Emprunts : accepter une juste marge, NYS Olivier, La Gazette n°1857, 16/10/2006.

Partie III Quel avenir pour les marges bancaires et les relations entre banques / collectivités ?

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Les relations entre les banques et les collectivités sont loin d’être équilibrées. Elles sontverticales lorsque les banquiers prennent l’initiative, maîtrisent l’information et connaissentles risques. Il n’y a cependant pas les « méchants » banquiers d’un côté et les « pauvres »emprunteurs publics de l’autre. Les collectivités qui ont conscience de leurs limites doiventnaturellement prendre des décisions en toute connaissance de cause et admettre une foispour toute que les banques se comportent parfois comme des « marchands de tapis » auxpratiques abusives.

Aujourd’hui les collectivités sont mieux armées pour faire face au discours des banques,dans la mesure où de nombreux articles dans la presse locale attirent leur attention sur lesujet. Quoi que puissent en dire leurs interlocuteurs en banque, leur rôle n’est pas de lesconseiller dans une G2D ou Gestion dynamique de la Dette, pour reprendre l’expression dela Caisse d’Epargne, mais bien de vendre. Un banquier interrogé affirmait que les produitsstructurés, de niveau de diversification 4, l’Overseas par exemple, ne sont proposés qu’àdes collectivités de strate « moyenne et plus » et dont l’encours atteint « au moins 50 millionsd’euros ». Or l’Overseas a été proposé à une maison de retraite dont l’encours initial s’élevaità 560 000 euros ! Cette maison de retraire procédait à consultation de 5,9 millions d’euroset la banque souhaitait lui faire souscrire au moins 3 millions sur l’Overseas. Cet exempleest parfait pour illustrer le fait que les collectivités doivent prendre du recul vis-à-vis desassertions de leurs partenaires qui les exhortent à leur faire confiance.

b) Des avis partagés quant à la poursuite ou non de la tendanceLa poursuite de l’érosion des marges va-t-elle se poursuivre et continuer à se traduire parune attitude toujours plus offensive des banques ? Ce phénomène est-il « un puits sansfond »91 , pour reprendre une expression de Finance active ? Les avis sont partagés.

Les uns affirment « qu’ [ils] ne [savent] pas où est le plancher » et que les « banquiersvont se battre au poil de chameau ». Les marges ayant déjà franchies le seuil de la margenulle, il n’y aurait aucune raison pour que la tendance ne se poursuive.

D’autres considèrent que « la tendance va s’inverser car elle n’est pas tenable àterme ». Certains établissements bancaires devraient « décrocher » et abandonner lemarché des emprunts des collectivités. Dans ce scénario, les marges remonteraient dèsqu’il y aurait moins d’intervenants.

Evolution du contexte des collectivités territorialesDes observateurs prédisent un ralentissement de l’aplatissement des marges, voire

leur remonté. Plusieurs facteurs semblent en effet susceptibles de stopper ou d’inverser latendance.

Les banques fondent leur rentabilité globale sur des produits structurés, mais « leurâge d’or s’est achevé avec les produits de pente »92. Les collectivités ont pris consciencedes risques que peuvent constituer certains produits. Il existe des stratégies perdantes, entémoigne l’activation de produits indexés sur la pente que l’on estimait pourtant gagnantsdepuis 2001. Les emprunteurs publics s’en méfient et pourraient être moins enclins à ensouscrire. Les banques seraient alors contraintes de retourner à des marges plus élevéessur les produits plus classiques afin de maintenir leur rentabilité.

L’environnement dans lequel les collectivités évoluent suscite également denombreuses d’interrogations. L’Acte II de la décentralisation s’est traduit par des transferts

91 Fin’actu n° 80, Les marges peuvent-elles encore baisser ? 3 avril 2006.92 Fin’actu n° 80, Les marges peuvent-elles encore baisser ? 3 avril 2006.

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de compétences aux départements et aux régions et devrait accentuer le recours à l’empruntdans les prochaines années. Les collectivités sont confrontées à une incertitude quantau maintien du niveau de leurs ressources. En effet, les extensions de compétencescompensées par des dotations de l’Etat, sur lesquelles les collectivités n’ont aucune prise etla réforme de la taxe professionnelle, sont autant de tensions pour les budgets locaux93. Lesbanques pourraient être amenées à modifier leur analyse du risque local et donc à revoirles marges appliquées.

L’impact de Bâle II sur le niveau des marges bancaires dans le secteur public localC’est dans ce contexte que les établissements financiers sont confrontés à la mise en

application de la réforme « Bâle II » qui modifie le dispositif prudentiel « Cooke » en vigueurdepuis plus de quinze ans. Alors que ce dispositif appréciait le risque d’insolvabilité desemprunteurs selon leur nature juridique, les banques appliquant la même pondération àtoutes les collectivités, le nouveau ratio repose sur la qualité de signature de l’emprunteur94.

Que signifie à l’origine cette pondération unique de 20% du minimum de fondspropres, que les banques doivent détenir pour prêter aux collectivités ? Elle est d’une partl’expression d’un risque faible pesant sur les créances des collectivités locales françaiseset elle traduit d’autre part l’existence d’un risque de cessation temporaire de paiement, sansquoi la pondération serait de 0% comme pour les créances des Etats de l’OCDE.

Le risque nul n’existe pas, les cessations de paiement de plusieurs communes dansles années 90 en est la preuve. Or aucune pondération intermédiaire, c'est-à-dire compriseentre 0% et 20%95 ne permet de distinguer les collectivités selon leur solvabilité, d’où unphénomène d’aplatissement des marges entre grands et petits comptes. « Sur une échellede coût de capital, la ville de Paris et la commune de “Mouettes-les-Dunes” sont l’une etl’autre au niveau de coût 1 », c'est-à-dire une pondération de 20%, « tandis que, par ailleurs,le groupe Coca-Cola et l’épicerie “Chez Mimile” sont tous deux au niveau de coût 5 pour labanque »96, soit une pondération de 100%.

L’accord de Bâle II, adopté le 26 juin 2004, marque un tournant. Sa mise en œuvre

est fixée au 1er janvier 2007 ou au 1er janvier 2008 selon les méthodes de mesure durisque de crédit. Ce dispositif prudentiel devrait mettre un terme au traitement identique desemprunteurs publics, par l’introduction d’un nouveau ratio de solvabilité. Il prend désormaisen compte le risque de crédit, le risque de marché ainsi que le risque opérationnel.

La nouvelle mesure du risque de crédit s’apprécie à partir de deux notations :

∙ Une notation externe effectuée par les agences de notation. Il s’agit du dispositif« standard » reposant sur la classification des risques obtenue par les notations desagences Moody’s, Standard & Poor’s, Fitch Ratings et la banque de France. A l’heureactuelle, seules une quarantaine de collectivités ont fait l’objet de ce type de notation,soit dans un but de communication financière97, soit afin de procéder à des émissionsobligataires.

93 Comment expliquer la baisse des marges bancaires ?, ASHER Sarah, op.cit.94 Une nouvelle donne pour le financement des collectivités ?,DOYEN Yann, GIRARD Pierre, Groupe Caisse d’Epargne, La

Gazette, n°1841, 05/06/2006.95 SERVE Stéphanie, Le risque financier des collectivités locales en Europe occidentale, op.cit., p.80.96 Modification du ratio Cooke et billets de trésorerie : quelles incidences sur le financement des collectivités locales ? KLOPFER

Michel, La Gazette, n°1584, 12/02/2001.

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∙ Une notation interne (IRB ou Internal Rating Based) assurée par les établissementsde crédit. Chacun d’entre eux élabore une échelle de notation interne afin dedéterminer le risque de leur client. Deux méthodes existent. La première estimela probabilité de défaut pour chaque portefeuille de clients de l’établissement(Foundation approach). La seconde est fondée sur des calculs similaires, maisrepose sur d’autres paramètres, dont le taux de perte en cas de défaut (advancedapproach)98.

La conséquence serait que le niveau de consommation de fonds propre des banquesdépende du risque de défaillance de chacun de leur client. Une différenciation tarifairedevrait donc voir le jour selon les notations obtenues. En théorie, une bonne note signifieque le risque de crédit est faible. La banque sera amenée à mobiliser moins de fondspropres et à proposer une marge plus mince qu’à une collectivité dont la note est moinsbonne. La logique devrait à terme conduire à « une re-hiérarchisation » des marges entreles collectivités selon leur niveau de notation.

Pourtant, il n’est pas certain qu’un banquier applique une marge plus élevée à un clientqui a l’habitude d’obtenir une marge nulle. Il prendrait le risque de voir ses concurrentsremporter la consultation s’ils n’appliquent pas eux-mêmes une différenciation tarifaire. Deplus, le risque de crédit est globalement très faible chez les emprunteurs locaux, même s’ilne doit pas être écarté. Le taux de défaillance, en moyenne de 2% pour les PME, est dixfois moindre pour les collectivités.99

Bâle II ne provoquera sans doute pas, dans un proche avenir, un bouleversementdes marges sur le secteur local. Les établissements bancaires vont sans doute poursuivreun temps leur stratégie de réaménagement. Mais il est vrai qu’à terme la tendance desmarges quasi-nulles semble difficilement soutenable pour les établissements financiers quin’ont pas une assise suffisante sur le marché. Le rythme des réaménagements pourraits’essouffler avec la réticence croissante des responsables financiers à souscrire desproduits complexes. Les emprunteurs continuent de se former et à se spécialiser et serontmieux à même de cerner les stratégies qu’on leur soumet.

B- Nécessité d’une réflexion sur une éventuelle balisation du marchédes emprunts des collectivités territoriales

Le recours à l’emprunt est laissé à la libre appréciation des collectivités selon lesopportunités des marchés financiers. Les relations liant les collectivités aux banques sontentièrement régies par le droit privé et relèvent de ce fait de la liberté contractuelle.

Seules deux restrictions existent :

∙ les emprunts obligataires émis par les collectivités sont soumis à une autorisationspéciale ;

∙ les collectivités ne peuvent emprunter à un taux supérieur à celui de l’usure. Le tauxde l’usure est publié trimestriellement par la Banque de France et correspond à unmultiplicateur de 1,33 par rapport à la moyenne constatée des taux de prêts de mêmecatégorie au cours du trimestre précédent. Il diffère selon la catégorie du prêt. Lescollectivités sont assimilées aux entreprises100.

99 Une nouvelle donne pour le financement des collectivités ?,DOYEN Yann, GIRARD Pierre, La Gazette, op.cit.

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Le non encadrement de l’emprunt permet aux prêteurs de proposer ce qu’ils veulent etaux collectivités de souscrire n’importe quels types de produits dont les prix sont illisibles.Comment dès lors concilier le besoin de sécurité dans la gestion des deniers publics, lerespect des règles concurrentielles et les risques inhérents aux marchés financiers ? Si unesoumission au Code des Marchés publics (CMP) ne semble ni souhaitée, ni souhaitable(a), quelles seraient les pistes envisageables pour « enrayer le cercle vicieux » dans lequelcollectivités et emprunteurs sont entraînés ?101 (b)

a) Une soumission au Code des Marchés publics non souhaitée et nonsouhaitableLes marchés publics sont définis à l’article 1 du Code des Marchés publics et les personnesmorales concernées, les pouvoirs adjudicateurs, sont évoquées à l’article 2. Quels impactsaurait la soumission des emprunts au CMP en termes de souplesse et de réactivité et surle niveau des marges bancaires ?

Avantages de la non soumission au CMPLes banquiers et responsables interrogés s’accordent sur ce point : ils ne souhaitent

pas que les emprunts soient de nouveau assujettis à la lourdeur des procédures du CMP« qui n’est pas adapté au monde bancaire ». Une nouvelle soumission au CMP « porteraitpréjudice à l’emprunteur en imposant des délais longs entre la consultation et la signaturefinale ». Un responsable en collectivité renchérit de même : « ce serait une véritable armeatomique » ! Pour Olivier Nys, il faut à tout prix éviter que le domaine des emprunts locauxne « [tombe] sous les fourches caudines du Code des Marchés »102.

L’une des contraintes majeures des procédures formalisées, n’est pas la mise enconcurrence, déjà largement répandue dans les pratiques, mais le respect des délaisimposés définis qui plus est a minima. Dans le cadre d’un appel d’offre ouvert, les candidatsdisposent de 52 jours pour déposer leur offre auprès de la collectivité ! Contrairementà d’autres formes de prestations de service dont les prix ne varient pas ou très peu,« les services financiers relatifs à l’émission, à l’achat, à la vente et au transfert de titresou d’autres instruments financiers à des opérations d’approvisionnement en argent et encapital »103 reposent sur des marchés financiers qui fluctuent tous les jours.

Dès lors, comment garantir sur une période aussi longue des taux fixes par exemple ?Si les taux montent entre le moment de l’offre et la signature du contrat, la banque réaliseune marge négative qu’elle va chercher à récupérer ailleurs.

Et comment une collectivité peut-elle profiter d’une éphémère opportunité de marché etprocéder à un refinancement (remboursement par anticipation et souscription à un nouvelemprunt) ?

Une seconde contrainte est celle du choix de « l’offre économiquement la plusavantageuse ». Comment l’emprunteur public peut-il se prononcer entre deux banques siles marges sur les produits structurés ou sur le taux de swap ne sont pas précisées ?

Les avantages de la non soumission au code sont nombreux104. Elle favorise uneréactivité nécessaire face aux marchés financiers tout d’abord. Les gestionnaires locaux

101 Emprunts : accepter une juste marge, NYS Olivier, La Gazette n°1857, 16/10/2006.102 Emprunts : accepter une juste marge, NYS Olivier, La Gazette n°1857, 16/10/2006.103 Article 3 alinéa 5 du Code des Marchés publics.104 BLONDEL Ségolène, La non soumission au Code des Marchés publics, Mémoire de fin d’études, 2006, p.89.

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peuvent profiter d’opportunités de marché et réduire ainsi les frais financiers, améliorerl’épargne brute, accroître l’autofinancement de la section d’investissement, etc. La nonsoumission est également gage de souplesse dans la sélection et la négociation avec lesprêteurs. La collectivité fait donc appel et contracte avec les organismes qu’elle souhaite.Elle peut être force de négociation en discutant de toutes les clauses ou conditions pratiquesdu contrat.

Les limites de la non balisation des emprunts des collectivités territorialesSi la non soumission au CMP est souhaitable dans un domaine qui réclame une grande

souplesse et réactivité, elle n’empêche pas la dérive d’un marché caractérisé désormais parun manque de lisibilité des marges appliquées sur les produits structurés.

Les collectivités ne sont pas toutes sur un pied d’égalité pour négocier avec leursprêteurs. En outre, il n’existe pas d’observatoire de la dette au niveau nationale, commeil existe des observatoires fiscaux105. La société de conseil en gestion de dette, Financeactive, a constitué un Observatoire de la dette qui répertorie notamment, dans sa rubrique« Journal des offres », les meilleurs taux et marges obtenues par ses clients selon leur strateet le type d’emprunt contracté. Une collectivité a donc la possibilité de comparer son niveaude marge avec celui d’une autre collectivité appartenant à la même strate, et de définir sonobjectif de marge à atteindre dans le cadre de sa prochaine consultation.

Enfin, si les taux ne peuvent dépasser le taux de l’usure, le niveau des marges resteen grande partie illisible sur un certains nombre de produits proposés par les banques. Dèslors, comment comparer les conditions financières de plusieurs contrats ? Juridiquement,le seul taux qui doit figurer sur le contrat d’emprunt est le Taux effectif global (TEG)106. LeTEG, défini par le décret du 4 septembre 1985 était « un taux annuel, proportionnel au tauxde la période, à terme échu, et exprimé pour cent unités monétaires. Dans tous les cas (…),sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directsou indirects ». Or le TEG faisait une impasse sur les surcoûts des montages infra-annuels.Par exemple, avec un taux d’intérêt de 1,5% par mois, le TEG affichait 18% alors que letaux actuariel se situait à 19,56%107.

Sous la pression de la Commission européenne, la France a dû conformer sa législation

avec celle de ses partenaires européens et adopter depuis le 1er juillet 2002 la mentiondu TAEG, soit le Taux annuel effectif global. C'est un taux actuariel, mais sa portée sur uncontrat indexé ou de produit structuré est limitée. Les prêteurs se contentent d’indiquer que« les parties conviennent que compte tenu de la spécificité du produit, le TAEG n’est pasdirectement calculable sur toute la période. A titre d’exemple, pour un Euribor 3 mois quiserait de 2,12% sur toute la durée du contrat, le TAEG s’établirait à 2,37% »108. Ce nouveauTAEG ne permet donc pas aux gestionnaires de dette de comparer des propositions entreelles.

Quelles seraient les solutions possibles pour discipliner les deux parties en présenceet rompre le cercle vicieux dans lequel elles sont entraînées ?

b) Les pistes à explorer ?105 Ibid., p.92.106 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.55.107 Idem.108 Idem.

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La complexification bancaire est la conséquence de la forte concurrence qui s’exerce surle marché des emprunts publics. Le prix des produits structurés est dissimulé par lesétablissements financiers, alors qu’un « prêt bancaire est un produit banalisé sur lequelle prix doit être le seul critère de choix, aucune différenciation de qualité ne [devrait]normalement intervenir »109.

Faudrait-il pour autant sonner l’hallali des produits structurés, songer à les interdire pouréviter que les collectivités ne subissent des marges éhontées ? Certains appellent de leursvœux que « l’Etat adopte (…) des mesures qui balisent le secteur bancaire »110. Plusieurspays de la zone euro ont décidé de circonscrire l’offre des établissements de crédit à certainsproduits. En Italie, les autorités ont opté pour une réduction du champ d’application, eninterdisant par exemple les « Snowball » ou des emprunts à barrière désactivante sur leLibor USD. Dans les états fédérés allemands, les emprunts en devises sont égalementinterdits111.

Par ailleurs, il existe des règles de plafonnement des frais financiers pour lescollectivités italiennes et les Communautés autonomes espagnoles. Le montant des intérêtsne doit pas excéder 25% des recettes de fonctionnement. Elles doivent donc effectuer desprévisions financières les plus fines pour éviter tout dérapage de leurs frais financiers.

Le système français apparaît donc beaucoup plus souple. Mais il serait dommaged’abandonner la totale liberté des emprunteurs de souscrire aux produits de leur choix, àcause des dérives de certaines banques.

L’idéal serait d’imposer que les établissements de crédit fassent preuve d’unetransparence absolue vis-à-vis de leurs produits, en faisant apparaître le taux actuariel,plutôt que le TEG qui ne permet pas de prendre en compte toutes les conditions financières,telles que la périodicité ou les bases de calcul. Les banques préciseraient la marge sur letaux de swap quelque soit la nature du prêt. Les collectivités pourraient aisément comparerles propositions entre elles et les produits structurés, dont l’image est ternie par l’opacitéde leur prix, ne souffriraient plus de la méfiance des collectivités. La concurrence joueraitpleinement et les marges se réduiraient petit à petit.

A défaut d’une telle réglementation, les collectivités pourraient être amenées àappréhender beaucoup plus finement la valeur de leur dette et éventuellement à constituerdes provisions « pour risque de taux ». Enfin, seul le recours à une mise en concurrencesystématique sur les produits structurés garantit la comparaison des marges des banqueset rend possible l’arbitrage du moins disant.

Vers une meilleure appréhension de la valeur de la detteLe risque de taux se définit comme une situation dans laquelle l’emprunteur, supporte

un aléa pouvant se traduire en fin de compte par un gain ou une perte. En d’autres termes,il est « le risque que fait courir la fluctuation ultérieure des taux d’intérêt au porteur d’unecréance ou d’une dette, actuelle ou future, pouvant ainsi provoquer une baisse du résultatd’un agent économique »112. Le risque de taux comprend :

109 Ibid., p.618.110 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.18.111 Prospeur, www.unilim.fr , in BLONDEL Ségolène, La non soumission au Code des Marchés publics, op.cit., p.34.112 Les 10 commandements de la dette, de PINHO Sandra, NYS Olivier, Fiche technique, 17/12/2005.

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un risque d’exploitation, c'est-à-dire le risque d’assister à une hausse des chargesou une baisse des produits financiers, mais également le fait de ne pas profiter d’uneopportunité de réduire les charges ou augmenter les produits ;

un risque de bilan, c'est-à-dire le risque de subir une hausse de la valeur de la dette,qui n’est pas mesuré, bien qu’existant.

Contrairement aux emprunteurs locaux, les entreprises ne sont pas touchées, outrès peu par le phénomène de complexification des offres. Elles sont soumises à desrègles comptables strictes et ne prennent pas le risque de s’exposer aux remarquesdes commissaires aux comptes sur les évaluations Mark to Market de leurs emprunts.Les normes de comptabilité internationales sont destinées à homogénéiser et clarifier lescomptes des entreprises. En 2005, les normes IFRS (International Financial ReportingStandards) se substituent aux normes IAS (International Accounting Standards) en vigueurdepuis 1973. Les entreprises sont soumises à l’obligation de procéder à l’évaluationrégulière de leurs produits bancaires, dénommée évaluation Mark to Market. Elles valorisentdonc le montant de la dette « à la casse », c'est-à-dire le montant pour lequel leur passifpourrait être éteint.

Les collectivités, quant à elles, ne sont pas tenues de valoriser leurs emprunts demanière bilancielle. Une dette dont le CRD s’élève à 50 millions d’euros peut tout aussi bienen valoir 10 millions de plus. C’est la raison pour laquelle les gestionnaires de dette doiventraisonner en valeur actuelle nette (VAN) des flux. Tout contrat, en cours ou potentiel, sedéfinit par des flux générés (intérêts et capital) au profit du prêteur. Le but du gestionnaireest de minimiser la VAN des flux d’emprunt pour chaque contrat, mais également pourl’ensemble de son encours. La VAN d’une dette est calculée point par point grâce à un tauxd’actualisation fonction de la courbe des taux113. Les responsables financiers estiment ainsila valeur « à la casse » de chacun de leur contrat. Plus la VAN est faible, meilleurs sontles contrat financièrement.

S’il ne faut pas vouer aux gémonies les produits structurés, les collectivités doiventadopter l’habitude systématique d’évaluer les contrats existants ou potentiels en calculantleur valeur actuelle nette. C’est un moyen leur permet ainsi d’estimer le montant réel etactualisé de leur encours.

Vers l’instauration de provisions ?Pour Michel Klopfer, les collectivités devraient prendre les mêmes précautions

comptables imposées aux organismes de comptabilité privée (SA HLM, OPAC, SEM)114.Les commissaires aux comptes leur imposent en effet de provisionner au 31 décembre lesvaleurs de marchés des opérations spéculatives. Aujourd’hui les instructions comptablesdes collectivités, les plus connues étant la M14 pour les communes, la M52 pour lesdépartements et la M71 pour les régions, ne font apparaître que les taux d’intérêt quis’appliquent au moment où le budget est voté. « Payer un taux d’intérêt entre 0% et 2%pendant 2 ans et le voir s’élever ensuite au dessus de 10%fausse les règles de rattachementà l’exercice de la M14 et des autres plans comptables »115.

Mettre en place des provisions « pour risque de taux » permettrait aux collectivités defaire face dans la mesure du possible à l’explosion des frais financiers en cas de dérapagedes taux. Cette gestion prudentielle serait donc plus que souhaitable. Les collectivités se

113 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.572.114 Il faut provisionner les bombes à retardement sur la dette, KLOPFER Michel, La Gazette n°1881, 09/04/2007.115 Il faut provisionner les bombes à retardement sur la dette, KLOPFER Michel, op.cit.

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prémuniraient contre un risque de taux fortement dégradé, sans pour autant se priver del’opportunité de souscrire à des produits structurés pouvant constituer des opportunités demarché.

Recourir à une mise en concurrence systématiqueSeule une mise en concurrence systématique sur les produits serait à même d’assainir

les pratiques des établissements de crédits. Ces derniers cherchent toujours à éviter cetteconcurrence afin de préserver leur position monopolistique et surtout de maîtriser la relation,selon eux privilégiée (!), qu’ils entretiennent avec la collectivité. Il est aberrant que plus unproduit est complexe et plus il échappe à une mise en concurrence ! Si une collectivitéenvisage de recourir à un ou plusieurs produits structurés dans l’optique de dégager desmarges de manœuvre sur les prochaines années ou de diversifier son encours, elle a toutintérêt à demander une cotation du produit par les établissements concurrents. Quoi queles banques puissent en dire, en multipliant les appels à la plus grande discrétion sur lesoffres qu’elles transmettent, l’ingénierie financière ne relève pas du régime de protectionde la propriété intellectuelle. Les produits ne faisant l’objet d’aucun brevet, sont souventtrès rapidement copiés et vendus par des banques concurrentes sous d’autres nomstout aussi exotiques. Le Dual CHF, indexé sur le cours de change EUR/CHF, initialementcommercialisé par Dexia, l’est aujourd’hui par la Caisse d’Epargne sous le nom d’Helvetix1,2 ou 3, selon les différentes générations du produit qui subit parfois quelques « liftings ».116

Une nouvelle circulaire inspirée de celle de 1992 ?Un chargé d’affaires de l’une des banques leaders du marché considère que les

autorités devraient s’inspirer de la circulaire de 1992, portant sur les modalités derecours aux produits dérivés de taux (swap, cap, floor),117 pour imposer une concurrencesystématique sur les structurés. La circulaire prévoit que les délibérations de l’assembléedélibérante doivent être étayées par l’analyse financière de l’opération envisagée, afind’évaluer les coûts/avantages selon plusieurs hypothèses de variation de taux. A la finde l’opération, le bilan doit être présenté à l’assemblée. La mise en concurrence d’aumoins deux établissements est rendue obligatoire et toute prime ou commission verséepar la collectivité doit au préalable avoir été fixée par délibération.118 De tels garde-fousn’existent pas pour les produits structurés, pourtant composés d’instruments de couverture.La nouvelle maquette de la M14 comprend uniquement la mention « indices ou devisespouvant modifier l’emprunt ».

La pérennité d’une tendance tournée vers des marges bancaires proches de zéro vasans doute se poursuivre quelques temps avant de connaître une normalisation, sous l’effetde Bâle II et de la reprise d’un cycle d’endettement. Les responsables en collectivités sespécialisent peu à peu, certains n’ayant d’ailleurs rien à envier à leurs homologues du privé.

Mais il ne faut pas écarter la possibilité d’une remontée significative des marges. SelonPatrice Chatard, Directeur général de Finance active, il suffirait d’un nouveau cas médiatiséde surendettement d’une collectivité, sous l’effet de « l’explosion » d’un produit structuré,pour affoler les autorités. Auquel cas, une interdiction pure et simple de ces produits, ouleur mise en concurrence systématique, sonnerait le glas des marges quasi nulles. Si les

116 Fin’actu n°113, La mise en concurrence sur les produits structurés, 4 décembre 2006.117 Circulaire n° NOR/INT/B/92/00260/C du 15 septembre 1992 relative aux contrats de couverture du risque de taux d’intérêt

offerts aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics.118 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.614.

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produits structurés sont prohibés, les banques seront contraintes de rehausser les margessur les produits classiques afin de maintenir la rentabilité de leurs fonds propres.

Néanmoins, dans l’hypothèse où cette situation ne se produirait pas, on ne saurait tropconseiller aux collectivités de veiller à assurer une mise en concurrence sur les produitsstructurés lorsqu’elles souhaitent y avoir recours. Les dérives du secteur appellent en effetà son nécessaire assainissement pour stopper la course effrénée à la vente à tout prix, età n’importe quel prix des produits structurés.

2. La place des marges bancaires dans une démarchede gestion dynamique de la dette

Si les collectivités s’attachent avec raison au prix de l’argent qu’elles empruntent, lanégociation du prix, ou de la marge, est loin d’être le seul levier d’une gestion optimalede la dette. A quoi bon gagner 1 point de base sur une ligne de trésorerie, si par ailleursla collectivité n’a pas su mettre en œuvre une « trésorerie zéro ». La proportion du tauxd’intérêt sera toujours nettement plus importante que celle de la marge dans le paiementdes frais financiers. Aussi, à défaut de pouvoir placer ses actifs, l’emprunteur public doitutiliser tous les leviers dont il dispose afin de gérer au mieux son passif.

Une gestion « active » de la dette ne se borne pas, comme le mettent souvent en avantles établissements de crédit, à réaménager systématiquement un encours. Elle s’inscritdans une démarche plus globale qui regroupe l’ensemble des techniques consistant àrationaliser la gestion de la dette. Les objectifs d’une gestion dynamique de la dette sontles suivants119 :

∙ la réduction des frais financiers ;∙ la simplification du mode de gestion de l’encours et la réduction du coût de ce

dernier ;∙ la réduction de l’exposition au risque de taux.

Toute mise en œuvre d’une gestion dynamique de dette repose sur le diagnostic préalablede l’existant. L’idéal serait d’instaurer un comité de gestion et de suivi qui déterminerait, àpartir de l’analyse de la situation financière actuelle et d’une analyse financière prospective,une « feuille de route » pour les années à venir ou le mandat. Ce comité serait composéde tous les niveaux de décision au sein de la collectivité, le directeur général des services,l’élu au finances ou encore le directeur financier et le responsable de la dette s’il y en a un,afin que les parties en présence s’accordent sur la stratégie à adopter. Ainsi toute banque,si tentée soit-elle de contourner un obstacle en frappant à la porte d’un autre organe, severrait rétorquer une réponse identique qu’elle que soit la personne rencontrée.

Les différents instruments d’une gestion dynamique de la dette seront dans un premiertemps exposés (A), avant de mettre en lumière la nécessité de diversifier son encours afinde réduire le risque de taux (B). Enfin, d’ultimes recommandations seront adressées auxgestionnaires de dette (C).

A- Les instruments d’une gestion dynamique de la dette119 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.575.

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Alors que les buts d’un réaménagement sont de réduire le taux de l’emprunt ou de déstockerde la dette pour atteindre un objectif de trésorerie zéro (a), le compactage et le lissage del’amortissement permettent de simplifier la gestion de l’encours (b).

a) Le remboursement anticipé (ou la renégociation) sources de réduction dutaux de l’empruntLe terme de remboursement anticipé est employé lorsque la collectivité est à l’origine del’opération, tandis que celui de renégociation s’applique à une opération laissée à l’initiativede la banque. Une renégociation se décompose en un remboursement anticipé d’une partet d’autre par en un refinancement simultané auprès du même prêteur120.

Un remboursement anticipé ne peut toutefois être décidé de manière unilatérale parla collectivité. Seul l’accord des parties permet l’opération, à la condition qu’il se fonde surune clause du contrat d’emprunt initial ou bien d’un avenant121. Si le contrat initial ne prévoitaucun remboursement anticipé, ou en interdit la réalisation, la collectivité ne peut envisagerqu’une renégociation commerciale. Si le contrat prévoit le remboursement anticipé avecou sans pénalité, alors la collectivité est soumise aux dispositions contractuelles. Toutréaménagement n’est pas « mauvais » en soit, même si les exemples développésprécédemment démontrent les pratiques abusives des banques. Il faut pouvoir dégagerl’opportunité ou non de procéder à un réaménagement d’un emprunt à taux fixe ou tauxindexé.

Réaménagement d’emprunts à taux fixeLe contrat initial d’un emprunt à taux fixe comprend bien souvent une compensation

financière pour le prêteur, destinée à indemniser le manque à gagner qu’il subit. En effet,il renonce à un prêt qui lui procure une rémunération supérieure à celle qu’il obtiendraiten reprêtant ses fonds à la date d’aujourd’hui. L’indemnité est forfaitaire (en % du CRD,ou en nombre de mois d’intérêts), ou actuarielle. Cette dernière neutralise l’opération deremboursement anticipé pour le banquier. Son principe repose sur la détermination d’un tauxd’actualisation dont la fixation est essentielle. Le taux de réemploi se définit comme le tauxauquel la banque replace les fonds remboursés précocement. Afin de rendre l’opérationneutre, il est égal au taux de refinancement122.

Le taux d’équilibre se définit comme le taux actuariel de placement de l’opération deremboursement anticipé. Il permet d’évaluer l’équilibre financier de l’opération, par rapportaux conditions de refinancement123, en prenant en compte le CRD et la pénalité actuarielle,le gain généré par les annuités non payées et la période.

Si le taux d’équilibre est supérieur au taux de refinancement l’opération est gagnanteet à l’inverse la collectivité constate une augmentation de son annuité. Si le taux d’équilibreégale le taux de refinancement, l’opération est neutre financièrement.

Réaménagement d’emprunts à taux indexé

120 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.577.121 Circulaire NOR/INT/B/92/00212/C du 6 août 1992 relative au remboursement anticipé des emprunts des collectivités locales

et de leurs établissements publics, in Gestion de dette, Quelle stratégie adopter ?, Fédération des Maires des Villes moyennes, op.cit. ,p.56.

122 BARBASTE Patrick, NYS Olivier, STAHL Luc, La gestion de la dette et de la trésorerie, op.cit., p.183.123 Ibid. p.582.

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Lorsqu’une banque adosse les marges des prêts qu’elle consent sur des indicesstandards ou naturels, tels que l’Euribor pré-fixé, le T4M ou le TAM post-fixés, sonfinancement interne est censé être également adossé pour chaque période d’intérêts. Engénéral, ces contrats peuvent être remboursés par anticipation et sans pénalité à chaqueéchéance. L’intérêt de la collectivité réside en la négociation à la baisse de la margeappliquée par la banque, afin d’aligner au plus près sa marge actuelle à celle du marché. Illui suffit alors d’agiter le spectre d’un remboursement anticipé pour que la banque se décideà faire une proposition en son sens.

Les réaménagements de marges non adossées sont plus complexes. Ils concernentles index artificiels, c'est-à-dire des index facturés ou fixés d’une manière différente dufonctionnement de l’indice d’origine. Par exemple, les produits structurés qui incorporentdes swaps et/ou des options ne peuvent qu’être rachetés à leur prix du jour. Ce rachatcorrespond ainsi à une indemnité de marché facturée ou versée à l’emprunteur. Plusun produit se rapproche d’une barrière et plus le réaménagement sera coûteux pourl’emprunteur s’il est vendeur d’un cap.

b) Le compactage des emprunts et le lissage de l’amortissementUn état de dette qui comprend des dizaines, voire des centaines de lignes rend salecture peu aisée. Le suivi des emprunts et les opérations de mandatement génèrentdes surcoûts de gestion, tant pour la collectivité que pour le prêteur. Ce dernier prendsouvent l’initiative de mener une opération de compactage de lignes. Compacter plusieurscontrats en un seul consiste à regrouper des emprunts qui ont la même durée de vierésiduelle. L’annuité finale est l’addition des annuités des emprunts initiaux. Le taux d’intérêtest quant à lui déterminé par un calcul financier à partir des éléments propres à chaqueemprunt (annuité, échéance, solde à rembourser). Les avantages d’un reprofilage sontessentiellement pratiques puisqu’il facilite la gestion administrative des emprunts. Mais siplusieurs contrats de durées résiduelles différentes sont empilés, alors le rallongement del’échéancier peut avoir un coût financier pour la collectivité.

Le compactage est généralement couplé avec d’autres opérations, telles que ladiversification ou le reprofilage de la dette, c'est-à-dire le lissage de l’échéancier del’amortissement124.

Les trois types d’amortissement ci-dessous sont les plus courants.

∙ L’amortissement in fine consiste à rembourser la totalité du capital en une seule fois àla fin de la durée de vie de l’emprunt.

∙ L’amortissement linéaire, ou constant, correspond au remboursement à chaqueéchéance d’un même montant en capital, qui est donc remboursé plus rapidement.Les annuités sont dégressives.

∙ L’amortissement progressif consiste à payer un montant identique, l’annuité(capital et intérêts), à chaque échéance. La part du capital amorti augmenteprogressivement à chaque échéance. Les frais financiers sont supérieurs à ceux d’unprofil d’amortissement constant.

Lisser infra-annuellement l’échéancier d’une dette revient à harmoniser son relief, c'est-à-dire les « pics » et les « creux ». Le calendrier des échéances étant souvent déséquilibré,il nuit à l’équilibre de la gestion de trésorerie. Le graphique ci-dessous est l’échéancier des

124 Gestion de dette, Quelle stratégie adopter ?, Fédération des Maires des Villes moyennes, op.cit. , p.60.

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emprunts pour 2008 d’une ville de plus de 100 000 habitants. Il présente un « pic » importanten fin d’année et se traduit par un décaissement de trésorerie considérable.

Source : Finance active

Pour y remédier, il est possible de décaler certaines échéances au cours de l’exercice,ou de faire en sorte que les échéances des nouveaux emprunts ne soient pas les mêmesque celles des emprunts existants. De même, le lissage pluri-annuel permet de décaler deséchéances annuelles vers l’amont ou l’aval

B- Une diversification de l’encours nécessaire pour réduire le risquede taux

Tout emprunt implique un risque de taux pour la collectivité. Il se traduit comme un manqueà gagner, si la collectivité ne profite pas d’une baisse des taux étant endettée à taux fixe,ou comme une perte en cas d’évolution haussière des taux sur lesquels elle est indexée.L’emprunteur public se doit de diversifier son encours afin de réduire le risque de taux (a), enrecourant éventuellement à des produits dérivés de taux ou à des émissions obligataires (b).

a) Diversification de l’encours : trouver une juste répartition selon la naturedes empruntsL’appréhension du risque de taux vise à maîtriser le coût de sa dette. Tout recours àl’emprunt comporte un risque de taux, même s’il n’est pas toujours perçu par la collectivité.Il peut se traduire par une perte d’opportunité et non une perte financière immédiate, sil’emprunteur à taux fixe ne bénéficie pas d’une période de baisse des taux.

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Le risque de taux peut être couplé avec un risque de change en cas de recours à unedevise étrangère. Celui-ci se définit comme étant le risque de perte lié à la volatilité dela parité d’une devise étrangère vis-à-vis de l’euro.125 En pratique, un emprunt en devisesimplique la conversion en euro, à chaque échéance, des flux d’amortissement du capitalet d’intérêts, quel que soit le type d’index retenu pour le calcul des intérêts. Il est conseilléaux collectivités de réaliser des provisions pour risque de change, afin qu’elles se couvrentcontre l’incertitude liée à ces emprunts en devises.

Beaucoup de maires ou responsables financiers ont pris l’habitude par le passé degérer leur dette en « bons pères de famille », écartant les taux indexés ou les solutionsa priori les plus risquées, pour ne garder que les taux fixes classiques. Aujourd’hui, lesemprunts à taux fixe assurent pour l’essentiel la sécurisation de la dette, notamment s’ils ontété contractés aux niveaux très bas de ces dernières années. A la nécessaire sécurité doits’ajouter une part de souplesse dans un encours. Il n’y a pas de répartition idéale entre tauxfixes et taux variables. Il est néanmoins conseillé de procéder à une équitable répartitionentre les taux fixes et taux variables dits « classiques » et les stratégies de diversificationsources de bonification et d’optimisation, tout en ayant bien conscience du risque qu’ellesfont peser sur les frais financiers en cas de dérapage.

Ce graphe indique le risque de taux d’une commune. Les emprunts « classiques » sontceux qui sont contractés à taux fixe fort ou taux variable fort, représentant respectivement47% et 24% de l’encours global. Les taux fixes et taux variables faibles sont sources dediversification à hauteur de 12% et 17% de l’encours.

125 Gestion de dette, Quelle stratégie adopter ?, Fédération des Maires des Villes moyennes, op.cit. , p.66.

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Le recours aux produits structurés s’est généralisé, sous la pression des établissementsde crédit qui les mettent en avant lors des opérations de réaménagement ou de nouveauxfinancements.

Une enquête réalisée auprès de 246 collectivités (régions, départements, villes de plusde 100 000 habitants et groupements intercommunaux de plus de 150 000 habitants),souligne que la part des produits structurés dans les encours a sensiblement augmenté.

Source : La Lettre du Financier territorial 126

Ils font désormais partie du quotidien des emprunteurs publics. Les villes et lesdépartements semblent plus sensibles aux produits structurés que les régions, même si ladifférence tend à s’atténuer progressivement.

D’après la même enquête, les produits structurés se développent eu sein de l’encoursà taux variable et dans une moindre mesure dans l’encours à taux fixe.

Source : La Lettre du Financier territorial 127

L’Euribor post-fixé est talonné de près par les stratégies de pente, suivies par lesemprunts sur des indexations étrangères. Les fixings des instruments de couverture (achatde cap, cap à barrière et éventuellement vente de floor) devraient être intéressants en 2007.Avec la remonté des taux, l’Euribor se situe dans la zone où le taux est « capé » et cesemprunts sont aujourd’hui valorisés.

126 Stratégie d’endettement, KEBE Isabelle, MOULIN Anne-Gaël, La Lettre du Financier territorial, Fiche technique, février2007, p.5.

127 Stratégie d’endettement, KEBE Isabelle, MOULIN Anne-Gaël, op.cit., p.5.

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Source : La Lettre du Financier territorial 128

Les formes les plus courantes de produits structurés sont les taux fixes à barrière« classique » (vente d’un cap à barrière activante) ou avec une stratégie de pente.

b) Les outils complémentaires : produits dérivés de taux et émissionsobligatairesLes produits dérivés de taux

Les produits dérivés de taux comprennent d’une part les instruments à terme quimodifient un taux (swaps), et les options (caps, floors, collars), qui sont des outils decouverture du risque de taux. Une opération est dite de couverture lorsqu’elle conduit àréduire l’incertitude de l’emprunteur et le protège contre un dérapage des taux. Nous nereviendrons pas sur les contrats d’échange de taux, les swaps, qui ont déjà fait l’objetd’une description dans la seconde partie. En revanche, il est intéressant de s’arrêter sur lesdifférentes options auxquelles un emprunteur peut avoir recours, le cap, le floor et le collar.

∙ Un cap se définit comme une option d’assurance grâce à laquelle l’emprunteur segarantit, pour un montant et une période donnés, un taux d’intérêt ou taux plafond (lestrike). Contre le versement d’une prime, il détermine à l’avance le taux maximum deson endettement, tout en se gardant la possibilité de profiter d’une baisse des taux.Ce montage permet d’associer la souplesse d’un index révisable et la sécurité d’untaux plafond.

∙ Un floorest également une option d’assurance, qui permet à son acheteur, moyennantle versement d’une prime, de se protéger contre une baisse des taux au-delà d’unseuil fixé. Cette stratégie est le plus souvent celle du prêteur.

128 Ibid., p.7.

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∙ Un tunnel, ou collar, est la combinaison de l’achat d’un cap et de la vente d’un floor.L’emprunteur à taux variable protège sa dette contre un risque de hausse des taux,tout en réduisant le coût de sa couverture grâce à la vente d’un floor qui lui permet detoucher une prime. Les taux d’exercice du cap et du floor déterminent les bornes dece tunnel.

Il n’est pas bon de souscrire une option à n’importe niveau et à n’importe quel moment. Uncap sur Euribor à 5,50% a pu s’avérer perdant sur la période 1996-2006 car le taux initialn’a pas connu d’accident. A l’inverse, il vaut mieux s’endetter à taux fixe si les marchés sontfortement haussiers : le prix de la sécurisation en achetant un cap serait alors très coûteux.

Le prix des options se rapproche de celui des swaps, étant également des produitsdérivés de marché. Les marges sont comprises entre 5 à 20 points de base et dépendent deparamètres tels que le niveau du strike et le type d’index utilisé (domestique ou étranger).Plus une collectivité souhaite se garantir un taux plafond bas, surtout en période de remontédes taux, et plus la prime versée sera élevée.

Les émissions obligataires : accès direct aux marchés de capitauxLes collectivités ont également la possibilité de recourir au financement externe direct,

par des émissions obligataires. Alors que ce mode de financement est très répandu cheznos voisins allemands ou italiens, seules quelques dizaines de collectivités françaises l’ontadopté. Cela tient sans doute au fait que le marché bancaire en France est très compétitif.

Certains déconseillent le recours aux émissions obligataires, et ce pour plusieursraisons. Une émission obligataire peut comporter tout d’abord de nombreux frais,129 généréspar le recours à des agences de notation et à des avocats. Par ailleurs la charge de travailest sans commune mesure avec celle d’une consultation bancaire, qui permet aujourd’huid’obtenir des marges quasi nulles. Dans le cadre d’une émission obligataire, les marges

129 Fin’actu n° 142, Les émissions obligataires restent rarement compétitives, 25 juin 2007.

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dépendent de la note obtenue et ne sont pas forcément aussi compétitives que cellesqui sont proposées dans le cadre d’un appel d’offre. De plus, les émissions obligatairesmanquent de souplesse. Les renégociations de marges et les remboursements anticipéssont presque impossibles.

L’enjeu est surtout la communication financière, puisqu’une excellente notation seragage d’une très bonne solvabilité et d’une saine gestion des finances.

Néanmoins, les marges sont des marges de marché et restent beaucoup pluscompétitives que celles des produits structurés. Une communauté urbaine a procédérécemment à une émission obligataire groupée et a obtenu une marge de 2 points de base.Le niveau des marges proposé dépend vraiment ici de la solvabilité des emprunteurs.

Une collectivité peut enfin recourir à des billets de trésorerie pour un financement courtterme (moins d’un an).

Si la composante prix dans les taux payés doit absolument être prise en compte parles emprunteurs publics, elle ne doit pas occulter les multiples dimensions que recouvreune gestion active de la dette. Mener une gestion dynamique de son encours, s’est en effetveiller à diversifier les indexations et opter pour un arbitrage entre sécurité et souplesse,alliant les taux fixe aux taux variables, les index post et pré-fixés, monétaires et obligatairesetc., mais aussi à lisser son profil d’amortissement et simplifier la gestion quotidienne de ladette en adoptant un plan de trésorerie.

C- Ultimes recommandations adressées aux gestionnaires de la detteQuelques recommandations peuvent enfin être formulées à l’encontre des responsablesfinanciers en collectivité. Dans le contexte concurrentiel du marché français, tourné versune complexification croissante, la tentation est grande de choisir des produits rendusattractifs par une stratégie marketing ultra développée. Le gestionnaire de la dette, ou dumoins le responsable des finances, devra s’approprier la relation qu’il entretient avec sesbanques partenaires et maîtriser cette relation plutôt que de la subir. Evitons toute candeur,le banquier n’agit pas par angélisme, mais par intérêt. Il aura toujours quelque chose àvendre et même davantage si les marges sur les produits classiques, déjà proches de zéro,poursuivent leur dégringolade et sombrent dans les tréfonds des chiffres négatifs.

a) Définition et expression préalables du besoinMaîtriser la relation avec son banquier suppose la définition au préalable d’une stratégied’endettement faisant consensus au sein de la collectivité. L’étape de la rédaction ducahier des charges dans le lancement d’une nouvelle consultation est primordiale. Mêmeavec un bon cahier des charges initial, les banques ne manquent pas de soumettre desproduits les mieux à même de générer une forte rentabilité, c'est-à-dire des produits auxmarges illisibles. Elles ont une fâcheuse tendance à proposer des produits autres que ceuxdemandés. Elles jouent en effet leur va tout et sortent les derniers nés de leur ingénieriefinancière, sans se préoccuper de leur pertinence pour le client. Si le cahier des chargesne permet pas totalement aux collectivités d’éviter la multiplication des offres souventdécousues qui leur parviennent, il permet dans une certaine mesure d’en endiguer le flot.Son avantage est surtout de susciter une réflexion sur la stratégie à adopter au sein de lacollectivité et d’éviter hésitations et incertitudes quant à la conduite à tenir par la suite.

Un bon cahier des charges doit au moins comprendre les indications suivantes :

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∙ le ou les objet(s) de la consultation ;∙ le montant de l’emprunt et le point de départ de l’amortissement, ainsi que sa

durée années, en précisant éventuellement le besoin de recourir à une période demobilisation des fonds ;

∙ le type de contrat désiré : taux fixe, taux variable (mono-index ou multi-index),caractère revolving ou non du contrat, produits structurés...

L’emprunteur pourra également demander que les bases de calculs, frais et commissionsdiverses, ou les marges sur taux de swap soient systématiquement indiquées sur les offres,ou encore demander des cotations définitives et non indicatives pour les taux fixes. Il estde plus important de faire préciser le délai des validités des offres et réclamer que soientjoints les projets de contrats avec celles-ci.

La collectivité pourra enfin se fixer un objectif de marge, en se renseignant auprèsde collectivités de même strate pour estimer quel niveau de marge elle serait en droit denégocier.

b) Le décryptage et le dépouillement des offresLes établissements financiers et les responsables en collectivités le reconnaissent eux-mêmes, les emprunteurs publics locaux ne sont pas des spécialistes des marchés financierset ne maîtrisent pas les rouages complexes des montages qui leur sont proposées. Auquelcas, l’emprunteur ne doit pas hésiter à s’entourer de conseils nécessaires au décryptageet la mise en lumière, de toutes les subtilités sur lesquelles une personne non avertie nese serait pas arrêtée. Le recours à des cabinets de conseil s’est peu à peu développé cesdernières années, même si la démarche n’allait pas de soi à l’origine. Pour quelles raisons ?Parce ce que la gestion de la dette n’était pas une préoccupation majeure, alors qu’elletend à le devenir aujourd’hui. Avec les incertitudes pesant sur l’évolution des dotations del’Etat et de la fiscalité territoriale, la place de l’emprunt comme recette d’investissement vaprobablement progresser dans les années à venir, sous le poids des transferts massifs decompétences.

Aujourd’hui, les gestionnaires territoriaux se spécialisent peu à peu et se font épaulerpar des cabinets de conseil. Il leur est recommandé la plus grande vigilance notamment surle coût financier des réaménagements qui leur sont régulièrement proposés. Ils sont mieuxà même de recalculer une marge que le banquier a pris soin de dissimuler. La gestion desdeniers publics implique de payer un prix raisonnable correspondant à une prestation deservice. Il est par conséquent indispensable de toujours veiller à ramener le prix à un indexde référence, comme l’Euribor sur la courbe interbancaire des swaps. 130

Conclusion de la dernière PartieLe durcissement de la concurrence, qui pousse les banques à afficher des marges toujoursplus minces sur les nouveaux financements, se traduit par une détérioration progressive dela relation de prêteurs à emprunteurs. Les prêteurs cherchent et parviennent à restaurerune rentabilité globale, mais au prix de la confiance des collectivités. Les avis sont partagésquant à la poursuite ou l’inversion de la tendance. Les responsables financiers sont en effetde plus en plus conscients des pratiques parfois abusives de certains de leurs interlocuteurs

130 Les 10 commandements de la dette, de PINHO Sandra, NYS Olivier, op.cit.

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et prennent davantage de recul vis-à-vis de leurs discours. Le nouveau dispositif prudentielde Bâle II pourrait également avoir un impact à terme sur les stratégies des banques,pouvant être amenées à revoir leurs marges sur les clients qui présentent un risque dedéfaut de paiement supérieur.

Le calcul du prix de l’argent, c’est à dire l’évaluation de la marge bancaire, est uneétape incontournable pour les gestionnaires de dette, mais ne doit pas occulter les autresaspects liés à une gestion dynamique de la dette. Les responsables financiers disposenten effet de multiples instruments et leviers pour optimiser leur encours, réduire le montantdes frais financiers et l’exposition au risque de taux, et simplifier leur gestion quotidienne.Enfin, rigueur et vigilance sont de mise dans un domaine aussi opaque que celui de la dette.Etre un bon gestionnaire est aussi éventuellement reconnaître ses limites et le besoin d’uneaide extérieure pour décrypter les montages financiers et faire ressortir la marge bancaire.Regarder et négocier le prix d’un produit est essentiel pour qui veut gérer les deniers publics.

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Conclusion générale

« Quel est l’intérêt de votre mémoire ? » m’interpelle l’un des banquiers interrogés. « Lescollectivités ne sortent-elles pas gagnantes de cette course à la baisse des marges ? ». Il estindéniable que les emprunteurs publics locaux ont, pour une large majorité, été les heureuxbénéficiaires de la forte concurrence qui a joué sur le marché des prêts aux collectivités.L’intérêt de cet exposé réside dans l’explication des facteurs ayant conduit à une tellesituation, mais également et surtout à la mise en lumière de son impact sur la gestion de ladette publique et sur les relations entre banques et collectivités.

L’effondrement des marges bancaires est une réalité pour les collectivités françaises,des plus grandes aux plus petites. Mais cet effondrement apparent cache une toutautre réalité : de prêteur, le banquier s’est converti à un métier de réaménageur, enprétextant agir dans un but de gestion dynamique de la dette. Les collectivités se voientproposer de nouveaux produits structurés, dont la complexité appellerait à une transparenceabsolue. Pourtant, les stratégies restent souvent inopportunes et les marges faramineusesdissimulées. Là où les banques perdent 5 points de base en répondant à une consultation,elles gagnent par la suite 10 fois plus par l’application d’une nouvelle marge non soumise aujeu concurrentiel. Alors oui, les collectivités bénéficient de marges quasi-nulles au départ,mais à quel prix ? Au prix du renoncement à leur tranquillité avec les relances de plus enplus fréquentes de leurs interlocuteurs et au prix de l’achat de produits pouvant se traduirepar la suite par une hausse de leurs frais financiers et une exposition accrue au risque detaux. Il est probablement plus pertinent d’évoquer aujourd’hui l’érosion de la confiance descollectivités, plutôt que l’érosion des marges bancaires.

L’intérêt de cet exposé est aussi de souligner la manière par laquelle certainsétablissements de crédit n’hésitent pas à jouer avec les deniers publics pour restaurer unerentabilité globale, en profitant de la crédulité ou du manque d’information des responsablesfinanciers. C’est pourquoi il serait souhaitable de rompre le cercle vicieux dans lequelbanques et collectivités sont entraînées, d’autant plus que les collectivités seront amenéesà dégager de nouvelles marges de manœuvre dans un contexte de décentralisation et detransfert de compétences.

Le banquier reste un banquier et quoi qu’il dise, il aura toujours quelque chose à vendre.C’est au gestionnaire de la dette de définir sa propre stratégie de gestion dynamique del’encours et de veiller à recalculer le prix des produits qu’on lui soumet.

« Vers l’Orient compliqué je volais avec des idées simples »131 déclarait De Gaulle dansses Mémoires de Guerre. Aux collectivités de se fixer un cap, une ligne de conduite, et des’y tenir.

131 KLOPFER Michel, Gestion financière des collectivités locales, op.cit., p.631.

Bibliographie

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Documents Finance active

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Fin’actu n° 65, Rembourser par anticipation nuit-il aux relations avec le prêteur ? 19décembre 2005.

Fin’actu n° 73, Le réaménagement de produit de pente vers des stratégies de change,13 février 2006.

Fin’actu n° 75, Les ratios Cooke et Mac Donough, 27 février 2006.

Fin’actu n° 80, Les marges peuvent-elles encore baisser ? 3 avril 2006.

Fin’actu n° 86, Le choix du spread de CMS, 15 mai 2006.

Fin’actu n° 89, Rejetez les propositions liées (multi-index + structuré) !, 5 juin 2006.

Fin’actu n° 96, Cartographie des produits structurés : ratio risque/bonification, 24 juillet2006.

Fin’actu n° 102, Fixia (Dexia), un produit désactivant à levier, 18 septembre 2006.

Fin’actu n° 108, Quelques éléments pour relativiser le discours des « prêteurs-réaménageurs », 30 octobre 2006.

Fin’actu n° 111, Commission de non utilisation, clause de renonciation et de révocation,20 novembre 2006.

Fin’actu n° 113, La mise en concurrence sur les produits structurés, 4 décembre 2006.

Fin’actu n° 118, Les indexations conditionnées au change EUR/CHF », 8 janvier 2007.

Fin’actu n° 121, Opération de couverture, opération spéculative, 29 janvier 2007.

Fin’actu n° 142, Les émissions obligataires restent rarement compétitives, 25 juin 2007.

Articles

La Gazette des Communes, des Départements et des Régions

Quand la notation devient un outil de communication financière, BOYER Bénédicte, LaGazette n°1445, 16/03/1998.L’impact de l’euro sur la gestion de la dette, La Gazetten° 1446, 23/03/1998.

Gestion active de la dette : la rentabilité démontrée d’une technicité raisonnée, LaGazette n°1556, 26/06/2000.

Modification du ratio Cooke et billets de trésorerie : quelles incidences sur lefinancement des collectivités locales ? KLOPFER Michel, La Gazette, n°1584,12/02/2001.

Une nouvelle donne pour le financement des collectivités ?,DOYEN Yann, GIRARDPierre, Groupe Caisse d’Epargne, La Gazette, n°1841, 05/06/2006.

Emprunts : accepter une juste marge, NYS Olivier, La Gazette n°1857, 16/10/2006.

Bibliographie

de Marqueissac Caroline - 2007 85

Les contrats d’emprunt, La Gazette n°1867, 01/01/2007.

Il faut provisionner les bombes à retardement sur la dette, KLOPFER Michel, LaGazette n°1881, 09/04/2007.

Fiches pratiques financières de la Lettre du Cadre territorial

Le coût du financement (1), BUFFY Thierry, La Lettre du Cadre territorial, Fichepratique financière n° 26, février 2001.

Du bon usage des produits structurés, GUYON Laurent, La Lettre du Cadre territorial,Fiche pratique financière n° 45, janvier 2003.

Réaménagements : les pièges à éviter, de PINHO Sandra, DERVAL Vincent, La Lettredu Cadre territorial, Fiche pratique financière n° 59, mai 2004.

Les produits de pente en CMS, de PINHO Sandra, DERVAL Vincent, La Lettre duCadre territorial, Fiche pratique financière n° 74, décembre 2005.

Comment expliquer la baisse des marges bancaires ?, ASHER Sarah, La Lettre duCadre territorial, Fiche pratique financière n° 89, mai 2007.

La Lettre du Cadre territorial

Banques-collectivités : des comptes…à régler ! de PINHO Sandra, La Lettre du Cadreterritorial, n°333, 01/03/2007.

Autres

Les 10 commandements de la dette, de PINHO Sandra, NYS Olivier, Fiche technique17/12/2005.

Stratégie d’endettement, KEBE Isabelle, MOULIN Anne-Gaël, La Lettre du Financierterritorial, Fiche technique, février 2007.

Sites Internet

http:// www.dgcl.interieur.gouv.fr

http:// www.territorial.fr

http:// www.lagazettedescommunes.com

http://doc-iep.univ-lyon2.fr/

http://www.unilim.fr

Site du « Premier Réseau Ouvert sur les services Publics en EURope » (Propeur).

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

86 de Marqueissac Caroline - 2007

http://www.dexia-clf.fr

Premier trimestre 2007à nouveau de bons résultats, Communiqué de presse, 23 mai2007.

http://www.lecho.be

http://www.credit-agricole.sa.fr

http://www.ir.socgen.com/fr/ratings/asp

http://www.financeactive.com

http://fr.wikipedia.org

Annexes

de Marqueissac Caroline - 2007 87

Annexes

GlossaireA

ArbitrageC'est une opération qui consiste à choisir parmi plusieurs taux d'intérêt disponibles. Les

arbitrages de taux peuvent concerner par exemple le choix entre taux fixe et taux variable,le choix d'un index parmi la palette disponible sur un contrat multi-index, etc.

BBase de tauxLa base rentre dans le cadre du calcul des intérêts d'un emprunt. Il existe 2 principales

bases de calcul. La base exact/360 est la base utilisée pour les produits de marchés, lesemprunts en Euribor, et les produits structurés. La base 30/360 (ou exact/exact) est la plusutilisée pour les emprunts à taux fixe. Dans les cas où les offres font apparaître des basesdifférentes, il convient pour les comparer de les ramener à un étalon : le taux actuariel (soitun taux annuel exact/exact).

CCapC'est une option de taux protégeant contre la hausse de l'index retenu. Contrat de

couverture du risque de taux d'intérêt, le cap permet de se prémunir contre une hausse destaux d'intérêt au-delà d'un seuil prédéfini. Si le taux d'intérêt constaté dépasse ce seuil, leco-contractant verse à l'acheteur du cap la différence entre le taux de marché et le tauxplafond, rapportée au montant du capital de référence. Le prix du cap s'appelle la prime.

Capacité de désendettement (CDD)Principal ratio de solvabilité. Elle se mesure par le rapport suivant : Encours de dette /

Épargne brute. La capacité de désendettement (exprimée en années) correspond à la duréenécessaire pour rembourser complètement sa dette en y consacrant la totalité de l'épargnedégagée.

Charges financièresLes charges financières correspondent à la rémunération des ressources d'emprunt.

Elles dépendent donc du niveau de l'endettement et des taux d'intérêt.Collar (ou tunnel)Contrat de couverture du risque de taux permettant d'encadrer la charge des frais

financiers entre un maximum et un minimum en cas de variation des taux sur les marchésfinanciers. C'est la combinaison de l'achat d'un cap et la vente d'un floor. Le tunnel à primenulle permet de ne pas régler de prime.

Cotation

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

88 de Marqueissac Caroline - 2007

Il y a cotation d'un titre lors de son admission sur un marché financier. Sa valeur estdéfinie par le marché. L'intérêt de la cotation d'une société est double : elle permet d'avoiraccès au marché de capitaux (tant pour l'entreprise qui peut y lever des fonds que pourles actionnaires qui y trouvent une liquidité pour leurs actions) et d'extérioriser la valeurde l'entreprise. La cotation des taux d'intérêt est le reflet des échanges sur le marchéinterbancaire.

Courbe des swapsElle reflète les conditions de financement du marché interbancaire en fonction des

durées de financement. Elle sert notamment de référence pour les index CMS (ConstantMaturity Swap).

Courbe des tauxFormée par l'interpolation des OAT, elle reflète le niveau des taux d'intérêt sur le marché.

La courbe des taux permet de visualiser la relation existante entre les valeurs des tauxd'intérêt et les durées. La courbe est généralement croissante du fait de l'existence d'uneprime de risque (taux longs supérieurs aux taux courts). Cependant, cette courbe peuts'inverser notamment quand les opérateurs anticipent une baisse de l'inflation.

DDurée de vie moyenneIl s'agit de la vitesse moyenne de remboursement du prêt (exprimée en année). La

durée de vie moyenne est la durée nécessaire pour rembourser la moitié du capital restantdû d'une dette, compte tenu de son amortissement. La DVM = somme des (Ci x i) / sommedes Ci où : Ci représente le capital amorti la i-ème année.

Durée de vie résiduelleLa durée de vie résiduelle (exprimée en années) est la durée restant avant l'extinction

totale de la dette ou d'un empruntEEmpruntLes capitaux d'emprunt sont les ressources apportées à l'entreprise par des prêteurs et

non par les actionnaires. En contrepartie de cet apport, l'entreprise s'engage à verser desflux de remboursement et de rémunération indépendants de l'évolution de l'exploitation.

EncoursL'encours de dette représente le capital de l'ensemble des emprunts contractés restant

à rembourser.Eonia(European Overnight Index Average) ou TEMPE en français (Taux Européen Moyen

Pondéré en Euros) désigne un taux effectif représentant le taux moyen des opérations aujour le jour sur le marché interbancaire, en euro, pondéré par le montant des opérationstraitées. L'échantillon des banques qui fournissent les données est le même que celui del'Euribor.

Epargne brute et taux d'épargne brute= [Recette réelles de Fonctionnement] - [Dépenses Réelles de fonctionnement intérêts

compris] correspond à [Épargne de gestion + les intérêts de la dette]. L'excédent contribueau financement de la section d'investissement. Schématiquement, l'épargne brute d'une

Annexes

de Marqueissac Caroline - 2007 89

collectivité locale peut être rapprochée de la capacité d'autofinancement d'une entreprise.Le taux d'épargne brute se définit comme le rapport de l'épargne brute aux recettes réellesde fonctionnement. Il est exprimé en pourcentage.

Épargne de gestion= [Recettes réelles de fonctionnement - (Dépenses réelles de fonctionnement (intérêts

non compris))]Épargne nette= [Épargne brute - amortissement en capital de la dette]EuriborL'Euribor (Euro Inter Bank Offered Rate) désigne le taux moyen offert sur le marché

interbancaire de la zone Euro, pour des échéances de 1 à 12 mois. Ce sont desindicateurs de conditions de taux d'intérêt. Moyenne arithmétique sans pondération des tauxcommuniqués par un échantillon de 57 établissements de la zone Euro de premier rang,après élimination des 15% des banques les plus élevées et des 15% les plus basses.

IIndemnité actuarielleIndemnité destinée à compenser le coût d'opportunité pour le prêteur en cas de

remboursement anticipé de l'emprunteur.Indicateur de penteLa comparaison des références court terme (Euribor) et long terme. Cet indicateur

permet d'évaluer la pertinence des stratégies pré ou post-fixé dans la gestion de la detteà taux variable.

Inflation (Hors tabac)Le taux d'inflation hors tabac est calculé avec l'Indice des Prix à la Consommation.

L'IPC est une mesure synthétique de l'évolution de prix des produits, à qualité constante.L'IPC Hors Tabac couvre l'ensemble des biens et services consommés sur le territoire (horstabac).

ICNELes intérêts courus non échus sont la fraction des intérêts annuels écoulés sur un

exercice comptable donné. Ce calcul est utilisé, lorsque les emprunts courent sur plusieursexercices budgétaires. Par exemple si un emprunt court du 01/09/2005 au 01/09/2006, lesICNE au 31/12/2005 représentent le montant des intérêts courus de cet emprunt entre le01/09/2005 et le 31/12/2005. Les ICNE sont calculés en nombre de jours exacts (base exact/exact).

LLiborLe Libor (London Interbank Offered Rate) désigne le taux moyen offert sur le marché

interbancaire de Londres, pour des échéances de 1 à 12 mois. Moyenne arithmétiquearrondie au 1/16 de 12 taux pratiqués par 16 banques de Londres après élimination des4 cotations les plus élevées et des 4 cotations les plus basses. Le LIBOR est associé àplusieurs devises: l'Euro (Libor EUR), le Dollar américain (Libor USD), la Livre Sterling (LiborGBP), le Yen (Libor JPY), le Franc Suisse (Libor CHF), le Dollar canadien (Libor CHD), etle Dollar australien (Libor AUD). Caractéristiques : 5 décimales, publié chaque jour à 11

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

90 de Marqueissac Caroline - 2007

heures (heure britannique) à Londres par la British Bankers Association (B.B.A), en baseEx / 360, intérêts préfixés.

Livret ALa formule de calcul de l'index est la suivante : Index = (Inflation + Euribor) / 2 +

0.25% Avec : Inflation : IPCH (indice des prix à la consommation hors tabac) Franceen glissement annuel (consultable sur la page http://www.aft.gouv.fr/oat/oati/fr/ipc.html).Euribor : moyenne des Euribor 3 mois du mois précédent La valeur obtenue est arrondie à0.25%, au plus proche. À noter que la Banque de France sera toutefois chargée de garantirque la rémunération de l'épargne reste supérieure à l'inflation et pourra procéder à desajustements semestriels.

MMarché dérivéLes marchés dérivés sont des marchés sur les marchés. Ils permettent de gérer

les risques associés aux fluctuations des cours, des taux ou des changes. En outre, ilspermettent de prendre des positions importantes à l'achat ou à la vente avec une mise defonds limitée. Les marchés à terme et les marchés optionnels sont des marchés dérivés.

Marché financierLes marchés de capitaux permettent la rencontre entre les agents économiques ayant

un excédent de capitaux et les agents ayant des besoins de financement. Concrètement, lesentreprises s'adressent aux investisseurs des marchés de capitaux par l'émission d'actions,d'obligations ou de billets de trésorerie.

Marché monétaireMarché de l'argent entre acteurs spécialisés à court terme.Marché obligataireMarché des titres obligataires où l'on distingue le marché primaire, qui correspond au

placement des valeurs nouvelles, et le marché secondaire, par lequel les souscripteursvendent et achètent des obligations en cours d'amortissement.

MaturitéDurée de vie de l'emprunt.NNotation (ou Rating)Procédure d'évaluation de la qualité de la signature d'un agent économique,

généralement émetteur d'obligations, en fonction d'une analyse approfondie effectuéepar un cabinet spécialisé. La notation visant à mesurer la capacité de l'emprunteur àrembourser sa dette, l'analyse est essentiellement prospective et intègre des élémentsmacroéconomiques locaux.

NotionnelOn appelle montant notionnel le montant théorique auquel s'applique le différentiel entre

taux garanti et taux variable dans les contrats de gestion de risque de taux (FRA, swap...).Le montant notionnel ne s'échange jamais entre acheteur et vendeur des contrats.

OOption

Annexes

de Marqueissac Caroline - 2007 91

Contrat qui confère, contre paiement immédiat d'une prime, la faculté, mais nonl'obligation de vendre (put) ou d'acheter (call), pendant une période limitée, à un prix définià l'avance, une certaine quantité d'actifs sous-jacents.Le prix d'une option est la somme desa valeur intrinsèque et de sa valeur temps (ou valeur spéculative).

Option à barrièreLe financement est à taux fixe moins élevé que le taux fixe classique mais peut basculer

automatiquement en taux variable en cas de hausse des taux variables au delà d'unecertaine limite définie contractuellement : La Barrière. Ce type de produit est à classerdans la catégorie "Taux fixe faible". Le passage à taux variable n'est la plupart du tempspas définitif (en cas de baisse, retour en taux fixe). La bonification du taux fixe est unerémunération du risque pris. La désactivation peut être ciblée sur n'importe quel index(Euribor, TAM, Libor, etc.). Du niveau de la barrière et de l'index cible retenu dépendle niveau de risque pris par l'emprunteur, et donc la bonification du taux fixe. Appeléségalement Taux fixes désactivant, ils sont le plus souvent proposés en taux périodique, baseex/360 ce qui confère aux offres un aspect cosmétique séduisants au regard des taux fixesclassiques proposés en base actuarielle (annuel ex/ex).

Option de changeL'option de change permet de s'assurer d'un cours de change dans une devise

particulière, tout en conservant la possibilité de réaliser la transaction au cours comptant sice dernier est plus favorable. Il faut bien sûr comparer le prix d'exercice (le cours d'exercice)avec le cours à terme et non avec le cours comptant.

Option sur taux d'intérêtLes options sur taux d'intérêt sont des outils courants pour la gestion du risque de taux,

car elles permettent de s'assurer d'un taux futur sans se priver des effets d'une évolutionpositive pour l'entreprise de ces derniers. Il existe par exemple des options cap, floor etcollar, qui permettent de fixer un taux limite, des swaptions, qui sont des options sur desswaps, des options de taux à barrières...

RRemboursement anticipéIl s'agit d'un remboursement par anticipation d'un emprunt avant son échéance

contractuelle. Il peut être assorti d'une pénalité financière (forfaitaire ou actuarielle) au profitdu prêteur.

RevolvingEmprunt à long terme pouvant fonctionner, sauf en fin d'année, comme une ligne de

trésorerieSStiborLe Stibor (Stockholm Interbank Offered Rate) désigne le taux moyen offert sur le marché

interbancaire de Stockholm, pour des échéances de 1 à 12 mois. Moyenne arithmétiquearrondie des taux pratiqués par des banques participant au fixage installées à Stockholmaprès élimination des taux extrêmes. Le Stibor est associé à la couronne suédoise (SEK).

Strike

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

92 de Marqueissac Caroline - 2007

Prix auquel le sou jacent d'une option peut être acheté (call) ou vendu (put) avant ouà la date d'échéance.

SwapLe mot swap désigne dans le langage courant un échange de flux financiers (calculés

à partir d'un montant théorique de référence appelé notionnel) entre deux entités pendantune certaine période de temps. C'est un contrat d'échange de taux d'intérêt.

Swap de taux d'intérêtLe principe d'un swap de taux d'intérêt est de comparer un taux variable et un taux

garanti et de se verser mutuellement les différentiels de taux d'intérêt sans échange encapital. Le swap de taux est particulièrement adapté à la gestion du risque de taux à longterme. Le marché des swaps a connu un essor considérable et les banques occupent unrôle déterminant dans l'animation de ce marché. Le swap conclu avec une banque peut êtreliquidé à tout moment en calculant la valeur actuelle des flux fixes prévus au taux du marchéet en la comparant au notionnel initial. L'utilisation du swap est également fréquente pourgérer le risque de taux sur des actifs à taux variable ou à taux fixe.

SwaptionLes swaptions permettent d'acheter ou de vendre le droit de conclure un swap de taux

d'intérêt sur une certaine durée ; c'est une option sur un swap. Le swap sous-jacent estprécisé initialement. Il est défini par son montant notionnel, son échéance, le taux fixe et letaux variable auxquels il fait référence.

TTaux d'actualisationLe taux d'actualisation est utilisé pour déprécier des flux futurs et déterminer leur valeur

actuelle c'est à dire leur valeur à la date d'aujourd'hui. La valeur donnée au temps étant lefondement de l'actualisation, ce taux est toujours positif.

TagLe TAG (Taux Annuel Glissant) désigne le taux de rendement d'un placement mensuel

renouvelé chaque mois, pendant le nombre de mois (1 à 12 mois) de la période considérée,à intérêts composés, en prenant compte pour les calculs des intérêts les moyennesmensuelles des TEMPE, multiplié par le nombre de jours de la période considérée et divisépar le nombre de jours de l'année écoulée (365 ou 366 jours).

TAMLe TAM (Taux Annuel Monétaire) désigne le taux de rendement mensuel d'un

placement rémunéré à T4M renouvelé pendant 12 mois civils à intérêts composés.Taux d'équilibreTaux en dessous duquel une opération de refinancement est opportuneTaux facialThéoriquement il représente l'intérêt à verser au prêteur sur le capital prêté pendant la

durée déterminée. Le taux facial d'un emprunt est le taux qu'il conviendra de retraiter par leprincipe du calcul actuariel afin de disposer d'un étalon de référence. En effet le taux facialn'a qu'une valeur indicative. C'est le taux "d'affichage commercial".

Taux fixe faible

Annexes

de Marqueissac Caroline - 2007 93

Un emprunt est classé en fixe faible : 1. Lorsqu'il contient plusieurs phases d'intérêts :la phase actuelle est à taux fixe et la phase suivante, selon les conditions contractuelles,pourra être à taux variable.2. Si l'emprunt comporte les clauses de désactivation. Ces tauxfixes sont exposés aux variations des marchés financiers.

Taux fixe fortUn emprunt est classé en fixe fort, lorsqu'il est à taux fixe sur toute sa durée, et qu'il

n'est donc pas sensible aux variations des marchés financiers.Taux monétaireLes taux monétaires sont les références court terme des marchés financiers, inférieures

à 1 an. Ces taux interbancaires regroupent les taux Eonia, T4M, Euribor et TAM.Taux variable faibleUn emprunt est classé en variable faible lorsqu'il bénéficie de clauses de plafond (cap

ou tunnel), ou lorsqu'il contient plusieurs phases d'intérêts : la phase actuelle est à tauxvariable mais de durée provisoire et la phase suivante sera à taux fixe déjà connu. Les prêtsindexés sur des taux ayant peu de réévaluation (livret A notamment) sont classés dans cettecatégorie.

Taux variable fortUn emprunt est classé en variable fort lorsqu'il est à taux variable sur toute sa durée.

Par définition, il est directement exposé aux variations des marchés financiers.TEC 05Le TEC (Taux à Echéance Constante) désigne un indice quotidien calculé par

interpolation linéaire entre les deux OAT les plus proches de la maturité exacte de 5 ans.TEC 10Le TEC (Taux à Echéance Constante) désigne un indice quotidien calculé par

interpolation linéaire entre les deux OAT les plus proches de la maturité exacte de 10 ans.T4MTaux moyen mensuel du marché monétaire : moyenne arithmétique de l'Eonia sur un

mois civil.VVANValeur Actuelle Nette. La valeur actuelle est la somme des flux futurs espérés,

actualisés au taux de rentabilité anticipé exprimé par la courbe des taux.

Questionnaire adresse aux BanquesPrésentation de ma démarche

Je suis étudiante en Sciences politiques, en dernière année de master spécialisé dansles finances des collectivités territoriales.

Le sujet de mon mémoire porte sur les marges affichées par les banques :« L’effondrement des marges bancaires, réalité ou faux semblant ? »

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

94 de Marqueissac Caroline - 2007

C’est la raison pour laquelle je cherche à mener une enquête auprès des banques elles-mêmes, les principales intéressées, afin de saisir la manière par laquelle elles se financentleurs stratégies commerciales, la façon dont travaillent leurs commerciaux…

1- La tendance de ces 20 dernières années montre une nette réduction des margesaffichées par les établissements bancaires dans leurs réponses à des appels d’offre.

Comment selon vous s’explique cette diminution progressive des marges ?2- La réforme du ratio Cooke a semble-t-il joué un rôle important.Est-il le seul facteur technique qui explique la situation ? (Offre en constante progression

et complexification, demande plus rare…)3- Comment définiriez-vous le marché côté demande aujourd’hui ?4- Aujourd’hui, le niveau des marges pratiqué ressemble plus à un niveau de facturation

très bas qu’à un niveau de rémunération.Les banques peuvent-elles « vivre » effectivement à partir des marges qu’elles

proposent à leurs clients ?D’autant plus que certaines n’hésitent pas à dire à l’emprunteur qu’elles ne gagnent

presque rien même si elles remportent un appel d’offre pour un nouvel emprunt ou une lignede trésorerie.

5- Comment les banques, notamment celles qui ne disposent pas de fonds propres enabondance peuvent-elles proposer de telles conditions de prime abord ?

6- Pourquoi proposer des produits, par exemple Euribor + 0% à des collectivités ?Et parfois même des marges négatives ?7- Si l’établissement ne se rémunère plus ou que très peu sur des flux nouveaux, il doit

chercher d’autres sources de rentabilité. Quelles sont-elles ?8- De plus en plus de propositions de réaménagement spontané sont transmises aux

emprunteurs.Les réaménagements d’encours sont-ils ces autres sources de rentabilité ?9- La stratégie des banques serait-elle donc de remporter des appels d’offre, en

sacrifiant leur marge, afin de disposer de nouveaux encours qui sont autant de perspectivesde réaménagements lucratifs ?

Les banques raisonneraient-elles en termes de rentabilité globale en « retravaillant »les stocks qu’elles détiennent ?

10- Quelle importance les banques accordent-elles au « design » ou au « packaging »des offres ?

Les propositions sont-elles plus travaillées qu’avant, en tant que produits d’appel, pourretenir l’attention du client ?

Peut-on dire que l’effondrement des marges bancaires revêt un caractère uniquementcommercial et « esthétique » ?

11- Pouvez-vous me parler de la stratégie commerciale ?Y a-t-il un rythme de réaménagement « exigé » ?12- Quels types de produits sont privilégiés dans les propositions de réaménagement ?

Annexes

de Marqueissac Caroline - 2007 95

Sont-ils des produits dits « classiques » ou des produits plus « exotiques » ou desproduits structurés ?

13- Certains décideurs financiers interrogés dans la presse locale affirment que lesmarges pratiquées sur de tels produits de réaménagement sont plus importantes que surun produit d’appel classique.

Etes-vous d’accord ? Appliquez-vous une nouvelle marge à l’occasion d’unréaménagement ?

De combien est-elle en moyenne ?Les marges affichées sont-elles dans ces cas précis aussi lisibles que celles proposées

dans le cadre d’une réponse à un appel d’offre ?Le risque induit par de tels produits est-il identique à celui de produits classiques ?La collectivité dispose-t-elle de tous les outils pour évaluer les propositions qu’on lui

soumet ?14- Comment alors définir la relation actuelle entre le banquier et la collectivité ? A-t-

elle évolué ces dernières années ?Les relations sont-elles « d’égal à égal » ?Des décideurs financiers se plaignent de « l’agressivité » de certains de leurs

interlocuteurs bancaires. Qu’en pensez-vous ?Cela ne risque t-il pas d’éroder la confiance des décideurs financiers ?15- Si la stratégie des banques est effectivement tournée vers la perspective de

retravailler les stocks, que se passe-t-il si le client refuse et reste ferme ?La banque est-elle perdante s’il écarte toute proposition de réaménagement ou se

tourne vers un autre prêteur ?16- Cela pose la question du financement des établissements bancaires. Quels sont-

ils ? Quel est le schéma classique du financement des banques ?17- Le niveau des marges faciales est si bas qu’il semble difficile que la diminution des

marges se poursuive, mais la tendance va-t-elle se maintenir ? Le système est-il pérenne ?� Quels changements la réforme du ratio Cooke va-t-elle introduire ?Les banques vont-elles réellement appliquer une pondération personnalisée pour

chaque emprunteur local ?18- Pensez-vous que le marché sera un jour banalisé entre collectivités et prêteurs ?Certains ont suggéré que la mise en place d’une véritable législation permettrait de

restaurer des niveaux de marges dits « normaux » et de renverser le rapport de force actuelentre banquiers et collectivités.

Qu’en pensez-vous ?

L’effondrement des marges bancaires : réalité ou faux semblant ?

96 de Marqueissac Caroline - 2007

Résumé

Ce mémoire a pour thème le niveau des marges bancaires appliquées aux collectivitésterritoriales françaises et leur impact en matière de gestion de la dette. L’enjeu est icide souligner que l’effondrement apparent des marges cache un autre phénomène, celuid’une stratégie de travail des encours par les banques. Cette stratégie n’est pas critiquableen soi. Ce qui l’est en revanche est le recours systématique à des propositions deproduits structurés dont les prix sont dissimulés. Les établissements de crédit dégagent unerentabilité faramineuse grâce à la vente de montages extrêmement coûteux et sur lesquelsle jeu de la concurrence n’est pas exercé. Il en résulte une dégradation des relations liantles banques aux collectivités, celles-ci faisant preuve d’une méfiance croissante à l’égardde celles-là.

Sans prétendre donner des solutions miracles à cette situation difficilement tenable, cemémoire rappelle ou propose quelques idées simples relatives à la gestion de la dette etsouligne qu’en la matière, ce n’est pas aux banques de jouer un rôle de conseil, mais auxcollectivités de définir leur propre stratégie.