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UNIVERSITÉ LUMIERE LYON II Institut d'Etudes Politiques de Lyon Master 2 professionnel - Management du secteur public : collectivités et partenaires La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux Lucile DENECHAUD Sous la direction de M. Pascal FORTOUL Date de soutenance : Jeudi 6 Septembre 2007 Année 2006-2007 Jury: Mme. Marie SOLLER, Responsable Grands Projets et Partenariats au Forum pour la gestion des villes et des collectivités territoriales M. Pascal FORTOUL, Directeur Général Adjoint de la Communauté d’agglomération du Pays Voironnais Mme Anne BLANC-BOGE, Maître de conférences de Sciences de Gestion, Directrice du Master 2 Management du secteur public collectivités et partenaires

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UNIVERSITÉ LUMIERE LYON IIInstitut d'Etudes Politiques de Lyon

Master 2 professionnel - Management du secteur public : collectivités et partenaires

La professionnalisation de la coopérationdécentralisée chez les élus et les cadresterritoriaux

Lucile DENECHAUDSous la direction de M. Pascal FORTOUL

Date de soutenance : Jeudi 6 Septembre 2007Année 2006-2007

Jury: Mme. Marie SOLLER, Responsable Grands Projets et Partenariats au Forum pour la gestiondes villes et des collectivités territoriales M. Pascal FORTOUL, Directeur Général Adjoint de laCommunauté d’agglomération du Pays Voironnais Mme Anne BLANC-BOGE, Maître de conférencesde Sciences de Gestion, Directrice du Master 2 Management du secteur public collectivités etpartenaires

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Table des matièresRemerciements . . 5INTRODUCTION . . 6PARTIE I : Facteurs et caractéristiques de la professionnalisation de la coopérationdécentralisée chez les élus et les cadres territoriaux . . 15

Chapitre I : Les réformes de l’action publique en coopération internationale, facteurs deprofessionnalisation . . 15

Section 1 : La décentralisation, processus de légitimation juridique de lacoopération décentralisée . . 16Section 2 : La réforme de la coopération française d’Etat . . 27

Chapitre II : Les dénominateurs communs des professionnels de la coopérationdécentralisée . . 46

Section 1 : Un cœur de métier partagé . . 46Section 2 : Les attentes communes d’une profession en mutation . . 54

PARTE II : Les perspectives d’évolution de la professionnalisation de la coopérationdécentralisée . . 62

Chapitre I : Les freins à la professionnalisation de la coopération décentralisée . . 62Section 1 : Les Freins externes : les relations internationales des collectivitésterritoriales, un domaine sous contraintes . . 63Section 2 : Les freins intrinsèques: Les politiques de coopération décentralisée àl’origine d’une professionnalisation diffuse . . 71

Chapitre II : Un impératif, professionnaliser le métier pour inscrire la coopérationdécentralisée dans le champ des nouvelles relations internationales . . 80

Section 1 : La cohésion et la cohérence des actions internationales, conditions sinequa non à l’émergence d’un métier de la coopération décentralisée . . 81Section 2 : Sensibiliser la collectivité administrative et humaine, gage d’un métierancré dans la collectivité . . 92

CONCLUSION . . 104Bibliographie . . 107

Ouvrages . . 107Articles . . 107Rapports, études et travaux . . 109

1- Coopération décentralisée et droit international : . . 1092- Coopération décentralisée et Europe : . . 1093- La coopération décentralisée : . . 109

Documents d’information et de travail : . . 1101- Coopération décentralisée et droit international : . . 1112- Coopération décentralisée et Europe : . . 1113- La coopération décentralisée . . 111

Actes de colloques . . 112Sources juridiques : . . 112

1- Avis, Projet de lois, lois et textes réglementaires . . 1122- Jurisprudence . . 113

Sites Internet . . 113Liste des sigles . . 115

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Annexes . . 116Annexe 1 : Les textes encadrant la coopération décentralisée . . 116Annexe 2 : Liste des entretiens réalisés . . 117Annexe 3 : Entretien avec Danielle SCHOTT – Directeur Général des services à laMarie de Maurepas-07/06/07 . . 119Annexe 4 : Entretien avec Jean-François MANGELAIRE - Chargé de missionCoopération décentralisée à la Communauté d’agglomération d’Evry CentreEssonne–14/06/07 . . 124Annexe 5 :Entretien avec Laure FERET- Responsable du service RelationsInternationales et Coopération Décentralisée au Département de l’Essonne- 18/06/07 . . 133Annexe 6 : Entretien avec Pierre MALVAUD- Directeur des Relations Internationales-à la Mairie d’Issy – Les – Moulineaux- 21/06/07 . . 140Annexe 7 :Entretien avec Dorothée MOUSSU, Chargée de mission en RelationsInternationales à la Mairie d’Epinay- Sur - Seine 28/06/07 . . 146Annexe 8 : Entretien avec David BARBELIVIEN – Responsable du service RelationsInternationales à la Mairie de Puteaux -06/07/07 . . 152Annexe 9 : Entretien avec Mélanie THOMAS - Chargé de mission Coopérationdécentralisée – à la Mairie de Saint- Denis 09/07/07 . . 157Annexe10 : Entretien avec Blandine DAUCON DIENE Chargé de mission coopérationdécentralisée à la communauté d’Agglomération de Cergy –Pontoise 10/07/07 . . 164Annexe 11 : Entretien avec Stéphanie BURG- Chargé de mission Coopérationdécentralisée auprès du cabinet du Maire- à la Mairie de Vauréal -12/06/07 . . 172Annexe 12 : Entretien avec Antonio ANIESA, Responsable du service Relations etCoopérations avec le monde– à la Mairie de Nanterre18/07/07 . . 178Annexe 13 : Entretien avec Henri FIORI – Maire Adjoint en charge des solidarités etde l’emploi à la Mairie de Chilly -Mazarin–19/07/07 . . 184

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Remerciements

Lucile Denechaud - 2007 5

RemerciementsJe tiens à remercier :

Le FORUM pour la gestion des villes, l’ensemble de son équipe et plus particulièrementMarie SOLLER, mon Maître de stage, ainsi que Monsieur Olivier REGIS, Délégué Général del’association, pour m’avoir donner la matière nécessaire à la réalisation de mon stage de fin d’étude,ainsi qu’à mon mémoire.

L’ensemble des personnes qui m’ont accordé des entretiens, pour les précieuses informationsqu’elles m’ont fournies, ainsi que pour leur disponibilité : Danielle SCHOTT , DorothéeMOUSSU, Stéphanie BURG, Henri FIORI, Jean-François MANGELAIRE, Mélanie THOMAS,Blandine FAUCON DIENE, Pierre MALVAUD, Antonio ANIESA, Geneviève RANDOT –SOCIE, Nathalie PRUVOST, Laure FERET, David BARBELIVIEN

Madame Anne BLANC-BOGE, Maître de conférences de Sciences de Gestion, Directrice duMaster 2 Management du secteur public collectivités et partenaires, pour son enseignement toutau long de cette année.

Mon directeur de mémoire, Monsieur Pascal FORTOUL, pour ses conseils avisés et son intérêtpour mon travail.

Les membres du jury : Mademoiselle Marie SOLLER, Madame Anne BLANC-BOGE etMonsieur Pascal FORTOUL

D’une façon plus générale, je remercie tous ceux qui se sont intéressés à mon travail et quiont pris le temps de le commenter.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

6 Lucile Denechaud - 2007

INTRODUCTION

Ces dernières années se sont multipliées les rencontres, conférences et colloques sur lathématique des acteurs de la solidarité internationale, le dernier en date, les 4 et 5 juillet2007, était organisé par le Haut Conseil pour la Coopération Internationale, en liaison avecFrance Coopération Internationale sur le thème « De l’assistance technique à l’expertiseinternationale : les nouveaux métiers de la coopération ». Cette floraison de rencontretémoigne de la prégnance du sujet chez l’ensemble des acteurs internationaux issus dela société civile, de l’Etat ou des Collectivités Territoriales. On constate qu’en dépit dumonopole traditionnel de l’État dans la conduite des relations internationales, les collectivitésterritoriales françaises ont su trouver les moyens de mener une action extérieure,généralement qualifiée de « coopération décentralisée ». Alors que la mondialisation etla construction européenne devenaient des évidences pour l’ensemble des acteurs dela société, les collectivités territoriales ne pouvaient rester à l’écart de ce mouvement,même sans disposer expressément de compétences dans ce domaine. Depuis une dizained’année, c’est bien l’implication grandissante dans l’action internationale de nouveauxacteurs issus des Collectivités Territoriales, qui suscite débats, réflexions, et volontés dechangements.

La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et lescadres territoriaux trouve de fait tout sons sens dans un contexte particulier : celui d’unmonde où les enjeux, les motivations et les méthodes de l’action internationale changent,où l’Etat cherche à se moderniser et à réformer l’action publique ; une période où laterritorialisation de la citoyenneté devient une manière d’apprivoiser la mondialisation.

Dés lors, ce mémoire s’emploiera à répondre aux questions suivantes: Existe-t-il uneprofessionnalisation uniforme et homogène des élus et des cadres dans le domainede la coopération décentralisée ? Au delà de cette interrogation, quelles sont lesperspectives et la capacité d’évolution de la professionnalisation des élus et descadres dans le domaine de la coopération décentralisée?

A titre liminaire, avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient de préciser le constatque nous dressons aujourd’hui de la professionnalisation des acteurs de la coopérationdécentralisée avec ses facteurs et ses caractéristiques communs et les explications quenous en tirons. Pour ensuite passer à une phase plus prescriptive de notre démarche.

La méthode de raisonnement inhérente à ce mémoire se fonde particulièrement surles missions conduites durant 4 mois de stage auprès du FORUM pour la Gestion desVilles et des Collectivités Territoriales, association agréée par le ministère de l’intérieurpour la formation des cadres et des élus territoriaux. Il s’agissait d’établir un état des lieuxde la coopération décentralisée en direction de leurs collectivités territoriales membres,de manière à formaliser une offre de formation adaptée aux attentes des élus et descadres en charge de la coopération décentralisée. Par conséquent, ce mémoire s’appuieranotamment sur une dizaine d’entretien auprès d’élus et de cadre territoriaux issus de troispetites villes1, six villes de taille moyenne2, une grande ville (Besançon), deux départements

1 Maurepas, Vauréal, Chilly-Mazarin2 Épinay-sur-Seine, Saint-Denis, Puteaux, Nanterre, Issy-Les- Moulineaux, Villeneuve d’Ascq,

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INTRODUCTION

Lucile Denechaud - 2007 7

(L’Essonne et le Doubs) et deux Communauté d’Agglomération (Evry-centre- Essonneet Cergy- Pontoise). Cette approche concrète était indispensable pour mieux cerner lesbesoins, les attentes et les obstacles des acteurs de la coopération décentralisée dansun contexte de professionnalisation de leur domaine d’action. L’approche inductive ainsimise en œuvre devant permettre de vérifier le degré de professionnalisation homogène desacteurs institutionnels de la coopération décentralisée. Néanmoins, il convient de conserverun certain recul sur les constats et prescriptions qui pourront être formulés ; l’enquête,s’appuyant sur un nombre restreint de collectivités, n’a pas la prétention de dresser unétat des lieux global de l’existence du processus de professionnalisation de la coopérationdécentralisée chez les élus et les cadres territoriaux. L’étude, dont il est fait état ici, asimplement vocation à expliquer les tendances communes, qui semblent se dessiner surcette problématique. En outre, une bibliographie relativement dense a fourni les apportsthéoriques de compréhension.

La bonne compréhension du propos requiert quelques précisions terminologiques.Dans son acception française3, d’après le Guide du Ministère des Affaires Etrangères quilui est consacré, « la notion d’action extérieure des collectivités territoriales est la notionla plus extensive. Elle regroupe l’ensemble des actions menées avec l’étranger par lesrégions, les départements, les communes et leurs groupements. Ces actions, reconnuespar une circulaire du Premier Ministre en date du 26 mai 1983, incluent non seulement lacoopération décentralisée, mais également l’aide humanitaire et d’urgence, les actions depromotion économique et de rayonnement culturel, voire des placements d’emprunts…Ellesne reposent pas nécessairement sur des engagements conventionnels avec une autoritélocale étrangère »4.

C'est vers le milieu des années 1980 que la notion de " coopération décentralisée "s'est imposée comme une des formes de la coopération du Nord vers le Sud, puis versl'Est. Cette démarche s'est renforcée au fur et à mesure des processus de décentralisationadministrative au Sud (en Afrique principalement) et de l'ouverture des relations avec lespays de l'Est. Elle, « repose sur des conventions liant la collectivité française à un partenaireclairement identifié. Elle regroupe l’ensemble des actions de coopération internationalemenées entre une ou plusieurs collectivités territoriales (régions, départements, communeset leurs groupements) et une ou plusieurs autorités locales étrangères, dans un intérêt

commun » 5 . De plus, « elle correspond essentiellement à un échange d’expérienceset de savoir-faire, sur un mode de réciprocité […]. La France peut ainsi faire bénéficierses partenaires de son expérience acquise dans le domaine de la décentralisation, et enparticulier dans la gestion de services publics locaux, à condition "d’exporter" non un modèle

mais plutôt une référence souple et adaptable » 6 . Ses seules limites sont la recherche

3 A la différence de la définition française, l’approche de l’Union européenne en matière de coopération est beaucoup pluslarge. Par " Coopération décentralisée " l’Union européenne entend tout programme conçu et mis en oeuvre dans le pays du Sud oude l’Est par un acteur de la société civile : ONG, pouvoirs publics locaux, coopérative agricole, groupement féminin, syndicat, " defaçon plus générale toute forme organisée de la Société civile ". Par conséquent, un programme de coopération décentralisée au senseuropéen n’implique pas forcément la participation d’une collectivité locale.

4 MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES. Guide de la coopération décentralisée. Paris, La documentation française,2°édition, 2006, p. 9.

5 Loc.cit.6 Ibid., p. 10-11.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

8 Lucile Denechaud - 2007

d’un intérêt public local, l’interdiction de coopérer dans des domaines ne relevant pas de sacompétence et le respect des engagements internationaux de la France .

Par ailleurs, cerner les contours de la professionnalisation de la coopération exige des’interroger sur le sens même du terme. Lorsqu’on évoque l’action de se professionnaliser(verbe transitif, « donner les caractères de spécialisation, de technicité d'une profession àun domaine, une discipline, un phénomène »7), E. Pisani le définit comme « le passagedu métier artisanal où on applique des règles et des techniques par imitation vers laprofession où on construit des stratégies en s’appuyant sur des savoirs et en développantson expertise de l’action en situation (expérience en situation) et son autonomie (acquisitiond’une autonomie professionnelle, d’un savoir-faire et d’un savoir-être) ».8

Le concept de professionnalisation se rapporte donc à ses acteurs, les professionnels,mais il prend également forme au travers de procédures, de mode décisionnel, de méthodesde gestion et d’évaluation, comme semble l’entendre la définition précédente, et qui sontautant de garanties de la qualité des actions conduites. Autrement dit la professionnalisationne se confond pas avec les professionnels, ces derniers ne constituant qu’un versant dela professionnalisation ; la professionnalisation pourrait se résumer ainsi, des méthodesappropriées et incarnées par des professionnels.

Si des traits communs tant dans les actions des techniciens, que dans leurs aspirationsse dessinent, il semble y avoir autant de manière d’envisager la professionnalisation de lacoopération décentralisée que de formes d’action choisies par les élus de la collectivité dansce domaine. On peut, en effet, aujourd’hui parler, pour les techniciens de la coopérationdécentralisée, de l’émergence d’un métier qui « désigne un groupe d’emplois ayant encommun un objet professionnel et un champ de compétences bien repéré », mais affirmerl’existence d’une profession « forme plus élaborée du métier, (qui) est définie par un objet,une expertise, une déontologie et un système de reconnaissance (titres, qualification) et(un) contrôle de l’accès à la profession »9semble prématuré. « La professionnalisation, donton voit progresser de jour en jour l’impératif dans les discours politiques comme dans leséchanges entre techniciens, demeure un enjeu majeur » 10, mais la diversité des domaineset des modalités d’action rend, à l’heure qu’il est, sa déclinaison concrète inachevée.

Nous distinguerons et déclinerons la professionnalisation dans ses deux stades : l’étatactuel de la professionnalisation, et celle-ci entendue comme un processus à parachever.

Le constat qu’on dresse aujourd’hui se lit à travers les diverses réformes de l’actionpublique conduite en matière de coopération internationale, qui incitent depuis plusieursannées les élus et les cadres territoriaux à se diriger dans le sens d’une plus grandeprofessionnalisation.

Au premier chef de ces réformes, la décentralisation, processus de légitimation continudes acteurs de la coopération décentralisée. La pratique de la coopération entre autorités

7 Définition de l’Académie Française8 PISANI. E, « Peut-on enseigner l’art d’administrer sans administrer soi même » ?, La revue Française d’administration

publique, n°50, 1989.9 Van HOUTTE Jean Marc & PENVEN Alain Université de Rennes 2 Rapport de recherche–Mission opérationnelle

transfrontalière.10 Association OPPES- ALLIES Paul, BARAIZE François, NEGRIER Emmanuel, Apprivoiser la mondialisation « Un état de

la coopération décentralisée », Rencontres Nationales pour la Coopération Décentralisée 2001, Ministère des Affaires Etrangères /Direction Générale de la Coopération internationale et du Développement - Mission pour la Coopération Non Gouvernementale p.3.

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INTRODUCTION

Lucile Denechaud - 2007 9

infra-étatiques relevant d'Etats différents a pris son essor au lendemain de la secondeguerre mondiale. Le désir d’œuvrer à la réconciliation franco allemande puis, dans lecontexte de la guerre froide, à une meilleure compréhension entre les peuples conduit alorsde nombreuses communes à organiser avec leurs homologues étrangers des échanges,essentiellement culturels, sous la forme juridiquement imprécise de « jumelages ». Plusprécisément, le concept de jumelage naît en en 1951, avec la création de l'association duMonde Bilingue, fondée par Jean-Marie Bressand, figure de la Résistance. Elle promeutl'éducation bilingue comme élément de compréhension entre les peuples et vecteur de paix.Au début des années 1960, en pleine guerre froide, des villes françaises manifestent leursolidarité aux populations des pays d'Europe de l'Est. Par dessus les diplomaties des Etats,certains élus locaux veulent « maintenir une fenêtre ouverte »11 avec ces populations. LaFédération Mondiale des Villes Jumelées (FMVJ, ancienne Association du Monde Bilingue)affirme ainsi dans sa Charte fondatrice que « le lien qui unit, dans un esprit d'égalité et deréciprocité, des populations entières de deux ou plusieurs pays différents en vue de favoriserle contact des personnes, l'échange des idées, des techniques, des produits. (…) Il est uninstrument de culture populaire et de formation civique internationale (…) et il ne sauraitêtre détourné de son objet à des fins personnelles ou partisanes ou politiques »12. Cettephase fondatrice, portée par les communes, est suivie dans les années 70 par l’entrée enjeu des départements et des régions à travers la coopération transfrontalière. En parallèle,avec l'accès à l'indépendance des anciennes colonies et l'émergence du Tiers-Monde surla scène internationale on voit se développer les jumelages- coopération, qui seront bientôtappelés coopération décentralisée.

Si dans un avis du 5 avril 1950, l’Assemblée générale du Conseil d’Etat relevait déjà,que « les limites territoriales des collectivités territoriales ne constituent pas nécessairementla limite de l’intérêt de ces collectivités»13, le législateur attendra 30 ans pour graver l’actionextérieure des Collectivités Territoriales dans le marbre des lois. La loi du 2 mars 1982ne faisait mention, dans son article 65, que de la coopération transfrontalière. La notiond’action extérieure des collectivités territoriales a été reconnue un an plus tard, par lacirculaire du Premier ministre du 26 mai 1983 qui crée le délégué pour l’action extérieure descollectivités locales. Quant à la coopération décentralisée, elle n’a obtenu sa consécrationlégislative et pris son essor qu’avec la Loi d’orientation du 6 février 199214, relative àl’administration territoriale de la République (ATR), qui circonscrit cette coopération auxlimites de compétences des collectivités locales et dans le respect des engagementsinternationaux de la France. Ainsi, l’action extérieure des Collectivités Territoriales n’inquièteplus les institutions étatiques françaises, européennes et internationales que depuis peu.En outre, la coopération décentralisée, malgré son titre, ne provient pas d’un transfert descompétences de l’Etat, mais de l’initiative de collectivités locales confirmant l’avis du Conseild’Etat du 5 avril 1950, selon lequel le développement local justifie l’ouverture sur le mondeet la mobilisation des acteurs locaux dans un projet international.

11 La Charte des villes jumelées, Aix-les-Bains, 195712 Loc.cit.13 Cet avis, relatif à la délibération du conseil général de la Loire-Inférieure allouant une subvention aux facultés catholiques de

l’Ouest est cité par M. Rémi Schwartz dans ses conclusions sous la décision de la section du contentieux du Conseil d’Etat Communede Villeneuve d’Ascq du 28 juillet 1995.

14 JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE, n°33 du 8 février 1992, Loi d’orientation no 92-125, 6 février 1992,relative à l’administration territoriale de la République, Titre IV, De la Coopération Décentralisée

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

10 Lucile Denechaud - 2007

Le cadre juridique initial est le résultat d’évolutions successives mais, il n’a pas levétoutes les ambiguïtés : ainsi, des jugements récents de certains tribunaux administratifs ontsemblé remettre en cause les pratiques actuelles en matière de coopération décentralisée,obligeant le législateur à sécuriser l’action extérieure des Collectivités Territoriales. Faceà cette situation, la coopération décentralisée a connu récemment un nouvel élan avecl'adoption de deux lois phares à deux ans d’intervalle. Le 9 février 2005, la Loi OUDIN-SANTINI15 met un terme à un vide juridique et permet désormais aux services eauxet assainissement des collectivités et aux agences de l'eau de mener des actions decoopération, d'aides d'urgence et/ou de solidarité internationale avec des collectivitésterritoriales étrangères dans la limite de 1% de leurs ressources. Un an après la Loi OUDIN,le Sénat se penche, à l’initiative du sénateur de la Loire Michel THIOLLIERE16, sur lerenforcement de la coopération décentralisée en matière de solidarité internationale. Dans un contexte de catastrophes naturelles (tsunami, ouragan, tremblement de terre),l’opportunité d'une coopération entre acteurs locaux s’imposait à condition néanmoins,qu'elle soit encadrée. Il s’agissait donc de donner une base juridique solide aux actionsd'aide humanitaire engagées par les collectivités territoriales françaises, en modifiantl'article L. 1115-1 du Code général des collectivités territoriales. L’adoption de cette loi17

permet ainsi aux collectivités territoriales françaises de nouer des partenariats avec d'autresautorités locales étrangères, sans risque juridique. C’est une importante avancée législativequi devrait permettre à l'avenir d'éviter des annulations des coopérations entreprises, aumotif de défaut d'intérêt local comme certains tribunaux administratifs l'avaient déjà fait enpremière instance18.

Par ailleurs, l’Etat français est, depuis le milieu des années 90, à la recherche d’uneefficacité accrue de ses politiques publiques de coopération internationale. Or, par unmouvement conjugué des Collectivités Territoriales, de l’Etat, ainsi que des institutionsinternationales, les acteurs institutionnels de la coopération décentralisée se sont inscritsdans le paysage de la coopération internationale, les obligeant à remplir de nouvellesresponsabilités, et par voie de conséquence à se professionnaliser. Plus précisément, tandisque les Collectivités Territoriales saisissaient la marge de manœuvre qui se dégageaitdu repositionnement de l’action de l’Etat dans la coopération, l’Etat incitait de son côté àune professionnalisation de ces acteurs par un encadrement institutionnel et opérationnelrenforcé, tout en oeuvrant à l’inscription de ces nouvelles démarches dans les prioritésgouvernementales en matière de coopération internationale.

On peut observer combien le chemin parcouru depuis les premières Assisesconsacrées à la Coopération décentralisée, organisées à Bordeaux en 1986, a étéjalonné d’étapes significatives vers une véritable institutionnalisation. « Le mouvementde décentralisation des Etats, l’émergence des collectivités territoriales comme acteurscollectifs sur la scène internationale, leur souci croissant de prendre en compte la

15 JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE, n° 34 du 10 février 2005, p. 2202., Loi n°2005-95 du 9 février2005, relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l’eau dans les domaines de l’alimentationen eau et de l’assainissement

16 Proposition de loi n°221 2004-200517 JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE, n° 31 du 6 février 2007 p. 2160., Loi n° 2007-147 du 2 février

2007 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et de leurs groupements18 TA de Poitiers, 18 novembre 2004 – Jean- Romée Charbonneau c/ Département des Deux- Sèvres n°0400561, le TA avait

annulé une délibération au motif que l’opération conduite par le département présentait « un intérêt essentiellement humanitaire (qui)ne peut être regardé comme répondant à des besoins de la population deux-sévriennes ».

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INTRODUCTION

Lucile Denechaud - 2007 11

mondialisation comme une échelle de leur développement, et pour ce qui concerne notrepays la réforme de l’aide française au développement. […] A travers son histoire complexeet dans sa confrontation à ces contextes, la coopération décentralisée acquiert, au-delà dela diversité des pratiques, des caractéristiques spécifiques, qui la distinguent profondémentdes autres modalités de coopération »19.

En 1998, villes, départements et régions consacraient déjà 1,6 milliard de francs à leuraction internationale. Les actions de coopération décentralisée concernaient l’ensemble desrégions, la moitié des départements et 30 % des communes de plus de 10 000 habitants.En clair, il y avait près de 500 collectivités territoriales présentes et actives dans le champde la coopération décentralisée. Aujourd’hui, on ne compte pas moins de 3 250 collectivitésfrançaises, impliquées dans plus de 6 000 projets ; 115 pays sont concernés ; 230 millionsd'euros sont consacrés par les collectivités territoriales à leur action extérieure ; 11 millionsd'euros sont attribués par le ministère des Affaires étrangères aux projets des collectivitéslocales20. Alors que les actions ne cessent de se multiplier, le montant consacré aux actionsde coopération décentralisée n’a pas été augmenté, voire a même été réduit. La pertinencedes actions menées reste en suspend, si comme on le constate le nombre de coopérationsdécentralisées ne cesse d’augmenter, sans que les financements les accompagnant nesuivent la même trajectoire. L’organisation d’une meilleure coordination et cohérence desmissions conduites par les collectivités françaises semble être de mise.

Les actions de la coopération décentralisée, plus proche du terrain, sont enpermanence adaptables. Tel est, d'ailleurs, l'un de ses intérêts majeurs par rapport auxpartenariats de niveaux étatiques, certes indispensables et souhaitables, mais toujours pluslourds à construire, à développer et à gérer. Dans un contexte de réforme profonde de lacoopération française (la dernière réforme étant intervenue en 2004), l’Etat, conscient dela place grandissante que prennent les acteurs de la coopération décentralisée, cherche às’inscrire comme partenaire des collectivités territoriales, que ce soit à travers une floraisoninstitutionnelle d’organismes chargés de conseiller et d’appuyer les acteurs institutionnelsde la coopération décentralisée, ou d’un soutien financier par le biais des cofinancements.En pratique , cette complémentarité ne va pas de soi, puisqu’il n’y a pas d’unicité dans lavolonté politique de coopération, cependant sous l’impulsion européenne et internationale,cette nouvelle variable est plus que jamais d’actualité. L’émergence d’une culture communede la coopération française semble être un des facteurs qui poussent l’Etat à inciter lesacteurs de la coopération décentralisée à se professionnaliser.

Les professionnels de la coopération décentralisée quant à eux se réunissent autourd’un métier aux contenus et aux contours souvent similaires. Un métier technique au visagehumain, où le technicien de la collectivité allie montage de dossiers de cofinancement,gestion de projet, animation de réseaux d’acteurs et des principes idéologiques phares. Enfiligrane des actions conduites par les Collectivités Territoriales françaises, on est tenté delire un engagement militant commun pour une mondialisation citoyenne faisant que, par lamobilisation des acteurs sociaux de leur territoire autour d'une politique et de projets decoopération internationale, les collectivités locales participent chaque jour à la constructiond'une autre mondialisation. C’est d’ailleurs le sens des premiers jumelages d’après-guerreentre villes françaises et allemandes : la réconciliation entre les nations devait passer par

19 NOISETTE. Patrice (ACT Consultants)- RACHMUHL. Virginie (GRET) , Colloque – La Coopération Décentralisée changet-elle de sens ?, organisé par Cités Unies France et le Centre de Recherches Internationales de la Sorbonne, le 22 et 23 novembre2006 à la Sorbonne / Table ronde 2 : La construction du sens de l’action internationale des collectivités territoriales, p.1

20 GERBEAU. Delphine, PAQUIER. Jacques., Coopération décentralisée Jusqu'où l'Etat doit-il accompagner les collectivités ?,La Gazette des Communes, n°1854, 25/09/2006, p.20.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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celle des populations. Il semble que l’un des enjeux de l’action internationale des collectivitéslocales soit toujours là : permettre de mieux comprendre l’autre, favoriser la rencontre et lepartage grâce à l’élaboration de projets communs.

Par ailleurs, le partage d’expérience, de savoir-faire et de formation entre collectivitésdu Nord et du Sud a montré son efficacité pour accompagner les processus de consolidationdes services et institutions publics. Les pays partenaires ont des connaissances, dessavoirs faire, des compétences. L’objectif de la coopération n’est pas seulement de proposerses savoirs, c’est aussi et surtout d’accompagner les interlocuteurs dans la consolidationdes institutions publiques et le développement de leurs atouts et de leurs potentialités. Lestechniciens travaillent au quotidien à dépasser la simple approche caritative et d’assistanatque les services de la collectivité et les citoyens conservent de ce type d’action. Coopérer,c’est à terme répondre à cette injonction d’un participant d’ONG de LOME lors de lavisioconférence franco-togolaise du 22 novembre 2 000 : « Aidez-nous à nous passer devotre aide ! ».

L’enjeu de la coopération décentralisée n’est pas seulement politique, mais égalementsocial ; pour nombre de communes s’engager dans une action de coopération décentraliséeest un outil de lutte contre l’exclusion sociale et le repli communautaire. En effet, lacoopération décentralisée peut, lorsqu'elle associe des publics " fragilisés " (chômeuren fin de droit, migrants…), avoir un impact social important, elle constitue une porteouverte sur l'extérieur pour nombres de personnes exclues de la société civile. Elle lesvalorise en tant qu' « acteur » et les inscrits dans une démarche de projet. La coopérationdécentralisée devient en ce sens un vecteur de citoyenneté locale et de démocratieparticipative, notamment en redynamisant le tissu social et associatif local et en ouvrantdes espaces de concertation entre élus, techniciens et habitants. Plus largement, lescollectivités territoriales françaises et leurs acteurs œuvrent à la promotion de l’Etat de droit àtravers leur engagement dans des projets d'aide au développement et/ou des coopérationsinstitutionnelles qui ont pour but d'apporter un soutien aux processus de décentralisation,déconcentration et de démocratisation dans différents pays.

Enfin, on ne peut passer sous silence que l’image véhiculée par une collectivités’ouvrant sur l'extérieur joue indéniablement un rôle moteur dans la volonté de celle-ci des’investir dans une coopération. Il s'agit alors d'une d’une volonté de valoriser, à l'extérieur,les potentialités culturelles et touristiques de la région, du département ou de la communeet de montrer ses capacités d'ouverture et son dynamisme. Ce constat en appelle un autre :celui des enjeux économiques de tels partenariats qui suscitent encore aujourd’hui unepolémique importante. Deux points de vue s’opposent. En effet, « la question des retombéeséconomiques de la coopération décentralisée fait l’objet de controverses »21, puisqu’elledivise ceux qui considèrent la coopération décentralisée comme un acte de solidarité,purement gratuit, et ceux qui considèrent que la réciprocité est la condition sine qua nond’un projet qui ambitionne d’être réussi. Les premiers réfutent « la dimension économiquede la coopération décentralisée, accusant cette conception de néo-colonialisme, défendantune vision de la coopération généreuse, humaniste, au nom de la solidarité naturelle entreles peuples, ou encore au nom d’une dette des "ex-métropoles" envers leurs anciennescolonies »22. Les autres ne comprennent « pas l’intérêt pour une collectivité publique às’engager dans un projet de coopération, si celle-ci ne rend pas directement service aux

21 A. TIDIERE, A. LANTERI. Programme de modernisation et de renforcement des capacités de l’Office des Eaux de Beyrouth(1998-2002), p. 13.

22 Loc. Cit.

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INTRODUCTION

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acteurs du territoire de la collectivité »23. Or, « en réalité, les motivations des individus pourla coopération sont souvent multiples et complexes »24 et il est possible, pour Alain Tidière,« de réaliser une synthèse de ces deux perceptions des choses »25.

L’ 'entrée des collectivités locales dans le champ international pose de manière à lafois originale et classique, la question de la professionnalisation de ses acteurs. De manièreoriginale, « on assiste à la formalisation de nouveaux savoirs, de nouvelles capacitésd'expertise, de nouveaux systèmes d'interrelation entre les administrations centrales,européennes et celles des collectivités locales tant françaises qu'étrangères ». De manièreclassique, « l'organisation et la reconnaissance de ces innovations en termes de professionlégitime et spécifique soulèvent des résistances et des interrogations à plusieurs niveaux»26.

Ainsi, l’organisation et les modalités d’intervention restent très diverses entre lescollectivités. En outre, on voit s’élever des tensions au sein même des collectivités entre lesconceptions des techniciens de la coopération décentralisée et les élus dont ils dépendent.Sont-ils prêts à mettre en œuvre les mêmes principes de travail ? La réunion des services decoopération décentralisée, représentés par leurs élus et leurs cadres, autour d’aspirationscommunes semble constituer un premier élément de réponse. Un métier paraît se construireautour d’une attente de formations pointues, de mutualisation d’expérience (gage de lapertinence, de la cohérence et de l’efficacité des actions conduites) que leur offrent encorede manière incomplète les réseaux d’appui locaux, nationaux, et internationaux.

La coopération décentralisée française se situe aujourd'hui à la croisée des chemins,elle doit être organisée face aux nouvelles attentes et exigences professionnelles formuléesà son égard. Si l’action internationale des Collectivités Territoriales n’est généralement plusremise en cause, sa légitimité reste à conquérir. Un effort supplémentaire demande à êtrefait pour dépasser les contraintes d’un système institutionnel et administratif inadapté à leuraction. De plus, les professionnels de la coopération décentralisée française ne pourrontêtre porteur d’un « modèle émergent de coopération » et « appelés à jouer un rôle majeuren matière d’aide au développement, sous réserve de poursuivre son approfondissement etde s’élargir notamment à l’échelle européenne »27. Ce ne sont pas les seuls freins qu’aurontà combattre les acteurs institutionnels de la coopération décentralisée, les plus persistantsconstituent sans doute la difficulté de reconnaissance et d’acceptation de leurs actionsau sein même de leur collectivité administrative et humaine. Le service de coopérationdécentralisée reste souvent « un luxe », comme cela a pu être formulé en entretien. L’impactlocal des actions extérieures des collectivités territoriales demeure souvent invisible auxyeux des élus, des autres services ainsi que de la population. De plus, si elle contribuecertes à identifier un modèle singulier de coopération, les professionnels de la coopérationdécentralisée peinent à trouver un sens commun fort à leurs démarches. Le saupoudragedes projets risque plus que de délégitimer leurs actions de produire une professionnalisationdiffuse.

Au terme de cet état des lieux la professionnalisation de la coopération décentraliséeapparaît comme l’un des principaux défis que ses acteurs doivent maintenant affronter pours'inscrire valablement dans le champ des nouvelles relations internationales. Pour satisfaire

23 Loc. Cit.24 Loc. Cit.25 Loc. Cit.26 Association OPPES- ALLIES. Paul, BARAIZE. François, NEGRIER. Emmanuel, 2001, op. cit., p 5027 NOISETTE. Patrice, (ACT Consultants)- RACHMUHL. Virginie, (GRET), Janvier 2006, op. cit., p.1.

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cet impératif, la cohérence des actions des collectivités territoriales, en premier lieu, ainsiqu’une meilleure association des professionnels de la coopération décentralisée à l’actioninternationale de l’Etat doivent être recherchées. Parallèlement, un travail d’information etde sensibilisation de l’action menée par les professionnels de la coopération décentraliséedoit être conduit de manière à ancrer durablement leurs actions près des élus, des servicesde la collectivité, ainsi qu’à l’adresse des citoyens d’un territoire. Il s’agit d’introduirela transversalité de l’action internationale au sein des Collectivités Territoriales et pluslargement auprès d’un territoire.

« En dix ans, cette géométrie variable de la coopération, où la méfiance le disputaitau soupçon, n’a cessé d’être interrogée. Les collectivités ont fait leur entrée dans leconcert international, moins contre l’Etat qu’en conséquence directe de l’accomplissementdes nouvelles responsabilités locales. Elles en ont hérité le statut, légal et original, de lacoopération décentralisée »28 et de leurs acteurs institutionnels sans lesquels la coopérationinternationale ne peut plus compter.

28 Association OPPES- ALLIES. Paul, BARAIZE. François, NEGRIER. Emmanuel, 2001, op. cit., p3

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PARTIE I : Facteurs et caractéristiques de la professionnalisation de la coopération décentraliséechez les élus et les cadres territoriaux

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PARTIE I : Facteurs et caractéristiquesde la professionnalisation de lacoopération décentralisée chez les éluset les cadres territoriaux

La conjugaison de plusieurs facteurs a favorisé l’émergence d’un processus deprofessionnalisation de la coopération décentralisée (CD) chez les élus et les cadres.Pourtant, deux réformes fondamentales de l’action publique doivent être considéréescomme la genèse de cette évolution. Dés le lendemain de la seconde guerre mondiale,un nombre croissant de collectivités s’engagent dans l’action internationale, sous la formede jumelages. Dans un contexte de décentralisation de fait des responsabilités politiques,le législateur est venu d’abord encadrer, puis accompagner la prise d’autonomie descollectivités dans les relations internationales. En outre, parallèlement à ce processus delégitimation juridique, les collectivités ont su saisir les nouvelles marges de manœuvresqu’offrait, depuis les années 1990, le contexte de transformation de la coopération françaised’Etat. La réunion de ces deux réformes participe au processus de professionnalisationpar la formulation de nouvelles exigences, notamment techniques, et relationnelles,à l’égard des fonctionnaires et des élus territoriaux appelés à se positionner sur lascène internationale (Chapitre I). Si la coopération décentralisée est relativement récente,ses professionnels sont cependant déjà porteurs de caractères spécifiques affirmés.Les dénominateurs communs qui permettent aujourd’hui de parler d’un processus deprofessionnalisation global résident d’une part, dans un cœur de métier fondé sur desméthodes et des principes de travail, et d’autre part, la volonté d’organiser ce métier autourde perspectives communes réunissant ces acteurs autour d’une volonté de formation et demutualisation de leurs actions (Chapitre II).

Chapitre I : Les réformes de l’action publiqueen coopération internationale, facteurs deprofessionnalisation

La coopération décentralisée a connu et poursuit encore aujourd’hui une évolution rapidesous l’influence de deux variables : en premier lieu le processus d’autonomisation législativeet réglementaire des acteurs locaux en matière de coopération internationale, sousl’impulsion de la décentralisation (Section 1). De plus, la réforme de la coopération française,dans un contexte de poussée de la décentralisation dans le monde, oblige l’Etat Françaisà prendre en compte les nouveaux acteurs de la coopération internationale que sont lescollectivités territoriales. Pour inscrire durablement l’action des collectivités territorialesdans le champ de l’action internationale, l’Etat incite les acteurs locaux de la coopération

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décentralisée à se professionnaliser (Section 2). Il y a donc à la fois une demande et uneoffre d’action internationale des acteurs des collectivités territoriales.

Section 1 : La décentralisation, processus de légitimation juridique dela coopération décentralisée

La coopération décentralisée s’est construite à partir de la pratique qu’en ont fait lesacteurs des territoires, cadres et élus locaux. La légitimation juridique de la coopérationdécentralisée, résultant du processus de décentralisation, est donc toujours intervenuepour consacrer une situation de fait préexistante. Dans un premier temps, les collectivitéssont passées de la pratique des jumelages, coopération aux contours juridiques flous,à la reconnaissance d’une pratique de la coopération décentralisée dans le cadre descompétences qui leurs étaient reconnues par la loi (I). Dans un second temps, faceà la multiplication des formes d’intervention des collectivités (aide au développement,humanitaire…), le législateur est venu sécuriser leurs actions en décrivant une compétenced’attribution en matière de coopération décentralisée (II). Ces différentes étapes juridiquesont permis de faire naître et reconnaître l’existence de professionnels de la coopérationdécentralisée, dépassant ainsi le principe du monopole d’Etat en relations internationales.

I. Du jumelage symbolique à la reconnaissance d’une existence juridique dela coopération décentralisée Longtemps ignorée, voire combattue par l’Etat, au nom d’une vision centralisée des relationsextérieures et d’une méfiance parfois exacerbée à l’égard d’une forme de diplomatieparallèle et à l'occasion militante, la coopération décentralisée a dû lentement consolider,d’abord dans les faits et ensuite avec le soutien du législateur, ses fondements juridiques(A). Plus encore au fil du temps, ses actions se sont diversifiées et structurées, conférantà l’action extérieure des collectivités locales un statut à part entière dans le droit descollectivités locales (B).

A. Le principe du monopole d’Etat en relations internationalesLe monopole de l’État dans la conduite des relations internationales n’a pas empêchéle développement d’initiatives de la part de collectivités territoriales, principalement descommunes, dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale (1). Cette situationde fait a imposé à l’Etat de régulariser juridiquement la situation, de manière à mieuxencadrer leurs actions (2).

1- L’existence de fait de l’action extérieure des CT

a. L’absence de prise pour l’EtatSi les actions extérieures des collectivités territoriales s’avèrent anciennes, nombreuseset variées, le cadre juridique dans lequel elles se déploient reste relativement récent. Cedomaine d’intervention des pouvoirs locaux s’est longtemps développé sans cadre juridiqueparticulier, prenant pour assise le principe de libre administration des collectivités locales,posé par la Constitution de 1946 puis par celle de 1958, et l’idée selon laquelle unetelle action constitue un mode d’exercice des compétences et non pas une compétencespécifique des collectivités.

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PARTIE I : Facteurs et caractéristiques de la professionnalisation de la coopération décentraliséechez les élus et les cadres territoriaux

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Le monopole de l’État dans la conduite des relations internationales n’a pas empêchéle développement d’initiatives de la part de collectivités territoriales, principalement descommunes, dans les années qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, notamment dansle cadre du rapprochement franco-allemand. Ainsi, les premiers jumelages, qui restentaujourd’hui la réalisation la plus visible et la plus développée en matière de coopérationdécentralisée, se sont noués en l’absence de tout cadre juridique, par le biais d’initiativesspontanées. Certes, un décret du 24 janvier 195629 prévoyait dans son article premier unecommission chargée de coordonner et de contrôler, sous la tutelle du Préfet, les échangesinternationaux dans le domaine communal. Cependant, l’exercice de ce contrôle est restéà la marge.

L’adoption des lois de décentralisation a, par la suite, incontestablement constitué unpoint de départ à de nouveaux progrès de la coopération décentralisée et de ses acteurs. Eneffet, les transferts de compétence réalisés, ainsi que la visibilité et la légitimité nouvelles desautorités décentralisées ont conduit de nombreuses collectivités territoriales à développerune action extérieure. Pour autant, les lois de décentralisation ne contenaient pratiquementaucune disposition traitant spécifiquement de ce thème. Preuve de la réticence de l’Etatà consacrer cet aspect de l’action locale, l’ article 65 de la loi du 02/03/198230 « esttriplement limitée : seules les régions sont concernées, l’autorisation du gouvernement estrequise et les collectivités (qui partagent une frontière) doivent se contenter de contactsréguliers »31 .Le principe constitutionnel du monopole de l’Etat en matière internationalea souvent été brandi par les opposants à la coopération décentralisée. Ainsi, lorsque futdiscuté, en 1981, le futur article 65 de la loi du 2 mars 1982, M. Jean Foyer s’y opposa parceque « dans notre système constitutionnel, l’exclusivité des compétences internationalesappartient à l’Etat »32. De fait, les conditions restrictives de la loi 02/03/1982 auraient puêtre interprétées comme une interdiction de toute autre forme de coopération. Il n’en arien été. Les collectivités territoriales vont faire preuve d’un dynamisme incontestable :comme l’avoue l’ancien délégué pour l’action extérieure des collectivités locales, le PréfetHubert PERROT, « on peut dire que s’il est un domaine où les faits précèdent le droit avecune énergie irréfragable qui échappe à toute maîtrise, c’est bien celui de la coopérationdécentralisée »33. Ainsi, une série de circulaires a encouragé, au cours des années 1980, lesinitiatives des collectivités locales. « Du jeu est laissé aux collectivités territoriales, qui vontplus loin et font des expériences variées »34 . En effet, la coopération décentralisée va vitese développer en dehors du cadre de l’article 65 de la loi du 2 mars 1982, puisque les

29 JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE, Décret du 24 janvier 1956 portant création d’une commissionchargée de coordonner les échanges internationaux dans le domaine communal, 26 janvier 1956, p.965.

30 JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE, Article 65 Loi du 2 mars 1982, relative aux droits et libertés descommunes, des départements et des régions, n°82-213, 3 mars 1982, p.730. « le conseil régional peut décider, avec l’autorisation duGouvernement, d’organiser, à des fins de concertation et dans le cadre de la coopération transfrontalière, des contacts réguliers avecdes collectivités décentralisées étrangères ayant une frontière commune avec la région »

31 DOLBEZ, Bernard, Le régime juridique de la coopération française après l’adoption de la loi d’orientation pour l’aménagementet le développement du territoire, CRAPS- URA CNRS 0982, Revue Française de Droit Administratif A.11- N°4-6 – Juillet. Décembre1995

32 FOYER, J. JO déb. AN, 2e séance du 19 déc.1981, p.5290.33 PERROT, H , L’état de la coopération décentralisée dans l’ensemble du monde et les propositions auxquelles conduit

l’observation de son évolution depuis 1987. Rapport annuel d’activité du délégué pour l’action extérieure des collectivités localesministère des affaires étrangères, août 1991, p.32.

34 DOLBEZ, Bernard, op. cit.,

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départements et les communes vont, à leur tour, se lancer dans la coopération décentraliséeet que celle-ci ne va pas se limiter à la coopération transfrontalière. L’action extérieure descollectivités territoriales se construit de manière empirique, influençant ainsi les méthodesde travail et d’action des acteurs locaux de la coopération.

La doctrine va achever de conforter cette évolution en fournissant les cadresd’interprétation nécessaires. Les auteurs favorables au développement de la coopérationdécentralisée vont œuvrer dans deux directions. D’une part, ils s’attachent à montrerque la coopération décentralisée n’est pas une compétence nouvelle des collectivitésterritoriales, mais un mode d’exercice des compétences locales35; d’autre part, ils vonts’employer à éclairer la portée du principe constitutionnel du monopole de l’Etat en matièreinternationale : celui-ci ne signifie pas que l’Etat est la seule personne juridique qui puissenouer des relations avec des personnes publiques étrangères ; il signifie simplementque l’Etat est la seule personne publique de droit français susceptible de se placer sousl’empire du droit international public, et de conclure des traités avec des Etats étrangersou des organisations internationales36. En conséquence, il n’interdit pas aux collectivitésterritoriales de conclure des conventions de coopération décentralisée, pourvu que celle-ciéchappe au droit international public.

Si l’on mesure une évolution continue du cadre juridique de l’action extérieure descollectivités territoriales et de leurs groupements, néanmoins, les possibilités d’actionoffertes aux collectivités situées outre-mer ont été, dès le départ de ce processus législatif,plus larges que celles dont disposent leurs homologues de la métropole.

b. L’exception des DOM-TOM : Des possibilités d’action plus larges que lamétropoleAux premières heures de la décentralisation, peu de place est faite à la coopérationentre collectivités, l’État entendant rappeler sa compétence dans l’action internationale.Quelques circulaires précisent cependant le cadre d’intervention des collectivités locales.La circulaire du 12 mai 1987, relative aux relations internationales de la France et àl’action extérieure des régions et départements d’outre-mer, offre en application de l’article9 de la loi du 31 décembre 1982, aux élus locaux des régions de Guadeloupe, Guyane,Martinique et Réunion, la possibilité de participer à des négociations qui intéressent leurcollectivité, en accord avec le préfet37. L’ article 9, alinéa 1 dispose ainsi, que « Les conseilsrégionaux de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique peuvent être saisis de tout projetd’accord concernant la coopération régionale en matière économique, sociale, technique,scientifique, culturelle, de sécurité civile ou d’environnement entre la République françaiseet les États de la mer Caraïbe et les États voisins de la Guyane ». Les DOM TOM ontconstitué l’exception à la règle, puisque dans leur cas le droit a précédé les faits, ave despossibilités d’action plus larges que pour la métropole.

Ces évolutions auraient pu constituer un laboratoire d’expérience pour les collectivitésde métropole et ainsi accélérer la reconnaissance de leur nouvelle place sur la scèneinternationale. Il n’en sera rien. La circulaire du 20 avril 2001 replacera de nouveau les DOM-

35 WOEHRLING, J-M, « Les problèmes juridiques de la coopération transfrontalière au niveau local ou régional », OCDEDirection de l’environnement, Groupe sur la pollution transfrontalière , document ENV/TFP/77.10 du 7 octobre 1977, p.48., AUTEXIER,Ch., Le cadre juridique de l’action extérieure de régions, Revue 1986.568.

36 DUPUY, P.M., La coopération régionale transfrontalière et le droit international, AFDI 1977.84837 NABAJOTH, N, Les relations entre les départements français d’Amérique et les Caraïbes : une histoire en construction, , Revuefrançaise d’administration publique2002/1, N° 101, p. 137-148.

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TOM dans une position de précurseur en leur permettant, pour faciliter leur insertion dansleur environnement régional, de traiter directement avec des Etats voisins38. Les présidentsde ces collectivités agissant alors comme représentants de l’Etat.

2- La Circulaire du Premier Ministre du 26 mai 1983 sur l’action extérieuredes CT« En attribuant des compétences et des moyens accrus aux collectivités locales, la politiquede décentralisation donne à celles-ci la possibilité d'affermir leur identité et de développerleurs activités dans de nombreux domaines. Les communes, les départements et les régionspeuvent, dans l'exercice de leurs attributions, être de la sorte, appelés à entretenir descontacts avec des collectivités locales d'autres pays en particulier en ce qui concerne lesrégions, dans le cadre de la coopération transfrontalière à laquelle se réfère l'article 65 dela loi du 2 mars 1982 ».39

Nous ne pouvons affirmer que se profile déjà l’émergence d’une identité communeà un cœur de métier. Si la circulaire reconnaît aux communes, départements et régionsla capacité, « dans l'exercice de leurs attributions », «d’entretenir des contacts avecdes collectivités locales d'autres pays », elle précise l’étendue de la portée de laloi de décentralisation du 2 mars 1982, en signalant que cette compétence concerneparticulièrement « les régions, dans le cadre de la coopération transfrontalière à laquelle seréfère l'article 65 de la loi du 2 mars 1982 ». De plus l’autonomie d’une profession n’est pasdu tout d’actualité au début des années 80, l’émancipation des collectivités territoriales dansce domaine inquiétant encore l’Etat. Ce sentiment apparaît de manière explicite dans lacirculaire ; « Il importe que le gouvernement soit informé de façon systématique et régulièrede l'action extérieure des communes, des départements et des régions afin de les conseillerà ce sujet et d'être à même de veiller à ce que leurs initiatives en ce domaine respectent lesrègles fixées par la constitution et la loi et n'interfèrent pas défavorablement avec la politiqueétrangère de la France». D’ailleurs, à l’époque, cette circulaire n’a pas été rendue publiquecar, semble t-il, le seul fait d’évoquer l’action extérieure des collectivités locales apparaissait« comme quelque chose de véritablement explosif »40.

Certes, les circulaires successives des premiers ministres, telles celles du 26 mai 1983,du 10 mai 1985 ou du 12 mai 1987, ont été le signe du volontarisme gouvernemental enla matière, mais l'absence de consécration législative limitait nécessairement la portée dela coopération décentralisée. Elle est intervenue avec la loi n°92-125 du 6 février 1992d’orientation relative à l’administration territoriale de la République contenait un titre IVrelatif à la coopération décentralisée, dont les dispositions constituent le cœur de l’actuelchapitre V du livre premier du code général des collectivités territoriales (articles L. 1115-1à L. 1115-7).

B. La capacité ratione materiae des collectivités territoriales à l’international

38 Loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer (articles L. 3441-2 à L. 3441-7 et L. 4433-4-1 à L.4433-4-8 du code général des collectivités territoriales). Loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie dela Polynésie française. Loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.39 CIRCULAIRE 1789, relative à l’action extérieure des Collectivités Locales du 26/05/1983

40 VION, Antoine, NEGRIER Emmanuel, La Coopération Décentralisée, un étage du jeu diplomatique, DOCUMENT DETRAVAIL- L.E.S.T.- CNRS – UMR 6123, p.10-11.

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Si aux termes de la loi d’orientation du 6 février 1992, relative à l’aménagement du territoirede la République , le législateur reconnaît officiellement le droit à une collectivité d’entretenirdes relations avec une collectivité étrangère dans le cadre des compétences, qui lui sontdévolues par les lois de décentralisation et dans le respect des engagements internationauxde la France (1), la loi qui lui fait suite en 1995 reste relativement restrictive pour les acteursdes collectivités et lui permet de rappeler qu’il revient à l’Etat, seul, de conduire les relationsavec les Etats étrangers (2).

1- La loi d’orientation relative à l’Aménagement du Territoire de laRépublique (dite Loi ATR) du 6 février 1992 :Le principe du monopole de l’Etat en matière internationale est définitivement écarté avecla Loi d'orientation n°92-125 du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de laRépublique41. Le titre IV de la loi d’orientation englobe toutes les catégories d’interventiondes collectivités territoriales. Il peut s’agir aussi bien de l’établissement de relations d’amitiéou de jumelage avec des collectivités territoriales étrangères, que d’actions de promotionà l’étranger, d’aide au développement de collectivités dans certains pays, d’assistancetechnique, d’action humanitaire, de gestion commune de biens, de services et aussi,bien sûr, de coopération transfrontalière. Il faut cependant préciser que ces dispositionsconstituent une modalité particulière de l’exercice des compétences des collectivitésterritoriales et non une compétence nouvelle. Les collectivités locales ne peuvent donc pasmener d’actions avec les collectivités territoriales étrangères en dehors des compétencesqui leur sont reconnues par la loi. L’article 131. - I. est ainsi formulé : « Les collectivitésterritoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivitésterritoriales étrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences etdans le respect des engagements internationaux de la France 42». Le Conseil d’Etat aprécisé, dans une décision du 23 Octobre 198943 que les compétences communalestrouvaient leurs limites dans la notion d’intérêt local au sens de l’article L121-26 du codedes communes44. Les conventions passées entrent en vigueur dès leur transmission aureprésentant de l'Etat (contrôle de légalité). La capacité d’action d’une collectivité est ainsiconditionnée non seulement par l’interdiction qui lui est faite de méconnaître des obligationslégales ou d’empiéter sur les compétences exclusives de l’Etat ou d’une autre collectivité,mais également par l’exigence d’un intérêt local, dont l’existence est appréciée par sonassemblée délibérante sous le contrôle du juge administratif.

La loi d’orientation pour l’aménagement du territoire de la République constitue untournant pour les acteurs institutionnels de la coopération décentralisée, car « le législateurintervient enfin pour capitaliser et formaliser [leur] pratique »45. Concrètement, il leur donneles moyens juridiques de la coopération qu’ils mènent. Notons que la loi autorise lacollectivité à déléguer la mise en oeuvre de la coopération décentralisée (ou du jumelage) à

41 J.O n° 33 du 8 février 1992, Loi d'orientation n°92-125 du 6 février 1992, relative à l'administration territoriale de la République,Titre IV De la coopération décentralisée42 Loi d’orientation ATR no 92-125 du 6 février 1992,43 Commune de Pierrefitte-sur-Seine : défaut d’intérêt communal non par absence de lien matériel entre la Commune et l’organismedestinataire de la subvention, mais par la nature politique du conflit (Nicaragua) auquel les communes sont ainsi amenées à prendreparti.44 « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune »

45 DOLBEZ, Bernard, op. cit.,

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une association (un Comité de jumelage par exemple, qui a un statut associatif et relève dudroit privé, un établissement public, une société d’économie mixte), mais la collectivité resteresponsable des actions menées dans le cadre de sa coopération décentralisée (d'où lanécessité d'une convention). Cette possibilité impliquera par conséquent des différences demétiers dans les services des relations internationales et de coopération des collectivités,selon qu’elles choisissent ou pas une maîtrise d’œuvre directe, comme nous le verrons parla suite.

De plus, la loi de 1992 revêt toute son importance par le mouvement de normalisationdes pratiques professionnelles à l’international auquel elle a conduit les collectivités. Pourmesurer cet impact, il faut se pencher sur l'abondante production doctrinale qu’a suscitéce tournant législatif chez les juristes de droit public et de droit constitutionnel. Pourbeaucoup d'universitaires, la décentralisation n'avait d'intérêt que si elle permettait unassouplissement du cadre unitaire étatique qui régissait jusque là l'action publique avec demoins en moins d'efficience. En d'autres termes, une partie de la doctrine était partisaned’un droit à l'expérimentation permettant aux collectivités, qui en auraient l'envie et lesmoyens, de conduire des politiques publiques au niveau international. « Cette légitimationd'une autre dimension de la coopération décentralisée répondait à l'ouverture d'un nouveaumarché du travail pour les étudiants intéressés par la fonction publique territoriale, celui decarrières internationales en gestation fondées sur des compétences en matière technique,financière et administrative. Des compétences dont la carence était souvent constatéepar l'administration centrale elle-même au stade du montage des dossiers et du suivi desopérations de coopération »46. La loi ATR allait donc permettre de valoriser cette expérienceacquise dans les registres transférés par l'Etat aux collectivités ; ainsi se dessinaient ets’imposaient de nouveaux "métiers à l'international" dans l'ingénierie administrative (avecla maîtrise de la démocratie locale, des techniques d'autofinancement, ou encore la gestiondes services urbains).

La loi de 1992, relative à l’administration du territoire de la République a, la première,conféré aux pratiques diverses développées par les collectivités locales françaises enmatière de coopération décentralisée un véritable statut, jamais remis en cause depuis endépit de plusieurs adaptations (CGCT Art. L.1115-1. s).

2- La Loi d’orientation relative au développement et à l’aménagement duterritoire du 4 février 1995L’interdiction faite aux collectivités territoriales françaises et à leurs groupements de passerdes conventions avec des Etats étrangers repose sur un fondement constitutionnel etlégislatif47. Elle suscitait toutefois des difficultés d’ordre pratique et risquait d’être remiseen cause par l’évolution du droit communautaire. L’article L. 1115-5 du code général descollectivités territoriales résulte d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, lorsde l’examen de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et ledéveloppement du territoire48, à l’initiative de MM. Pierre Mazeaud et Robert Pandraud quisouhaitaient « rappeler le principe constitutionnel selon lequel il revient à l’Etat et à lui seul,

46 ALLIES Paul, BARAIZE François, NEGRIER Emmanuel, Un état de la coopération décentralisée, Ministère desaffaires étrangères- Direction Générale de la coopération internationale et du développement/ Mission pour la CoopérationNonGouvernementale, p.51.47 Article L. 1115-5 du code général des collectivités territoriales.48 J.O n° 31 du 5 février 1995, LOI n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire,p.1973.

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de conduire les relations avec les Etats étrangers»49. S’il n’a jamais eu l’occasion de seprononcer directement sur la possibilité pour une collectivité territoriale ou un groupementde collectivités territoriales de passer une convention avec un Etat étranger, le Conseilconstitutionnel s’est toujours montré attentif à la protection des prérogatives de l’Etat dansle domaine des relations internationales. Dans sa décision n° 94-358 du 26 janvier 1995,tout en jugeant conformes à la Constitution les dispositions de la loi du 4 février 1995, ilrappelle le principe de souveraineté de l’Etat50il souligne que les garanties prévues par laloi évitent toute atteinte aux conditions essentielles de souveraineté.

La loi du 4 février 1995 accorde néanmoins une place moins importante à la coopérationdécentralisée : les débats parlementaires ont été plus brefs et un seul article (83) d’unchapitre relatif au « développement local » est consacré à cette question. Elle ne se traduitpas non plus par un bouleversement de son régime juridique.

« Dans le cadre de la coopération transfrontalière, les collectivités territoriales etleurs groupements peuvent, dans les limites de leurs compétences et dans le respect desengagements internationaux de la France, adhérer à un organisme public de droit étrangerou participer au capital d'une personne morale de droit étranger auquel adhère ou participeau moins une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales d'un Etateuropéen frontalier. L'objet exclusif de cet organisme ou de cette personne morale doitêtre d'exploiter un service public ou de réaliser un équipement local intéressant toutes lespersonnes publiques participantes ».

La loi de 1995 limite la capacité juridique des collectivités territoriales puisque lapossibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d’adhérer ou de participerà des structures de droit étranger ne peut se faire que dans le cadre de coopérationstransfrontalières ; en revanche, elle confirme les moyens qui leurs sont offerts dans le cadrede ce type de coopération.

Certaines actions extérieures des collectivités territoriales n'entraient plus dans lecadre juridique défini par la loi du 16 février 1992, notamment en l'absence de conventionsignée entre collectivités territoriales. Il en est résulté une insécurité juridique affectantla mise en oeuvre de projets importants. En outre, les aides humanitaires d'urgence quecertaines collectivités souhaitaient apporter, se heurtaient à une définition jurisprudentielletrès rigoureuse de la notion d'intérêt local. Il convenait donc d'assouplir le cadre juridiqueactuel. Le législateur est donc intervenu en 2005 et en 2007 transformant la coopérationdécentralisée en une compétence spécifique exercée par les collectivités.

II. La délimitation d’une sphère d’autonomie à travers une nouvelle vaguelégislativeLa nécessité de sécuriser les très nombreuses initiatives prises par les collectivitésterritoriales dans le domaine de la coopération décentralisée a donc conduit le législateurà donner des marges de manœuvre et un cadre d’action légal aux professionnels de lacoopération décentralisée, dans le domaine de l’eau et de l’assainissement (A), dans unpremier temps, puis plus largement en consacrant leur possibilité d’action humanitaire,domaine réservé jusqu’à présent au monopole d’Etat (B).

A. La Loi OUDIN, l’action extérieure des Collectivités territoriales confortée :49 Journal officiel des débats de l’Assemblée nationale 1ère séance du 12 juillet 1994, p.4748.50 Art. 133-2. –Aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou ungroupement et un Etat étranger.

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Un nouvel élan a été donné à la coopération décentralisée avec l'adoption le 27 janvier 2005d'une loi sur la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences del'eau dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement, dite Loi Oudin51.Cette loi met un terme à un vide juridique et permet désormais aux collectivités et auxagences de l'eau de mener des actions de coopération, d'aides d'urgence et/ou de solidaritéinternationale avec des collectivités territoriales étrangères dans la limite de 1% de leursressources. L'application de cette nouvelle disposition législative nécessite de respecter sixgrands principes52, qui sont autant de manière de construire l’action des professionnels dela coopération décentralisée.

Au premier rang de ces six principes figure l'apport des collectivités françaises auxcollectivités étrangères, qui doit concerner en priorité l'appui à la bonne organisation età la bonne gestion des services d'eau potable et d'assainissement, notamment dans lespays en voie de développement. La définition des orientations stratégiques pour l'applicationde cette nouvelle disposition législative est du ressort direct des acteurs de la coopérationdécentralisée en priorité des collectivités. L'Etat, peut, quant à lui, soutenir ces acteurs dansleur démarche et aider les Etats partenaires à mettre en place des cadres institutionnelsfavorisant la décentralisation. Pour le Ministère de l’écologie et du développement durable lamise en place de multi- partenariats associant collectivités, agences de l'eau, ONG, Agencefrançaise de Développement permettra de mutualiser les compétences et expériences et decontribuer ainsi à la pérennité des projets réalisés. Il est enfin précisé que les orientationsretenues devront conduire à éviter toute dispersion des actions et à rechercher la cohérenceet l'efficacité ; la transparence et l'évaluation des actions menées devront être au cœur deces orientations, des fonds publics étant en jeu.

Néanmoins, le domaine concerné par la loi Oudin demeure restrictif, l’absence debases juridiques solides à l’action extérieure des collectivités territoriales reste une sourcede préoccupation pour les collectivités territoriales qui ont mis en œuvre des projetsimportants et pour celles qui souhaiteraient aller de l’avant. Des jugements récents decertains tribunaux administratifs, sources d’ambiguïtés juridiques, ont par conséquent obligéle législateur à intervenir pour prendre en compte la diversité des coopérations entretenuespar les collectivités.

B. La Loi THIOLLIERE : un cadre solide et sécurisé pour l’action extérieuredes CTL’apport de la loi Thiollière est sans précédent puisqu’elle a permis de conférerune compétence d’attribution (2) aux collectivités dans le domaine de la coopérationdécentralisée, dépassant ainsi le principe fixé par la loi de 1992, qui obligeait l’actionextérieure des collectivités à s’inscrire dans le cadre des compétences qui leur étaientreconnues par la loi (1). Par ailleurs, tout en maintenant le principe de la conventionpréalable, la loi du 2 février 2007 innove en prévoyant un cas de dispense de cetteconvention : l’urgence humanitaire.

1- Le principe antérieur à la Loi Thiollière : l’inscription de l’ action extérieuredes CT dans le cadre de leurs compétences

51 LOI n°2005-95 du 9 février 2005 relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l’eau dansles domaines de l’alimentation en eau et de l’assainissement52 Enoncés par le Ministère de l'Ecologie et du Développement Durable

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Les actions des collectivités territoriales se sont au fil des années diversifiées, mais lesfaits précédant toujours le droit dans le domaine de la coopération décentralisée, le cadrejuridique dans lequel évoluaient ces actions, restait incertain.Une grande interrogation liéeà l’action extérieure des collectivités territoriales tenait à leur légitimité d'intervention dansun domaine qui ne relevait pas directement de leurs compétences. La clause généralede compétence permet à l’organe délibérant de chaque collectivité de régler par sesdélibérations les affaires de la collectivité. Pour autant, cette règle n’interdit pas, par principe,à une collectivité territoriale d’intervenir en dehors de ses limites géographiques. En effet,une action menée à l’étranger peut engendrer des retombées bénéfiques pour la collectivitéqui en a pris l’initiative et pour ses habitants. C’est ainsi que le Conseil d’État a admis53

l’existence d’un intérêt public communal pour l’octroi de bourses à des étudiants originairesde villes jumelées « dans le but d’encourager le développement ultérieur de projets decoopération associant des instituts de recherche et des entreprises situées tant sur leterritoire de Villeneuve-d’Ascq que sur celui des collectivités dont étaient issus les deuxétudiants ». Pour être légales, comme l’ont rappelé à plusieurs reprises le législateuret le juge administratif, les actions extérieures des collectivités territoriales et de leursgroupements doivent présenter un intérêt local.

Or, en l’absence de définition objective, la notion d’intérêt local a fait l’objetd’appréciations divergentes de la part des juridictions administratives, créant ainsi uneinstabilité juridique. S’il est admis que les limites territoriales des collectivités locales neconstituent pas nécessairement des obstacles à leur intérêt à agir, le juge recherche toujoursun lien entre l’objet de la dépense et la population locale en France, lorsque l’objet de l’actionse déploie à l’extérieur du territoire de la collectivité.Néanmoins, il existe des situationsoù l’action extérieure menée par une collectivité territoriale peut être, sinon désintéressée,du moins sans conséquence directe pour ses habitants. « Par essence, le domaine del’aide au développement relève de la solidarité internationale, et peut rendre plus difficilela manifestation d’une retombée positive pour la collectivité territoriale et ses habitants. Ilest cependant clair que le concept même de coopération décentralisée perdrait beaucoupde son sens si les actions autorisées dans ce cadre devaient automatiquement produire un intérêt local pour la collectivité qui en est à l’origine »54.

Ainsi, plusieurs jugements récents de tribunaux administratifs ont fait naître une grandeinquiétude chez les collectivités territoriales les plus avancées dans le domaine de l’aide audéveloppement : il s’agit tout d’abord d’un jugement du tribunal administratif de Poitiers55 quia annulé deux délibérations du conseil général des Deux-Sèvres subventionnant laconstruction d’un collège au Burkina- Faso et d’un service d’incendie à Madagascar aumotif qu’elles ne répondaient pas « à des besoins de la population deux- sévrienne ». Dela même façon, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise56a annulé une subvention de lacommune de Stains à un camp de réfugié palestinien pour défaut d’intérêt communal. Lerapport du Conseil d’Etat, dont M. Yves Gounin se fait l’écho57, tempère cette inquiétudeen jugeant légitime de considérer que la question de l’intérêt local ne se pose pas dans lesmêmes termes selon que la collectivité territoriale intervient au titre de la clause générale

53 CE Section, 28 juillet 1995, Commune de Villeneuve d’Ascq, AJDA 1995, p 834, concl. R. Schwartz, Lebon p.324.54 GUENE C. Rapp. Sénat, n°29, 19 oct.2005, p.29. et DECOQ C. Rapp. AN n°3610, 24 janvier 2007, p.10.55 GOUNIN, Y, AJDA 2005, TA Poitiers, 18 novembre 2004, M. Charbonneau, p. 486.56 TA Cergy-Pontoise, 25 novembre 2004, Préfet de la Seine-Saint-Denis, n°020357157 GOUNIN, Y, Le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités locales, 19 septembre 2005, AJDA N°31/2005-

p.1713-1717.

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de compétence ou au titre de ses compétences d’attribution, l’intérêt local étant présumédans le second cas58.En revanche, par un arrêt du 13 mai 2004, la cour administratived’appel de Douai a admis la légalité d’une subvention octroyée par la région Picardie àune collectivité territoriale béninoise en dépit de l’absence « de répercussions concrètesimmédiates sur la région Picardie ». Elle s’est satisfaite de ce que « ce projet doit donnerl’occasion à un ensemble de partenaires locaux de la région Picardie (structures agricoles,chambres consulaires, associations, structures intercommunales, universités) de s’associerà cette démarche et de mobiliser à cette fin leur savoir-faire en matière de développementlocal et d’action décentralisée ».

Pour autant, cet exemple ne suffit pas à gommer une jurisprudence qui reste aléatoirenotamment pour les actions d’aide au développement et d’aide humanitaire d’urgenceconduites par les collectivités territoriales et leurs groupements. Aussi une modificationlégislative semblait-t-elle nécessaire pour lever toute incertitude juridique.

2- La coopération décentralisée une compétence d’attribution descollectivités territoriales françaisesL’intervention du sénateur Michel THIOLLIERE en faveur d’une sécurisation juridique del’action extérieure des collectivités territoriales a été précédée d’une importante circulaire du20 avril 2001 du Ministre de l'Intérieur et du Ministre des Affaires Etrangères adressée auxpréfets et aux chefs de postes diplomatiques et consulaires59. Elle répondait à la nécessitéd’actualiser les règles applicables face au développement de la coopération décentraliséemené par les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi qu’au souci exprimé parles élus de plus de sécurité juridique. Par ailleurs, cette circulaire posait les prémisses dela Loi de 2007 en abordant le statut juridique des interventions humanitaires selon qu’elless’adressaient ou pas à des populations liées à la collectivité française par une conventionde coopération décentralisée.

La nécessité de sécuriser les très nombreuses initiatives prises par des collectivitésterritoriales dans le domaine de la coopération décentralisée a conduit le sénateur de laLoire Michel Thiollière (groupe RDSE), à déposer une proposition de loi, profondémentmodifiée par le Sénat. L’article unique de la proposition de loi visait à réécrire entièrementl’article L. 1115-160 du code général des collectivités territoriales afin de lever les incertitudesjuridiques liées à sa rédaction actuelle. Plus précisément, elle cherche à définir la notiond'intérêt local requis pour la légalité des actions de coopération décentralisée. La plupartdes élus locaux considèrent qu’ils doivent pouvoir agir en matière de coopération, dedéveloppement et d’humanitaire comme peuvent le faire l’Etat ou la société civile. Encorefallait-il qu’ils disposent d’une habilitation à de telles opérations, puisque la clause généralede compétence fondée sur l’intérêt public local ne suffisait pas toujours. Ils avaient obtenu

une première habilitation avec l’Article 1er de la loi Oudin n° 2005-95 du 9 février 2005,qui leur avait permis de mener des opérations en Asie du Sud-Est lors du Tsunami. Les

58 Si l’on suit ce raisonnement, le tribunal administratif de Poitiers aurait commis une erreur de droit puisque les départementstiennent de la loi leurs compétences en matière de construction de collèges et de financement des services d’incendie et de secours59 Circulaire NOR/INT/B/01/00124/C du ministre de l’intérieur et du ministre des affaires étrangères du 20 avril 2001.

60 « Les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avec des collectivités territorialesétrangères et leurs groupements, dans les limites de leurs compétences et dans le respect des engagements internationaux de laFrance. Ces conventions entrent en vigueur dès leur transmission au représentant de l'Etat dans les conditions fixées aux articles L.2131-1 et L. 2131-2. Les dispositions de l'article L. 2131-6 sont applicables à ces conventions ».

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élus locaux disposent maintenant avec la Loi THIOLLIERE d’une toute autre habilitation,beaucoup plus générale et moins conditionnée que la Loi Oudin.

Afin de répondre aux incertitudes juridiques liées à la nécessité de rattacher les actionsde coopération décentralisée à une compétence de la collectivité territoriale, la propositionde loi suggère, comme le propose également le Conseil d’État, de supprimer les mots « dansla limite de leurs compétences » au sein de l’article L. 1115-1 du CGCT. Ainsi, la coopérationdécentralisée ne serait plus un prolongement, en dehors de nos frontières, de l’action dedroit commun des collectivités territoriales, mais une compétence supplémentaire de celles-ci. Elles sont dorénavant autorisées à « conclure des conventions (…) pour mener desactions de coopération ou d’aide au développement ». « L’immense majorité de l’actionextérieure des collectivités territoriales, qu’il s’agisse de la coopération transfrontalière oudes actions de solidarité internationale, trouvera donc une base juridique incontestablesans qu’il ne soit plus nécessaire de rechercher un intérêt local ou le rattachement à unecompétence existante »61. Comme le souligne M. Yves Gounin dans l’article précité parudans l’Actualité juridique du droit administratif : « Peu importe en effet avec le texte proposéqu’une action de coopération décentralisée n’ait pas de retombée directe sur la populationlocale dès lors qu’elle a été engagée dans le cadre d’une convention et dans un objectif,hier implicite et aujourd’hui explicite, de coopération ou d’aide au développement»62. C'estdonc parce que cette proposition de loi vise à donner une base légale incontestable àl'aide au développement et à l'aide humanitaire d'urgence, consenties par les collectivitésterritoriales françaises, qu'elle permettra aux acteurs territoriaux de participer clairement àl'effort de solidarité internationale, en définissant de nouveaux modes d’action. Dans unsouci de transparence, au vu des deniers publics engagés, la nouvelle loi impose auxcollectivités de mentionner dans la convention l'objet des actions envisagées et le montantprévisionnel des engagements financiers. Cette disposition permettra aux collectivités demieux justifier leurs choix en cas de contrôle de la chambre régionale des comptes, parailleurs elle induit de nouveaux modes de fonctionnements chez les professionnels de lacoopération décentralisée, notamment en termes de compétences techniques, comme nousles retrouverons dans la suite de notre analyse.

Comme le reconnaisse les parlementaires, la nouvelle loi modifie la nature mêmede la coopération63. Jusque là elle était conçue comme un simple mode d’exercice descompétences reconnues aux collectivités. Avec la loi Thiollière, la coopération devientmaintenant une compétence propre d’attribution des collectivités et de leurs groupements.« Le changement n’est pas anecdotique, même si pour autant il n’y a pas de révolution, carnous n’avons pas transformé notre Etat et il n’est toujours pas question d’une diplomatiedes collectivités territoriales même si cela est parfois évoqué »64.

Au sein des réformes conduites par les pouvoirs publics, la décentralisation a permisd’encadrer juridiquement les actions des professionnels de la coopération décentralisée,leur conférant une existence légale aux côtés des autres acteurs de la coopérationinternationale. Par ailleurs, la réforme de la coopération française a indéniablementcontribué à la construction et indirectement à la reconnaissance des professionnels de lacoopération décentralisée sur la scène de la coopération.

61 GUENE C. Rapp. Sénat, n°29, 19 oct.2005, p.29. et DECOQ C. Rapp. AN n°3610, 24 janvier 2007, p.12.62 GOUNIN, Y, op. cit.p.1716.63 GUENE, C et DECOQ, C, op. cit., p.15.64 MONDOU, Christophe, La coopération décentralisée des collectivités territoriales : d’un mode d’exercice des compétences

à des compétences spécifiques, Revue Lamy Collectivités Territoriales, mars 2007,

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Section 2 : La réforme de la coopération française d’EtatLa coopération française se réformant, les collectivités territoriales ont su saisir la margede manœuvre qui se dégageait sur le terrain de la coopération internationale, tout en sepositionnant comme garantes des spécificités de la coopération française ; l’émergence desautorités locales dans ce domaine étant légitimée par un phénomène mondial (I). La réformede la coopération française d’Etat, a par ailleurs incité ce dernier à prendre en compte laprésence de ces nouveaux acteurs ; il a donc cherché à encadrer cette action, en posantde nouvelles exigences, sources de professionnalisation pour les acteurs institutionnels dela coopération décentralisée (II)

I. Une nouvelle marge d’action pour les professionnels de la coopérationdécentralisée :Dans un fort contexte concurrentiel de la coopération internationale, la réforme dela coopération française d’Etat, en prise avec de nombreuses réformes internes, aindirectement dégagé de nouvelles marges d’action aux élus et aux cadres territoriaux.Désormais, ils se positionnent comme des gages du maintien de la présence et de laspécificité de la coopération française (A). La scène internationale, ne pouvant restersourde aux mutations du paysage des acteurs de la coopération, a inscrit les collectivitésterritoriales au tableau institutionnel européen et international, confortant, de fait, lesentiment d’une professionnalisation en marche(B) .

A. La présence et la spécificité de la coopération française maintenues parles professionnels de la CD :Le contexte de réforme profonde de la coopération française d’Etat, a donné l’occasionaux acteurs de la coopération décentralisée de se positionner comme des professionnelscapables de maintenir la position de la coopération française sur la scène internationale (1),tout en préservant la particularité de l’assistance technique française, ainsi que sa politiquede co-développement (2)

1- Les professionnels de la CD, un rempart :

a. La coopération française d’Etat redéfinie par de nombreuses réformesNée du contexte de la guerre froide et de la décolonisation, notre Aide Publique auDéveloppement (APD) se transforme depuis les années 1990 pour faire face aux défis dela mondialisation. Avec 7,5 milliards d'euros consacrés à l'aide publique au développement,soit 0,44 % de son revenu national brut (dont les deux tiers vont à l’Afrique francophone),la France est la plus généreuse des pays du G7. Néanmoins, sa contribution n’a cesséde se réduire, exception fait de l’aide publique consacrée au développement en 2007 quireprésente une progression de 10% par rapport à 200465.

Depuis Charles de Gaulle, qui avait « inventé » la coopération et l’avait dotée d’unministère en 1960, la question des modalités de réforme de notre aide publique audéveloppement est périodiquement posée. « Le fondateur de la cinquième République lui-même y pensait66, mais il n’en avait rien fait. Responsable de la diplomatie puis premier

65 CAMBON,Christian - Compte rendu de la discussion sur la Loi Thiollière au Sénat, 2007, p966 En février 1966, le général De Gaulle avait confié à Jacques Foccart que le ministère de la coopération devait « être rattaché

au Quai d’Orsay » (in Jacques Foccart, Tous les soirs avec de Gaulle , Fayard-Jeune Afrique, Paris, 1997, tome I).

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ministre, Alain Juppé s’était également attelé à cette réforme, en vain. Lionel Jospin, a menéà bien la restructuration rêvée par son prédécesseur »67. Entre 1960 et 1995, plus de trenterapports de personnalités et institutions indépendantes, mandatées par le gouvernement,ont été élaborés, appelant notamment à une meilleure coordination des ministères de lacoopération, des affaires étrangères et des finances. « Attendue, la réforme était désormaisdevenue singulièrement urgente dans ce nouveau contexte international »68. Elle aura lieuen deux temps. En 1996-1998, une première phase met en place les grands principeset modifie les structures (Réforme des compétences du ministère de la coopération en1996, puis fusion en 1998 du ministère des affaires étrangères et du ministère de lacoopération, de laquelle naît la Direction Générale de la Coopération Internationale et duDéveloppement (DGCID) ). En 2004-2005, un réglage plus fin intervient, en accord avecl’esprit de la LOLF (Les crédits d’APD du Ministère des Affaires Etrangères –MAE- et duMinistère de l’économie et des finances –MINEFI- sont regroupés dans un budget plusvisible et transparent, au sein d’une mission interministérielle). Derrière l’ensemble de cesréformes, la coopération française a toujours poursuivi les objectifs de transparence etd’efficacité de sa coopération, pour déboucher sur un véritable partenariat avec les paysconcernés et mettre fin aux errements si souvent dénoncés de la politique française (argentgaspillé, opérations politico- financières douteuses, réseaux occultes, etc.). Néanmoins, unequestion reste en suspens, la réforme de la coopération est restée muette sur l'assistancetechnique. Depuis plusieurs années pourtant l'assistance technique est en proie à unmalaise certain qui « trouve son origine dans la déflation considérable des effectifs depuisdix ans et dans la diminution progressive du temps de séjour des coopérants »69. Leseffectifs sont en effet passés de 20.000 à 2.000 en dix ans (mutation pendant les années90). Sans doute, le souci légitime d'alléger la coopération dite « de substitution »70 explique-t-il une part de cette évolution, mais la contrainte budgétaire a également joué son rôle. Cette évolution apparaît particulièrement préoccupante, dans la mesure où elle affecte notrecapacité d'action dans les pays bénéficiaires de notre aide. « La France pourrait perdre ainsiprogressivement le rôle d'influence et de conseil qui lui est reconnu, du moins dans les paysqui bénéficient traditionnellement de notre coopération »71. Aussi bien du côté français, quedu côté des partenaires, on s’alarmait de ces réformes ; la vigoureuse réaction du premierministre béninois, de l’époque (1998), Adrien Houngbédji s’exprimant à Paris, aux assisesdu RPR, illustrait alors l’inquiétude commune de voir la France se comporter « comme si elleavait décidé de se replier ». La réforme de la coopération n'avait naturellement pas pour seulobjet la modification du dispositif institutionnel. La restructuration de l'appareil administratifn'est que l'un des instruments d'un dessein plus ambitieux : la rénovation de notre politiqued'aide au développement. Il apparaissait donc indispensable que le gouvernement arrête,en cette matière décisive pour notre politique d'aide, un cap clair qui tienne compte desévolutions de la coopération internationale et de ses nouveaux acteurs. Lors du colloqueorganisé le 4 et 5 juillet 2007 par le Haut Conseil pour la Coopération Internationale (HCCI)

67 Le Monde diplomatique « La coopération française entre réforme et ravalement » Mars 199868 Article paru dans L’ENA hors les murs, Regard sur 2006, N° 367, Décembre 200669 PENNE, Guy., BRISEPIERRE, Paulette., DULAIT, André- La Réforme de la Coopération -Sénat- Session ordinaire de

2001-2002, Annexe au procès verbal du 30 octobre 2001- Rapport d’information,fait au nom de la commission des Affaires étrangères,de la défense et des forces armées sur la réforme de la coopération

70 Les critiques à l'encontre de l'assistance technique sont anciennes, il lui est reproché de promouvoir une assistance toujoursempreinte de substitution ou de forte convenance politique, au détriment de la mobilisation de compétences locales qui, pourtant, sontde plus en plus nombreuses et qualifiées et trop souvent inutilisées ou expatriées.

71 Ibid.,

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et France Coopération Internationale (FCI), Richard WEBER, Directeur Général Adjointd’EUROPAID s’exprimait ainsi, « l’ assistance technique a longtemps été le fer de lancede la France », il s’interrogeait alors sur « le rôle (que pourraient) jouer les CollectivitésTerritoriales avec la décentralisation et l’urbanisation, (car) on se rend compte qu’ellesdeviennent des acteurs majoritaires de la coopération internationale »72.

b. L’alternative de la coopération décentralisée sur le marché concurrentielde la coopération internationaleLa contribution financière de notre pays n'a cessé de se réduire au cours de la dernièredécennie, mettant en danger l' « exception française ». Ainsi, de 1993 à 1999, l'aide publiquea perdu 13 milliards de francs en prix courant, soit une réduction de 40% en prix constant.Après avoir représenté à son point le plus élevé 0,64% du PIB en 199473, l'aide françaisea atteint son niveau le plus bas en 1999 à 0,38%. Elle a amorcé depuis lors un légerredressement. Quoi qu'il en soit, la France apparaît désormais relativement éloignée del'objectif « idéal » souvent réitéré dans les enceintes internationales de consacrer 0,7 %du PNB à l'aide publique au développement. Par ailleurs, la montée en puissance dela concurrence sur la scène de la coopération internationale a accompagné une prisede conscience de plus en plus claire que l’Etat ne peut être, à lui seul, le moteur dudéveloppement d’un pays. La singularité française apparaît actuellement beaucoup moinsmarquée qu’on ne le croit souvent. L’Allemagne, par exemple, utilise environ 1.400 expertspermanents à l’étranger, dont les fonctions (malgré des statuts différents) et les conditionsd’emploi sont analogues à celles de nos assistants techniques. L’Union européenne etles institutions multilatérales (Banque mondiale en particulier) recourent massivement àl’assistance technique, même si les différences de terminologie et de statut brouillentégalement les comparaisons. Être davantage présent sur les marchés de la coopération estessentiel pour l’Etat français, à la fois en raison de leur importance économique croissanteet parce qu’il en va de l’influence de la France et de ses conceptions en matière decoopération. Pour conserver cette position, selon Jean-Michel DEBRAT, Directeur GénéralAdjoint de l’AFD, il faut « resituer l’offre car la concurrence devient forte, la majorité desappels d’offre internationaux (étant aujourd’hui) remportés par les chinois »74. Face auxcritiques et inquiétudes soulevées par la réforme de la coopération française en 1998, l’Etats’est peu à peu rendu compte que les collectivités territoriales pouvaient constituer les relaisde la coopération française de demain. S’il y a eu, une certaine méfiance au début de lapart de l’Etat, face à une coopération qu’il ne maîtrisait pas, cet état d’esprit est en toutcas aujourd’hui largement révolu.La conception à l’honneur est plutôt que la mobilisationdes collectivités territoriales disposant d’un ancrage local, mais aussi de compétenceset de savoir-faire spécifiques, constituent une valeur ajoutée irremplaçable pour l’actioninternationale de la France, « une action internationale dont la diversité constituerait ainsiun des principaux atouts devant les exigences d’adaptation à des situations complexes »75.Le département de l’Hérault résume assez bien l’état d’esprit actuel dans une note de sa

72 Colloque HCCI et FCI « De l’assistance technique à l’expertise internationale : les nouveaux métiers de la coopération »,4 –5 juillet 200773 il s'agissait alors, d'un pic exceptionnel, correspondant aux mesures financières apportées en contrepartie de la dévaluation74 Colloque HCCI et FCI « De l’assistance technique à l’expertise internationale : les nouveaux métiers de la coopération », 4 –5 juillet 200775 AVIS adopté par le Conseil économique et social -La contribution de la France au progrès des Pays en voie de Développement( PED), 28 février 2001, p.113.

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Direction des relations internationales et de la coopération décentralisée datée de 2000:« La coopération décentralisée, loin de nuire à l’autorité de l’Etat, complète et renforcesonaction, notamment comme outil de promotion et de valorisation des ressources du pays».En effet, la coopération décentralisée tente de répondre aux critiques longtemps formuléesà l’encontre de la coopération française d’Etat, en dépassant en parti les écueils d’hieravec une action concrète proche du terrain, et en offrant une source d’expertise pointuepour demain. L’Etat Français l’a d’ailleurs bien compris, dés 1983 une Circulaire du Premierministre sur l'action extérieure des collectivités locales affirmait « Le développement deces contacts peut s'avérer avantageux non seulement pour les collectivités locales maisencore pour le pays tout entier. Les régions, les départements et les communes peuvent eneffet contribuer à démultiplier et à diversifier l'action de la France dans le monde »76. Cetteposition est aujourd’hui consacrée dés les premières pages du Guide de la coopérationdécentralisée débutant en ces termes : « Les actions internationales des collectivitésterritoriales françaises, leur coopération décentralisée s’est progressivement imposée surla scène internationale et constitue désormais l’une des valeurs sûres de l’action extérieurede la France » 77.

Dés lors, la coopération décentralisée est devenue indispensable aux relationsétrangères de la France et, en particulier, au dialogue Nord-Sud. « On peut même affirmer,sans crainte d'être démenti, que c'est grâce à elle que le Président de la République peutafficher, pour les années à venir, un objectif de 0,7 % du produit intérieur brut, au titre del'aide au développement »78. Néanmoins, le Sénat a émis quelques recommandations lorsd’une session ordinaire en 2001 sur la réforme de la coopération, car si « la coopérationdécentralisée joue désormais un rôle croissant dans l'aide au développement. Cetteévolution positive mérite d'être encouragée même si elle ne doit pas servir de prétexte àun désengagement de l'Etat »79.

2- La particularité de la coopération française préservée :

a- L’assistance technique:La politique de coopération française s’articule autour de deux grands axes : un principede solidarité d’une part, mission historique de la France, conjointement à la promotionde ses intérêts d’autre part. Mais, « la doctrine française (de la coopération) n’a jamaisété consignée dans un document officiel » 80. Néanmoins, la coopération française atoujours été marquée par une forte présence sur le terrain. « Le choix fait par la Francede mettre à la disposition des pays bénéficiaires de notre aide, pour une longue durée,des experts dans les disciplines susceptibles de favoriser le développement constitue untrait propre à notre coopération»81. Cette caractéristique est souvent appréciée pour cequ'elle signifie de connaissance du milieu et des sociétés. Elle a été mise en place parla France, dans les années soixante, pour assurer la continuité des administrations etservices publics dans ses anciennes colonies qui venaient d’accéder à l’indépendance.

76 Circulaire du Premier ministre sur l'action extérieure des collectivités locales - 26 mai 198377 MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES, Guide de la coopération décentralisée, 2006, Op. cit., p. 5.

78 PEYRONNET, J-C, Compte rendu de la discussion sur la Loi Thiollière au Sénat79 PENNE, Guy., BRISEPIERRE, Paulette., DULAIT, André, Op. Cit.,

80 AVIS adopté par le Conseil économique et social, Op. Cit.,p.81.81 PENNE, Guy., BRISEPIERRE, Paulette., DULAIT Op. Cit.,

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« Ce modèle français incorporait sans nul doute aussi une volonté politique d’influence et s’est traduit parfois par une démarche de substitution, qui consistait à faire plutôt qu’àapprendre à faire »82. En dépit de la concurrence dont elle fait aujourd’hui l’objet de parles autres pays européens (comme nous l’avons vu précédemment), l’assistance techniqueest sans nul doute une spécificité française, que l’Etat cherche à mieux valoriser. De fait,l’intervention des CT dans la coopération de développement et ainsi, la promotion deméthodes et de savoir-faire français est un rempart que l’Etat cherche à développer face à labaisse régulière et drastique des effectifs de la coopération française d’Etat. Au delà, d’unesimple solution face à la réduction des effectifs et aux rigueurs budgétaires, la pratique desprofessionnels de la coopération décentralisée peut permettre de dépasser certains écueilsde la coopération française d’Etat83. Antonio FERNANDEZ POYATO, Directeur Général dela FIIAPP84 estimait, lors du colloque organisé par le HCCI sur l’assistance technique85,que « pour changer le modèle de coopération, il (fallait) changer la nature de l’assistancetechnique ». Changer la nature de l’assistance implique également qu’on accepte qu’il yait d’autres acteurs qui l’exercent. Les acteurs de la coopération décentralisée s’inscrivent,par les formes de partenariats qu’ils choisissent dans les nouveaux modes opératoires dela coopération française. Les professionnels de la coopération décentralisée cherchent àconstruire son besoin avec le pays bénéficiaire, et à ne plus se positionner en donneurde leçons. Les compétences des cadres nationaux sont valorisées et les élites localesresponsabilisées, dans la perspective du désengagement de la collectivité, une fois le projetstabilisé. Ils confortent ainsi le passage « d’une assistance technique de substitution à uneassistance technique de projet »86, entamé par la coopération française depuis 1996. Ilest essentiel de préserver l'assistance technique française, car elle représente un gaged'efficacité pour la politique de développement. Elle fournit, en effet, l'encadrement humainindispensable dans un premier temps à la mise en oeuvre des projets de développement,en particulier lorsqu'il s'agit d'infrastructures sociales (santé et éducation). D’autre part, elleconstitue pour la France un vecteur d'influence sur la scène internationale.

b- Le co-développement :Le principe de co-développement est également une caractéristique propre à la coopérationfrançaise. Ce concept présenté dés 1997 par Sami Naïr87, est officiellement défini comme «toute action d’aide au développement, quelle qu’en soit la nature et quel qu’en soit le secteurdans lequel elle est réalisée, à laquelle participent des migrants vivant en France, quellesque soient les modalités de cette participation». Le co-développement peut concerner aussibien les immigrés qui désirent retourner de façon définitive dans leur pays pour y créer

82 WATTEZ Édouard et CONNAN Christian Rapport -La rénovation de l’expertise technique : un défi français- à M. Le Ministre desaffaires étrangères et à M. Le Ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, Paris, le 23 novembre 200483 M. Guy PENNE, Mme Paulette BRISEPIERRE et M. André DULAIT, Critiques notamment évoquées lors de la session ordinairedu Sénat de 2001-2002 - La Réforme de la Coopération-Annexe au procès verbal du 30 octobre 2001- Rapport d’information, fait aunom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1), sur la réforme de la coopération84 Fundacion Internacional y para Iberoamérica de Administracion y Politicas Publicas, membre EUNIDA85 Op. Cit.,Colloque HCCI et FCI « De l’assistance technique à l’expertise internationale : les nouveaux métiers de la coopération »,4 –5 juillet 200786 DEBRAT Jean-Michel, Directeur Général Adjoint AFD,lors du Colloque HCCI et FCI « De l’assistance technique à l’expertiseinternationale : les nouveaux métiers de la coopération », 4 –5 juillet 200787 Sami Naïr était alors chargé de la mission interministérielle migrations/développement. Il est également l’auteur du «Rapport debilan et d’orientation sur la politique de co-développement liée aux flux migratoires » Décembre 1997.

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une activité, que ceux qui souhaitent y retourner de façon temporaire pour promouvoir desactivités productives ou des projets sociaux (école, centres de santé, etc.). D’une manièregénérale, ces initiatives cherchent à faire profiter leur pays d’origine de leurs financements,compétences, savoir-faire ainsi que de leurs réseaux de relations. Brigitte Girardin, ancienneministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie, mettaitl’accent sur « l’originalité » de la démarche française, seul pays européen a avoir faitdu co-développement une composante de sa politique d’aide publique au développement(APD).Lors de sa réunion du 19 juin 2006, le Comité interministériel de la coopérationinternationale et du développement (CICID) a retenu comme action prioritaire le soutien auxactions de développement entreprises par les migrants en faveur de leur pays d'origine.La mobilisation des énergies des diasporas et de leurs associations dans des projets deco-développement contribue à mieux les intégrer dans les sociétés d’accueil. En retourl’intégration des migrants renforce leur action en faveur du développement de leur paysd’origine. La viabilité d’un tel principe a pu être vivement critiqué, elle suscitait notamment leplus grand scepticisme de la part des différents acteurs engagés dans la lutte de défense desmigrants. Néanmoins, on s’aperçoit que les professionnels de la coopération décentraliséelui redonnent vie et légitimité. En effet, la présence d’une communauté de migrants surleur territoire détermine très souvent le choix de leur lieu de coopération décentralisée oude jumelage. Ainsi, sur les treize collectivités rencontrées (impliquées dans des actionsde coopération décentralisée ou de jumelage), sept justifiaient leur lieu de coopérationpar la présence d’une diaspora importante. C’est notamment le cas de la Communautéd’agglomération (CA) d’Evry Centre Essonne, où l’existence d’une importante communautémalienne, originaire principalement de la région de Kayes, explique que le jumelage se soitorienté vers le Mali et plus particulièrement vers la ville de Kayes, capitale régionale88. Jean-François MANGELAIRE, chargé de mission en coopération décentralisée à la CA d’Evry,confirme l’intérêt d’une telle pratique dans l’aide publique au développement : « C’est unsujet intéressant, on a des migrants sur notre territoire, on veut lancer une coopération,comment on peut travailler avec eux ?[…] Comment les faire participer à des activités quileur permettraient de s’intégrer, c’est ce qui m’intéresse. J’ai envie, comme beaucoup decitoyens le font, qu’ils mettent leur origine au service de la collectivité, et qu’ils s’impliquentavec d’autres personnes, autres que des migrants » 89. De même, pour la Ville d’Issy-Les –Moulineaux, sa coopération avec l’Arménie s’explique par la présence d’une communautéarménienne importante, elle représente 7 à 8 % de la population Isséenne ! Il y a donceu une demande forte de la population arménienne d’établir un partenariat avec leur paysd’origine. « Ce type de coopération (pour Pierre Malvaud, Responsable des RelationsInternationales à la Ville d’Issy-Les-Moulineaux)est toujours une richesse, ça permet defavoriser l’intégration de la communauté, et de mettre la collectivité en valeur ». A travers,l’ensemble des coopérations décentralisées qu’elles mènent, la Ville de Saint-Denis chercheà préserver le lien avec son territoire : « Nous avons une logique de partenariat basée surnos populations migrantes »explique Mélanie Thomas, chargée de mission en coopérationdécentralisée. La Ville de Saint-Denis est composée d’une forte proportion de marocains, demaliens, et d’algériens. Corrélativement, la Ville de Saint-Denis a des projets de coopérationdécentralisée avec le Mali (Djélébou, Karakoro et Sahel), l’Algérie (Larbaa-Nath-Irathen)et le Maroc (Tzinit). La ville de Vauréal, de Nanterre, et de Puteaux se fondent sur unelogique identique pour mener certaines de leurs actions de coopération décentralisée ou

88 Officiellement, la Communauté d’Agglomération et la Commune de Kayes (Mali) se sont associées le 30 novembre 1990dans un jumelage coopération – développement.89 Cet échange actif entre la CA d’Evry et les migrants a justifié la commande par le Haut Conseil pour la Coopération Internationale(HCCI) d’un VADE MECUM sur le thème des -Migrants et de la coopération décentralisée.

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de jumelage. Les politiques de co-développement en renforçant le développement localà travers la coopération décentralisée et la participation directe des habitants renforcentégalement le lien entre développement et démocratisation.

Les professionnels de la coopération décentralisée, tout en saisissant de nouvellesmarges d’action, contribuent à maintenir et à préserver les spécificités de la coopérationfrançaise, qu’ils s’approprient peu à peu comme composantes essentielles de leur métier.Ce processus de professionnalisation, dans lequel ils s’inscrivent, est par ailleurs confirméet conforté par leur intégration dans les politiques européennes et internationales dedéveloppement.

B. L’inscription de l’action des professionnels de la CD dans la coopérationinternationale, un phénomène mondialDans un contexte où la mondialisation inquiète, l’action locale rassure et depuis quelquesannées les élus et fonctionnaires en charge de la coopération décentralisée sont intégrésaussi bien auprès des institutions et programmes européens (1), qu’onusiens (2).

1- La nouvelle place donnée aux CT dans les institutions européennes :

a. Une impulsion provenant des institutions européennes : Le Conseil del’Europe et L’Union Européenne« L’Europe n’est pas à l’origine de la coopération décentralisée, mais son apport fûtessentiel»90. La contribution de l’Europe à la coopération décentralisée existe, elle émaned’une part du Conseil de l’Europe, d’autre part de l’UE.

La première impulsion politique provient du Conseil de l’Europe avec l’adoptionà Madrid le 25 mai 1980, de la Convention Cadre Européenne sur la CoopérationTransfrontalière des collectivités ou autorités territoriales91, entrée en vigueur le 22décembre 1981, la France la ratifia le 14 février 1984. Elle vise à faciliter et promouvoirla coopération transfrontalière entre collectivités territoriales des Etats signataires. Cetteconvention s'attache essentiellement à définir des principes très généraux. Les Etatss'engagent à « résoudre les difficultés d'ordre juridique, administratif ou technique quisont de nature à entraver le développements et le bon fonctionnement de la coopérationtransfrontalière » et à envisager « l'opportunité d'accorder aux collectivités ou autoritésterritoriales qui y participent les mêmes facilités que dans le cas où la coopérations'exercerait sur le plan interne ». De plus, le Conseil de l’Europe entend intégrer cesnouveaux professionnels du développement au sein de ses problématiques et de sesactions, comme l’indique plusieurs phrases clés de cette convention-cadre. « Considérantque le Conseil de l'Europe tend à assurer la participation des collectivités ou autoritésterritoriales de l'Europe à la réalisation de son but ». Le Conseil de l’Europe est parailleurs « résolu à favoriser autant que possible cette coopération et à contribuer ainsiau progrès économique et social des régions frontalières et à la solidarité qui unit lespeuples européens ». Cependant, si timide que soit cette convention (qui ne concerne quela coopération transfrontalière), elle eut le mérite de mettre en évidence un mode de gestion

90 LUCHAIRE, Yves, La contribution de l’Europe au droit dans l’action extérieure des CT, Revue Lamy Janvier 2007- Colloque l’actionextérieure des collectivités territoriale – Lille 07/12/2006 - Doyen Honoraire de la Faculté de Droit de Lille, Professeur à l’IEP d’Aix-En-Provence pp.52 –55.

91 Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (Madrid,21.V.1980). Série des traités européens (STE), n° 106.

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nouveau des affaires locales « en permettant aux collectivités concernées de traiter de leursaffaires sans être limitées par des frontières nationales souvent gênantes »92. Le protocoleadditionnel de1995 et le protocole n°2 de 1998, complèteront les oublis de la conventioncadre. Politiquement important, ces deux protocoles reconnaissent le droit des collectivitésterritoriales des Etats signataires, de conclure entre elles, des accords de coopérationtransfrontalières (protocole additionnel) ou de coopération avec des collectivités pluslointaines (protocole n°2). Ce faisant, les Etats signataires permettaient à leurs collectivitésterritoriales de se lancer dans des opérations de coopération décentralisée.

Quant à l’Union Européenne (UE), ce fut dans le cadre de sa politique régionale qu’elleinscrivit le développement de la coopération décentralisée. La Commission est intervenuepour encourager les CT à s’impliquer dans la construction européenne en leur faisant uneplace dans son architecture institutionnelle. Trois textes retiennent plus particulièrementl’attention. Le règlement de la Communauté Economique Européenne (CEE), adopté parle Conseil le 24 juin 198893, officialise le dialogue direct entre la Communauté et lescollectivités infra étatiques des Etats membres désignées par ce dernier. Cette volontéd’associer les CT à la politique européenne sera systématisée. « En 1992, la Commissioneuropéenne a défini la coopération publique décentralisée pour le développement commeune nouvelle approche de la coopération cherchant à établir des relations directes avecles organes de représentation locale et à stimuler leurs capacités à mettre en place età mener à bien des initiatives de développement […] »94. L’importance de la coopérationdécentralisée est réaffirmée lors de la quatrième convention de Lomé (1994-1996), ainsique dans Lomé IV bis (article 12 bis) : « Reconnaissant que les acteurs de la coopérationdécentralisée peuvent apporter une contribution positive au développement des Etats ACP,les parties conviennent d’intensifier les efforts visant à encourager la participation desacteurs ACP et de la Communauté aux activités de coopération»95. D’ailleurs dans sa noted’orientation de 1999, la commission souligne que la coopération publique décentraliséeest « un moyen de sortir du système de coopération avec les Etats […] et de s’engagervers une autre façon de faire de la coopération». Le dernier règlement général, en datedu 11 juillet 2006 précise qu’il « convient de renforcer le partenariat en prévoyant desmodalités de participations de différents types de partenaires, en particulier les autoritésrégionales et locales […] ». La Commission légitime et renforce la présence et l’actiondes CT dans la construction européenne, développant de ce fait l’implication et l’actiondes professionnels de la coopération décentralisée au sein de ses institutions. En effet, lacréation par le Traité de Maastricht, du Comité des régions, a permis une représentationdes CT dans les institutions de la Communauté. Simple organe consultatif, il peut « toutefoispar ses avis et ses rapports, […] faire entendre la voix de ces CT, et le cas échéantd’infléchir quelques éléments de la politique européenne »96. Cette évolution semblait plusque nécessaire lorsque déjà quasiment trois quarts de la législation communautaire étaient

92 Op. Cit., LUCHAIRE, Yves, pp.52 –55.93 Règlement CEE n° 2052/88, Conseil le 24 juin 1988, JOCE 15 juillet, n° L185, p.9 - Il prévoit « d’instaurer une concertation

étroite entre la communauté, l’Etat membre et les autorités compétentes désignées par celui- ci au niveau national, régional ou local,chaque partie agissant en qualité de partenaire, dans le cadre des ses responsabilités et compétences propres, dans la poursuited’un but commun »

94 ROUQUETTE,Virginie, Les collectivités locales face à l’instrument européen de voisinage : défis et opportunités IEMED,Séminaire sur la politique européenne de voisinage, Barcelone, le 18 juin 2007

95 MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES. Guide de la coopération décentralisée., 2006, Op. Cit., p.59.96 Op. Cit., LUCHAIRE, Yves, pp.52 –55.

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mise en oeuvre au niveau local ou régional; il était dès lors logique que les représentants descollectivités locales et régionales aient leur mot à dire dans l'élaboration des nouvelles loiscommunautaires. Ainsi, l’Europe, sous ses deux aspects, Conseil de l’Europe et UE a t-ellejoué un rôle moteur dans la promotion des relations extérieures des collectivités territoriales.

b. La construction d’outils spécifiquesPar ailleurs, par son appui financier, l’UE a permis à ces collectivités de trouver les voieset moyens de leur coopération. Elle a conçu des programmes impliquant directementles CT. Ce fut le commissaire européen Bruce MILAN qui devait annoncer la mise enplace d’aides financières pour cette coopération décentralisée européenne, en 1993 :« parmi les cinq programmes que la nouvelle réglementation des fonds structurels luipermet de lancer de sa propre initiative, le mieux doté visera probablement à développerla coopération transfrontalière »97. Ainsi, naquit l’initiative communautaire INTERREGI qui devait être suivie jusqu’en 2006, à travers INTERREG II et III.Le programmeINTERREG IIIreprésente 4 875 millions d’euros dont 397 millions ont été consacrés àla France pour la période 2000-2006. INTERREG III vise à renforcer et à développerles coopérations transfrontalières (Volet A), transnationales (Volet B), et interrégionales(Volet C)98. Les programmes de chaque volet couvrent un espace géographique déterminé.Le gouvernement français a proposé que la gestion de ces programmes puisse êtreconfiée aux collectivités territoriales, et notamment aux conseils régionaux. Certainescollectivités ont ainsi accepté la responsabilité de coordonner l’élaboration et la conduitede ces programmes transnationaux, dans le cadre d’une gestion déléguée de ces fondseuropéens. L’importance accordée à cette initiative a débouché, pour la période 2007-2013,sur sa promotion au rang d’objectif prioritaire. Ce nouvel objectif devrait être doté de 14,2milliards d’euros, soit 4,2% du total des fonds structurels pour la période 2007- 2013. Parailleurs, l’UE à travers l’attribution de ces fonds peut influer sur les politiques menéespar les autorités locales; sont ainsi privilégiés certains domaines de coopération tels quele développement urbain et rural. Outre Interreg, qui a vocation naturelle à soutenir lacoopération décentralisée, d’autres programmes européens peuvent être utilisés par lescollectivités, selon les domaines abordés par la coopération décentralisée par exemple, lesProgrammes Leonardo, Erasmus (pour les échanges scolaires) ou encore le ProgrammeTwinning (pour les jumelages institutionnels et administratifs).

Dans le même temps, l’UE a voulu doter les professionnels de la coopérationdécentralisée d’outils juridiques nouveaux, on distingue notamment : le groupementeuropéen de coopération territoriale (GECT) et le District Européen. « Au vu desdifficultés rencontrées par les États membres dans le domaine de la coopérationtransfrontalière, le présent règlement met en place un nouvel instrument de coopérationau niveau communautaire dans le contexte de la réforme de la politique régionalepour la période 2007-2013 » 99. Le GECT a pour but de faciliter et de promouvoirla coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale entre Etats membres,Collectivités régionales et CT (il peut comprendre l’ensemble de ces acteurs). Il peutintervenir soit pour mettre en œuvre des programmes cofinancés par l’Union Européenne,soit pour mener des actions de coopération entre ses membres. L’objectif fixé par la

97 Le Monde, 23 déc. 1993, p.7098 La répartition budgétaire se fait à 50% pour le Volet A, à 44% pour le Volet B et à 6% pour le Volet C

99 Règlement (CE) n° 1082/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relatif à un groupement européende coopération territoriale (GECT) [Journal officiel L 210 du 31.7.2006]

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création d’un tel outil a été clairement formulé par Michel Delebarre, Président du Comitéde Région :«Les actions de coopération doivent devenir plus importantes dans la nouvellepériode de programmation et il est à espérer qu’elles seront renforcées avec le groupementeuropéen de coopération territoriale, ce nouvel instrument dont le Comité souhaite être lepromoteur». Les acteurs publics du transfrontalier disposent par ailleurs, depuis l’entréeen vigueur de la loi « libertés et responsabilités locales » du 13 août 2004100, d’un nouveloutil de coopération, pérenne et polyvalent, le District Européen, intégré dans le chapitre «coopération décentralisée » du Code Général des Collectivités Locales (CGCT). Le DistrictEuropéen correspond à la transposition, dans le droit interne français, des dispositionsrelatives au groupement local de coopération transfrontalière (GLCT), telles qu’elles existentdans l’Accord de Karlsruhe101. Un district européen peut être créé à toutes les frontièresterrestres et maritimes françaises, « sauf stipulations internationales contraires ». Lescollectivités locales françaises et étrangères et leurs groupements détiennent le pouvoird’initiative en matière de création des districts européens. Le texte voté prévoit un objetlarge. Le district européen a la capacité d’exercer toute mission qui présente un intérêt pourses membres, à condition qu’elle entre dans leurs domaines de compétences respectifs,mais également de créer et gérer les services et équipements nécessaires à la réalisationde cette mission.

L’acquisition progressive d’une marge de manœuvre au sein des institutionseuropéennes contribue à positionner les acteurs institutionnels de la coopérationdécentralisée comme des professionnels désormais indispensables dans les nouvellespolitiques de développement. La nouvelle place acquise par les collectivités territoriales ausein de l’ONU et de ses programmes conforte ce processus de professionnalisation.

2- L’introduction des CT sur la scène internationale :Koffi ANNAN déclarait : « les Nations Unies n’ont longtemps connu que les gouvernements.Mais maintenant nous savons que la paix et la prospérité ne peuvent pas devenir desréalités sans des partenariats impliquant des gouvernements locaux, les organisationsinternationales, le monde économique et la société civile dans le monde d’aujourd’hui nousdépendons les uns des autres ».

Le rôle des collectivités locales, en raison de leurs pouvoirs, de leurs compétences,de leurs moyens et de leur proximité avec les citoyens, est désormais reconnu par denombreux textes et engagements internationaux102. Tous ces textes expriment égalementle souhait des organisations internationales qui les soutiennent d’influencer la manière demettre en œuvre ou de contrôler la coopération. En effet les institutions internationalesconfrontées aux portées « contrastées des politiques de coopération décentralisée menéesjusqu'à présent par les collectivités territoriales, appellent aujourd'hui à engager ces actions

100 LOI n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales101 Accord du 23 janvier 1996 entre le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg le Gouvernement de la République

fédérale d'Allemagne, le Gouvernement de la République française, et le Conseil fédéral suisse agissant au nom des cantons deSoleure, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne, d'Argovie et du Jura, sur la coopération transfrontalière et les CT et organismes publicslocaux

102 L’Agenda 21, adopté lors du sommet de la Terre de 1992, les assemblées mondiales des villes et autorités locales de 1996et de 2001, la conférence de l'ONU et son programme « Habitat II+5 » en 2001, ainsi que le sommet mondial sur le développementdurable de Johannesburg en 2002

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dans le cadre du développement durable »103. Les villes cherchent à se positionner dansles réseaux des Nations Unies comme interlocutrices des Etats et du système onusien.La construction de réseaux, par exemple Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU)104,créé en 2004, est le moyen emprunté pour cet accès des villes à l’espace international.« Les villes (et les professionnels de la coopération décentralisée) considèrent de plus enplus qu’(ils) peuvent conforter ou dynamiser leur développement en s’inscrivant dans desréseaux d’échange et de coopération qui leur apporteront une visibilité et une présenceréelle dans la trame internationale de la croissance »105.

« Cette stratégie collective des villes vise à peser sur la mise en place de régulationsinternationales en même temps qu’à développer leurs capacités propres à travers unsystème d’échange échappant aux contraintes et aux limites du cadre national »106.Conscient de ce nouveau mouvement, le Haut Conseil de Coopération Internationale(HCCI), en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour le Développement(PNUD) et la Délégation du Bureau du Sénat à la coopération décentralisée, aorganisé le 24 janvier 2007, un séminaire sur le thème « des partenariats entre lescollectivités territoriales et les Nations Unies ». Les intervenants ont ainsi insisté sur« le pouvoir amplificateur, par rapport aux coopérations étatiques, des actions menées parles collectivités qui peuvent agir le plus près possible des citoyens en les faisant bénéficierde leurs propres expériences de terrain »107. De leur côté, lors de cette rencontre, lesNations-Unies ont réaffirmé leur volonté de promouvoir le rôle des collectivités territorialescomme acteurs déterminants de la gouvernance et du développement local et régional.A cette fin, le PNUD a créé en septembre 2005, une Plate-forme pour les PartenariatsInnovants (Hub for Innovative Partnerships)basée au Bureau du PNUD à Genève. «Sonobjectif est d’aider à articuler sur les territoires, et dans le cadre de processus dedécentralisation et de gouvernance locale, les initiatives politiques et opérationnelles desdifférents acteurs internationaux, nationaux, régionaux et locaux »108. Les missions de laPlate-forme pour les partenariats innovants sont les suivantes : favoriser des alliancesstratégiques et opérationnelles avec les coopérations décentralisées des collectivitésterritoriales du Nord ; promouvoir la coopération entre les Nations Unies, les Etats etles autorités régionales et locales sur une approche territoriale de gouvernance et dedéveloppement. Enfin, en appui aux gouvernements centraux dans leur politique dedécentralisation, faciliter la mise en place de programmes cadres ART GOLD (Appui RéseauTerritoriaux – Gouvernance et Développement Local) articulant, sur des territoires, les aideset programmes de coopération des Nations Unies, des gouvernements donateurs et des

103 Compte-rendu intégral de la discussion sur la Loi Thiollière au Sénat, Présidence M. Roland du Luart Dépôts de rapporten application de la loi- Compte rendu– de Mme Alima Boumediene-Thiery.

104 « Être la voix unie et le défenseur de l’autonomie locale démocratique, défendant ses valeurs, objectifs et intérêts sur lascène internationale et par la coopération entre gouvernements locaux », adopté lors du congrès fondateur.

105 NOISETTE, Patrice (ACT Consultant), RACHMUL Virginie (GRET) , Novembre 2006, Compte rendu du colloque organisépar CUF La coopération change-t-elle de sens ?, Table ronde 2 : La construction du sens de l’action internationale des CollectivitésTerritoriales les 22 et 23 novembre 2006

106 Loc.Cit.,107 M. FAURE, Jean, Président délégué de la Délégation du bureau du Sénat à la coopération décentralisée –Sénateur

de l’Isère108 Intervention de M. Christophe NUTALL, directeur de la Plate-Forme pour les Partenariats Innovants au PNUD ,

Présentation de la rencontre du 24 janvier 2007 au Sénat à l’initiative du HCCI Pour des partenariats entre collectivités locales et lesNations Unies – Intervention de M. Christophe NUTALL, directeur de la Plate-Forme pour les Partenariats Innovants au PNUD

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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collectivités territoriales109. Par ses services internationaux et ses Programmes cadres,l’initiative ART apporte un support technique et organisationnel aux collectivités locales ainsiqu’à leurs associations nationales et internationales pour former et faire fonctionner lespartenariats de coopération décentralisée orientés vers les Objectifs du Millénaire110.

Par ailleurs, l’UNITAR (Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche,créé en 2002), en réponse aux besoins de formation réclamés par les autorités locales etrégionales, a instauré son Programme « Coopération Décentralisée ». Ce Programme estune plateforme d’informations, de communication et de formation entre les Agences desNations Unies et les pouvoirs locaux « assurant de cette façon que dans un monde où plusde la moitié de la population de la terre vit sous l’administration directe des régions et descités, les autorités locales jouent un rôle plus important au sein des Nations Unies »111.Le programme de coopération décentralisée sert à renforcer leurs capacités notammentsur des problèmes globaux, tels que l’urbanisation ou la santé publique pour n’en citerque quelques-uns. Grâce à son réseau de Centres de formation régional, le CIFAL (CentreInternationale de Formation des Acteurs locaux), tente de fournir la formation nécessaire etles meilleures pratiques aux autorités locales et acteurs locaux afin que l’accès aux servicesessentiels soient garantis. On dénombre ainsi six centres CIFAL [Divonne-Les –Bains etLyon (France), Bilbao (Espagne), Curitiba (Brésil), Kuala Lumpur (Malaisie), Ouagadougou(Burkina-Faso)], sachant que la création d’autres centres est envisagée.

Un facteur essentiel du développement de la coopération décentralisée et la placegrandissante de ses professionnels tiennent au soutien affiché par l’État à ce typed’initiatives. « En effet, l’État n’a pas pris ombrage du désir de certaines collectivités demener une action extérieure, qu’il aurait pu considérer comme concurrente à la sienne,mais a au contraire choisi d’accompagner cette évolution »112. Ainsi que l’indique le rapportdu Conseil d’État, « L’État conçoit son rôle comme celui d’intermédiaire encourageantet facilitant la mise en œuvre d’actions de coopération décentralisée qui participent à ladiversification et à la démultiplication de l’action de la France à l’étranger ».

II. L’Etat incitateur d’une professionnalisation des acteurs institutionnels dela coopération décentraliséeL’Etat ,en exigeant l’inscription des actions de coopération décentralisée au sein despriorités géographiques et thématiques de la coopération française gouvernementale,oriente les projets des acteurs des collectivités (B), au delà, il façonne une manière detravailler chez les professionnels de la coopération décentralisée à travers la mise en placesuccessive d’outils institutionnels et opérationnels (A).

A. L’encadrement renforcé de l’action des professionnels de la coopérationdécentralisée :

109 Plaquette d’information ART, éditée par les Nations Unies110 En l'an 2000, les Nations Unies définissaient 8 objectifs clés pour lutter contre la pauvreté et créer un monde plus durable,

réalisables à l'horizon 2015 : les Objectifs du Millénaire pour le Développement : Réduire l’extrême pauvreté et la faim/ Assurerl’éducation pour tous/ Promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes/ Réduire la mortalité des enfants de moins de5 ans/ Améliorer la santé maternelle/ Combattre le HIV/sida, le paludisme et d’autres maladies/ Assurer un environnement durable/Mettre en place un partenariat mondial pour le développement.

111 Dec Coop Bulletin- Un programme de l’UNITAR sur la coopération décentralisée, n°01, 2003.112 DECOQ C. Rapp. AN n°3610, 24 janvier 2007, Op. Cit., p.12.

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Compte tenu de sa réticence traditionnelle, l’implication de l’Etat, à partir des années80, dans le champ de la coopération décentralisée a constitué un véritable tournant.L’encadrement s’est manifesté par la mise en place de nombreuses institutions, destinéesà favoriser, conseiller et coordonner les actions des collectivités territoriales et de leursprofessionnels (1). D’autre part, l’emploi du système des cofinancements lui a permisd’orienter les actions engagées par les élus et les cadres des collectivités (2).

1- Un encadrement institutionnel important :

a. La délégation pour l’action extérieure des collectivités locales (DAECL) etla Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD)Un délégué à l’action extérieure des collectivités locales existe depuis juin 1983, sesmissions ayant été définies par une circulaire du 26 mai 1983. Loin d’être une autoritéde contrôle ou de surveillance, il est davantage un conseiller pour les actions extérieuresmenées par les collectivités locales, afin de faciliter, d’encourager et de promouvoir lacoopération décentralisée. Ce délégué exerce en quelque sorte une veille de l’actionextérieure des collectivités territoriales. La DAECL est l’instrument au sein du MAE chargéde soutenir et de développer les partenariats entre l’Etat et les CT d’ici et là –bas. Il meten œuvre, sous l’autorité de la DGCID, les crédits affectés à la coopération décentraliséepar le cofinancement de soutien à la coopération décentralisée. Il recueille les informationsrelatives à l’action extérieure des collectivités territoriales, et les analyse et appelle l’attentiondu Gouvernement sur les problèmes éventuellement posés. Enfin, il assure le secrétariatde la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD).

Présidée par le Premier Ministre, la CNCD est une instance de dialogue entre l’Etat, lesassociations d’élus et les représentants des collectivités locales qui a été créée à la suite dela loi d’orientation du 6 Février 1992 relative à l’administration territoriale de la République.Elle «établit et tient à jour un état de la coopération décentralisée menée par les collectivitésterritoriales. Elle peut formuler toute proposition tendant à renforcer celle-ci » 113.Cettecommission rassemble à parité représentants de l'Etat et des collectivités territoriales (16membres titulaires et 16 membres suppléants pour chacune de ces catégories). Dans lecadre de sa mission légale consistant à formuler « toute proposition tendant à renforcer »la coopération décentralisée, la CNCD est susceptible d'être informée et d'étudier desquestions pouvant lui être posées par les élus et les administrations. De plus, les ministèresde l'intérieur et des affaires étrangères peuvent être ainsi avisés de difficultés persistantesrencontrées par les collectivités territoriales, les préfectures et les postes diplomatiques114.Par ailleurs, elle est le lieu où représentants des collectivités territoriales et de l'Etatréfléchissent ensemble et peuvent formuler des propositions de disciplines collectives.Depuis le 1er juillet 2004, un espace Internet115 de la CNCD a été créé (hébergé sur le sitede France-Diplomatie), il offre la possibilité d’accéder à une base de données à jour de lacoopération décentralisée.

113 article 134 de la loi du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République -l'article L. 1112-6 du codegénéral des collectivités territoriales

114 Circulaire du 20 avril 2001- La coopération décentralisée des collectivités territoriales françaises et de leurs groupementsavec des collectivités territoriales étrangères et leurs groupements pp.18-19.

115 www.diplomatie.gouv.fr/cncd

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b. Le Haut Conseil pour la Coopération Internationale (HCCI), lieu deconcertation entre les acteurs de la coopérationLe HCCI a été créé le 10 février 1999 dans le cadre de la réforme du dispositif français decoopération. Instance consultative placée auprès du Premier Ministre, il a pour missions defavoriser une concertation régulière entre les acteurs publics et privés de la coopération etde la solidarité internationale et de sensibiliser l’opinion aux enjeux de cette coopération.Le HCCI émet des avis et, sur la base d’un programme triennal approuvé par le PM,formule des recommandations. En bonne complémentarité avec la CNCD, il a orienté sestravaux sur l’analyse des pratiques. Grâce aux réponses apportées à un questionnairepar des collectivités de toutes tailles, il a pu dégager quelques grandes tendances etidentifier les domaines dans lesquels des améliorations seraient susceptibles de renforcerl’efficacité des actions conduites par les professionnels de la coopération décentralisée.Dans une deuxième étape, il a travaillé sur certains d’entre eux, notamment sur les questionsd’accès aux cofinancements européens, aux sources d’information, au développement dela formation, ou à la sensibilisation de l’opinion publique, ainsi que développement de plate-formes régionales. « Contribuer à faire reconnaître les collectivités locales comme desacteurs à part entière de la coopération, approfondir le dialogue entre tous les acteurs,permettre à chacun d'eux de replacer son action au sein de la dynamique globale : telssont les objectifs du HCCI »116. Le HCCI est présent dans le champ de la coopérationdécentralisée, mais il y est présent de manière originale par rapport à d’autres enceintes.S’appuyant sur la volonté des collectivités les plus entreprenantes de se voir connuescomme acteurs des programmes de développement, il s’est employé à renforcer et élargircette démarche en facilitant les rapprochements avec des organismes internationaux quileur étaient encore trop peu connus. Ce fut d’abord le cas avec l’Union européenne. Ainsile HCCI a-t-il rédigé en 2005 un Vade-mecum de la coopération européenne à l'usage descollectivités territoriales.

c. Le GIP France Coopération Internationale (FCI), une structure à vocationinterministérielle Créé en avril 2002 à l’initiative du ministère des Affaires étrangères (MAE) et du ministère dela Fonction publique, le groupement d’intérêt public (GIP) France Coopération Internationalea démarré son activité le 2 décembre 2002. Chargé de promouvoir l’expertise techniquefrançaise à l’international, FCI agit en concertation avec les opérateurs publics et privésnationaux et en relation avec ses homologues européens du groupement EUNIDA. FCI apour mission principale de coordonner et de promouvoir l’expertise technique française àl’international. Parmi ses compétences, l’une d’entre- elles nous intéresse : la mobilisationde l’expertise publique française. Plusieurs collectivités importantes font appel à FCI soitpour porter à leur place leurs activités de coopération, soit pour agir comme ensemblierd’une offre de coopération décentralisée faisant appel à l’expertise de plusieurs niveauxde collectivités, par exemple au sein d’une Région française. Il apporte par ailleurs auxcollectivités le savoir-faire (à travers des formations, mise en oeuvre en partenariat avecle CNFPT) d’une structure indépendante, extérieure, mais activement présente dans lepaysage de la coopération internationale.

d. L’agence Française de développement (AFD), bailleur des CT

116 Rapport annuel HCCI 2006 p.19.

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Institution financière spécialisée (IFS) à destination de tous les acteurs du développement,publics ou privés, l’AFD est placé sous la tutelle des ministères des Affaires étrangères, del'Outre-Mer et des Finances. Sa collaboration avec les CT a connu une forte évolution, aucours des dernières années : de 6 projets menés conjointement en 2002 (pour 20 M€), onest passé à 17 en 2006 (pour 150 M€). Ces échanges avec les collectivités territoriales etleurs organisations s'accompagnent également de formations dans les activités du CEFEB(Centre de formation de l'AFD situé à Marseille). L’AFD et les acteurs de la coopérationdécentralisée partagent des objectifs communs117. L’amélioration des conditions de vie despopulations; la promotion de relations bilatérales de solidarité et d'échanges mutuels. Unezone de concentration, la Zone de Solidarité Prioritaire118 (ZSP), où se développent denombreuses actions de coopération décentralisées.Ils partagentdes secteurs d’intervention(aménagement du territoire, développement urbain et local, services sociaux) et despartenaires (collectivités locales) souvent identiques. Ils ont le souci commun d’appuyer lesdémarches de décentralisation et le renforcement des capacités des collectivités locales duSud. Les professionnels de la coopération décentralisée, tout comme l’AFD, cherchent àmobiliser l’épargne et les savoir-faire techniques des migrants pour l’appui à des actionsde développement, aux retombées plus durables que la simple satisfaction des besoinsde consommation. Par ailleurs, l’AFD et la coopération décentralisée présentent descomplémentarités d’actions119, qui reposent sur un certain nombre de facteurs tant du côtéde l'AFD (connaissance des contextes, existence d'un réseau, moyens financiers), que descollectivités locales (appui institutionnel, durée et fidélité, indépendance financière maismoyens limités, contacts avec des relais politiques).

2- Un outil opérationnels cadrant l’action des professionnels de la CD : Lesco-financements« Les collectivités territoriales accompagnent de plus en plus leurs acteurs locaux dans laconquête de nouveaux espaces d'influence » indiquait Brigitte GIRARDIN, ancien ministredéléguée à la coopération, au développement et à la francophonie, auprès du ministre desAffaires étrangères du gouvernement Jospin. « Ce rôle fait nécessairement des régions, desdépartements et des villes des partenaires de plus en plus incontournables pour la présencefrançaise à l'étranger, dans l'esprit d'une diplomatie d'influence, ouverte et globale. Il nousrevient, par conséquent, de mettre en place de nouveaux instruments pour en assurer lacohérence générale par une meilleure coordination des différents intervenants. »120. Ainsi,les financements attribués par l’Etat constitue –t-il un moyen d’organiser et de structurer lesactions extérieures des CT vers une logique plus globale.

L’Etat contribuait notamment à l’élaboration de stratégies locales de coopérationdécentralisée à travers les Contrats de Plan Etats- Régions (CPER). « Conformément auxdispositions des circulaires sus visées l’Etat tout en affirmant ses priorités veillera à ce queles dispositifs déconcentrés en régions soient conservés et généralisés à l’ensemble des

117 Note Agence Française de Développement-Mars 2005- p.1-2.118 Le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) institué dans le cadre de la réforme dela coopération (décret du 4 février 1983), a défini une zone de solidarité prioritaire (ZSP) dont la composition a été arrêtée en fonctionde trois séries de critères. En premier lieu, la ZSP réunit les pays les moins développés en terme de revenus et n'ayant pas accèsaux marchés de capitaux. Ensuite, la solidarité de la France s'exerce plus particulièrement vis-à-vis des Etats francophones. Enfin, ladéfinition de la ZSP vise également à renforcer la cohérence régionale des actions de développement.119 Note de l’AFD Op. Cit.,120 GERBEAU, Delphine et PAQUIER, Jacques, Op. Cit., p.20.

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régions, à l’issue des contrats de plans 2000-2006. En cohérence avec les orientationsdes programmes 185 et 209 de la LOLF dont il a la responsabilité, le MAE invitera lesrégions partenaires à développer une action internationale complémentaire de l’actionbilatérale de la France »121. Dans le cadre du cofinancement de la coopération décentraliséerelevant des crédits du contrat de plan Etat/Région 122, le ministère des Affaires Etrangèresavait demandé aux préfets de région par circulaire du 26 février 2003 de mettre enplace, en concertation avec les présidents de conseil régionaux, une commission paritairede coopération décentralisée qui pouvait intégrer les différents niveaux de collectivitésterritoriales. De plus, la circulaire du 12 décembre 2005 donnait la possibilité à cescommissions Etat- Région de mener une concertation sur les montants accordés par l’Etataux opérations de coopération décentralisée. Ces crédits étaient délégués aux Préfecturesde région, soit dans le cadre des contrats de plan (2,4M€), soit hors contrat de plan (2,3M€) en 2006.

Pour la période 2007-2013, l’Etat a entendu clarifier les modalités d’attribution definancements, il a donc instauré un outil unique de déclenchement des fonds du MAEpour cette durée. Les modalités de cofinancement se substituent au volet international descontrats de plan et aux crédits hors contrat de plan ainsi qu’au soutien pluriannuel à lacoopération décentralisée dans le cadre du fonds de solidarité prioritaire. « La simplification,le partenariat entre l’Etat et les collectivités territoriales, la complémentarité, les thématiquesprivilégiées retenues étant celles où la valeur ajoutée des collectivités locales est la plusgrande »123 sont les priorités visées par cette réforme. Plus souple, ce nouveau dispositifse veut également plus transparent et plus lisible. Une grille des critères de sélection desprojets déposés par les collectivités territoriales dans le cadre des appels à candidature ainsiqu’un guide de procédure pour l’instruction des projets sont à la disposition des collectivités.Trois sources de cofinancement vont désormais coexister. L’appel à contrat triennal porterasur la période 2007-2009. La cohérence des actions de coopération décentralisée seraencouragée à l’échelon régional et les dossiers qui proposeront une mutualisation portéepar plusieurs collectivités, agissant dans un même pays ou sur une même thématique124

seront privilégiés . L’appel à projet annuel Coopération au développement, dans le cadredu programme 209 "solidarité à l’égard des pays en développement" de la LOLF, s’inscritdans le cadre de la nouvelle politique de soutien à la coopération décentralisée. Enfin,l’appel à projet annuel de soutien à la coopération décentralisée européenne privilégierales projets réalisés en partenariat avec d’autres collectivités territoriales européennes,notamment « triangulaires » ou dans les pays où la coopération décentralisée françaiseest peu présente. Pour 2007, ce sont au total 12,5 millions d’euros (11,5 millions d’eurospour l’aide au développement et 1 million d’euros pour la coopération européenne), soit uneaugmentation de près de 15 % par rapport à 2006, qui ont été consacrés au soutien à lacoopération décentralisée125. L’Etat à travers les cofinancements pour la période 2007-2013cherche à influencer « la ligne de conduite des acteurs de la coopération décentralisée, qui

121 Orientation pour la coopération décentralisée, MAE, p.16.122 17 conseils régionaux ont contractualisé un volet international dans les CPER 2000/2006123 GAUDIN, Jean-Claude et FAURE, Jean, Le Sénat et la coopération décentralisée, Rapport d’activité de la Délégation du

Bureau à la Coopération décentralisée 2004-2006, p.20.124 Les thématiques privilégiées de l’appel à contrat triennal sont : la mise en place ou le maintien d’un réseau régional de

concertation des acteurs locaux, l’aide au développement (appui institutionnel et développement durable), l’enseignement supérieur,les échanges culturels et artistiques, la présence économique française à l’étranger, l’intégration des jeunes dans l’action internationale

125 GAUDIN, Jean-Claude et FAURE, Jean, Op. Cit, p.21.

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s’articule autour des notions de mutualisation entre les collectivités territoriales, de relationstriangulaires et de partenariats innovants »126.

L’Etat propose un véritable partenariat aux collectivités ainsi qu’à ses professionnels,par les cofinancements qu’il met en place. Cependant, outre la soumissiondes professionnels aux cadres et contraintes des cofinancements, l’exigence deprofessionnalisation semble d’autant plus forte qu’ils doivent inscrire leurs actions dans lespriorités de la coopération gouvernementale.

B. L’inscription de l’action des professionnels de la coopérationdécentralisée dans les priorités gouvernementales :Au nom de la cohérence d’action de la coopération française, deux exigences sontformulées : les professionnels et les élus en charge de la coopération décentralisée doiventinscrire leurs actions dans les champs géographiques (1) et thématiques (2) prédéfinis parl’Etat.

1- La recherche d’une cohérence dans le champ d’action géographiqueLe 3 octobre 2006, la CNCD se réunissait pour tirer le bilan des actions internationalesportées par les collectivités locales et en présenter les nouvelles orientations. Face auconstat d’une coopération décentralisée française géographiquement très concentrée127,l’Etat a cherché à davantage orienter les actions des collectivités de façon à conserverune logique géographique homogène dans les interventions internationales de la France.De fait, cette concentration est particulièrement forte sur l’Afrique de l’ouest avec leMali, le Burkina Faso, le Bénin le Sénégal, et dans l’océan indien avec Madagascar;les collectivités territoriales françaises demeurant peu présentes sur d’autres continentset largement absente de l’Afrique anglophone ou lusophone. « Le foisonnement actuelconstitue peut-être un obstacle, le besoin de se concerter pour être plus efficace est réel.La définition de thématiques ou de zones géographiques prioritaires va dans le bon sens» ainsi s’exprimait Marie-Françoise Kerroc'h, Directrice des Relations Internationales de laVille de Rennes, lors des dernières Universités d’été organisées par l’ARRICOD128. Ainsi,sur les 14 collectivités interrogées, 6 consacrent une coopération ou un jumelage dansdifférentes régions du Mali (souvent les même d’ailleurs). La mise en place d’une plusgrande sélectivité des zones géographiques vise à mieux évaluer l’impact des interventionsfrançaises, permettant ainsi de mesurer leurs intérêts et leurs limites. A cet égard, quatregrandes orientations, définies par le comité interministériel de la coopération internationaleet du développement (CICID), se dégagent129 . Les professionnels de la coopérationdécentralisée doivent inscrire leurs actions dans la zone de solidarité prioritaire130 ; elle

126 CAMBRAI-DETREZ, Hélène, Colloque l’action extérieure des collectivités territoriale – Lille 07/12/2006 Le financement dela coopération décentralisée, Revue Lamy Collectivités Territoriales de janvier 2007.127 JOLY, Antoine. Op. Cit.,p.4.128 GERBEAU, Delphine et PAQUIER, Jacques, « L’évolution du champ d’action des collectivités locales : 1992- 2006 », Universitésd’été de l’ARRICOD, Perpignan, 28 et 29 septembre 2006, p.20.129 PENNE Guy, BRISEPIERRE Paulette, DULAIT André Op. Cit.,130 Lors de sa réunion du 28 janvier 1999, le CICID a défini le contenu de la Zone de Solidarité Prioritaire en fonction de trois critères :elle réunit en premier lieu les pays les moins développés en termes de revenu et qui connaissent des difficultés pour accéder aumarché de capitaux ; ensuite, la solidarité de la France s'exerce plus particulièrement, en raison de son histoire, vers les Etats de la

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requiert pour chaque pays l'élaboration d'objectifs précis, sur la base d'un exercice deprogrammation concerté avec les bénéficiaires ; enfin, la pertinence des priorités retenues etdes conditions de mise en oeuvre suppose une évaluation rigoureuse. Des villes inscriventdéjà leurs projets de coopération décentralisée dans le cadre priorités gouvernementales,preuve en est la Mairie d’Issy- les- Moulineaux qui organise « depuis 2003, des opérationsà l’internationale qui s’inscrivent dans des actions lancées au niveau national, comme parexemple pour l’année de la Chine, où tout nos services ont alors été appelés à orienterleur action vers la thématique d’ensemble, de même la campagne de communication a axémajoritairement sa campagne sur ce thème (par différents biais : des panneaux JC Decaux,des plaquettes d’information, des conférences…etc) […]Ce sont de grosses opérationsprogrammées 12 mois à l’avance, et les services ont l’obligation de s’intégrer à cetteopération ».

L’invitation de l’Etat à l’adresse des collectivités à mieux répartir leurs interventionssur la surface du globe révèle la volonté de celui-ci de voir également l'action extérieuredes collectivités davantage en phase avec les intérêts économiques de la France. BriceHortefeux, ancien ministre délégué aux Collectivités territoriales, sous le gouvernementde Dominique de Villepin, affirmait : «La coopération décentralisée a connu plusieursépoques. Elle a commencé sur un mode de fraternité avec les jumelages, puis évoluévers l'humanitaire. Aujourd'hui, nous devons accéder à un nouvel âge, la coopérationéconomique, qui suppose une diversification géographique. La présence des collectivitésest concentrée sur certaines zones, principalement l'Afrique subsaharienne et l'OcéanIndien. Cette concentration est parfois source de concurrence stérile et de dispersion denos efforts. Il y a donc un enjeu majeur de rééquilibrage de la coopération en direction depays émergents ou comparables, comme la Chine, l'Inde, les Philippines, ou le Brésil ». Orcette nouvelle orientation crée la polémique au sein des professionnels de la coopérationdécentralisée, qui craignent la dénaturation du sens de la coopération décentralisée, etpar la même occasion celui de leur métier. Le cœur de métier des professionnels dela coopération décentralisée n’est pas celui d'agent économique. En ce sens, les 14entretiens conduits en collectivité sont particulièrement révélateurs puisqu’ à la question del’origine des actions de coopération conduites, l’intérêt économique n’a jamais été évoqué.L’approche purement économique reviendrait à détourner les professionnels de leur métierfondé sur des principes de solidarité, et de coopération en faveur du développement localet social (éducation, environnement, etc.). S’il paraît légitime à Fabrice Bertholet, Maire deRomans-Sur-Isère (ville où les actions de coopération décentralisée sont nombreuses)131,que l’État « garantisse à ceux qui tiennent compte de ses souhaits une aide plus forte», il estime néanmoins que « s’il s’agit, en fait, d’abandonner (leur) travail avec l’Afrique,uniquement pour faire des bonnes affaires en Chine ou au Brésil alors, dans ce cas, il y aun vrai dévoiement de la notion de coopération décentralisée ».Adda Bekkouche, chargéd’enseignement au département de science politique de l’université de Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), confirme cette crainte. Selon lui, le plus grand risque serait que les collectivités «se transforment en représentants de commerce, responsables du rayonnement de la Franceà l’étranger et soient poussées à abandonner la question de la solidarité internationale »132.

zone ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) ; enfin, la définition de la ZSP vise également à renforcer la cohérence régionale des actionsde développement. La liste définie en janvier 1999 réunissait 61 Etats.

131 BEKKOUCHE, Adda. La coopération décentralisée : un vecteur de démocratie et de développement. In Territoires « Actionsinternationales des collectivités locales – Décoloniser la coopération », n° 445, février 2003, pp. 8-10.

132 Nouveau cap pour la coopération décentralisée (forum de la gauche citoyenne) mercredi 14 février 2007

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Si l’Etat se doit de soutenir les initiatives des professionnels de la coopérationdécentralisée « car elles complètent et renforcent son action, en particulier comme outilde promotion, de valorisation et de rayonnement (du) pays »133, il doit néanmoins prendregarde à ne pas altérer les fondements originels de leurs actions.

2- Des champs d’action thématiques prioritairesOn constate une très grande diversité des actions conduites dans des domaines aussidivers que le culturel, le social, l’enseignement, l’économie, le tourisme, l’agriculture, ilsemble se dessiner une orientation plus marquée en faveur de l’appui institutionnel, l’appuià la décentralisation, l’assistance à maîtrise d’ouvrage, la formation des élus et cadresadministratifs. L’Etat, sous les recommandations du délégué à l’action extérieure descollectivités territoriales, encouragent l’apport des collectivités dans ces domaines, leursspécificités d’action offrant une complémentarité à la coopération d’Etat.

L’Etat souhaite par ailleurs le retour en force de la « diplomatie des villes » avecnotamment le rôle joué par les élus français dans les grandes organisations mondiales desgouvernements locaux (Cités et Gouvernements Locaux Unis- GCLU). Cette « diplomatiedes villes » prend une vigueur nouvelle dans: l’importance du rôle des collectivitésterritoriales pour atteindre les objectifs du Millénaire et dans leur volonté d’agir pour la paix.Sorte de «retour aux sources » de la politique des jumelages d’après guerre, qui conduit parexemple des collectivités locales françaises et européennes à prendre des initiatives variéesde coopération en Israël et en Palestine ou à s’intéresser au Sahraoui. Un certain nombrede responsables en coopération décentralisée ont, avec leurs élus, engagé des actionsreposant sur « une culture de paix », comme la mairie de Saint-Denis aime à les qualifier.En effet, Mélanie THOMAS, chargée de mission en coopération décentralisée, a évoqué lesmissions conduites avec la ville de Nazareth en Israël, et de Rafah en Palestine. Concernantles actions menées avec la Palestine, elles datent de 2005-2006, elles se sont traduites parl’accueil d’étudiants sur le territoire dionysien et ils essaient par ailleurs de mettre en placeun centre socioculturel où seront développées des activités pour enfants. La Mairie d’Issy-Les –Moulineaux quant à elle entretient un jumelage avec Nahariya (Israël) depuis1994 et laVille de Puteaux avec Gan Yavné (Israël) depuis 1973. Le responsable de ce partenariat à laville de Puteaux, David BARBELIVIEN, Responsable des relations internationales, évoqueles rencontres régulières d’élus, ou encore une aide financière pour la construction d’unebibliothèque. La mairie de Nanterre accueille par ailleurs tous les ans des enfants sahraouis,le centre municipal de l’enfance prenant en charge leur venue. Participe à cette même idéede diplomatie parallèle, la volonté de relancer la relation Etats-Unis/Europe, en s’appuyantsur les jumelages et coopérations entre collectivités européennes et américaines. A titred’exemple la Mairie d’Issy- Les – Moulineaux entretient un simple partenariat avec la villede Lafayette (Louisianne), qu’il souhaiterait faire évoluer vers une convention de jumelage,ou encore la Ville de Besançon jumelée avec Charlottesville (Virginie).

Un processus de professionnalisation des élus et des cadres en charge de lacoopération décentralisée a bien été enclenché sous l’influence des réformes de l’actionpublique. La décentralisation et ensuite la réforme de la coopération française ayant créé

les conditions favorables à l’émergence d’un métier 134 , que jusqu’à présent des pratiques

133 AVIS adopté par le Conseil économique et social, 28 février 2001, Op. Cit., p.113.134 «Le métier désigne un groupe d’emplois ayant en commun un objet professionnel et un champ de compétences

bien repéré. La profession, forme plus élaborée du métier, est définie par un objet, une expertise, une déontologie et un

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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informelles rendaient impossible. Mais quelles sont alors les dénominateurs communsdans les actions des professionnels et des élus de la coopération décentralisée qui nouspermettent de parler de l’existence d’un métier ?

Chapitre II : Les dénominateurs communs desprofessionnels de la coopération décentralisée

Le cœur de métier de la coopération décentralisée se construit et grandit avec la pratique.On a ainsi vu se formaliser peu à peu cette activité au sein des collectivités et apparaîtreune caractéristique commune aux acteurs : la dualité de leur métier. Ces dénominateurscommuns se manifestent également à travers des principes phares et une assise politiqueet citoyenne commune à leur métier (Section 1). Mis à part des traits caractéristiquesexistant, les professionnels de la coopération décentralisée se réunissent également autourde perspectives identiques : la volonté de se former et de mutualiser leurs actions (Section 2)

Section 1 : Un cœur de métier partagéQu’est-ce qu’évoque le cœur de métier des cadres et des élus territoriaux en charge de lacoopération décentralisée ? Bien sûr comme dans tout métier des traits communs dans lesactions qu’ils mènent (II), mais avant tout ce qui les réunit c’est les caractéristiques propresà l’émergence de leur métier (I).

I. L’émergence d’un métierLe cœur de métier des élus et des cadres vient au préalable tiré ses fondements deson origine factuelle et pratique (A). La dualité des missions remplies par les techniciensparachevant l’émergence d’un métier spécifique (B).

A. Un métier issu de la pratique Le premier caractère propre à l’émergence du métier de la coopération décentralisée ausein des collectivités, est l’apparition récente de service de coopération décentralisée ausein des collectivités (1), ainsi que la multiplication de parcours universitaire et de formationscontinues formalisant la construction de ce métier (2).

1- L’apparition des services de RI et coopération décentralisée au sein descollectivités :De même que, l’action extérieure des Collectivités Territoriales a été générée par lesfaits et l’histoire, les professionnels de la coopération décentralisée voient leur métierse construire avec la pratique. L'autonomisation des pratiques et des personnels de lacoopération dans les collectivités territoriales est un processus assez récent. Elle résultede deux phénomènes conjugués. Tout d’abord, il y eut une période fondatrice dansles années 60 et 70 où une génération d’élus a milité pour une reconnaissance del’action internationaliste des pouvoirs locaux, « ce qui est une condition préalable à toute

système de reconnaissance (titres, qualification) et de contrôle de l’accès à la profession» Université de Rennes 2 Rapport derecherche –action Jean Marc Van HOUTTE & Alain PENVEN –Mission opérationnelle transfrontalière.

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professionnalisation par la fixation d'une déontologie de référence »135.Par ailleurs, dansun contexte de mondialisation, les collectivités, aidées par la décentralisation, ont peuà peu conquis des parts de terrain sur le marché de la coopération. Les Etats et lesorganismes internationaux vont devenir les véritables « clients » de cette internationalisationde l’action des collectivités territoriales. L’acquisition de cette nouvelle place impose auxpouvoirs locaux de prendre leur nouveau rôle au sérieux, ils s’organisent (on voit fleurirde nouveaux services des relations internationales au sein de tout les échelons decollectivités), et se spécialisent pour répondre aux exigences techniques de la coopérationinternationale (exigences récentes pour les collectivités et plus anciennes pour les ONGou les Association de Solidarité Internationales- ASI). La collaboration avec les acteursnon gouvernementaux, les administrations centrales et internationales ont été un vecteurde spécialisation pour les services des relations internationales et de la coopérationdécentralisée des collectivités. Ils ont peu à peu produit un milieu de travail spécifique avecses référents, ses méthodes de travail, et d’évaluation des résultats. Un mouvement derationalisation des pratiques s’est dessiné avec le temps.« La coopération décentraliséese développe et se professionnalise. Le temps n’est plus où le président de l’exécutiflocal partait faire du tourisme administratif avec son équipe. Aujourd’hui, les collectivitésterritoriales sont engagées pour des montants importants, dans des actions précises et delongues haleine »136. De nombreuses collectivités se sont donc dotées assez récemmentd’un service et d’un élu spécifique en charge de la coopération décentralisée. Ainsi, leposte qu’occupe le chargé de mission en coopération décentralisée dans la ville de Vauréal(16.206 habitants) a été créé en 2004, à son arrivée; de même pour la CA de Cergy-Pontoise, le poste n’existe réellement que depuis 5 ans, sous la forme d’un emploi jeune,puis d’un poste de chargé de mission; enfin il faut attendre 2001 pour voir apparaître unservice des relations internationales au sein de la mairie d’Issy-Les- Moulineaux. Parmi lesquatorze collectivités interrogées, seules deux petites villes n’avaient pas de service decoopération décentralisée, faute de moyens humain et financier. Le domaine de compétenceétant alors transféré au Directeur Général des services, pour l’une, et à un élu pour l’autre.

Au fait de ces nouvelles évolutions, les secteurs de la formation initiale et continueont rapidement mis en place des cursus se proposant de répondre à ce nouveau domained’action pour les collectivités.

2- Une construction formalisée du métierLes exigences grandissantes à l’égard des professionnels de la coopération décentraliséeont créé une volonté de faire progresser le métier. La formation initiale et continue a doncconstitué un premier élément de réponse. Des diplômes ou des cursus se sont ouvertsdans les Instituts d’Etude Politique, ainsi que dans les Instituts de formation en coopération-développement (comme l'Institut Régional de Coordination Développement de Champagne-Ardennes, RESACOOP en Rhône-Alpes, le CIEPAC en Languedoc-Roussillon), ou encorecertaines formations du Centre International d'Etudes Pédagogiques. Apparaissent aussides formations de haut niveau telles des Master 2 professionnel ou recherche (le premierexclusivement consacré à la Coopération Décentralisée vient d'être habilité à Grenoblepour 2002). Des chaires UNESCO comme celle concernant la formation de professionnelsdu développement durable à l'Université de Bordeaux III, ou la formation des "Conseillersen Affaires Européennes" gérée par la Mission d'Appui aux Programmes Communautaires

135 Association OPPES- ALLIES Paul, BARAIZE François, NEGRIER Emmanuel, 2001 ,Op. Cit., p.50.136 GOUNIN, Yves, Le cadre juridique de l’action extérieure des collectivités locales,AJDA 19 septembre 2005- N°31/2005-p.1713-1717.

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témoignent de la diversité de cette offre qualifiante. Les formations (à l'Europe ou Montagede projet) propres au CNFPT commencent à faire une place à la coopération décentraliséemais qui reste marginale vu la définition législative de la formation initiale dans ce secteur.«En 1993, dans sa première nomenclature des métiers territoriaux, le CNFPT avait identifiéun seul métier regroupant l’ensemble des champs européens et internationaux, celui dedéveloppeur de projets transnationaux137. Aujourd’hui, la structuration des services Europe,international et coopération décentralisée des collectivités mérite des référentiels métiersdistincts.

Le CNFPT a déjà établi un référentiel de trois grandes catégories d’activité au seindes directions Europe et des missions de coopération transfrontalière qu’elles mènent. Ceréférentiel demande à être étendu à l’ensemble des acteurs de la coopération décentralisée.

L’émergence de ce métier est par ailleurs marquée par une certaine dualité desfonctions remplies par les cadres en charge de la coopération décentralisée, qui se révèlentêtre des techniciens polyvalents et des coordinateurs de réseaux d’acteurs.

B. La dualité du métierLa dualité du métier transparaît dans l’ensemble des entretiens, notamment avec unepolyvalence des techniciens, appelés à s’adapter à la technicité de leurs missions tant surle fond, que sur la forme (1). Par ailleurs, le deuxième versant du métier des cadres estindéniablement leur positionnement comme organisateur d’un réseau d’acteurs divers (2).

1. La polyvalence des techniciens:«On constate qu’en fonction de ce qu’on leur demande ou de ce qu’on attend d’eux, qu’ilfaut savoir tout faire, de l’animation, de la mobilisation, de l’appui, de l’opérationnel, duprotocolaire, du montage de projet, de voyager à Bruxelles, de répondre aux appels d’offre.Ces sollicitations rendent ce métier très passionnant et en même temps angoissant»138

a. Technicité dans le contenu du métier:De manière originale, on assiste à la formalisation de nouveaux savoirs, de nouvellescapacités d'expertise, de nouveaux systèmes d'interrelation entre les administrationscentrales, européennes et celles des collectivités locales tant françaises qu'étrangères. M.ORSATELLI139 parle «d’un nouveau métier». Les projets de coopération mobilisent plusieursservices de la collectivité, et notamment les services techniques associant des spécialistesthématiques aux projets. Les domaines d’intervention des collectivités sont divers et souventpointus: au-delà de l’appui institutionnel (organisation de services, formation d’élus et decadres locaux) qui est récurrent, les collectivités n’hésitent pas à se lancer dans desprojets très techniques, tels que la mise en place d’un réseau d’assainissement, ou leréaménagement de la voirie. Sur l’appui institutionnel, la Communauté d’agglomérationd’Evry Centre Essonne et la Communauté d’agglomération de Cergy- Pontoise sontparticulièrement actives. «Ce qui me paraît important c’est toute la question du renforcementinstitutionnel, précise J-F MANGELAIRE (chargé de mission en coopération décentraliséeà la CA d’Evry), car il permet de mieux gérer le développement de sa ville». La CA

137 Gazette des communes 24/02/2003 n° 1682 cit Pascale Chelin-Allanic, chef de projet Europe à la direction Europe et internationaldu CNFPT138 GALLET Bernard CUF- Quels métiers pour l’action internationale des collectivités territoriales ?139 M. ORSATELLI, Chargé de cours à l’Université de Paris IX- Quels métiers pour l’action internationale des collectivités territoriales

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d’Evry accompagne la Commune de Kayes (Mali) dans l’amélioration du fonctionnementde ses services et plus particulièrement ses services techniques. Cette améliorationpasse par la formation d’élus et de techniciens. Ainsi, en 2007, l’ancien DirecteurGénéral des Services de la Communauté d’Agglomération a suivi quotidiennement,pendant trois semaines, le Directeur Général des Services de Kayes au Mali sur desmodalités de fonctionnement très basiques: la mise en place de réunion de service, unorganigramme du personnel, l’analyse des procédures d’établissement du budget et du plande trésorerie. De même, en juillet 2004, des élus de Porto-Novo (Bénin) sont venus à laCommunauté d’Agglomération de Cergy Pontoise afin d'échanger sur les finances locales,l'intercommunalité, la planification urbaine et les relations entre élus et techniciens. La mairied’Issy- Les- Moulineaux a su combiner parfaitement un projet d’assistance technique etd’appui institutionnel, comme l’explique Pierre MALVAUD (Responsable des RI) sur le projetde réhabilitation et de construction de points d’eau conduit à Dapaong (Togo). «Ce qui estintéressant, c’est tout l’aspect éducatif, en fait c’est un programme d’appui à la sociétécivile, on leur apprend à constituer des comités villageois pour que ce soit les associationstogolaises qui prennent en main la gestion des points d’eau». De plus, tout ce qui entoureson métier requiert des qualités précises, il ne suffit donc plus au spécialiste d’être bilingueet féru de droit international, « le responsable des relations internationales doit savoir toutfaire : du protocolaire, de l’animation, de la gestion, mener une équipe, transmettre lesinformations aux services de la collectivité et être capable de les valoriser»140.

b. Technicité dans la formeLa coopération décentralisée est de plus en plus technique, y compris dans ses modesde travail. Pour mener à bien des projets de développement, les collectivités ontfait l’apprentissage du montage de dossiers complexes, en coopération avec d’autrescollectivités, et avec l’appui de bailleurs de fonds différents. La recherche de fonds publicsdans le cadre de ces programmes est devenue un ferment de professionnalisation deces initiatives locales. En effet, le caractère procédurier et complexe des dossiers decofinancement nationaux, européens ou internationaux les obligent à l’assimilation de règlesde fonctionnement propres à ces institutions. Cette technicité se manifeste également àtravers les techniques de gestion de projet et les systèmes d’évaluation que les techniciensemploient dans le cadre de leurs projets de coopération décentralisée. Cette technicisationdes méthodes de travail était clairement visible lors des entretiens, même si elle sembledavantage concerner les collectivités d’une certaine taille, comme les Département, etCommunauté d’agglomération, où la coopération décentralisée est bien implantée. A sonarrivée, il y a 5 ans à la CA de Cergy-Pontoise, Blandine FAUCON-DIENE, chargé demission, a dû proposer une nouvelle méthodologie dans la manière d’envisager les actionsde coopération décentralisée pour la communauté. J-F MANGELAIRE évoque, quant à lui,les cadres logiques que les professionnels de la coopération décentralisée sont de plus enplus amenés à utiliser, c’est une méthode de gestion de projet qui permet de partir de lastratégie mise en place par la collectivité dans ses projets de coopération décentralisée,que le technicien va ensuite décliner en logique d’intervention à travers des projets, desobjectifs concrets et des résultats à atteindre. Ce système est complété par des indicateursobjectivement vérifiables (IOV), qui permettront au cadre d’évaluer si les objectifs visés parle projet ont véritablement été atteints. De même, la CA de Cergy-Pontoise réunit l’ensemblede ses partenaires tous les 6 mois pour qu’ils fassent un point sur le suivi des projets.«Celapermet de donner une cohérence aux projets. Pour chaque projet est défini un certain

140 Gazette des Communes n°1584 12/02/2001

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nombre d’objectifs et des rencontres ont lieu au moins deux, trois fois par an avec tous lesacteurs».

Les cadres en charge de la coopération décentralisée ne sont pas des techniciens purs,ce sont également des animateurs d’acteurs, dans la mesure où l’humain reste une variableincontournable dans ce métier.

2- Le technicien, organisateur d’un réseauLes professionnels de la coopération décentralisée exercent un métier passerelle, entrel’intérieur et l’extérieur d’abord, en mobilisant des acteurs, issus de la société civile (desassociations) ou du monde de l’entreprise; et enfin un métier passerelle au sein mêmede la collectivité, car la direction de la coopération décentralisée ( dont l’appellation varie)est souvent un service au service des services, autrement dit elle constitue l’espace leplus à même de fédérer les projets et favoriser la cohésion des services. On constateeffectivement que les projets de coopération décentralisée mobilisent souvent plusieursservices de la collectivité, et notamment les services techniques associant des spécialistesthématiques aux projets. Tous les responsables en coopération décentralisée rencontrés, àl’exception d’une collectivité, parviennent non sans mal à mobiliser ponctuellement d’autresservices de leur collectivité, selon la thématique du projet. Les projets de coopérationdécentralisée menés par la mairie d’Issy- Les –Moulineaux mobilisent ainsi la DirectionGénérale, le Cabinet du Maire, le service éducation, le sport, le protocole, le service culturelet technique ou encore l’action économique. « L’idée, c’est de travailler ensemble, etensuite d’arriver à fédérer les énergies », précise Pierre MALVAUD. Ces professionnelssavent ou cherchent à travailler en réseau, à monter des groupes de travail, et échangerdes informations. Ils promeuvent une logique de projet encore peu développée dans lescollectivités. Plus qu’ailleurs, c’est par l’échange que se construit leur savoir professionnel,le métier s’améliorant avec l’expérience acquise et s’enrichissant au gré des thématiquesabordées par les projets de coopération. Ce métier est caractérisé par sa transversalité,c’est à dire, sa capacité à faire le lien entre plusieurs logiques: celle de sa collectivité et deses élus, de ses partenaires (ils travaillent beaucoup avec des associations de solidaritéinternationale) en France, ainsi que celle du pays voisin. C’est d’ailleurs ce que confirmeBlandine FAUCON-DIENE, en définissant son métier : «Mon rôle est également celuid’accompagnateur, de mise en réseau, de suivi et faire en sorte que tous les projets secoordonnent». Plus précisément, elle a un rôle de coordination, de fédération, de tous lesacteurs associatifs et de sa collectivité dans l’appui au montage d’action, «de manière àfavoriser une meilleure animation et un message de meilleur qualité». Dans le même sens,le Département de l’Essonne subventionne pas moins de 650 structures, dont il ressortenviron 150 projets par an. De plus, le Conseil Général a accompagné son soutien financierd’un appui méthodologique: conseils, diagnostics et formations sont ainsi proposés auxacteurs de la solidarité internationale afin d’assurer la cohérence et l’efficacité des projetsqu’ils mettent en œuvre.

Nous pourrions, comme M. ORSATELLI, conclure sur cet aspect du métier desprofessionnels de la coopération décentralisée en disant: «Finalement vous êtes despasseurs et c’est un beau métier».

La coopération décentralisée acquiert, au-delà de la diversité des pratiques (qui serontévoquées par la suite), des caractéristiques propres, qui laissent apparaître un modèled’intervention spécifique dans le secteur de la coopération.

II. Les traits communs de leurs actions :

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Principalement deux traits communs transparaissent dans les actions de coopérationdécentralisée: portée par une volonté politique et citoyenne (B), les professionnels de lacoopération décentralisée appliquent des principes quasi-éthiques dans les actions qu’ilsconduisent (A), leur conférant une spécificité dans le secteur de la coopération.

A. Des principes phares, fondements d’un nouveau métier :Des notions neuves apparaissent avec la coopération décentralisée dans le paysage dela coopération internationale. Les cadres et les élus territoriaux cherchent à garantir leprincipe de réciprocité des actions de coopération décentralisée, autrement dit, l’existenced’un impact pour leur territoire dans ces actions conduites à l’étranger (1). Par ailleurs, ilsessaient autant que possible de construire les besoins et l’offre avec le partenaire localétranger (2).

1- Le principe de réciprocité (l’impact local)Mesurer l’impact local des actions de coopération décentralisée reste difficile à faire pour lesprofessionnels du secteur, néanmoins, ils ne cessent de poursuivre cet objectif, qui guidel’ensemble des projets qu’ils conduisent. C’est une coopération de réciprocité, car elle mettoujours en jeu des citoyens et des territoires, auprès desquels les élus doivent justifier lesavantages que leur collectivité et eux mêmes retirent à s’impliquer dans de telles actions.Le lien au territoire: c’est ce qui constitue la spécificité de l’action conduite par les élus et lescadres de la coopération décentralisée. Le respect de cet axe de conduite dans l’ensembledes actions qu’ils mènent, c’est justement ce qui enrichit et distingue leurs projets de lacoopération gouvernementale. Laure FERET, Chef du service de Coopération décentraliséeet de Relations Internationales au Département de l’Essonne confirme cette approche:«La réciprocité, si elle reste souvent peu visible dans ce type de coopération est bienprésente». En effet, le département de l’Essonne face à la recrudescence de la tuberculosechez les maliens primo-arrivant était confronté à la difficulté d’établir une campagnepréventive compréhensible par ce public. Des campagnes de prévention adaptées leur ontdonc été fournies par leurs partenaires maliens (résidant au Mali). En ce sens, on peutvéritablement parler de réciprocité. «La coopération décentralisée oblige la politique localeà se repositionner sur le politique», autrement dit, l’action extérieure des collectivités localesdoit toujours être liée à une problématique locale, et échapper aux conceptions purementhumanitaires selon Laure FERET (d’où une certaine contradiction avec la Loi THIOLLIERE).Ainsi, l’un des objectifs recherché localement par le Département de l’Essonne, à traversses actions de coopération décentralisée, consiste à ce que le regard des essonniens«change sur les personnes avec qui ils vivent, provenant souvent de pays en voie dedéveloppement». L’atout majeur de ces actions pour Pierre MALVAUD, réside dans le faitque ces actions «bénéficient à la population (avec les chantiers-jeunes ou les échangesscolaires), notamment les jeunes sont très demandeurs, et en plus les retombées positivesne se limitent pas à eux, puisqu’ils s’engagent à relayer leur expérience». L’éducation àla solidarité est un axe essentiel de la coopération décentralisée pour la ville, car c’estce qui permet de relier une action internationale à un territoire. L’apparition de nouvellesformes de coopération marque encore davantage cette recherche «de retours» pour leterritoire. Les retombées économiques sont une préoccupation de plus en plus présenteau sein de la coopération décentralisée. Sous l’influence de l’Etat, des partenariats sedéveloppent avec la Chine ou le continent indien; ces relations n’ayant plus rien à voiravec la seule démarche humanitaire qui a pu présider aux actions de coopération avec lespays du Sahel au lendemain de la sécheresse des années 70. On se préoccupe encore dedéveloppement, mais ne serait-ce pas le nôtre ( par exemple dans la relation à la Chine) plus

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qu'au développement du partenaire? On voit bien que c'est une autre génération d'actionsde coopération décentralisée qui est en train de se mettre en place, qui renvoie à une autreprofessionnalisation impliquant de nouveaux acteurs, toujours les élus, toujours le mondeassociatif, mais davantage le monde des entreprises.

2- La construction commune de la demande et de l’offreLes détracteurs de la coopération française ont longtemps reproché le caractèrecondescendant de l’assistance technique française. Gardant à l’esprit ces critiques, lesprofessionnels de la coopération décentralisée cherchent en permanence à resituer leursactions et leurs méthodes de travail dans une logique de construction commune du projet,il ne s’agit plus de faire à la place, mais de créer ensemble, en étant à l’écoute des besoinsréels du pays bénéficiaire. La Ville de Vauréal a entamé depuis 2004 une démarche decoopération décentralisée ave la ville de Kétou au Bénin. Pour stopper la déforestation,et en particulier celle de la forêt sacrée (le bois représentant dans le pays 90% dela consommation d’énergie), il est prévu de construire des fours à bois économiques.Stéphanie BURG, en charge du projet, évoque à ce sujet la difficulté de l’adéquation del’offre française aux attentes des homologues étrangers; «il faut adapter son offre, ainsiconcernant les fours, la mise en place de fours solaires en Afrique n’a pas encore étépossible, car cela ne fait pas partie de leur culture, ils ont un rapport au feu très fort,d’où l’adoption pour l’instant du four à bois économique». Le décalage demeure souvententre un partenaire du Sud où la demande de moyens matériels et financiers est très forte,face aux possibilités humaines et financières de la collectivité du Nord, qui ne permettentpas de répondre à l’ensemble des attentes de l’interlocuteur. Dès lors, les collectivités dunord cherchent à dépasser cette logique d’assistance et tentent de s’engager avec leurspartenaires dans une démarche de développement, où la demande est responsabilisée.«L’approche stratégique de la coopération décentralisée, c’est de construire ensemble et enamont le diagnostic, les objectifs et le montage partenarial »141. Ce travail de constructionde la demande n’est pas seulement une condition de la réussite, c’est également l’objetcentral de la coopération décentralisée. En s’exprimant sur la coopération qui lie la villede Kayes (Mali) à la CA d’Evry Centre Essonne, J-F MANGELAIRE précisait : « Ce quinous intéresse nous, c’est que la commune de Kayes soit capable d’atteindre un cahier descharges qu’elle aura élaboré. Nous on l’aide dans la définition de ses objectifs. Par exemple,pour les appels d’offre, on va travailler avec eux à établir des termes de références…».C’est la même démarche qui guide l’action de la Ville de Chilly- Mazarin, selon Henri FIORI,élu en charge du jumelage et de la coopération décentralisée: «Tous les projets développésavec le Mali sortent de leur plan de développement, on les construit avec eux. On est sansarrêt dans un rapport d’échanges».

Si ces principes phares donnent un fondement commun au métier exercé par lestechniciens de la coopération décentralisée, la volonté politique et citoyenne achève de leurconférer une légitimité commune dans leurs actions.

B. La coopération décentralisée, portée par la volonté politique etcitoyenne :Au-delà des principes fédérant leur métier, le deuxième trait commun se lit dans la volontépolitique des élus (1), et l’expression citoyenne (2) qui portent et légitiment les actionsconduites par les techniciens de la coopération décentralisée.

141 NOISETTE, Patrice (ACT Consultant), RACHMUL Virginie (GRET) , Op. Cit., Janvier 2006, pp.41-42.

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1- Le rôle central de l’éluL’origine des jumelages qu’entretiennent encore aujourd’hui de nombreuses collectivités(certains ayant évolué vers de la coopération décentralisée), était très souventpersonnalisée par une amitié historique entre élus locaux. Ainsi, en est-il pour certainspartenariats qu’entretiennent le Département de l’Essonne et du Doubs, la Ville deBesançon, ou la CA de Cergy-Pontoise. Aujourd’hui la coopération décentralisée tend àdevenir une coopération entre collectivités et donc entre pouvoirs exécutifs locaux. Elleest de moins en moins soumise au changement de majorité et procède d’une décisionpolitique institutionnalisée, les partenariats étant reconduits (parfois de manière moins viveou en étant réorientés), en dépit des changements de gouvernance. Or, cette évolution amarqué les domaines d’action de la coopération décentralisée, on constate que nombrede collectivités sont passées du projet ponctuel à un appui institutionnel du partenaire. Cechangement est fortement connoté politiquement, car il positionne la collectivité françaisecomme accompagnatrice du processus de décentralisation ou de déconcentration en coursdans le pays partenaire. Huit des quatorze collectivités interrogées déclarent aujourd’huifaire de l’appui institutionnel (appui à l’organisation de l’administration municipale, formationd’élus et de cadres…). Ce mouvement d’appui aux acteurs locaux a entraîné une évolutiondes modalités de travail et d’intervention, « Il s’agit de passer d’une coopération bâtieexclusivement sur des projets prédéfinis techniquement à une coopération de partenariatentre acteurs définissant ensemble et à leur rythme l’objet et les modalités de leurcoopération »142. Le cœur de métier des cadres territoriaux en charge de la coopérationdécentralisée est en ce sens intrinsèquement lié à la volonté du maire et/ou de l’élu encharge de la question. Les experts doivent davantage rendre compte de la manière dontelles projettent leur territoire devant leurs élus.

Par ailleurs, la décision d’engager sa collectivité dans la coopération décentralisée, decréer un service, ou un poste en lien direct sur ces questions est un choix éminemmentpolitique. Avec tout le recul que ce constat impose, sur le panel de quatorze collectivitéschoisies en fonction de leur échelon de décentralisation et de leur population, dix sontapparentées au parti socialiste ou communiste, les quatre autres étant affiliées au courantUMP/UDF. L’intégration de concepts tel que la coopération pour le développement, commethématique prioritaire d’un territoire, reste encore marquée par une famille politique. Parailleurs, lors d’un entretien, un responsable de la coopération décentralisée indiquait qu’«en fonction de la couleur politique, la coopération n’est pas rattachée au même service,[…] lorsque les actions sont conduites sous une gouvernance de gauche, la coopérationdécentralisée a davantage tendance à être rattachée au Cabinet et au Directeur Généraldes Services ». De fait, les actions de coopération décentralisée ont nécessairement uncaractère politique de par la nature de leurs acteurs, au premier rang desquels figurentles élus et par les thèmes choisis : L’accès aux services de base, l’urbanisme, l’éducation,la santé, l’appui à la décentralisation que cette action de coopération décentraliséeprésuppose. Tous renvoient à l’organisation d’un groupe sur un territoire donné : on est bienau cœur d'une action politique.

2- La reconnaissance citoyenne, une assise pour les acteurs institutionnelsde la coopération décentraliséeSi le travail des techniciens doit être porté par les élus pour légitimer politiquementl’existence de leur métier, l’écho de leur action auprès des citoyens confère du sensà leur profession, qui demeure en construction. L’implication des citoyens est donc

142 NOISETTE, Patrice (ACT Consultant), RACHMUL Virginie (GRET) , Janvier 2006, Op. Cit., p.29.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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essentielle dans le processus de professionnalisation des cadres et des élus territoriaux.Les cadres en charge de la coopération décentralisée l’ont d’ailleurs bien compris, ilscherchent à contribuer au développement d’une attitude participative et citoyennede leur population et à améliorer leur connaissance des actions de coopérationconduites. Le département de l’Essonne œuvre d’une manière générale à l’informationet la sensibilisation du public par le biais de nombreuses initiatives : l’organisationd’une conférence mensuelle, un colloque annuel, ainsi qu’une fête « de la coopérationinternationale- Delaba édelà», organisée tous les 2 ans, « 125 structures (associations,communes, syndicats intercommunaux…)y participent, et l’on a également fait un travailavec eux pour les amener à réfléchir sur des thématiques plus larges, que sur leur seuleaction[…] ». L’éducation au développement se fait dans nombre de collectivités interrogées,via la participation à la Semaine de la Solidarité Internationale143 au mois de novembre dechaque année. J- F MANGELAIRE signale qu’«il faut prendre cet événement comme unoutil fédérateur où les associations se rencontrent et où elles proposent des activités ».L’éducation au développement constitue indéniablement un autre versant de leur métier, carl’humain est incontournable dans ce domaine. Dorothée MOUSSU, chargée de mission enrelations internationales à Epinay-Sur-Seine l’a bien compris, elle estime d’ailleurs qu’unede ses missions, « c’est aussi de renforcer la citoyenneté européenne sur la ville ». Travaillersur « l’impact local des projets est très important (pour Mélanie THOMAS chargée demission en coopération décentralisée à la Mairie de Saint-Denis) car on est taraudé par lefait que les associations locales, et les habitants s’y retrouvent ».

Les dénominateurs communs des acteurs institutionnels de la coopérationdécentralisée ne s’arrêtent pas à un cœur de métier existant, leur professionnalisation se litégalement dans les attentes communes qu’ils ont face à leur métier et leur profession.

Section 2 : Les attentes communes d’une profession en mutationLes attentes que placent les élus et les cadres dans leur métier constituent l’autre pointcommun des professionnels de la coopération décentralisée. Deux expectatives réunissentaujourd’hui les professionnels de la coopération décentralisée : La volonté d’ existerréellement en tant que professionnels compétents au sein des collectivités pousse d’unepart, ces acteurs à se former en permanence (I), et à s’organiser de manière cohérente àtravers la multiplication de réseaux (II)

I. L’existence du métier :Les élus et les cadres en charge de la coopération décentralisée se sentent de plus enplus appartenir une profession commune(A) qu’ils cherchent à faire exister légitimementau sein des collectivités, grâce à une qualification grandissante des élus et des cadres(B).Les structures et les offres de formation en coopération décentralisée se multipliant depuisquelques années témoignent de ce phénomène

A. La conscience d’un processus de professionnalisation en marcheSi un élément est significatif dans la professionnalisation d’un secteur c’est bien laprise de conscience qu’ont ses acteurs de ce mouvement. Autrement dit, le sentimentd’appartenance à une profession, ou à un cœur de métier participe à sa création et à

143 Opération nationale et décentralisée de sensibilisation, mobilisation et information sur l'engagement et les pratiques de lasolidarité.

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ses évolutions. C’est un phénomène que l’on retrouve chez les cadres en charge dela coopération décentralisée. Conscients que leur domaine d’action est récent et diversdans ses pratiques, ils ne se sentent pas moins appartenir à « une profession » enconstruction. "Une professionnalisation, ça c’est indéniable, dans la mesure où dansmon titre on a reconnu mon activité : ‘’Responsable des relations internationales et dela coopération décentralisée’’. Avant, mes fonctions étaient davantage centrées sur duprotocole, maintenant c’est davantage de la gestion de projet » déclare une responsable desrelations internationales. Blandine FAUCON-DIENE confirme cette évolution : « C’est clairqu’il y a une professionnalisation, je le vois aussi à Cités Unies France, avec les collectivitésqui souhaitent initier une coopération, elles ne sont plus forcément sur les jumelages ».Paradoxalement, si on constate qu’il y existe une volonté commune d’être reconnus commeexerçant un métier à part entière au sein de la collectivité (la perception de l’utilité de leuraction sur le territoire étant encore marquée par un certain scepticisme des services et desélus), ils éprouvent des difficultés à se sentir appartenir à une même profession ; certainsexprimant même des craintes face à ce terme qui leur semble antinomique avec les actionsqu’ils mènent.«Si ça se professionnalise, on va perdre ce qui fait la force de la coopérationdécentralisée, à savoir la prise d’initiative. On est un service de projet, nous ne sommes pasune administration. Mon métier n’est pas d’être responsable des relations internationalesd’une ville, je ne peux pas inter-changer avec une autre ville. C’est possible d’inter-changerau niveau de mes compétences, mais pas au niveau du projet politique qu’on défend».Pourd’autres raisons, un chargé de mission émet des réserves face à l’existence d’un processusde professionnalisation « Je ne sais pas si on peut dire professionnalisation, on est dans unstatut de la fonction publique, donc (pour qu’on puisse parler de professionnalisation), il fautque la personne soit titulaire, qu’elle maîtrise plusieurs langues, qu’elle ait une expériencedans le domaine ».

Ce sentiment de professionnalisation néanmoins partagé par la majorité des élus etdes cadres est corroboré par la nécessité qu’ils voient à se former face à la complexificationde leur métier.

B. Le besoin de formation d’un métier qui se construitParce que la plupart des collectivités territoriales ont aujourd’hui une vraie volonté destratégie internationale et européenne, il est nettement apparu qu’une évolution du rôle, descadres (1) et des élus territoriaux (2) était nécessaire.

1- L’attente de formations pointues pour les techniciensL’esquisse de ce processus de professionnalisation des cadres que l’on tente de tracerdepuis le début de notre réflexion se vérifie dans les faits, à travers la mise en placede multiples structures et formations en coopération décentralisée. On perçoit cette prised’initiative chez le premier centre de formation des fonctionnaires : le CNFPT, qui se lancetimidement dans ce domaine avec la distribution d’un guide et la proposition de quelquesformations. Si l’impact des actions menées par le CNFPT dans ce secteur reste relativementfaible (les formations aux affaires européennes constitue moins de 1% de leur offre deformation et à l’intérieur de cette catégorie, la CD ne représente quasiment rien), le faitqu’il s’y intéresse est significatif. En effet, outil- formation des collectivités territorialesfrançaises, le CNFPT compte parmi ses missions fondamentales celle de contribuer à laprofessionnalisation des agents territoriaux et, par voie de conséquence, d’aider les élusdans leur prise de décisions. D’autres organismes ont vu le jour et se sont spécialisésdans la formation des cadres, pour n’en citer que quelques- uns : l’Agence Coop Dec

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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Conseil, ACT Consultant, ou des structures d’appui régionales, qui seront évoquées parla suite. Cependant, recueillir les besoins de formations des techniciens s’avère être unetâche difficile, pour deux raisons essentielles : d’une part, on ne trouve aucune espèce dedéfinition, et a fortiori de reconnaissance des compétences professionnelles que supposentle poste de responsable de la coopération décentralisée au sein d’une collectivité ;d’autre part, les collectivités n’étant souvent pas au même stade d’avancement en matièrede coopération décentralisée, les missions et les attentes à l’égard des responsablesadministratifs varient d’une collectivité à une autre. Pourtant, les entretiens ont révélé que,malgré des stratégies parfois très différentes, les cadres (qui ont déjà suivi pour la majoritéd’entre eux des formations) ont des attentes souvent similaires en termes de formation. Aupréalable, c’est le besoin d’être mieux informé sur le contexte géopolitique, les institutions,ainsi que la culture de la collectivité partenaire qui est formulé. De manière forte, transparaîtégalement l’attente de formations sur la mobilisation des cofinancements du ministèredes affaires étrangères et de l’Union Européenne, qui leur apparaissent généralementcomplexes. Ce domaine révèle par ailleurs la technicité grandissante de leur métier. "Surles financements européens, il y a un problème d’information des villes, nous ne sommespas du tout informées, alors qu’il en existe énormément. La France est l’un des pays qui saitle moins bien gérer ces financements» selon un chargé de mission. Dans le même sens, laDirectrice Générale des Services de la ville de Maurepas, qui prend en charge les questionsde coopération décentralisée, déclare : « Pour les financements européens, j’y ai renoncé,car ils ont beaucoup trop d’exigence […], c’est un véritable maquis », cette perception freinesa ville comme d’autres collectivités à faire appel aux fonds européens. « La recherche definancements dans ce domaine devient un métier à part entière ». Face à leur volonté detrouver leur place au sein de la collectivité et de légitimer leur action, les cadres en charge dela coopération décentralisée cherchent à mieux tenir informés les autres services, ainsi queles citoyens. Un chargé de mission déclare ainsi, « on ne sait pas relayer, je peux transmettrel’information, mais je ne sais pas former ». Le but poursuivi ici étant d’instiller une culture del’international à l’ensemble de la collectivité. L’action internationale ne trouve un sens quedans la transversalité, le service de la coopération décentralisée et donc ses représentantsne peuvent travailler en vase clos , l’intérêt de l’efficacité de leur action demeurant dansl’échange. Il est à noter que cette liste ne représente pas de manière exhaustive les attentesde formation des cadres territoriaux dans ce domaine.

2- Les élus, acteurs non professionnels, appelés à se qualifierLes élus n’exercent pas un métier, ils sont les représentants de la volonté citoyenne pourune période donnée, néanmoins cette position ne les dispense pas de suivre, commeleur référent administratif, des formations. De fait, des structures comme l’IFET (Institutde Formation des Elus Territoriaux), ou le CNFPT ont d’ailleurs commencer à ajouter(timidement) des modules sur la coopération décentralisée destinés aux élus territoriaux.Lors des entretiens conduits auprès de cadres en charge de la coopération décentralisée,la question de la formation de leurs élus est revenue de manière récurrente. Plusieursraisons alimentent cette attente. Pour plusieurs chargés de mission « ils sont encore tropdans des démarches caritatives et paternalistes », un retour sur le sens de la coopérationdécentralisée serait essentiel. C’est d’ailleurs ce que confirme un autre responsable desrelations internationales : « Les élus auraient besoin de formations sur comment relier leurprojet politique local à une action internationale, car dés qu’ils sont en Afrique, ils arrêtentde faire de la politique et on se retrouve sur du charitable ». Par ailleurs, il est essentielde les former sur ce que représente la coopération décentralisée en termes d’enjeux, et deretombées pour leur territoire. En effet, l’élu porte le projet, or s’il n’a aucune visibilité de

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l’impact local de telles actions, il sera dans l’incapacité de légitimer les actions conduitespar la collectivité et les techniciens , aux yeux des autres services, dans un premier tempset de l’ensemble des citoyens par la suite. Une responsable de la coopération décentraliséeconfirme que « pour les élus, il serait nécessaire qu’ils apprennent à répondre aux citoyens,qu’ils présentent de manière intelligente ces projets», car le fait que la population localesoit informée et impliquée parachève l’action conduite par les techniciens. L’action et lemétier des cadres de la coopération décentralisée n’auront que davantage d’impact lorsquel’articulation entre l’administratif et le politique sera perfectionnée.

Cependant, l’amélioration de la technicité de leur intervention ne suffit pas à elle seuleà renforcer la qualité de leurs actions de coopération décentralisée. Par conséquent, lesprofessionnels cherchent à réaliser cette progression à travers une meilleure coordinationentre acteurs de la coopération décentralisée de collectivités différentes.

II. L’organisation de la profession:Les professionnels, au-delà d’une existence légitimée au sein de la collectivité, cherchentà s’organiser que ce soit au travers des actions conduites en commun qui restentnéanmoins timides (I), ou par le biais de réseaux régionaux, nationaux, voir internationauxqui les accompagnent, les représentent et les défendent dans leur actions en tant queprofessionnels à part entière sur la scène de la coopération internationale (II).

A. Les tentatives timides de mutualisation des actionsLes échanges informels entre techniciens de la coopération décentralisée restentaujourd’hui principalement la règle, en raison des réserves qu’expriment encore le pouvoirpolitique local face à la mutualisation d’actions de coopération décentralisée (2). Néanmoinsdes collectivités ont déjà entrepris des actions communes, offrant ainsi de nouvellesmanières de travailler aux cadres et aux élus territoriaux (1).

1- Les actions communes existantesLa mutualisation d’action de coopération décentralisée a déjà été entreprise par certainescollectivités. Les cadres en charge de ce domaine sont conscients qu’il en va de l’efficacitéde leurs actions. D’une part, réunir plusieurs collectivités autour d’un projet de coopérationévite le « saupoudrage » d’intervention sur une même région, et donc des concurrencesstériles, d’autre part, les responsables de la coopération décentralisée au sein descollectivités perçoivent ces échanges comme le cœur même de leur métier, qui est néet évolue avec la pratique. La ville de Besançon a ainsi associé à son action sur lacommune rurale de Douroula (Burkina-Faso), la ville de Neuchâtel. Elle a par ailleurs intégréune quinzaine d’autres collectivités franc-comtoises sur un projet de développement decommunes de la région de l’Ouest montagneux Ivoirien. La ville de Chilly-Mazarin, à traversle réseau Essonne Sahel, s’associe à une dizaine de collectivités. Chaque ville inscrit desprojets que le réseau présente par la suite de manière cohérente au MAE et au Départementde l’Essonne de manière à obtenir une enveloppe de financement conséquente pourconduire des projets de plus grande envergure. La Communauté d’agglomération deCergy-Pontoise s’inscrit également dans cette logique, qu’elle a renouvelé en mars 2007,en impliquant différentes communes de la CA comme force d’expertise (sur différentesthématiques telles que la communication interne, externe…etc.) auprès de cadres de cinqvilles du Bénin. Blandine FAUCON-DIENE évoque l’importance de tels échanges pour leurprofession : « Ce qui est intéressant, c’est la mutualisation entre les communes françaiseset béninoises, mais également entre communes de chaque pays, il y a une réelle volonté

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de travailler ensemble». Mélanie THOMAS, chargé de mission coopération décentralisée àla ville de Saint-Denis évoque la volonté de mener des actions cohérentes, notamment « auniveau de la Plaine Commune, ils sont en train de mettre en place un groupe de travail entreélus et techniciens ». Les techniciens, dont la ville n’a mené aucune action de coopérationdécentralisée en association avec d’autres collectivités françaises ou étrangères restent,néanmoins, tous convaincus (à une exception près) de l’utilité d’une telle démarche. C’estnotamment le cas d’Antonio ANIESA, Responsable du service relations et coopération avecle monde de la ville de Nanterre, qui précise que s’associer à d’autres collectivités françaises«c’est l’avenir de la coopération décentralisée, pour qu’on fasse des choses avec ambitionet c’est une manière également de se doter de moyens financiers plus importants».

Si cet effort de mutualisation n’est pas aujourd’hui à l’ordre du jour dans la majoritédes communes, les rapports informels qui existent déjà entre les techniciens de différentescollectivités et l’intérêt qu’ils semblent porter à cet échange, laisse présager de nouvellesfaçon de travailler pour les cadres et les élus territoriaux, dont les collectivités devrontprendre conscience et se saisir. Le blocage face à la mutualisation des projets decoopération décentralisée ne réside pas aujourd’hui chez les techniciens, mais chez lescollectivités, et plus précisément au sein du pouvoir politique.

2. Les freins politiques face à la volonté de mutualisationUn élu en charge du jumelage et de la coopération décentralisée au sein d’une petite villeexplique très bien l’origine de ces réticences : « Cette démarche est encore neuve, lescollectivités ont peur de mettre le pied dans une structure qu’elles ne maîtrisent pas », car«les villes n’ont pas du tout envie de se mettre derrière un chef de file » corrobore un cadre.Un responsable en relations internationales précise le sens de ces mots, en affirmant que lacoopération décentralisée reste « un domaine très égoïste, c’est des choix, et un parti prisdes politiques ». Les élus ne sont généralement pas demandeurs de ce type de démarches,restant en prise avec des luttes politiques. Les clivages politiques qui seraient dépasséspar la pratique des relations internationales, un mythe? C’est en tout cas ce qui transparaîtde l’ensemble des entretiens. Sans doute, « dans la pratique,(est-il ) difficile de coopéreravec d’autres collectivités » le risque qu’elles ne se réapproprient le projet étant réel etpréjudiciable financièrement et politiquement pour une collectivité, comme nous l’indique unchargé de mission d’une collectivité, où de telles associations n’ont pas cours. C’est « unproblème d’identité pour chaque collectivité, il s’agit de ne pas se faire absorber tout cru ».La prégnance du politique en coopération décentralisée est donc à double tranchant, ellepeut en même temps la porter (comme nous l’avons vu précédemment144) et la ralentir. C’estce frein que peut constituer la volonté politique en coopération décentralisée, qu’évoque unchargé de mission : « S’engager à deux pourquoi pas, mais il faut que ce soit une collectivitédu même bord politique que la ville, sinon ça ne marchera pas. Et c’est ça le problème, j’avaisessayé de travailler avec d’autres collectivités de gauche, voir communiste, mais mes élusont exprimé une grande réticence. J’ai dû trouver un moyen d’agir dans un cadre beaucoupplus restreint». Ces choix en même temps qu’ils ralentissent la progression de certainescollectivités (les petites villes surtout), privent également les techniciens de la coopérationdécentralisée d’un apport essentiel dans leur métier : l’échange d’expérience.

Il existe aujourd’hui une attente forte de capitalisation des expériences chez lestechniciens de la coopération décentralisée, car si les échanges informels entre cadresse font relativement bien, reste que, « l’action concertée (par exemple en matière de

144 Cf Chapitre II- Section 1- II- B-1

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cofinancement) n’est pas (encore) prête d’émerger, sauf s’il y avait une volonté politique ence sens », selon les dires d’un cadre.

B. L’existence de nombreux réseaux :Les actions de coopération décentralisée grandissant, les cadres et les élus territoriauxsont appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans la coopération internationale.A cette fin, les collectivités ont su se doter de réseaux d’appui régionaux (1), ainsique nationaux et internationaux (2) pour accompagner et rationaliser les actions de cesnouveaux professionnels de la coopération internationale.

1- Des dispositifs régionaux de concertation et d’appui à la CDCes dernières années les structures régionales d’appui aux acteurs institutionnels de lacoopération décentralisée se sont multipliées, révélant d’une part l’existence véritable d’unmétier en construction, et d’autre part, la forte volonté de mutualisation et de capitalisationdes expériences des professionnels dans un domaine naissant. En effet, l’apparition de cesstructures marque la volonté des professionnels et des élus de la coopération décentraliséede s’organiser, car l’imbrication de leurs actions est porteuse de complexité. La nécessitéd’un dialoguepermanent, construit et rigoureux a justifié la création d’entités régionalesd’appui et de dialogue, pour consolider une coopération foisonnante, qui a tout à gagner àtrouver des synergies et éviter des dispersions. Les structures sont nombreuses : l’Ile- de-France s’est dotée d’une commission régionale de la coopération décentralisée, composéede représentants des collectivités territoriales, d’ONG, d’entreprises, et d’organismesconsulaires. En Basse-Normandie, c’est une structure de concertation entre collectivitéslocales et ONG, baptisée « horizons solidaires » qui a été créée en 1994, un organismeidentique existant en Bretagne depuis 1996 (CASI). Dans d’autres régions, on était créé desInstituts régionaux de coopération au développement comme en Alsace avec l’IRCOD en1986, et dans le Nord Pas de Calais avec Lianes Coopération en 1997. D’autres centres deressources et organes de coordination visant notamment la mutualisation des participationsfinancières des collectivités territoriales, apparaissent en Franche-Comté (le CERCOOPen 1997), en Aquitaine avec le Réseau Aquitain pour le développement et la solidaritéinternationale (RADSI en 1993), ou encore en Auvergne (CERACOOP en novembre 2001),ainsi que dans la région Centre avec un dispositif pour le conseil en coopération et solidaritéinternationale apparu en juin 2001 (CENTRAIDER). Le GIP RESACOOP est une autreinitiative originale lancée en 1994 en région Rhône-Alpes, en partenariatavec l’Etat et deuxcentres techniques : Centre international d’études pour ledéveloppement local (CIEDEL)et le Réseau des ONG européennesagroalimentaires et de développement (RONGEAD).C’est un véritable outil depromotion de la coopération décentralisée de la région, centred’échanges,recherche de financements, formation...Un autre rôle très important dans ceteffort de rationalisation de la coopération décentralisée est celui de ses réseaux d’appui. Ilssont nombreux et divers, et la présentation ci-après n’est pas exhaustive.

2- Des réseaux nationaux et internationaux de professionnels de lacoopération décentraliséeL’apparition et la multiplication d’associations nationales et internationales attestentégalement de l’émergence du groupe de professionnels que représentent les cadres encharge de la coopération décentralisée au sein des collectivités. Conscientes que cedomaine d’action ne peut comme il l’a déjà été évoqué fonctionner en autarcie, toutes lescollectivités pratiquant la coopération décentralisée, appartiennent aujourd’hui à un réseau

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national ou/ et international, participant ainsi à la reconnaissance d’une professionnalisationémergente. Les collectivités ont donc su se doter d’instruments d’intervention et ont misen place des réseaux d’appui efficaces à leurs techniciens et élus tels « Cités Unies-France »145(CUF), sans oublier l’action des associations d’élus, ainsi que des réseaux plustechniques. Sur le panel de collectivités interrogées : neuf participent ou appartiennentà un « groupe pays » de CUF (groupe d’échange et de réflexion concernant des paysoù sont entrepris des actions de coopération décentralisée Mali, Bénin, Togo). Au-delàd’une structure de conseil, CUF œuvre pour la rationalisation des actions conduites parles techniciens. Ils ont ainsi participé à la mise en œuvre d’une centaine de projets paran. Le dernier en date concerne le " projet concerté Bénin " , qui poursuit un programmed’appui à la décentralisation auprès de plusieurs villes béninoises (Cotonou, Grand-Popo,Houéyogbé), de manière concertée avec des collectivités françaises ayant des projets decoopération décentralisée au Bénin (de Créteil, Montgeron, Rosny-sous-Bois, Echirolles,CA Cergy-Pontoise, le Grand Lyon). CUF joue un rôle particulier notamment vis à vis duministère des Affaires étrangères qui participe financièrement à son fonctionnement et luiconfie un rôle d’animation et de coordination au bénéfice des collectivités locales françaises.Six des quatorze collectivités interrogées appartiennent à l’Association Française duConseil des Communes et Régions d’Europe (AFCCRE)146, qui assiste, conseille, informe,forme, et enfin se positionne comme interface d’échange des collectivités dans leursactivités et démarches européennes. Depuis 2004, Cités et gouvernements locaux Unisporte la reconnaissance de ses acteurs sur la scène internationale comme de véritablesprofessionnels de la coopération. Elle se veutla voix et le défenseur de l’autonomie localedémocratique, défendant ses valeurs, objectifs et intérêts sur la scène internationale , par lacoopération entre gouvernements locaux. Il s’agit des’engager activement dans un travailde lobbying et de défense pour promouvoir le rôle et le statut des gouvernements locauxsur la scène internationale et influencer les décisions de politiques internationales

Ce qui enfin nous retiendra, plus particulièrement, c’est la création en 1994 del’ARRICOD (Association nationale des Directeurs et Responsables des RI et de laCoopération décentralisée des Collectivités Territoriales), reconnue et soutenue par lesassociations d’élus et de collectivités, comme par le Ministère des Affaires Etrangères. Pourreprendre les propos de sa nouvelle Présidente Elisabeth BARINCOU, évoqués lors ducolloque du HCCI les 4 et 5 juillet 2007147 les principaux but de cette association, (du restepartagés par l’ADF- Assemblée des Départements de France) est de « représenter et fairereconnaître la profession » ; plus concrètement l’association doit « mutualiser et construireun discours commun sur la coopération décentralisée et développer des outils propres àla profession ».

145 Créée en 1975, Cités Unies France (CUF) fédère, au niveau national, les collectivités territoriales engagées dans la coopérationinternationale. Elle est issue de la Fédération mondiale des Villes Jumelées (créée en 1957), devenue Fédération Mondiale des CitésUnies dans les années 80. Aujourd'hui Cités Unies France est association nationale partenaire de la Fédération mondiale où ellereprésente les collectivités territoriales françaises adhérentes. Présidée par Charles Josselin, l'association compte aujourd'hui prèsde 500 collectivités territoriales. Cités Unies France a pour mission d'accompagner les collectivités locales dans leurs démarches decoopération décentralisée. A ce titre, la fédération offre à ses adhérents de nombreux services : c’est une source d’information, deconseil, d’appui, de formation et de représentation.146 L'AFCCRE est une association nationale, créée en 1951 sous l'impulsion d'un certain nombre d'élus locaux, au premier rangdesquels figurent Jacques Chaban-Delmas et Gaston Defferre. L'AFCCRE compte aujourd’hui près de 2.000 collectivités. Elle estactuellement présidée par Louis LE PENSEC, ancien Ministre, Sénateur et Vice-président du Conseil général du Finistère.

147 Colloque HCCI et FCI « De l’assistance technique à l’expertise internationale : les nouveaux métiers de la coopération »,4 –5 juillet 2007, Op. Cit.

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Dans ce concert d’acteurs de la coopération internationale ( les Etats, l’existence deplus de 26 000 ONG), il est clair que désormais les collectivités et leurs acteurs vont trouverune place grandissante qui peut devenir stratégique. Tout ce qui a été énoncé y pousse :la réforme de l’action publique et le redéploiement des relations internationales à un niveauinfra-étatique, la refondation des territoires autour de réseaux, la constitution de nouvellescompétences, l'échange de savoirs- faire. « La coopération décentralisée française sembleparticulièrement représentative d’un modèle émergent de coopération, et peut être appeléeà jouer un rôle majeur en matière d’aide au développement » 148 , mais plusieurs conditionsprésident à cette insertion réelle des pouvoirs locaux dans les relations internationales.Le processus de professionnalisation des acteurs de la coopération décentralisée nes’achèvera que sous réserve de poursuivre son approfondissement, et qu’en ayant vaincuune série d’obstacles internes et externes (des freins persistent au sein de l’Etat et desinstitutions internationales) aux collectivités.

148 NOISETTE Patrice, RACHMUHL Virginie, Op. Cit., p. 1.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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PARTE II : Les perspectives d’évolutionde la professionnalisation de lacoopération décentralisée

La coopération pour le développement a longtemps privilégié, les relations inter-étatiques,l’approche territoriale du développement est donc relativement nouvelle, mais tend àdevenir primordiale, s’appuyant sur une tendance universelle à la décentralisation desresponsabilités politiques, au Sud comme au Nord. Néanmoins, la considération desacteurs de la coopération décentralisée comme de réels professionnels de la coopérationinternationale reste conditionnée par de nombreux freins qu’il leur faut combattre (ChapitreI). Des freins externes d’abord, résultant du cadre administratif et institutionnel de l’Etat qui reste inadapté à leurs actions, mais également des programmes européens etinternationaux qui n’intègrent pas encore naturellement ces acteurs au côté des autresfigures de la coopération internationale. Dans ce contexte, ces acteurs doivent affronterdes freins intrinsèques aux collectivités, qui empêchent l’émergence d’une professionuniforme. Non seulement les initiatives de coopération décentralisée se multiplient et nese ressemblent pas, mais le service même de la coopération décentralisée bénéficied’un ancrage variable au sein des collectivités. La diversité des situations empêche àl’heure qu’il est de parler de l’existence d’une profession (l’existence d’un objet, d’uneexpertise, d’une déontologie et d’un système de reconnaissance commun). Par contre,nous sommes bien face à des professionnels qui cherchent à professionnaliser leur métier,autours de pratiques communes. L’impératif demeure donc dans la professionnalisation (laprofessionnalisation pourrait se résumer ainsi, des méthodes appropriées et incarnées pardes professionnels) de leur métier pour l’inscrire durablement dans le champs des nouvellesrelations internationales. La nouvelle dimension de ce métier implique que ses acteurs sesaisissent de deux concepts : la mutualisation des actions ( entre les collectivités, maiségalement entre les collectivités et l’Etat), et œuvrer à une existence légitime de leur métierau sein de la collectivité humaine et administrative(Chapitre II).

Chapitre I : Les freins à la professionnalisation de lacoopération décentralisée

Le propre d’un frein c’est bien de ralentir une évolution, de l’arrêter parfois. Néanmoins, ceterme, contrairement à celui de blocage, n’implique pas une impossibilité de développement.S’agissant du processus de professionnalisation des élus et des cadres territoriaux encharge de la coopération décentralisée, deux freins risquent à l’avenir d’entraver leursactions, retardant ainsi le mouvement de professionnalisation dans lequel ils s’inscrivent.Tout d’abord, des freins dits externes, provenant du cadre institutionnel national , ainsi quedes politiques européennes et internationales qui ne paraissent pas encore (malgré desévolutions) avoir pris la mesure de l’importance de ces nouveaux acteurs dans leur politique

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de coopération internationale (Section 1). Mais c’est davantage l’implantation variable etla diversité de pratiques de la coopération décentralisée au sein des collectivités, quiconstituent aujourd’hui l’obstacle majeur nous empêchant de parler d’une profession établie(Section 2).

Section 1 : Les Freins externes : les relations internationales descollectivités territoriales, un domaine sous contraintes

Les élus et les cadres en charge de la coopération décentralisée sont dans le cadre de leursmissions sous contraintes. Une contrainte provenant du cadre institutionnel et réglementairede l’Etat inadapté à leurs actions (I), par ailleurs leur lente intégration dans les politiqueseuropéennes et internationales conduit à penser qu’ils ne sont pas encore perçus commedes professionnels de la coopération internationale à part entière (II).

I. Un cadre institutionnel et réglementaire inadapté à la multiplication desactions conduites par les collectivités territorialesLes spécificités que recouvrent l’action des élus et des cadres de la coopérationdécentralisée ne sont prises en compte ni par les règles de fonctionnement administratif(A), ni par l’encadrement institutionnel foisonnant et lointain qui entoure les acteurs de lacoopération décentralisée (2).

A. Les rigidités administratives, un frein à la professionnalisationLe fait que l’organisation administrative ne prenne pas en compte, au sein des collectivités,les particularités des acteurs de la coopération décentralisée, ni dans ses procédures (1) ,ni dans ses règles statutaires (2) entrave l’émergence d’un groupe professionnel.

1- La culture et les procédures de l’administration publique inadaptées auxpratiques des professionnels

a. Un cadre réglementaire inadapté :Les actions de coopération conduites par les élus et les cadres se heurtent à des procéduresadministratives complexes à chaque étape du projet. La particularité de leur action et deleur métier a jusqu’à présent peu été prise en compte par les règles de la collectivité.D’ailleurs ces lourdeurs administratives effraient nombres d’élus et de cadres, qui de cefait refusent de faire évoluer leurs actions de jumelage existantes vers de la coopérationdécentralisée, retardant une évolution possible de la professionnalisation de ce secteur.Le Directeur Général des Services de la ville de Maurepas, au sujet d’un projet decoopération décentralisée qu’elle conduit avec ses services depuis les années 90 sur laVille de Mopti au Mali, évoque la complexité technique du montage de tel projet : desprocédures administratives lourdes et un circuit d’obtention de financement complexe. «Ces procédures sont longues et compliquées, elles exigent d’être suivies à la ligne, cestypes de circuit sont extrêmement déroutant pour une collectivité ». De plus, malgré unejurisprudence contraire149, le contrôle de légalité demeure délicat pour les acteurs de cesecteur. Certains Préfet vérifient encore s’il existe un intérêt local aux actions engagées ;élément qui reste plus difficile à démontrer dans ce domaine, que dans d’autres (utilité de laconstruction d’une route par exemple).Un responsable des RI signale d’ailleurs: «Ca c’est

149 CAA de Douai « Région Picardie » 13 mai 2004 http://carrefourlocal.senat.fr/textes_reference/document6/caadouai.pdf

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un véritable problème pour l’ensemble des collectivités ». A cela s’ajoute, leur évolutiondans un cadre juridique instable. Le choix du tribunal compétent en cas de litige resteflou. On est sur un domaine où les droits international, national et local des deux payspartenaires s’entrecoupent, situation qui reste une source probable de conflits. C’est pourcette raison qu’il convient de prendre particulièrement au sérieux le travail de simplificationet de sécurisation de leurs actions. Signes d’autant plus important qu’ils marquent une prisede considération de leur métier et par conséquent de leur professionnalisation.

b. La contrainte des MPDe même, les contraintes de la gestion publique classique ne sont pas adaptées auxméthodes de travail des professionnels de la coopération décentralisée. Le fait que leurspécificité ne soit pas prise en compte illustre le positionnement qu’adoptent l’Etat et lescollectivités à l’égard de ce métier. La mise en œuvre de ces projets donne lieu à la passationde contrat, des MP le plus souvent complexes et exigeants en termes d’anticipation desrisques. « La formation et l’exécution de ces contrats concentrent des enjeux juridiquesnouveaux, que les textes relatifs à la coopération ne permettent guère de résoudre :compétence en matière de règlement des litiges, droit applicable, respect des engagementsinternationaux de l’Etat, prise en compte de la spécificité de certains territoires »150.

2- Coopération décentralisée et FP : des logiques antagonistes ?Cette profession se cherche, les débats provoqués lors du colloque (précédemment cité)organisé par le HCCI le 4 et 5 juillet dernier, sur la création d’un cadre statutaire spécifique àces acteurs l’illustre. A cette occasion, Pierre SCHREIBER, Conseiller sectoriel collectivitésterritoriales à France Coopération Internationale (FCI) s’interrogeait «Faut-il construire unstatut de la coopération décentralisée, c’est-à-dire des experts territoriaux spécialisésdans ce domaine ? ». La réponse a longtemps été négative. Puis les lois de 1992, de2005 et 2007 ont fait évoluer la situation et reposent aujourd’hui cette question. PourPierre SCHREIBER, la tâche reste grande, car si des outils existent pour encadrer lamobilité des fonctionnaires d’Etat à l’international151, les textes restent vides concernantles fonctionnaires territoriaux. Ce constat posait clairement la question de la création d’uncadre statutaire spécifique encadrant les actions des fonctionnaires territoriaux en chargede la coopération décentralisée. Lors de cette rencontre, M-F KERROCH, ex Présidentede l’ARRICOD et Responsable des RI de la Ville de Rennes, confirmait la difficulté et lanécessité de définir clairement ce métier. Néanmoins, elle exprimait des réticences faceà la création d’un statut spécifique. « Qu’il y ait une difficulté de définitions des métiers àl’international et qu’il faille les définir oui, c’est clair ! Mais par contre, comme il n’y a pasde statut d’urbaniste, il n’y aura pas de statut des RI. Et d’ailleurs, le statut peut enfermerla profession ». De plus, si la valorisation et la justification des expériences à l’étrangercommencent à être acquises au sein de la Fonction Publique d’Etat, elles restent difficiles ausein des collectivités. Clairement, les directeurs des services ne comprennent généralementpas l’intérêt de se priver des compétences d’un agent, même sur des périodes ponctuelles,comme il leur est difficile de percevoir « le retour sur investissement » de telles expériencespour le fonctionnement de leur service.

150 BRACONNIER Stéphane Colloque l’action extérieure des collectivités territoriale – Lille 07/12/2006, Revue Lamy Collectivitésterritoriales, janvier 2007, p.51.151 Décret n° 2004-708 du 16 juillet 2004 relatif à la mobilité et au détachement des fonctionnaires des corps recrutés par la voiede l'Ecole nationale d'administration

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Si les cadres statutaires et réglementaires actuels entravent par certains côtés laprofessionnalisation de ces acteurs, les institutions et réseaux, chargés de les accompagnerdans le bon déroulement de ce processus rencontrent des difficultés d’ordre interne qui lesempêchent de remplir cette fonction.

B. Un cadre institutionnel lointain et foisonnant :Un ensemble d’organismes ont été créés pour faciliter et accompagner laprofessionnalisation des acteurs de la coopération décentralisée au sein des collectivités.Or aussi bien au niveau de l’Etat (1), qu’au niveau des réseaux nationaux et régionaux (2)leur action est fragilisée par leur foisonnement et des dysfonctionnements internes.

1- Des structures étatiques déconnectées du vécu des professionnels de lacoopération décentralisée

a. Un millefeuille institutionnelLes structures mises en place au niveau étatique, pour favoriser la professionnalisation dela coopération décentralisée sont nombreuses. Or, face à ce foisonnement institutionnelles acteurs des collectivités semblent se perdre. Pour reprendre les structures que nousavons déjà évoqué : le Ministère des Affaires Etrangères, la Délégation pour l’ActionExtérieure des Collectivités Locales (DAECL), la Commission Nationale de la CoopérationDécentralisée (CNCD, France Coopération Internationale (FCI), instrument de la DGCID(Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement). Cet inventaireà la Prévert pose la question de l’utilité de ces structures qui, aux yeux des collectivités,ne semblent pas toujours répondre à leur mission initiale d’information, de conseil, etd’appui des acteurs de la coopération décentralisée. « Au mille-feuilles de la décentralisationfrançaise correspond le labyrinthe de la coopération décentralisée. Tous les intervenantsont déploré le manque d’information et de coordination, ce qui se traduit, selon l’expressionde François Fortassin par « des pertes en ligne et des télescopages »152. De plus, certainsde ces organismes sont en prise avec des restructurations internes qui clairement lesempêchent aujourd’hui de jouer le rôle qui leur a été confié. Il est notamment questiond’intégrer le France Coopération Internationale et le Haut Conseil pour la CoopérationInternationale au sein de l’Agence Française de Développement. Par ailleurs, et celan’impacte que davantage les acteurs institutionnels de la coopération décentralisée, laCNCD, instance de coordination dont tous s’accordent à reconnaître l’utilité, fonctionne mal.Pénalisée par sa composition trop lourde et par l’intérêt fluctuant que le Premier Ministre,qui en assure la présidence, lui prête, la CNCD n’a tenu que six réunions en dix ans.Pourtant le DAECL a raison de la décrire comme « la structure frontière de la coordinationentre l’Etat et les CT dans le domaine de l’action internationale. (D’où la nécessité de la)la revitaliser »153. Déjà en 1998, le rapport P. Hamon insistait sur le fait que l’informationrestait insuffisante « tant verticalement (Union européenne, Etat, collectivités locales, ONG,associations...) qu’horizontalement (Ministères, Services d’un même Ministère, Servicescentraux et Missions ou Ambassades à l’étranger, collectivités, parfois d’un même territoire,collectivités et acteurs de terrain...) »154.

152 FAURE, Jean, Sénateur de l’Isère, questeur du Sénat, Président délégué de la délégation du Bureau du Sénat à la CD, Colloque,La coopération décentralisée :mode d’emploi, 22 octobre 2003, p.66.153 GOUNIN, Yves, Op. Cit.,pp.1713-1717.154 AVIS adopté par le Conseil économique et social au cours de sa séance du 28 février, Op. Cit., pp.113-114.

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b. Des relations distenduesSur les quatorze collectivités interrogées seuls cinq ont été en contact avec l’un de cesorganismes. En l’occurrence, les collectivités en question sont les plus avancées dans laconduite d’actions de coopération décentralisée, comparées au reste du panel. Ceci peutd’ailleurs sembler paradoxal. On aurait pu penser que ces structures soient justement làpour faire de l’appui et du conseil auprès d’élus et de cadres souhaitant faire progresser(s’ils exercent de simples jumelages) ou lancer leur collectivité dans ce domaine. Danscet accompagnement, ces organismes joueraient précisément un rôle dans le processusde professionnalisation en initiant ces élus et cadres à de nouvelles pratiques, règles etprincipes d’action. Or, leurs interventions en ce sens restent à parfaire. Un responsable desrelations internationales dans une communauté d’agglomération confirme cette impression:« Le contact avec ces instances dépend de l’importance du projet défendu ». Ainsi,une chargé de mission en coopération décentralisée se plaint du «manque d’information.Ca prend beaucoup de temps (de monter ce type d’action), il faut s’en imprégner, c’estun métier, véritablement, on ne peut pas se lancer comme ça sans avoir un cadre ».Néanmoins, la multitude de coopérations conduites par les collectivités rend difficile la prisede contact pour ces instances. C’est d’ailleurs, la position qu’adopte un autre responsabledes relations internationales, issu d’une ville moyenne, active dans le domaine: « je neconçois pas la coopération décentralisée comme un électron libre, il faut faire la démarchede s’informer et de s’associer. C’est sûr que les institutions nationales ne viennent pasnous chercher ». Ces relations distendues sont aussi reprochées aux ambassades qui sontcensées informer et conseiller les acteurs des collectivités des réalités de terrain. JeanFAURE, Sénateur de l’Isère, questeur du Sénat, Président délégué de la délégation duBureau du Sénat à la coopération décentralisée constatait « que beaucoup d’intervenantsont déploré la faible implication des services de nos ambassades au plan local. Or, […] nosambassades ont un rôle irremplaçable d’information et d’intermédiaire avec les autoritéslocales »155. Au delà de ce constat, des cas particuliers évoquent même le mépris aveclequel ils sont parfois traités par ces représentants de l’Etat à l’étranger.

La pertinence des actions des organismes d’Etat dans la professionnalisation descadres et des élus en charge de la coopération décentralisée n’est pas la seule à êtrecontroversée, celle des réseaux nationaux et régionaux est également remise en cause.

2- La pertinence des réseaux nationaux et locaux controversée

a. Un risque de dénaturation du sens de leur action:Dans beaucoup de régions ont été créées des structures d’appui et de dialogue (commenous l’avons évoqué précédemment) pour consolider une coopération foisonnante. L’objetpremier de ces organismes étant de contribuer à créer des synergies entre les acteursde la coopération décentralisée, notamment au sein des collectivités, et par conséquentà être un lieu de professionnalisation pour ces derniers. Néanmoins, le sens et l’utilitépremière de ces organismes paraissent amoindris aux yeux de certains techniciens encharge de la coopération décentralisée. Concernant, les réunions thématiques organiséespar Cités Unies France, un cadre exprime des réticences quant à l’apport des réunionsqu’ils organisent, ainsi, il précise : « Il y a eu 2 heures de réunion- débat, j’avais trouvé celacomplètement déconnecté de la réalité de terrain ». D’autres cadres n’ont pas le sentimentqu’on réponde véritablement à leurs attentes techniques, lorsque les réunions se font éluset cadres confondus. Les exigences et les fonctions ne sont pas les mêmes, par conséquent

155 FAURE, Jean, Op. Cit., p.66.

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les besoins notamment en termes de qualification sont différentes. Une responsable des RIdans une ville moyenne active dans le domaine de la coopération décentralisée s’exprimaitau sujet d’un réseau régional d’appui : "Je pense que c’est le type de réseaux qui segargarise du travail des collectivités, mais concrètement ils n’apportent pas grand-chose.De plus, c’est toujours les mêmes personnes qui se rencontrent ». Ces critiques dépassées,ces réseaux rencontrent un problème au niveau de leurs moyens humains et financiers quiles freinent dans leur mission d’accompagnement du processus de professionnalisation desacteurs de la coopération décentralisée.

b. Un manque de moyens:Ces associations ont un rôle central à jouer d’où l’importance de leur donner les moyensde leur action. Martin FINKEN156, à l’occasion du colloque organisé par le HCCI précité,ne s’y trompait pas en évoquant l’importance de l’association des CT, « car l’inconvénientdes collectivités c’est qu’il y en a des centaines, du coup les associations ont la qualité depouvoir structurer les collectivités autour d’une voix, d’un seul interlocuteur. L’importancede ces associations va au delà de la discussion politique, elles vont devenir de véritablescentres de service, et apporter une assistance technique aux collectivités ». Si la majoritéde ces réseaux régionaux et nationaux vivent à l’aide de cotisations, ces dernières restentinsuffisantes pour certaines structures, tel l’ARRICOD (association nationale des Directeurset Responsables des Relations Internationales et de la Coopération Décentralisée desCollectivités territoriales). Cette structure qui représente et travaille à la professionnalisationet à la reconnaissance des acteurs des collectivités, au même titre que les acteurs étatiquesou internationaux sur la scène de la coopération internationale, bénéficie de moyens réduits:le réseau vit grâce à l’activité de bénévoles, exerçant par ailleurs des fonctions au seindes services de RI des collectivités, ainsi que sur de maigres cotisations. On comprendalors que le processus de professionnalisation des élus et des cadres en charge de lacoopération décentralisée soit ralenti, lorsque l’organisme qui le porte dispose de moyensaussi limités. Son action est pourtant essentielle dans cette évolution, car c’est notammentlors de son intervention dans des colloques ou des conférences qu’il peut légitimer cetteprofessionnalisation aux yeux des institutions nationales et internationales.

Il convient de rappeler que le succès de l’intégration de ces acteurs, commeprofessionnels de la coopération internationale, dépend précisément de la liberté offerte auxcollectivités territoriales de s’impliquer là où elles le veulent et suivant les modalités qui leurparaissent le plus appropriées. « Rien ne serait plus dommageable que l’imposition d’uncadre rigide et contraignant, étouffant toute initiative »157 aussi bien au niveau de l’Etat, quedes institutions internationales.

II. La lente intégration des professionnels de la coopération décentraliséedans les politiques européennes et internationales de coopérationL’intégration des cadres et des élus locaux comme acteurs de la coopération internationaleau sein des institutions et des programmes qu’ils soient européens (A) ou internationaux(B) ne s’effectue pas encore de manière naturelle. De fait, ces acteurs ne sont pas encore

156 Conseiller régional, chargé du programme CITACTIONS, Partenariat pour le Développement municipal (PDM), basé à Cotonou(Bénin)

157 RAPPORT Assemblée Nationales, HUNAULT Michel, auprès de LENOIR Noëlle, La coopération décentralisée et leprocessus d’élargissement de l’UE, octobre 2003, p.39.

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perçus comme des professionnels au même titre que le sont aujourd’hui les ONG. Leprocessus de professionnalisation reste à achever.

A. La coopération décentralisée négligée dans la politique dedéveloppement de l’UELe sentiment que les collectivités sont négligées dans la politique de développementconduite par l’UE résulte de la place fluctuante qui leur est fait au sein de ces programmes(1), ainsi que des procédures, qui par leur complexité restent inadaptées à ces interlocuteurs(2)

1- La place étroite faite aux CT dans les politiques de développement de l’UELes différences de perspectives entre les collectivités et l’UE jouent un rôle non négligeabledans l’explication de la place accordée aux collectivités et à leurs acteurs dans lesprogrammes de développement de l’UE. Comme nous l’avons constaté précédemmentl’approche de l’Union européenne en matière de coopération décentralisée est sensiblementdifférente de la définition française. Par " Coopération décentralisée " l’Union européenneentend « tout programme conçu et mis en œuvre dans le pays du Sud ou de l’Est par unacteur de la société civile : ONG, pouvoirs publics locaux, coopérative agricole, groupementféminin, syndicat, de façon plus générale toute forme organisée de la Société civile ». A ladifférence de la définition française, un programme de coopération décentralisée au senseuropéen n’implique pas forcément la participation d’un partenaire européen et a fortiori,d’une collectivité locale. Elles ne sont pas considérées comme des actrices spécifiques dudéveloppement, mais sont intégrées au côté des ONG et autres ASI, ce qui ne permet pasune prise d’autonomie des professionnels de la coopération décentralisée. Par conséquent,l’UE ne fait pas toujours apparaître les lignes budgétaires qui concernent la coopérationdécentralisée. En conséquence, des fonds budgétaires auxquels les collectivités ont droitrestent souvent inemployés ! Pierre SCHAPIRA, Député européen, a amorcé à travers sonrapport158 une reconnaissance de la particularité de ces acteurs qui doit être intégrée dansla politique de développement de l’UE. « Pour moi l'enjeu principal de ce débat est quenotre politique de coopération prenne en compte la dimension territoriale du développement». Le premier défi demeurant le positionnement des autorités locales comme partenairepolitique à part entière de l'Union européenne, aux côtés des gouvernements centraux etdes organisations de la société civile.

Dans un projet d’avis du Comité des régions159 sur la Coopération décentraliséedans la réforme de la politique du développement de l'UE le Rapporteur Madame JulietteSOULABAILLE ( Maire de Corps-Nuds, Délégation socialiste française), exprimait au nomdu Comité de Région, le regret que la politique européenne de développement, danssa volonté de favoriser l'appropriation de ses programmes de développement par desacteurs non étatiques (Communication de la Commission de 2002 ), ait essentiellementpris en compte les organisations de la société civile sans considérer l'apport descollectivités territoriales. De plus, concernant la place qui était donnée aux CT, le Comitéde Région regrettait que l'apport des collectivités territoriales européennes à la politique de

158 La Commission du développement a voté à l'unanimité en faveur du rapport de Monsieur Schapira sur "le rôle des collectivitéslocales dans le développement". Le Parlement européen a voté ce rapport en session plénière le jeudi 15 mars 2007 à Strasbourg.

159 PROJET d’AVIS du Comité des Régions, La coopération décentralisée dans la réforme de la politique de développementde l’UE, 19 septembre 2005, p.3

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développement européenne, comme à d'autres politiques d'aide extérieure, soit aujourd'huiencore largement méconnu.

2- Les procédures européennes complexes, obstacles à une bonneassociation des CT et de l’UE :

a. Des obstacles administratifsLes travaux menés sur la coopération décentralisée à partir de 2003 dans le cadre duHCCI160 montrent que les collectivités françaises ne sont pas aussi présentes qu’ellespourraient l’être dans les programmes européens de coopération internationale. Lesobstacles rencontrés sont de nature diverses, mais les plus fréquemment cités sont d’ordreadministratifs. La lourdeur des dossiers européens est décourageante pour les acteurs descollectivités. « Ces procédures sont longues et compliquées, elles exigent d’être suivies àla ligne, ces types de circuit sont extrêmement déroutant pour une collectivité », selon leDirecteur Général de la Ville de Maurepas. Les techniciens et les élus hésitent à investirdu temps et parfois de l’argent sur des dossiers dont le résultat final est incertain. « Dansla mesure où je suis seule, que la commune est petite et qu’on est sur des domaines decompétence lourd, comme la voirie, on préfère fonctionner sur des financements propres.En fait, ça ne vaut le coup d’aller chercher des financements que lorsque le projet estsupérieur à 50 000€ sur deux ou trois ans », nous signale un chargé de mission. Ce pointde vue est partagé par Nathalie PRUVOST Responsable des RI de Villeneuve- D’Ascqqui précise qu’il lui est difficile de mobiliser des fonds européens. En termes de temps,c’est ingérable, sachant qu’elle a la responsabilité de l’ensemble des programmes.« Avecles moyens que j’ai, je ne peux pas ». D’ailleurs, pour la convention tripartite conclueentre Villeneuve d’Ascq, Racibórz, et la Ruhr, c’est cette dernière qui se chargera de lademande de cofinancements européens, car « chercher des fonds européens est un métierà part entière ». Cette situation semble partagée y compris dans les collectivités de tailleimportante, puisque un chargé de mission en coopération décentralisée au sein d’unecommunauté d’agglomération évoque : « Nous mêmes on se trompe sur les dossiers, on estdeux, alors que certains sont dix sur ce type de projet[…]Il y a certes beaucoup d’agencesqui se développent mais ça reste très cher ». De plus, la recherche de partenaires d’autrespays européens est souvent imposée pour mener une action dans un pays tiers. L’obstaclede la langue joue également un handicap : utilisation de l’anglais, non seulement dans lesdocuments de présentation mais encore dans le dossier devant être rempli. A cela s’ajouteaussi la nécessité de se familiariser avec le vocabulaire communautaire. On pourrait ajouteraussi la minceur des crédits sur la ligne « coopération décentralisée », c’est ce qui ressortde la présentation des différentes lignes budgétaires sectorielles dans la première partie dece document. C’est ce qui explique par exemple le fait qu’en 2003, seules 13 opérations ontpu être sélectionnées, alors que 492 propositions valables avaient été reçues.

b. La place fluctuante faites aux acteurs de la coopération décentraliséedans les programmes de développement de l’UELe Comité de région remarquait, dans le projet d’avis précité, que la place donnée aux CTau sein des programmes européens était fluctuante, révélant la méconnaissance de cesacteurs. Certains programmes, comme URB-AL ou Asia-Urbs (désormais intégré dans AsiaPro Eco II) leur font une place spécifique. Dans le même sens, dans la Communication

160 EUROPE ET COOPERATION DECENTRALISEE- VADEMECUM HCCI pour les collectivités territoriales françaises souhaitantparticiper aux programmes de coopération internationale de l’Union Européenne, juin 2005, p.27.

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de la Commission de 2002 sur la Participation des acteurs non-étatiques à la politiquecommunautaire de développement, tout comme dans l'Accord deCotonou signé en juin2000, les « autorités » locales sont mentionnées parmi les acteursétatiques, distincte desANE (acteurs non-étatiques), par contre, le règlement concernant la ligne "coopérationdécentralisée", les mêmes« autorités locales (municipalités comprises) »figurent parmi unelongue énumérationd'acteurs émanant de la société civile.Pour leurs actions à l’étrangeret notamment avec les pays en voie d’adhésion à l’Union européenne, les collectivitéspeuvent également rechercher des financements européens, accordés dans le cadre deprogrammes tels que : PHARE, ISPA, SAPARD, SOCRATES, LEONARD DE VINCI...Toutefois, comme l’a souligné la commission de la coopérationdécentralisée du Haut conseilde la coopération internationale en janvier 2004,ces crédits restent limités.

La perception des cadres et des élus territoriaux en charge de la coopérationdécentralisée au sein des CT, comme des professionnels de la coopération internationalereste également à conquérir au sein des institutions internationales, où la place qui leur estfaite reste réduite.

B. Des institutions et des programmes internationaux difficilementaccessibles pour les professionnels de la coopération décentraliséeOubliés par les institutions et programmes onusiens, les acteurs de la coopérationdécentralisée? Plusieurs points de blocage ont été mis en avant par les collectivitésinterrogées. De la même manière que l’Union Européenne, qui ne distingue pas au sein dela coopération internationale les collectivités territoriales des autres acteurs de la sociétécivile, les institutions internationales (comme la Banque mondiale) ne leur reconnaissent pascette particularité, dont ils ont pourtant besoin pour se déterminer et s’affirmer en tant queprofessionnels à part entière. Au-delà, d’un vocabulaire différent, c’est une méconnaissancemutuelle qui apparaît dans les constats de tout observateur. Les bailleurs internationauxne connaissent pas forcément les actions des collectivités françaises, ni le fonctionnementde celles-ci ou les obligations auxquelles elles sont soumises. De même la plupart descollectivités connaissent mal le fonctionnement des bailleurs qui, de par les budgetsqu’ils mobilisent, apparaissent aux collectivités comme des partenaires inaccessibles, quitravaillent sur des projets d’une ampleur considérable non comparables à ceux qu’ellespeuvent mettre en place. Les collectivités rencontrent les mêmes difficultés que pour desprogrammes européens. Mobiliser ses techniciens sur des programmes internationauxcoûte cher à la collectivité au vu du temps qu’ils doivent consacrer à ce type de projet.En effet, un partenariat avec un bailleur international peut mobiliser presque une personneà temps complet face à des procédures assez lourdes, ce que beaucoup de collectivitésne peuvent se permettre. Le 24 janvier dernier, le Haut Conseil de CoopérationInternationale (HCCI), en collaboration avec le Programme des Nations Unies pourle Développement (PNUD) et la Délégation du Bureau du Sénat à la coopérationdécentralisée, organisait un séminaire sur le thème « des partenariats entre lescollectivités territoriales et les Nations Unies »161. A l’occasion de cette rencontre, leHCCI a pu constater que les relations des collectivités territoriales françaises avec lesorganismes multilatéraux sont encore trop rares , même si certaines ont ouvert la voie,par exemple avec l’UNESCO ou la FAO.

Les collectivités territoriales françaises ne paraissent pas disposer aujourd’hui detous les outils leur permettant de faire face au changement d’échelle de la coopération

161 GAUDIN, Jean-Claude et FAURE, Jean, Op. Cit., p.36.

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internationale. De plus en plus, les projets locaux de développement sont élaborés etfinancés par des organismes internationaux qui recrutent leurs partenaires par voie d’appelsd’offre. Or, les acteurs de la coopération décentralisée, en dépit de leurs compétencestechniques, ne sont pas toujours armés pour répondre à ces appels d’offre. Le manquede moyen empêche les collectivités de se déployer et aux professionnels de manier denouveaux outils et ainsi faire évoluer leur fonction.

L’intégration des acteurs de la coopération décentralisée au sein des institutionseuropéennes et internationales restent à parfaire. Du chemin doit encore être parcourupour qu’ils soient reconnus comme des professionnels crédibles sur la scène internationale.Une adaptation du cadre institutionnel national, tant au sein des réseaux, que desorganismes gouvernementaux , est par ailleurs nécessaire pour véritablement prendre encompte les spécificités de fonctionnement de ces acteurs, de manière à participer à leurprofessionnalisation. Néanmoins, les freins à cette professionnalisation ne proviennent pasessentiellement de contraintes extérieures, mais également d’ obstacles intrinsèques auxCT, produits par la diversité des politiques de coopération décentralisée.

Section 2 : Les freins intrinsèques: Les politiques de coopérationdécentralisée à l’origine d’une professionnalisation diffuse

Le développement massif de différentes formes de partenariat et de coopération dans lescollectivités révèle la diversité des situations existantes. Il est dés lors difficile de parlerd’un processus de professionnalisation global et homogène des élus et des cadres de lacoopération décentralisée alors que le caractère facultatif des relations internationales sefait encore sentir dans certaines collectivités (I). De plus, le patchwork de coopérations,produit par la diversité des choix politiques, risque d’engendrer une professionnalisationdiffuse (II).

I. Le caractère facultatif persistant des RI au sein des CTRégulièrement cible de la rigueur budgétaire (B), le sentiment du caractère facultatif desservices de coopération décentralisée, se lit également à travers l’ancrage variable de cesdirections dans l’organigramme d’une collectivité à une autre (A).

A. L’ancrage variable de l’action internationale au sein de la Collectivité :L’ancrage de l’action internationale au sein de la collectivité demeure variable car,l’intégration de ce service fluctue encore en fonction du poids politique qui lui est accordé(1). De plus, se positionner au sein de l’organigramme est d’autant plus difficile pour cesprofessionnels, car ils sont constitués de profils éclectiques et peinent à trouver une identitécommune pour défendre leur place au sein des collectivités (2).

1- La difficulté de positionnement dans l’organigramme

a. Une implantation variable selon les collectivités…Suite à l’établissement d’une base de données, fondée sur les collectivités membres del’association FORUM pour la gestion des villes et des collectivités territoriales (environ 250),sur un panel de 157 responsables du jumelage ou de la coopération décentralisée, plusde 80 collectivités n’ont pas de service de coopération décentralisée proprement dit. Deplus, sur les 77 restantes, plusieurs situations sont possibles : la responsabilité de ces

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partenariats peut être transférée à un comité de jumelage ou il arrive également que seulun élu soit en charge de la question, sans référent administratif réellement responsableet impliqué sur ces questions. De plus, cet élu est généralement mobilisé par d’autresdélégations (le sport, la culture, l’emploi ou le développement économique), et donc d’autrespriorités. Pour comprendre les mécanismes en œuvre dans la production de la coopérationdécentralisée, et la position dans laquelle se trouvent ses acteurs, il faut retenir le caractèrenon obligatoire de ces relations. Ce sont des relations qui sans volonté politique necontinuent pas à vivre, contrairement à d’autres services à caractère obligatoire, commel’éducation. De fait, la situation de ce service est très variable d’une collectivité à une autre.

b. …encore soumise aux aléas de la vie politiqueLe fait que ce domaine soit encore soumis aux aléas de la vie politique, empêche cetteprofession de s’établir comme une autre le ferait classiquement. Une responsable desrelations internationale estime que: « La coopération décentralisée, c’est un combat de tousles jours, notamment en terme de définition sur le cahier des charges. […] Il y a beaucoupde travail à faire pour que leur regard change, pour beaucoup nos actions ne sont pasimportantes, ils ont besoin de justifications. Il y a un gros problème de valorisation et decommunication ». Il arrive même encore que ce service disparaisse lors du renouvellementde mandat, voir même en cours de mandat comme cela a déjà eu lieu au sein de certainescollectivités. Cette crainte est d’ailleurs bien présente chez des techniciens, comme l’illustreles propos de l’un d’entre eux : « S’il y a un nouveau maire, le service risque d’être dissout,chose qui ne peut pas être envisagée par exemple pour l’état civil !! On est toujours obligéde se battre». Même dans des collectivités où le service de coopération décentralisée estpolitiquement bien ancré dans les pratiques de la collectivité, cette inquiétude demeure : «On est lié au politique, donc la moindre brise qui passe sur le Conseil Municipal, ça nousaffecte ».

L’ancrage des acteurs de la coopération décentralisée au sein de la collectivité restevariable, selon la place qui leur est accordée dans l’organigramme, ainsi que la légitimitédont ils bénéficient. Légitimité qui est mise à mal, par la diversité des parcours initiaux destechniciens ainsi que les missions qui leur sont confiées.

2- La conquête de la légitimité des professionnels de la coopérationdécentralisée, un combat de tous les jours

a. Les gestionnaires de la coopération décentralisée, des profils difficilementdéfinissables :A l’origine, les techniciens en charge de la coopération décentralisée ont des profils initiauxtrès différents : entre grandes écoles (Institut d’Etudes Politiques, Ecole de commerce, …),parcours universitaire en droit, en langue ou en lettre, Ingénieur. C’est l’éclectisme desprofils qui reste la règle. C’est cette même diversité au sein des missions exercées pour lemême poste, qui rend les cadres en charge de la coopération décentralisée, difficilementsaisissable. Sur 1000 à 1500 agents responsables en relations internationales, on compteradans ce chiffre, les responsables de programmes européens et les animateurs de jumelages« ce qui représente un peu tout et n’importe quoi »162.« Au-delà de ces différents horizons,pour une même dénomination de « chargé de relations internationales les fonctions, libertés

162 Association de professionnels-Développement urbain et coopération- Yannick LECHEVALLIER Journée d’étude du 9 septembre2005- Coopération décentralisée et professionnels du développement urbain, p.50

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accordées ou objectifs fixés seront très différents et nécessiteront le développement ou nonde certaines compétences ». Une chargée de mission en coopération décentralisée indiquequ’à l’origine, elle «devait faire évoluer (son) poste et (ses) actions vers de la coopérationdécentralisée », cette trajectoire a été abandonnée lors du changement de mandat, auprofit des jumelages. Quatre catégories ont été proposées par Yannick LECHEVALLIER(Directeur de l’Agence COOPDEC Conseil) lors de la rencontre de l’Association desprofessionnels en développement urbain: les « missionnaires » prioritairement là pourfaire passer l’intérêt de la coopération internationale dans la collectivité, le « placard »,créés davantage pour l’image politique que pour leur contenu réel, souvent sans marge demanœuvre réelle ; les «polyglottes », ce sont des acteurs principalement recrutés pour leurscapacités linguistiques. « Cela cristallise l’opposition jeunes /anciens. Les premiers vontêtre envoyés sur le terrain car ils sont en mesure de dialoguer, mais ils ne disposent pasdes mêmes connaissances techniques de l’action de coopération que les seconds ». Enfin,les « gestionnaires », ces nouveaux postes, relève d’un travail administratif assez lourd ; ilscorrespondent à une réelle professionnalisation du milieu de la coopération décentralisée.« On se retrouve alors aujourd’hui, pour une même catégorie de poste dans une situationrelativement éclatée, avec des agents disposant partiellement de la boîte à outils de lacoopération décentralisée, mais peu de profils complets ». En ce sens, un chargé de missionnous indique, concernant la mise en place d’un système d’évaluation : « Moi, je n’ai pas lesoutils pour faire une évaluation valable, je n’ai pas forcément appris de par ma formation.Et professionnellement, on ne m’a jamais montré un modèle ». Si lors des entretiens toutles cas de figures n’ont pas été rencontrés, nous en retrouvons un certain nombre. Lesprofils sont éclectiques, les uns font de l’ingénierie de projet de développement territorial,les autres de la gestion de programmes ou encore de l’animation. Tous ont, en revanche,la même difficulté à se positionner sur les organigrammes car la coopération décentraliséen’est pas traitée comme une compétence à part entière de la collectivité.

b. Une identité commune difficile à trouver« Nous en sommes là: comment faire pour, vis à vis de vos élus, et nous vis à vis, d’unterme générique, de la classification des métiers, franchir le stade de la reconnaissance,de la validation de nos compétences, de nos savoir-faire et de leur transmission », ainsis’interrogeait M. Patrick DESSEIX163. L’absence d’identité commune se ressent dans lesmodalités d’intervention qu’utilisent les élus et techniciens de la collectivité qui restentparfois calquées par mimétisme sur celles d’autres acteurs de la coopération internationale.Des collectivités fonctionnent en partie comme des bailleurs auprès d’opérateurs de lasociété civile (ONG et ASI), sur la base d’objectifs contractualisés, tel que le Départementde l’Essonne; certaines villes organisent l’essentiel de leur action sur un modèle d’ONG.Des collectivités apportent des appuis techniques pointus et ponctuels sur des études (surle modèle des agences d’urbanisme par exemple). Ces références sont visibles dans laformulation des objectifs et dans les discours des services et des élus. Ces différencespersistent jusque dans l’appellation de ces services : Chargé de mission ou responsable duservice coopération décentralisée, Responsable du service relations et coopérations avec lemonde, Responsable des relations internationales, les termes changent et les fonctions nese ressemblent pas. Néanmoins, cette diversité rend la conquête de leur légitimité aux yeuxde l’ensemble de la collectivité complexe. En plus d’être issus de formations initiales trèsdiverses, de remplir des missions variables dans le cadre d’un même poste, ces techniciensne peuvent se rattacher à un sens commun dans leur intervention, car il varie en fonction du

163 Vice- Président de L’Association des Acteurs de Coopération Internationale et de l’Aide au Développement (associationprofessionnelle auprès du Ministère des Affaires Etrangères : ACAD MAE)

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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poids de leur service dans la collectivité et de la conception politique qui porte les actions decoopération décentralisée. De fait, une professionnalisation unique paraît complexe dansun cadre où les techniciens suivent des trajectoires variables selon la ligne politique adoptéepar la collectivité.

Cette professionnalisation des acteurs de la coopération décentralisée paraîtégalement difficile dans la mesure où leur service reste une cible privilégiée des restrictionsbudgétaires.

B. Un service cible de la rigueur budgétaireEn même temps que les collectivités se voyaient transférer davantage de compétencespar l’Etat, cette situation s’accompagnait d’un mouvement de restriction budgétaire dansnombre de collectivités. Le transfert de compétences impliquant un transfert de charges,les collectivités ont dû faire des choix. Or, le service de coopération décentralisée sembleavoir parfois servi de variable d’ajustement (1), ses effectifs étant directement touchés parcette rigueur budgétaire (2).

1- Le service de coopération décentralisée, une variable d’ajustement ?Par la mise en avant des contraintes budgétaires, nous pouvons confirmer le fait que lesrelations internationales sont soumises aux cadres et aux logiques de l’action municipale. Laproduction de ces relations est la résultante d’un compromis entre les motivations du/ou desélus chargés des relations et les contraintes inhérentes à la gestion municipale. Ici, le poidspolitique que pèse l’élu en charge de ce dossier est primordial, il doit s’agréger différentssoutiens pour influer sur les répartitions budgétaires. La contrainte budgétaire implique pourla municipalité, une hiérarchisation des priorités, or, « lorsque la collectivité rencontre desproblèmes en terme de financement cela s’en ressent toujours sur le service coopérationdécentralisée » évoque un chargé de mission. Comment valoriser auprès de ses électeursde coûteux programmes à l’étranger quand les préoccupations prioritaires des administréssont toute autre ? Ce poids politique relatif influence à l' évidence le choix des élus dansl’orientation à la baisse du budget de la coopération décentralisée, lorsque des restrictionsbudgétaires sont à l’ordre du jour, d’autant plus que ce domaine d’action reste facultatifpour leur collectivité. A quelques rares exceptions, les budgets de la CD sont mineursen comparaison au budget global, et ils continuent de subir le contrecoup de la rigueurbudgétaire entamée par nombre de collectivités ces dernières années. Généralement lesbudgets consacrés à la coopération décentralisée représentent entre 0, 03% à 0,4% dela totalité du budget. Dans une ville comme Epinay- Sur- Seine le budget des relationsinternationales a varié en décroissance, passant de 45 000€ à environ 80 000 €, en 3 ans.Inversement, il est aussi possible d'observer des évolutions favorables: le Départementde l’Essonne, dont le budget s’élève pour 2007 à 756 000 €, a alloué à la coopérationdécentralisée une dotation en hausse de 12% par rapport à 2006, la perspective étant dela faire passer à 1 000 000 € pour 2010.

Inévitablement ces contraintes budgétaires touchent en premier lieu les ressourceshumaines lorsqu'il est le premier poste de dépense des services de coopérationdécentralisée, soit en réduisant au minimum les effectifs, soit en rendant difficile l’inscriptiondans des formations, ou l’adhésion à des réseaux (type CUF, dont les cotisations restentélevées pour certaines collectivités). Or, ces derniers sont justement, comme nous l’avonsévoqué précédemment des vecteurs de professionnalisation pour les cadres en charge dela coopération décentralisée.

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2- Les moyens humains impactés par les contraintes budgétairesLa coopération décentralisée si elle s’est beaucoup développée depuis une dizained’années, reste difficile à mettre en œuvre dans les petites collectivités. Jean-FrançoisMANGELAIRE reste conscient de ces obstacles, « il faut une volonté politique forte, maisest-ce que les finances suivront je reste assez perplexe? Car ce domaine implique despersonnes et des moyens». C’est bien le besoin en moyen humain évoqué dans l’ensembledes entretiens qui se fait sentir et freine la professionnalisation de ce métier et de sesacteurs. Pierre MALVAUD, Responsable des RI à la mairie d’Issy- les- Moulineaux estimeque dans l’idéal, il faudrait qu’une personne consacre tout son temps au montage desdossiers de financement. Ainsi, J-F MANGELAIRE reconnaît que les missions d’éducationau développement seront plus compliquées à conduire sur la Communauté d’agglomérationd’Evry- Centre -Essonne, dans la mesure où le poste de sa collègue a été supprimé ; « auniveau du temps ce sera d’autant plus difficile à gérer pour une personne seule ».

Sur l’ensemble des collectivités rencontrées, le nombre de personnes en ETPmobilisées dans ces services reste réduit. En moyenne, on compte dans un service decoopération décentralisée, un administratif (parfois assisté d’une assistante travaillant enparticulier pour ce technicien) et un élu référent sur la question. Dans l'échantillon traité seulun département et une grande ville vont jusqu'à mobiliser entre quatre et six personnes surces questions.

En somme ,la rigueur budgétaire fragilise l’implantation des services de coopération ausein des collectivités. Le sentiment d’être un service à la marge des autres directions ressortde nombreux entretiens. Cette isolation et la faiblesse de leurs effectifs ne contribuent pasà l’émergence d’un groupe de professionnels.

Le caractère facultatif des relations internationales demeure pour bien des techniciensde la coopération décentralisée un handicap à leur professionnalisation: l’ancrage variabledes services de coopération au sein de la collectivité pose le problème de sa légitimitéau sein de l’organigramme. Difficulté qui est accrue par la multiplicité des parcours et desmissions de ces cadres rendant la construction d’une identité commune improbable. Ceservice qui voit les rigueurs budgétaires réduire ses effectifs humains à une peau de chagrinsemble souvent mis à la marge de la collectivité. « Ce combat de tous les jours », selon lestermes d’une responsable en relations internationales, pour exister au sein des collectivitésen tant que professionnels à part entière est entravé par un second obstacle intrinsèque aumonde de la coopération des collectivités : la multiplicité des actions de coopération gênela création d’un sentiment d’appartenance à un groupe professionnel, élément constituantd’un processus de professionnalisation.

II. Le « patchwork » de l’action internationale des collectivités territoriales :La diversité, voilà un autre dénominateur commun des actions de coopération descollectivités. Cette hétérogénéité, tant dans leurs modes d’exercice de la coopération(internalisé ou externalisé) (A), que dans le fond et la forme des actions conduites(B) empêche de parler d’une professionnalisation aboutie. En effet, ces dissemblancesactuelles rendent, encore aujourd’hui, la reconnaissance d’un groupe uniforme deprofessionnels de la coopération décentralisée relativement improbable.

A. Des modes opératoires variés La loi de 1992 relative aux relations internationales conduites par les collectivités territorialesfrançaises ne définit pas le mode de gestion que la collectivité doit adopter. Les collectivités

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sont donc libres de s’organiser comme bon leur semble pour gérer les relations qu’ellesnouent. Ainsi celles-ci peuvent être gérées directement par la collectivité (1) ou par desassociations de solidarité internationale ou un comité de jumelage (2).

1- Une prise en charge directe par la collectivitéToute collectivité territoriale qui développe une action internationale doit définir sonorganisation et son fonctionnement institutionnels. Lorsque la collectivité développe etgère en direct sa politique de relations internationales, on parle alors d’internalisation.L’internalisation164 se manifeste, par la création d’un service de relations internationaleset/ ou de coopération décentralisée sous la responsabilité d’un élu. Les techniciens etles élus en charge du domaine élaborent le contenu des relations, et réfléchissent auxactions à développer. Avec l'extension du rôle des collectivités territoriales et l'ampleurde leurs domaines de compétences, les services techniques possèdent des qualificationsqui peuvent être mises à la disposition de leurs partenaires étrangers , conformément àleurs besoins et leurs attentes. Outre les besoins traditionnels dans les secteurs de lasanté, de l'éducation ou de l'agriculture, les partenariats portent de plus en plus sur del’appui institutionnel, notamment à travers la formation des élus et des cadres étrangers.Se doter d'un service de relations internationales signifie, de la part d'une collectivité,l'affirmation d'une dimension politique et technique forte. Comme l’indiquait Elisabeth GAY,Chef de mission coopération internationale au Conseil régional d’Aquitaine, lors du colloqueorganisé par le HCCI les 4 et 5 juillet (précité) : « Au sein du Conseil Régional d’Aquitaine,nous assurons la maîtrise d’ouvrage directe depuis 2002, avant nous n’étions que bailleur.Le passage à cette maîtrise d’ouvrage directe est justifiée par une volonté politiqued’accompagner la décentralisation ». Ce choix signifie également que la collectivité vote desbudgets, gère les programmes de coopération en relation directe avec le partenaire étrangerauprès duquel elle est le premier interlocuteur. La Mairie d’Issy- Les-Moulineaux a optépour cette organisation en 2001, lorsque la ville s’est dotée d'une Direction des RelationsInternationales. « Depuis 2001, la création de la Direction des Relations Internationales apermis de coordonner l’ensemble des actions. Un Comité de pilotage inter- service a parailleurs été mis en place ».

La deuxième façon de mettre en place des Relations internationales pour unecollectivité consiste à externaliser l’action internationale, en venant en appui aux actionsmises en œuvre par ses administrés (au travers d’ONG ou d’ASI). On comprend aisémentque les cadres et élus des services de relations internationales, qui existent généralementaussi dans ce cas de figure, n’exercerons pas alors les mêmes fonctions.

2- Une délégation à la société civileLorsque la collectivité délègue ses relations internationales à la société civile, elle n’estpas à l’initiative des projets qui sont portés par ses administrés. Par contre, la collectivitéreste associée au processus de production par deux biais : le soutien financier qu’elleapporte ,et qui lui permet de définir ,via la convention de financement, une politique decoopération. Tout en n’ayant plus la maîtrise directe des actions, la collectivité conserveainsi une capacité d'intervention garantissant une cohérence et une logique dans les actionsconduites. Le Département de l’Essonne a fait le choix de ce mode opératoire. Créé en 2003par le Conseil général, le Centre de ressources essonnien de la solidarité internationale(CRESI) coordonne les actions de coopération internationale engagées par la société civiledans le département. Il s’agissait d’« avoir un lieu ressource pour formaliser un réseau

164 FICHE TECHNIQUE-Cités Unies France- L’organisation locale de la coopération décentralisée

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d’échanges ». sans se positionner en simple bailleur de fonds. Le Conseil Général aaccompagné son soutien financier d’un appui méthodologique : conseils, diagnostics etformations qui sont proposés aux acteurs de la solidarité internationale afin d’assurer lacohérence et l’efficacité des projets qu’ils mettent en œuvre. Ainsi, les partenaires doiventavoir à l’esprit les exigences que défend le Conseil Général dans les actions de solidaritéinternationale en l’occurrence, « le développement durable, le principe d’un partenariatinscrit dans la durée et l’autonomie des populations ». En moyenne, le départementtravaille avec près de 650 structures subventionnées et accompagne chaque année 150projets (dans 43 pays différents), confondant l’appui et l’éducation au développement.Laure FERET, Chef du service coopération décentralisée et relations internationales auDépartement explique que le choix d’une maîtrise d’ouvrage indirecte exprime une positionpolitique : si les collectivités locales n'ont ni la capacité ni vocation à changer la situationdes pays en développement ,en revanche elles peuvent y participer à travers l’apport definancements auprès d’association et d’ONG compétentes en la matière. Antonio ANIESAà la mairie de Nanterre travaille sur le même principe. La ville essaie de privilégier aumaximum les porteurs de projets associatifs. « Si l’on peut privilégier l’intervention de nosassociations et se désengager, on le fait ». « Notre démarche ce n’est pas simplementde donner des subventions aux associations, on se demande : Comment les impliquer demanière citoyenne et avoir toujours un retour, un compte rendu de leurs actions, la mairieconstruit ce rapport avec eux ». Néanmoins, ce choix ,qui paraît tranché, est à nuancer carla majorité des collectivités adoptent en réalité les deux modes opératoire direct et indirect(y compris les collectivités que nous venons d’évoquer). Ainsi, les passerelles entre lesmodèles décrits ci-dessus sont multiples. Par exemple, une collectivité dotée d'un servicedédié à l'action internationale et à la coopération décentralisée sous le contrôle d'un élu,peut, à tout moment, décider de confier à un acteur local spécialisé (une OSI, un hôpital,une école...) une mission de coopération décentralisée.

Cette délégation bénéficie encore souvent aux comités de jumelage, qui nous l’avonsvu précédemment restent relativement présents dans les relations internationales descollectivités. En dépit du passage à la coopération décentralisée; il peut donc se produire undécalage. Le risque est de voir se creuser un écart entre deux catégories de collectivités:celles investies dans une approche professionnelle de la coopération (montage de projets etde budgets...), et celles qui animent le comité de jumelage sous la houlette de personnalités,sans compétences précises. En conclusion, cette organisation institutionnelle fondée sur"l'externalisation"165 présente un avantage, en ce qu'elle conforte la dimension démocratiqueet solidaire de la démarche de coopération décentralisée et la pérennité des projets,essentielle dans un processus de développement. En revanche, dans cette formule,l’implication des services techniques et administratifs de la collectivité est souvent faible.Cela conduit à penser que le processus de professionnalisation des élus et des cadres encharge des RI demeure absent pour un certain nombre de collectivités.

B. Des relations multiformes avec les collectivités partenairesUn nombre croissant de collectivités territoriales s'est engagé dans la solidaritéinternationale. La dimension de leur engagement, leur type , dessinent un paysage trèsvarié de cette coopération aussi bien au niveau de ses formes (1), qu’au niveau de soncontenu (2). Tout comme les modes opératoires ces relations multiformes rendent relatif laconstitution d’un groupe de professionnels unis autour de compétences et de qualificationscommunes.

165 FICHE TECHNIQUE-Cités Unies France-Op. Cit.,

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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1- La diversité de formes

a. Inscription dans la durée ou actions ponctuellesLes situations varient d’une collectivité à une autre. Généralement les collectivités, où leservice de coopération et ses techniciens sont bien implantés, conduisent des actionss’inscrivant dans la durée. C'est-à-dire que la relation est perçue comme un processus quiva se développer, s’enrichir et se diversifier grâce à des contacts permanents entre les deuxpartenaires. Dans le cas contraire, les actions restent souvent ponctuelles, elles répondent àun objectif précis et immédiat. C’est le cas généralement des voyages de jeunes, de l’envoide matériel. Une question plus large sous tend la durée du partenariat, c’est le choix du typede coopération. Les jumelages en dépit du fait qu’ils s’inscrivent souvent dans la durée, semanifestent généralement par des actions ponctuelles, contrairement aux conventions decoopération décentralisée. Un chargé de mission évoque le jumelage qu’ils entretiennentavec une ville d’Allemagne « ça reste du saupoudrage, on n’arrive pas à avoir un gros projet,pour l’instant, cela reste essentiellement des actions ponctuelles ». Derrière la durabilitéd’une action on peut donc lire d’une part, le sens politique que l’on souhaite donner aupartenariat, et d’autre part, le choix des méthodes d’intervention qui n’impliqueront pas lesmêmes compétences pour les techniciens. « Nous avons fait beaucoup d’investissementsponctuels en termes de matériels, il y a eu une grande époque 92-97 où il y a eu beaucoupd’animations, j’ai un peu freiné cette évolution,[…] j’estime que la coopération décentraliséeconsiste à apporter notre appui à la commune ».

b. La diversité des modes de contractualisationLe mode de contractualisation choisi par la collectivité implique également des qualificationsdifférentes chez les cadres territoriaux des collectivités françaises, le cahier des chargesd’une charte de jumelage, ou d’une convention de coopération décentralisée n’appelantni les mêmes actions, ni les mêmes exigences aussi bien sur le fond que sur la forme.Les entretiens ont néanmoins dévoilé l’adoption de modes de contractualisation récurrents.Chaque collectivité, quelque soit sont implication dans la coopération internationaleentretient très souvent des jumelages traditionnels, dont la collectivité a hérité de l’histoireou suite à la disparition du comité de jumelage. De plus, elles sont nombreuses à conduiredes accords de coopération décentralisée. Pourtant on retrouve souvent une forme decontractualisation qui les distingue, que ce soit à la Mairie d’Issy- Les-Moulineaux quientretient en plus des conventions précitées des « partenariats simples » (contacts formelsmais qui ne pourront pas dans l’immédiat déboucher sur un jumelage à part entière) ; laMairie de Saint- Denis qui a développé des « partenariats dits de culture de paix » (qui sontdes interventions humanitaires), ou encore la Ville de Nanterre qui s’inscrit dans un réseaude villes pour faciliter l’échange d’expérience166. Enfin, les collectivités françaises ne sontpas obligées d’officialiser, par des textes spécifiques, les relations qu’elles développent.Dans ce cas, il s’agit de relations effectives mais non officielles. A titre d’exemple, commenous l’avons déjà évoqué, la mairie de Nanterre accueille tous les ans des enfantssahraouis. Entre un technicien qui conduit des actions dans le cadre de convention decoopération décentralisée, ou des missions de soutien humanitaire, comme l’a égalementfait la ville de Saint-Denis avec Nazareth (Israël), et Rafah (Palestine) en 2005-2006 (elles

166 Elle est à l’initiative du Forum Mondial des autorités locales de périphéries (FALP), né sous l’impulsion de collectivités locales

de périphéries travaillant ensemble depuis 2003 (suite à la 1èrerencontre internationale de Nanterre d’octobre 2002) au sein d’unréseau « Villes de périphérie & démocratie participative » pour faire entendre leurs spécificités et leurs problématiques sur la scèneinternationale.

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PARTE II : Les perspectives d’évolution de la professionnalisation de la coopération décentralisée

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se sont traduites par l’accueil d’étudiants palestiniens sur le territoire dionysien et ils essaientpar ailleurs de mettre en place un centre socioculturel où seront développées des activitéspour enfants), ou avant en 1998, avec la ville de Tuzla (Bosnie –Herzégovine), et un cadresimplement en charge de jumelages, quels sont les points communs ? Peut-on dire qu’ilsappartiennent à une même profession ? La diversité des missions qui leurs sont confiéesapporte une réponse négative.

2- La diversité de fond :Avec pas moins de 6000 projets de coopération, concernant environ 3 250 collectivitésterritoriales françaises, noués dans quelques 120 pays, on est indéniablement confronté àune diversité des actions conduites. D’autant plus que chaque municipalité s’implique dansl’international avec ses propres motivations.

a. La persistance controversée du jumelageNeuf des quatorze collectivités entretiennent encore des jumelages, néanmoins, on ressentune certaine dévalorisation de ce mode de coopération. L’explication demeure sans doutedans la diversification des types de coopérations envisageables. Ce constat corroboreraitl’impression qu’il est difficile de créer un sentiment d’appartenance à un même groupeprofessionnel au sein des acteurs en charge des actions extérieures des collectivitésterritoriales.Un responsable des relations internationales confiait : « Je n’aime pas beaucouple titre de jumelage car le contenu n’est pas toujours très intéressant ». Perception partagéepar un autre responsable, dont la ville est très active en coopération décentralisée : « Onne veut plus faire de jumelages, car on sait quand on se marie, mais on ne sait plusquand on divorce, plus sérieusement ça a perdu de son sens premier ». « La difficultédu passage d’une coopération d’assistance ou technique à une coopération stratégiqueet d’appui institutionnel tient en partie à l’insuffisance des compétences acquises »167.La focalisation sur la question technique occulte encore les autres, notamment dans lecadre des jumelages. Or, la construction d’un partenariat stratégique et l’animation de cepartenariat doivent être pour les collectivités et les acteurs les plus impliqués le premierobjectif d’une coopération décentralisée. Nombre d'entre elles revêtent aujourd'hui la formed'un appui à la décentralisation, d'une assistance à maîtrise d'ouvrage, d'une formation desélus et des cadres administratifs des collectivités étrangères. Les actions de coopérationdécentralisée des petites communes relèvent encore d'une conception proche du seuljumelage et consistent souvent à répondre à des demandes immédiates, comme l'envoi demédicaments ou de livres scolaires, ou la construction de puits. Les collectivités disposantde davantage de moyens s'engagent dans des projets de plus grande ampleur. Lesmotivations et les compétences qui sous-tendent ces actions sont alors très différentes decelles qui président aux actions de jumelage.

b. Des définitions de la coopération décentralisée à la françaiseNéanmoins, cette diversité ne s’arrête pas à la simple dichotomie : jumelage/ actions decoopération décentralisée, car au sein même des collectivités qui conduisent des actionsdites de coopération décentralisée, la définition et le sens qu’ils donnent à celles-ci, ainsiqu’à leurs actions fluctuent. « C’est bien de mobiliser beaucoup de structures, mais c’est trèscompliqué, pour moi la coopération décentralisée ce n’est pas être animateur d’un réseau,ce n’est pas la priorité». Au contraire pour d’autres collectivités, les projets de coopérationdécentralisée « ne peuvent être mis en œuvre sans l’implication des acteurs de part et

167 NOISETTE Patrice, RACHMUHL Virginie, BARRAU Emilie, Op. Cit., p. 40.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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d’autre des territoires ». Laure FERET, Responsable de la coopération décentralisée et desRI au Département de l’Essonne a clairement conscience de ces oppositions : « On a du malà trouver des interlocuteurs, car les collectivités avec qui on échange sont généralementpositionnés sur les conséquences »; autrement dit les autorités locales se positionnentcomme pouvoir diplomatique, sans qu’il y ait forcément un lien avec l’intérêt local. Or, « jetravaille avec des élus qui n’ont pas du tout cette approche », nous signale la responsable.Le Département de l’Essonne ne défend pas une vision internationaliste de son action,mais les rattache à son territoire. Cette conception s’oppose à la reconnaissance du pouvoirdiplomatique des autorités locales, notamment défendu par Cités-Unies France. « Cela n’aaucun sens, car on ne s’interroge plus sur l’intérêt local, et sur le retour au territoire ». Leproblème c’est que la discussion semble difficile à amorcer sur ce sujet, précise- t- elle :« comme toutes les collectivités font ‘’le bien’’ on ne peut pas ne pas être d’accord». LeDépartement ne partage donc pas le même sens dans ses actions de coopération quecelui d’une ville comme Saint-Denis ou Nanterre qui ont notamment développé une aided'urgenceaprès des catastrophes naturelles et humaines de grande ampleur. Un chargé demission en conclusion d’un entretien signale : « On part sur une définition de la coopérationdécentralisée qui englobe de plus en plus tout, alors que pour moi par principe, c’est dudéveloppement». L’engagement d’une collectivité dans la solidarité ne recouvre donc pastoujours le même sens, ni les mêmes actions. Obtenir une unité dans la professionnalisationdes ses acteurs paraît donc de fait particulièrement complexe.

La multiplicité des actions (jumelage…) laissent un flou quant aux compétenceset apports spécifiques de chaque acteur. Cette diversité présente des risques decloisonnement entre les acteurs des différents types de coopération entretenus par lescollectivités. Or, l’évolution du processus de professionnalisation dépend en partie dela réunion de ces derniers autour de principes collectifs, de compétences et d’actionscommunes. Parler de l’existence d’une profession est encore précoce face à la diversitédes missions qui leur sont confiées et des exigences formulées, variant d’une collectivité àune autre. Par contre, il paraît davantage pertinent de parler d’une professionnalisation deleur métier qui désigne : « un groupe d’emplois ayant en commun un objet professionnel etun champ de compétences bien repéré »168.Toutefois, affirmer l’existence d’une profession« forme plus élaborée du métier, (qui) est définie par un objet, une expertise, une déontologieet un système de reconnaissance (titres, qualification) et (un) contrôle de l’accès à laprofession »169semble encore prématuré.

Le terme de professionnalisation est dans toutes les bouches, cet impératif est formulécomme une exigence face à l’importance croissante que prennent les collectivités dans lacoopération internationale

Chapitre II : Un impératif, professionnaliser le métierpour inscrire la coopération décentralisée dans lechamp des nouvelles relations internationales

168 PISANI, E, Op. Cit.,169 Université de Rennes 2 Rapport de recherche –action Jean Marc Van HOUTTE & Alain PENVEN –Mission opérationnelle

transfrontalière.

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PARTE II : Les perspectives d’évolution de la professionnalisation de la coopération décentralisée

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Conscients qu’il est profitable d’une part, pour la politique de développement de leur territoirequ’elle intègre une dimension internationale et d’autre part pour que la coopération françaiseconserve sa position historique dans le secteur du développement, les cadres et élusterritoriaux, ainsi que les acteurs nationaux et internationaux plaident depuis quelquesannées pour une professionnalisation de la coopération décentralisée. Elle demeure doncun défi à relever pour que les collectivités territoriales françaises et leurs acteurs puissentvalablement s’inscrire dans le champ des nouvelles relations internationales. Il apparaît quela conquête de la professionnalisation de leur métier ne peut se faire sans la recherche d’unecohésion et d’une cohérence (Section 1) dans leurs actions de coopération ; l’acquisitionde la reconnaissance de ce métier auprès des élus et des services de la collectivité, maiségalement près des citoyens étant le gage d’une professionnalisation parachevée, carancrée dans la collectivité (Section 2).

Section 1 : La cohésion et la cohérence des actions internationales,conditions sine qua non à l’émergence d’un métier de la coopérationdécentralisée

La professionnalisation de leur métier passera tout d’abord par la recherche de cohérenceentre les projets portés par les collectivités. Il convient de dépasser le saupoudrage d’action,ainsi que le risque de concurrences stériles entre collectivités françaises, en organisant leurcomplémentarité (I). Plus largement, cette cohésion ne saurait se construire en dehors despolitiques définies par l’Etat, une association plus poussée des acteurs de la coopérationdécentralisée à l’action internationale de l’Etat devra donc être repensée (II).

I. La nécessité de mieux organiser la complémentarité des acteursterritoriaux de la coopération décentraliséeAinsi, comme l’a souligné Louis LE PENSEC, Sénateur du Finistère, lors du colloqueorganisé par le Sénat sur le thème « La coopération décentralisée : mode d’emploi »,l’indispensable coordination résultera avant tout de l’effort des collectivités territoriales170,qui devront construire une dimension locale d’une stratégie globale de développement (A).Néanmoins, les dérives de technicisation et de stratégies d’acteurs auxquelles peuventconduire toute institutionnalisation imposent aux collectivités de s’en prémunir (B).

A. Construire une dimension locale d'une stratégie globale dedéveloppementPour construire la dimension locale d'une stratégie globale de développement, denombreuses collectivités devront dépasser l’approche jusqu’à présent identitaire qu’ellesavaient de la coopération décentralisée (1), à travers la mutualisation de leurs actions etde leurs expériences (2).

1- Dépasser l’approche identitaire de la coopération décentraliséeUne tendance notoire à la multiplication des projets de coopération décentralisée sedéveloppe depuis une dizaine d’années, sans que les collectivités françaises ne souhaitentpour autant nouer des partenariats. L’international est devenu un lieu d’affrontementpour la politique locale et par là même un frein à une éventuelle collaboration entre

170 Colloque du Sénat, La coopération décentralisée : Mode d’emploi, actes, Op. Cit., p.66.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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collectivités. « Le fait que les collectivités restent sur des valeurs identitaires dansleur actions internationales » rend pour l’instant difficile toute action commune, selonun chargé de mission en coopération décentralisée. Or, comme le précisait ElisabethGAY, Chef de mission coopération internationale au Conseil régional d’Aquitaine, lors ducolloque organisé par le HCCI le 4 et 5 juillet 2007: « Si nous souhaitons renforcer leprofessionnalisme, il faut renforcer la mutualisation ». On a, en conséquence, là un premierélément de métier pour des agents territoriaux : favoriser l'interrelation entre les acteurs.Les personnes en charge de la coopération décentralisée dans les collectivités territorialesdevront avoir la capacité d’assumer cette fonction, à condition que le pouvoir politiqueévolue et les y autorise.Un effort est déjà fait en ce sens par certaines collectivités. Surla Région de Kayesau Mali, il existe une multitude de coopération, de jumelage, mais lesplus importants restent ceuxconduits parla RégionIle de France, Nord Pas de Calais etégalement par la Ville deMontreuil. Sur la cohabitation de ces coopérations, Jean-FrançoisMANGELAIREchargé de mission auprès de la Communauté d’Agglomération d’Evry CentreEssonne(qui entretient elle-même un partenariat avec Kayes depuis les années1990)assure : « on n’est pas dans des domaines d’intervention équivalents, et on n’est pas surles mêmes échelons institutionnels. On essaie de se préserver de la concurrence. L’Ile deFrance travaille sur la gestion du patrimoine urbain. Le Nord Pas de Calais quant à luis’est spécialisé sur les questions de l’assainissement et de lutte antiérosive ». « Quant ànous, nous intervenons sur la ville de Kayes (capitale régionale) sur des problématiquesdifférentes », telles que l’amélioration des services de la ville, la formation des élus etdes cadres, etc. «Mais, il est vrai que la dernière évaluation a montré qu’on pourrait enfaire beaucoup plus en terme de travail en commun »conclut –il.David BARBELIVIEN,responsable des relations internationales à la ville de Puteaux confirme cette tendance.« Le problème c’est qu’il y a zéro communication entre collectivités, moi le premier je neme préoccupe pas de ce qui se passe dans la commune voisine. On se donne très peud’information sur nos actions entre ville ». Par contre, il fait lui même la démarche decontacter ses collègues lorsqu’il a besoin d’information, il le fait notamment avec la villede Suresnes. Il y a donc un réseau naturel qui se met en place. « Ce qui manque c’est lacommunication entre ville ».

« Conscientes des limites et des absurdités de telles interventions, les collectivitéslocales cherchent cependant d’elles-mêmes les voies de coordinations et de mutualisationopérationnelle nouvelles »171.

2- La nécessaire mutualisation des expériences

a. Une capitalisation des expériences nationales La dispersion des actions rend leur succès difficile et empêche pour l’instant ce métierd’émerger légitimement. « Si quelque chose pouvait se passer de ce point de vue j’en seraisravi », affirmait Guy PEYRETTI172, lors de la journée d’étude organisée le 9 septembre 2005,par l’Association de professionnels de développement urbain, car « on est très souventamenés à se marcher sur les pieds entre collectivités […] Donc oui on est demandeursd’une meilleure efficacité, d’une meilleure lecture des partenariats engagés». Les efforts demutualisation existants restent à parfaire, grâce à une capitalisation de la réflexion et desoutils techniques ainsi qu’à travers la mutualisation des actions conduites.

171 NOISETTE Patrice, RACHMUHL Virginie, BARRAU Emilie, Op. Cit., p. 4.172 Directeur adjoint des relations internationales du Grand Lyon.

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PARTE II : Les perspectives d’évolution de la professionnalisation de la coopération décentralisée

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« C’est un luxe de pouvoir se rencontrer et se parler. On ne prend jamais le tempsde voir les gens, car on est tous trop dans nos projets » déclarait une responsabledes relations internationales d’une ville moyenne. On peut ainsi espérer surpasser lessolidarités fractionnées des différents acteurs de la coopération, dans le cadre d’échangesde réflexion et d’expériences propres à faciliter la recherche d’articulations nouvellessur le terrain. C’est en tout cas le rôle que jouent ou cherchent à jouer les différentsréseaux existants. Ces réseaux adoptent des positions et des stratégies en grande partiecomplémentaires : rôle de lobbying et d’appui de Cités Unies France; rôle de familiarisationavec les problématiques internationales et d’appui méthodologique des réseaux régionauxcomme Resacoop ou des réseaux professionnels comme Arricod ; contribution des réseauxde villes à la territorialisation de l’action internationale. De même, les associations d’éluspourraient jouer un rôle clé dans la diffusion d’outils susceptibles d’aider une collectivité àse repérer dans des environnements étrangers. Qu’il s’agisse de l’organisation territorialeou institutionnelle (essentielle pour une bonne identification des partenaires possibles) desEtats, des principaux concepts juridiques applicables aux collectivités territoriales dans lesEtats partenaires, des études approfondies et pratiques revêtiraient pour les collectivitésune aide considérable. « Les associations d’élus, en partenariat avec leurs homologues despays candidats, pourraient mettre en place des mécanismes d’échange d’information afin derenseigner rapidement et précisément les collectivités demanderesses sur les principalesdonnées juridiques les concernant . Les réponses ainsi apportées constitueraient, au fur età mesure des demandes, une base de données accessible sur Internet »173. En outre, desgrilles d’équivalence entre échelons territoriaux et un glossaire des concepts comparableset des faux amis pourraient être élaborés par ce biais.

La tendance qui s’affiche aujourd’hui est la constitution de réseaux porteurs de projetscommuns, tel que le réseau Essonne- Sahel, évoqué par Henri FIORI, élu en chargede la coopération décentralisée à la Mairie de Chilly-Mazarin. Cette évolution pourraitcontribuer à donner plus d’ampleur aux projets de coopération décentralisée encore tropsouvent éparpillés. Elle doit aussi permettre aux petites collectivités territoriales, qui nepeuvent, seules, guère intervenir de manière pertinente, d’agir à l’internationale dans lecadre de ces réseaux de projets qui mutualisent l’expertise et les moyens. Il faut doncdémultiplier cette pratique, et gommer les craintes des collectivités de perdre le contrôledu projet mené. Le groupe concerté Bénin, mis en place par CUF, reste un exemple àdémultiplier. En effet, un groupe de travail de collectivités ayant des projets de coopérationavec différentes collectivités du Bénin y travaillent depuis plusieurs mois. Ce projet, fondésur des échanges de pratiques et de savoir –faire entre professionnels vise à accompagnerles élus locaux béninois dans leur premier mandat. « Aucune collectivité174 ne sera laisséede côté : toutes seront bien évidemment conviées à participer aux moments de rencontrequi seront organisés » précise Cités Unies France. De même l’IRCOD (Institut Régional dela coopération et du développement d’Alsace) joue un rôle identique. L’IRCOD a ainsi pourfonction d’assurer la cohérence de l’intervention des acteurs de la coopération décentraliséealsacienne en les inscrivant dans une véritable politique et démarche régionale coordonnéede coopération. Du fait de son capital d’expérience et de sa fonction transversale, il assureégalement, au bénéfice des collectivités impliquées, une mission de conseil et d’appuidans les approches de coopération au développement. Néanmoins, Les collectivités nedisparaissent pas derrière l’IRCOD. Chacune d’entre elle peut, au sein de l’Institut, jouer

173 HUNAULT, Michel, Rapport de l’Assemblée Nationale La Coopération Décentralisée et le processus d’élargissement del’UE- Octobre 2003 – p 41-42

174 le Conseil Régional de Picardie et les villes de Créteil, Montgeron, Rosny-sous-Bois et Cergy-Pontoise

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sur plusieurs registres de compétences : Participer en tant que membre à la définition dela politique et des actions de coopération alsaciennes ; Assurer une co-maîtrise d’œuvre,avec l’IRCOD, d’une opération sur laquelle elle souhaite particulièrement s’engager ets’identifier dans le cadre d’une relation suivie de collectivité à collectivité ; Assurer unefonction d’opérateur en mobilisant ses moyens humains pour des missions à durée limitéeou pour l’accueil de stages ou de missions d’études des partenaires du sud.

Enfin, l’intercommunalité reste une solution pour des collectivités territorialesdésireuses de s’impliquer dans la coopération décentralisée mais, qui n’ont pas lataille critique pour acquérir certaines compétences nécessaires pour mener à bien cetype d’opération. De plus, le développement de la coopération décentralisée au niveauintercommunal s’inscrit clairement en complémentarité de la coopération au niveaucommunal, en contribuant à la recherche d’une meilleure cohérence thématique etgéographique des actions menées vis à vis des partenaires étrangers. Le développementde la coopération décentralisée au niveau intercommunal peut également permettre unemeilleure articulation des actions avec la région et le département et la mise en place delieux d’expertise partagée pour des projets plus pertinents et efficaces.

Les régions à l’image des intercommunalités semblent appelées à jouer un rôle accrude coordination et de relais entre les collectivités de leur territoire. Sur une idée de JeanFAURE, Sénateur de l’Isère175a été suggéré la création dans chaque région d’une missionrégionale de la coordination de la coopération décentralisée (composée de représentantsdes communes, des départements et de la région, d’une part, et, des représentants desadministrations et opérateurs concernés d’autre part). Cette dernière serait ainsi chargéede diffuser l’information sur les actions de coopération des collectivités de la région et defavoriser la coordination des actions et des projets recensés. Elle assisterait les collectivitésterritoriales qui le demandent pour le montage de projets de coopération décentraliséeet serait consultée sur la répartition des enveloppes régionalisées de crédits budgétairesdestinées aux actions de coopération décentralisée.

b. Une capitalisation des expériences européennes :La mutualisation des expériences ne doit pas s’arrêter à l’échelon national, elle doitégalement se faire au niveau européen. Il conviendrait notamment de suivre les pistesde propositions évoquées dans le projet d’avis du Comité de Région sur la Coopérationdécentralisée dans la réforme de la politique du développement de l'UE. Il s’agit demener une identification des opérations de coopération décentralisée, condition premièrepour que sa richesse soit appréciée par les interlocuteurs communautaires, et pourfavoriser les échanges d'expérience et les synergies entre collectivités176. Il conviendraitpar ailleurs d’ « encourager la création d'une plate-forme analogue à celle dont disposentles ONG (CONCORD) de manière à instaurer un dialogue politique entre institutionscommunautaires et collectivités locales tournées vers le développement ». Une autre pisteconsisterait à examiner, dans le cadre d'une étude, les différents dispositifs législatifset réglementaires qui, dans les différents États membres conditionnent les actions decoopération internationale menées par les collectivités territoriales, de manière, notamment,

175 Evoqué lors Des Colloques du Sénat sur le thème « Coopération décentralisée : mode d’emploi », sous le Haut patronagede M. Christian PONCELET (Président du Sénat) et de M. J-P RAFFARIN (Premier Ministre), le 22 octobre 2003176 L'exemple de l'observatoire des relations de coopération décentralisée Europe/Amérique latine (suite àun appel à projets lancédans le cadre d'Urb-Al) doit être salué et envisagé pour d'autres régions du monde

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PARTE II : Les perspectives d’évolution de la professionnalisation de la coopération décentralisée

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à mener plus facilement des «coopérations triangulaires »177. Par ailleurs, dans lerapport de l’Assemblée Nationale sur « La coopération décentralisée et le processusd’élargissement »178, d’autres propositions de capitalisation d’expérience se dessinent. Eneffet, il est évoqué la mise en place d’une coordination de la coopération décentralisée dansles pays d’Europe centrale et orientale au sein de la Commission nationale de la coopérationdécentralisée. Cette coordination permettant en premier lieu, de diffuser en permanence,notamment sur Internet, « les exemples réussis de coopération décentralisée identifiant,autant que possible, les recettes du succès ». Le but étant de mettre en place les conditionsd’une vision d’ensemble permettant un pilotage plus efficace des actions de coopérationdécentralisée, mais surtout des vecteurs d’échanges, sources de la professionnalisationdes acteurs.

B. Le paradoxe du phénomène d’institutionnalisation de la coopérationdécentralisée :En même temps que le métier s’intègre peu à peu au paysage des services des collectivitésterritoriales, l’institutionnalisation de la coopération décentralisée comporte des effetspervers, contre lesquels les cadres et les élus en charge du domaine doivent se prémunir.En premier lieu, le processus de professionnalisation, dans lequel ils s’inscrivent, ne doitpas être assimilé à une technicisation, qui ne constitue qu’un versant de leur métier (1), parailleurs la coopération décentralisée constitue un terrain favorable aux stratégies d’acteursentre collectivités et au sein des collectivités, qui doit être combattu (2).

1- Les risques d’une technicisation de la coopération décentralisée :Techniciser n’est pas professionnaliserLa confrontation de fait à la professionnalisation des ONG, et la multiplication descoopérations de territoire à territoire, pose d’une manière nouvelle la question descompétences humaines et de la professionnalisation des cadres et des élus. Pouvoirs’appuyer sur des acteurs disposant de compétences fortes et spécifiques d’organisationen amont et d’animation de la coopération est un des principaux défis de la coopérationdécentralisée. Cependant, « le rôle de la coopération technique a longtemps fait oublier

que compétence technique ne constitue pas compétence de coopération! » 179 . « La

professionnalisation ça ne veut pas dire qu’on devient des techniciens […].Ca ne peutpas être de l’amateurisme non plus, car les RI c’est tellement compliqué, il y a tellementde structures imbriquées, tellement de niveau : local, national, international. […] Tout cequi nous dépasse avec un système étranger, des coutumes, le dérapage est facile, doncon ne peut s’improviser ». Les acteurs institutionnels de la coopération décentraliséene peuvent limiter leurs projets à une simple approche technique. Ce type de partenariatexige des échanges entre systèmes de référence et valeurs symboliques de la collectivitéfrançaise et de son partenaire. Ils doivent faire place à l'histoire, la coutume, aux techniqueset aux savoir-faire du pays. « Il s'agit de passer d'une coopération bâtie exclusivementsur des projets prédéfinis techniquement (notamment sous la coopération française d’Etat)à une coopération de partenariat entre acteurs définissant ensemble et à leur rythme

177 Convention de coopération décentralisée liant par exemple deux collectivités européennes sur un projet commun dans unecollectivité, issue d’un pays en développement.178 HUNAULT, Michel , Op. Cit., p. 40.179 NOISETTE Patrice, RACHMUHL Virginie, BARRAU Emilie, Op. Cit., p. 40.

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l'objet et les modalités de leur coopération » 180 . Cela signifie préférer à « l'aideprogramme », « l'aide projet». Particulièrement dans ce domaine, la focalisation sur laquestion technique ne doit pas occulter les autres, notamment la variable humaine centraledans ces projets. Les élus et cadres en charge de la coopération décentralisée doiventdonc capitaliser leur innovations, diffuser leurs compétences et leur savoir- faire au sein dumétier, mais néanmoins éviter de devenir des technocrates de la coopération décentralisée,où la fonction de gestion de programme prend le pas sur la valorisation de l’opérationnelet du montage de projet. L’enjeu prioritaire doit être de répondre à la tendance et à lanécessité d’une approche politique et stratégique de la coopération décentralisée et à larecherche d’une dynamique réciproque de territoire à territoire: il ne s’agit plus seulementde compétences techniques.

2- La stratégie d’acteurs, une menace pour l’émergence d’un groupeprofessionnelC'est l'apparent paradoxe de ce phénomène d'institutionnalisation : « tout en se constituantdans une sphère spécifique sur la base d'un discours du professionnalisme (cycle duprojet, évaluation, partenariat, diagnostic, formation, sanction, etc.) » 181, ces activitésne contribuent pas à l'émergence d'un groupe professionnel spécifique, mais risque devaloriser les stratégies d'acteurs divers (élus locaux, Maire, techniciens, cadres des autresservices). Comme il a été remarqué précédemment, les collectivités font généralement deleur action à l’internationale une stratégie, un facteur identitaire, qui ne contribue pas àcréer une synergie entre les cadres et élus de différentes collectivités, impliqués dans desprojets de coopération décentralisée ; lorsqu’ils se font, ces échanges restent très informelset n’impliquent que des personnes. Cette situation isole d’une part, la collectivité dansles actions qu’elle conduit, mais également ses techniciens. La situation d’une chargé demission constitue un exemple probant : « Jusqu’à présent j’ai essayé de m’associer à despartenaires comme le conseil général qui essaie de réunir les différents porteurs de projet,mais mes élus n’ont pas souhaité que je continue (le CG étant d’une autre couleur politique),donc ça m’a fermé beaucoup de portes dans la profession et ça en a également fermé àla mairie ». Tant que les collectivités territoriales aborderont la coopération décentraliséecomme une stratégie individuelle, de fait, l’émergence d’un groupe de professionnels detechniciens de la coopération décentralisée paraît compromise.

En outre, l’apparition de cette activité dans les collectivités peut faire émerger un espacede jeux tactiques ou stratégiques au sein même de la collectivité, qui risque de délégitimerles acteurs véritablement impliqués dans ce domaine. Ainsi, une responsable de service derelations internationales avoue que « certaines personnes (provenant des autres serviceset mobilisés ponctuellement sur des projets) se servent de ce type d’action comme uneéchappatoire face à un emploi ennuyeux ». Le sens de l’action des cadres dans ce domaineest menacé de dénaturation, si un travail de sensibilisation sur l’objet de tels partenariatsn’est pas explicitement affirmé par la collectivité.

Le développement de la coopération décentralisée et de ses réseaux propresprésentent des risques de cloisonnement entre les différents types de coopération etacteurs : entre collectivités territoriales, mais également entre les collectivités et l’Etat. Or lacoopération décentralisée ne saurait par principe agir en dehors des politiques définies par

180 GUILLAUD Gilles, président de PROCOOP aux Universités du Développement, Strasbourg, 5 mai 2001,cit. Un état de lacoopération décentraliséeALLIES Paul, BARAIZE François et NEGRIER Emmanuel p.42.181 VION Antoine, NEGRIER Emmanuel, Op. Cit., p.14.

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l’Etat, car « sont en jeu à la fois la ‘’décentralisation de la coopération’’ et la ‘’coopérationdans un espace décentralisé’’ »182. L’intervention de l’Etat est donc une condition aurenforcement de la coopération décentralisée et de ses acteurs, car il constitue un gageface aux risques de cloisonnements et de rivalités.

II. Développer des mécanismes d'association des professionnels de lacoopération décentralisée à l’action internationale de l’Etat :« Cela signifie, en matière de coopération, que le rôle de l’Etat sera de plus en plus de mettreen place et de soutenir les mécanismes libérateurs de créativité et d’énergie»183, d’une parten associant les collectivités territoriales à leur politique d’aide au développement(A), maiségalement en renforçant la cohérence de leurs actions, grâce à des outils de recensementet de suivi « car son appui est le meilleur outil de cohérence »184 (B).

A. Associer les collectivités territoriales à la politique d’aide publique audéveloppementDes efforts, à parfaire, ont été faits dans l’association des CT à la politique d’aide publiqueau développement, en les intégrant aussi bien en amont de sa construction que dans lesactions conduites (1) et enfin en mobilisant de plus en plus le vivier de compétences existantdans les CT, qui jusqu’à présent restait inutilisé (2)

1- L’association des CT à la politique et aux actions d’Aide Publique auDéveloppement

Le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID)185,créé par décret du 4 janvier 1998, s'est vu assigner quatre missions186 : la déterminationde la Zone de solidarité prioritaire, la définition des grandes orientations en matièrede coopération, la cohérence des priorités géographiques et sectorielles de l'aide audéveloppement sur la base d'une programmation globale annuelle, la conformité despolitiques conduites aux objectifs arrêtés. Si, le CICID rencontre de réelles difficultés àse présenter comme une véritable instance d'impulsion, il a néanmoins fixé dans le cadrede la croissance de l’aide publique au développement, les lignes directrices de l’évolutiondu dispositif de coopération. Dans la formulation de ces perspectives, il a reconnu le rôlecroissant des collectivités territoriales et de leurs acteurs dans la mise en œuvre de notrepolitique de coopération internationale. Les collectivités territoriales jouent un rôle croissantdans la coopération pour le développement. En 2003, les collectivités locales et leurs

182 NOISETTE Patrice, RACHMUHL Virginie, BARRAU Emilie, Op. Cit., p.42.183 Op. Cit. AVIS adopté par le Conseil économique et social, p.108.184 JOSSELIN Charles, Sénateur, Président de Cités Unies France, ancien Ministre Rapport Sénat- colloque sur la coopérationdécentralisée avec les régions de Russie- L'engagement des territoires et des collectivités - Comment promouvoir les coopérationsdécentralisées ? 15 février 2007185 Il s'est substitué à une autre instance interministérielle, le Comité interministériel d'aide au développement institué par leGouvernement précédent et dont les résultats s'étaient avérés décevants. La nouvelle structure se réunit sous la présidence du Premierministre, le ministre des affaires étrangères, le ministre chargé de l'économie et des finances, le ministre chargé de la coopération ainsique tous les ministres impliqués à un titre ou à un autre dans les actions de coopération (intérieur -pour ce qui concerne principalementles questions migratoires- défense, environnement, budget, outre-mer...).186 AVIS adopté par le Conseil économique et social au cours de sa séance du 28 février 2001, Op. Cit.,

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groupements ont ainsi contribué à hauteur de 41 millions d’euros à l’APD de la France.Par conséquent, l’association des collectivités territoriales dans le cadre de la Commissionnationale de la coopération décentralisée au comité stratégique et de programmation,présidé par le ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonieconstitue une avancée non négligeable. De plus, l’action des acteurs institutionnels de lacoopération décentralisée bénéficie également d’un soutien des postes diplomatiques et estintégrée dans les documents cadres de partenariat élaborés par les ambassadeurs. Cesétapes qui doivent encore être améliorées sont essentielles pour positionner les techniciensde la coopération décentralisée, ainsi que leurs élus comme de véritables partenaires ; ilconvient d’associer en vue d’une action de coopération cohérente et professionnelle.

En guise d’introduction lors du colloque sur le passage ‘’De l’assistance techniqueà l’expertise internationale : les nouveaux métiers de la coopération’’ Sylvain ITTE,Directeur Général FCI déclarait : « Nous ne pouvons pas les uns et les autres nousignorer, nous devons construire ensemble cette expertise » internationale. A l’occasionde cette intervention, il rappelait la nécessité d’associer les collectivités en matière d’AidePublique au Développement, les positionnant de fait comme des professionnels de lacoopération internationale au même titre que les Etats et les ONG. Il est d’autant plusimportant d’associer les collectivités aux actions de l’Etat, car les partenaires ne retiennentgénéralement que l’intervention de la France et pas d’une collectivité. D’où la nécessitéd’une action concertée (entre collectivités et Etat) et homogène. Pierre SCHREIBER,Conseiller sectoriel collectivités territoriales, France Coopération Internationale corroboraitcette idée lors de cette rencontre : « Notons que pour l’instant vu de l’étranger que cesoit de la coopération décentralisée ou de la coopération étatique, il n’y a pas de grandesdifférences, ce qui ressort c’est qu’il y a intervention de l’administration française ! Donc,il faut un partenariat fort entre l’Etat et les Collectivités, pour que ces dernières trouventleur légitimité d’action ». Le Ministère a tracé plusieurs pistes de réponses187 qu’il convientd’évoquer. Sur le plan sectoriel, il est proposé de passer à une politique de soutien financierqui soit plus ciblée en faveur de secteurs où les collectivités territoriales disposent decompétences et d’un savoir- faire spécifique. Cet effort s’effectuera sur la base existante descoopérations menées par le Ministère des affaires étrangères et le Ministère de l’intérieurdans leurs fonctions d’appui à la déconcentration et à la décentralisation. Le Ministère desaffaires étrangères projette également de réaliser des partenariats innovants associant lacoopération bilatérale et la coopération décentralisée dans les domaines d’excellence descollectivités territoriales (gestion des services publics de proximité : eau, déchets/gestion etplanification urbaine/services administratifs, état civil, formation professionnelle, élaborationdes schémas régionaux d’aménagement du territoire).

Par ailleurs, il semble nécessaire pour que les collectivités territoriales soient mieuxassociées à l’Aide Publique au Développement, que les structures mises en place par l’Etatsoient davantage présentes. Elles doivent dépasser leurs dysfonctionnements internes pourremplir véritablement leur rôle d’information, de conseil et de coordination des acteursde la coopération décentralisée. Des démarches ont été entreprises en ce sens par leMAE. Lors des catastrophes humanitaires et au-delà de l’urgence dans la phase post-crise, le site de la Commission Nationale pour la Coopération et le Développement (CNCD)servira de portail d’informations pratiques pour améliorer la coordination et l’efficacité del’action des collectivités territoriales. De plus, une participation efficace des collectivitésterritoriales à l’effort français de reconstruction post-crise suppose que leurs instancesreprésentatives soient largement associées au dispositif national mis en place avec les

187 Orientation pour la coopération décentralisée –Ministère des affaires étrangères- 2006 pp.7-8.

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ambassades concernées. Dans cet esprit, l’Etat expérimente avec les collectivités, pourla reconstruction au Sri Lanka, en Indonésie et en Thaïlande, une nouvelle forme departenariat en les associant au cadre général d’intervention de la France dans ces pays188.

2- Mobiliser le vivier de compétence inutilisé au sein des CTLa reconnaissance de l’action extérieure des collectivités territoriales et son organisation enprofession légitime et spécifique a longtemps soulevé (et en suscite encore) des réticencesauprès des services des affaires étrangères de l’Etat. Néanmoins, la multiplication desactions des collectivités et leur médiatisation aidant, l’Etat (au demeurant en prise avecune profonde restriction de ses effectifs de coopérants) ne cherche plus à occulter cesnouveaux acteurs. Leur légitimation en tant que professionnels passera donc, également,par leur association croissante aux actions de l’Etat, en tant que vivier d’experts mobilisable,au même titre que les experts provenant de services de l’Etat ou d’ONG. Même si,« L'Etat pour l'instant a profité aux moindres frais de cette élévation du niveau moyen decompétences présentes dans l'action internationale des collectivités locales. Son implicationdans l'accomplissement de cette professionnalisation rampante des acteurs locaux del'international (Pinson & Vion 2000) pour en faire une "ressource diplomatique" nouvellefait partie de l'actualité du redéploiement en cours de ses services et missions »189. Ilserait d’autant plus paradoxal que la France laisse dépérir un outil qui a longtemps étéle fondement de sa coopération, au moment où, la « demande » d’assistance techniqueest croissante dans les pays en développement. Ainsi, dans les nouvelles orientationspour l’APD, plusieurs pistes ont été évoquées pour mobiliser de manière effective cestechniciens de la coopération décentralisée. Le Ministère des affaires étrangères s’engagenotamment à faire appel aux compétences des collectivités territoriales dans les domainesde la gouvernance, du renforcement des capacités institutionnelles et de la décentralisation.Par ailleurs, au-delà de l’APD, l’Etat pourra associer les collectivités à ses actions enmatière d’aide humanitaire et de gestion post-crise, la loi THIOLLIERE conférant auxcollectivités la possibilité d’agir dans ce domaine. La circulaire du 13 juillet 2004 (MAE/MININTER) prévoit la possibilité pour les collectivités territoriales d'abonder le fonds deconcours géré par la Direction pour l’Aide Humanitaire (DAH) et d'insérer leurs moyenstechniques et humains dans le dispositif piloté par l'Etat, les positionnant ainsi commede réels professionnels. Mais les évolutions en cours doivent être considérablementaccélérées et amplifiées, et cela n’ira pas sans changer des structures et méthodes detravail qui les inhibent, où à tout le moins les freinent. En l’occurrence, le cadre législatifreste inadapté à un emploi effectif des compétences existantes au sein des collectivitésterritoriales. En effet, la coopération française repose sur une Loi de 1972190, qui régitles conditions dans lesquelles les fonctionnaires d’Etat sont mobilisés pour des missionsd’assistance technique. Or, cette loi ne prenait pas en compte à l’époque l’assistanceexistante au sein des CT. Une réforme législative s’avère aujourd’hui nécessaire. L’Etat amis en place quelques réponses face à ces obstacles : L’Etat proposera aux collectivitésterritoriales et à leurs représentants, aux centres de gestion de la fonction publiqueterritoriale et au CNFPT, une convention permettant l’échange ou la mise à dispositionde fonctionnaires de l’administration territoriale, auprès de certains Etats membres. Cesmises à disposition devraient être précédées d’une formation (assurée par le CEES) et

188 Loc. Cit189 ALLIES Paul, BARAIZE François et NEGRIER Emmanuel, Op. Cit., p. 53.190 Loi n° 72-659 du 13 juillet 1972, relative à la situation du personnel civil de coopération culturelle, scientifique et technique auprèsd'États étrangers.

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pourraient aussi concerner les fonctionnaires territoriaux sans affectation gérés par leCNFPT. Par ailleurs, le dispositif de mise à disposition de fonctionnaires d’Etat, pour desmotifs de coopération internationale, pourra être également étendu aux fonctionnaires descollectivités territoriales191.

Jean-Michel DEBRAT, Directeur Général Adjoint de l’Agence Française deDéveloppement expliquait lui-même la nécessité pour l’AFD de«s’adapter aux évolutionsdes Collectivités Territoriales qui sont passées du jumelage à la coopération décentralisée.Notamment en favorisant le vivier de l’expertise technique existant au sein des collectivitésterritoriales ». Les collectivités territoriales développent des pratiques d'intervention qui,dans leurs principes, se sont beaucoup rapprochées et largement améliorées : soucid'actions structurantes et d'intervention dans la durée, diagnostic partagé de situation,mobilisation d'acteurs diversifiés, responsabilisation du ou des partenaires, évaluation desinterventions. « En revanche, de nombreux obstacles demeurent pour rendre effectivel'application de tels principes, et une part importante de ces difficultés concerne la formation,la gestion et la valorisation des ressources humaines des uns comme des autres »192.

B. Renforcer la cohérence : des outils de recensement et de suiviL’ Etat est le mieux à même de renforcer la cohérence entre les coopérations décentraliséesconduites par les collectivités. Il participe ainsi à la professionnalisation du métier grâce àune source d’information mutualisée, reposant sur le recensement et le suivi de leurs actions(1), ainsi que par la mise en place de coordinations régionales et hors de France (2).

1- Comptabiliser l’effort des collectivités territoriales en matière d’APD« Force est de constater que l’absence d’un regard global sur les actions entreprises peutaboutir à ce qu’une collectivité puisse mettre en oeuvre une forme particulièrement adaptéeset réussie d’action de coopération sans avoir les moyens de bâtir sur ce succès »193. Unappui national à la coopération décentralisée est donc particulièrement utile pour plusieursraisons. Tout d’abord l’Etat peut diffuser les bonnes pratiques et les exemples réussis, afind’inciter d’autres collectivités à entreprendre des actions comparables. C’est d’ailleurs lamission que conduit déjà la CNCD qui a établi un tableau de la coopération décentraliséequi recense les opérations par types de collectivités, par pays ou domaines d'intervention.Comme il l’a été du reste suggéré dans le dernier rapport annuel (2006) du Déléguépour l’action extérieur des collectivités territoriales, cet instrument pourrait être complétépar un réseau informatique permettant une connaissance actualisée des différents projetsenvisagés et mis en oeuvre par les collectivités ( ce qui n’existe pas à l’heure actuelleavec la base de donnée existante). Le site Internet de l’Action extérieure des collectivitéslocales (AECL) et de la Commission nationale de la coopération décentralisée (CNCD),partie intégrante de celui de France Diplomatie194 est l’outil d’information privilégié surla coopération décentralisée et l’action extérieure des collectivités territoriales. Il offrede nombreuses informations sur la coopération décentralisée, l’action extérieure descollectivités territoriales, les cofinancements, les outils et les méthodes ainsi qu’une base dedonnées recensant les partenariats de coopération décentralisée et les actions extérieures

191 HCCI- Colloque, Quelles ressources humaines pour quelle coopération ?, 25 juin 2002192 Loc. Cit.

193 HUNAULT Michel, Op.Cit., p.39.194 Source :http://www.diplomatie.gouv.fr/cncd

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des collectivités territoriales françaises. Il s’agit par ailleurs de tirer les leçons des succèsde coopérations comparables et de généraliser les méthodes utilisées auprès d’autrescollectivités. Les évaluations très souvent établies par les collectivités pour leur projetde coopération, (notamment lorsqu’elles ont des partenaires financiers, qui en formulentl’exigence tels que le MAE, l’UE, ou à moindre échelle d’autres collectivités) constituentune masse d’informations qui doit être exploitée de manière plus pertinente afin de fairepasser la coopération décentralisée d'une action qui est une compilation, de plus en plusdense, de projets réussis, mais épars, vers une politique d'ensemble, discutée au sein dela Commission nationale de la coopération décentralisée. De plus, concernant la CNCD, unbureau permanent va être créé pour aider les collectivités à se doter d’outils afin de mettreen œuvre leurs programmes, éviter les doublons et inscrire leurs actions dans le droit fil dela politique nationale.

Outre le recensement des actions conduites, comptabiliser l’effort des collectivitésterritoriales en matière d’aide au développement représente une autre outil decohérence.Elle s’opère désormais sur la base d’une enquête annuelle lancée auprèsdes grandes collectivités françaises sur la base d’une circulaire du ministère des affairesétrangères et de l’intérieur. Pour la première fois pour 2003 et pour 2004 grâce à cettecollecte, la France a été en mesure

de comptabiliser la contribution des collectivités territoriales. Un montant de 38 millionsd’euros a été ainsi notifié en 2003 démontrant l’importance des collectivités françaises dansl’aide publique au développement de la France. Il a atteint 46 millions en 2004. Il s’agitd’un premier inventaire partiel de l’effort des collectivités. Les estimations complémentairesnous laissent supposer une contribution globale proche de 100 millions d’euros. Cettecomptabilisation permet de donner une visibilité exacte de ce qu représente aujourd’huil’implication des collectivités et de leurs acteurs dans la coopération internationale. Au vudes sommes engagées, nous sommes loin des jumelages dilettants du début. Reste àmédiatiser davantage ces chiffres, pour que l’opinion politique et citoyenne prennent lamesure de cette évolution, ainsi que de la professionnalisation qui se conduit dans cedomaine au sein des collectivités. Pour les années à venir, le souhait est de pouvoir renforcerle partenariat avec les collectivités afin d’améliorer la collecte de ces informations.

En conclusion, l’Etat se dote peu à peu de nouveaux instruments pour mieux connaîtreet coordonner les actions menées par les collectivités locales à l’international, maisil cherche aussi à mieux les encadrer et les accompagner dans leur processus deprofessionnalisation, sans pour autant remettre en question le statut libéral issu des lois de1992 et 1995.

2- Renforcer les coordinations régionales et hors de FranceCette diversité et la reconnaissance encore insuffisante des acteurs de la coopérationdécentralisée font que ces actions ne sont pas encore stabilisées, et sont toujours à larecherche de cohérence et d’efficience. D’où, le soutien apporté par l’Etat aux coordinationsrégionales (échelon pertinent pour mutualiser, diffuser les expériences et les pratiques),ainsi qu’aux ambassades qui auront un rôle croissant à jouer dans ce processus deprofessionnalisation des techniciens et de qualification des élus. Le ministère de Affairesétrangères soutient les initiatives nées en région dont l’objet est de réunir régulièrement et deconstituer en réseau l’ensemble des partenaires d’un territoire régional français ayant uneaction internationale (régions, départements, villes, groupements mais aussi universités,associations de solidarité internationale…). De plus en plus, des structures régionales

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organisent un rendez-vous annuel de la coopération internationale (ex : Pays de la Loire,Champagne-Ardenne, Centre, Aquitaine…).

Par ailleurs, les ambassades s’affirment comme le meilleur outil de coordination entrel’action bilatérale voire multilatérale et celle menée par les collectivités territoriales. LeMinistère des affaires étrangères a rappelé à plusieurs reprises l’importance qu’il accordaità ce que les ambassades soient attentives aux déplacements et aux projets des exécutifslocaux. Les sites de ces ambassades sont de plus en plus nombreux à faire une place àl’état des lieux de cette coopération. De plus, dans les pays où l’action internationale descollectivités locales a atteint une taille significative, des séminaires, rencontres, formations,sont également organisés de plus en plus souvent. L’exemple du FSP Maroc élaboré àl’ambassade de France au Maroc en faveur de la déconcentration et de la décentralisationavec un volet de soutien à l’action des collectivités locales françaises témoigne de cettevolonté d’inscrire la coopération décentralisée dans un cadre qui offre plus d’efficacité etplus de lisibilité.

La mutualisation des projets de coopération et des compétences est sans aucun douteune étape essentielle que doivent franchir les professionnels de la coopération pour faireévoluer leur métier vers de nouvelles pratiques, restant ainsi conforme à l’histoire factuellede leur cœur de métier. Cette capitalisation s’avère d’autant plus nécessaire pour affirmer lalégitimité de la place occupée par ces défendeurs d’un développement territorialisé au côtédes autres acteurs de la coopération internationale. Reste que cette professionnalisationne pourra s’achever sans conquérir la reconnaissance dont elle a besoin au sein descollectivités territoriales, ainsi qu’auprès des citoyens.

Section 2 : Sensibiliser la collectivité administrative et humaine, gaged’un métier ancré dans la collectivité

Les professionnels de la coopération font de la poursuite de fondements légitimes à leuraction, une condition primordiale à l’achèvement de leur processus de professionnalisation.Sans la reconnaissance de leur pairs et des citoyens, leur action n’a pas de sens. Cequi continue aujourd’hui à fragiliser la professionnalisation des services de coopérationdécentralisée et de leurs acteurs réside dans la fragilité, voir l’inexistence de la transversalitéde leurs actions au sein de la collectivité administrative (I) ; l’implication et la reconnaissancedes services et des élus restant à conquérir dans la majorité des cas. En outre, laméconnaissance de leurs actions par les citoyens, fait souffrir ces projets de coopérationd’un déficit démocratique (II).

I. Favoriser la transversalité de l’action internationale au sein des CTUn frein persistant à la professionnalisation de ces acteurs réside dans la fragilité oul’inexistence de transversalité de leurs actions au sein de la collectivité. Autrement dit, lareconnaissance et le sens de leur action étant peu visible pour la majorité des élus et desservices, ces derniers demeurent réticents à toute implication dans ces actions. Or, le propred’un service de coopération décentralisée est de ne pouvoir fonctionner en vase clôt, il abesoin du soutien politique des autres élus et de l’expertise des autres services, d’où lanécessité de vaincre les réticences des un (A) et des autres (B).

A. Vaincre les réticences des élus :

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Il est essentiel dans le domaine de la coopération décentralisée de redonner vie à la relationentre l’élu local et le technicien. Comme il l’a été expliqué précédemment, le service decoopération décentralisée est éminemment politique, il a donc besoin du soutien de lamajorité des élus pour légitimer l’action de ses techniciens. Cependant, pour vaincre lesréticences des élus face à ce domaine d’intervention, il faut leur rendre visible le sens deces actions, d’une part en les sensibilisant sur l’impact local de la coopération décentraliséepour leur collectivité (1), et en réunissant, d’autre part, les techniciens et les élus autour deprincipes de travail identiques (2) ; les élus conservant souvent une approche paternalistede la coopération décentralisée.

1- Rendre visible l’impact local de la coopération décentraliséeL’impact local de la coopération décentralisée reste souvent invisible pour les élus. Ils necomprennent pas toujours l’intérêt de telles actions pour leur territoire et leurs citoyens. Unélu en charge du jumelage et de la coopération décentralisée dans une petite ville ressentla réticence de ses pairs. « Sur 33 élus, 6 s’intéressent réellement à nos actions, pour lesautres ils ne voient pas l’impact local de ce type d’action ». Les techniciens et les élus de cedomaine doivent donc se battre au sein même de leur collectivité pour exister en tant queservice légitime conduisant des activités professionnelles. Néanmoins, il s’avère difficile decombattre l’image peu sérieuse que conserve nombre d’élus sur ce type d’action. Un chargéde mission d’une ville où le service est mal implanté et peu reconnu signale : « Les relationsinternationales pour les élus de notre ville ce n’est pas une priorité, par conséquent, il n’ya pas vraiment d’engagement des élus pour développer ces projets. Donc à partir de là onn’a pas le budget, ni la volonté politique pour s’engager auprès d’une collectivité étrangère.Pour eux c’est trop compliqué ». Ces techniciens sont très souvent force de proposition etde persuasion, pour convaincre les élus de l’intérêt des projets qu’ils leur proposent. Lemême technicien, précédemment cité ajoute : « J’aurais souhaité un engagement plus fortdes élus en général. Mais, on se rend compte que même si certains élus sont convaincusdu bien-fondé de ces actions, nombre d’élus font encore blocage ». Les blocages politiquesdemeurent particulièrement forts dans ce domaine, essentiellement pour deux raisons. Lapremière est la peur de mécontenter l’électeur. « Il y a des actions internationales qu’ilsne veulent pas développer, car ils disent ne pas avoir la vision de cet impact local, ils ontpeur de s’entendre dire : ‘’regardez tout l’argent que vous dépensez ailleurs, alors que nouson en a besoin pour les infrastructures de notre ville. Leur priorité, c’est de répondre auxpriorités de leurs électeurs ». Or, selon ce cadre, ce que les élus ne parviennent pas encoreà saisir c’est que « les habitants (certes) ont besoin de routes, de bâtiments, (mais) ilsont aussi besoin d’ouverture et le problème c’est que l’impact (des actions de coopérationdécentralisée) n’est pas mesurable et surtout n’est pas mesurable sur le court terme parrapport aux échéances du calendrier électoral ». La méconnaissance de ces actions estla deuxième raison qui explique la crainte des élus. La peur de décevoir l’électeur et leurignorance sont deux éléments qui freinent une véritable professionnalisation des acteursdu domaine, car ils ne leur donnent pas toujours la possibilité d’évoluer dans leurs actions,ni de les faire connaître et légitimer. « Les ¾ des relations internationales de la ville sontde la coopération décentralisée, mais pour rassurer certains élus, on emploie le terme dejumelage. Le jumelage c’est un mot derrière lequel on peut se protéger, car on peut nerien faire. De plus, avec les jumelages, on a l’impression que les habitants sont associésau premier chef, alors que la coopération décentralisée est interprétée par certains commel’emploi de l’argent du contribuable pour faire autre chose qui ne lui bénéficiera pas ». « Ily a un déficit énorme de communication, a vouloir conserver cette appellation de jumelage,

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on n’est pas pris au sérieux. Il y a beaucoup d’élus qui ne prennent pas ça au sérieux. Onreste un luxe dans une collectivité ».

Cette réticence des élus est visible dans la jurisprudence, puisque certains n’hésitentpas à faire des recours. Un jugement du tribunal administratif de Poitiers, rendu sur larequête d’un élu du front national, a censuré les actions menées par le département desDeux-Sèvres à Madagascar et au Burkina-Faso195. Cette censure se fondait sur l’absenced’intérêt local en France de telles actions. Ce jugement qui n’est pas isolé car on retrouvedes décisions similaires rendues par les tribunaux administratifs196 a provoqué une viveinquiétude dans le monde de la coopération décentralisée. Il est certes admis que les CTne constituent pas nécessairement la limite de l’intérêt des collectivités. Mais lorsque l’objetde l’action financée se déploie à l’extérieure du territoire de la collectivité, le juge recherchetoujours un lien entre l’objet de la subvention et la population locale197. « Pour ces tribunaux,l’intérêt local se mesure à l’aune de l’existence de retombées concrètes pour la populationlocale (en France) »198. Dans ces conditions la preuve est difficile à apporter que les actionsde coopération décentralisée, notamment d’aide au développement, présentent un intérêtdirect pour la population locale en France. Ainsi, l’affirmation du conseil général des Deux-Sèvres selon lequel la coopération engagée avec les pompiers de Madagascar constitue« un outil de management très efficace vis-à-vis du personnel, notamment parce qu’il permetaux pompiers du département de relativiser les difficultés qu’ils peuvent rencontrer » n’ontpas convaincu certains élus, ni du reste les juges poitevins. Par conséquent, travailler surla visibilité de l’impact local de la coopération décentralisée, est essentiel pour légitimer lesactions des techniciens et des élus du domaine auprès de l’ensemble des élus. Un travailde sensibilisation des élus de l’ensemble de la collectivité doit être conduit. Pour ce faire,il s’agit de mettre en place sur ce thème des actions d’information et de lobbying vers lesélus locaux. Néanmoins, il ne faut pas négliger l’auteur du relais de l’information qui estessentiel. En effet, pour parler aux élus, rien de mieux que d’autres élus qui sont plus àmême de se faire comprendre. Il conviendrait alors de diffuser l’information sur l’impact localde la coopération décentralisée au sein de structures comme CUF (Cités Unies France)qui réunit tous les élus, l’AMF (Association des Maires de France), l’ADF (Associationdes Départements de France) ou encore l’ARF (Association des Régions de France). Deplus, la mise en œuvre d’un argumentaire diffusé auprès de l’ensemble des collectivitésterritoriales serait une démarche novatrice. Cette plaquette pourrait être élaborée par laCNCD en concertation avec les associations d’élus et de techniciens de la coopérationdécentralisée (tel que l’ARRICOD). Il s’agirait de rechercher des expériences, des projetspilotes de coopération décentralisée qui ont eu un impact intéressant pour des collectivitéset de le diffuser largement auprès des élus et de leurs associations. Cet impact pouvantêtre présenté sous son aspect économique (mise en place d’échanges avec un pays, suiteà une convention de coopération décentralisée), social (avec l’implication d’association demigrants, ou de populations fragilisées dans les projets), culturel, etc.

Une fois les élus de l’ensemble de la collectivité sensibilisés de l’intérêt de ces actionspour leur territoire, une deuxième étape doit être franchie. En effet, les élus, y compris ceuxen charge du jumelage et/ ou de la coopération décentralisée doivent être informés du sens

195 TA Poitiers 18 novembre 2004, Charbonneau, AJDA -note Y. GOUNIN 2005, p .486.196 TA Cergy-Pontoise 25 novembre 2004, Préfet de la Seine- Saint- Denis, n°0203571197 CE. Sect. 6 mars 1981, Association de défense des habitants du quartier de Chèvre –morte et autres, Lebon p .125 ; DR

public, p.1695. note J-M Auby198 GOUNIN, Yves, Op. Cit., pp.1713-1717.

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des actions conduites par les techniciens, de manière à ce que le sens des actions decoopération ne soit pas dénaturé et demeure cohérent.

2- Réunir les cadres et les élus autour de principes de travail identiquesCertains élus y compris dans les collectivités où les actions de coopération décentraliséesont importantes conservent bien souvent une vision paternaliste des actions de coopérationqui sont conduites. Or, cette perception ne concorde généralement pas avec le sens desactions des techniciens. Il est important de remettre en phase ces deux approches dansl’optique de donner toute leur cohérence aux actions de coopération décentralisée. Lesélus et les cadres en charge de la coopération décentralisée doivent être réunis autourde principes de travail identiques. Ainsi une Responsable des Relations Internationales,au sein d’une ville moyenne indique « Ca n’a pas été facile de faire comprendre auxélus qu’il n’y avait plus forcément d’utilité à ce qu’ils se déplacent lors des échanges, ilsont eu du mal à accepter qu’il y ait seulement des déplacements de techniciens ». Laresponsable précise : « Ce qui leur fait peur, c’est qu’en coopération décentralisée, ils nepeuvent plus tout gérer, car on va davantage sur des considérations techniques et moinssur du protocolaire ».La professionnalisation du métier des cadres pose le problème de lacompétence des élus. Il y a un réel problème d’outillage des élus locaux sur cette question.Il est nécessaire de les informer, mais aussi de les former sur la conduite des projetsde coopération décentralisée (leur sens, leur déroulement…). Néanmoins, on constate, etc’est là où la difficulté demeure, que les formations en coopération décentralisée ciblantles élus sont souvent vides ; les élus dans leur grande majorité ne mettent pas à profitles 6 jours de formations annuelles auxquelles ils ont droit. Les agences de formation encoopération décentralisée doivent annuler plus de la moitié de leur formation, alors mêmeque la demande de formation formulée par les cadres pour leurs élus référents reste forte(comme l’a révélé l’ensemble des entretiens199) ! Sans doute le travail portant sur l’impactlocal de la coopération décentralisée est un préalable qui donnera aux élus l’intérêt de suivredes formations.

Ces formations sont essentielles, car il revient à l’élu de porter avec convictionsles principes et les méthodes de travail de son technicien, au sein de la collectivité.En effet, une fois la bonne articulation atteinte entre l’élu et le technicien en chargede la coopération décentralisée, il revient à l’élu d’instiller la transversalité des relationsinternationales à l’ensemble de la collectivité. Selon Pierre MALVAUD Responsable desRelations Internationales à la Ville d’Issy- Les- Moulineaux: « Les relations internationalesc’est une des activités transversale les plus évidente, c’est un cercle vertueux et ça devientévident pour les élus, qu’il y a un intérêt à mobiliser leur service sur ce type d’action ».Si aujourd’hui très peu de collectivités parviennent encore à ce stade, c’est un but verslequel elles doivent tendre, car les techniciens en charge de la coopération décentraliséese professionnalisa, comme nous l’avons déjà évoqué à travers l’échange, dans le contactaux autres services, ils ne peuvent fonctionner en autarcie. Depuis la création en 2001 de laDirection des Relations Internationales à la Ville d’Issy- Les- Moulineaux, a été mis en placeen parallèle, un comité de pilotage inter- service qui se réunit ainsi une fois par trimestre.De manière à ce que les différents services, impliqués dans les projets de coopération,participent au suivi des projets. « L’idée, c’est de travailler ensemble, et ensuite d’arriverà fédérer les énergies ». Cependant, un tel fonctionnement ne peut émerger sans volontépolitique forte derrière. Une fois la réticence des élus vaincus, c’est donc à eux d’apporterla légitimité qu’il manque aux techniciens de la coopération décentralisée. Ils doivent à leur

199 Cf Partie I- Chapitre II- Section 2- I-B-2

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tour relayer le sens et l’intérêt pour l’ensemble de la collectivité, mais également pour lesservices de s’impliquer dans ces projets.

B. Vaincre les réticences des servicesIl ne suffit pas de vaincre la réticence des élus pour positionner les acteurs de la coopérationdécentralisée comme un service de professionnels à part entière. Ces derniers doiventégalement combattre la méfiance de leurs pairs des autres services, qui estiment souventpeu légitime leur place dans l’organigramme. Un travail d’association des autres servicesaux projets de coopération décentralisée doit être conduit, même si l’on constate que cetteimplication reste variable et difficile, lorsqu’elles ne sont pas portées par la direction générale(1). La nécessité se fait alors d’informer les services sur l’apport que représentent de tellesactions pour leurs fonctionnaires et leurs services (2).

1- Une implication variable et difficile des autres services de la collectivitéLa transversalité des actions de coopération décentralisée au sein des collectivités existeencore rarement. Comme l’indique un chargé de mission les blocages des mentalités etorganisationnels subsistent, «car cela implique de travailler différemment, de s’ouvrir, d’avoirun nouveau regard, il y a forcément des réticences de la part des autres agents. Il y a aussides jalousies des autres directions, car ils ne savent pas trop ce qu’on y fait, en même tempsils assimilent nos déplacements à l’étranger à des vacances, il faudrait un changement desmentalités ». « Il est clair que l'accompagnement de dynamiques à l'international va de pairavec des postures administratives favorables à une réorganisation du travail basée sur denouvelles missions et techniques de management »200. Il est aussi clair que l'activité dansce domaine, tournée vers les déplacements et voyages fréquents à l'étranger est difficile à"vendre" aussi bien dans la communauté des agents territoriaux que chez les élus quantils ne sont pas eux-mêmes clairement engagés dans cette direction. Sur la perception dela coopération décentralisée par les autres services, une autre responsable précise qu’« ily a des personnes qui sont plus ou moins sensibles aux actions qu’ (ils) mènent, mais onest loin d’être arrivé au but, il y a des gens qui ont encore trop la tête dans le guidon etne s’y intéressent pas. Pour les autres services, je reste souvent celle avec ses valises,les gens ne se rendent pas compte, mais il y a un déclic à partir du moment où on lesassocie ». En réalité, la perception que les autres services ont des actions engagées parles techniciens de la coopération décentralisée varie en fonction de l’implication de cesservices. Plus les services sont impliqués, moins il y a d’ignorance, et plus les techniciensde la coopération décentralisée seront reconnus comme des professionnels à part entièreau sein de la collectivité. Il y a souvent deux cas de figure, comme l’illustre les propostenus lors d’un entretien. « Certains services, notamment quelques services techniquessont nos partenaires avec qui nous réalisons des actions sur le terrain ». Par contre, « descollègues d'autres services nous considèrent encore avec envie car ils nous imaginentcomme une agence de voyage au service des élus qui ont envie d'aller se promener àl'étranger. Ceux-là sont réellement surpris lorsque je leur dit que je ne me suis rendue qu'uneou deux fois dans tel ou tel pays, voire pas du tout car je considère que c'est à la personne encharge du dossier de se rendre sur place pour assurer le suivi d'une action de coopérationdécentralisée ». Pour créer une transversalité des questions internationales au sein descollectivités, et dépasser le cloisonnement entre les services, il est nécessaire de l’inscriredans le plan de charge de la direction générale des services, pour cela, il faut d’une partune volonté politique, mais il faut également que la collectivité sache valoriser, pour elle,

200 NEGRIER, Emmanuel et VION Antoine Op. Cit., p.13.

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PARTE II : Les perspectives d’évolution de la professionnalisation de la coopération décentralisée

Lucile Denechaud - 2007 97

ainsi que pour ses fonctionnaires leur mise à disposition à l’étranger. Nous pourrions mêmealler plus loin, comme Paulo PAIS201 le suggérait lors du colloque du HCCI (De l’assistancetechnique à l’expertise internationale : les nouveaux métiers de la coopération), « pouramener les services techniques à s’ouvrir à l’international, cela doit se faire au niveau del’embauche, donc c’est un élément qui doit intégrer la politique des ressources humaines ».

Les situations varient selon les collectivités, mais restent indépendantes de leur taille.La chargé de mission auprès du cabinet du maire de Vauréal (petite ville), Stéphanie BURGindique que « du point de vue des fonctionnaires aussi l’implication est forte […] C’esttrès transversal, on essaie au maximum de faire participer nos services ». Au sein de laCommunauté d’agglomération de Cergy Pontoise le service des relations internationalesfait parfois des interventions en comité de direction pour informer les autres services de leuractivité. Enfin, le Directeur Général de la mairie de Maurepas signale que leur « équipe esttrès investie dans ce projet, les gens sont volontaires. Depuis quelques années même, onloge les élus et fonctionnaires de Mopti en stage à Maurepas directement chez nous ! » .Sont ainsi mobilisés sur les projets: le service des sports, le service urbanisme, informatique,technique et jeunesse. La perspectives étant de mobiliser une dizaine de service au total.

Néanmoins, il convient de garder un certain recul face à ces avancées, car même si leservice de coopération décentralisée est porté politiquement, les clivages entre ce serviceet le reste de la collectivité peut demeurer comme nous l’indique un chargé de mission.« Comme les relations internationales ne sont pas un domaine de compétences obligatoires,tout le monde n’est pas convaincu de l’intérêt de cette action pour la collectivité, c’est uneville très politique où le cabinet du Maire est très présent, donc en étant auprès du maire,cela créait inévitablement un clivage avec l’administratif ».

L’implication des services demeure donc en partie dans le travail effectué par lepolitique, mais elle nécessite une information, voir une formation de certains servicespour faire évoluer leur perception des techniciens et élus en charge de la coopérationdécentralisée.

2- Un besoin d’information et de formationIl convient de dépasser la situation dans laquelle se trouvent de nombreuses collectivités,comme l’expliquait un chargé de mission, issu d’une intercommunalité :« Le problèmede la coopération décentralisée, c’est qu’on est souvent considéré comme un serviceautonome, un électron libre, alors que pour moi la coopération décentralisée me paraîtêtre extrêmement transversale, c’est un élément structurant dans une collectivité, c’estun élément de motivation, de cohésion ». Jean-François MANGELAIRE le regrette enestimant que «ça pourrait être un élément motivant » qui « pourrait renforcer la positionde la coopération décentralisée dans la collectivité ». Comment dépasser ces blocages ?L’information et la formation restent des vecteurs essentiels pour faire évoluer les mentalités.La direction générale et le service des ressources humaines, les premiers, doivent êtreinformés et formés sur le formidable outil de management que constitue la coopérationdécentralisée.

Ainsi, en faisant de celle-ci un facteur de motivation et de cohésion au sein des servicesde la collectivité, la légitimité de ce service et de ses acteurs ne sera plus à faire. Laplace des cadres en charge de la coopération décentralisée comme professionnel au seinde la collectivité sera dés lors acquise. C’est d’ailleurs ce que confirme une responsablede la coopération et des relations internationales:« le côté intéressant pour la collectivité,

201 Directeur des Relations Internationales de la Communauté Urbaine de Lille- Métropole

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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c’est que ce genre d’expérience oblige à remettre en cause les lourdeurs administrativeset que les collègues sont dérangés dans ce qui leur semble immuable. Mais pour l’instantaucune direction ne s’en ait saisi comme axe de management, alors que ça a vraimentune valeur pédagogique ». «Les pratiques de coopération décentralisée, en ce qu'ellesvalorisent les formes de travail les plus professionnelles, deviennent ainsi un vecteur deprofessionnalisation, en élargissant les champs d'expériences et en faisant de l'internationalun critère de professionnalisme »202. Les responsables des services de coopération insistentsur le fait que les missions de coopération décentralisée constituent avant tout pour lescadres dirigeants un moyen de faire valoir leurs compétences scientifiques et techniques,et leurs qualités personnelles. Les qualités de l’individu, nécessaires à des échangesinterculturels, sont autant valorisées que les compétences techniques, car dans ce domaine, « l'attention portée aux valeurs et aux comportements des individus fait partie des bilansplus informels qui sont tirés dans les administrations , et qui donnent des indicationssur les qualités individuelles des cadres, leur capacité à sortir d'un mode d'organisationhiérarchique »203.

Un travail d’information et de sensibilisation sur ce qu’est la coopération décentraliséeet sur les acteurs qui la conduise au sein de la collectivité devra préalablement être faitavant de pouvoir impliquer les autres services dans ces projets. Ainsi, de nombreux servicess’associent ponctuellement aux projets de coopération décentralisée de la communautéd’agglomération de Cergy-Pontoise: le service assainissement, eau potable, espace vert, leconservatoire , communication, les services généraux, les services préventions et sécurité,la bibliothèque, le département de la maîtrise d’ouvrage, le service financier. Un chargéde mission reconnaît que les autre services « sont sensibles à (leurs) actions », il émetnéanmoins des réserves « sur leur compréhension de la méthode, et des principes(notamment la réciprocité) qui guident leurs actions de coopération décentralisée ». Untravail d’information et de sensibilisation doit être fait (et du reste est déjà conduit danscertaines collectivités) pour dépasser une vision très paternaliste et d’assistanat quidemeure encore chez certains agents.

Le travail de sensibilisation des autres services aux thématiques de coopérationinternationale est une tâche de longue haleine, comme semble l’indiquer un chargé demission : «il y a du monde encore qui croit qu’on s’amuse, qui se demande ce qu’on fait.Mais on gagne de plus en plus sur ce terrain ». Si de telles actions ne sont pas portées ausein même de la collectivité par les élus et les services, elles auront du mal à être assimiléespar la population. Une légitimité professionnelle sera d’autant plus difficile à obtenir pour lescadres de la coopération décentralisée si leurs actions n’ont pas d’assise citoyenne.

II. Développer l’assise citoyenne de la coopération décentraliséeAprès l’intégration progressive dans les politiques de développement nationales etinternationales, ainsi que la reconnaissance de leur pairs au sein de la collectivité,une dernière étape reste à travailler pour permettre aux techniciens de la coopérationdécentralisée de se positionner, avec leur élus, comme un service professionnel :l’acquisition d’une légitimité auprès de leur citoyen. En effet, le domaine reste encorelargement méconnu (A), or le travail essentiel de sensibilisation et d’information demeuretrop peu développé (B).

202 NEGRIER, Emmanuel et VION Antoine Op. Cit., p.13.203 NEGRIER Emmanuel et VION Antoine Op. Cit., p.13.

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PARTE II : Les perspectives d’évolution de la professionnalisation de la coopération décentralisée

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A. La coopération décentralisée, un domaine d’action des CT méconnu parles citoyens :L’incompréhension des citoyens face à l’engagement de leur collectivité dans de tellesactions peut constituer un frein à l’action du service de coopération décentralisée et àses acteurs (1). De même, une approche communautaire des actions de coopérationreste un sujet délicat pouvant déstabiliser les acteurs institutionnels de la coopérationdécentralisée(2).

1- Le désintérêt et l’incompréhension face aux actions menées : le métier endangerUne collectivité territoriale vit au rythme de son territoire, et de sa population. De fait,lorsque les citoyens ne sont pas informés de l’utilité pour leur territoire de s’impliquerdans des actions à l’étranger, des mouvements de protestations risquent d’émerger. Lesélus, soucieux de ne pas créer de discordes entre les attentes de la population et lesactions conduites par la collectivité, pourraient être tentés face à des oppositions de réduirel’ampleur des projets de coopération décentralisée et par la même occasion l’étendued’action des techniciens du domaine. D’où, l’intérêt comme il a été évoqué d’informer etde former les élus à porter ce type de projet, le corollaire indispensable étant de menerparallèlement des actions de sensibilisation de la population. On peut s’interroger sur lafaiblesse de communication dans ce domaine. Au delà d’obstacles financiers, qui demeurentl’explication principale, il semble que les collectivités ne souhaitent pas nécessairementcommuniquer sur certaines de ces opérations. Effectivement, comment valoriser auprèsde ses électeurs des l’engagement des deniers publics dans des programmes parfoiscoûteux à l’étranger, quand les préoccupations des administrés sont tout autres ? Unresponsable des relations internationales d’une ville moyenne tient des propos asseztranchés à ce sujet :« Il y a des campagnes de communication à travers le journallocal, mais est-ce que les habitants sont sensibilisés, je ne sais pas, cette populationest très dure, ils se soucient plus de savoir s’ils auront bientôt une piscine ! » Demême que le HCCI avait dressé au cours de son deuxième mandat (2003-2005), larecommandation au gouvernement de mettre au point une stratégie de sensibilisation del'opinion publique à la coopération au développement face à l'importance du budget del'aide au développement204, les collectivités, face à la croissance régulière (sauf exception)des sommes engagées, doivent conduire le même travail pour légitimer leurs actions etcelles de leurs professionnels. Il convient de mener un travail identique à celui conduit ausein de la collectivité administrative, en l’occurrence informer la population de l’apport etdes conséquences de telles actions dans leur quotidien. Si la coopération décentraliséeexploite naturellement les pôles d’excellence des collectivités locales, elle est aussi unpuissant levier de coopération économique, sociale et culturelle par le rassemblement desinitiatives des acteurs locaux français qu’elle soutient (hôpitaux, établissements scolaires,associations, PME parfois…) ce qui constitue simultanément un moyen d’intéressementéminent de la population française à la coopération internationale. Impliquer la populationdans ces actions est par ailleurs devenu possible avec la loi du 9 février 2005, permettantaux

collectivités territoriales de financer les actions de solidarité sur les budgets spécifiquesde l’eau et de l’assainissement, à hauteur de 1 % de ceux-ci. Or, ces budgets sont alimentéspar une redevance acquittée sur la facture d’eau des usagers. Par ce dispositif innovant,

204 Plus de huit milliards d'euros, et la volonté de l'accroître progressivement pour atteindre 0,7% du PIB en 2012

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

100 Lucile Denechaud - 2007

il peut donc se créer une solidarité par laquelle l’usagerfrançais de l’eau finance l’accès àl’eau des habitants du Sud. Il est vital pour le métier de la coopération décentralisée dejustifier ses actions et l’emploi des deniers publics pour éviter la méfiance des citoyens surl’intérêt de telles missions.

2- Une participation communautariste au projet de CD : le métier menacéLes cadres et les élus devront veiller à un autre écueil, celui d’une approchecommunautariste de la coopération décentralisée, qui peut être source d’instabilité pourleur métier. Leurs coopérations touchent parfois des communautés qui s’opposent dansd’autres partie du monde, les personnes en charge des projets au sein de la collectivitédoivent donc contrôler qu’ils ne soient pas de par leurs actions à l’origine de tensions, oud’incompréhensions qui risqueraient de les déstabiliser en tant qu’acteurs légitimes au seinde la collectivité. Néanmoins, cela ne doit pas au contraire les empêcher de développer descoopérations avec des communautés issues de zone en conflits. On sent néanmoins, lafrilosité de certains élus sur ces questions. Dans une ville moyenne, suite à un changementde majorité politique au dernières élections, les projets lancés à Ramallah n’ont pas étépoursuivis. Le chargé de mission explique cette interruption par « leur méconnaissancedes projets, mais également par leur frilosité de s’investir au côté d’une ville au climatpolitique et géopolitique aussi tendu ».« Sur notre ville, il y a une forte communauté juiveet une forte population maghrébine , les élus n’avaient pas envie de prendre parti dans cesproblématiques là » . Il faut combler le déficit démocratique de la coopération décentralisée,sans tomber dans des approches communautaires. Il est important que l’ensemble descitoyens soient sensibiliser à ces projets, de manière à ce que la reconnaissance dontbénéficieront les cadres et élus en charge de la coopération décentralisée ne soit pas lereflet d’une identité spécifique, mise à part celle de citoyens appartenant à un territoire.Un responsable des relations internationales au sein d’une ville moyenne regrette ainsi« l’intérêt sectorisé et communautaire qui est porté à chaque jumelage ». A titre d’exemple,il remarque que trop souvent la communauté portugaise ne s’intéressera pas au jumelageconclu avec Israël et vice-versa. La collectivité territoriale peut jouer un rôle d’animateur,de pédagogue, d’ensemblier… vis-à-vis des acteurs du territoire intéressés par l’actioninternationale. Nantes par exemple valorise l’expertise disponible au sein de son territoire(universités, hôpitaux, associations de migrants…), promeut des actions internationalespermettant de mobiliser des jeunes, met en place des ateliers réunissant tous les acteurs duterritoire pour initier et animer des actions de coopération. Au Département de l’Essonne,chaque investissement dans le cadre de sa coopération décentralisée doit engendrer despartenariats issus de la « société civile », afin de mobiliser le plus d’acteurs possibles. Ainsi,l’encouragement de la participation prôné dans les pays du sud peut être un bon vecteurpour, simultanément, approfondir le fonctionnement démocratique dans les collectivités dunord. Développer une participation des citoyens au delà de leurs appartenances ethniques,culturelles ou religieuses et ainsi favoriser l’intérêt et la démocratie locale est une assisefondamentale pour le travail conduit par les cadres et les élus désignés à la coopérationdécentralisée.

L’éducation au développement est central dans le processus de professionnalisation dumétier de la coopération décentralisée au sein des collectivités. En effet, si les citoyens sontsensibilisés sur de telles questions, ils défendront l’intérêt de la conduite de telles actions,légitimant de fait le travail des cadres et des élus du domaine. Cette reconnaissance serainévitablement actée et portée à leur tour par les élus de la collectivité.

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PARTE II : Les perspectives d’évolution de la professionnalisation de la coopération décentralisée

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B. Développer les actions d’éducation au développement205

Pour combattre la méconnaissance et parfois la méfiance des citoyens à l’égard d’actionsde coopération décentralisée, les actions d’éducation au développement doivent s’inscriredans la durée (1) et mutualiser les moyens humains et financiers des collectivités, de l’Etatet des ONG pour promouvoir les actions de solidarité au delà d’un territoire (2).

1- Dépasser des actions en pointillée«La crédibilité et la légitimité de la coopération pourraient aller de l’avant et même trouverun nouveau souffle si la population comprenait les enjeux d’un tel choix »206.Les actionsde sensibilisation sont souvent conduites à travers les mêmes vecteurs au sein descollectivités : journal local, conférences, débats, échanges de jeunes et actions ponctuellesautour de grandes manifestations telle que la Semaine de la solidarité internationale207. Pourne citer que quelques exemples, la Communauté d’Agglomération d’Evry Centre Essonnecherche à contribuer au développement d’une attitude participative et citoyenne despopulations et à améliorer leur connaissance de son action de coopération avec Kayes(Mali). Cela se traduit notamment par des actions réalisées en relations étroites avec lesstructures socio-éducatives et les partenaires associatifs. « On n’était pas connu et malimplanté dans ce domaine, d’où l’importance du travail avec des écoles, et des artistes ».De nombreux événements ont été organisés, notamment à l’occasion de la Semaine de laSolidarité Internationale". Des projets d’échanges entre structures de l'Agglomérationsont réalisés chaque année : correspondance scolaire, chantiers de jeunes, formation,etc. La solidarité avec Kayes est aussi initiée et portée par les citoyens. Enfin, laCommunauté d’agglomération, en plus d’un site internet, édite depuis 2001 une revue : L’ « Agglo Coopération »208, pour pallier au déficit de communication en matière de coopérationdécentralisée. « Néanmoins, l’impact est hyper complexe à mesurer». Les chargés demissions et les responsables des relations internationales accordent une priorité à « l’impactlocal des projets », car, nous signale Mélanie THOMAS de la Ville de Saint-Denis, « on esttaraudé par le fait que les associations locales, et les habitants s’y retrouvent ».

Néanmoins, « il y a un besoin constant de renouveler ces opérations de communication,et de se faire connaître », signale Stéphanie BURG, en poste à la Mairie de Vauréal.En effet, on remarque que ces actions restent relativement ponctuelles et s’adressentgénéralement à un public très ciblé, tel que les enfants, ou averti lors des conférences. Or,il est nécessaire pour renforcer l’assise de la coopération décentralisée et de ses acteursau sein de la collectivité de recueillir une assise citoyenne qui soit la plus large possible.« L’idée, c’est que les projets associent vraiment les habitants », mais pour l’instant la chargéde mission « travaille surtout avec un public jeune, car c’est plus facile de les sensibiliser,

205 Les actions de sensibilisation sont conduites en France pour favoriser dans la société locale le sens de l’autre

et le goût des échanges internationaux ; lorsque ces actions s’orientent en direction des pays du Sud, il s’agit alors

d’éducation au développement. Cit du Guide de la coopération décentralisée, p.38.206 HAENEL, Hubert, intervention de M, Sénateur du Haut- Rhin, Président de la délégation du Sénat pour l’UE Les Colloques duSénat, La coopération décentralisée : mode d’emploi, p.53.207 Organisée à l’initiative des associations de solidarité internationale, une « Semaine de la solidarité internationale se dérouleen novembre dans toute la France. Cette opération rassemble l’ensemble des acteurs concernés par la solidarité internationale(associations, collectivités territoriales, milieu scolaire et universitaire, MAE…), Cit du Guide de la coopération décentralisée p.39.208 Le journal «Agglo coopération » (publication trimestrielle) est tiré à 2000 exemplaires, il a été créé afin de mieux informer lescitoyens des deux collectivités, ainsi que leurs partenaires.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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dans la mesure où c’est un public captif ». En effet, ils se sont aperçus« que ça ne marchaitpas d’organiser des conférences, s’il y avait 10 personnes c’était déjà bien ». Un chargé demission, issu d’une ville où la coopération est particulièrement active, évoque que le plusdifficile demeure « l’éducation au développement, on reste mauvais dans ce domaine ».

Des actions qui restent en pointillés car, comme pour la réunion des collectivitésautour d’un projet de coopération commun, la mutalisation des moyens et des compétencesdans ce domaine là reste un terrain vide. De plus, les structures étatiques qui doiventen principe les aider dans cette tâche demeure encore relativement absentes de tellesinitiatives, sauf aux travers de déclarations de principes. Reste donc aux acteurs de lacoopération décentralisée à s’unir dans cet autre versant de leur métier, qu’est l’éducationau développement.

2- Mutualiser les moyensLa nécessité de mutualiser les moyens humains et financiers en matière d’éducation audéveloppement a bien été comprise par le Département de l’Essonne. Ainsi, le travail desensibilisation conduit par le Conseil Général, en lien avec des associations, donne unexemple d’une action réussie dans le domaine. « Collaborer avec des associations constitueun véritable apport pour le département de l’Essonne, dans la mesure où leurs actes ont desconséquences notamment sur les institutions. De plus, ces actions plutôt que de conforterles essonniens dans leur a priori, permettent de les faire changer de discours. On esttellement dans l’affecte que c’est des questions qui sont difficiles à faire changer commeça ». Pour conduire une sensibilisation efficace, d’autant plus pour les petites collectivités,«il est nécessaire d’associer la société civile et sa multitude d’acteurs à coordonner»209.Travail de sensibilisation doit être fait avec les ASI, les ONG, mais également l’Etat. Cesassociations de structures sont encore trop peu exploitées ; les collectivités ont encore uneapproche très territoriale de l’éducation au développement, alors que c’est une questionglobale (leurs interlocuteurs continuant eux-aussi à avoir une approche égoïste de ladiffusion des actions réalisées). Le guide de la coopération décentralisée signale que« cesactions mettent souvent en jeu un partenariat Etat- ONG- Collectivités »210, or, la réalitésemble peu refléter cet énoncé. Sur le panel de collectivités interrogées, aucune n’a conduitd’action de sensibilisation en lien avec des structures étatiques. Alors même qu’une desmissions du Haut Conseil pour la Coopération Internationale (HCCI) est de sensibiliserl’opinion publique aux enjeux de cette coopération, il s’est encore peu associé aux actionspilotées par les collectivités. Cela s’avère d’autant plus nécessaire que ce dernières ont desmoyens limités.

Pourtant, des indications ont été données dans ce sens dans le document portantOrientation pour la coopération décentralisée pour 2006211. Dans ce document, le MAEconseille au CT de se tourner vers les services déconcentrés de l’Etat dans leurs actionsd’éducation au développement : directions départementales et régionales Jeunesse etsports, délégations académiques aux relations internationales et à la coopération (DARIC)pour multiplier les opérations à destination des jeunes et des publics scolaires. De plus,dans son programme de travail 2006- 2008, le HCCI a élaboré en liaison avec le Comitéinterministériel de la coopération internationale du développement(CICID) une stratégiegouvernementale sur les actions de sensibilisation de l’opinion publique. Les activités

209 HAENEL, Hubert, Op. Cit., p.53.210 Guide de la coopération décentralisée, Op. Cit., p.39.

211 Orientation pour la coopération décentralisée , Ministère des Affaires Etrangères, 2006, pp.7-8.

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PARTE II : Les perspectives d’évolution de la professionnalisation de la coopération décentralisée

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de sensibilisation recouvreront entre autre : le prix de la coopération internationale212, laparticipation à la semaine (annuelle) de la solidarité internationale (appui à la mise enoeuvre d'actions de sensibilisation avec la chaîne de télévision France 3), la semaine de lacoopération et de la solidarité internationales à l'université, organisée chaque année dansune université différente. Par ailleurs, des activités de sensibilisation sont prévues avec leCentre d'accueil de la presse étrangère (CAPE) du ministère des affaires étrangères.

Ces actions peuvent encore être améliorées, notamment en travaillant sur lesdémarches communes qui peuvent être conduites entre les collectivités et l’Etat dans cedomaine (pourquoi pas par un cofinancement qui réunirait plusieurs collectivités autour d’unprojet d’éducation au développement ; les cofinancements existant déjà sur les projets decoopération proprement dit), mais également entre les collectivités. Cela s’avérera d’autantplus justifié si, comme il faut le souhaiter à l’avenir, les collectivités s’inscrivent davantagedans des projets de coopération mutualisés, les actions d’éducation au développementconcertés suivront alors d’elles mêmes.

Dés lors les élus et les cadres mobilisés par le métier de la coopération décentraliséeobtiendraient une assise solide et légitimée de leur action: celle de la démocratiereprésentative, comme il a été évoqué précédemment, avec la légitimation des élus etde leurs services, et participative, grâce à l’implication de la société civile (à travers lesassociations…). La reconnaissance du métier de la coopération décentralisée parachèveraitdonc la professionnalisation des cadres et la qualification des élus en charge du domaine.

212 Décerné chaque année, depuis 2000, par le Premier ministre au nom du HCCI et il récompense des actions exemplairesdans ce domaine

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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CONCLUSION

La position des cadres et des élus de la coopération décentralisée ressemble finalement àcelle de la culture il y a 25 ans, quand le maire présentait un festival culturel, on le prenaitpour un excentrique. Aujourd’hui toutes les villes en organisent. Et bien la coopérationdécentralisée a suivi la même trajectoire que la culture : elle se professionnalise et devientun service à part entière au sein de la collectivité. « L’approche territoriale du développementest relativement nouvelle, mais tend à devenir primordiale, s’appuyant sur une tendanceuniverselle à la décentralisation des responsabilités politiques, au Sud comme au Nord »213.

L’Etat, dont la réforme de la coopération continue, ne peut plus compter sans cesacteurs, il a besoin de ces éléments d’expertise pour que la France conserve ses lettres d’orhistoriques en matière de coopération et d’aide au développement. Selon Antoine JOLY,Délégué à l’action extérieure des collectivités locales au MAE, les collectivités sont en effetappelées à « assurer le service après vente des actions engagées dans le cadre de lacoopération bilatérale ou à épauler l’Etat ». Or, pour que la France se donne les moyensde ses ambitions, l’Etat doit accompagner ces nouveaux acteurs dans leur processus deprofessionnalisation. Cette activité est en ébullition : l’acquisition de nouveaux savoirs, desmissions plus complexes et plus techniques, la place nouvelle qui leur est accordée auprèsde l’UE et des institutions onusiennes.

La coopération décentralisée est encore récente, mais des dimensions nouvelles, quise sont substituées aux préoccupations fondatrices des jumelages, apparaissent. Alors quedans le cas des jumelages, ces pratiques étaient conçues comme des formes d’amitié liéesà la territorialité communale, c’est plutôt dans la compétitivité et la pluri- dimensionalitéqu’elles organisent aujourd’hui les rapports politiques à l’espace urbain. Les initiativesde coopération décentralisée se multiplient et ne se ressemblent pas (les collectivitésn’étant pas au même stade d’avancement dans les coopérations qu’elles entretiennent,certaines passant encore par du jumelage). De fait, les compétences et les missions destechniciens varient en fonction du choix effectué par le pouvoir politique local : une démarcheinternalisée ou externalisée de la coopération, des actions ponctuelles ou sur la durée,l’utilisation de cofinancements, etc. « Dresser un tableau général de cette sphère d'activitésrelève de la gageure dans la mesure où cela expose le chercheur, au mieux à dresserdes typologies descriptives, au pire à dresser un inventaire à la Prévert »214. La libertéd’initiative laissée aux collectivités locales en la matière leur fait jouer un rôle non négligeablepour le rayonnement de la France dans le monde, mais le manque de coordination entreles différentes actions et la concentration des aides sur certaines zones au détrimentdes autres enlèvent de son efficience à cette forme de coopération. Le processus deprofessionnalisation de ses acteurs reste en cours, et les perspectives d’évolution qui sedessinent sont les révélateurs d’une situation transitoire où la coopération décentralisée,bien qu’omni- présente demeure introuvable au regard de sa diversité et de la place qu’elleoccupe dans le concert des acteurs de la coopération.

213 Rapport annuel HCCI 2006, avril 2007, Op. Cit., p.19.214 VION Antoine et NEGRIER Emmanuel, Op. Cit., p.2.

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CONCLUSION

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L’émergence à l’avenir d’une profession de la coopération décentralisée resteconditionnée par trois acteurs : l’Etat, les pouvoirs politiques locaux, et les citoyens. Ilsdoivent contribuer ensemble à faire reconnaître les collectivités locales comme des acteursà part entière de la coopération, approfondir le dialogue entre tous les acteurs, permettre àchacun d'eux de replacer son action au sein de la dynamique globale.

Les acteurs de la coopération décentralisée ont terriblement besoin de cohérence etd’homogénéité dans leurs modes de travail et dans leurs actions de coopération. Celle- ci nese fera qu’au prix de la construction d’une réelle dimension politique et stratégique communeaux collectivités. La formalisation de projets mutualisés et de l’échanges d’informations entrecollectivités (pratiques encore rares), en d’autres termes, le développement d’un travail enréseau à grande échelle serait une manifestation de cette nouvelle stratégie.

Ainsi, le parallèle avec la notion de gouvernance urbaine, développée par PatrickLE GALES, prend tout son sens. Elle reconnaît le fait que les acteurs présents sur leterritoire urbain sont fragmentés et qu’il est préférable de les coordonner pour obtenirune action publique plus efficace. En effet, « les sociétés vont vers toujours plusde différentiations internes avec des sous-systèmes que les contrôles verticaux ethiérarchiques ne peuvent plus coordonner. D’où l’importance et la nécessité de lanégociation horizontale avec les groupes de toutes natures : sociaux, professionnels,

associatifs, inégalement représentés selon les territoires » 215 . Si chaque acteur agit

individuellement, hors de toute concertation, cela conduit à un émiettement des énergieset des complémentarités, cela rend le territoire local d’autant plus difficile à gouverneret les politiques publiques, d’autant plus inefficaces. Même si une coordination parfaitedemeure irréaliste, des progrès peuvent et doivent encore être faits pour généraliser laculture du travail en réseau. Une intégration globale de cette pratique par les collectivitéset leurs acteurs ne sera possible qu’au prix d’expériences variées, dont il faudra savoirtirer les leçons, d’où la nécessité de développer aussi une culture de l’évaluation et de lacapitalisation d’expérience.

Le besoin de cohérence appelle également un travail au sein de chaque collectivité oùla place des cadres et des élus en charge de la coopération décentralisée demeure encoresouvent illégitime aux yeux des services et des élus. « On ne se pose pas la question dela légitimité du logement par contre, on continue à se poser la question de l’utilité de lasolidarité, de l’échange », selon un chargé de mission.Le pouvoir politique local doit conduireet intégrer l’ensemble des élus et des services dans ces changements institutionnels, demanière à instaurer la légitimité des pratiques internationales dans le gouvernement descollectivités territoriales. La coopération décentralisée comme la notion de gouvernanceurbaine (abordée par Patrick LE GALES) « suppose une plus grande diversité dans lamanière d’organiser les services, une plus grande flexibilité, une variété des acteurs,voire une transformation des formes que peut prendre la démocratie locale, la prise

en compte du citoyen et du consommateur » 216 . Ce terme permet aussi « de mieux

prendre en compte la capacité stratégique des acteurs, la diversité des processus

de légitimation, la dynamique de négociation entre les acteurs » 217 .

215 CNCD, MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES. L'action internationale des collectivités locales : engagement citoyenet mondialisation,…, op. cit., pp. 476-477.

216 P. LE GALES. Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine. In Revue Française des Sciences Politiques, Vol.45 n° 1, février 1995, p. 60.

217 Ibid., p. 60.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

106 Lucile Denechaud - 2007

Un travail identique doit être conduit par une présence accrue et pertinente de l’Etat.Sans remettre en cause l’ autonomie de ces nouveaux acteurs, il doit s’assurer de lapréservation de la logique d’intervention française dans l’aide au développement d’une part,et travailler concrètement à la reconnaissance et à l’implication de ces acteurs qui restentencore fragile, notamment dans les services du ministère des affaires étrangères. « Il ne fautpas avoir peur de formuler que les fonctionnaires territoriaux sont des experts internationauxet ils ne doivent pas rougir devant leurs collègues du privé ou de la fonction publique d’Etat »218 .

Enfin, est-ce le frein le plus important, car générant les blocages politiques : lecitoyen doit prendre pleinement part dans ce processus de professionnalisation des acteursinstitutionnels de la coopération décentralisée. « La coopération décentralisée reste uneabstraction pour nos concitoyens et trop de nos entreprises ignorent encore les opportunitésqui existent en ce domaine »219. Le moment est venu de faire connaître la coopérationdécentralisée et ses acteurs et d’affirmer qu’elle est une politique publique à part entière. Ilfaut combler le « déficit démocratique » de la coopération décentralisée.

La reconnaissance et l’intégration des fonctionnaires et des élus en charge dela coopération décentralisée reste conditionnée par de nombreux facteurs, comme lecorrobore le Ministère des Affaires étrangères en conclusion du Guide de la coopérationdécentralisée:

« Le paysage de la coopération décentralisée reste complexe, les objectifs sontnombreux, les partenaires ont chacun leurs caractéristiques et leurs priorités.Mais grâce à une information plus partagée, à une connaissance mutuelle desacteurs, à une culture de l’évaluation en commun, à un accès facilité aux diversréseaux et instruments d’action, il est permis d’espérer que cette nouvellephase de la coopération décentralisée sera riche en développements concrets etdurables »220.

Cependant, une bataille en particulier doit être conduite. « La bataille ne pourra être gagnéetant que nous n’aurons pas gagné celle des états d’esprit, ils ne se commandent pas, ils nese décrètent pas non plus par voie législative »221. Le processus reste aujourd’hui inachevé,mais et bel et bien enclenché.

218 Déclaration de Sylvain ITTE, Directeur Général FCI, lors du colloque « De l’assistance technique à l’expertise internationale :les nouveaux métiers de la coopération », 4 et 5 juillet 2007

219 FAURE Jean , Op. Cit., p.66.220 MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES. Guide de la coopération décentralisée,…, op. cit., p. 97.221 Sylvain ITTE, Directeur Général FCI, intervention lors du colloque « De l’assistance technique à l’expertise internationale : lesnouveaux métiers de la coopération »

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Bibliographie

Lucile Denechaud - 2007 107

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Bibliographie

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Loi d'orientation n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et ledéveloppement du territoire (Extraits) - Journal officiel du 5 février 1995.

Disponible sur : http://www.coopdec.org/textes/Loi du 4 fevrier 1995.rtf Circulaire du ministre de l'intérieur et du ministre des affaires étrangères : "La

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Disponible sur : http://www.coopdec.org/textes/Circulaire 20 avril 2001.pdfCirculaire du Ministre des Affaires Etrangères: «Coopération décentralisée et rôle

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Disponible sur : http://www.coopdec.org/textes/circulaire-juillet-2004.pdf

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morte et autres, Lebon pCE Section, 28 juillet 1995, Commune de Villeneuve d’Ascq, AJDA 1995, p 834, concl.

R. Schwartz, Lebon p.324.

Sites Internet

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

114 Lucile Denechaud - 2007

Agence Coop dec Conseil http://www.coopdec.org/

AFD http://www.afd.fr/

Centre International d'Etudes pour le Développement Local (CIEDEL) : http://www.ciedel.org

CERCOOP http://www.cercoop.org/

CNFPT http://www.cnfpt.fr/fr/accueil.php

Commission Nationale de la Coopération Décentralisée : http://www.diplomatie.fr/cncd/

Le Haut Conseil pour la Coopération Internationale http://www.hcci.gouv.fr/

IFET http://www.departement.org/Jahia/pid/667

Légifrance http://www.legifrance.gouv.fr/

Ministère des Affaires Etrangères, Coopération décentralisée : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/cooperation-decentralisee_1054/index.html

Réseau d’appui à la coopération en Rhône-Alpes (RESACOOP) : http://www.resacoop.org

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Liste des sigles

Lucile Denechaud - 2007 115

Liste des sigles

∙ AFCCRE :∙ AFD : Agence Française de Développement∙ APD : Aide Publique au Développement∙ ARRICOD :∙ ART GOLD : Appui Réseau Territoriaux – Gouvernance et Développement Local∙ CICID : Comité interministériel de la coopération internationale et du développement∙ CIEDEL : Centre International d’Etudes pour le Développement Local∙ CGLU : Cités et Gouvernements Locaux Unis∙ CIFAL : Centre Internationale de Formation des Acteurs locaux∙ CNCD : Commission Nationale de la Coopération Décentralisée∙ CPER : Contrats de Plan Etat- Région∙ CUF : Cités Unies France∙ DGCID : Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement∙ DAECL : Délégation à l’Action Extérieure des Collectivités Locales∙ FCI : France Coopération Internationale∙ HCCI : Haut Conseil pour la Coopération Internationale∙ IFET : Institut de Formation des Elus Territoriaux∙ MAE : Ministères des Affaires Etrangères∙ PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement ∙ RADSI : Réseau Aquitain pour le développement et la solidarité internationale∙ RESACOOP : Réseau Rhône-Alpes d’appui à la coopération∙ UNITAR : Institut des Nations Unies pour la Formation et la Recherche

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

116 Lucile Denechaud - 2007

Annexes

Annexe 1 : Les textes encadrant la coopérationdécentralisée

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 117

1982 - Loi du 2 mars consacrant la pratique de la coopération transfrontalière entre collectivitésterritoriales de pays voisins. L’article 65 permet aux conseils régionaux de conclure desconventions de « concertation et de coopération » avec des collectivités territoriales

frontalières. 222

1983 - Circulaire du Premier Ministre du 26 mai où apparaît pour la première fois la notion « d’actionextérieure des collectivités territoriales » et la possibilité pour les collectivités territoriales

françaises de conclure des partenariats avec des collectivités étrangères. 223 - Décret du 8

juin instituant un « délégué pour l’action extérieure des collectivités locales », placé auprès du

secrétaire général du ministère des Affaires Etrangères. 224

1985 - Circulaire du Premier Ministre qui reconnaît explicitement la coopération décentralisée et qui

manifeste la volonté de l’Etat d’apporter son aide aux initiatives des collectivités. 225 - Création

du « bureau de la coopération décentralisée » et d’une « Bourse des projets de coopérationdécentralisée », au sein du ministère de la Coopération.

1987- Trois circulaires du Premier Ministre complétant celle de 1985.

226

1989 - Création de la « Commission coopération décentralisée pour le développement » (arrêté duministère de la Coopération), qui fonctionnera jusqu’en 1991.

1992 - Loi du 6 février relative à l’administration territoriale de la République (ATR) qui consacreles pratiques de coopération décentralisée dans de son Titre IV, « De la coopération

décentralisée » (art. 131 à 135) 227 . Ses dispositions sont codifiées dans les articles L. 1112-1

à L. 1112-7 du Code Général des Collectivités Territoriales. L’article L. 1112-1 dispose que« les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent conclure des conventions avecdes collectivités étrangères et leurs groupements dans les limites de leurs compétences et durespect des engagements internationaux de la France ». C’est la première légalisation formellede la coopération décentralisée.

1994 - Circulaire du 26 mai du ministère de l'Intérieur et du ministère des Affaires étrangères quiprécise les partenaires étrangers avec lesquels les collectivités territoriales françaises, et leursgroupements, ont le droit de contracter.- Création de la Commission nationale de Coopération

décentralisée, par décret du 24 octobre (prévue dans la loi du 6 février 1992). 228

1995 - Loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire du 4 février, dite « loi

Pasqua ». Elle concerne principalement la coopération transfrontalière. 229

2001 - Circulaire du 20 avril des ministères des Affaires Etrangères et de l’Intérieur. Elle fixe lesconditions d’exercice du contrôle de légalité et précise les modalités d’application du dispositifglobal

2003 - Circulaire du 26 février du ministre des Affaires Etrangères relative à la coopération

décentralisée et au rôle des services déconcentrés de l’Etat. 230

2005 - Loi « Oudin » du 9 février qui autorise les établissements en charge du service de l’Eau, àaffecter, dans la limite de 1 % de leurs ressources, une partie de leur budget à des actions

internationales. 231

2007 Loi « Thiollière » du 2 février relative au renforcement de la coopération décentralisée enmatière de solidarité internationale , dont l'objet était de donner une base juridique solideaux actions d'aide humanitaire engagées par les collectivités territoriales françaises, en

modifiant l'article L. 1115-1 du Code général des collectivités territoriales. 232

Annexe 2 : Liste des entretiens réalisés

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

118 Lucile Denechaud - 2007

Des passages ont volontairement été retirés des entretiens de manière à préserver laliberté de parole des personnes interrogées. Les passages enlevés figures dans le corpsdu mémoire de manière anonyme.

Seuls les entretiens en gras figurent en annexe

- 07/06/07 : Danielle SCHOTT – Directeur Général des Services à la Mairie deMaurepas-

- 12/06/07 : Stéphanie BURG, Chargé de mission à la coopération décentralisée auprèsdu cabinet du maire, à la Mairie de Vauréal-

- 14/06/07 : Jean-François MANGELAIRE - Chargé de mission Coopérationdécentralisée à la Communauté d’agglomération d’Evry – Centre- Essonne-

- 18/06/07 : Laure FERET, Responsable du service Coopération décentralisée etrelations internationales au Département de l’Essonne-

- 21/ 06/07 : Pierre MALVAUD, Directeur des relations internationales à la Mairied’Issy –les – Moulineaux-

- 28/06/07 : Dorothée MOUSSU Chargé de mission coopération décentralisée à laMairie d’Epinay- Sur –Seine-

- 06/07/07 : David BARBELIVIEN, Responsable des relations internationales à laMairie de Puteaux-

- 09/07/07 : Mélanie THOMAS, Chargé de mission relations internationales à laMairie de Saint-Denis-

- 10/07/07 : Blandine FAUCON-DIENE - Chargé de mission Coopérationdécentralisée à la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise–

- 18/07/07 : Antonio ANIESA, Responsable du service relations et coopérationavec le monde à la Mairie de Nanterre -

- 19/07/07 : Henri FIORI, Adjoint au Maire délégué à la solidarité et à l’emploi à laMairie de Chilly- Mazarin-

- 20/07/07 : Nathalie PRUVOST, Responsable des relations internationales et dela coopération décentralisée à la Mairie de Villeneuve d’Ascq-

- 23/08/07 : Entretien (écrit) avec Geneviève RANDOT-SOCIE Responsable desrelations internationales et de l’enseignement supérieur à la Mairie de Besançon

- Entretien (écrit) avec Robert PROUDHON, Chargé de mission aux affaireseuropéennes et à la coopération décentralisée au Département du Doubs

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 119

Annexe 3 : Entretien avec Danielle SCHOTT –Directeur Général des services à la Marie deMaurepas-07/06/07

Le cadre de vos actions

∙ Lieu et domaines de coopération :La coopération évoquée est celle de la Commune de Maurepas, en France, avec la

ville de Mopti au Mali.Cette coopération a débuté dans les années 90 à travers une convention de coopération

décentralisée qui a connu plusieurs étapes:- Il s’agissait, dans un premier temps, de l’envoi de matériel (cars, bennes d’ordure

ménagère…)- Dans un deuxième temps la ville de Maurepas a très vite été sollicitée par Mopti pour

faire de la formation auprès des fonctionnaires locaux de la commune, c’est ainsi que lapremière formation du chef de garage a eu lieu.

- La mairie de Mopti n’étant pas très structurée, la ville de Maurepas a par ailleurs prisen charge le salaire du directeur des services techniques.

Donc l’apport de Maurepas s’est structuré autour d’une aide financière et matérielle.- 2002 : Très forte demande de l’ancien maire de Mopti pour former le Directeur des

services techniques. Il effectuera sa formation au sein de la mairie de Maurepas.- 2003 : Audit à Mopti pour élaborer une formation pluriannuelle d’une part, et d’autre

part, une formation a été réalisée auprès des élus sur le fonctionnement du conseil municipal(notamment tout le circuit budgétaire).

- Elaboration d’un plan de formation accepté par la ville de Mopti auprès : du Directeurdes services techniques (de nouveau), le responsable de la paye et de la comptabilité, leresponsable informatique, et du secrétaire général de la ville.

- 2005 : 2ème mission, le Directeur Général des services, le Directeur des servicessportifs, ainsi que le Directeur du service informatique de la ville de Maurepas se sont rendusà Mopti en vu de former la nouvelle équipe municipale (fonctionnaire et élus).

Le Directeur des services sportifs avait deux missions :→ Effecteur un état des lieux des pratiques sportives au sein de la ville de Mopti→ L’apprentissage des gestes de premier secours à l’ensemble de l’équipe municipale.Le Directeur du service informatique, quant à lui, était chargé de remettre en état

l’ensemble de l’équipement informatique.- Décembre 2006 :→ Participation à la journée des collectivités territoriales maliennes, organisée à Mopti

(village natal du Président de la République Amadou Toumani Touré)→ Finalisation du projet de lutte contre la mortalité infantile et sur les techniques

d’assainissement drainant.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

120 Lucile Denechaud - 2007

- Septembre 2007 : Formation prévue sur la « domanialité » (règles d’urbanisme pourla France) organisée à Mopti, pris en charge par un ingénieur de la ville de Maurepas.

Sur l’ensemble des actions le partenaire local est co-maître d’ouvrage et co-maîtred’œuvre, mais il ne peut participer financièrement aux projets lancés.

Le besoin de formation est très fort dans un pays où le népotisme dans le recrutementdes agents communaux est le fonctionnement de principe. De plus, il n’y a qu’unecentaine d’agents communaux pour 80-100 000 habitants (par comparaison avec la villede Maurepas, d’environ 20 000 habitants, qui dispose de 370 agents communaux !). Endernier lieu, il faut ajouter le faible taux d’alphabétisation du personnel communal de Mopti,qui rend difficile la gestion de la mairie.

Les résultats des actions de coopérations sur Mopti, selon le Directeur Général desservices, Danielle SCHOTT, sont indiscutables, cela s’en ressent sur le fonctionnement dela mairie de Mopti que ce soit en termes de management, ou d’un point de vu technique.Par ailleurs, il nous faut noter qu’à travers l’ensemble des projets que conduit la ville deMaurepas à Mopti, elle cherche plus largement à participer au processus de décentralisationque connaît le Mali depuis quelques années.

∙ L’origine de cette action :L’origine de leur action comme beaucoup de coopération, qui ont démarré dans le début

des années 90, est liée au hasard. En effet, la ville de Maurepas doit son investissementdans ce projet au Pédiatre Jacques PEGUET, qui dés 1985, sensible aux problèmesrencontrés par la ville de Mopti a mené une action personnelle à travers son association :« Action Mopti ». Les rôles sont bien répartis entre la Ville de Maurepas et l’association,cette dernière axant davantage son action sur la médecine scolaire.

∙ Les priorités actuelles dans les actions menées :L’action de Maurepas reste pour l’instant centrée sur la ville de Mopti, faute de moyen

humain et financier. Par ailleurs, la complexité de montage de projet de coopérationdécentralisée n’incite pas à se lancer dans de nouvelles actions. Les autres partenariatsavec la GB et l’Allemagne relèvent de la responsabilité du comité de jumelage et restentpour l’instant au stade de simples rencontres symboliques et d’échanges scolaires.

Quant aux priorités thématiques, la ville de Maurepas s’investit avec conviction dans laformation de fonctionnaires et d’élus locaux maliens.

∙ La maîtrise d’ouvrage des actions :La ville assure directement la maîtrise d’ouvrage de l’ensemble de ses actions, car ils

estiment que le Comité de jumelage, qui ne s’occupe à proprement parlé que de jumelagesn’a pas vocation à mener des actions de coopération décentralisée.

La directrice s’interroge d’ailleurs sur le passage « d’un jumelage mondain, à unecoopération effective ». Il lui apparaît évident que « pour faire une vrai coopérationdécentralisée, il faut qu’elle soit institutionnalisée ». « Les membres des comités dejumelages restent des bénévoles, qui exercent d’autres professions à côté », ce ne sontdonc pas des professionnels de la coopération décentralisée. « Si ces comités de jumelagesont eu le mérite d’exister au sortir de la guerre, il convient de les dépasser ».

∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :Le Mali étant une zone où de nombreuses collectivités interviennent, il est nécessaire

que chaque collectivité ait un domaine d’action circonscrit. Ainsi, le Département d’Ile –et –

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 121

Vilaine intervient sur le Cercle (équivalent du département) de Bandiagara. Ils interviennent,notamment sur la construction de puits, la mise en place de système de microcrédit, ouencore la création d’une école infirmière.

Par contre, la commune de Maurepas s’est associée dés le début de ses actionsà l’ONG « Action Mopti » (créée en 1986). De même, qu’avec les collectivités chacunconserve son domaine d’intervention : L’ONG s’attache notamment à tout ce qui relève dela médecine scolaire sur Mopti, Maurepas se consacrant à la réduction de la morbidité-mortalité maternelle et infantile.

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

Entre 2 et 3 personnes sont en règle générale mobilisées sur le terrain. Il s’agit deresponsables de service. Pour la prochaine mission, la DGS entend mobiliser une dizainede personnes de différents services de l’équipe municipale.

Parmi les services mobilisés sur ce type d’action : le service des sports, le serviceurbanisme, informatique, technique et jeunesse.

∙ Le financement des actions de coopération décentraliséeLe financement de leur action (sans distinction des actions) provient de diverses

sources :- Dans le budget primitif 2007 de la ville, les actions de coopération décentralisées

représentaient au total 61000 €.- De subventions accordées par le MAE à hauteur de 17 600 € pour l’ensemble des

projets sur une année.- Apport d’Ivau Santé (100 000)- Apports d’entreprises tels que : Bouygues, Auchan…- Par ailleurs, le Département des Yvelines s’est investi nouvellement dans le

financement de leur action (avec un apport prévisionnel de 30 000 € sur 3 ans).∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :- Les difficultés rencontrées par la ville de Maurepas se sont posées en amont du

projet de coopération. D’une part, face à la complexité technique du montage de tel projet :des procédures administratives lourdes et un circuit d’obtention de financement complexe.Concernant ce dernier point, le guide de demande de subvention varie selon le type d’actionmenée et la structure auprès de qui est adressée la demande. « Ces procédures sontlongues et compliquées, elles exigent d’être suivies à la ligne, ces types de circuit sontextrêmement déroutant pour une collectivité ».

Pour les financements européens, « j’y ai renoncé » nous signale la DGS, car« ils ont beaucoup trop d’exigence ». Parmi les conditions pour obtenir des subventionseuropéennes, la collectivité doit notamment entretenir au moins deux partenariats avec deuxvilles du Sud et une ville du nord.

Par conséquent, « c’est un véritable maquis » qui freinent la ville de Maurepas commed’autres collectivités à faire appel aux fonds européens. La recherche de financement dansce domaine devient un métier à part entière.

- Par ailleurs, des obstacles interviennent également sur le terrain, car la notion detemps est différente et les partenaires maliens sont très peu outillés.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

122 Lucile Denechaud - 2007

∙ Les atouts de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivité françaiseet étrangères:

Intellectuellement et humainement, c’est un apport indéniable pour l’ensemble de ladirection et pour la ville de Maurepas. «Notre équipe est très investie dans ce projet, lesgens sont volontaires. Depuis quelques années même, on loge les élus et fonctionnairesde Mopti en stage à Maurepas directement chez nous ! »

Par ailleurs, la Directrice Générale des Services affirme que les améliorations sontvisibles au fil des années que ce soit au niveau du respect du matériel, de l’entretien de lamairie, ou encore de l’archivage (domaine où une formation avait été conduite par la villede Maurepas).

∙ Les inconvénients de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivitéfrançaise :

Il semble néanmoins difficile de dépasser les difficultés que pose la coopérationdécentralisée en termes de moyens financiers et humains pour une petite collectivité.La coopération décentralisée se professionnalise, or les petites collectivités n’ont pas lesmoyens de payer quelqu’un à temps plein sur ce type de question, alors même que latechnicité des dossiers de demande de subvention, ou de montage de projet l’exigeraient.

∙ La continuité des actions:La continuité de leur action ne semble pas avoir été affectée. Maurepas et Mopti mettant

toute leur énergie pour écarter ce risque qui menace souvent les actions de coopération.Le portage politique de telles actions se retrouve non pas chez un élu, mais dans

l’association de différents responsables de service au sein de la mairie.∙ Communication et sensibilisation des maurepassiens :Les maurepassiens semblent par ailleurs attachés à cette tradition qu’a développé

leur ville. L’intégration de la coopération décentralisée au paysage des maurepassiensrésulte également d’une communication et d’une sensibilisation sur le domaine, à traversles journaux locaux ou des actions associant la population à la démarche, dernièrement lemontage d’un séjour au Mali pour des jeunes de la ville de Maurepas.

Les actions de sensibilisations auprès du public ne semblent pas avoir été menées enassociation avec des autorités ou organismes spécialisés sur la coopération décentralisée,tel que Cités- Unies- France.

Les liens avec les partenaires

∙ Les partenaires à l’étranger :- La mairie de Motpi- Un partenaire issu de la société civile : L’ONG « Action Mopti », basée à Mopti et à

Paris. Elle a pour objectif d’une part d’améliorer les conditions de vie des Mopticiens dansles secteurs de la santé, de l’éducation et de l’assainissement et d’autre part d’encouragerl’éducation et la citoyenneté internationale en France.

∙ Les partenaires en France :-Deux partenaires institutionnels :Le Département des Yvelines, nouvellement associé à l’action de Maurepas à travers

le versement de subventions sur trois ans.

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 123

Le Département d’Ile-et- Vilaine, à travers le réseau de Cités Unies France. En effet,s’il n’y a pas de partenariat à proprement dit entre la ville de Maurepas et le département,ils veillent ensemble à ce que leurs terrains d’action ne se chevauchent pas, et conserventune certaine cohérence.

- Des partenariats financiers avec des entreprises (notamment Auchan, Bouygues…)- Aucun partenariat n’a été établi par contre avec des partenaires sociaux ou d’autres

établissements publics (chambre consulaire, Etablissement d’enseignement…).∙ Un système d’évaluation de ces expériencesLa ville de Maurepas tient par ailleurs à avoir un retour sur les actions de formations

qu’elle mène auprès des fonctionnaires et élus du Mali, c’est dans cette perspective qu’elledemande à ses stagiaires de réaliser un rapport de stage.

L’appartenance à un réseauSi Maurepas n’appartient à aucun réseau local, ni international, en revanche elle

a adhéré aux grands réseaux nationaux, tel que Cités-Unies France, ou l’AssociationFrançaise du Conseil des Communes et des Régions d’Europe (AFCCRE).

Nouvelles perspectives et aspiration

∙ Les nouveaux projets de coopération décentralisée en perspective :Maurepas affiche de nombreux projets en perspective avec Mopti. La logique demeure

identique, former secteur par secteur au sein de la mairie malienne et apporter un soutienà l’élaboration de projets.

- Une formation, comme nous l’avons déjà évoqué sur la domanialité prévue en 2007.- Est encore à l’étude pour 2008, une formation sur l’organisation des élections, ainsi

que sur la communication interne.- Par ailleurs, est en projet une action d’alphabétisation du personnel communal par le

biais de l’association « Action Mopti ».Pour ces prochains projets, la Directrice Générale des Services entend mobiliser 10 à

15 personnes de différents services au sein de la mairie de Maurepas. Parmi les servicesmobilisés, nous pouvons citer : le service des sports, en urbanisme, informatique, techniqueet jeunesse.

En terme financier, ces projets représentent un investissement de 50 000 € pour lacommune de Maurepas.

∙ Les moyens à renforcer pour ces nouvelles actions de coopération décentralisée:Il reste néanmoins des moyens à renforcer dans ces nouvelles actions de coopération

décentralisée :-La formation des collaborateurs français aux techniques de formation à employer sur

place face aux interlocuteurs maliens, car « on ne s’improvise pas formateur».-De nouvelles actions seraient à développer en terme d’aide aux collectivités dans

l’accès aux cofinancements, car d’une part, «cela prends du temps » et d’autre part, ce sontdes circuits complexes où le lobbying est constamment présent.

-Les actions de coopération seraient également renforcées à travers le partaged’expérience. Jusqu’à présent le travail étant assez empirique, il semble essentiel que lescollectivités s’imprègnent des retours positifs, comme négatifs de leur actions réciproques.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

124 Lucile Denechaud - 2007

-Par ailleurs, la DGS voit également la nécessité de former ses cadres sur le respectde la culture et du fonctionnement du pays d’accueil.

∙ Information et formationS’associer au Forum, deux possibilités apparaissent pour Danielle SCHOTT :- L’information et la formation des fonctionnaires et élus sur différents thèmes de la

coopération décentralisée (montage de dossiers, cofinancement…)- La formation de fonctionnaires et d’élus aux techniques de formations , ils seraient

alors à leur tour formateur auprès de leurs collectivités étrangères.Il est ressorti de l’entretien des besoins d’information sur:- Les procédures de réponse aux appels d’offre du MAE- Les possibilités de financementsLes informations obtenues par la ville de Maurepas ne proviennent pas de structures

telles que la Délégation pour l’Action Extérieure des Collectivités Locales (DAECL) ou laCommission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD), etc…

∙ L’absence de formation en coopération décentraliséeAucune formation en matière de coopération décentralisée n’a pour l’instant eu lieu au

sein de la ville de Maurepas. La formation se fait à titre informel par la DGS.

∙ La nécessité d’une formation dans ce domaine :Les élus, comme les fonctionnaires doivent être formés également à la coopération

décentralisée, car il est important que tout le monde ait clairement en tête que les actionsde coopération décentralisée ne sont ni des actes ponctuels, comme peuvent l’être lesjumelages, ni l’application d’un supposé modèle français (il ne s’agit pas de tomber dansl’écueil d’une vision néocolonialiste).

∙ Le dispositif pédagogique adapté en matière de coopération décentralisée :Le dispositif pédagogique le plus adapté varie selon les thèmes abordés, à titre

d’exemple, une formation sur les financements des projets de coopération décentraliséepourrait prendre la forme de cours magistraux, mais également d’un échange interactif, carchaque collectivité est particulière.

∙ Les besoins de formation des équipes mobilisées sur des projets de coopérationdécentralisée

Le besoin de formation essentiel de l’équipe mobilisée sur des projets de coopérationdécentralisée consiste pour Danielle SCHOTT à les aider à élaborer leurs outils deformation, autrement dit, les aider à être de véritable formateur, s’adapter à leur public, etmaîtriser leur groupe.

Annexe 4 : Entretien avec Jean-FrançoisMANGELAIRE - Chargé de mission Coopération

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 125

décentralisée à la Communauté d’agglomérationd’Evry Centre Essonne–14/06/07

Le cadre de vos actionsA titre d’introduction, « j’ai l’impression que ça fait 4-5 ans qu’il y a un engouement qui

dépasse l’ évolution de la coopération décentralisée. Il n’ y a pas tant de collectivités queça qui sont spécialisées dans la coopération décentralisée ».

La coopération décentralisée si elle s’est beaucoup développée depuis une dizained’année, reste difficile à mettre en œuvre dans les petites collectivités. Jean-FrançoisMANGELAIRE reste conscient de ces obstacles, « il faut une volonté politique forte, maisest-ce que les finances suivront je reste assez perplexe, car il faut avoir des personnes, desmoyens, et il faut des compétences au nord et là où on intervient ».

∙ Lieu et domaines de coopération :La coopération principale menée par la Communauté d’Agglomération d’Evry

Courcouronnes s’est établie avec la ville de Kayes au Mali. La ville de Kayes est une trèsancienne commune, elle compte aujourd’hui près de 110 000 habitants.

Derrière chaque coopération décentralisée menée par la Communautéd’Agglomération d’Evry Courcouronnes, on peut lire en filigrane, depuis dix-sept ans, unecertaine philosophie d’action:

- « Le renforcement de la compréhension mutuelle des différentes communautésprésentes dans l’Agglomération (la communauté de Kayésiens résidant au sein de lacommunauté d’agglomération étant très forte).

- L’ amélioration des conditions de vie des kayésiens , par le renforcement descompétences municipales, l’émergence d’une société civile actrice de son développementou encore la réalisation de projets dans le domaine de l’ingénierie urbaine » .

Une des missions essentielle qui est conduite est celle de l’amélioration dufonctionnement de la commune de Kayes à travers plusieurs actions :

- Renforcer les services municipaux en personnel qualifié :« Ce qui me paraît important c’est toute la question du renforcement institutionnel car

il permet de mieux gérer le développement de sa ville ».La Communauté d’Agglomérationaccompagne la Commune de Kayes dans l’amélioration du fonctionnement de ses servicesdont particulièrement les services techniques municipaux.

Cette amélioration passe par la formation d’élus et de techniciens. Ainsi, en2007, l’ancien Directeur Général des Services de la Communauté d’Agglomération a suivile Directeur Général des Services de Kayes au Mali, et il l’a suivi quotidiennement pendanttrois semaines sur des choses très basiques : la mise en place de réunion de service,un organigramme du personnel, les procédures d’établissement du budget et du plan detrésorerie ont été analysées. En outre, des préconisations ont été faites afin d’améliorerl’organisation des services financiers.

Cet appui passe également par un soutien au recrutement (ou mise à disposition) depersonnel qualifié. « Nous avons participé au choix de leur Directeur Général des ServicesTechniques, car ils en ont fait la demande. Son salaire a été pris en charge de manièredégressive :

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

126 Lucile Denechaud - 2007

1ère année : 100%

2ème année : 50%

3ème année : 20%

4ème année : 0%Aujourd’hui, on refait la même chose avec le directeur financier ».

« Mais parallèlement ( au renforcement institutionnel), il est aussi très importantde travailler avec la population, du coup on travaille depuis 2001 sur la mise en placede Comités de Développement de Quartier ( CDQ) ». Il s’agit pour la Communautéd’Agglomération de se positionner en appui à la Commune de Kayes dans la définition et lamise en œuvre d’une démarche de programmation concertée du développement de sa ville.

Ces comités regroupent des habitants, des techniciens et des élus et permettent à lapopulation de définir ses problèmes, de prioriser leur intervention et de trouver des solutions.Le but étant de créer un lien entre services communaux et population . Les comités dequartier sont impliqués dans de nombreuses actions répondant aux attentes prioritairesdes habitants : la collecte des ordures, puisards, aménagement de voirie, manifestationssportives, culturelles. Ils essaient de mobiliser la politique locale, les finances locales dansdes contextes souvent compliqués et très dégradés, tel que l’assainissement.

« Ce qui nous intéresse nous, c’est est-ce que la commune de Kayes soit capabled’atteindre un cahier des charges qu’elle aura élaboré. Nous on l’aide dans la définition deses objectifs. Par exemple, pour les appels d’offre, on va travailler avec eux à établir destermes de références et le bureau d’étude sera payé par la commune. On ne cherche pasà ce qu’il y ait des compétences partout dans la commune » !

La Communauté cherche à travers ce type de coopération à favoriser lerapprochement entre l'institution municipale de Kayes et ses populations dans lecadre du développement de sa ville.

- La mise en place d’outils de programmation technique et financière- Un apport d’équipement mais qui doit rester mesuré et pertinent.- Cet accompagnement se traduit également par l’accès à des échanges d’expériences

(notamment avec d’autres collectivités du sud), par des actions concrètes menées par lesservices techniques municipaux de Kayes en matière d’assainissement et de lutte contrel’érosion ou encore par un appui au développement d’activités socioculturelles...

Concernant cette dernière activité, Jean-François MANGELAIRE précise : « On a parailleurs une structure relais là- bas : « la maison du jumelage », structures socio-éducatives,outil qu’on va peu à peu lâcher car cela ne relève, selon moi, des missions de la coopérationdécentralisée ». « Mais on va peu à peu se désengager de la gestion journalière de manièreà ce que ce soit les acteurs locaux qui reprennent la gestion. A terme, ça pourrait devenir unealliance franco-malienne. On a, par ailleurs, travaillé depuis un ou deux ans sur la languefrançaise ( cette action a provoqué un grand engouement auprès de la population malienne)par le biais de la maison de jumelage. La commune de Kayes avait mis à disposition le localpour la maison de jumelage, il y avait par conséquent une attente forte de la population enterme de retour ».

∙ L’origine de cette action :

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 127

Le lien entre la ville de Kayes (MALI) et la Communauté d’Agglomération d’Evry ( ancienSAN) date du début des années 90, il a commencé avec « un jumelage ». « Le syndicatintervenait dans de nombreux domaines, mais à la fin des années 90, il y a eu une volonté derecentrer nos activités, c’est à partir de là qu’on s’est davantage lancé dans la coopérationdécentralisée, surtout au niveau institutionnel, et au niveau de la formation municipale ».

L’existence dans l’Agglomération d’une importante communauté malienne, originaireprincipalement de la région de Kayes, explique que le jumelage se soit orienté vers leMali et plus particulièrement vers la ville de Kayes, capitale régionale. Officiellement, laCommunauté d’Agglomération et la Commune de Kayes (Mali) se sont associées le30 novembre 1990 dans un jumelage coopération – développement.

∙ Les priorités dans les actions menées :Plusieurs champs d’action restent incontournables pour cette coopération débutée

dans les années 1990 : l’eau, l’assainissement, les déchets, derrière ces axes majeurs,en filigrane transparaît le travail d’appui aux services de la mairie afin que des servicesconstruits soient mis en place, avec des fonctions claires et définies.

∙ La maîtrise des actions :Il y a une co-maîtrise d’ouvrage qui a été établi entre la ville de Kayes et la communauté

d’agglomération pour chaque action menée. En effet, quelque soient les projets réalisésdans le cadre de leur action de coopération décentralisée, ils sont toujours élaborésselon les propositions et les besoins de la Commune de Kayes.

∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :Sur la Région de Kayes, il existe une multitude de coopération, de jumelage, mais

le plus important restent ceux de l’Ile de France, du Nord pas de Calais et égalementde Montreuil. Sur la cohabitation de ces coopérations, Jean-François MANGELAIREassure : « on n’est pas dans des domaines d’intervention équivalents, et on n’est pas surles mêmes échelons institutionnels. On essaie de se préserver de la concurrence. L’Ile deFrance travaille sur la gestion du patrimoine urbain. Le Nord Pas de Calais quant à luis’est spécialisé sur les questions de l’assainissement et la lutte anti-érosive ». « Quant ànous, nous intervenons sur la ville de Kayes (capitale régionale), cette dernière est sur desproblématiques différentes, sa réflexion se porte sur :

Le désenclavement de la villeL’intercommunalité est importante pour la ville de Kayes car beaucoup de sujets vont

dépendre de sa capacité à développer des partenariats avec les communes avoisinantes ».« Mais, il est vrai que la dernière évaluation a montré qu’on pourrait en faire beaucoup

plus en terme de travail en commun ».« Après chaque coopération est différente, même si elle est orientée par les techniciens,

elle reste liée à un élu, or les relations entre élus de différentes collectivités ne sont pastoujours bonnes, ce qui explique parfois le manque de concertation ».

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

En règle générale, quatre personnes sont mobilisées sur les projets de coopération :A la Communauté d’agglomération, Jean-François MANGELAIRESur place (au Mali), trois personnes travaillent :

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

128 Lucile Denechaud - 2007

Deux maliens, dont un animateur qui s’occupe de toutes les dynamiques de quartier.Un relais de la Communauté d’agglomération à Kayes, à travers un volontaire de l’AFVP

( Association Française des Volontaires du Progrès) qui apporte, depuis février 2003, unappui au Directeur Général des Services Techniques de la commune (conception de basesde données, conception d’outils de planification, et de suivi,…). L’emploi de ce volontaire aété réitéré en 2007 avec une nouvelle personne.

« Le problème de la coopération décentralisée, c’est qu’on est souvent considérécomme un service autonome, un électron libre, alors que pour moi la coopérationdécentralisée me paraît être extrêmement transversale, c’est un élément structurant dansune collectivité, c’est un élément de motivation, de cohésion ».

Deux services sont véritablement mobilisés au sein de la communautéd’agglomération :

Le service communication, pour la revue qu’ils font paraître,Et le service culturel avec l’organisation d’évènements.Par contre, le développement économique, urbain, financier n’y participent pas ! Jean-

François MANGELAIRE le regrette en estimant que «ça pourrait être un élément motivantet cela pourrait renforcer la position de la coopération décentralisée dans la collectivité ».

∙ Le financement des actions de coopération décentralisée :Aujourd’hui, la Communauté d’agglomération d’Evry reçoit des subventions

importantes du Ministère des Affaires Etrangères (MAE). Le ministère étant très intéressépar leur activisme dans le domaine. Mais obtenir des financements du MAE ou des fondseuropéens reste très compliqué.

« Nous même on se trompe sur les dossiers, on est deux, alors que certains sont dixsur ce type de projet ». « Il y a certes pleins d’agence qui se développent mais ça restetrès cher ».

Sur les quatre dernières années, entre 2003-2006, le budget s’est élevé à 920 000 €sur ce total :

L’agglomération contribue à hauteur de 45%, environ 420 000 €Le MAE contribue à hauteur de 42% avec un apport de 390 000 €Le Département de l’Essonnes 4%La Commune de Kayes 5%La répartition de cette somme par domaine :28% a été consacré au renforcement municipal,30% à la dynamique de quartier,6-7% sur tout ce qui est communication et éducation au développement,27% en terme de fonctionnement ( rémunérations des personnes sur le terrain au Mali

et à Evry).∙ Les moyens humains et matériels :Des difficultés récurrentes émergent en matière de coopération décentralisée,

notamment en terme de moyens humains, souvent insuffisant. Monsieur Mangelairereconnaît d’ailleurs que les missions seront plus compliquées à conduire en terme

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 129

d’éducation au développement, dans la mesure où le poste a été supprimé, « au niveau dutemps ce sera d’autant plus difficile à gérer pour une personne seule ».

∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :- Le premier des obstacles évoqué revenant régulièrement en coopération

décentralisée, est celui du financement par la collectivité française : « Lorsque la collectivitérencontre des problèmes en terme de financement cela s’en ressent toujours sur le servicecoopération décentralisée ».

- Les collectivités françaises sont confrontées par ailleurs à la complexité du circuitfinancier dans leur action à l’étranger. Les complications apparaissent en termes detransparence, et en terme d’autonomie d’action de la commune étrangère. La Communautéd’agglomération a essayé de trouver des solutions : « on a ouvert un compte auprès duTrésor Public malien de manière à faire transiter l’argent provenant de l’agglomérationdirectement vers le Mali (c’est assez récent, cela date de deux ans). Par ailleurs, « nousn’avons plus de contrôle a priori sur le choix des projets financés, mais on a quand mêmeles conventions qui nous permettent d’exercer un certain contrôle. Ainsi, en principe letrésorier payeur n’accepte l’ordre du maire que s’il respecte les conditions énoncées dansla convention. Là on est véritablement dans l’appui, car c’est la commune qui a le choixdans tout ».

La Communauté d’Agglomération réitère dans chaque action sa volonté que lacommune conduise de A à Z les actions. « Mon problème c’est de savoir si ça répond auxattentes de la population, si ça répond à la définition du problème, comment la commune amené sa réflexion pour arriver au choix de la solution ».

- Jean-François MANGELAIRE évoque en outre, « qu’à une époque, (ils ont) faitbeaucoup venir des fonctionnaires locaux, le directeur financier est venu voir comment ontravaillait, le Directeur Général des Services aussi. Mais par contre, ça a des limites, ilsne peuvent pas appliquer directement ce qu’ils ont vu, transposer un fonctionnement demanière automatique à leur commune. Ce qui me paraît intéressant c’est que des gensviennent en tant qu’accompagnateurs ».

« Ce qui pose des problèmes c’est l’organisation. Dans la commune de Kayes, ilsconnaissent leur boulot, mais il n’y a pas d’organisation ».

- « Au niveau de Kayes, ils sont très peu dynamique dans leurs actions. Après nous,cela nous pose un problème de positionnement. Si la commune ne bouge pas, est- ce qu’onfait à leur place ou pas ? En principe, on n’est pas là pour faire à leur place, ça fait partides points négatifs de la coopération décentralisée, si la commune ne fonctionne pas, çan’ira pas ».

- Est d’autre part évoqué, la nécessité d’être cohérent, de « conserver le même discours,de manière à ce que les populations se rapprochent des structures de quartier et qu’euxmême se rapprochent du fonctionnement communal ». Sachant que l’équilibre est fragile,car il ne faut pas que les structures de quartier prennent trop d’ampleur et que la mairie nepuisse pas y répondre et soit du coup décharger de ses fonctions.

- « On est pas des bailleurs de fonds, pour moi en coopération décentralisée, on abesoin de fonctionnement, c’est-à- dire de personnel compétent .Par contre, c’est plusdifficile à défendre, en terme d’impact, que la construction d’un bâtiment (par exemple,comment montrer l’impact de la venue du DGS sur le fonctionnement de la mairie) ».

∙ Les atouts de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivité françaiseet étrangères:

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

130 Lucile Denechaud - 2007

« Pour les petites communes, la coopération décentralisée, c’est un bon moyen demutualiser leur savoir –faire ».

L’expérience internationale de jeunes mobilisés sur le chantier-école estindéniablement bénéfique. Par ce type d’échanges, entre l’agglomération et Kayes, c’est lerespect et la compréhension des différentes communautés vivant sur un territoire qui estpoursuivit.

∙ Les inconvénients de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivitéfrançaise :

« Ce qui est difficile à mettre en place ce sont les budgets et les dispositifs defonctionnement ».

« Je travail sur plusieurs aspects :- la logique d’intervention, élaboré avec le partenaire- la définition « de cadres logiques ».Le cadre logique est en fait un canevas qui vous permet de partir de la stratégie,

qui va se décliner en Indicateurs Objectivement Vérifiables (IOV). Et là, on pourra évaluersi vous avez véritablement atteints vos objectifs en vérifiant par le bais de « sources devérifications » (exemple interroger les populations locales).

- Des fiches actions ».∙ La continuité de l’action :La continuité des actions de la Communauté n’a pas été remise en cause, contrairement

à d’autres collectivités. L’importance de mobiliser le technique se jusitifie d’autant plus, caril survit à tout changement de gouvernance.

∙ Le portage politique des actions :« Pour moi la coopération décentralisée, c’est politique ».

∙ Communication et sensibilisation auprès du public:La Communauté d’Agglomération cherche à contribuer au développement d’une

attitude participative et citoyenne des populations (sont plus particulièrement visés lesjeunes et la population originaire de Kayes) et à améliorer leur connaissance de son actionde coopération avec Kayes.

- Cela se traduit notamment par des actions d'éducation au développement et àla citoyenneté internationale réalisées en relation étroite avec les structures socio-éducatives et les partenaires associatifs.

« C’était ma collègue à l’origine qui travaillait sur l’éducation au développement (leposte a été supprimé depuis), on n’était pas connu et mal implanté dans ce domaine, d’oùl’importance du travail avec des écoles, et des artistes ». De nombreux événements ont étéorganisés : "La Semaine de la Solidarité Internationale", une exposition d’artistes maliensa eu lieu (en octobre 2006), une troupe de théâtre malienne s’est produite, organisation deconcerts, exposition de photos, etc…

- Des projets d’échanges entre structures de l'Agglomération sont réalisés chaqueannée : correspondance scolaire, chantiers de jeunes, formation, spectacles à la Maison duJumelage... ont permis à plusieurs citoyens de l'Agglomération de s'investir à leur manièredans un projet avec Kayes... La solidarité avec Kayes est aussi initiée et portéepar les citoyens.

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Annexes

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-La Communauté d’agglomération édite depuis 2001 une revue : L’ « AggloCoopération », pour pallier au déficit de communication en matière de coopérationdécentralisée ; il y a également un site internet. Le journal «Agglo coopération » (publicationtrimestrielle) est tiré à 2000 exemplaires, il a été créé afin de mieux informer les citoyensdes deux collectivités, ainsi que leurs partenaires.

« Néanmoins, l’impact est hyper complexe à mesurer. L’évaluation qui a été faiterévèle que ceux qui reçoivent le journal sont contents. Concernant la population immigréemalienne, on essaie de concourir à leur meilleure intégration, finalement on participe à toutce qui est politique de la ville ».

Les liens avec les partenaires

∙ Les partenaires à l’étranger :« On travaille également avec « l’association les amis de Kayes », mais c’est eux qui

ont créé des liens avec des associations locales au Mali. En effet, lorsqu’on était à Kayes,j’ai toujours dit que ce n’était pas à nous de soutenir le mouvement associatif local, d’ailleursc’est la commune qui le fait certes, par le biais de nos financements, mais c’est importantque la population reconnaisse la commune comme partenaire financier. Après c’est à lacommune de faire preuve de volonté, en fait on essaie de donner à la commune les moyensde programmer son action ( sans se laisser influencer par des partenaires financiers, il fautqu’ils restent conformes à leur plan d’action), mais il faut pour ça qu’elle soir capable deproposer ( par exemple, concernant la réhabilitation de routes, ils avaient un budget, maisils étaient incapables de déterminer leurs priorités, il n’y avait même pas des cartes de laville de Kayes) ».

∙ Les partenaires en France :- Le travail avec les associations de migrants :La Communauté d’agglomération est amenée à travailler avec des associations de

migrants. En effet, la forte communauté de Kayésiens, résidant dans l’agglomération d’Evry,s’investit beaucoup dans des associations de migrants, leurs actions se font en direction dela Région de Kayes. « C’est un sujet intéressant, on a des migrants sur notre territoire, onveut lancer une coopération, comment on peut travailler avec eux » ?

Cet échange entre la Communauté d’agglomération et les migrants a justifié lacommande par le Haut Conseil pour la Coopération Internationale (HCCI) d’un VADEMECUM sur le thème des -Migrants et de la coopération décentralisée.

Néanmoins, Jean-François MANGELAIRE précise qu’il «n’aime pas le terme demigrant, et le fait qu’ils se réunissent dans des ‘’associations de migrants’’, je pense quece sont des citoyens à part entière et pas des migrants, comme on aime à les catégoriser.Comment les faire participer à des activités qui leur permettraient de s’intégrer, c’est cequi m’intéresse. J’ai envie, comme beaucoup de citoyens le font, qu’ils mettent leur origineau service de la collectivité, et qu’ils s’impliquent avec d’autres personnes, autres que desmigrants ».

Cet enjeux de multi culturalité semble très important pour la Communautéd’agglomération. « Comment faire pour que des populations arrivent à vivre ensemble ?Pour moi, en parlant de migrants, on n’est pas dans la multi culturalité. Les migrants doivents’adresser à la commune s’ils veulent mener des actions, car je crois profondément à ladécentralisation ».

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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- L’agglomération travaille également avec l’ONG Aquassistance, associationhumanitaire des personnels du groupe Suez. Ces volontaires apportent une aide humaineet matérielle aux populations en difficulté dans le domaine de l’eau (assainissement), del’environnement et du traitement des déchets. Ce partenariat a été établi par l’intermédiairede la Société des Eaux de l’Essonne.

- La Société des Eaux de l’Essonne, les a aidé à travailler sur le réseau assainissement,l’entreprise a ainsi apporté un prêt de 10 000 € dans la station de relevage des eaux pluviales(de manière à préserver la ville des inondations).

« Mais c’est vrai qu’on est pas très ouvert par rapport à d’autres coopérations, où ilsont énormément de partenariats, nous on est resté beaucoup sur nous même. C’est biende mobiliser beaucoup de structures , mais c’est très compliqué, pour moi la coopérationdécentralisée c’est pas être animateur d’un réseau, c’est pas la priorité, c’est effectivementessentiel, mais avant tout ce qui me semble important c’est bien gérer notre appui ».

∙ L’évaluation :L’évaluation s’est faite en 2000 et s’est terminée en 2001, elle a porté sur dix années

de coopération, c’est à dire depuis les débuts du partenariat en 1990.Depuis, la Communauté d’Agglomération d’Evry travaille sur des projets triennaux :En 2006, on a lancé une évaluation des quatre dernières années 2001-2005,La prochaine évaluation portera sur la période 2006-2009

L’appartenance à un réseau« Nous appartenons à Cités Unies France, et plus précisément au groupe pays Mali ».

Nouvelles perspectives et aspirations

∙ Les nouveaux projets de coopération décentralisée en perspective :Les prochaines coopérations concerneront la Russie d’une part avec une coopération

essentiellement économique entre la SNECMA (conçoit, développe et produit, seul ou encoopération, des moteurs pour avions civils et militaires) et la ville de Rybinsk (lieu deproduction d’avion à réacteur). Par ailleurs, une coopération avec la Chine est à l’étude, carles chinois investissent beaucoup en Afrique. « Ce qui m’intéresse c’est l’aspect tripartiteentre une ville française, chinois et malienne ». Le Président partira le 23 juin prochain demanière à établir un premier contact.

Information et formation à la coopération décentralisée

∙Les organismes qui vous ont informés ?Si l’information sur des aspects techniques de la coopération décentralisée semble

important, la compréhension historique de la coopération décentralisée semble centralepour J-F MANGELAIRE.

« Oui, connaître le cadre juridique il faut le savoir, par exemple la Loi Oudin a permisd’augmenter notre budget de 36 000 € . Mais on oublie l’histoire, la définition originelle dujumelage par exemple, c’est important de savoir comment ça a évolué ».

Il est fait état également d’un besoin de redéfinir ce qu’on entend par « coopérationdécentralisée.« On part sur une définition de la coopération décentralisée qui englobe de

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Annexes

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plus en plus tout, alors que pour moi par principe, c’est du développement. Si on prendl’exemple d’une coopération Paris- New -York, quelle est la part de développement »?

∙ Les formations en coopération décentralisée« J’ai dispensé plusieurs formations, il s’agissait de l’apport d’expérience, plutôt qu’un

enseignement pour :- La société de conseil COOPDEC,- Cités Unies France, il s’agissait de collectivités qui s’étaient lancées récemment dans

de projets de coopération. Cela portait davantage sur des sujets spécifiques, de type appuisfinancier, institutionnel.

- L’Université d’Evry ».La philosophie défendue par J-F MANGELAIRE est celle de la compétence qui existe

sur place, « rien qu’avec ça on peut faire de la coopération décentralisée, ça ne nécessitepas forcément beaucoup d’argent ».

∙ La formation des homologues étrangers :Pour la formation des élus étrangers de nombreuses difficultés sont soulevées, « le

niveau peut être tellement bas parfois, que ça ne sert à rien de faire une formation. Ilfaut les former, mais à des choses très basiques dans un premier temps (exemple : lefonctionnement du Conseil Municipal, rédiger des comptes rendus…) »

Jusqu’à présent la Communauté a effectué des formations auprès des élus étrangersen informatique, mais l’impact et l’intérêt de telles formations restent semble-t-il peu visibles.

Annexe 5 :Entretien avec Laure FERET- Responsabledu service Relations Internationales et CoopérationDécentralisée au Département de l’Essonne- 18/06/07

Le cadre de vos actions∙ Lieu et domaines de coopération :- Les élus du département de l’Essonne défendent le fait de faire de la coopération

décentralisée, mais par contre ils n’ont pas la vision de la loi de 1992, relative àl’Administration Territoriale de la République (ATR). En effet, ils adhèrent à la définition et àla vision européenne de la coopération décentralisée, c’est une définition plus large.

A titre de rappel, l’approche de l’Union européenne en matière de coopérationdécentralisée est sensiblement différente de la définition française. Par " Coopérationdécentralisée " l’Union européenne entend tout programme conçu et mis en œuvre dans lepays du Sud ou de l’Est par un acteur de la société civile : ONG, pouvoirs publics locaux,coopérative agricole, groupement féminin, syndicat, " de façon plus générale toute formeorganisée de la Société civile ".

Au sens français, il y a coopération décentralisée lorsqu’une (ou plusieurs)collectivité locale française développe des relations avec une (ou plusieurs)collectivité locale étrangère : il peut s’agir aussi bien de l’établissement de relationsd’amitié ou de jumelage avec des collectivités territoriales étrangères, d’actions de

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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promotion à l’étranger, d’aide au développement de collectivités dans certains pays,d’assistance technique, d’action humanitaire, de gestion commune de biens de servicesmais aussi de coopération transfrontalière et de coopération interrégionale.

- Créé en 2003 par le Conseil général, le Centre de ressources essonnien de lasolidarité internationale (CRESI) coordonne les actions engagées dans le département enmatière de coopération internationale. Il s’agissait d’« avoir un lieu ressource pour formaliserun réseau d’échanges ».

Le Département de l’Essonne soutient par le biais de subventions les acteurs locauxde la solidarité internationale (associations, communes, établissements scolaires…) dans laconduite d’actions de coopération décentralisée. Ce choix est justifié de plusieurs manières :« Nos actions de partenariats directs n’avaient aucun impact sur nos citoyens, ni sur notreterritoire ». Néanmoins, le simple subventionnement restait une modalité d’action encoretrop insatisfaisante par rapport à la conception de la coopération décentralisée portée parle Conseil Général ; « les actions se portaient trop sur les conséquences et pas sur lescauses ».

Par conséquent, le Conseil Général a accompagné son soutien financier d’un appuiméthodologique : conseils, diagnostics et formations sont ainsi proposés aux acteurs de lasolidarité internationale afin d’assurer la cohérence et l’efficacité des projets qu’ils mettent enœuvre. Ces actions doivent permettre aux populations auxquelles la coopération s’adressed’accéder au développement, dans le respect de leurs modes de vie.

Ni charité ni assistanat, le CRESI tente de « faire réfléchir les porteurs de projets auxsolutions qu’ils apportent ». Les partenaires doivent avoir à l’esprit les exigences que défendle Conseil Général dans les actions de solidarité internationale à savoir « le développementdurable, le principe d’un partenariat inscrit dans la durée, l’autonomie des populations ». Ilsessaient par ailleurs de leur faire prendre conscience qu’ils doivent travailler sur le rapportà l’autre » de manière à échapper à la tentation d’imposer ce qu’on estime être leur besoin.C’est une nécessité pour le département car dans leur propre coopération directe avecle Cercle de Douentza, ils remarquent que leur interlocuteurs maliens « se positionnentautomatiquement comme inférieur. Il faut rompre avec les réflexes conditionnés ».

En moyenne, le département travaillera pendant 6 mois avec une association, environdeux projets sur deux ans sont ainsi réalisés.

- 43 pays sont ainsi représentés, 650 structures subventionnées et 150 projets (lesprojets aux Comores, à Haïti, et Madagascar sont nombreux) sont mis en place par an,confondant l’appui au développement et l’éducation au développement.

- Néanmoins, le Conseil général a renouvelé en 2006 son partenariat avec le Conseil deCercle de Douentza, au Mali. 105 000 euros sont consacrés cette année au renforcementinstitutionnel de la collectivité du cercle et à l’amélioration du revenu paysan, et donc desrentrées fiscales du Conseil de Cercle. Il s’agit de promouvoir et légitimer l’action de cedernier auprès des populations (en matière d’éducation, de santé et de sécurité alimentairepar exemple), et de développer télécommunications et systèmes informatiques

∙ L’origine de cette action :L’origine de l’action à Douentza s’explique par la présence de personnalités, notamment

l’ancien Président du Conseil Général (Xavier DUBOIS) qui était Président du groupe franco-malien. Cette coopération avait néanmoins été abandonnée suite à un changement demajorité, elle a été reprise en 2006 sous le lobbying des élus de Douentza.

∙ Les priorités actuelles dans les actions menées :

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Annexes

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Les priorités demeurent celles :De l’accès aux besoins essentielsL’atteinte des objectifs du millénaire (qui ne correspondent pas toujours au valeurs de

développement durable que défend le département)Le développement économiqueL’échange culturelLa francophonie∙ La maîtrise d’ouvrage des actions :Le choix d’une maîtrise d’ouvrage indirecte est vraiment un parti pris politique, il consiste

à dire que les collectivités locales en tant que telles ne peuvent pas changer la situation despays en voie de développement et ce n’est pas leur rôle non plus. Par contre, elles peuventy participer à travers l’apport de financements auprès d’association, collectivités et d’ONGcompétentes en la matière.

∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :Le département s’est associé à de nombreuses communes et à 4 syndicats

intercommunaux auquel il délègue la mise en œuvre concrète de la coopération.∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopération

décentralisée :Le CRESI est constitué de six personnes : quatre sont mobilisées sur la gestion des

subventions (sur la méthodologie, la vie associative, l’appui à la recherche d’information, larecherche de l’intérêt local). Au Mali, le département à en outre mis en place un volontaire, eta exigé, pour que le contrat soit rempli en terme de réciprocité, que le Cercle est égalementquelqu’un de référent en la matière. L’Etat Malien a donc mis un fonctionnaire d’Etat àdisposition, il suit une formation, financée par le Conseil Général, à la fin de laquelle ildeviendra fonctionnaire territorial.

Par ailleurs, le CRESI est rattaché au service du développement durable concernantson action au Mali. Ils travaillent également avec la direction des finances, notammentpour le développement et le renforcement des rentrées fiscales du Cercle de Douentza. Lafiscalité locale malienne reposant sur le prélèvement de l’impôt sur les paysans.

∙ Le financement des actions de coopération décentralisée- En 2007, le Département consacrait 538 000 euros au subventionnement des acteurs

de la solidarité internationale. Par ailleurs, 105 000 euros sont consacrés cette année àla poursuite des objectifs fixés dans le cadre de la coopération établie avec Douentza. LeCercle de Douentza contribuant aux actions à hauteur de 5% ; l’apport du MAE quant à luis’élève à 100 000 €.

- Au total, en 2007, le budget alloué à cette politique s’élève à 756 000 euros, enaugmentation de plus de 12% par rapport à 2006. Leur objectif est d’atteindre 1 milliond’euros en 2010.

∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :Des problèmes apparaissent généralement en amont du projet dans le circuit de

financement qui transite par la Préfecture de Département et la Préfecture de Région, avantd’aboutir devant l’ambassade (dont l’accord est nécessaire).

Le versement de subventions :

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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Chaque programme opérationnel est voté par le Conseil GénéralChaque subvention attribuée à une nouvelle action au Mali est approuvée et validée par

les autorités locales de chaque pays (le Cercle de Douentza et le département de l’Essonnede part et d’autre).

Ce mode de fonctionnement engendre néanmoins des dysfonctionnements. En effet,chaque fois que les élus maliens se présentent pour voter une nouvelle action, ils doiventêtre rémunérés or, le Cercle n’en a pas les moyens, des actions restent ainsi sans suitefaute de moyens.

Une autre difficulté qui est évoquée est celle du choix du tribunal compétent. Onest sur un domaine où le droit international, national et local des deux pays partenairess’entrecoupent, situation qui reste une source probable de conflits.

En dernier lieu les procédures de marchés publics (utilisation de procéduresadaptées en l’espèce) sont particulièrement inadaptées aux mécanismes de la coopérationdécentralisée.

∙ Les atouts de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivité françaiseet étrangères:

Selon Laure FERET, « le côté intéressant pour la collectivité, c’est que ce genred’expérience oblige à remettre en cause les lourdeurs administratives et que les collèguessont dérangés dans ce qui leur semble immuable ». « Mais pour l’instant aucune direction nes’en ait saisi comme axe de management, alors que ça a vraiment une valeur pédagogique »

« La coopération décentralisée oblige la politique locale à se repositionner sur lepolitique », autrement dit, l’action extérieure des collectivités locales doit toujours être liée àune problématique locale, et échapper aux conceptions purement humanitaires selon LaureFERET.

La réciprocité, si elle reste souvent peu visible dans ce type de coopération estbien présente comme nous l’indique Laure FERET. En effet, le département de l’Essonneconfronté à la recrudescence de la tuberculose chez les maliens primo-arrivant étaitconfronté à la difficulté d’établir une prévention compréhensible par ce public. Parconséquent, des partenaires maliens leur ont envoyé des campagnes de préventionadaptées. En ce sens, on peut véritablement parler de réciprocité.

« Pour les essonniens, on souhaite que ce soit leur regard qui change sur les personnesavec qui ils vivent, provenant souvent de pays en voie de développement ».

∙ La continuité des actions :Une des variables de la continuité des actions qui est souvent omise, est leur

financement dans la durée. En effet, au fur et à mesure que les projets prennent del’envergure, le Département doit chercher de nouveaux bailleurs comme le MAE et/oula Région. Le département de l’Essonne a mis en place un système de financementpluriannuel, qui s’avère nécessaire pour obtenir des financements du MAE ou de la Région,car ils exigent qu’il y ait déjà un bailleur qui soutienne les actions de coopérations.

∙ Le portage politique des actions :

Les questions de politique de coopération internationale sont toujours votées à lamajorité au sein du Conseil Général. Il y a toujours une discussion politique avec quatreélus dont deux issus de la majorité et deux issus de l’opposition.

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Annexes

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En fonction de la couleur politique, la coopération n’est pas rattachée au même service,ainsi au sein du département de l’Essonne, le CRESI est rattaché à la Direction duDéveloppement durable, l’influence de leur élu vert étant indéniable. Néanmoins, lorsqueles actions sont conduites sous une gouvernance de gauche, la coopération décentraliséea davantage tendance à être rattachée au Cabinet et au Directeur Général des Services.

∙ Communication et sensibilisation des essonniens:Le département œuvre d’une manière générale à l’information et la sensibilisation du

public par le biais de nombreuses initiatives : l’organisation d’une conférence mensuelle, uncolloque annuel, ainsi qu’une fête « de la coopération internationale- Delaba édelà» tousles 2 ans. Les 23 et 24 juin prochains seront l’occasion de célébrer la deuxième édition deces rencontres. « 125 structures (associations, communes, syndicats intercommunaux…)participent, et l’on a également fait un travail avec eux pour les amener à réfléchir surdes thématiques plus larges, que sur leur seule action, dans les pays dans lesquels ilsinterviennent ». Plus largement, ces échanges visent à rapprocher les peuples, à découvriret respecter d’autres cultures.

Les liens avec les partenaires∙ Les partenaires à l’étranger :Les partenariats avec l’étranger ne relèvent pas du Conseil Général, sauf pour sa

coopération directe avec le Cercle de Douentza.∙ Les partenaires en France :Parmi leurs partenaires en France, on compte sur l’ensemble des organismes qu’ils

subventionnent : 20% de communes, 3 syndicats intercommunaux gérant l’eau et unsyndicat intercommunal de gestion des ordures ménagères(le SIREDOM). Il commenceen outre à développer un partenariat avec la Faculté d’Evry. Par ailleurs, le départementd’Essonne aspire à établir davantage de partenariats avec les entreprises, « c’estune commande politique pour lesquels les moyens sont encore un peu flous ». Lesentreprises qui les intéressent plus particulièrement sont celles qui travaillent dansla recherche. Collaborer avec des associations constitue un véritable apport pour ledépartement de l’Essonne, dans la mesure où leurs actes ont des conséquencesnotamment sur les institutions. De plus, ces actions plutôt que de conforter les essonniensdans leur a priori, permettent de les faire changer de discours. « On est tellement dansl’affecte que c’est des questions qui sont difficiles à faire changer comme ça ».

∙ Un système d’évaluation de ces expériencesLaure FERET nous indique que « c’est difficile de voir l’application des principes

défendus par le Conseil Général sur le terrain, dans la mesure où ces critères sont largeset subjectifs ». Néanmoins l’évaluation est essentielle, car « il faut que les structuresapprennent à se remettre en cause ». C’est un formulaire d’évaluation plus que de contrôleque le département a mis en place, il sert à réorienter l’action de l’organisme partenaire.En dehors de ce système, les partenaires ne sont pas suivis, car ce qui les intéresse cene sont pas les conséquences et les impacts des actions menées à l’étranger, mais plutôtl’amélioration des pratiques des organismes dans le cadre de leur coopération, « c’estvraiment une politique publique essonniennes».

En novembre est prévue l’évaluation du projet conduit au Mali.L’appartenance à un réseau

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

138 Lucile Denechaud - 2007

∙ Le Département de l’Essonne à l’origine d’un réseau qu’il anime :Le département a développé lui même un réseau à travers le CRESI, ils regroupent

diverses associations et communes. Il constitue une source de conseil et de formation.Par ailleurs, le département essaie de mettre en place un réseau de 16 communes

essonniennes qui veulent coopérer avec 16 communes maliennes du Cercle de Douentza.Constituer ce réseau permet au département de l’Essonne d’agir au-delà de sa sphère decompétence. En effet, concernant la perception de l’impôt le Conseil Général forme desrégisseurs, néanmoins ce sont les maires qui collectent l’impôt et reversent en principe25% de ce qu’ils perçoivent au Cercle. Par conséquent, le bon fonctionnement du cercledépend de celui des communes, d’où l’intérêt d’agir sur ces dernières pour le Départementde l’Essonne. Au niveau du Mali, le département essaie également de créer un réseau Moptiau Mali, pour éviter que des actions ne se superposent. On risquerait ainsi d’aboutir à desconcurrences stériles entre collectivités locales françaises.

∙ Par ailleurs, le département appartient à Cités Unies France« Néanmoins ce réseau national ne répond pas forcément à la conception de la

coopération décentralisée telle que la porte le Département. On a du mal à trouver desinterlocuteurs, car les collectivités avec qui ont échange sont généralement positionnéssur les conséquences, or ainsi, elles se placent en dehors des compétences qui leur sontattribuées par la loi ». De plus, Cités Unies France défend profondément la décentralisation,or « je travaille avec des élus qui n’ont pas du tout cette approche ». Le Département del’Essonne s’oppose complètement au discours de Cités Unies France sur la reconnaissancedu pouvoir diplomatique des autorités locales. Laure FERET est critique d’ailleurs surl’adoption de la loi THIOLLIERE, pour elle « cela n’a aucun sens, car on ne s’interroge plussur l’intérêt local, et sur le retour au territoire ».

Le problème c’est que la discussion semble difficile à amorcer sur ce sujet, LaureFERET précise « comme on fait ‘’le bien’’ on ne peut pas ne pas être d’accord ».

L’intérêt de la coopération décentralisée pour le Conseil Général est son apport enterme d’apprentissage de la démocratie locale, il ne défende pas une vision internationalistede leur action, mais rattache l’ensemble de leur action à leur territoire.

Nouvelles perspectives et aspirations

∙ Les nouveaux projets de coopération décentralisée en perspective :

Le Bénin et le Burkina-Faso seraient les prochaines destinations.Par ailleurs, est à l’étude une coopération triangulaire entre le Département de

l’Essonne, Haïti, et la Guyane. L’objet de ce partenariat consisterait à fournir un appui auxacteurs guyanais dans la conduite de leur projet en Haïti. L’accord avec la Guyane permetau département d’avoir un relai plus proche d’Haïti, garantissant ainsi la viabilité des projets.L’origine de cette action provient également de la présence de migrants haïtiens (il existeun Foyer, le Cimade).

Information et formation à la coopération décentralisée∙Les organismes qui vous ont informés ?Les ambassades répondent aux questions, mais sont assez méprisantes, selon Laure

FERET vis-à-vis des collectivités. Par ailleurs, le département n’a été informé semble-t-ilpar aucune structure étatique. Ils ont un bureau de représentation à Bruxelles.

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 139

∙ Les domaines de la coopération décentralisée où ils souhaitent être informés :« Ce n’est pas tellement le manque d’information c’est davantage le besoin que

l’information soit triée, qu’elle soit rapide et pertinente ». « La réflexion sur le sens de (leur)métier » apparaît également essentielle à Laure FERET.

∙ Les formations en coopération décentralisée«Au niveau de la formation, CUF ne nous satisfait vraiment pas ».La situation du CRESI est particulière dans la mesure où « les personnes du service

sont très diverses, elles se sont formées sur le tas et ont atterri un peu par hasard dansce service »

Concernant les formations déjà réalisées :Une personne a suivi une formation auprès de l’agence COOPDEC ConseilEt une autre personne a entamé une formation continue auprès du Master d’Evry.« Ce qui m’intéresserait comme formation, ça serait sur la négociation à l’international,

comme c’est capitalisé nulle part, comment je fais pour savoir précisément comment sedécline au niveau opérationnel les acteurs qui interviennent sur le territoire ».

Par ailleurs, «ce qui est important, c’est que l’outil technique du montage de projetdevrait nous faire réfléchir au sens de notre action. Ca ça manque ». « Comment on s’insèredans le milieu de la coopération internationale alors que c’est un domaine porté par le privéavec les ONG et par l’Etat avec ses coopérations multilatérales. Les professionnels de lacoopération en auraient besoin ».

D’autres sujets pourraient être abordés tels que :« Comment –fait-on pour passer d’une coopération à plus grande envergure avec des

outils internationaux ? »L’articulation Coopération décentralisée et développement durable, ce dernier domaine

ayant une place centrale dans l’ensemble des politiques menées par le Conseil Général.Pour Laure FERET, il ne faut pas rester sur de l’opérationnel.Les formations doivent s’adresser aussi bien aux fonctionnaires qu’aux élus. « Les

élus auraient besoin de formation sur comment relier leur projet politique local à une actioninternationale, car dés qu’ils sont en Afrique, ils arrêtent de faire de la politique, on seretrouve sur du charitable ». « C’est vraiment une approche générationnelle, les élus nevoient pas sur la réciprocité ce que la collectivité partenaire peut leur apporter ».

∙ Le dispositif pédagogique adapté en matière de coopération décentralisée :« C’est un secteur encore en création donc c’est difficile de faire un cours magistral »∙ La formation des homologues étrangers :« Les formations là-bas, on les fait faire par des bureaux locaux, car on n’a pas les

compétences face à la particularité de la situation : beaucoup d’élus sont analphabètes »Par contre, deux personnes de collèges, ainsi que deux personnes de la direction de

la santé ont effectué un diagnostic sur place de la situation au niveau national, régional etsur le plan local. « L’idée qui nous intéresse c’est que nos services soient confrontés à unautre mode d’organisation » car que ce soit la santé ou l’éducation, ils restent beaucoupsur une logique de «tout équipement […]. Ils ont ainsi pu constater que « la construction cen’est pas toujours la solution systématique ».

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

140 Lucile Denechaud - 2007

Il paraît par ailleurs important qu’ils bénéficient d’une expérience qui modifie leurpratique et qu’ils puissent la relayer auprès de leurs élus (français).

Annexe 6 : Entretien avec Pierre MALVAUD- Directeurdes Relations Internationales- à la Mairie d’Issy – Les– Moulineaux- 21/06/07

Titulaire du concours d’attaché territorial.Le cadre de vos actions∙ Lieu, domaines et origine de la coopération :

Trois types de partenariats existent au sein de la mairie d’Issy- Les- Moulineaux :→ Les jumelages traditionnels essentiellement européens et qui ont ensuite été

étendus à l’Asie. Ils concernent les domaines culturels, sportifs…« Lorsqu’on signe un jumelage, l’idée c’est de coopérer dans un maximum de domaines

prioritaires, mais non exclusifs ».On compte parmi les villes jumelées : les villes de Frameries (Belgique – 1979),

Macerata (Italie – 1982), Hounslow (Grande-Bretagne – 1982), Pozuelo de Alarcòn(Espagne – 1990), Nahariya (Israël – 1994), Pékin / District de Chongwen (Chine – 1998)et enfin Séoul / District de Guro (Corée du Sud - 2005).

→ Des partenariats simples :Ce sont des contacts formels mais qui ne pourront pas dans l’immédiat déboucher

sur un jumelage à part entière. La communication est moins forte que dans le cadre d’unjumelage.

Parmi les villes concernées :- La ville de Leshan/ Province du Sichuan en Chine, le jumelage n’ayant pas été

possible, la ville d’Issy-Les –Moulineaux ayant déjà une convention de jumelage avec Pékin.Le partenariat concerne la culture et le tourisme, ainsi que l’échange scolaire. A l’origine,de cet échange une rencontre entre André SANTINI et le Maire de Leshan en 1999.

- Sont également concernées par un partenariat simple : la ville de Lafayette enLouisiane, la ville de Mitaka-Cité Tokyoïte au Japon, pour laquelle les domaines d’échangesont notamment la modernisation de l’administration (e-administration), les échangeséconomiques.

→ Les accords de coopération :Deux accords de coopération existent :Celui de Dapaong (Togo – 1989)La coopération porte principalement sur deux domaines : l’eau et la santéConcrètement, le projet au Togo se traduit par la réhabilitation et la construction de

points d’eau. « Ce qui est intéressant, c’est tout l’aspect éducatif, en fait c’est un programme

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 141

d’appui à la société civile, on leur apprend à constituer des comités villageois pour que cesoit les associations togolaises qui prennent en main la gestion des points d’eau ».

Aujourd’hui, les villages qui souhaitent avoir un point d’eau doivent constituer uneassociation ou « Comité villageois » et s’adresser à l’association « Jeunesse AgricoleChrétienne (JAC) » qui encadre la mise en place d’un tel projet sur un minimum de 10 ans.La JAC a pris le relais des fonctions autrefois exercées par l’AFVP (L’Association Françaisedes Volontaires du Progrès reste néanmoins partenaire dans le cadre de ces projets) ; elleest chargée de vérifier l’intérêt de l’installation du point d’eau, la tenue des réunions par lecomité villageois, l’état du point d’eau sur le long terme…etc. L’association peut au bout de5 ans demander des travaux complémentaires.

A travers ce projet deux objectifs sont poursuivis : celui de l’éducation sanitaire d’unepart, avec l’apprentissage de la construction et de l’entretien d’un puits, et l’éducationcitoyenne, avec la promotion des femmes au sein des comités villageois ( en les plaçantau poste de trésorière ou de présidente), mais également par la responsabilisation del’association qui rédige elle-même son cahier des charges, lance les appels d’offre, quiparticipe au financement de la main d’œuvre, enfin le projet s’accompagne toujours d’unprogramme éducatif de point d’eau. Chaque année sont ainsi créés ou réhabilités entre 5et 10 puits.

Par ailleurs parmi les actions récurrentes conduites au Dapaong, suite à l’évaluation de2002, la ville d’Issy- Les- Moulineaux a pris en charge depuis 2003 le salaire d’un médecindu CHU de Dapaong, spécialisé en pédiatrie (ancienne clinique pédiatrique, gérée par uneassociation religieuse).

« Ce sont les deux projets récurrents et en fonction du budget disponible onaccompagne des petits projets. En 2004-2005, c’était la rénovation d’un centre de formation,en 2006 nous avons aidé une association à envoyer des livres »

Une autre coopération existe avec Etchmiadzine en Arménie – 1989.« Notre coopération en Arménie est moins structurée, on n’a pas d’association

partenaire bien implantée sur place, donc c’est plus à la demande de nos partenaires, avecnéanmoins une dominante petite enfance et éducation »

En 2002-2003 : La ville a financé l’équipement en mobilier d’une école, PierreMALVAUD précise : « pour que ce soit intéressant, on a fait faire sur place le mobilier ».C’est l’un des enjeux de la coopération décentralisée que d’impliquer la population localeet de faire vivre l’économie du pays à travers ces projets, c’est justement ce qui distinguela coopération décentralisée de l’assistanat.

En 2005, en partenariat avec des crèches d’Issy-Les-Moulineaux, du matériel depuériculture a été envoyé. « Au début j’étais sceptique » poursuit P.MALVAUD, en évoquantl’importance d’être réceptif aux besoins de l’interlocuteur étranger et d’échapper à latentation de leur construire des attentes que nous jugeons nécessaires.

Par ailleurs, la ville de Dapaong est le lieu de chantiers solidaires, autrement appelésles chantiers –jeunes. C’est un objectif majeur de la ville de sensibiliser les jeunes et pluslargement l’ensemble des isséens à la solidarité internationale.

Un chantier d’été est prévu cette année, et dés septembre 2007 un travail a étéentamé au sein des classes sur le pays, l’objet précis du chantier etc…. L’impact detels échanges est indéniable pour Pierre MALVAUD il signale d’ailleurs que de retour dechantier, très souvent, « la plupart des jeunes s’impliquent dans des associations d’aide

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

142 Lucile Denechaud - 2007

au développement », de plus, outre leur engagement de terrain, ces jeunes s’engagent àrelayer l’information et leur expérience auprès des autres jeunes.

∙ L’origine des actions :A l’origine de la coopération togolaise, un personnage : André SANTINI, qui occupe en

plus de sa fonction de Maire d’Issy-Les- Moulineaux, la présidence du Syndicat des eauxd’Ile de France (SEDIF), par conséquent il était sensibilisé aux problématiques de l’eau.De plus, « dans les années 80, il y a eu une grande vague de solidarité avec l’Afrique etd’autre part, à l’origine, c’était une paroisse isséenne qui avait lancé une grande collecte ».La coopération avec l’Arménie s’explique par la présence d’une communauté arménienneimportante, elle représente 7 à 8 % de la population isséenne ! Il y a donc eu une demandeforte de la population arménienne d’établir un partenariat avec leur pays d’origine. « Cetype de coopération est toujours une richesse, ça permet de favoriser l’intégration de lacommunauté, et de mettre la collectivité en valeur ».

∙ La maîtrise d’ouvrage des actions :En ce qui concerne le Togo, la maîtrise d’ouvrage est déléguée à des associations

caritatives et la maîtrise d’œuvre est exercée par des associations locales togolaises.Pour ce qui concerne, l’Arménie, la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre sont pris

en charge par la ville d’Issy- Les- Moulineaux..∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :La ville mène encore peu d’actions communes avec d’autres collectivités, même s’il y a

des tentatives de coordination avec le Département des Hauts- de- Seine qui conduit commeIssy-Les- Moulineaux des actions en Chine. Si aucune structure formelle de concertationn’a encore été mise en place, les responsables des relations internationales de différentescommunes du Département se tiennent informés de l’évolution de leur coopération. A titred’exemple, la ville d’Issy, jumelée avec la ville italienne de Macerata, a mis en relation unecommune italienne voisine, qui le désirait, avec une ville du Département des Hauts deSeine.

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

Avant que la Ville ne se dote en 2001 d'une Direction des Relations Internationales,afin de mieux coordonner les activités internationales de la Ville, le pilotage des actionsde coopération décentralisée variait en fonction du domaine concerné. Ainsi, aussi bienla Direction Générale, le Cabinet du Maire, le service éducation, le sport, le protocoleou encore l’action économique pouvaient être mobilisés sur des projets de solidaritéinternationale. Depuis 2001, la création de la Direction des Relations Internationales apermis de coordonner l’ensemble des actions. Un Comité de pilotage inter- service se réunitainsi une fois par trimestre. De nombreux services restent mobilisés sur les projets decoopération : les services précédemment cités, ainsi que le service culturel et technique.« L’idée, c’est de travailler ensemble, et ensuite d’arriver à fédérer les énergies ».

Quatre personnes sont mobilisées dans le service des relations internationales (2cadres- cadre A et 2 assistantes). A cela, il faut ajouter que selon le type d’action menée,et le domaine concerné, un ou plusieurs responsables de service peuvent être mobilisés.

« Depuis 2003, on organise des opérations à l’internationale qui s’inscrivent dans desactions lancées au niveau national, comme par exemple pour l’année de la Chine, où toutnos services ont alors été appelés à orienter leur action vers la thématique d’ensemble,

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 143

de même la campagne de communication a axé majoritairement sa campagne sur cethème (par différents biais : des panneaux JC Decaux, des plaquettes d’information, desconférences…etc) ».« Ce sont de grosses opérations programmées 12 mois à l’avance, etles services ont l’obligation de s’intégrer à cette opération. En principe ça ne coûte pas cher,on se contente d’orienter nos actions dans l’axe thématique ».

Cette mobilisation de l’ensemble des services autour des projets de coopérationinternationale a pour but d’assurer une cohérence dans les actions menées par la Mairied’Issy- Les- Moulineaux.

∙ Le financement des actions de coopération décentralisée :En totalité les action à l’international représentent 140 000 € , sachant qu’une fois les

dépenses réalisées pour les actions au Togo et en Arménie, il ne reste plus que 80 000€.Par contre si l’on regarde le budget consacré sur des opérations dite transversales,

telle que pour l’année de l’Arménie, le budget s’est élevé à 300 000€ consacré à environ40 manifestations!En fait, il nous faut préciser que « le fait que différents servicessoient mobilisés sur des actions de coopération explique que la Direction des RelationsInternationales elle-même n’est pas un énorme budget »

Pour les projets hydrauliques conduits au Togo, la ville consacre entre 10 000 et20 000€ par an, sur 2 ans. Il faut ajouter à cela la prise en charge du salaire du pédiatreDapaong s’élevant à 6000 €. Pour le TOGO, les modalités de financement sont particulières.L’association JAC est rattachée à Caritas International (antenne du secours catholique),mais la commune d’Issy- Les-Moulineaux passe la convention avec le Secours Catholiquequi est ensuite chargé de redistribuer l’aide sur place. Ce fonctionnement sert à sécuriser lecircuit de financement des projets cela « rassure les élus », confrontés par le passé à desproblèmes de détournement de fonds.

Par le passé, la ville d’Issy s’appuyait sur des fonds européens. Aujourd’hui, elle nerecourt plus à ce type de financement, car les jumelages qui sont financés par l’Europe sontquasiment exclusivement des actions triangulaires et notamment avec des pays entrant.Par ailleurs, le MAE apporte également une contribution aux projets de coopération isséen.Ainsi, dans le cadre du partenariat entre l’hôpital de Corentin et l’hôpital d’Etchmiadzine(Arménie), le MAE a financé les billets d’avion de deux médecins, et a assuré le salaire dedeux traducteurs arméniens pour accompagner la délégation arménienne venue en France.

L’aide d’une agence de conseil dans le montage de tels dossiers a été suggérée, mais laproposition a jusqu’à présent été refusée ; la raison essentielle est une question financière,la ville cherche au maximum à réduire ses dépenses, il ne s’agit donc pas de grever lebudget !

∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :- Au Togo, « la difficulté essentielle est politique du fait de la reprise en main des

municipalités par Eyadema, il les a remplacé par des délégations spéciales ». L’instabilité dupays a été à l’origine d’un changement de coopération, les élus français ne reconnaissantpas ces délégations. Du coup, « depuis 2002, on traite directement avec la société civileet on ne fait qu’en informer les délégations ». « Dans un sens ça a facilité les choses, carauparavant tout passait par les municipalités et il y avait des détournements de fonds ».

Vue de l’extérieure, une difficulté est souvent avancée, le fait que la Ville d’Issy n’estpas une personne relais sur place (toujours pour des raisons budgétaires). Pierre MALVAUDécarte rapidement ce supposé obstacle, il précise : « on a d’assez bons contacts sur

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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place, ce qui nous permet d’avoir un bon reporting, et par ailleurs nos conventions avec nospartenaires sont strictes (ce qui leur permet de conserver un champ d’action) ».

- Pour l’Arménie, ce qui pose problème, c’est la langue, et les problèmes techniques decommunication (il y a encore peu de temps, le fax et le téléphone ne permettaient pas unecommunication fluide). Ces problèmes semblent avoir été dépassés avec, respectivementl’arrivée d’un fonctionnaire parlant anglais à la mairie d’Etchmiadzine et d’internet, quipermet un contact régulier et rapide. En outre, un problème identique à celui rencontré auTogo s’est posé : le détournement de fonds.

Enfin, un problème commun à l’ensemble des projets de coopération se pose. Lebesoin se fait sentir en terme de moyens humains, Pierre MALVAUD estime que dansl’idéal, il faudrait qu’une personne consacre tout son temps au montage des dossiers definancements.

∙ Les atouts de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivité françaiseet étrangères:

L’atout majeur de ces actions pour Pierre MALVAUD, réside dans le fait que cesactions « bénéficient à la population (que ce soit les chantiers-jeunes ou les échangesscolaires), notamment les jeunes sont très demandeurs, et en plus les retombées positivesne se limitent pas à eux, puisqu’ils s’engagent à relayer leur expérience auprès des autresjeunes ».

L’éducation à la solidarité est un axe essentiel de la coopération décentralisée pour laville, car c’est ce qui permet de relier une action internationale à un territoire local.

En outre ces coopérations ont des conséquences positives en termes de retombéeséconomiques.

Pierre MALVAUD conclue : « Les relations internationales c’est une des activitéstransversale les plus évidente, c’est un cercle vertueux car ça devient évident pour les élus,qu’il y a un intérêt à mobiliser leur service sur ce type d’action ».

∙ La continuité des actions :Au Togo, clairement la situation politique instable a été à l’origine d’un changement

dans les actions qui étaient jusqu’à présent menées. La Ville d’Issy- Les- Moulineaux nereconnaissant pas les nouveaux pouvoirs locaux instaurés par Eyadéma, toute coopérationdirecte avec les municipalités s’est avérée jusqu’à présent impossible.

∙ Le portage politique des actions :Il transparaît clairement qu’au sein de la mairie d’Issy- Les –Moulineaux, « c’est grâce

au Maire qui a réussi à faire passer la fibre internationale au Conseil Municipal », quela coopération décentralisée a pu se positionner de façon aussi transversale dans lefonctionnement de la mairie.

∙ Communication et sensibilisation des essonniens:Les actions de communication et de sensibilisation sont nombreuses, que ce soit par

le biais d’une revue qui sort tout les six mois, « Culture Revue Isséenne (CRI) » , deconférences, de chantiers- jeunes, d’échanges scolaires, d’animations, etc…

« Ce qui est intéressant à Issy-Les- Moulineaux, c’est que dans l’idée du maire lesjumelages doivent bénéficier à la population d'Issy, c’est pourquoi il y a des expositions,

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Annexes

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des conférences, avec toujours une très forte implication des jeunes (les écoles, collèges,et lycées).

Les liens avec les partenaires∙ Les partenaires en France :Pour les chantiers jeunes, la ville d’Issy –Les-Moulineaux s’associe à différentes

structures, aussi bien des services déconcentrés de l’Etat (DGCID) que des ONG, telle quel’UNICEF.

Par ailleurs, au niveau des entreprises, il n’y a pas de partenariat vraiment formel, « àchaque fois qu’André SANTINI part en Chine, il part avec des chefs d’entreprises, mais pourl’instant, ça n’a pas eu le succès qu’on aurait souhaité ».

Néanmoins, Pierre MALVAUD a initié en ce sens un travail régulier avec ses collèguesde l’action économique, aussi bien au niveau de l’agglomération, qu’au niveau municipal. Ilsont ainsi organisé un colloque, qui a remporté un grand succès, sur les opportunités dansle secteur des Techniques d’information et de communication en Arménie.

∙ Un système d’évaluation de ces expériencesDepuis 2002, un système d’évaluation a été mis en place, notamment à Dapaong. « J’ai

conduit une mission d’évaluation avec un élu pour voir quelle était la situation sur le terrain,et s’il y avait d’autres choses à faire, nous sommes revenus avec 300 projets ! »

L’appartenance à un réseau

∙ L’appartenance à un réseau:Ils entretiennent par ailleurs un réseau important avec des instances de coopération :- L’Association Cités-Unies France (CUF), où ils sont très impliqués dans legroupe pays Togo. De plus, ils viennent de signer une convention de mutualisation avec

une quinzaine de ville, (projet soutenu par le MAE) initié par la ville de Chenay dans les Deux-Sèvres et reprise par CUF. ¨L’origine de ce projet : 12 villes des Deux – Sèvres qui sontjumelées avec le Togo et qui avaient mis en place dés 2001, une Association TOGO-DEUXSEVRES avec un permanent. L’idée est venue d’élargir ce cercle à d’autres villes jumeléesavec le Togo.« L’idée c’est de faire bénéficier nos interlocuteurs togolais de formation pourles aider à gérer leur projet de coopération avec nous ».

-Ils sont membre de la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée(CNCD). Cette instance de concertation est fondamentale pour Pierre MALVAUD, car

elle permet d’établir un échange entre les acteurs locaux de la coopération et les servicesd’Etat.

-Association des Maires de France ;-Membre du Comité exécutif de l’Association Française du Conseil des Communes et

Régions d’Europe (AFCCRE);-Europe de la Mémoire...

Nouvelles perspectives et aspirations

∙ Les nouveaux projets de coopération décentralisée en perspective :Deux partenariats simples pourraient évolués vers des conventions de jumelage :

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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D ‘une part, avec la ville de Mitaka-Cité Tokyoïte au Japon, d’ici 18 à 24 mois uneconvention sera certainement signée.

D’autre part, avec la ville de Lafayette en Louisiane.Cet été, un nouveau chantier est prévu en Arménie, les élèves vont continuer leur projet

de réhabilitation de l’école.Eté 2008, un nouveau chantier est prévu à Dopaong ( le premier chantier avait consisté

en des travaux d’aménagements d’un point d’eau).Information et formation à la coopération décentralisée

∙Les organismes qui vous ont informés ?Pour Pierre MALVAUD, il est important d’aller chercher les informations, « je ne conçois

pas la coopération décentralisée comme un électron libre, il faut faire la démarche des’informer et de s’associer ». « C’est sur que les institutions nationales ne viennent pasnous chercher ».

∙ Les formations en coopération décentraliséeDe nombreuses formations ont déjà été dispensées par des organismes divers : CUF/

COOPDEC conseil/ ARRICOD / CNFPT/ AFCCRE/ ENACT…« Aujourd’hui, ce n’est pas difficile de se former, on atteint un niveau qui commence à

être correcte » « Et puis toutes ces structures travaillent ensemble »« Le Maire est très au fait des projets de coopération décentralisée, les deux adjointes

déléguées à l’action internationale ne connaissaient cependant pas le domaine ».Néanmoins, même si elles sont très dynamique, « ce serait bien qu’elles se forment sur

des formations générales, sur des thèmes comme l’intérêt de la coopération décentralisée,ses termes… »

∙ La formation des homologues étrangers :La réflexion sur la formation des interlocuteurs étrangers a déjà été entamée à travers

le groupe de mutualisation et de coordination des 15 villes associées à des villes togolaises.Est en projet la formation de deux cadres administratifs togolais. Cette action étant conduitepar un Comité de pilotage français et togolais, ces derniers définiront eux- mêmes leursbesoins de formation. L’idée poursuivit à travers ce projet serait également de mobiliser desformateurs locaux.

Annexe 7 :Entretien avec Dorothée MOUSSU, Chargéede mission en Relations Internationales à la Mairied’Epinay- Sur - Seine 28/06/07

Formation DEA en actions internationales des Collectivités Locales, contractuelledepuis 5 ans à la Mairie D’Epinay- Sur- Seine.

Le cadre de vos actions∙ Lieu/ domaines/ origine/ continuité du partenariat :

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 147

La mairie d’Epinay entretient trois jumelages de manière active avec les villes de :Oberusel en Allemagne (1964)South Tyneside en Angleterre (1965)Alcobendas en Espagne (1986)La ville d’Epinay avait également orienté un partenariat avec la ville de Ramallah en

Palestine et tissé des liens avec Mevasseret Zion en Israël.Néanmoins aux dernières élections, la majorité politique ayant changé (UMP/UDF), les

élus n’ont pas souhaité reconduire les projets lancés à Ramallah. Cela peut s’expliquerd’une part, par leur méconnaissance des projets, mais également par leur frilosité des’investir au côté d’une ville au climat politique et géopolitique aussi tendu.

Espagne :« Mon rôle a été de renforcer les jumelages existants. En Espagne, des échanges

entre associations de boulistes français et espagnoles, et les conservatoires on été mis enplace. Si l’origine des échanges provient souvent des associations, la mairie d’Epinay etd’Alcobendas (à travers la directrice de cabinet, car il n’existe pas de service de relationsinternationales au sein de la mairie d’Alcobendas) restent à l’origine de l’organisation et dela coordination de ce type d’évènement.

Ils ont par ailleurs travaillé en 2005 à l’élaboration d’un calendrier avec une écoled’Epinay et d’Alcobendas ; les enfants se sont penchés sur la représentation qu’ils pouvaientavoir du pays et des gens du pays partenaire. « Ce projet a vraiment été un outil decommunication pour fêter les 20 ans du jumelage ». D’une durée de trois mois, le projet aentièrement été financé par le service des relations internationales de la mairie d’Epinay.

D’octobre 2006 à Mars 2007, a été mis en place avec la classe de seconde du lycéeJacques Feyder, un atelier de photo- journalisme. Le principe de l’enquête était simple :à l’occasion des 20 ans du jumelage entre Epinay et Alcobendas, les élèves devaienttrouver des personnes d’origine espagnole habitant la ville et voir dans quelles mesureselles avaient conservé leurs racines espagnoles. Plusieurs objectifs étaient poursuivis :

Découvrir qui sont les espagnols qui vivent à Epinay-Sur-SeineSensibiliser les jeunes au métier de journaliste (ils étaient suivis par un rédacteur, et

un photographe).Les articles et photos réalisés ont fait l’objet d’une petite revue et également d’une

exposition.Le jumelage avec l’Espagne provient de liens historiques construits avec l’ancienne

municipalité socialiste. Des évènements, tels que le Congrès d’Epinay- Sur- Seine ayantrapproché les deux villes depuis longtemps. Avec l’arrivée de la nouvelle municipalité, lesliens se sont distendus.

Allemagne :Il existe à Oberusel et à Epinay deux structures qui travaillent ensemble, respectivement

un Comité de Jumelage et une Association des Jumelages. Ils organisent des échangesouverts à tout le monde. La Mairie intervenant dans le cadre de ces actions par le versementde subventions.

Il y a eu des temps forts avec notamment les fêtes de noël qui ont été l’occasion pourla ville d’ Oberusel d’accueillir ses villes jumelles, y compris Epinay. C’est l’occasion pour

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

148 Lucile Denechaud - 2007

la commune française de présenter des produits ( vins, fromages) et de faire découvrir uneculture ( à travers de la musique).

Par ailleurs, ils ont développé plusieurs pistes d’action :- Un échange de stagiaires, ce qui permet à des étudiants allemands de faire un stage

au sein de la mairie d’Epinay ou en entreprise. Ce projet a été lancé depuis un an et demienviron, et commence à prendre de l’ampleur.

- De plus, ils essaient de mettre en place des échanges de bonnes pratiques entreleurs responsables, principalement sur des questions d’urbanisme et de handicap. Lebut est d’améliorer les mode de fonctionnement de chacun, qu’ils s’inspirent du vécu etde l’expérience du pays partenaire.

D’autres échanges ont également eu lieu dans le domaine de la petite enfance (lesallemands souhaitant s’inspirer du modèle français), et dans le domaine musical.

Néanmoins, « cela reste essentiellement des actions ponctuelles, à part sur l’échangede stagiaires et de bonnes pratiques». Ce sont des échanges qui restent beaucoup fondéssur la rencontre entre habitants.

En 2006, une délégation spinassienne s’est rendue en Allemagne. « C’est trèsimportant d’avoir des réunions physiques régulièrement, on gagne énormément de temps ».

Angleterre :« Le partenariat avec l’Angleterre est celui qui fonctionne le mieux, il marche sur la

durée, contrairement à l’Allemagne où ça reste du saupoudrage, on n’arrive pas à avoir ungros projet pour l’instant ».

Il y a 6- 7 ans, la mairie d’Epinay a lancé le projet « Imaginaire et Jardin », qui associedes classes de la ville anglaise de South Tyneside et d’Epinay autour d’un projet éducatif,culturel, et environnemental. En 2007, 3 écoles d’Epinay étaient impliquées, avec plusieursclasses. Il s’agit dans un premier temps de leur faire découvrir leur environnement naturel,par le biais des parcs qui les entourent (parcs des berges de seine…) les enfants doiventensuite retranscrire, aidés par des intervenants extérieurs, au travers de poèmes et dedessins leur perception de la flore en milieu urbain. Les enfants anglais ont par la suitetraduit les poèmes des classes françaises, effectués également des dessins, le tout ayantété rassemblé dans un ouvrage bilingue. En outre, suite à cette première démarche lesenfants aussi bien en France, qu’en Angleterre ont été invité à donner vie à leurs dessins encréant un véritable jardin, aidés par un paysagiste et un jardinier.Ce dispositif innovant estmené au sein des écoles spinassiennes et anglaises par la direction des affaires culturelleset des relations internationales à Epinay et, à South Tyneside, par le Creative Partnership,Agence nationale décentralisée, en lien étroit avec les enseignants.

La collaboration en 2007 sur ce projet entre la France et l’Angleterre a été freinée par leschangements organisationnels des écoles anglaises. Par conséquent, les professeurs avecqui ils collaboraient habituellement n’étaient plus mobilisés sur le projet, donc l’échangea été plus difficile à mener ave des instituteurs qui n’étaient pas imprégnés par le projetImaginaire et Jardin. Par ailleurs, la mairie d’Epinay souhaite développer cet outil pour aiderles enseignants dans les modes d’apprentissage des langues étrangères par les enfants.Des échanges scolaires ont en outre été organisés. En 2006, une classe de South Tynesideest venue à Epinay. Néanmoins, pour des problèmes de responsabilité, les enfants d’Epinayn’ont pas été autorisés à se rendre en Angleterre (réticence du MAE, et des élus). Par contreen Mars 2007, une délégation de la Mairie d’Epinay s’est rendue en Angleterre, et en Avrilelle a, à son tour, reçue des représentants anglais.

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 149

Toutes leurs villes jumelles sont des villes de banlieue mais avec des problématiquesplus ou moins proches : la ville de South Tyneside en Angleterre connaît des difficultésidentiques à celles d’Epinay- Sur- Seine, alors que la ville d’Oberusel en Allemagne estplutôt aisée. Quant à la commune d’ Alcobendas en Espagne, c’est une ville nouvelle.

∙ La maîtrise d’ouvrage et d’œuvre des actions :Selon les domaines concernés, la ville d’Epinay n’adopte pas la même position.

Elle peut mener en direct des actions avec la collectivité partenaire, partager la maîtrised’ouvrage avec des associations, ou la déléguer au comité de jumelage. Pour la maîtrised’œuvre, on constate un fonctionnement identique.

∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :La perspective de s’associer à une collectivité plus expérimentée et plus avancée dans

des actions de coopération décentralisée pourrait être une évolution pertinente pour la villed’Epinay, selon Dorothée MOUSSU.

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

A plein temps, seule la chargé de mission est mobilisée sur les questions dejumelage, interviennent de manière secondaire une assistante, un comptable, ainsi qu’uneadministratrice pour les questions juridiques. La personne en charge des actions culturelleset jeunesse s’implique également sur le projet Imaginaire-Jardin.

Parmi les élus, le maire est mobilisé ponctuellement sur ce type de question, on compteégalement, le premier maire adjoint en charge de la culture, des RI et du sport. La questiondes RI a néanmoins été déléguée à une conseillère municipale.

∙ Le financement des actions de jumelageLe budget des relations internationales a varié en décroissance, à environ 80 000 €,

il y a 3 ans, il s’élève aujourd’hui à 45 000 €, mais cela reflète la politique de restrictionbudgétaire qui affecte l’ensemble des services. Cependant, ce chiffre est à nuancer, caren contre partie des charges ont été retirées du budget des relations internationales, tellesque les subventions affectées aux associations (qui représentent environ 10 000€), quirelèvent aujourd’hui du budget général. De plus, tous les frais de mission, de déplacementsde personnel et des élus ne sont plus compris dans une enveloppe déterminée attribuée aubudget du service des RI, ils relèvent désormais du budget général.

Le service reçoit en outre des subventions supplémentaires de la ville d’une part àhauteur de 5000 €, de la Direction Départementale de la Jeunesse et du sport ( 3000€),ainsi que dans le cadre du CUCS (5000€).

∙ Le portage politique des actions :« Il faut être beaucoup force de proposition et de persuasion, que les élus comprennent

l’intérêt des projets qu’on leur propose».

∙ Communication et sensibilisation des spinassiens:« L’idée, c’est que les projets associent vraiment les habitants, mais avant il faut les

informer sur l’existence même de ces jumelages, et les prendre comme prétexte pours’interroger sur ce qu’on est, ce que sont les autres, sur ce qu’est l’identité européenne… »« Une de mes missions, c’est aussi de renforcer la citoyenneté européenne sur la ville. Jetravaille surtout avec un public jeune, car c’est plus facile de les sensibiliser, dans la mesure

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

150 Lucile Denechaud - 2007

où c’est un public captif. On a vu que ça ne marchait pas d’organiser des conférences(adressées à un public adulte plus large), s’il y avait 10 personnes c’était déjà bien. Il faudraque l’eau coule sous les ponts avant que cette situation évolue ».

Les liens avec les partenaires

∙ Les partenaires à l’étranger :Leur partenaires étrangers sont en premier lieu les communes étrangères

interlocutrices, que ce soit en Allemagne, en Espagne ou en Angleterre.Par ailleurs, en Angleterre, la Ville d’Epinay entretient des liens étroits avec la Creative

partnership qui est une Agence nationale décentralisée, en contact continu avec lesenseignants.

∙ Les partenaires en France :Par ailleurs, différents partenaires sont impliqués en France :- Il y a des bibliothèques et également la Direction des parcs et jardins relevant de la

communauté d’agglomération de plaine commune qui sont associées aux projets,- Ils ont par ailleurs des partenaires artistiques,- La Direction Départementale de la jeunesse et des sports,- La Direction vie et quartier qui gère les centres sociaux et culturels.

∙ Un système d’évaluation de ces expériences« Un système d’évaluation pas vraiment, on fait un bilan du projet : budgétaire, qualitatif,

mais ça ne va guère au delà. Par contre, sur la rencontre de jeunes, là on va devoir remettreun rapport rigoureux à l’UE, là je vais m’associer à une association allemande. Mais pourl’instant, je pense qu’on est pas performant sur ces questions »

« Moi, j’ai pas les outils pour faire une évaluation valable, j’ai pas forcément appris depart ma formation. Et professionnellement, on m’a jamais montré un modèle ».

L’appartenance à un réseauLa mairie d’Epinay appartenait au réseau de Cités Unies France (CUF). Elle participait

au Réseau de Coopération pour la Décentralisation en Palestine (RCDP), ainsi qu’auxréunions du groupe pays Israël. Cités Unies France encourageant beaucoup ce dialogue àtrois. Mais avec les restrictions budgétaires rencontrées par la commune, le partenariat n’apas été renouvelé. Ils se sont également désengagés du réseau AFCCRE.

De même, il ne semble pas y avoir d’intérêt à ce que la ville participe aux groupesréflexion pays dans la mesure où aucune action de coopération décentralisée n’est pourl’instant conduite.

Nouvelles perspectives et aspirations

∙ Les nouveaux projets de jumelage en perspective :Une rencontre internationale de jeune est organisée du 06.08 au 15.08, elle réunira

au delà des villes jumelles d’Epinay, les villes jumelles de ses villes jumelles, à savoir laPologne, et la Russie. A cette occasion, plusieurs jeunes de 17 ans se retrouveront autourdu cinéma, il s’agira également de développer l’identité européenne qui les unit. A terme,ils doivent réaliser un court métrage.

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Annexes

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« Nous ce qu’on aimerait creuser, ça serait l’échange entre nos agents et ceux desvilles partenaires, comme cela a déjà était fait dans le cadre du projet imaginaire et jardinoù un animateur patrimoine et jardin est parti quelques jours en Espagne pour voir lesstructures existantes ». De même, un paysagiste et une autre personne s’étaient rendus enAngleterre. Des professeurs d’Epinay se sont rendus également dans des écoles anglaises.« C’est une valeur ajoutée en terme d’expertise, pour l’agent cela permet de se sentirvaloriser dans le travail et en terme de citoyenneté européenne, c’est une opportunitéintéressante ».

Dans l’avenir, la chargé de mission souhaiterait davantage développer le projetimaginaire et jardin en obtenant des financements européens et en associant d’autres villesétrangères.

∙ Une professionnalisation de la pratique de la coopération décentralisée :« Les agents ne sont pas forcément formés face à des zones plus ou moins complexes,

ça demande beaucoup d’échange. C’est pourquoi ça se professionnalise, jusqu’à présenton était dans du tâtonnage, du saupoudrage, sans qu’il y ait de décision globale, de réflexionsur l’impact local et l’impact là-bas. Il y a une vrai réflexion qui se met en place ».« Laprofessionnalisation ça ne veut pas dire qu’on devient des techniciens, car je pense qu’ily a toujours quelqu’un qui assure la vision d’ensemble et qui coordonne. Ca ne peut pasêtre de l’amateurisme, car les RI c’est tellement compliqué, il y a tellement de structuresimbriquées, tellement de niveau : local, national, international. Il y a une relation à l’Etat quis’impose. Tout ce qui nous dépasse avec un système étranger, des coutumes, le dérapageest facile, donc on ne peut s’improviser ».

Information et formation à la coopération décentralisée

∙Les organismes qui vous ont informés ?Parmi les structures étatiques aucune n’ont pris contact avec la ville d’Epinay (DGCID,

DAECT…)

∙ Les domaines de la coopération décentralisée où ils souhaitent être informés :L’information, selon la chargée de mission doit toucher différents domaines tels que :

l’objectif du projet, ce que ça peut apporter à un agent humainement. Et au préalable untravail d’évaluation sur les projets qu’on veut mener, quel est l’intérêt.

∙ Les formations réalisées :Les formations suivie par Dorothée MOUSSU remonte à 4 ans, elle a participé à une

formation sur le montage de dossier de subvention auprès du MAE. Une autre formationsur le thème de l’implication de la jeunesse dans les projets de coopération.

Par ailleurs, ils sont également passés par une structure de formation privée : leViaregio, qui a dispensé en intra une formation sur les financements européens, le but étantde donner de l’ampleur à des projets existants. Pour monter un dossier de subventionseuropéennes, dans le cadre du « Programme jeunesse en action », la chargée de missiona reçu l’aide de la Direction Départementale Jeunesse et sport. Cette dernière organisantdes formations gratuites notamment sur ce thème.

∙ Les domaines de formation pertinents :« Sur les financements européens, il y a un problème d’information des villes, qui ne

sont pas du tout informées, alors qu’il en existe énormément. La France est l’un des paysqui sait le moins bien gérer ces financements ( l’Etat français doit souvent à la fin de l’année

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

152 Lucile Denechaud - 2007

reverser à l’UE des fonds non utilisés). Ca serait vraiment un créneau pour financer desgrands projets de ville. Tous les projets INTERREG qui nécessite une connexion entre lesvilles créent une ouverture et une source de financement. C’est une question de visionpolitique aussi d’engager quelqu’un sur ces questions, d’anticiper ».

∙ Le public visé par la formation :« Il faudrait une formation qui s’adresse aux élus et aux directeurs pour qu’ils

comprennent l’intérêt de travailler de manière plus ouverte. Mais en même temps ce n’estpas évident car la mairie travaille à flux tendus, il y a beaucoup de projets et parallèlementdes restrictions budgétaires ».

∙ La formation des homologues étrangers :Cette perspective semble très intéressante et essentielle à la chargé de mission.

Annexe 8 : Entretien avec David BARBELIVIEN –Responsable du service Relations Internationales à laMairie de Puteaux -06/07/07

Parcours :Diplômé d’une école de commerceDepuis 3 ans à la mairie , en tant qu’attaché territorial s’occupe du jumelage, commerce

et entreprises locales.

Le cadre de vos actions∙ Lieu et domaines de coopération :Jumelages :Avec Braga, Portugal« C’est plutôt un partenariat amical », il existe depuis 2002 à travers un pacte d’amitié.Jumelée avec Offenbach, Allemagne depuis 1955. Maire : Horst SCHNEIDERLe partenariat ici s’appuie essentiellement sur des échanges scolaires et sportifs.Jumelée avec Esch –sur –Alzette LUXEMBOURG. Maire Lydia MutschIls entretiennent un jumelage architectural.Jumelée avec Mödling, AUTRICHE depuis 1956. Maire Hans Stefan HintnerJumelée avec Zemun SERBIE-MONTENEGRO depuis 1956Jumelée avec Velletri ITALIE depuis 1958. Maire : Bruno CesaroniCe qui fait la particularité de Puteaux, c’est le « pull de jumelage » qu’ils ont constitué

en 1955 pour dynamiser leurs échanges. On retrouve dans ce pull : l’Allemagne, leLuxembourg, l’Autriche, la Yougoslavie, par contre n’en font pas parti, les portugais et lesisraéliens. « Ce pull existe toujours, mais malheureusement ça n’a jamais trop abouti ».

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Annexes

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« Pour le moment, heureusement ou malheureusement il n’y a que des jumelages surPuteaux », néanmoins la nature du partenariat est différente pour deux villes : Katy au Mali etcelle de Gan Yavné en Israël , ce jumelages concernent davantage le domaine humanitaire.

Le jumelage avec Kati au MALICe jumelage remonte à 1985. Ce sont essentiellement des dons qui sont faits par la ville

de Puteaux: en médicaments, matériel chirurgical et informatique, fournitures de bureau,livres, jouets… De plus, un dispensaire et une école ont été construits par le passé. Il y a unan a eu lieu l’envoi d’un mini-bus qui doit servir au transport du personnel de la collectivitéet également au transport scolaire.

De plus, dans la perspective du nettoiement de l’axe principal de la ville une pelleteusea été envoyée par la ville de Puteaux.

Parmi leurs actions, elle tient par ailleurs à maintenir des échanges réguliers entre ladélégation de Kati et la délégation de Puteaux, le dernier échange ayant eu lieu en 2005 auMali. En septembre 2007, du matériel médical a de nouveaux été envoyé (fauteuil roulant,appareil de mammographie…)

Le jumelage avec Gan Yavné ISRAEL depuis 1973. Des rencontres avec des élus sontrégulièrement organisées.

Par ailleurs, la ville de Puteaux leur attribue des subventions pour refaire un jardin quiavait été financé par la collectivité française ou encore, construire une bibliothèque.

La ville de Kati ( MALI) et de Gan Yavné ( ISRAEL) restent les coopérations où ils sontle plus actifs que ce soit en terme financier ou en terme d’action.

∙ L’origine des actions :L’ensemble de leur jumelage a généralement pour origine, la présence d’une forte

communauté de la ville jumelée sur le territoire putéolien. Ce que regrette DavidBARBELIVIEN, c’est l’intérêt sectorisé et communautaire qui est porté à chaque jumelage ».A titre d’exemple, il remarque que trop souvent la communauté portugaise ne s’intéresserapas au jumelage conclu avec Israël et vice-versa.

∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :Le principe d’une association à d’autres collectivités françaises dans le cadre de

projets de coopération décentralisée n’est pas à écarter pour le responsable des relationsinternationales de la ville de Puteaux. Mais c’est surtout en terme de moyens financiers quela mutualisation lui semble intéressante entre les collectivités.

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

Ils ne sont que deux dans le service ( lui-même et l’assistante).Concernant les autres services de la mairie qui sont mobilisés sur ce type de projet, on

note le service des sports et le service culturel.En outre, on assiste à un investissement ponctuel de services selon les projets

concernés, tels que la voirie, l’environnement. Le service de la voirie a par exemple étésollicité, sur la ville de Katy au Mali, concernant la reconstruction d’un axe de circulationimportant de la ville.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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David BARBELIVIEN estime avoir l’implication et la reconnaissance des autres servicessur les actions qu’il mène, « ils m’aident par des actions simples, comme lorsqu’il s’agit destocker du matériel hospitalier, alors que je manque de place».

∙ Le financement des actions de coopération décentraliséeLe budget annuel de la Mairie de Puteaux consacré aux relations internationales s’élève

à 60 000 € par an.∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :- Les principaux problèmes évoqués sont ceux de la langue des villes partenaires,

et des différences culturelles. Ainsi, l’avancée des projets peut se trouvait affectée pardes problèmes de communication, comme nous l’indique le responsable des relationsinternationales : « à chaque fois que j’appelle les italiens ils me raccrochent au nez, parcequ’ils ne me comprennent ni en français, ni en anglais ». De même, « le problème, le pointnoir (reste) la communication au Mali, car il n’y a pas de fax, d’internet , si tout se passebien j’arrive à les avoir au téléphone ».

Avec les Israélien, c’est davantage un problème culturel, dont il est fait état : « j’ai mis 2mois avant de comprendre que ça ne servait à rien de les appeler l’après-midi, car le climatfait qu’ils ne travaillent pas l’après-midi !»

- Pour le projet Mali, la difficulté s’est posée en terme de priorité, la demande quiémergeait du Sud était importante ils souhaitaient que l’axe principal de la ville soitentièrement refait et bitumé. Or, au préalable, il était nécessaire de nettoyer cette route.La ville de Puteaux doit donc jouer un rôle délicat de modérateur dans la demande de laville partenaire.

« Pour moi la grosse barrière que je rencontre dans le jumelage, c’est la communication,et la barrière culturelle ». « Par exemple, on est jumelé avec des yougoslaves, et on ne peutmême pas parler, pour les autres langues comme l’italien ou le portugais, je me débrouilleen mairie avec des personnes dont c’est la langue maternelle, mais qui ne travaillent pasdu tout dans mon service».

- Un autre obstacle est celui des financements, c’est d’ailleurs un des éléments qui ajustifié l’arrêt du jumelage avec une ville anglaise.

∙ Les apports de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivité françaiseet étrangères:

David BARBELIVIEN évoque l’échange culturel, la connaissance de l’autre, il précise« j’y suis attaché de part mon parcours professionnel et personnel »

∙ Les inconvénients de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivitéfrançaise :

Pour l’instant le responsable des relations internationales a du mal à percevoir le retourque peut leur offrir les pays du sud en terme de réciprocité.

« Eux (au Mali) concrètement, pour l’instant, ils nous apportent rien ».

∙ La continuité des actions:La continuité de leur action s’est trouvée affectée soit par des raisons financières, soit

par la situation géopolitique des pays avec lesquels ils étaient amenés à coopérer.∙ Le portage politique des actions :

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Annexes

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Au sein de la ville de Puteaux, la Maire assure en direct le portage politique des projetsde jumelage.

∙ Communication et sensibilisation des maurepassiens :Le responsable des relations internationales reste septique sur l’impact sur les

putéoliens des campagnes de communication conduite à travers le journal local.« Il y a des campagnes de communication à travers le journal local, mais est-ce que

les putéoliens sont sensibilisés, je ne sais pas, cette population est très dure, ils se soucientplus de savoir s’ils auront bientôt une piscine ! »

La ville essaie néanmoins de sensibiliser les jeunes à la thématique de la solidaritéinternationale, dans le cadre notamment du Conseil Communal des jeunes ( conseilmunicipal, des jeunes de 12 ans qui prennent des décisions pour les jeunes de leur ville).Par ailleurs, une fois par an est organisé un débat avec ces jeunes, mais aujourd’hui rienn’en est ressorti, « c’est plus une prise de conscience ».

Les liens avec les partenaires

∙ Les partenaires à l’étranger :C’est avec la commune de Katy que les relations sont les plus établies et régulières.

Néanmoins, la ville de Puteaux demeure en contact avec toutes les autorités locales de sesvilles jumelles. Dernièrement, cela s’est concrétisé à travers l’organisation en 2002 d’unefête des jumelages auquel participa la majorité de ses villes jumelées.

∙ Les partenaires en France :Un partenariat avec « l’association handicap sans frontière », basée à Puteaux, a

été établi de longue date. Cette association, subventionnée par la Mairie, est habilitée àrecevoir tous les mois du matériel médical réformé des hôpitaux de Paris. Par ailleurs,depuis quelques années maintenant l’association, après avoir déterminé avec le partenairemalien ses besoins en terme de matériel hospitalier, passe directement par la Mairie quiprend en charge l’envoie du matériel.

∙ Un système d’évaluation de ces expériencesPour le Mali, un suivi a été mis en place mais le problème se pose en terme de retour,

« lorsqu’on demande de simples photos cela devient un problème, or je dois faire un compterendu à mes administrés »

Pour plus de prudence aucun numéraire n’est envoyé, « ce qu’on a envoyé je l’aiétiqueté, c’est- à dire-que lors d’une prochaine visite je demanderais à ce que tout ce qu’ona donné soit présent, au risque sinon pour eux que j’en tire les conséquences au niveaude notre aide».

∙ L’appartenance à un réseauLa mairie de Puteaux appartient à CUF, mais David BARBELIVIEN exprime des

réticences quant à l’apport des réunions qu’ils organisent, ainsi, il précise « il y a eu 2 heuresde réunion- débat sur la communication, j’avais trouvé cela complètement déconnecté dela réalité de terrain ».

Nouvelles perspectives et aspiration∙ L’évolution des projets de jumelage vers de la coopération décentralisée ?Les choix avenir en matière de jumelage se précisent « je voudrais faire deux nouveaux

jumelages et par contre en arrêter deux autres ».

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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Pour davantage d’équilibre, la ville de Puteaux, qui est jumelée avec Israël, désireraitdans l’avenir établir un partenariat avec une ville du Moyen-Orient ou du Maghreb au vu del’importance de la communauté musulmane sur son territoire. Si dans un premier temps, leLiban avait été retenu, la situation politique du pays les a obligé à réorienter leur recherchevers le maghreb.

« Le deuxième point que je recherche, c’est trouver des villes riches pour pouvoir nousimpliquer dans des projets plus forts ».

Cela ne fait pas parti du choix de la municipalité de faire évoluer pour l’instant les actionsde jumelage vers de la coopération décentralisée.

Information et formation à la coopération décentralisée

L’information et le conseil par des services de l’Etat, type DGCID, DAECT estresté jusqu’à présent lettre morte. En terme d’information, le responsable des relationsinternationales évoque son intérêt pour un catalogue qui recenserait l’ensemble despersonnes responsables en matière de relations internationales au sein des collectivitésmembres du FORUM ; cela permettrait selon lui une mise en réseau et un échange entreles villes beaucoup plus poussé.

∙ L’absence de formation en coopération décentraliséeFaute d’information et de connaissance, David BARBELIVIEN n’a suivi aucune

formation en matière de coopération décentralisée.« Je n’ai pas suivi de formation, parce que je n’en ai jamais eu connaissance ».∙ La nécessité d’une formation dans ce domaine :« Faire une formation dans le montage de dossier de financement, oui ça

m’intéresserait, mais à condition que la somme en jeu soit importante , sinon ça nem’intéresse pas de passer une demi-journée dans le montage du dossier, si c’est pourobtenir une aide de 1000 € ».

En outre, David BARBELIVIEN trouve intéressant l’idée de formations pluspersonnalisées.

Concernant la formation des élus, il évoque le manque de temps, notamment de samaire en prise directe sur ce type de questions. Sur la formation des élus, très concrètement,« la maire n’a pas le temps »

∙ La mutualisation des expériences :« Le problème c’est qu’il y a zéro communication entre collectivités, moi le premier

je ne me préoccupe pas de ce qui se passe dans la commune voisine. On se donne trèspeu d’information sur nos actions entre ville » . C’est davantage des contacts informels quise créaient . Par contre, David BARBELIVIEN fait lui même la démarche de contacter sescollègues lorsqu’il a besoin d’information, il le fait notamment avec la ville de Suresnes. Ily a donc un réseau naturel qui se met en place. « Ce qui manque c’est la communicationentre ville ».

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Annexes

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Annexe 9 : Entretien avec Mélanie THOMAS - Chargéde mission Coopération décentralisée – à la Mairie deSaint- Denis 09/07/07

Parcours :Licence en relations internationalesMagistère de droit internationalStage à l’ARRICOD2001 : Emploi jeune (assistance aux missions du chargé de mission)2003 : Reprise du poste de chargé de missionStatut : Titulaire catégorie A (attaché territorial)Le cadre de vos actions

∙ Lieu et domaines de coopération :

Au sein de la mairie de Saint-Denis, trois typologies de partenariats sont àdistinguer :

Des jumelages européens , dont la municipalité a hérité, après que les comitésde jumelage aient périclité.

L’héritage du mouvement de pacification, qui a gagné l’ensemble de l’Europe dans lesannées soixante, s’es concrétisé pour la ville de Saint- Denis au travers de cinq jumelagesavec la ville de North Lanarkshire (Ecosse) de Sesto San Giovanni (Italie), de Tuzla (Bosnie),Gera (Allemagne) et enfin Cordoue (Espagne).

En termes d’action, il s’agit notamment des traditionnels échanges scolaires, sportifset culturels, ainsi qu’une réflexion sur des problématiques communes sur la démocratieparticipative avec l’Ecosse, ou sur le thème de la formation professionnelle avec l’Italie. Parailleurs, la coopération de Tuzla et de Saint-Denis s’exprime à travers la participation deTuzla aux Conférences des Droits de l’Homme dans la Ville.

Ces partenariats donnent également l’occasion à la ville de saint –Denis de s’associerà ses villes jumelles européennes pour répondre aux appels à projet et aux cofinancementsde l’Union Européenne.

Une deuxième étape a été franchie dans les années 1997-1998 avec la volonté deconstruire de nouveaux rapports Nord-Sud :

Une problématique de co-développement a émergé avec des coopérations qui visaientdes régions du monde dont sont issus les migrants de Saint-Denis.

Trois pays ont été ciblés : le Maroc, le Mali et l’Algérie. Les projets se déroulent enmoyenne sur trois ans.

La ville de Larbaa-Nath-Irathen, Haute Kabylie (Algérie), avec laquelle la ville de Saint-Denis a travaillé sur plusieurs thématiques: l’insertion des jeunes par l’économie (stagesde formation visant à la création d’une agence de développement local), la formation desélus et des cadres, en partenariat avec le CNFPT, sur les thèmes de l’efficacité du servicepublic local, de l’articulation entre le politique et l’administratif au sein de la municipalité, laparticipation des citoyens au service public.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

158 Lucile Denechaud - 2007

Un projet de plan de déplacement urbain a été mené à terme avec la Communautéurbaine d’Agadir (Maroc), la ville de Saint-Denis soutient aujourd’hui à Tiznit l’aménagementd’un centre de protection maternelle et infantile à l’intérieur d’un bus.

Par ailleurs, la ville de Tiznit et de Saint-Denis axent nouvellement leur coopérationsur la valorisation du patrimoine de la ville marocaine. Plusieurs actions sont menées ence sens : la piétonisation du centre ville, un projet de création d’une palmerais dans lecentre ville de Tiznit (travail mener en lien avec l’ambassade française du Maroc), deschantiers d’insertion jeunesse sur le thème du patrimoine. En terme économique, la villede Saint-Denis travaille également avec des artisans de Tiznit sur la copie d’objet de lapériode mérovingienne de Sain-Denis. Dans un souci de rattacher l’ensemble des actionsde coopération décentralisée à la vie du territoire dionysien, un festival a été organisé àSaint-Denis pour sensibiliser sa population au patrimoine marocain.

Enfin, l’investissement de la Ville de Saint-Denis au Mali est ancré de longue date dansses actions de co-développement. Si la Ville entretient depuis 1996 des liens privilégiésavec l’association de migrants maliens « Giddima Jikké » (basée à Saint-Denis, elle soutientnotamment des actions de solidarité telle que l’approvisionnement de médicaments), au fildes transformations institutionnelles du pays (processus de décentralisation), Saint-Denisa signé des accords avec les communes de Djélébou, Karakoro et Sahel. Le partenariatavec l’association Giddima Jikké n’en est pas moins fort, puisque cette dernière continue àjouer un rôle central aussi bien dans les actions de développement, que pour faire remonterla parole des habitants.

Ce partenariat au Mali s’est attaché principalement à deux domaines d’action :→ La santé avec la construction d’un centre de santé communautaire réalisé entre

1996 et 2000, et l’acheminement de médicament aux centres de santé. De plus, a été misen place une formation des gestionnaires de centres de santé et un renforcement du rôledes associations d’usagers dans leur fonction de gestion des centres de santé. En 2002, unnouveau projet a été initié. Il vise à améliorer la qualité des soins dispensés par les centresde santé communautaires. La ville de Saint-Denis, avec les communes du Mali, poursuitplusieurs objectifs : uniformiser l’organisation des conditions d’accueil dans les centres desanté par la dotation en matériel et la formation des personnels, elle cherche par ailleursà poursuivre les campagnes de sensibilisation dans les domaines du suivi des grossesseset de la prévention du SIDA.

→ Le deuxième volet de ce partenariat est constitué par un projet rural, centré sur uneformation agricole favorisant la production de jardins maraîchers, l’amélioration de l’accès àl’eau, la création d’un artisanat de petit matériel agricole et la constitution de petits élevagesovins et caprins.

Le troisième et dernier volet de coopérations existantes au sein de la ville deSaint-Denis est ce qu’ils appellent : « Une culture de paix »

Deux villes sont concernées par ce volet Nazareth (Israël), et Rafah (Palestine).En 1998, la ville de Tuzla (Bosnie –Herzégovine), avec qui par ailleurs Saint-Denis est

jumelée était concernée par ce travail. Néanmoins, Mélanie THOMAS précise la difficultéde mener de telles actions pour les collectivités territoriales « qui ne sont pas forcémentoutillées pour faire de l’urgence ».

Concernant les actions menées avec la Palestine, elles datent de 2005-2006, elles sesont traduites par l’accueil d’étudiants sur le territoire dionysien et ils essaient par ailleurs demettre en place un centre socioculturel où seront développées des activités pour enfants.

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 159

Cette culture de paix est également promue dans le cadre de la Charte des Droits del’Homme dans la ville, signée par la Ville de Saint-Denis en 2000. Elle est co- organisatricede chaque rencontre biennale des villes signataires ; elle a par ailleurs accueilli le 11 et 12décembre 2006, la seconde édition de la Charte.

∙ L’origine de cette action :A travers, l’ensemble des coopérations décentralisées qu’elles mènent, la Ville de

Saint-Denis cherche à préserver le lien avec son territoire. De fait, le choix des villespartenaires correspond toujours à la présence d’une importante communauté de migrantssur le territoire de la commune. « Nous on a une logique de partenariat basée sur nospopulations migrantes ». La Ville de Saint-Denis est composée d’une forte proportion demarocains, de maliens, d’algériens… Corrélativement, la Ville de Saint-Denis a des projetsde coopération décentralisée avec le Mali (Djélébou, Karakoro et Sahel), l’Algérie (Larbaa-Nath-Irathen) et le Maroc (Tzinit).

∙ Les priorités dans les actions menées :Les actions de coopération décentralisée se font également en fonction des

compétences de la politique municipale. L’un des exemples est son action en matièresanitaire au Mali. Cette ligne d’action correspond également à une problématique à laquellela ville est très sensible. De manière générale, la ville de Saint-Denis s’engage dans desdomaines pour lesquels elle est localement compétente.

∙ La maîtrise d’ouvrage et d’œuvre des actions :« Pour des raisons politiques et financières quand on peut faire directement, on le

fait, dans un but d’implication des services, de transversalité, et également d’implication demigrants.

Le co-développement comme l’entend la Ville de Saint-Denis implique de l’assistanceà maîtrise d’ouvrage. Dans le cas du Mali, ce sont les associations qui jusqu’à présentassuraient cette co-maîtrise d’ouvrage, Saint-Denis travaille justement à associer toujoursdavantage les communes. Les associations maliennes exerçant généralement la maîtrised’œuvre. Dans le domaine sanitaire au Mali, « on a doté l’association de moyens humainspour le projet, c’est ce qui fait la spécificité de Saint-Denis, c’est qu’on travaille avec peud’ONG. On les a aidés à rédiger leur projet en finançant un coordinateur pour obtenir desfinancements auprès de l’ambassade frrançaise ».

Au Maroc, pour le projet de formation des élus et cadres de Tiznit, la maîtrise d’œuvrea été déléguée au CNFPT. Deux séminaires ont eu lieu en octobre 2004 et avril 2005,l’un à Tiznit, l’autre à Saint-Denis sur différentes thématiques, telles que le stationnement,les animations, la démocratie participative, la piétonisation…Les formations qui ont étéconduites par des élus et des cadres de la collectivité de Saint-Denis, plus que de laformation, précise la chargé de mission, « c’était un échange d’expérience sur leurs façonsrespectives de mener leurs projets notamment en terme de piétonisation ».

Le projet de piétonisation entamé en 2004 n’a pas encore vu le jour, dans lamesure où la ville de Tiznit attend la maturation du projet auprès des populations locales,particulièrement chez les commerçants.

∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :« Dans la pratique, c’est difficile de coopérer avec d’autres collectivités, notamment

avec la Communauté d’agglomération, car il ne faut pas qu’elles reprennent à son compte le

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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projet. De même sur certains projets, il va falloir convaincre le Président de la Communautéd’agglomération » de leur accorder des financements.

En outre, si « les échanges d’expérience se font bien entre techniciens», par contre,« l’action concertée (par exemple en matière de cofinancement) n’est pas (encore) prêted’émerger, sauf s’il y avait une volonté politique en ce sens ».

De plus, le chargé de mission note que leur collectivité « reste sur des valeursidentitaires dans (leur) action internationale », ce qui ne facilite pas une action commune.C’est une approche que l’on retrouve dans toutes les collectivités car, « les villes n’ont pasdu tout envie de se mettre derrière un chef de file ».

Néanmoins, la volonté de mener des action cohérentes se fait de plus en plus sentir,notamment « au niveau de la Plaine Commune, ils sont entrain de mettre en place ungroupe de travail entre élus et techniciens ». De même, pendant la Semaine de la Solidaritéinternationale, « la Ville de Saint-Denis cherche à trouver des problématiques transversalesaux villes, comme par exemple l’eau ».

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

Les services impliqués sur les actions de coopération décentralisée sont nombreux :la direction de la culture, de la jeunesse, l’Unité territoriale Voierie de la Plaine Commune(service de la Communauté d’agglomération qui travaille que sur Saint-Denis), la directionde l’enseignement, et de la santé.

A la question de la reconnaissance, de l’intérêt des autres services pour la coopérationdécentralisée dans la Ville de Saint-Denis où la transversalité de cette thématique sembleforte, Mélanie THOMAS répond : « comme les relations internationales ne sont pas undomaine de compétences obligatoires, tout le monde n’est pas convaincu de l’intérêt decette action pour la collectivité, c’est une ville très politique où le cabinet du Maire esttrès présent, donc en étant auprès du maire, cela créait inévitablement un clivage avecl’administratif ».

« L’implication des élus est énorme, nous avons un élu à la coopération décentraliséeet un conseiller municipal délégué aux relations internationales ».

∙ Le financement des actions de coopération décentralisée :Le budget de la commune de Saint- Denis dans le domaine de la coopération

décentralisée s’élève annuellement à 110 000 €.® Sur un projet précis comme le financement au mali d’un agent et d’un chauffeur

dans leur circuit d’approvisionnement de médicaments auprès des centres communautairesde santé, il y a eu plusieurs sources de financements. Il y a eu un cofinancement del’ambassade de France (à travers le Fonds de solidarité prioritaire- FSP) et de Saint-Denis,pour les deux postes créés. Néanmoins, la mairie de Saint-Denis a tenu à donner toute leurplace aux communes maliennes. « Les communes maliennes ont très peu de moyens et definancement, mais on essaie de leur donner un poids politique et de leur rappeler que celui-ci leur permet de lever un financement de part leurs compétences, elles peuvent même faireappel à des financements européens ». « Nous on rappelle qu’il y a une légitimité des urnes.On a insisté pour qu’elles soient co-financeurs à hauteur de l’amortissement du véhicule,cela représenté environ 3 à 4% de l’investissement total ».

En l’occurrence pour le projet Mali, il y a eu deux phases :

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Annexes

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-Une première phase où, la Ville de Saint-Denis a porté le projet en les aidant dansla rédaction du projet pour qu’ils obtiennent des financements auprès de l’ambassadefrançaise.

-Lors de la deuxième phase d’évaluation, la Ville de Saint-Denis se dégagecomplètement, c’est à –dire, que le partenaire malien devra seul répondre aux exigencesdu bailleur de fonds.

La ville de Saint-Denis a également bénéficié du fonds de solidarité prioritaire pour leprojet rural au Mali.

® Pour l’Algérie, la Ville a bénéficié des financements du SGAR.® Ils ont par ailleurs obtenu des cofinancements européens pour le programme

URB- AL (programme de la Commission Européenne mis en place en 1995). Au niveauinternational, ce programme favorise les échanges d’expériences et la réalisation deprojets communs entre des collectivités d’Europe et d’Amérique du Sud. Au niveau local,il encourage les collectivités territoriales, les associations, ainsi que les habitants à trouverdes solutions à la pauvreté et l’exclusion sociale. Concrètement pour la Ville de Saint-Deniscela s’est traduit par le financement d’un poste de coordination du réseau « inclusion sociale,réseau 10 » (Saint-Denis était chef de file, la fonction a été reprise par Monte- Video).

Pour les financements, dans la mesure où, « je suis seule, que la commune est petite etqu’on est sur des domaines de compétence lourd, comme la voirie, on préfère fonctionnersur des financements propres. En fait, ça ne vaut le coup d’aller chercher des financementsque lorsque le projet est supérieur à 50 000€ sur deux ou trois ans ».

∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :En Kabylie, typiquement se sont des difficultés politiques et l’instabilité du pays qui ont

ralenti la conduite du projet engagé normalement sur 3 ans, il s’est prolongé sur 6 ans.C’est la situation politique de la Palestine également qui ralentit les projets conduits par

la ville de Saint-Denis, dans la mesure où l’autonomie d’action de la ville palestinienne estentravée par ses rapports avec Israël. La ville de Saint-Denis a dés lors engagé la possibilitéd’établir des partenariats avec des ONG sur place de manière à avoir une liberté d’actionplus étendue.

Si « la coopération qui fonctionne le mieux c’est celle du Maroc », « la coopérationdécentralisée ne peut se développer que si elle devient une priorité pour l’autre municipalité,nous on aurait pu aller plus loin sur certains projets ».

« Le projet au Maroc fonctionne très bien au niveau associatif, mais au niveau municipalça bloque du fait de leur manque de cadres. Il y a des cas où on n’a rien fait plutôt que defaire à leur place et que ce soit de l’ingérence, c’est très frustrant».

« On va beaucoup plus vite lorsqu’on travaille avec des associations qui ont beaucoupplus de méthodes et qui travaillent rapidement ».

∙ La continuité de l’action :Face à la situation politique de la Palestine, « c’est vraiment un regret de ne pas avoir

réussi » à concrétiser jusqu’à présent une coopération avec la ville de Rafah pour la mairiede Saint-Denis.

Pour des raisons d’instabilité politiques également, son partenariat a souffert avecl’Algérie, c’est ce qui explique les grosses interruptions du projet.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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Pour le Maroc, c’est la continuité de certains projets qui s’est trouvée remise en causeface au changement de villes partenaires.

∙ Le portage politique des actions :« Nous on fait une distinction très nette au sein de notre collectivité entre les relations

internationales (conférences…) et la coopération décentralisée ». Cette séparation selit à travers les charges des élus, puisqu’il existe un élu en charge de la coopérationdécentralisée, à proprement dit.

∙ Communication et sensibilisation auprès du public:Chaque année, la ville de Saint-Denis soutient les actions menées par différentes

associations dionysiennes dans le cadre de la Semaine de la solidarité internationale. Desprojections, des débats, des rencontres ont lieu. C’est le moyen d’informer et de sensibiliserla population dionysienne aux actions de coopération décentralisée.

Des réunions publiques sont par ailleurs organisées sur l’impact local des projets decoopération, « car l’impact local des projets est très important. On est taraudé par le fait queles associations locales, et les habitants s’y retrouvent ». Ainsi, en mars dernier, une réunionpublique sur le Mali a été organisée, 35 à 40 personnes étaient présentes. « Cela suscitede l’intérêt, chez des populations très différentes, il y avait des étudiants, des migrants… »La population est par ailleurs tenue au courant à travers l’hebdomadaire très actif dela commune. Des actions de sensibilisation ont également lieu dans des établissementsscolaires. Les fêtes locales, où les associations de solidarité internationale tiennent desstands, constituent également un moyen de sensibilisation de la population.Par ailleurs, lamairie vise également les associations locales à travers une lettre d’information qui les tientinformées des projets de coopération menés par Saint-Denis.

Les liens avec les partenaires

∙ Les partenaires à l’étranger :Saint-Denis travaille avec différentes associations locales, qui occupent le rôle de

maître d’œuvre. Mélanie THOMAS nous confirme qu’« il y a un véritable parti pris de financerdes associations locales, l’objectif étant de toujours viser l’autonomie» de la collectivitépartenaire et de la société civile.

L’association Bani Amart du développement rural et social, spécialisée dans le domainede la santé au Maroc

En Bosnie, c’est l’association Tuzla solidarité (ONG) qui travaille étroitement avec laville.

Au Mali, l’association Giddimixa Jikké.« On cherche toujours l’appui d’une association locale, car il est difficile pour les

municipalités de mettre en œuvre du temps et des hommes ».∙ Les partenaires en France :Des partenariats économiques ont été établis, avec le festival de cinéma, une entreprise

de travaux publics qui est mécène sur le développement économique en Algérie.Au niveau des partenaires publics, la liste est fournie :la chambre de commerce et d’industrie de Seine-Saint-Denis,

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Annexes

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on peut noter l’université de Paris 8 dans la programmation de la venue des étudiantspalestiniens,

le CROUS,l’hôpital de Saint-Denis qui a signé un accord de jumelage avec l’hôpital de Kayes

en 2001, qui prévoit une coopération en matière de prévention et de soins du SIDA maiségalement en matière de formation,

le CNFPTEnfin, les partenaires associatifs basés en France jouent un rôle central dans la politique

de coopération décentralisée menée par la ville de Saint-Denis.L’association « Les enfants du jeu » intervient en lien avec « Enfants Réfugiés du

Monde » en Palestine.« Tout ce qui est partenariat local fonctionne bien, on essuie rarement des refus.

Généralement, cela se traduit par une demande de service très précise, on cible bien lesoutien qu’on leur demande ».

∙ L’évaluation :Une première évaluation sur la deuxième étape du projet sanitaire au Mali (améliorer la

qualité des soins dispensés par les centres de santé communautaires) est prévue en liaisonavec l’Université Paris 8.

L’appartenance à un réseauIls appartiennent à différents réseaux :CUF, groupe pays Israël, Algérie, Maroc, MaliA travers ces groupes de réflexion, il y a un apport concret en terme de veille politique

sur les postes diplomatiques, ils facilitent la connaissance d’ONG et les met en contactavec des associations.De plus, ils leur permettent d’entrer en contact avec des acteurs descollectivités voisines qui peuvent les aider et les conseiller sur du développement de projets.

« Le problème de ces groupes de réflexion, c’est qu’ils mélangent élus ettechniciens ». « Ca manque en fait d’un groupe de réflexion de techniciens seulementqui porterait sur tous les domaines, par exemple comment faire passer ma convention decoopération au niveau juridique ».

L’AFCCREIls appartenaient auparavant à CGLU, ce partenariat a été transféré avec l’entrée dan

la Communauté d’agglomération de Plaine Commune.Nouvelles perspectives et aspirations

∙ Les nouveaux projets de coopération décentralisée en perspective :« Cela fait dix ans que l’on fait de la coopération décentralisée active. On sait qu’il

y a des coopérations si on continue, on va faire du fonctionnement et ce n’est donc plusde la coopération décentralisée ». L’aspiration originelle de la coopération décentraliséeau sein de la mairie de Saint-Denis est d’appuyer et d’accompagner le processus dedécentralisation dans l’ensemble de ses villes partenaires.

Information et formation à la coopération décentralisée

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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∙Les besoins :Le besoin d’information formulé par Mélanie THOMAS concerne davantage l’amont du

projet de coopération décentralisée, à savoir, « le contexte du pays partenaire, l’adaptationdu projet au milieu, le fonctionnement institutionnel, comprendre qui fait quoi, et avoir undiscours de technicien à ce propos ». Les partenaires ne sachant pas toujours les informerde manière objective sur ces thématiques.

∙Les structures étatiques qui vous ont informé ?La mairie de Saint-Denis a été en contact avec la CNCD, lors de l’état des lieux effectué

sur ses missions de coopération décentralisée.∙ Les formations en coopération décentralisée« Le problème c’est de trouver des formats adaptés sur une demi journée avec un

intervenant qui soit un professionnel et pas un formateur, quelqu’un qui soit en poste dansune collectivité. Ce pourrait être des formations sur une thématique fouillée, comme parexemple monter un projet culturel en coopération décentralisée ».

∙ La formation des élus :Concernant la formation des élus, Mélanie THOMAS estime qu’il serait intéressant de

se pencher sur « la méthodologie de la conduite de projet, ou encore le contexte du payspartenaire dans lequel la collectivité intervient ». Au niveau des modalités pédagogiques,l’échange d’expérience lui semble être une bonne formule dans ce type de formation.

Une autre variable à prendre en compte, selon la chargé de mission est le faitque les élus sont souvent tiraillés par les demandes sur place, le risque est de tomberdans l’assistanat dans ce genre de rapport. Par conséquent, il serait pertinent qu’uneformation rappelle le cœur et le sens de la coopération décentralisée, qui est l’appui àla décentralisation. Les rencontres avec leurs homologues étrangers sont essentiels pourvisualiser la situation du pays et qu’ils sortent d’une conception paternaliste dans leur rapportavec les pays en voie de développement.

∙ Professionnalisation ?« Je ne sais pas si on peut dire professionnalisation, on est dans un statut de la fonction

publique, donc (pour qu’on puisse parler de professionnalisation), il faut que la personne soittitulaire, qu’elle maîtrise plusieurs langues, qu’elle est une expérience dans le domaine ».

Annexe10 : Entretien avec Blandine DAUCONDIENE Chargé de mission coopération décentraliséeà la communauté d’Agglomération de Cergy –Pontoise 10/07/07

Parcours :Formation initiale d’ingénieur en environnementPoste en bureau d’étude sur les questions d’assainissementVolontaire (AFVP) sur un programme de coopération au Niger

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 165

Depuis 5 ans à la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise en tant que :® Emploi-jeune® Puis Chargé de mission en coopération décentralisée (création du poste à la suite

de l’emploi jeune).

Statut : Contractuel (en instance de passer le concours d’attaché).Le cadre de vos actions∙ Lieu et domaines de coopération :Il existe trois volets d’action au sein de la Communauté d’Agglomération de

Cergy- Pontoise :® Les jumelages sont pris en charge par un comité de jumelage et concernent une ville

en Angleterre, en Allemagne, et une aux Etats-Unis (le premier qui a été établi en 1977).Ces jumelages se traduisent par des échanges annuels de lycéens, notamment avec le

lycée de Columbia (EU). Il y a par ailleurs tous les ans des fêtes de jumelages triangulairesqui réunissent l’ensemble des villes jumelles.

® Les partenariats, dits de coopération décentralisée :La communauté d’agglomération entretient une coopération avec Porto-Novo (BENIN)- Un partenariat Santé existe entre l’hôpital de la Communauté d’agglomération de

Cergy-Pontoise et l’hôpital de Porto Novo. C’est un axe privilégié de cette coopération. Leprogramme a été élaboré sur trois ans et poursuit les objectifs suivants:

Þ Améliorer l’articulation entre les structures sanitaires de la ville de Porto-Novo,Þ Favoriser l’amélioration des pratiques professionnelles,Þ Développer la connaissance mutuelle des réalités socio-sanitaires des deux pays, à

travers l’organisation d’audits, d’échanges et de formation dans le secteur obstétrique, lagestion administrative et la qualité.

- L’appui institutionnel constitue un autre versant de cette collaboration.En juillet 2004, un voyage d'élus de Porto-Novo a eu lieu à Cergy Pontoise afin

d'échanger sur les finances locales, l'intercommunalité, la planification urbaine et lesrelations entre élus et techniciens. Le projet va se poursuivre en participant à un programmed’appui à la décentralisation (projet concerté Bénin) développé en lien avec les villes deCréteil, Montgeron, Rosny-sous-Bois, Echirolles, Cotonou, Grand-Popo, Houéyogbé ainsique l’Association Nationale des Communes du Bénin et Cités Unies France.

L’expérience a été renouvelée « en mars 2007, des élus et des cadres de 5 villesdu Bénin sont venus échanger avec les communes de la Communauté d’Agglomérationde Cergy-Pontoise sur différents thèmes tels que la communication interne, externe,l’intercommunalité ; chaque thème étant traité dans une commune différente. Ce qui estintéressant, c’est la mutualisation entre les communes françaises et béninoises, maiségalement entre communes de chaque pays, il y a une réelle volonté de travaillerensemble ».

Un premier atelier de formation pour les sages-femmes et aides-soignantes s’est tenuà Porto-Novo en août 2006 qui a abouti à la mise en place de protocoles communs pourle Centre Hospitalier départemental de l’Ouémé et du Plateau et les centres de santé dela ville.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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- Sur le plan de l’éducation,un partenariat est en train de naître entre un collègede Porto-Novo et un collège de Cergy-Pontoise avec l’appui d’une association étudiantede l’ISTOM, FOTONOVO, qui les accompagne en utilisant des supports tels que laphotographie, la vidéo, le théâtre pour faire exprimer des collégiens sur des problématiquesliées à leur environnement, leur quartier…

Des partenariats universitaires sont également pressentis. En mai 2006, l’université deCergy-Pontoise a d’ailleurs accueilli un représentant de l’USAM, une université naissante àPorto-Novo, afin d’échanger sur le système et la validation des acquis d’expériences.

- Concernant la thématique du développement urbain, il est prévu de renforcer lesservices de la mairie de Porto-Novo par une équipe constituée d’un urbaniste béninoiset d’un(e) volontaire du progrès. Elle a notamment pour mission de proposer et dedévelopper des projets dans les domaines du transport, de l’urbanisme, du patrimoine, del’environnement et de l’économie.

- Sur le plan économique, une réflexion est en cours pour appuyer le secteur afroalimentaire en lien avec l’ISTOM, école d’ingénieur en agro-développement basée à Cergy-Pontoise et le Centre Songhaï.

- Dans le domaine de l’insertion professionnelle, le Plan Local pour l’Insertion etl’Emploi de Cergy (PLIE) et le Conseil des Activités Educatives au Bénin (CAEB) ontorganisé un chantier d’insertion en mai 2006 en partenariat avec le lycée technique dePorto-Novo, le GRETA du Val d’Oise, l’association Crysalis et la région Ile-de-France. Unevingtaine de jeunes cergypontains et portonoviens ont ainsi réalisé du mobilier pour lesécoles de Porto-Novo. L’ensemble des organisateurs souhaite reconduire cette expérience,qui a été très positive, autour de l’aménagement d’un espace vert. Par ailleurs, la villede Porto-Novo a sollicité Cergy-Pontoise pour améliorer la desserte en eau potable dela ville et pour l’accès à l’assainissement. Des ingénieurs en eau et assainissement dela Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise travaillent avec leurs homologuesportonoviens à l'élaboration d'un plan d'action.

Cette convention pluriannuelle de coopération décentralisée, signée en 2004, riche deces différents domaines d’action a été prolongée jusqu’au 01/12/2008.

® L’éducation au développementL’éducation au développement se fait via la participation à la Semaine de la Solidarité

Internationale au mois de novembre de chaque année. « Il faut prendre cet événementcomme un outil fédérateur où les associations se rencontrent et où elles proposent desactivités ». L’éducation au développement passe également par une conférence organiséechaque année par l’université de Cergy, qui fait intervenir quelqu’un de Porto- Novo. D’autrepart, des chantiers écoles ont été organisés et leur impact sur les jeunes est indéniablepour la collectivité.

La Communauté d’agglomération a également mis en place une exposition itinéranteet depuis l’an dernier elle mène des actions en interne pour sensibiliser ses agents.

Les principales missions du chargé de mission :Au niveau de la méthodologie, « mon rôle a d’abord été de proposer un bilan, la

coopération décentralisée existant depuis 1994 à la Communauté d’Agglomération, de plusil y a eu de nombreux changements aussi chez nous puisque nous sommes passés dela forme de Syndicat d’Agglomération Nouvelle –SAN- à Communauté d’agglomération etPorto-Novo est passé du statut de Circonscription Urbaine à celui de commune, dirigée parun conseil municipal »

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Annexes

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Ensuite, Blandine FAUCON-DIENE a dû proposer une nouvelle méthodologie dansla manière d’envisager les actions de coopération décentralisée pour la communauté. Lechargé de mission les résume à travers deux éléments principaux :

Concevoir la coopération décentralisée comme un outil de développement local danschaque territoire

De tels projets ne peuvent être mis en œuvre sans l’implication des acteurs de part etd’autre des territoires.

« Mon rôle est également celui d’accompagnateur, de mise en réseau, de suivi etfaire en sorte que tous les projets se coordonnent ». Plus précisément, Blandine FAUCON-DIENE a un rôle de coordination, de fédération, de tous les acteurs associatifs d’appuiau montage d’action, « de manière à favoriser une meilleure animation et un message demeilleur qualité ».

∙ L’origine de cette action :La coopération décentralisée entre la Communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise

et Porto-Novo a débuté en 1995. Les actions prévues dans le cadre de ce partenariatvisaient principalement l’accompagnement du processus de décentralisation entamé depuis1990 au Bénin, en appuyant Porto-Novo à passer du statut de circonscription urbaine à celuide commune dirigée par un conseil municipal et un maire élus. Le programme répondaitaux objectifs suivants : renforcer les capacités urbaines de la ville, améliorer le cadre etles conditions de vie des habitants, promouvoir la francophonie et le développement de laculture, cela s’est concrétisé par :

-L’élaboration en 1996 d’un Plan Pluriannuel de Développement et d’Investissement,- Le renforcement des services techniques et administratifs- La construction et la réhabilitation d’infrastructures publiques tels que trois centres de

santé, trois écoles, un centre intercommunal communautaire dans le vieux port et un centreinternational de rencontre et de séjour de la jeunesse francophone.

Le développement d’un programme pilote « cité jeunesse emploi » qui visaitl’amélioration des services d’entretien urbain par l’insertion économique des jeunes et desfemmes par le biais de la création de coopératives économiques.

Les fondements de cette coopération proviennent du Président du Comité de Jumelage,travaillant lui même au Ministère des Affaires Etrangères, il était particulièrement sensibleaux questions de développement, et en a fait part à l’élu en charge de la question au seinde l’ancien SAN.

La coopération entre la Communauté d’agglomération et la ville de Porto- Novo estégalement cohérente, car les deux villes ont une population d’environ la même importance.De plus, la ville béninoise et la collectivité française rencontraient des problématiqueséquivalentes puisque la première était en plein développement urbain et l’agglomération estune ville nouvelle.

On retrouve cette logique dans les jumelages établis par la Communautéd’agglomération puisque, ce sont trois villes nouvelles.

∙ La maîtrise d’ouvrage et d’œuvre des actions :Porto-Novo est co-maître d’ouvrage pour tous les projets menés, quant aux maîtres-

autels ils sont constitués par des acteurs locaux de la ville béninoise et de la Communauté(associations…), la ville de Porto- Novo et la Communauté d’agglomération.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

168 Lucile Denechaud - 2007

∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :L’appartenance au groupe projet concerté Bénin de Cités Unies France marque la

volonté de la communauté d’agglomération de préserver une cohérence dans son domained’action au Bénin.

De même, la Communauté d’agglomération entend conduire des actions avec sescommunes membres, elle les implique d’ailleurs déjà lors de venues de délégationsbéninoises, elles sont alors mobilisées comme force d’expertise dans différents domaines(communication interne, externe…).

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

Le chargé de mission est seul au sein du service des relations internationales.D’autres services s’associent ponctuellement à son action : le service assainissement, eaupotable, espace vert, le conservatoire, communication, les services généraux, les servicespréventions et sécurité, la bibliothèque, le département de la maîtrise d’ouvrage, le servicefinancier.

« Je pense qu’ils voient l’intérêt de la coopération décentralisée à travers des actionstrès concrètes, par exemple lors de la venue de la délégation du service financier de PortoNovo pendant deux jours » « En fait, le problème c’est que les agents sont sensibles à laquestion, mais souvent ils n’ont pas le temps de s’y intéresser ».

∙ Le financement des actions de coopération décentralisée :Le budget s’élève à 100 000 € de dépenses et 50 000€ de recette en provenance du

MAE. Pour l’instant, la Communauté ne peut répondre aux aides publiques de l’UE, car leBénin ne fait pas parti d’une zone prioritaire éligible.

∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :Les difficultés rencontrées au Bénin concernent la maîtrise d’œuvre, « ils mettent

beaucoup de temps à mettre les choses en place, mais comme ici on met beaucoup detemps aussi pour certaines choses ».

Par ailleurs, « On peut être surpris sur le diagnostic du partenariat, aussi bien à Cergyqu’au Bénin, c’est –à-dire que parfois le projet est dénaturé » dans le sens où « il ne répondpas au cahier des charges fixé au départ ».

∙ La continuité de l’action :Le changement de gouvernance au Bénin a écarté certains projets.∙ Le portage politique des actions :Les actions de la Communauté en matière de RI sont portées par la Vice-Présidente au

RI. De plus, le service des relations internationales «fait parfois des interventions en comitéde direction pour informer les autres services de (leurs) activités ».

∙ Communication et sensibilisation auprès du public:Mesurer l’impact des actions de coopération décentralisée reste quelque chose de

difficile à faire semble t-il pour l’ensemble des collectivités, y compris pour la Communautéd’agglomération de Cergy.

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 169

Les outils de communication sur lesquels se fonde la communauté d’agglomérationsont notamment, le journal intercommunal, la semaine de la solidarité qui est un vecteurd’information (avec la venue chaque année d’une personne du Bénin qui intervient dans desécoles, des collèges ou des lycées), le relais de l’information auprès des étudiants auxquelsla chargé de mission donne des cours est également un autre moyen de sensibiliser lescergypontains. Enfin, des annonces sont faites à la radio et à la télévision locale.

Les liens avec les partenaires

∙ Les partenaires à l’étranger :La commune de Porto-Novo, des associations locales, ainsi que l’USAM sont les

partenaires locaux principaux de la Communauté d’Agglomération.∙ Les partenaires en France :Les partenaires publics :L’école d’infirmière,L’école informatique, qui dépend de la Chambre de Commerce et d’IndustrieL’Université de CergyL’Hôpital de Cergy-PontoiseL’ISTOM (Ecole polytechnique de Saint-Denis)Les partenaires associatifs :Associations d’étudiantsLe PLIE, qui mobilise lui même une association maître d’œuvre : CRISALISLe GRETAL’atelier international de maîtrise d’œuvre urbaine de Cergy PontoiseLa communauté d’agglomération n’a pas pour l’instant de partenariats avec des

entreprises.∙ L’évaluation :« Là où l’on peut mesurer le plus l’impact c’est via la méthodologie qu’on a choisi le

fait de démultiplier et d’impliquer le plus d’acteurs, que ce soit le service maternité de Cergyou des étudiants ». De fait, démultiplier les acteurs permet à l’a Communauté d’avoir desretours de différents acteurs sur les projets.

Pour chaque projet développé au Bénin, un bilan est fourni. La Communauté réunitl’ensemble de ses partenaires tous les 6 mois pour qu’ils fassent un point sur les projets etle suivi. « Cela permet de donner une cohérence aux projets. Pour chaque projet est définiun certain nombre d’objectifs au moins deux, trois fois par an avec tous les acteurs ».

Au bout de 4-5 ans, il est prévu de faire un bilan externe.Sur Porto-Novo, pour avoir des retours en termes de réalisations, le chargé de mission

se fonde sur le nombre d’acteurs et la régularité des missions effectuées. L’évaluation estplus facile également, car Blandine FAUCON-DIENE a un référent chargé de la coopérationau sein de la commune de Porto Novo, qui mobilise, comme le fait la Communautéd’agglomération sur son territoire, différents acteurs locaux.

Par ailleurs, la présence sur place de deux étudiants de l’ISTOM, ainsi qu’une volontaireAFVP pourront faire un retour très concret de l’avancée des projets.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

170 Lucile Denechaud - 2007

Par ailleurs, dans le cadre d’une des réunions de suivi a émergé l’idée de mettre enplace une lettre électronique pour mobiliser l’information commune entre tous les acteursde Porto Novo et de Cergy.

L’appartenance à un réseau

∙ Les réseaux existant :- La Communauté a adhéré à CUF, groupe pays Bénin, à travers lequel a été

créé un projet concerté, dont l’objet est de mettre en place un programme d’appui à ladécentralisation au Bénin.

- D’autres partenariats existent avec: l’UNESCO, l’AFCCRE, l’AIMF, l’AFVP, et les VillesNouvelles Européennes.

- Par ailleurs à titre personnel, Blandine FAUCON-DIENE appartient au Conseild’administration de l’ARRICOD.

Nouvelles perspectives et aspirations

∙ Les nouveaux projets de coopération décentralisée en perspective :La Communauté d’Agglomération de Cergy-Pontoise cherche à mieux mobiliser les

acteurs à un même moment (élus, sages- femmes, école informatique, un chantier jeune),de manière à avoir plus d’impact et de permettre aussi un échange au sein même de nospopulations, « il y a des personnes qui par exemple ne savait pas ce qu’était un élu. C’estdonc aussi un outil de citoyenneté ».

Information et formation à la coopération décentralisée

∙Les besoins d’information:

- La chargé de mission assure déjà un travail d’information auprès de ses collèguesprovenant de services impliqués sur de projets de coopération décentralisée. Cetteapport d’information est nécessaire, Blandine FAUCON-DIENE précise « on peut êtretrès bon dans son domaine ici, mais travailler dans le cadre de la coopération, c’estdifférent ». Ainsi, la chargé de mission axe notamment l’information sur qu’est-ce que ledéveloppement, le contexte de la ville de Porto-Novo, les questions d’interculturalité. « C’estun accompagnement au quotidien ».

-Un autre axe qui lui paraît intéressant de développer, serait d’informer le service desressources humaines, la Direction générale des services sur l’outil de management desressources humaines que constitue la coopération décentralisée pour une collectivité.

∙Les structures étatiques qui vous ont informé ?La Communauté d’agglomération participe à des réunions sur l’éducation au

développement au HCCI.Ils sont par ailleurs fortement en lien avec les ambassades.Ils sont par ailleurs en lien avec l’AFD sur le projet eau conduit au Bénin.Le contact avec ces instances dépend également de l’importance du projet défendu.

De plus, ces structures étatiques sont plus dans l’appui des collectivités du SUD.

∙ Les formations en coopération décentralisée effectuées :

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 171

Des formations ont déjà été réalisées auprès de structures comme COOP DEC Conseil,F3E (Fonds pour la promotion des Etudes préalables, Etudes transversales et Evaluations.)sur des questions d’évaluation, et l’agence ARENE.

∙ Les attentes en formation pour les techniciens :- Le besoin de formation formulé par Blandine FAUCON-DIENE serait davantage

axé sur du management : comment mieux accompagner et informer les personnes de lacollectivité mobilisées sur des projets de coopération décentralisée, de manière à ce qu’ilssoient mieux préparés aux réalités de terrain,

- Echanger sur tout ce qui est maîtrise d’œuvre,- Des questions financières pourraient être abordées, telles que les modalités de

remboursement des frais de déplacements… Car il n’y a pas de dispositifs juridiquesexistant pour les missions à l’étranger effectuées par les collectivités, contrairement à l’Etat.

- Comment mettre en place une régie internationale.- Intégrer dans d’autres formations le volet coopération décentraliséeDes thématiques précises pourraient être abordées à travers des échanges entre

collectivités territoriales :® Eaux et coopération décentralisée® Développement urbain et coopération décentralisée, comment monter un projet

∙ La formation des élus :Deux temps sont à marquer dans la formation des élus, selon le chargé de mission :® Le premier temps :Ce qu’est la coopération décentralisée, ce que ça représente en termes d’enjeux, de

sensibiliser sur les retombées de ces actions pour leur territoire.® Le deuxième temps :Il serait également nécessaire « de sensibiliser sur l’abord des questions protocolaires,

liées à la question de l’inter culturalité, il faut qu’il y ait une prise de conscience de cesdifférences »

® Le troisième temps : axer sur des thématiques susceptibles de les intéresser entermes d’impact local :

Lier la thématique de la coopération décentralisée et du développement durableL’articulation coopération décentralisée et agenda 21.Comment passer du jumelage à la coopération décentralisée.

∙ Professionnalisation ?« C’est clair qu’il y a une professionnalisation, je le vois aussi à CUF avec les

collectivités qui souhaitent initier une coopération, elles ne sont plus forcément sur lesjumelages ».

« Pour toutes les raisons on sous-estime ce que peuvent apporter les collectivitésterritoriales en terme de développement local, et de gestion de projet ».

A la ville de Cergy, ils lient la coopération décentralisée avec la Lutte contre lesdiscriminations.

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

172 Lucile Denechaud - 2007

Il y a des collectivités qui ont une démarche très professionnelle, qui lance unedémarche où ils essaient de voir qu’elles sont les points forts et faibles de leur collectivitépour axer leur démarche dans leur domaine de compétence.

Annexe 11 : Entretien avec Stéphanie BURG- Chargéde mission Coopération décentralisée auprès ducabinet du Maire- à la Mairie de Vauréal -12/06/07

Le cadre de vos actions∙ Lieu et domaines de coopération :La ville de Vauréal a entamé une démarche de coopération décentralisée depuis 2004

avec la commune de Kétou au Bénin. Elle est située à l’extrémité nord du départementdu Plateau. Elle couvre une superficie de 1775 km² soit 1,55% du territoire national. Lacommune est divisée en six arrondissements que sont Adakplamè, Idigny, Kétou, Kpankou,Odomèta et Okpomèta. Ces arrondissements sont subdivisés en 28 villages et 10 quartiersde ville. Le chef lieu de la commune est Kétou, située à 138km de Cotonou, capitaleéconomique du Bénin.

Les différentes étapes de la coopération :2004 : Kétou sollicite auprès de Vauréal la mise en place d’un partenariat entre les

deux villes.Février 2006 : Premier voyage, une délégation vauréalienne (uniquement des élus) se

rend à Kétou au Bénin pour évaluer les besoins et établir une convention.Novembre 2006 : Vauréal reçoit la délégation béninoise pour signer la convention de

coopération.Huit mois de travail auront été utiles pour établir une convention liant les deux

communes et pour déterminer quels seraient les axes prioritaires. Les domaines d’actionsont divers : Santé, économie, culturel.

Concrètement, plusieurs projets viennent d’être lancés :- Pour stopper la déforestation, et en particulier celle de la forêt sacrée (le bois

représente aujourd’hui 90% de la consommation d’énergie), il est prévu de construire desfours à bois économiques.

- Un partenariat a été établi, par ailleurs, avec les élèves de l’école d’ingénieursinformatique de Cergy-Pontoise l’EISTI, ils seront chargés d’installer une vingtained’ordinateurs, fournis par la Mairie et le collège des Toupets.

- La réalisation de forages d’eau potable. Un plan pluriannuel de 7 ans prévoit jusqu’àdouze forages par an.

On perçoit face à la diversité des actions, que la commune de Vauréal avance avecprécaution dans les différentes étapes de ces projets, car ils ne veulent pas « trop sedisperser, le but étant que les projets aboutissent ».

En filigrane, nous pouvons distinguer que l’engagement de la commune de Vauréalobéit pour l’ensemble de ses actions aux principes de développement durable, notamment,

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 173

pour les fours à bois économiques, puisque l’ensemble des matériaux utilisés pour leurconstruction provient de la récupération (bidon, tôle…).

∙ L’origine de cette action :L’origine de la coopération, pourrions-nous dire, est liée à deux choses : le hasard

et la présence de migrants, les parents de la Maire de Kétou (commune d’environ 100499 habitants), Lucie Sessinou, habitent Vauréal. En 2004, désireuse de développer sacommune, la Maire s’est présentée au Maire de Vauréal. Touché par la situation de Kétou,le Maire a présenté en coordination majoritaire (c’est à dire en présence de l’ensemble desélus), la volonté de partenariat qui animait Lucie Sessinou.

∙ Les priorités actuelles dans les actions menées :La priorité actuelle reste celle de la construction des fours à bois économique.∙ La maîtrise des actions :La ville de Vauréal partage la maîtrise d’ouvrage et d’œuvre avec l’association FEEDA

(Formation et Education à l’environnement et au développement approprié) qui a un savoir-faire en matière de construction de fours à bois économiques. La commune de Kétou estdivisée en 6 arrondissements, dirigés par 6 chefs d’arrondissement. En juillet 2007, danschaque arrondissement, une personne sera sensibilisée et formée par l’association FEEDAsur les techniques d’utilisation de fours à bois économiques.

Cette association procèdera par ailleurs à la mise en place d’une évaluation du projet.∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :La commune de Vauréal est en contact avec la Communauté d’agglomération du

Grand- Châlon, qui a une coopération avec l’ensemble des communes du plateau duBénin (équivalent du département). La ville et la communauté d’agglomération entretiennentdes relations informelles de manière à maintenir une certaine cohérence dans leurterrain d’action. De plus, la ville travaille en relation également avec la communautéd’agglomération de Cergy-Pontoise, cette dernière étant en partenariat avec la ville dePorto- Novo (BENIN). Stéphanie BURG envisage l’association plus poussée à une autrecollectivité, néanmoins, ils tiennent «à rester informés des activités de la collectivité (quipourrait être partenaire)»

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

Sur place seront mobilisés trois personnes de la mairie de Vauréal :Monsieur Hukportie KOFFI, élu en charge des questions de coopération décentralisée,Madame Stéphanie BURG en charge des questions de coopérations décentralisée au

cabinet du maire,ainsi qu’un volontairePar ailleurs, l’association FEEDA mettra elle aussi à disposition trois personnes,

compétentes dans la construction des fours et son enseignement.Les services mobilisés sur les projets de coopération décentralisée sont nombreux :Le service développement durable (la commune a profité d’une journée sur le

développement durable pour présenter le fonctionnement des fours à bois économique, etpar ce biais la ville a pu rendre d’autant plus visible son projet de coopération décentralisée)

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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Le service jeunesse a lui aussi été associé au projet de coopération décentralisée àtravers le chantier- jeune organisé pour l’été 2007. La ville de Kétou a pour l’occasion mis àdisposition un terrain que les jeunes seront chargés de défricher. Cette action est égalementle moyen de faire vivre l’économie locale béninoise, puisqu’une société construira unepaillote mise à disposition pour le chantier.

∙ Le financement des actions de coopération décentraliséePour le chantier-jeune, un partenariat a été établi avec la Fédération Nationale Léo

Lagrange pour le financement des billets d’avion.En ce qui concerne les déplacements des fonctionnaires et élus de la communes, ils

sont pris en charge par la mairie de Vauréal.Une subvention de 6000 € a par ailleurs été votée par le conseil municipal.Des actions de micro-crédit ont été lancées, les vauréaliens ont contribué au

financement, en n’étant pas pour autant garanti d’avoir un retour sur l’argent qu’ils aurontprêté.La ville de Kétou a par ailleurs déjà un comité de micro-crédit qui existe : « la caissecommunale de crédit », qui a fait ses preuves en terme de taux de remboursement desprêts. C’est auprès de cette caisse que la ville de Vauréal a ouvert un compte ; en dehorsde ça la commune française n’intervient pas dans le choix du financement des projets, elledemande simplement un petit bilan sur le projet et son remboursement. Pour StéphanieBURG, il ne fait pas de doute que si le système fonctionne, il faudra faire un retour positifaux vauréaliens.

∙ Les moyens humains et matériels :Beaucoup de gens s’investissent dans les projets : les élus sont nombreux, le Comité de

Jumelage va par ailleurs être remis sur place en septembre 2007, sa mission s’était éteintede fait en 2003 avec l’échec de la coopération avec la ville de Herceg- Noviau Monténégro.

∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :« Les difficultés se sont posées dans le montage de dossier de financement ».Par ailleurs, la difficulté provient également de l’adéquation de l’offre française aux

attentes des homologues étrangers, « il faut adapter son offre, ainsi concernant les fours,la mise en place de fours solaires en Afrique n’a pas encore été possible, car cela ne faitpas parti de leur culture, ils ont un rapport au feu très fort, d’où l’adoption pour l’instant dufour à bois économique ».

« C’est la connaissance du terrain qui est le plus dur, car il ne faut pas imposer quelquechose, mais que ça puisse répondre à leurs besoins ».

« Les difficultés de terrain sont également financières, c’est à dire « comment fairetransiter l’argent de France vers le Bénin. Pour l’instant, nous profitions à chaque fois denos venues dans le pays pour déposer l’argent directement ».

∙ Les atouts de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivité françaiseet étrangères:

« C’est une connaissance de l’autre, c’est important, par exemple lorsque la délégationde Kétou est venue, beaucoup n’avait jamais quitté l’Afrique ! »

Par ailleurs, la ville de Vauréal projette que la construction de four atteigne 120 unités.∙ Les inconvénients de ces actions de coopération décentralisée pour la collectivité

française :

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Annexes

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« En terme d’inconvénients, c’est un peu tôt pour les évaluer, pour avoir un retour ».« Par contre, nous ferons un retour en septembre lors du salon des associations ». « Maisce retour ne se fera que dans 6 mois/ 1 ans ».

∙ Le portage politique des actions :Le Maire et deux élus sont très impliqués dans ces projets. « Du point de vue des

fonctionnaires aussi l’implication est forte, vu que mon poste existe, par ailleurs la directricede cabinet, ainsi que ma collègue du développement durable sont également très impliquéesur la question ». « C’est très transversal, on essaie au maximum de faire participer nosservices ».

∙ Communication et sensibilisation des vauréaliens :« Il y a un besoin constant de renouveler ces opérations de communication, et de se

faire connaître ».Les actions de sensibilisation menées passent notamment par la presse locale

« L’Etincelle », la participation à une brocante avec un stand « coopération décentralisée ».Néanmoins, la ville constate que les vauréaliens n’hésitent pas à soutenir les actions

de micro- crédit, car à la différence des ONG qui ponctionnent une partie des dons pourleur propre fonctionnement, les sommes versées ici sont intégralement investies dans laréalisation des projets.

Des actions de pure solidarité ont été mises en place, les vauréaliens ont ainsi faitpreuve de générosité en amenant en Mairie jouets, livres et manuels scolaires en bon état.Ceux-ci ont été envoyés par container au Bénin, pour alimenter des écoles maternelles,primaires, collèges ou encore bibliothèque.

Les liens avec les partenaires

∙ Les partenaires à l’étranger :La Maire de Kétou doit envoyer des devis des différentes entreprises pouvant intervenir

dans la construction de la paillote du chantier pour jeune. Par ces méthodes, la ville deVauréal entend aussi faire vivre la démocratie locale, en l’espèce l’application du code desmarchés publics béninois (mis en place en 2005).

Le niveau d’implication financier de la commune de Kétou se fait à hauteur de 5 à10 % du budget investi. Par ailleurs, la commune béninoise prend en charge l’ensembledes questions d’intendance (hébergement, repas et déplacements) lors de la venue de ladélégation vauréalienne. « Ils font tout pour nous simplifier les choses, c’est important ».

En règle générale, Stéphanie BURG trouve qu’il y a « une très bonne implication, cen’est pas unilatéral, il y a vraiment quelque chose qui se met en place ».

La Maire de Kétou est par ailleurs très impliquée dans le développement de son pays,elle est notamment secrétaire du réseau de femme élue conseillère au Bénin. (AssociationNationale des Conseillères Béninoises)

Par contre, jusqu’à présent la ville de Vauréal n’a pas réussi à établir de partenariatavec des associations locales, « car (ils ont eu) du mal à faire un diagnostic de ce qui existaitou pas ». Le 7 juillet prochain, lors de leur venue au Bénin, la délégation vauréaliennedoit entrer en contact avec l’ambassade française, ainsi que le Ministère des Affairesétrangères Béninois. Stéphanie BURG ajoute néanmoins qu’il serait pertinent de développerdes partenariats Sud/Sud, typiquement dans le cas des fours solaires, il serait intéressant

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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nous dit-elle de faire bénéficier le Bénin de « l’expérience du Burkina- Fasso, et de lesmettre en relation ».

∙ Les partenaires en France :« On prendra contact avec l’Agence Régionale de l’Environnement et des

Nouvelles Energies (ARENE), au retour du Bénin pour développer des partenariats plusinstitutionnels ». Il existe en outre un partenariat avec l’Association FEEDA (Formationet éducation à l’environnement et au développement approprié) – fourneaux à boiséconomiques (sensibilisation/formation).« On travaille davantage avec l’ambassade duBénin en France. Mais pas du tout avec le MAE »

L’appartenance à un réseauVauréal est membre de Cités Unies France, elle appartient au « groupe pays Bénin »,

un des groupes de réflexion afrique. Stéphanie BURG évoque son enthousiasme face à laréalisation « d’un réseau coopération décentralisée Afrique sur l’agglomération et la villenouvelle ». La communauté d’agglomération du Grand- Châlon mobilisant ses énergiesen ce sens. Le but étant d’obtenir une certaine cohérence dans les actions menées encoopération décentralisée sur l’ensemble de l’agglo.

Nouvelles perspectives et aspirations

∙ Les nouveaux projets de coopération décentralisée en perspective :-Dans un deuxième temps, la commune de Vauréal souhaiterait développer la

construction de cuisinières solaires, ce projet s’avère encore difficile, dans la mesure oùcette pratique est très différentes des coutumes locales, « ils ont un rapport au feu fort, celanécessitera un travail sur les mentalités».

-Un chantier- jeune est fixé pour le mois d’août 2007, il s’agit de sensibiliser les jeunesvauréaliens aux conditions de vie du Bénin.

-Est à l’étude aussi la mise en place d’un système de micros-crédit à travers l’ouvertured’un compte auprès de la caisse communal de crédit de Kétou. Ces prêts s’adressent auxartisans en entreprises individuelles pour qu’ils deviennent propriétaires de leurs outils deproduction.

-En 2008, La construction et l’assainissement du marché de Kétou Centre constituera un autre volet de la convention de coopération décentralisée.

Information et formation à la coopération décentraliséeIl serait nécessaire qu’ils soient informés « sur tout le cadre juridique ». « On manque

d’information ». « Ca prend beaucoup de temps, il faut s’en imprégner, c’est un métier,véritablement, on ne peut pas se lancer comme ça sans avoir un cadre ». « Il a fallu queje m’imprègne du Bénin ».

∙Les organismes qui vous ont informés ?« Pour le Monténégro, on est venu à nous, c’est Cités Unies France qui nous a guidé

complètement ». « Pour le Bénin, c’est la Maire de Kétou qui est venue à nous ».L’ambassade béninoise de France les renseigne également sur le fonctionnement

du pays. Par ailleurs, leur prochaine rencontre ave l’ambassade de France au Bénin etle Ministère des affaires étrangères béninoises devraient constituer une nouvelle sourced’information et d’action. A la question de l’information provenant des structures étatiques,Stéphanie BURG nous signale qu’ils n’ont jamais été contactés, néanmoins, ils ont « pu par

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 177

le biais de Cités Unies France rencontrer Antoine JOLY ». Madame BURG précise : « onn’a pas fait la démarche non plus ». « Je pense qu’il faut qu’on se fasse plus connaître ».

∙ Les formations en coopération décentraliséePlusieurs formations ont déjà eu lieu :-Dans la perspective de la prochaine visite de la délégation vauréalienne sur Kétou,

Monsieur Hukportie KOFFI, élu en charge des questions de coopération décentralisée,Madame Stéphanie BURG en charge des questions de coopérations décentralisée aucabinet du maire, ainsi qu’un volontaire seront formés par l’association sur les questiontechniques d’utilisation des fours à bois économiques ( fabrication, utilisation des fours).

-Ils ont par ailleurs suivi une formation auprès de l’agence COOPDEC (sur 1 à 2 jours),en janvier 2007, face aux appels à projets lancés par le MAE (aide au montage de dossierpour obtenir des subventions). « Cette formation était très bien, dans la mesure où nousétions néophyte dans le domaine »

- Ils ont suivis dés 2006 trois ou quatre formations auprès de Cités Unies France. Mais,« c’est plus qu’une formation c’est un suivi souvent en fait, ils nous permettent de rencontrerdes gens d’établir un réseau, un échange de savoir-faire ».

« Ce qui est intéressant également dans ces formations, c’est qu’il y a du temps pouréchanger avec les autres collectivités, ce qui est très important ». « Chacun peut apporterson expérience, c’est le débat qui est porteur ». Enfin, lors de ces formations « un tempsest prévu également pour faire des cas pratiques », activité qui semble essentielle dans ledomaine de la coopération décentralisée.

« La formation doit s’adresser aux élus et aux fonctionnaires ». Si « la mise en œuvreconcerne plus les fonctionnaires, (néanmoins), les élus doivent comprendre le pourquoi ».« Pour moi, il ne faut pas dissocier, sauf pour des choses bien précises, du type montage desdossiers de financement ». Mais il faut garder en tête que « ce domaine est très politique ».

∙ Le dispositif pédagogique adapté en matière de coopération décentralisée :« Nous avons besoin de cours magistraux, mais l’échange, derrière, est très important,

les deux sont liés, ça ne serait pas complet sinon. Le cas pratique n’est pas indispensable,s’il ya l’échange ».

∙ La formation des homologues étrangers :« Je pense que ça serait intéressant de former les élus et fonctionnaires (étrangers)

pour mieux échanger ». Il existe au Bénin l’ANCB, qui a pour objet la formation d’élus, c’estune association relais, « ça peut être intéressant pour nous de passer par eux », car « c’estnécessaire d’intégrer les partenaires locaux ».

« Je sais qu’ils sont très demandeurs en matière d’état civil, de cadastre, dedéveloppement durable, de communication, c’est une demande qui revient assez souventde leur part ».

∙Les besoins de formation des équipes mobilisées sur des projets de coopérationdécentralisée

Stéphanie BURG nous indique que Cités Unies France ne fait plus véritablement deformations dans le domaine de la coopération décentralisée.

D’où, la nécessité d’être formé sur différents thèmes de la coopération décentralisée,mais également d’apprendre aux élus et aux cadres à relayer leur savoir. Stéphanie Burg

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

178 Lucile Denechaud - 2007

convient :« On ne sait pas relayer, je peux transmettre l’information, mais je ne sais pasformer, ça peut être très important de voir comment on fait les autres communes »

Annexe 12 : Entretien avec Antonio ANIESA,Responsable du service Relations et Coopérationsavec le monde– à la Mairie de Nanterre18/07/07

Statut : ContractuelLe cadre de vos actions

∙ Lieu et domaines de coopération :La mairie de Nanterre mène plusieurs types de partenariats :« On fait du jumelage, de la coopération décentralisée citoyenne et on fait du réseau

ville (échange d’expérience) ».On compte 6 jumelages de la période historique :→Watford en Angleterre (échanges scolaires)→ Avec trois pays de l’est suite à la chute du mur notamment:- Avec la ville Craiova en RoumanieRéalisation d'une œuvre artistique pour symboliser le jumelage entre la ville de Nanterre

et la ville de Craïova.- Avec la ville de Véliky-Novgorod en RussieRéalisation d’une pièce de théâtre à Nanterre sur la vie quotidienne en Russie en lien

avec le Comité de Jumelage.- Zilina en Slovaquie→ Un jumelage original avec la ville de Pesaro en ItalieAteliers d'initiation à l'art lyrique dans les quartiers de Nanterre. Réalisations de

spectacles dans le cadre des fêtes de quartier 2005. Découverte d'un festival internationalRossini organisé par la ville de Pesaro à l'été 2005 et réalisation d'un récital produit par lesparticipants aux ateliers (dernier trimestre 2005).

→Tlemcem en AlgérieNéanmoins, Antonio ANIESA, responsable du service relations et coopérations avec

le monde précise :« On ne veut plus faire de jumelages, car on sait quand on se marie, mais on ne sait

plus quand on divorce, plus sérieusement ça a perdu de son sens premier, de plus les villesne sont pas toujours impliquées ». « Les jumelages restent néanmoins des lieux de prised’initiative ». « Ce qui avait fait la fonction (paix, échange) des jumelages n’est pas démodé,mais c’est plus notre priorité. De fait, le citoyen de Nanterre n’a plus besoin des jumelagespour découvrir ces villes».

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 179

Pour les actions de coopération décentralisée, la ville n’a pas de conventionsformalisées en bonne et due forme, Antonio ANIESA évoque la coopération décentraliséecitoyenne que mène la ville de Nanterre.

« Notre choix c’est de partir de notre ville, qu’il y ait des associations, c’est un réseaud’initiatives et d’inventivité, aider les Nanterriens à être citoyens du monde et citoyen deNanterre ».

→ La ville apporte sa contribution aux aides d’urgences pour répondre aux catastrophesnaturelles (tremblement de terre en Algérie, au Maroc et tsunami asiatique).

→ Elle aide à la construction de projets citoyens et associatifs de solidarité concrète(liste non exhaustive):

- Echanges entre l'hôpital de Nanterre et celui de Zaghouan en TunisieL'objectif est de favoriser la formation professionnelle entre le personnel médical des

deux hôpitaux- soutenir les micro- projets concrets de coopération médicale : accueilde médecins et infirmières en stage à Nanterre, préparation et transport éventuel dematériel médical de Nanterre vers Zaghouan. Ces projets permettent à des Nanterriens departiciper et construire des micro- projets, qui aident au développement et à la coopération.Par ailleurs, cela permet également à la mairie de Nanterre de promouvoir l'idée dedéveloppement durable.

- De même, un échange associant l’hôpital et l’école d’infirmière de Nanterre et uneville de Kabylie a été mis en place. De multiples échanges ont ainsi eu lieu, soit par la venuedu Directeur de l’hôpital de Kabylie, soit par la venue en Algérie d’étudiants infirmiers.

- Plusieurs projets ont été établis au Cameroun et au Sénégal.- La mairie de Nanterre accueille par ailleurs tous les ans des enfants sahraouis, le

centre municipal de l’enfance prend en charge leur venue.- La commune s’est engagée dans le soutien de l’association « Le p’tit Nanterre » qui

organise actuellement l’accueil de 15 enfants palestiniens du camp de réfugiés d’El Bureijdans des familles Nanterriennes.

- En 2007, la mairie a par ailleurs aidé une jeune compagnie de théâtre amateur,« l’Utopia » à se rendre au Brésil.

→ Elle permet des rencontres citoyennes (délégations de Nanterriens au Forum socialmondial de Porto Alegre et dans les villes brésiliennes d’Alvorada, Viamao en 2003 et 2005,accueil d’une délégation citoyenne d’Alvorada…).

→ Des échanges sur l’enfance, la jeunesse, le sport, la musique ont été lancés àGuarulhos (Brésil), Tshwane (Afrique du Sud).

→ 2007 : Echanges sur les soins buco- dentaire, construction d’écoles, échangesinfirmiers à Madagascar.

La ville de Nanterre fait vivre des projets de coopération grâce au soutien qu’elleaccorde à de nombreuses associations. Le responsable des relations et de la coopérationavec le monde précise : « Moi mon rôle c’est de les aider à avoir une subvention du MAE,de l’UE, ou du Conseil Général des Hauts-de- Seine, voilà comment on les aide ».

Entretenir un réseau de ville pour faciliter l’échange d’expérience :« L’échange d’expérience, c’est comme ça que je qualifie nos partenariats ».→ De multiples échanges:

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

180 Lucile Denechaud - 2007

- Échange avec des centres sociaux d’une ville d’Allemagne- Echanges citoyens sur le thème de la Lutte contre les discriminations avec Londres- Echange avec Cordoue sur la démocratie participative.- Echange avec les banlieues de Lisbonne et de Barcelone→Engagement dans le projet URB- AL : Encourager l’échange d’expérience entre

collectivités locales d’Europe et d’Amérique latineL’objectif du programme Urb-Al de l’Union européenne, est de développer des réseaux

de coopération décentralisée entre collectivités locales sur des thèmes et des problèmesconcrets de développement local urbain.

Lancé en 1995, Urb-Al a déjà rassemblé plus de 680 collectivités locales autour deprojets touchant des thèmes aussi divers que la drogue, l’environnement, la participationcitoyenne, la lutte contre la pauvreté, le transport, la sécurité, l’urbanisme, le développementéconomique, la société de l’information ou encore la démocratie.

→ Forum Mondial des autorités locales de périphéries (FALP)Le FALP est née sous l’impulsion de collectivités locales de périphérie travaillant

ensemble depuis 2003 (suite à la 1èrerencontre internationale de Nanterre d’octobre 2002)au sein d’un réseau « Villes de périphérie & démocratie participative » pour faire entendreleurs spécificités et les problématiques lors du Forum d’autorités locales pour l’inclusionsociale de Porto Alegre.

∙ L’origine de cette action :A travers, l’ensemble des coopérations décentralisées qu’elles mènent, la Ville de

Nanterre cherche à préserver le lien avec son territoire. De fait, le choix des villes partenairescorrespond généralement à la présence d’une importante communauté de migrants sur leterritoire de la commune.

∙ La maîtrise d’ouvrage et d’œuvre des actions :Cela varie selon les projets, mais la ville essaie de privilégier au maximum les porteurs

de projets associatifs. De même pour la maîtrise d’œuvre.« Si l’on peut privilégier l’intervention de nos associations et se désengager, on le fait ».« Par contre, on est au service du projet, c’est-à-dire que si l’on sent qu’il y a quelque

chose qui ne va pas, on n’hésitera pas à prendre la maîtrise d’ouvrage » «On se définitsouvent comme facilitateur de projet, plus que porteur ».

« Notre démarche ce n’est pas simplement de donner des subventions auxassociations, on se demande :

Comment les impliquer de manière citoyenneAvoir toujours un retour, un compte rendu de leurs actions, la mairie construit ce rapport

avec eux ».

∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :La Mairie de Nanterre n’a aucun partenariat avec d’autres collectivités françaises. Le

Responsable des relations internationales l’explique de manière claire « c’est très égoïstecomme domaine, c’est des choix, et un parti pris des politiques »

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 181

Néanmoins, Antonio ANIESA précise que s’associer à d’autres collectivités françaises« c’est l’avenir de la coopération décentralisée, pour qu’on fasse des choses avec ambitionet c’est une manière également de se doter de moyens financiers plus important ».

Pour l’instant aucune initiative de mutualisation n’a été lancée en ce sens pas laville de Nanterre, par ce qu’ils ne disposent pas d’un projet qui pourrait fédérer plusieurscollectivités.

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

Le service a été créé ex nihilo, il comprend aujourd’hui 3 personnes :Une personne mobilisée sur la recherche de financements nationaux et européensUne personne qui travaille sur l’aide au projet citoyenUn responsable de service, mobilisé sur les deux questions précédentes ainsi que sur

l’animation d’un réseau, l’échange d’expérience.De nombreux services de la collectivité nanterrienne sont mobilisés sur ces

partenariats : le service enfance, le sport, le logement, la tranquillité publique (dans le projetURB-AL), jeunesse, information, culture, santé.

« Il y a des évènements qui rassemblent comme le FALP en 2006, tous les services y ontcontribué, plus de 100 fonctionnaires étaient mobilisés sur l’organisation de cet évènement»

∙ Le financement des actions de coopération décentralisée :Pour l’année 2007, le budget du service relations et coopérations avec le monde s’élève

à 50 000€. Plus précisément le budget est de 130 000 € sur lesquels 80 000 € ont étéprovisionné pour l’organisation d’une conférence.

13 000€ sont par ailleurs consacrés au projet URB-AL (l’intégration des questions demigrations dans la politique de la ville) concernant un échange sur la tranquillité publiquedans la ville.

Enfin 20 000€ sont versés en fonctionnement à des associations de solidarités.Concernant les financements du MAE et de l’UE, la commune n’y a pour l’instant pas

eu recours, de par leur technicité notamment.Sur des évènements particuliers, comme le Forum Mondial des Autorités Locales de

Périphéries (FALP) en 2006, 250 000€ ont été alloués.Le Responsable des relations et de la coopération avec le monde reste néanmoins

sceptique concernant la subvention de 40 000 € attribuée au Comité de Jumelage (le ComitéNanterrien pour l’échange et la coopération avec le monde).

∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :- Le problème rencontré dans certains jumelages reste les institutions de la collectivité

interlocutrice qui ne sont pas encore bien établies.- Par ailleurs, le Responsable parle également de difficultés rencontrées dans leur

rapport avec la Préfecture, les délibérations votées par le Conseil municipal en matièrede coopération, notamment sur l’échange avec l’étranger (l’organisation de voyages…)sont souvent retoqués par le Préfet. « Ca c’est un véritable problème pour l’ensemble descollectivités »

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

182 Lucile Denechaud - 2007

- Une autre difficulté évoquée par le Responsable des relations extérieures de lacollectivité, concerne l’amplification souvent incontrôlée de la demande des nanterriens surle montage de nouveaux projets. « Comme ça s’est su que la mairie aidait les gens à monterleur projet, il y avait des gens qui arrivaient avec des projets pour développer leur villaged’origine, c’était une approche très communautaire »

∙ Le portage politique des actions :L’élu en charge des actions de coopération a embauché et soutient le responsable du

service relations et coopérations avec le monde.

∙ Communication et sensibilisation auprès du public:La question du temps peut poser un problème dans la communication des projets de

coopération auprès de la population locale. En effet, Antonio ANIESA distingue :Le projet citoyenEt le projet humanitaireIl précise « c’est difficile de faire comprendre aux citoyens qu’il y a une différence de

temps au niveau de l’envie qu’ils expriment face à un projet, « c’est l’envie citoyenne », etla réalisation administrative » « Il faut toujours expliquer le temps ».

« Le plus difficile c’est l’éducation au développement, on reste mauvais dans cedomaine ». La ville a néanmoins entrepris quelques actions en ce sens :

L’organisation de débats (le prochain débat portera sur le thème : Le monde a-t-il droitde citer dans la démocratie participative de Nanterre ? « Pourquoi Nanterre fait du mondeet quel est le sens de son engagement »)

La participation à la semaine de la solidarité internationaleIls profitent de la « Fête des associations », pour effectuer un tour du monde des

communautés présentes sur le territoire et des actions qu’ils mènent à l’étranger.« Je pense que les citoyens de Nanterre ont envie de cet échange, et ça c’est de la

responsabilité du service municipal que de faire le choix de la coopération décentralisée ».« On ne se pose pas la question de la légitimité du logement par contre, on continue à seposer la question de l’utilité de la solidarité, de l’échange ».

« Ce monde qu’on appelle de plus en plus global et où 50% des personnes vivent dansdes villes, il y a des questions communes qui apparaissent, or on nous empêche encore defaire de faire du sens ensemble, de faire du rapport de force ».

Les liens avec les partenaires

∙ Les partenaires à l’étranger :La ville travaille avec de nombreuses associations locales dans les différentes villes

partenaires.∙ Les partenaires en France :La ville travaille avec l’Association Internationale des Techniciens et des experts

(AITEC), le Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID, collectifde 52 associations françaises de solidarité internationales). Le Crid est avant tout un lieude concertation et de réflexion pour ses membres. Son objectif est de développer unesynergie de réflexion et de prises de positions sur les grands enjeux globaux concernantle développement. Le responsable n’a pour l’instant aucun contact avec les entreprises sur

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 183

cette thématique. Concernant leurs partenaires publics, on compte les hôpitaux, et parfoisles écoles.

∙ L’évaluation :La mairie construit avec les porteurs de projet, un bilan pour chaque projet.L’appartenance à un réseau

∙ Les réseaux existant :La ville de Nanterre a pour base de travail l’ensemble de ses réseaux, ils sont donc

nombreux (la liste n’étant pas exhaustive):Le réseau d’Initiatives Pour un Autre Monde (IPAM), réuni afin de faire converger

leurs efforts et s’inscrire dans la dynamique internationale des mouvements sociaux pourun monde plus solidaire. Ensemble, ils ont élaboré une charte rappelant leur démarche etleurs valeurs. L’IPAM a une pratique concrète de l’engagement aux côtés de personneset d’organisations qui luttent pour l’accès aux droits fondamentaux. Sa conception del’engagement est fondée sur le partenariat et le travail collectif. Plusieurs groupes de travailfonctionnent selon ces principes.

L’association Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) représente et défend lesintérêts des gouvernements locaux sur la scène mondiale. Basée à Barcelone, l’organisations’est fixée la mission suivante : "Etre la voix unifiée et le défenseur de l’autonomielocale démocratique, promouvoir ses valeurs, ses objectifs et ses intérêts, au traversde la coopération entre les gouvernements locaux, comme au sein de la communautéinternationale".

FORUM des autorités locales pour l’inclusion sociale de Porto Alegre(FAL, créé en2001) s’est fixé pour objectif que les pouvoirs locaux deviennent d’importants acteurs,dans le contexte actuel de globalisation et puissent construire avec la société civile desalternatives démocratiques de gestion publique contribuant à « Un autre monde possible ».

FORUM pour la démocratie participativeDirection des Assises Franco-Brésilienne de la coopération décentraliséeMembre fondateur de CUF, la ville participe au bureau, ainsi qu’au «Réseau de

coopération décentralisée avec la Palestine-RCDP- (Son objectif était de mutualiser lesexpériences et d’amener les collectivités françaises à initier des partenariats)

Les relations avec CUF s’étant distendues ces dernières années, la ville de Nanterrerenoue peu à peu avec cette structure, qui « leur donne des informations qu’ils ne trouventnulle part ailleurs (par exemple sur les services jeunesse)».

Nouvelles perspectives et aspirations

∙ Les nouveaux projets de coopération décentralisée en perspective :Plusieurs projets sont prévus en perspective :L’accueil de la Conférence de la démocratie participativeLa venue de jeunes palestiniens

Le 2ème FORUM des autorités locales des périphéries (2008)

Information et formation à la coopération décentralisée

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

184 Lucile Denechaud - 2007

∙Les besoins :La sensibilisation des autres services paraît nécessaire au responsable du service

relations et coopérations avec le monde.∙La formation :« Il n’y a pas d’obligations légales, faire de la coopération décentralisée c’est un

choix politique et donc les attentes seront très différentes en matière de formation. Sur lesquestions internationales, ça me paraît plus complexe de former les gens, comme c’est unchoix politique, c’est énormément diffus. Et Nanterre a décidé de ne pas en faire un affichagemais une volonté politique ».

∙ Les formations en coopération décentralisée effectuées :Le responsable n’a pas suivi de formation en coopération décentralisée.∙ Les attentes en formation pour les techniciens :« Comment communique- on, pour que les gens sachent ce qu’on fait d’une part,

et d’autre part qu’il y ait une sélectivité des projets qu’on veut recevoir ». Comment lacollectivité peut-elle bien cadrer ce qu’elle veut comme projet.

Comme beaucoup de collectivités, Nanterre rencontre des difficultés sur la mobilisationde financements du ministère des affaires étrangères et de l’Union Européenne.

∙ La formation des élus :

Pas d’attentes particulières en matière de formation des élus.∙ Professionnalisation ?« Je pense que la plus grande erreur serait de transformer la coopération décentralisée

en administration ». A la question de l’appartenance à un métier, Antonio ANIESA ne sesent pas appartenir à une profession. Il précise, « si ça se professionnalise, on va perdrece qui fait la force de la coopération décentralisée, à savoir la prise d’initiative ». « On estun service de projet, nous ne sommes pas une administration »

« Mon métier n’est pas d’être responsable des relations internationales d’une ville, je nepeux pas inter-changer avec une autre ville. C’est possible d’inter-changer au niveau de mescompétences, mais pas au niveau du projet politique qu’on défend à la Ville de Nanterre »

Annexe 13 : Entretien avec Henri FIORI – Maire Adjointen charge des solidarités et de l’emploi à la Mairie deChilly -Mazarin–19/07/07

Parcours : Juriste

Statut : Maire adjoint en charge des solidarités et de l’emploiLe cadre de vos actions

∙ Lieu et domaines de coopération :

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Annexes

Lucile Denechaud - 2007 185

-En 1986, la Mairie de Chilly- Mazarin a décidé de s’orienter vers l’international enprofitant de l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans l’UE pour se jumeler avec des villesde ces pays.

-Le partenariat qu’entretient la commune de Chilly –Mazarin avec la ville de Diéma auMali, date de 1986 ; depuis 20 ans cette coopération a connu des évolutions. Les domainessont de néanmoins qu’ils doivent surveiller cette forte diversification.

Les domaines d’action de la commune française au Mali se sont étendus :« Au mali, ce n’est plus un jumelage, c’est un accord de coopération décentralisée »,

on distingue ainsi parmi les thématiques :Les problèmes d’éducation (construction d’écoles)La Ville de Chilly avait constaté un phénomène de constitution de petits villages de

culture (environ une quinzaine) autour de la ville centre. Ces entités n’ayant aucun SP, 200à 300 enfants n’étaient pas scolarisés.

Un travail de sensibilisation des villages au problème à d’abord était mené, la prise deconscience a ainsi permis la construction d’écoles.

L’envoi de fournitures scolaires, « même si ce n’est pas ce que je préconise, ce n’estpas très intéressant, c’est sujet à laxisme, on ne crée pas la volonté de se débrouiller ».

« On a essayé à un moment donné de faire payer à un tarif faible les fournitures, maisc’était difficile ».

Le domaine de la santé : La construction d’un centre de santé est prévue pour le moisde septembre 2007.

« L’intérêt de créer ce centre de santé, est de redonner sa vraie fonction à l’hôpital,car aujourd’hui il est surpassé par des questions de préventions, des petits problèmes desanté… »

Le développement économique« Depuis quelques temps, la réflexion, c’est de dire il faut faire du développement

économique, car il y a de l’épargne, mais l’argent ne circule pas. Donc aujourd’hui, on estentrain au sein du réseau Essonne Sahel de mener une analyse économique des régionssur lesquelles on travaille (développement d’un projet de barrage, zone maraîchère…) »

« Ainsi, on constaté sur Diéma qu’il y avait de moins en moins d’agriculture, mais desmarchés importants subsistent car il y a beaucoup de passage. Cela est lié égalementau développement des infrastructures routières. Il faut donc augmenter la productionmaraîchère et après développer des filières de commercialisation ».

« D’où l’importance du réseau pour faire de bonnes analyses, pour interpréterglobalement l’évolution de la société en partenariat avec les partenaires maliens ».

∙ L’origine de cette action :La ville souhaitait s’engager dans des actions de solidarité, des contacts ont alors été

établis avec les ambassades du Sénégal, du Mali et du Burkina –Faso. La ville de Limours,qui entretenait déjà un jumelage avec Nioro du Sahel (situé à la frontière entre le Mali etla Mauritanie) les a guidés dans cette entreprise. Suite à cette prospection, le partenariatavec le Mali est né.

∙ La maîtrise d’ouvrage et d’œuvre des actions :

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

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Généralement, c’est une co-maîtrise d’ouvrage qui se met en place, la Ville de Chillyne se contente pas de financer, elle participe à l’élaboration du projet.

« Tous les projets développés avec le Mali sortent de leur plan de développement, onles construit avec eux. On est sans arrêt dans un rapport d’échanges ».

La maîtrise d’œuvre est déléguée sur place à une ONG locale malienne.

∙ L’association à d’autres collectivités dans les actions de coopération :A travers le réseau Sahel Essonne, la Ville de Chilly- Mazarin s’associe à une dizaine

de collectivités. Chaque ville inscrit des projets que le réseau présente par la suite demanière cohérente au MAE et au Département de l’Essonne de manière à obtenir uneenveloppe globale. Cette démarche est encore neuve, l’élu en charge de la solidaritél’explique d’ailleurs clairement, « les collectivités on peur de mettre les pieds là dedans,elles ont peur de mettre le pied dans une structure qu’elles ne maîtrisent pas ».NéanmoinsHenri FIORI précise : « il y a des projets que l’on garde en direct pour garder une marge demanœuvre». La commune intervient donc hors réseau, comme l’illustre la reconstruction dumarché de Diéma (projet s’élevant à 80 000 €)

∙ Le nombre d’agents et les services mobilisés sur les missions de coopérationdécentralisée :

La situation est particulière dans la mesure où l’élu, en charge des questions desolidarité au sein de la mairie, agit essentiellement par le biais du comité de jumelage. S’ilexiste un référent administratif au sein de la mairie, c’est l’élu qui semble porter la dimensiontechnique des partenariats. Jusqu’à présent, l’implication des autres services reste difficilepour le projet Mali, elle se fait davantage sur le jumelage avec l’Espagne.

« Aucun service n’a été mobilisé (sur le projet Mali), il manque la connaissance deterrain, je pense que ça pourra évoluer lorsque les moyens techniques seront en œuvre ».« Il faudrait emmener les techniciens sur place et nous on est trop petit pour ça ».Néanmoins, les services municipaux semblent s’impliquer davantage lorsque des stagiairesmaliens sont en formation au sein de la mairie. Ainsi, un étudiant du CIEDEL (Institutuniversitaire de l’Université Catholique de Lyon, cette structure propose une formationuniversitaire et professionnelle en Ingénierie de Développement Local) a suivi une formationauprès de la Directrice adjointe des services techniques. La perspective était de le formerà l’assistance à maîtrise d’ouvrage en urbanisme, dans le cadre d’une réflexion pluslarge que mènent les Villes française et malienne sur les problématiques de l’habitat faceau phénomène d’explosion urbaine que connaissent de nombreuses villes africaines etfrançaises. Par ailleurs, le secrétaire général de Diéma, ainsi qu’un villageois (formation auxtechniques de soudure, lui ayant permis de monter son entreprise par la suite) ont égalementsuivi une formation auprès de la mairie de Chilly- Mazarin.

∙ Le financement des actions de coopération décentralisée :Le Comité de jumelage reçoit 15 000€ de subventions de la Mairie pour son projet

au Mali. Pour la ville de Diéma 90 000€ ont été perçus du MAE et du Conseil Général del’Essonne. Par contre, l’élu en charge de la solidarité déplore le fait qu’ils aient « beaucoupde mal à se faire financer par des fonds européens », il l’attribue notamment à la complexitébureaucratique du système. De plus, les fonds européens ne sont engagés que sur desprojets considérables, or la commune ne peut contribuer qu’à hauteur d’un seuil plafondmaximum de 200 000€. En règle générale pour les projets qui sont menés au Mali, la ville deDiéma contribue à hauteur de 20% pour chaque projet. L’association des migrants maliens,

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Annexes

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au-delà de sa contribution à l’acceptation du projet de construction d’école au sein desvillages de culture, a financé à hauteur de 40% le projet.

∙ L’émergence de difficultés dans les différentes phases du projet :Sur le projet éducation, ce sont les institutions locales du pays qui ont constitué des

freins au projet, notamment pour obtenir l’affectation à d’instituteurs à des postes.∙ La continuité de l’action :« En général, en dépit des péripéties politiques ici et là –bas nous n’avons jamais

rencontré de ruptures ».Il y a eu une évolution positive dans la relation avec la ville de Diéma, pour Henri FIORI,

dans la mesure où la commune malienne n’avait pas à l’origine de Maire et était fondéesur un régime militaire.

∙ Le portage politique des actions :La situation des relations internationales à Chilly- Mazarin est particulière, car s’il existe

un élu en charge de la question, ce dernier intervient principalement à travers le Comité deJumelage de la ville. Par ailleurs, l’implication des autres élus pose problème aussi, « sur33 élus, 6 s’intéressent réellement à nos actions, pour les autres ils ne voient pas l’impactlocal de ce type d’action ».

∙ Communication et sensibilisation auprès du public:« L’impact sur le territoire ? C’est difficile en fait pour les gens et y compris pour les

services de dépasser l’aspect humanitaire dans ce genre d’action, et je me bats contrecela.» « Je pense que dans la population c’est quelque chose de connu, que ce soit par lebiais de nos médias locaux, l’organisation d’évènements »

Les liens avec les partenaires

∙ Les partenaires à l’étranger :La Mairie de Diéma, ainsi qu’une ONG locale sont les principaux partenaires de Chilly-

Mazarin au Mali.∙ Les partenaires en France :Si pour l’instant, les entreprises ne semblent pas intéressées par ce type de projet, par

contre la mairie a toujours tenu à intégrer l’association des migrants maliens aux différentsprojets conduits au Mali. Par ailleurs, a été constitué un réseau « Essonne Sahel » quiregroupe des villes et des associations aussi bien en France (14 villes se sont à présentregroupées), qu’au Mali.

Enfin, la mairie de Chilly- Mazarin est en lien avec le CIEDEL, institut de formation endéveloppement local, qui la met en relation avec des stagiaires étrangers.

∙ L’évaluation :Le partenariat avec le Mali a traversé le temps, des échanges de délégations ont lieu

tout les ans ou tout les 2 ans. Le but de chaque visite étant de faire le point avec eux surl’avancée des projets.

L’appartenance à un réseau

∙ Les réseaux existant :

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La professionnalisation de la coopération décentralisée chez les élus et les cadres territoriaux

188 Lucile Denechaud - 2007

La Ville appartient au réseau de Cités Unies France, groupe pays Mali.Si pendant quelques années l’offre ne satisfaisait plus la collectivité, Henri FIORI

remarque que depuis 4-5 ans, des réunions permettent des échanges tous les trois moisavec des intervenants importants issus de l’Etat. Typiquement, pour la mise en place ducentre de santé communautaire, ce groupe leur a permis d’être en relation avec un médecinqui leur a fourni toutes des informations. De plus, cela a facilité le portage du dossierauprès du MAE. Le réseau Essonne Sahel, Présidé par l’ancien maire de Limours, JacquesRyckelynck organise tous les mois des réunions sur des problèmes techniques.

Nouvelles perspectives et aspirations

∙ Les nouveaux projets de coopération décentralisée en perspective :Même si l’élu en charge de la solidarité aspire à développer de nouveaux projets, la

taille de la ville semble demeurer un obstacle difficilement contournable dans la politiqueextérieure de Chilly Mazarin.

Information et formation à la coopération décentralisée

∙ Les formations en coopération décentralisée effectuées :Des structures comme CUF ou le réseau Essonne Sahel (à travers l’organisation de

colloque) ont déjà dispensé de la formation auprès de la ville.

∙ Le besoin de formation:Un besoin de formation sur la recherche de financements européens est formulé par

l’élu en charge de la solidarité.

∙ Professionnalisation ?La situation de l’élu en question est particulière, dans la mesure où il fait l’interface entre

la mairie et les comités de jumelage. « Je suis élu et technicien ».