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Lorsque qu’un enfant s’annonce, chaque femme vivra sa gestation de façon unique. Dès la concep- tion, un changement hormonal s’opère. Elle expérimentera des sensations qu’elle n’a jamais éprouvées avant. Elle se ques- tionnera sur la moindre crampe ou apparition de vergetures, et au fur et à mesure que le fœtus grandit en elle, elle sera envahie par des émotions qui la rendront tour à tour heureuse, sereine et ravie. Plus la naissance appro- chera, et plus elle anticipera ce moment. Elle se préparera à changer l’histoire, appuyée de son conjoint, qui sera témoin de ce miracle de la vie. Chaque jour qui passera les rapprochera du moment incontournable où le petit viendra au monde. Ils feront face à l’inconnu et se questionneront sur les soins à prodiguer, le sommeil, l’alimentation et, plus particulière- ment... l’allaitement. La nature fait si bien les choses. Au moment de la naissance, chaque mammifère aura une séquence comportementale qui le guidera vers la mamelle, ce qui lui permettra de s’alimenter et ainsi, se développer adéquatement. C’est une question de survie. Si quelque chose ou quelqu’un nuit à cette séquence comportemen- tale, le processus enclenché risque d’être retardé, voire inter- rompu. L’attachement en sera automatiquement affecté. Dans le cas du nouveau-né, la séquence comportementale est spécifique de notre espèce. De plus, elle différera selon l’état de vigilance du nouveau-né à la suite de l’accouchement. Dès la naissance (et idéalement durant la première heure), lorsque le petit est en santé, il sera mis sur le ventre de sa mère et exécutera cette séquence, au grand éton- nement de ses parents. Il com- La séquence comportementale du nouveau-né Par Jocelyne Charron Giguère, marraine, responsable, IBCLE pour Nourri-Source Meilleur et présidente, FQNS Crédit photo: Nourri-Source Meilleur IL TÉTAIT UNE FOIS Volume 28 - Septembre 2012 :: ISSN 1913-4487 :: www.nourri-source.org DANS CE NUMÉRO, DÉCOUVREZ : 2 Allaitement, césarienne et AVAC 5 Les mythes de la première tétée L’ÉDITORIAL de Mariane Landriau L’utilité des marraines d’allaitement Lors d’une formation donnée l’hiver der- nier, Isabelle Côté, infirmière et consul- tante en lactation diplômée de l’IBCLE, a parlé d’une étude sur les bienfaits du marrainage. Il s’agit d’une revue de 26 publications sur le sujet dont le résumé est disponible à l’adresse suivante : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/ pubmed/20715336 . La grande majorité des études démontrent l’efficacité des programmes de marrainage pour augmenter les taux d’initiation, la durée et l’exclusivité de l’allaitement ; pour diminuer l’incidence de la diarrhée chez le bébé ; et pour allonger la durée de l’aménorrhée de lactation. Cela est dû, entre autres, au fait que les marraines renforcent les recommandations et comprennent les obstacles sociaux et culturels liés à l’allaitement. Alors, si vous hésitiez à demander l’aide d’une marraine, appelez-nous dès maintenant ! Elles pourront vous donner une foule de renseignements utiles pour votre première tétée… et les suivantes ! Vous trouverez dans ce numéro quelques témoignages pour vous inspi- rer, des mythes en lien avec la première tétée, une chronique sur une technique particulièrement intéressante de mise au sein et un billet sur la vitamine D. Bonne lecture! 8 S’imprégner de la vitamine D 4 La première tétée vue par papa 7 L’instinct de la nutrition Crédit photo: Nourri-Source Meilleur Le bulletin saisonnier de

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Lorsque qu’un enfant s’annonce, chaque femme vivra sa gestation de façon unique. Dès la concep-tion, un changement hormonal s’opère. Elle expérimentera des sensations qu’elle n’a jamais éprouvées avant. Elle se ques-tionnera sur la moindre crampe ou apparition de vergetures, et au fur et à mesure que le fœtus grandit en elle, elle sera envahie par des émotions qui la rendront tour à tour heureuse, sereine et ravie. Plus la naissance appro-chera, et plus elle anticipera ce moment. Elle se préparera à changer l’histoire, appuyée de son conjoint, qui sera témoin de ce miracle de la vie. Chaque jour qui passera les rapprochera du moment incontournable où le petit viendra au monde. Ils feront face à l’inconnu et se questionneront sur les soins à prodiguer, le sommeil, l’alimentation et, plus particulière-ment... l’allaitement. La nature fait si bien les choses. Au moment de la naissance, chaque mammifère aura une séquence comportementale qui le guidera vers la mamelle, ce qui lui permettra de s’alimenter et ainsi, se développer adéquatement.

C’est une question de survie. Si quelque chose ou quelqu’un nuit à cette séquence comportemen-tale, le processus enclenché risque d’être retardé, voire inter-rompu. L’attachement en sera automatiquement affecté. Dans le cas du nouveau-né, la séquence comportementale est spécifique de notre espèce. De plus, elle différera selon l’état de vigilance du nouveau-né à la suite de l’accouchement. Dès la naissance (et idéalement durant la première heure), lorsque le petit est en santé, il sera mis sur le ventre de sa mère et exécutera cette séquence, au grand éton-nement de ses parents. Il com-

La séquence comportementale du

nouveau-né Par Jocelyne Charron Giguère, marraine, responsable, IBCLE pour Nourri-Source Meilleur et présidente, FQNS

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IL TÉTAIT UNE FOIS

Volume 28 - Septembre 2012 :: ISSN 1913-4487 :: www.nourri-source.org

DANS CE NUMÉRO, DÉCOUVREZ :

2 Allaitement, césarienne et AVAC 5 Les mythes de la première tétée

L’ÉDITORIAL de Mariane Landriau

L’utilité des marraines

d’allaitement

Lors d’une formation donnée l’hiver der-

nier, Isabelle Côté, infirmière et consul-

tante en lactation diplômée de l’IBCLE, a

parlé d’une étude sur les bienfaits du

marrainage. Il s’agit d’une revue de 26

publications sur le sujet dont le résumé

est disponible à l’adresse suivante :

h t t p : / / w w w . n c b i . n l m . n i h . g o v /

pubmed/20715336.

La grande majorité des études démontrent l’efficacité des programmes de marrainage pour augmenter les taux d’initiation, la durée et l’exclusivité de l’allaitement ; pour diminuer l’incidence de la diarrhée chez le bébé ; et pour allonger la durée de l’aménorrhée de lactation. Cela est dû, entre autres, au fait que les marraines renforcent les recommandations et comprennent les obstacles sociaux et culturels liés à l’allaitement. Alors, si vous hésitiez à demander l’aide d’une marraine, appelez-nous dès maintenant ! Elles pourront vous donner une foule de renseignements utiles pour votre première tétée… et les suivantes ! Vous trouverez dans ce numéro quelques témoignages pour vous inspi-rer, des mythes en lien avec la première tétée, une chronique sur une technique particulièrement intéressante de mise au sein et un billet sur la vitamine D.

Bonne lecture!

8 S’imprégner de la vitamine D

4 La première tétée vue par papa 7 L’instinct de la nutrition

Crédit photo: Nourri-Source Meilleur

Le bulletin saisonnier de

mencera par ouvrir les yeux, puis en poussant avec ses pieds et en s’agrippant avec les mains, il rampe-ra jusqu’au sein, la source de vie. Une fois près de la poitrine, il plantera l’un de ses pieds de façon à rester bien en place. Il massera les deux seins avec ses bras et ses mains, permettant ainsi la sécrétion de l’ocytocine. Quelques gouttes de colostrum com-menceront à s’écouler. Il mettra dans sa bouche ses petits doigts, les tétera, ensuite la tête sursautera, comme un pique-bois, pour ensuite se diriger vers le sein qu’il aura choisi.

Tout cela est provoqué par le réflexe de fouisse-ment, aussi appelé réflexe de recherche. À l’aide de

ses mains moites, il recommencera à toucher les seins. C’est pour lui une façon de bien s’enligner avant de s’attacher. La tête entre les deux seins, après avoir pris des instants de détente, puis touché les seins et tété ses doigts à quelques reprises, sa tête sautillera à nouveau jusqu’à ce que ses lèvres touchent le mamelon et l’aréole. Il lèchera le sein et,

finalement, au bout de quelques minutes, il prendra une bonne bouchée et commencera à téter.

C’est la fin de l’accouchement et le début de l’allaitement qui commence. C’est un moment unique, rempli d’émotions et de tendresse. Un moment de partage entre la mère et son petit, sous le regard attendri du père.

Lorsque surviennent des complications, il arrive parfois que le nouveau-né ne puisse pas s’atta-cher au cours des premières heures. On recom-mande alors à la mère de faire du peau à peau de façon à reproduire ces premiers moments de tendresse et ainsi favoriser un bon attachement par la position biologique. Il est bon que les parents reproduisent le peau à peau durant quel-ques semaines, aussi souvent que possible, afin de permettre à la mère et au nourrisson de s’unir et de favoriser un attachement sans douleur.

Malheureusement, ma fille avait beaucoup de

liquide aux poumons et était en détresse respira-

toire. Elle a alors été rapidement emmenée à la

pouponnière, mais on m’avait promis de me la

ramener pour la première tétée le plus rapide-

ment possible. Les antidouleurs aidant, je som-

brai rapidement dans un profond sommeil et me

réveillai le lendemain matin, à huit heures, sans

Je me souviendrai toujours de la toute première tétée

que j’ai vécue. Ma fille, née par césarienne à 3 h en

août 2007, tétait fort, très fort. La césarienne n’était

pas planifiée et c’est après un long travail, qui a

commencé par une induction suivie de nombreuses

autres interventions, que le cœur de mon bébé a

ralenti. L’option de la césarienne a été considérée et

adoptée, vu l’état de mon bébé.

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RÉFÉRENCES :

Spangler, Amy, MN, RN, IBCLC. « Core Curriculum for Lactation Consultant Practice » (2008), Part 3 – Chapter 15 : Physio-

logy of Infant Suckling, III. Science of Suckling / Mohrbacher, Nancy, IBCLC. (2008) Part 5 – Chapter 28 : Breastfeeding and

Growth : Birth Through Weaning, I. Human Babies Are Born with Instincitve Breastfeeding Behaviors

Dre Dumas, Louise, inf. MSN, PhD., « Que savons-nous des soins en peau à peau pour les bébés prématurés et les nouveau-nés

à terme ? », 19 novembre 2009. / « Favoriser l’allaitement dès la naissance », 16 mai 2011.

Brabant, Isabelle. « Est-ce que l’accouchement « naturel » a encore sa place en 2012? », Comprendre l’impact sur la mère et le

bébé du respect de la physiologie de la naissance, 14 mai 2012.

Frantz, Kittie, RN, CPNP-PC., « Les premières 72 heures du nouveau-né et leur influence sur l’allaitement », 4 juin 2012.

Allaitement, césarienne et AVAC Par Isabelle Johnson, responsable et marraine d’allaitement, Nourri-Source Pierrefonds; administratrice, AVAC-Info

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mon bébé. Après nous être informés à plusieurs re-prises, mon conjoint et moi, on nous a promis de nous emmener notre fille rapidement. Ce n’est que vers onze heures que je me suis fâchée et ai exigé d’avoir ma fille immédiatement pour la première té-tée. Dans mon plan de naissance, je mentionnais ne pas souhaiter qu’on lui donne de la préparation commerciale ou de l’eau au biberon. On m’a par la suite expliqué qu’elle avait été nourrie par soluté en attendant les retrouvailles avec maman.

Donc, quand j’ai enfin pu prendre ma fille dans mes bras, elle téta goulûment. La succion était forte et douloureuse. Les mois qui suivirent furent remplis de difficultés d’allaitement. Le fait que ma fille soit née par césarienne a eu pour effet que ma montée laiteuse fut retardée et que mon cocktail hormonal fut moins prononcé. Le long délai avant la première tétée eu un impact sur ma production de lait, qui était elle-même déjà diminuée par une prise au sein inadéquate. Je regrettais de ne pas avoir accouché normalement.

Quelques mois plus tard, j’apprenais ce qu’était un AVAC (Accouchement Vaginal Après Césarienne) et je décidai que c’était ce que je souhaitais pour mon deuxième bébé. Près d’un an et demi après la nais-sance de ma fille, j’entamai la grande aventure qu’est l’AVAC.

Le risque le plus important d’un AVAC est la rupture utérine et ce risque tourne autour de 0,4 % à 0,6 %. D’un autre côté, les risques liés à une césarienne (hémorragie, douleur, infection de la plaie, dépres-sion post-partum, difficultés d’allaitement, troubles respiratoires chez le nouveau-né, lien mère-enfant affecté, etc.) tournent autour de 2,5 %. Pour moi, le choix était évident.

Ma gynécologue était très favorable à l’AVAC et m’a soutenue tout au long de ma grossesse. Le jour « J », le travail a démarré et s’est déroulé normale-ment pendant plus de 20 heures. Ma gynécologue était en poste au moment de mon arrivée à l’hôpital et elle demeura optimiste durant toute la journée. À cause de la fatigue accumulée, du stress et de la déshydratation, le travail a ralenti, puis a pris une pause à sept centimètres. Il n’a jamais voulu repren-dre et j’ai dû aller en césarienne à contrecœur.

Je ne me souviens malheureusement pas de la première tétée, car les médicaments pour contrer la douleur liée à l’opération étaient très puissants. J’ai

bien une photo de la première tétée, gracieuseté de mon conjoint, mais je n’en garde malheureuse-ment aucun souvenir et cela me peine énormé-ment.

Mon garçon était en bonne santé, mais il fut pris

d’une jaunisse sévère et dut être mis en photothé-

rapie dans un incubateur alors qu’il n’avait que 24

heures. Le personnel de la pouponnière me

l’amenait pour les tétées toutes les deux heures,

bien chronométrées. Je disposais alors d’une heu-

re pile (pas plus) pour l’allaiter et le câliner avant

de devoir le retourner sous les lampes de

photothérapie. Après un jour à la pouponnière, un

médecin compatissant a insisté pour qu’on mette

l’incubateur de photothérapie dans ma chambre

afin de favoriser l’allaitement. Cédric a dû

demeurer là-dedans pendant un bon cinq jours.

De nombreux facteurs jouaient alors contre moi pour l’allaitement : césarienne ne permettant pas aux hormones de l’allaitement d’atteindre leur plein potentiel et causant une montée de lait retardée, la photothérapie espaçant et minutant les tétées, le manque de contact physique avec mon bébé, le tout combiné à un début de dépression post-partum causée par mon AVAC raté. J’ai dû travail-ler très fort pour augmenter ma production de lait et c’est avec grand bonheur que j’ai allaité mon fiston pendant 27 mois!

Malgré tout, je ne fermai pas la porte sur mon rêve de donner naissance moi-même et décidai de ten-ter l’ultime AVAC. Les risques de rupture utérine, après deux césariennes, sont plus élevés qu’après une seule césarienne (le risque est alors doublé, passant ainsi de 0,4-0,6 % à 0,8-1,2 %). Ce risque demeure tout de même moins élevé que ceux re-liés à une césarienne (2,5 %) et c’est pourquoi je souhaitai tenter l’AVA2C (accouchement vaginal après deux césariennes).

C’est en mai 2010 que j’accouchai, tout naturelle-ment, de mon troisième bébé, en très bonne santé! Ce fut une expérience totalement exaltante et je garde un merveilleux souvenir de la première tétée de Félix. Je l’ai laissé ramper jusqu’au sein, puis il a trouvé le mamelon et a bu tout doucement, avant de s’endormir tout contre moi.

Pour moi, la différence entre un accouchement par

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césarienne et un accouchement vaginal a été fla-

grante, d’abord du point de vue de la douleur et de

l’attachement à mon bébé, mais aussi par rapport à

l’allaitement. Pour mon troisième bébé, j’ai eu ma

montée laiteuse après un jour seulement et j’ai pu

quitter l’hôpital à ce moment-là. Je me suis ainsi re-

trouvée confortablement détendue dans mes affaires

pour allaiter à la demande et tenir mon petit tout

contre moi autant que je le souhaitais. Tout cela a

certainement favorisé l’installation de l’allaitement et

le lien mère-enfant. Cet allaitement est celui qui m’a

causé le moins de difficultés liées à la production et

je suis convaincue que le fait qu’il soit né naturelle-

ment y est pour quelque chose. Bébé a maintenant

25 mois et je l’allaite encore avec grand bonheur.

Après cet accouchement, je suis devenue marrai-

ne du regroupement AVAC-Info. Ce regroupe-

ment offre écoute, soutien et information aux mè-

res ayant eu une ou des césariennes et souhai-

tant vivre un AVAC. Cet organisme n’existait pas

au moment ou j’ai tenté mon premier AVAC et au

moment où j’ai réussi mon AVA2C. J’aurais cer-

tainement pu bénéficier grandement du soutien et

des renseignements fournis par cet organisme.

N’hésitez pas à visiter le site Internet au www.avac-info.org ou à nous écrire pour du sou-tien ou des questions en rapport à un AVAC.

man avait les mamelons plats. Après plusieurs

essais, plusieurs infirmières plus ou moins

expertes, des heures de pression, un tire-lait, une

téterelle, un traitement ostéopathique par une de

nos amies spécialisée en périnatalité... bébé

n’était toujours pas au sein. Il hurlait et se fâchait,

affamé, traumatisé d’être bousculé, surtout. Maman

pleurait aussi. Elle avait « raté » son accouchement

elle ne voulait pas rater son allaitement aussi.

Après un très long accouchement ― plus de 50 heures après que ma conjointe ait été provoquée et plus de 5 heures après l’épidurale ―, notre fils est venu au monde en parfaite santé. Il était rose, petit, plein de vie et gavé du soluté de sa mère, mais at-teint d’un torticolis congénital.

La maman allait moins bien, épuisée, au bout de ses forces, en hémorragie. J’étais en état de choc, mais c’est moi qui ai porté bébé jusque dans la chambre en postnatal, car maman était inconscien-te dans la chaise roulante.

Maman et bébé se sont donc retrouvés six heures plus tard. Ils avaient besoin de ce repos. Lorsqu’u-ne infirmière bien intentionnée, mais pas totalement au courant de la situation, est venue dans les deux heures de vie du petit pour faire la mise au sein, je lui ai montré que ma conjointe était inconsciente, que bébé dormait et que nous avions tous besoin de repos. Plus que montré, en fait; je le lui ai crié, dans mon état nerveux de jeune père qui avait eu peur de perdre sa conjointe.

Lorsque bébé et maman furent enfin reposés, la

mise au sein a eu lieu. Mais rien ne se passait

comme prévu. Bébé avait mal au côté gauche, ma-

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La première tétée vue par papa

Comment les pères vivent-ils l’allaitement? Pour en avoir un aperçu, voici le témoignage de mon

conjoint que j’ai recueilli.

Par Véronique Lieutaud, marraine d’allaitement, Nourri-Source Villeray

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Crédit photo: Véronique Lieutaud

Suppléments de lait maternel et dispositifs d’aide à

l’allaitement en main, on nous a laissés sortir de

l’hôpital avec une référence à la clinique d’allaite-

ment de l’Hôpital juif de Montréal et une demande de

visite postnatale d’urgence de l’infirmière du CLSC le

lendemain. La mère de ma conjointe est envoyée en

urgence louer un tire-lait à la pharmacie. Ma conjoin-

te ne voulait pas prendre de chance; elle est têtue,

très têtue.

Et c’est sa tête de mule qui lui donnera raison.

Elle s’est acharnée. Elle a pris rendez-vous avec la consultante [diplômée de l’IBLCE] du CLSC. Elle a mis bébé au sein tous les jours, avec sa téterelle, et sans elle aussi. Et lorsque bébé refusait, elle tirait son lait chaque fois et je le lui donnais au doigt avec le dispositif d’aide à l’allaitement.

Je fus le premier à voir les sourires d’un bébé gavé de lait, avec une coulisse au coin de la bouche et les bras tous mous. C’est à moi qu’il sourit d’être enfin rassasié, de voir son besoin de succion apaisé. Et ma conjointe en souffrait.

Ma conjointe pleurait chaque jour. Elle s’excusait auprès de bébé de ne pas être capable de le nourrir. Elle faisait du peau à peau avec lui, prenait son bain avec lui, le portait le plus qu’elle le pouvait. Elle a eu sa montée de lait, elle en produisait bien assez, mais bébé n’en voulait toujours pas, de ce sein-là.

Elle s’est démenée avec lui, avec la téterelle. Elle, c’est de la téterelle qu’elle ne voulait pas. Elle ne voulait plus allaiter avec son dispositif d’aide à l’allaitement. Elle voulait allaiter « comme dans les livres », avec bébé sur son sein nu, libre de toutes machines et trucs de plastique.

Son combat a duré longtemps. Elle s’est sentie trahie quand je lui ai proposé de passer au biberon. Je pensais la soulager en le lui offrant. Je ne lui en parlerai plus pendant des mois, ensuite... Mais je me sentais impuissant et agacé. C’était dur pour elle, c’était dur pour moi. La nuit, surtout. Les crises de la nuit étaient les plus dures pour nous tous et nous dormions souvent jusque tard en matinée, épuisés.

Un beau matin, elle m’appelle et me dit : « Ça y est! ».

Bébé était au sein. Sans téterelle. Sans pleurs ni d’un bord, ni de l’autre. Sans supplément, sans dispositif d’aide à l’allaitement, sans tire-lait. Sans papa. Ils étaient tous les deux étendus sur le lit, ils se regardaient, ils se découvraient pour la première fois, comme ils ne s’étaient encore

jamais rencontrés en huit semaines.

Voilà enfin leur première tétée à eux seuls. J’ai

pris une photo et je me suis éloigné.

Leur histoire dure encore, deux ans plus tard, avec un petit frère dans le décor.

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Les mythes de la première tétée Vrai ou faux

Par France Pomminville, marraine d’allaitement, Nourri-Source La Presqu’île

Plusieurs mythes loufoques existent entourant la première tétée et l’allaitement. Il est normal de se poser des questions, alors afin de clarifier le tout, voici un petit quiz vrai ou faux qui vous aidera surement à y voir plus clair.

1-Ma mère n’a pas pu me nourrir au sein… Donc, je n’y arriverai pas.

Faux. Sauf exception rarissime, toutes les femmes peuvent produire du lait. Le volume produit est une caractéristique individuelle et non héréditaire.

2-J'ai de petits seins, donc je n'aurai pas assez

de lait...

Faux. Les petits seins sont tout aussi capables de produire du lait en suffisance que les seins volumineux. En fait, la quantité de lait produite dépend plus du lait consommé par l’enfant que la capacité de la mère. La quantité peut varier d’un enfant à l’autre, et ce, pour la même mère. La capacité de stockage du lait varie également d’une mère à l’autre.

La grosseur des seins, quant à elle, provient

plutôt de la quantité du tissu adipeux, qui diffère

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d'une femme à l'autre.

3-Les crevasses sont plus fréquentes chez le

blondes.

Faux. Rien ne prouve que les femmes qui ont une peau de rousse ou de blonde ont plus souvent de blessures aux mamelons que les autres. Les causes de ces douleurs sont les mêmes pour tou-tes.

4-Allaiter fait tomber la poitrine. Faux. Sans prendre en considération l’allaitement, il faut savoir que l'âge, le poids, l'hérédité, le nombre de grossesses jouent un rôle dans la transformation des seins. L'élasticité de la peau des seins varie d'une femme à l'autre. D'autre part, certaines femmes connaissent de très grandes variations de volume des seins pendant la grosses-se et l'allaitement, et d'autres peu. Celles qui n’ont pas de changement de volume de leurs seins ont souvent besoin d’aide. Toutes les femmes voient leurs seins se transformer pendant la grossesse pour se préparer spontanément à l'allaitement : ils augmentent de volume, le mamelon et l'aréole deviennent plus larges et plus sombres. Ces changements peuvent déjà influencer définitive-ment l'aspect esthétique des seins de certaines femmes, qu'elles allaitent ou non.

Pendant l'allaitement, il est conseillé de porter un soutien-gorge adapté et pas trop serré. Le sevrage devrait se faire progressivement pour éviter de trop brusques changements de volume. En effet, c'est justement les changements brusques de volume de la poitrine qui peuvent abîmer les seins. Après plusieurs allaitements, certaines femmes consta-tent que leurs seins sont devenus plus petits parce que le tissu adipeux ne reprend pas toute sa place.

5-Allaiter, c'est fatigant. Faux. S'occuper d'un nouveau-né, allaité ou non, demande de la disponibilité et de l'énergie, et peut être fatigant pour les parents. La grossesse,

l'accouchement et le manque de sommeil qui accompagne souvent les premières semaines de vie peuvent aussi expliquer la fatigue de la ma-man. Ce n’est donc pas l’allaitement en particulier qui fatigue la mère. D’ailleurs, c’est souvent moins exigeant que de préparer des biberons! Pour récupérer, mangez sainement, buvez beaucoup et reposez-vous pendant que bébé dort. N’hésitez pas à demander de l’aide pour les repas. Le ménage peut attendre!

6-Certains aliments donnent un mauvais goût

au lait.

Faux. Oignon, ail et chou ont la réputation de

donner un goût et une odeur prononcés au lait.

C'est exact. Par contre, le bébé a déjà eu l'occa-

sion de goûter à tout cela en avalant du liquide

amniotique avant sa naissance. Il n'est donc pas

nécessaire que la maman change son alimenta-

tion pendant l'allaitement.

7-Pour avoir du lait, il faut boire du lait.

Faux. Pour avoir du lait, il faut que le bébé tète correctement. Toutefois, il arrive parfois que certaines mères doivent supprimer tout produit laitier à cause des intolérances ou réactions aller-

giques du nourrisson.

8-Si je n'allaite pas dans les 60 premières mi-nutes suivant la naissance, je ne pourrai pas allaiter. Faux. Allaiter dans les 60 premières minutes et faire du peau-à-peau favorise l’éveil du bébé pour la tétée et augmente les chances de réussite, mais il est tout à fait possible d’allaiter quand même quelques heures ou même quelques jours suivant la naissance.

En espérant que ce petit quiz ait réussi à briser

certains mythes sur l’allaitement et à répondre aux

questionnements des jeunes mères en lien avec la

première tétée. Sur ce, bon allaitement!

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Soutien personnalisé Vous désirez avoir du soutien pendant votre allaitement? Vous êtes enceinte et aimeriez avoir plus d’information au sujet de l’allaitement? N’hésitez pas à faire appel à une marraine! Appelez au 1 (866) 948-5160 ou au (514) 948-9877 ou écrivez-nous à [email protected].

Participez au défi allaitement!

Le samedi 29 septembre, à 11h00 précises, des défis allaitement auront lieu un peu partout au Québec. Joignez-vous à toutes ces femmes qui permettront ainsi de favoriser l’allaitement en public.

Emmenez toute votre famille et venez allaiter.

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Je suis l’heureuse maman de trois merveilleux enfants. Tous ont été allaités de façon différente, selon mes connaissances surtout, mais aussi en fonction de mes besoins et des leurs. Nos parents, les professionnels de la santé, notre entourage, bref tout le monde nous dit que chaque bébé est différent. Bien que je pouvais le concevoir, je ne l’ai vraiment compris que lorsque j’ai eu mon deuxième enfant. Quand j’ai mis mon premier garçon au sein, à l’hôpital, j’étais tellement maladroite! Je me souviens m’être dit : « Voyons, il me semble que c’est suppo-sé être simple! Mais pourquoi je ne me suis pas plus informée! » J’ai bien l’impression qu’on est plusieurs dans le même cas. On sait bien qu’on aura un enfant, qu’il sera merveilleux, mais nous ne sommes pas préparées à notre ignorance. J’ai demandé l’aide de l’infirmière pour chaque mise au sein pen-dant tout mon séjour à l’hôpital. Je me suis sentie bien dépourvue quand je suis arrivée à la maison… Alors pour le deuxième, j’ai lu tout ce qui me tombait sous la main, tant au sujet de la grossesse et de l’accouchement que de l’allaitement. Je trouvais

toutefois la littérature assez limitée; on n’y prônait qu’une seule approche et les livres provenaient souvent d’autres pays, soient la France ou les États-Unis. Malgré tout, je me sentais plus en confiance pour mon accouchement et pour mon allaitement. Mes quelques années d’expérience me disaient que j’en étais capable, que j’étais une bonne maman. Mon petit gourmand avait tout de suite cherché le sein et il l’avait vite trouvé! Cette confiance n’a fait que grandir quand est venue ma poussinette, mon troisième enfant.

Mais j’avais appris une nouvelle chose : écouter. Ma fille a pris son temps. Elle n’a pas voulu aller au sein avant environ une heure de vie. Elle était calme, tout comme moi. Quand est venu le temps, je l’ai écoutée. Devenir maman, ça ne se fait pas du premier coup. Nous apprenons chaque fois, parce que chaque bébé est différent, mais aussi parce que nous ne sommes jamais nous-mêmes la même personne. Nous grandissons, nous devenons plus sûres de nous et, surtout, je pense que nous apprenons à écouter.

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À l’écoute de son bébé

Par Pascale Langlois, rédactrice bénévole

L’instinct de nutrition

Par Anne-Marie Allaire, marraine d’allaitement, Nourri-Source Sherbrooke et accompagnante périnatale

Certaines d’entre vous ont peut-être déjà eu l’occasion de visionner le petit documentaire sur l’allaitement intitulé Laid-back breastfeeding ou L’instinct de nutrition. Peut-être avez-vous

même eu la chance de le pratiquer vous-même.

En tant qu’accompagnante à la naissance et marraine d’allaitement, j’aime beaucoup le recommander aux nouveaux parents, surtout lorsque l’allaitement devient « laborieux », stressant, fatiguant… Mais l’idéal reste encore de le pratiquer dès la première tétée, alors que les hormones de l’accouchement et de la

naissance sont à leur summum. Pourquoi? Tout simplement parce qu’il cadre merveilleusement bien avec le lâcher-prise de l’accouche-ment et la confiance que toute ma-man devrait avoir le droit de res-sentir lorsque son corps fait le tra-vail le plus extraordinaire du mon-de, celui pour lequel il est généti-quement programmé depuis des millions d’années.

La « technique » ― si elle en est une ― consiste tout d’abord à gar-der bébé en peau-à-peau le plus souvent possible. Lorsque bébé semble se réveiller, on se place en C

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position semi-assise, bébé à la verticale sur notre poitrine, et on le laisse faire. Il tournera la tête d’un côté, puis de l’autre, sentira, léchera, fera ce petit mouvement de la tête que j’appelle « la poule qui picosse », puis prendra le sein par lui-même. Les bienfaits de cette façon de faire sont nombreux. Mais un des plus intéressants est qu’il « déres-ponsabilise » en quelque sorte la mère, déjà ensevelie sous les responsabilités, du moment et de la façon d’allaiter. Bébé sait très bien quand il doit téter et surtout comment! Lors de la première tétée, il est particulièrement intéressant d’encourager maman à le faire. Avec le bouleversement hormonal qu’elle subit, elle est dans un état d’ouverture et de disponibilité parfois sans précédent. Lui imposer la pression d’une position précise, dans laquelle elle n’est pas à l’aise, l’obliger à adopter telle façon de faire, telle technique, tel angle, telle ouverture de la bouche… Tout cela peut très souvent la distraire du moment magique auquel elle devrait se consacrer tout entière. Sans oublier qu’autant de « technique » peut également faire sentir la mère incompétente puisqu’elle ne maîtrise pas encore tous ces détails. Elle pourrait angoisser à l’idée de ne plus savoir « bien faire » par la suite!

N’oublions pas que cette « première tétée » n’en est pas une dictée par la faim. Bébé sort tout juste d’un buffet qui l’a alimenté sans interruption pendant neuf mois! Cette première tétée en est une de rencontre, une première expérience d’une relation qui se doit d’être agréable autant pour maman que pour bébé, car sa continuité en dépend.

Il revient aux professionnels, à la famille et aux amis d’expérience de s’assurer que la nouvelle maman soit bien entourée pendant les premiers jours afin de préciser à celle-ci les petits détails qui caractérisent une « bonne tétée ». Une fois cette première rencontre passée et lors d’une tétée subséquente, nous pouvons lui faire remarquer comme la bouche est bien grande ouverte, prenant pratiquement toute l’aréole en bouche. Nous pouvons également attirer son attention aux petits sons de déglutition qui confirment que bébé tète et avale efficacement. Et si ce n’est pas le cas, la « technique » pourra alors s’introduire afin de s’assurer de garder un bébé et une production de lait en santé!

Tous ces détails doivent malheureusement être « pris en charge » par un entourage averti, car la culture d’allaitement dans nos sociétés, normalement transmise de génération en génération, s’est quelque peu ébréchée au cours des dernières années.

Mais de grâce, pour une fois, reportons à plus tard ce que nous faisons souvent trop rapidement. Laissons maman découvrir ce petit être qu’elle vient tout juste de mettre au monde. Laissons ces deux êtres se rencontrer, se regar-der, se sentir, se toucher, avoir du plaisir à vivre cette relation si unique qui commence pour eux. Et surtout, laissons la chance à ce tout petit bébé si peu autonome nous démontrer à quel point il est malgré tout merveilleusement compétent!

Pour plus d’info : http://www.biologicalnurturing.com/video/bn3clip.html

nouveau pédiatre m’a dit qu’il fallait absolument

donner aux bébés exclusivement allaités un

supplément de vitamine D. La Société canadien-

ne de pédiatrie recommande un supplément de

vitamine D pour tout enfant allaité à la naissance

et jusqu’à ce que son régime alimentaire en

fournisse en quantité suffisante. J’avoue que cela

m’a perturbée. Est-ce que l’aliment parfait n’était

Passer de longues journées ensoleillées à l’extérieur, faire du vélo, attraper des insectes, jouer aux camions dans l’allée, faire du jardinage, cueillir des bleuets, faire un pique-nique : voici une liste d’activités qui vous permettront d’absorber suffisam-

ment de vitamine D. Non ?

Ma première fille est née au milieu de l’hiver et son

pédiatre n’a jamais murmuré « vitamine D ». Mais

lorsque mon fils est né, deux ans plus tard, notre

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S’imprégner de la vitamine D

Amanda Shaw Yagoub, marraine d’allaitement, Nourri-Source Lac-Saint-Louis

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parfait ? Ou est-ce que c’était plus compliqué que

cela? Je débattais du sujet avec notre pédiatre lors

de chaque rendez-vous. J’ai fini par accepter la

recommandation, étant donné que le pédiatre était

plus informé que moi. J’ai acheté le supplément,

mais je l’ai donné à mon fils très rarement.

Lorsque ma deuxième fille est née,

son pédiatre m’a fait la même

recommandation. J’ai demandé

qu’il teste le niveau de vitamine D

dans le sang de ma fille, pour voir

si le supplément était vraiment

nécessaire. Il a soutenu que le test

était pénible pour les bébés et que

les résultats ne seraient pas

définitifs. J’ai quitté son bureau

avec encore plus de questions,

mais j’ai commencé à donner le

supplément à ma fille, au moins

une ou deux fois par semaine. Je

l’ai emmenée à quelques cliniques

sans rendez-vous, plaidant en fa-

veur d’un test qui prouverait que

ma fille avait besoin d’un supplé-

ment, ou le contraire, mais sans

succès. Chaque fois, le médecin m’a cité la recom-

mandation générale pour la population canadienne.

L’été approchait à grands pas et chaque fois que je

donnais cette goutte de vitamine D à ma fille, je

pensais au raisonnement derrière la supplémenta-

tion. Au lieu de bouder et de me plaindre de la com-

pagnie pharmaceutique qui produit la marque la plus

populaire de vitamine D et qui publie le dépliant utili-

sé par Santé Canada pour nous convaincre du be-

soin du supplément pour les bébés, j’ai décidé d’aller

plus loin et de faire mes propres recherches. S’il s’a-

gissait de la santé à long-terme des os et d’autres

questions médicales, c’était ma responsabilité en

tant que mère de me renseigner davantage avant de

donner une pré-hormone synthétique à mon bébé —

ou avant de lui refuser une simple goutte qui pourrait

améliorer sa santé. Voici ce que j’ai trouvé.

La vitamine D, contrairement à son nom, n’est pas

une vitamine, mais plutôt une pré-hormone. Nos

corps la convertissent en une autre substance qui

aide à maintenir le niveau de calcium dans notre

sang. La vitamine D joue également un rôle dans

plusieurs autres fonctions, notamment la minérali-

sation des os, la production de l’insuline, la

métabolisation glycémique et la fonction immuni-

taire. Tous très importants,

vous serez d’accord! La vita-

mine D traverse le placenta

et les bébés en font un

stockage avant la naissance.

Après, seules de petites

quantités de vitamine D sont

transmises par le lait

maternel, donc un supplé-

ment est recommandé (les

préparations commerciales

pour nourrissons sont

enrichies en vitamine D).

Mais pourquoi les bébés souffrent-ils de nos jours d’une carence en vitamine D? Depuis des millions d’années, les mères allaitan-tes ont comblé les besoins

nutritionnels de leurs enfants sans suppléments, n’est-ce pas? Qu’est-ce qui a changé?

Pour commencer, il faut penser aux sources

naturelles de cette pré-hormone. La première et

la plus importante, c’est le soleil. Nous qui vivons

à des latitudes nordiques sommes invités à

compenser ce manque d’exposition au soleil,

mais une brève exposition non protégée de 15 à

20 minutes de la plupart de notre corps suffit à

nous donner entre 10 000 et 20 000 IU de la vita-

mine D. Le mot-clé est « non protégée ». Nous

avons de bonnes raisons de nous protéger avec

un écran solaire contre les rayons nuisibles, mais

cette protection nous empêche de synthétiser la

vitamine D. Première prise.

Nous vivons, dans l’ensemble, à l’intérieur. Je

pense au réseau de tunnels souterrains à

Montréal qui nous permet d’explorer la ville sans

respirer d’air frais. Nous cherchons la climatisa-

tion en été, le chauffage en hiver.

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Crédit photo: Amenda Shaw Yagoub

Au lieu de passer une matinée au mois de janvier à

faire une promenade dans la neige, nous décidons

de jouer à un jeu de société ou de faire des biscuits

au chocolat. Deuxième prise.

Mmmmm, les biscuits. Ça me rappelle la troisième

raison pour laquelle cette carence en vitamine D est

de plus en plus courante dans notre société. Nous

ne suivons pas toujours de régime bien équilibré qui

nous fournirait des sources alimentaires de la vitami-

ne D. Le poisson, les œufs et le lait fortifié sont des

sources alimentaires de la vitamine D. Même si la

plupart de notre stock devrait venir du soleil, ces

sources alimentaires augmentent notre niveau

sanguin de vitamine D, surtout en hiver. Mais notre

mode de vie a changé beaucoup depuis que ces

sources naturelles étaient suffisantes pour la popula-

tion générale; c’est la réalité de la vie moderne.

Troisième prise.

Il existe quelques autres raisons qui contribuent à une carence en vitamine D. Si la mère a une caren-ce en vitamine D, si elle n’a pas pris de suppléments lors de sa grossesse, elle pourrait avoir une carence en vitamine D lors de cette grossesse ou même après l’accouchement. Son bébé aura un faible ni-veau de vitamine D à la naissance et le lait de sa mère contiendra moins de vitamine D aussi. Les personnes à la peau foncée sont plus à risque — il leur faut jusqu’à cinq fois plus longtemps pour synthétiser la même quantité de vitamine D qu’une personne à la peau plus claire. Vivre en milieu urbain où les rayons de soleil sont bloqués par les gratte-ciel et couvrir la majeure partie de son corps lorsqu’on est à l’extérieur contribuent aussi à un plus grand risque de carence en vitamine D.

Par contre, les suppléments ne sont pas toujours le

choix facile. La littérature scientifique sur le sujet est

d’accord qu’en réalité, il existe une très faible préva-

lence de carence en vitamine D dans la population

générale et que seule une petite minorité de gens

sont à risque. Santé Canada admet dans sa recom-

mandation « une approche axée sur la santé de la

population à cet égard, étant donné que le dépistage

de déficience en vitamine D chez toutes les mères et

tous les nourrissons ne serait ni pratique ni renta-

ble ». Je n’ai pas réussi à faire tester mon enfant, et

j’imagine que vous vous confronterez au même

problème si vous êtes curieux de connaître le

niveau de vitamine D chez votre enfant avant de

lui donner un supplément. Vous aurez à choisir

entre accepter la recommandation de Santé

Canada et prendre en considération les facteurs à

risque pour votre famille.

Il n’existe pas d’études à long terme sur les effets

de donner un supplément de vitamine D aux

bébés, et la plupart des gens n’obtiennent pas

leur dose quotidienne de vitamine D de leur

alimentation ou de suppléments — aucun animal

vertébré n’obtient la vitamine D de cette façon. Et

si notre mode de vie a changé au point de néces-

siter un supplément, un nouveau phénomène de

nos jours est la toxicité de la vitamine D, comme

on l’a vu lors des traitements contre la tuberculo-

se, l’arthrite rhumatoïde et l’hypothyroïdisme.

Le soleil reste la meilleure façon de synthétiser la

vitamine D. Selon la couleur de la peau de votre

enfant et l’endroit où vous habitez, vous pourriez

lui permettre de courtes périodes sous le soleil

sans écran solaire. En été, un bébé en couche

seulement n’a besoin que de trente minutes par

semaine exposé au soleil sans écran solaire pour

maintenir un niveau adéquat de la vitamine D. En

hiver, un bébé habillé mais sans chapeau a

besoin de deux heures par semaine sous le soleil.

Le corps peut aussi stocker la vitamine D. Cynthia

Good Mojab, consultante en lactation diplômée

de l’IBCLE, dit : « Les études ont démontré que

les enfants peuvent stocker suffisamment de

vitamine D pour en éviter une carence pendant

plusieurs mois lorsqu’ils sont exposés à seule-

ment quelques heures de soleil d’été. » L’Organi-

sation mondiale de la santé soutient que la caren-

ce en vitamine D chez les bébés allaités est due à

un manque d’exposition au soleil et que cette

carence est rarement remarquée avant l’âge de

six mois. La recommandation de Santé Canada

assume une exposition minimale au soleil.

Les risques sont différents pour chaque famille.

Ma famille a choisi de s’exposer plus au soleil.

Nous permettons à nos enfants de jouer à

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l’extérieur sans écran solaire pour de courtes pério-

des; nous sortons à l’extérieur presque tous les

jours, toute l’année. Nous mangeons beaucoup de

poisson et d’œufs. Chaque famille doit évaluer sa

propre situation. Toutefois, Santé Canada affirme

que les nourrissons allaités n’ont pas besoin de

supplément au cours des deux premiers mois de leur

vie si leur mère présente un niveau adéquat de

vitamine D. C’est important à savoir puisque nous

connaissons à quel point l’intestin des nourrissons

est fragile!

Dans toutes mes recherches, un fait a pris une

importance particulière à mes yeux. Que vous

choisissiez ou non de donner un supplément de

vitamine D à votre bébé, le lait maternel reste

toujours le meilleur choix d’alimentation. La vita-

mine D est une pré-hormone dont, selon notre

mode de vie, nous pourrions présenter une

carence, mais le lait maternel est toujours

l’aliment parfait.

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RÉFÉRENCES :

Kelly Bonyata, IBCLC, 13 octobre 2010, « Does my baby need vitamin D supplements? », Kellymom.

Diana Cassar–Uhl, IBCLC, 8 avril 2011, « Vitamin D and breastmilk… what’s a babe to do? », Best for Babes.

Centers for Disease Control and Prevention. Vitamin D Supplementation, 20 octobre 2009, http://www.cdc.gov/breastfeeding/

recommendations/vitamin_d.htm

Anne-Marie Kern, IBFAN, hiver 1999. « Breastmilk and Vitamin D Adequacy », INFACT Canada.

Santé Canada. Les suppléments de vitamine D chez les nourrissons allaités au sein —Recommandation de Santé Canada, 2004.

http://www.hc-sc.gc.ca/fn-an/nutrition/infant-nourisson/vita_d_supp-fra.php

IL TÉTAIT UNE FOIS

BULLETIN SAISONNIER DU RÉSEAU NOURRI-SOURCE

ÉDITEUR – Fédération Québécoise Nourri-Source

RÉDACTRICE EN CHEF – Mariane Landriau

RÉDACTRICES BÉNÉVOLES – Jocelyne Charron Giguère, Isabelle Johnson, Véro-

nique Lieutaud, France Pomminville, Pascale Langlois, Anne-Marie Allaire, Amanda Shaw-

Yagoub

RÉVISION DU CONTENU – Jocelyne Charron Giguère

GRAPHISME – Jocelyne Charron Giguère

PROCHAIN NUMÉRO : novembre 2012 – thème : allaitement et sexualité

DATE DE TOMBÉE : 1er octobre 2012

Vous voulez participer au bulletin? Vous aimeriez faire un témoignage d’allaitement en

lien avec le thème? Vous avez des commentaires? Vous aimeriez réagir par rapport à un

article? Écrivez-nous à l’adresse suivante : [email protected].

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