from harm to home · que nous servons, dans une pers-pective intégrée et holistique pour des...

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From Harm To Home #5 Décembre 2018| Janvier 2019 www.rescue.org Le Bulletin bimestriel d’information de l’International Rescue Committee au Tchad NUTRITION 16 formateurs IRC formés sur l’accompagne- ment de l’allaitement maternel | P. 8 EVENEMENT Deuxième formation à la réponse d’urgence pour l’équipe urgence pays | P. 10 Transfert monétaire : les discussions de couple au cœur de la lutte contre les violences basées sur le genre FOCUS | P. 4 SANTE Accueillir et prendre en charge 6 565 réfugiés dans la region de Lac | P. 3 PROTECTION DES FEMMES Protéger et autonomiser les adolescentes via l’approche”Girlshine” | P. 7

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From Harm To Home

#5 Décembre 2018| Janvier 2019

www.rescue.org

Le Bulletin bimestriel d’information de l’International Rescue Committee au Tchad

NUTRITION

16 formateurs IRC formés sur l’accompagne- ment de l’allaitement maternel | P. 8

EVENEMENT

Deuxième formation à la réponse d’urgence pour l’équipe urgence pays | P. 10

Transfert monétaire : les discussions de couple au cœur de la lutte contre les violences basées sur le genre

FOCUS | P. 4

SANTE

Accueillir et prendre en charge 6 565 réfugiés dans la region de Lac | P. 3

PROTECTION DES FEMMES

Protéger et autonomiser les adolescentes via l’approche”Girlshine” | P. 7

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EDITORIAL DE FRANCIS SALA-DIAKANDA, DIRECTEUR PAYS

Développer une approche programmatique intégrée

Chers partenaires, chers collabo-rateurs,

E

n ce début d’année 2019, permettez-moi de vous re-nouveler mes vœux de bon-

heur, santé, d’accomplissement personnel et professionnel pour vous et vos familles respectives. Je suis heureux de débuter cette nouvelle année à vos côtés et suis convaincu que nous saurons en-semble mettre encore plus notre professionnalisme et notre enthou-siasme au service des populations que nous servons, dans une pers-pective intégrée et holistique pour des impacts à long terme.

Au cours de l’année 2018, IRC

Tchad a continué ses actions hu-manitaires et de développement avec pour objectifs d’améliorer la santé, la protection, le bien-être social et économique des popula-tions vulnérables, notamment les enfants et les femmes, durement affectées par différentes crises. En 2018, IRC Tchad a maintenu un volume important d’activités avec 14 projets répartis au sein de nos cinq secteurs d’intervention : san-té, nutrition, eau, hygiène et assai-nissement, protection et autonomi-sation des femmes, relance et dé-veloppement économique. Nous avons achevé plusieurs projets et nous avons abouti à la fin de notre processus de désengagement du District Sanitaire de Mongo (région du Guéra) dans le cadre des acti-vités de prévention et prise en charge de la malnutrition aiguë pour les enfants de moins de 5 ans, au profit des agents de santé du Ministère de la Santé Publique et des équipes cadres de District.

Pour cette année 2019 ainsi que les années à venir, IRC Tchad garde le cap sur son ambitieux projet d’amélioration continue de la qualité de ses opérations et pro-grammes pays, dans une ap-proche « humanitaire – dévelop-pement » combinant des actions à court, moyen et long terme. Pour ce faire, nous comptons plus que jamais sur nos 350 employés, nos bailleurs de fonds, nos partenaires

des services techniques étatiques ainsi que des organisations lo-cales, qui démontrent au quotidien leur fort engagement au service de nos bénéficiaires, les popula-tions réfugiées, déplacées et les communautés hôtes.

C’est dans cet esprit que je suis heureux de partager avec vous ce cinquième numéro de notre bulle-tin d’information. Vous y trouverez les dernières actualités de nos programmes et pourrez constater, notamment à travers l’article sur les discussions de couple au cœur de la lutte contre les violences basées sur le genre qu’IRC Tchad a à cœur d’avoir une approche programmatique intégrée qui mette l’accent sur la personne hu-maine dans son entier, que ce soit un enfant, un jeune, une femme, un homme. Cette approche nous pousse à avoir une réflexion hori-zontale afin d’utiliser les différents secteurs dans lesquels nous tra-vaillons pour répondre aux be-soins des populations les plus vul-nérables et marginalisées.

Bonne lecture !

The International Rescue Committee

Programme du Tchad

Rue de Bordeaux, Béguinage | 2e arrondissement

B.P: 5208, N’Djaména | Tel: +235 22 51 17 21

D45678695 :6 ;9<=47>84?@: Francis Sala-Diakanda

C?@854<98695B

Aleksandra Roulet-Cimpric, Oussoumane Aboubacar, Roi Allaguem,

Franklin Bendima, Mouhamadou Diaw, Elvis Djecornonde, Nestor

Djimadoumnodji, Dassou Guidaoussou, Deena Houmhisma, Lucien

Kikwayaba, Yolande Longang Tchounkeu, Junius Madide, Bienvenue

Moundabe, Vivien Naoyal.

R6:>78695 6@ 7C6D 68 4@D?E5>;C4B86: Gwenola Roblin

756:48B ;C?8?B: IRC Tchad / OCHA Naomi Frerotte

IF;56BB4?@: Imprimerie AGB

From Harm to Home | rescue .org

3

SANTE / NUTRITION

D

epuis fin décembre, les équipes IRC de la région du Lac sont occupées à accueil-lir de nouveaux réfugiés. Plus

de 6500 personnes ont afflué à Ngou-boua, situé sur la rive Nord-Est du Lac Tchad, fuyant le Nigeria voisin suite à l’attaque de trois casernes militaires par Boko-Haram dans la zone de Baga-Kawa au Nord-est du Nigeria, le 26 décembre 2018. A Ngouboua, IRC a procédé à la vacci-nation de la fièvre jaune et au dépis-tage de la malnutrition des nouveaux venus. A la date du 18 janvier 2019, selon le dernier rapport du Haut-Commissariat des Nations-unies pour les réfugiés (UNHCR), 3848 personnes avaient été pré-enregistrées grâce à la collaboration du HCR et de la Commis-sion nationale tchadienne d’accueil et de réinsertion des réfugiés (CNARR), dont 50% de femmes. 97% de ces per-sonnes ont été transférées dans le camp de réfugiés de Dar Es Salam, en attendant leur enregistrement biomé-trique et leur documentation afin de bénéficier de l’assistance et de la pro-tection internationale. Au camp de Dar Es Salam, où IRC exerce depuis janvier 2017 des activi-tés de santé, nutrition, eau, hygiène et assainissement au sein du centre de santé, les équipes IRC ont continué en collaboration avec l’UNHCR à prendre en charge les nouveaux réfugiés après un dépistage nutritionnel et médical. « Les réfugiés sont arrivés globale-ment en bonne santé », témoigne Go-defroy Mbaydoum, superviseur santé-

nutrition au camp. « Le contrôle médi-

cal et nutritionnel fait systématique-ment à tous les ménages qui arrivent à Dar Es Salam montre des résultats encourageants : 14 malnutritions sé-vères et 23 malnutritions modérées sur 554 personnes dépistées, 6 femmes enceintes et allaitantes modérément malnutries sur 59, 2 maladies chro-niques, 2 cas de trouble mental. Un petit nombre de personnes est trauma-tisé à cause de la séparation avec les membres de leur famille. » Cinq réfu-giés ont également été référés à N’Djaména à cause de plaies infec-tées, pour une prise en charge adé-quate. Au camp, IRC et les autres par-tenaires du HCR s’organisent progres-sivement pour pouvoir accueillir tous

ces nouveaux réfugiés. Zera Zimon, réfugié à Dar Es Salam depuis deux ans déjà, est heureux de l’arrivée sou-daine de ses « frères ». « Nous par-lons la même langue, nous échan-geons le peu que chacun possède, les organisations humanitaires viennent en appui en augmentant les toilettes, les points d`eau, les distributions de vivres et non vivres qui aident tout le monde. Nous remarquons aussi avec plaisir que le nombre de boutiques, cafete-rias, points de ventes augmente et nous évite d`aller à Bagasola pour faire le marché. Nous sommes contents que nos frères et sœurs viennent partager avec nous la vie au camp, sans être tués par Boko-Haram. »

Accueillir et prendre en charge 6 565 nouveaux réfugiés dans la région du Lac

« Je m’appelle Oumarou Na-gouari, j’ai 41 ans et suis arrivé au Tchad il y a un mois, avec ma femme et deux de mes quatre enfants. Mercredi 26 décembre, les hommes de Boko-Haram sont rentrés dans la ville de Ba-ga-Kawa, chez nous au Nigeria. Nous avons fuit dans toutes les directions. Les uns, vers l`intérieur du pays, les autres

vers le Lac dans le village de Krikatia. Deux de mes enfants sont allés vers l`intérieur du pays et je n`ai aucune nouvelle d’eux depuis ce jour. A partir de Kri-katia, nous avons été transportés en pirogues à Ngouboua, puis à Dar Es Salam. Ce voyage difficile a duré six jours. Je dois maintenant faire le deuil de

mes enfants et de mon commerce. Depuis que je suis arrivé à Dar Es Salam, je suis cependant agréa-blement surpris de l’engagement des différentes per-sonnes que l’on croise. Etat du Tchad, organisations humanitaires et internationales: chacun donne le meilleur de lui-même pour nous accueillir, nous lo-ger, nous donner à manger et nous soigner. Je com-mence à m’adapter à ma nouvelle vie. Je suis bou-cher et depuis deux semaines, grâce à l’aide des uns et des autres, je tue et vends de la viande de mouton et de chèvre. Je voudrais remercier le HCR, la CNARR qui nous ont accueilli. Mais surtout IRC qui, depuis Ngouboua, contribue à notre prise en charge médicale, de la vaccination de nos enfants à l`entrée de Ngouboua jusqu`aux transferts en ambulance, en passant par les soins ici au centre de santé, facilitant l`accouchement d`une vingtaine d’enfants déjà. »

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FOCUS

PROGRAMMES DE TRANSFERT MONÉTAIRE : LES DISCUSSIONS DE COUPLE AU CŒUR DE LA LUTTE CONTRE LES VIOLENCES BASÉES SUR LE GENRE

© IRC Tchad

Dans le cadre de ses programmes de relèvement économique et de protection et autono-

misation des femmes, IRC Tchad a mis en place des discussions de genre avec tous les

couples bénéficiaires du programme de transfert monétaire, afin de prévenir des vio-

lences basées sur le genre.

S

ous financement du fonds des Affaires mondiales du Canada (GAC), du Bureau américain d’assistance aux

catastrophes à l’étranger (OFDA) et de l’Agence suédoise de coopération internationale pour le développement (SIDA), IRC Tchad a développé à tra-vers son programme de relèvement économique un programme de trans-fert monétaire au profit des ménages les plus vulnérables en général et diri-gés par les femmes en particulier. Cette activité s’inscrit dans la dé-marche visant à renforcer l’autonomi-sation des femmes déjà initiée depuis trois ans à travers le programme de

protection et autonomisation des femmes. L’activité de transfert moné-taire a été conçue dans l’optique de soutenir le contrôle des femmes sur les ressources, tant au niveau des ménages qu’au niveau des commu-nautés. Toutefois, IRC Tchad a obser-vé un taux de prévalence de vio-lences assez élevé, qui serait dû non seulement au stress des ménages durant les périodes les plus difficiles de l’année mais également aux trans-ferts monétaires dont ont bénéficié les ménages et qui auraient pu jouer un rôle dans l’augmentation des vio-lences basées sur le genre (VBG). Fort de ce constat, IRC Tchad a trou-

vé fondamental de repenser la mise en œuvre de son programme de transfert monétaire en prenant l’enga-gement d’intégrer systématiquement les discussions de genre de couple avant, pendant et après les distribu-tions d’argent, en vue de réduire les risques de VBG en lien avec les transferts monétaires. Ces discus-sions de couples qui regroupent tous les bénéficiaires et leurs conjoints sont les cadres d’échanges autour de l’économie familiale, de la gestion du budget familial et des relations de pouvoir au niveau du ménage. Cette approche permet de prévenir la vio-lence en suscitant une réflexion com-

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Participation active des hommes

Dans le cadre de la complémentarité et

de la synergie entre les différents pro-

grammes, les discussions de groupe

sont pilotées conjointement par les

équipes de Protection et Autonomisa-

tion des Femmes et par les équipes de

Bien-être économique. L’objectif à long

terme est d’amener les bénéficiaires à

comprendre la nécessité d’un ménage

harmonieux afin que l’argent à usage

multiple soit utilisé d’un commun ac-

cord. A chaque session, de plus en

plus de femmes se sont mobilisées

avec leurs conjoints. Aux sites de

Haoura, Keiga et Abourom, plus de

40% des participants à toutes les

séances étaient des hommes. La parti-

cipation des hommes à cette activité

est un grand défi et IRC est convaincu

que la prévalence des VBG diminuera

par ce biais. La forte participation des

hommes et des femmes aux séances

de discussions de groupes présage

déjà d’une transformation sociétale et

d’une valorisation de la contribution de

la femme dans le ménage. En effet, les

discussions de groupes ont permis aux

femmes de prendre la parole en publ,

de donner leurs idées par rapport aux

décisions familiales, ce qui ne se faisait

pas auparavant. A la sortie des

séances de discussions, beaucoup

d’hommes ont exprimé leurs désirs de

changer leurs manières et modes de

vie qui ne contribuent pas au bien-être

familial ou communautaire. Certains ont

affirmé vouloir décider conjointement

avec leur femme de l’utilisation des res-

sources économiques afin de promou-

voir la valeur de toute contribution de la

femme et des membres du foyer dans

l’économie du ménage.

Ils ont dit

Aboudou Tchari Mbo Barka, mari de 2 femmes avec 15 enfants, Haoura

« Selon la croyance de la communauté de Haoura, l’homme est le seul responsable de la gestion des ressources économiques du ménage. Depuis que nous sommes arrivés dans ce site, aucune interven-tion allant dans le sens du bien-être familial n’avait été donnée à la communauté de Haoura. Avec les récentes discussions de groupe, nous avons vu que la femme avait également son mot à dire. Nous sommes capables de changer notre comportement et mettre en pratique les conseils donnés pour l’épa-nouissement économique de notre ménage en parti-culier et de toute la province du Lac Tchad en géné-ral. Ces activités nous ont fait comprendre le bien-

fondé de la communication autour des ressources familiales pour notre bien-être.»

Imbo El Hadji et Kangoi Mboulloum Bourgami, 7 enfants, Keiga

« Nous avons sept enfants entre 2 et 18 ans. Après discussions entre nous, nous avons décidé de consacrer l’argent reçu du programme de transfert monétaire à l’achat d’habits neufs et de chaussures pour nos enfants. Nous nous procurerons également du matériel de cuisine. Lors de la prochaine distribution, on achètera des habits pour nous cette fois-ci, afin d’être plus présentables ! On mettra éga-lement de l’argent de côté, en cas de be-soin.»

6

© IRC Tchad

mune sur les causes sous-jacentes de cette violence, tout en transmet-tant les compétences nécessaires pour améliorer la communication, la négociation et la résolution pacifique des conflits au niveau des ménages.

Trésorerie du ménage

Au total, 104 groupes de discussions ont été constitués depuis novembre 2018, composés chacun d’environ 25 couples répartis dans sept sites de Personnes Déplacées Internes (PDI), dans les départements de Fouli et Kaya dans la région du Lac. Dans chaque site, IRC met en œuvre des sensibilisations à travers des discus-sions de couples bénéficiaires des programmes de transfert monétaire. Les quatre séances de sensibilisation couvrent des thèmes variés comme la trésorerie du ménage, la budgéti-sation et la planification, la définition des objectifs financiers et des con-seils pour gérer le stress financier. Une attention toute particulière a été accordée à l’assiduité des partici-pants et des outils ont été élaborés et paramétrés sur la plateforme en ligne « CommCare » de collection et d’analyse de données pour le suivi des participants. Une évaluation ini-tiale a été organisée au début de l’activité et sera suivie d’une évalua-tion finale avec l’ensemble des par-ties prenantes. 2 227 personnes ont été touchées dans cinq sites où les quatre sessions de sensibilisation ont eu lieu. Un fort intérêt pour les ses-sions portant sur l’économie des mé-

nages a été constaté, avec la partici-pation de 1 348 couples. Cette ses-sion avait pour objectif de valoriser les contributions des femmes au sein du ménage afin de mettre à mal cette fausse croyance qui consiste à dire que les hommes contribuent davan-tage au bien-être du ménage. La session qui portait sur la trésorerie du ménage, budgétisation et planifi-cation est également ressortie comme étant d’un grand intérêt pour

les bénéficiaires, avec 1 198 per-sonnes qui y ont participé active-ment. D’une manière générale, les bénéficiaires ont fortement adhéré à cette démarche jugée novatrice dans la manière d’effectuer les transferts monétaires dans cette partie du pays, avec un taux de participation de plus de 80%.

.

7

Protéger et autonomiser les adolescentes via l’approche « Girl Shine »

PROTECTION ET AUTONOMISATION DES FEMMES

I RC Tchad met en œuvre depuis fin octobre 2018 l’approche « Girl Shine » dans la région du Lac. Girl Shine a été conçu pour contribuer

à l'amélioration de la prévention et de la lutte contre la violence à l'égard des adolescentes. Cette approche vise à soutenir, protéger et autonomiser les adolescentes des sites où IRC inter-vient, en leur fournissant les compé-tences et les connaissances néces-saires pour identifier les types de Vio-lences Basées sur le Genre (VBG) et rechercher des services de soutien si elles sont victimes ou risquent de l'être. C’est ainsi que durant les mois de décembre-janvier, 36 filles de 10 à

19 ans ont été formées dans les sites de Salia, Kiskawa et Daboua (région du Lac) lors de deux sessions d’ap-prentissage sur les objectifs du pro-gramme Girl Shine et la prise de déci-sion.

En parallèle, une formation a été orga-nisée du 14 au 16 décembre pour les mentors « Girl Shine », des jeunes femmes de la communauté locale choisies par les filles elles-mêmes sur la base de la confiance. Elles ont pour rôle d’accompagner les jeunes filles afin de leur permettre de passer de l’adolescence à l’âge adulte à l’abri des violences. IRC capitalise sur cette

relation de confiance tissée entre l’adolescente et la femme pour per-mettre aux jeunes filles d’avoir une personne vers qui se tourner si elles sont victimes de violence ou si elles sont menacées. L’objectif de cette for-mation est d’outiller ces adultes pour un accompagnement efficace des filles. En plus des 6 mentors des trois sites d’implémentation de l’approche, 24 leaders communautaires et reli-gieux ont bénéficié de cette formation sur les modules de confiance, compé-tence émotionnelle et sociale, santé et hygiène, sécurité, solidarité et vision future.

© IRC Tchad

Baba Issa Toh

51 ans, Mentor Girl Shine à Salia

Depuis quand con-naissez-vous Hadje Hassan?

Je la connais depuis trois ans. Nous avons fui Boko Ha-ram au Nigeria et nous sommes re-trouvées à Salia.

Quelle est la rela-tion tissée avec elle ?

Elle se confie aisément à moi, comme beaucoup de filles de la communauté. Je suis une femme très res-pectueuse et discrète. On a une relation de bon voisi-nage.

Quels messages lui transmettez-vous ?

Je l’écoute, l’oriente et lui donne des conseils. Comme celui d’être sage, respectueuse, solidaire avec les autres et toujours propre. Je conseille égale-ment beaucoup les parents à propos du mariage pré-coce.

Auriez-vous aimé bénéficier d’un tel soutien en étant plus jeune ? Qu’est-ce que cela vous aurait apporté ou permis d’éviter ?

Si j’avais bénéficié d’un tel soutien étant plus jeune, ma vie serait certainement différente aujourd’hui et meilleure. Je n’aurais pas été mariée de force à 14 ans et je saurais écrire mon nom.

Hadje Hassan

13 ans, fille Girl Shine à Salia

Qu’est-ce que le programme IRC Girl Shinevous apporte ?

Girl Shine m’a beaucoup apporté beaucoup : un lieu où je peux parler et jouer avec mes amies, et quel-qu’un à qui je peux me confier sans avoir peur. Depuis que je participe au programme « Girl Shine », j’ai vu beaucoup de changements en moi : j’ai appris à être propre, à respecter mes parents et mes amies. Et par-dessus tout j’ai compris que je peux m’oppo-ser à un mariage si je ne le désire pas.

Qu’avez-vous appris d’important ?

« Girlshine » nous aide à connaître notre corps. Je sais maintenant qu’avant 18 ans, le corps des jeunes filles n’est pas prêt pour donner la vie. Je sais compter et prévoir le jour de mes menstrua-tions.

Quel sont vos rêves et espoirs pour le futur ?

Je veux aller à l’école, mais malheureusement il n’y a pas d’école à Salia. Je veux étudier pour devenir mobilisatrice communautaire afin d’inciter les pa-rents à ne pas marier leurs filles de force et de les laisser aller à l’école de Kadalou. C’est sûr, je ne me marierai pas avant l’âge de 18 ans.

8

D

ans le cadre du programme de l’Alimentation du Nourris-son et du Jeune Enfant (ANJE) mis en place par IRC

Tchad pour lutter contre la malnutri-tion, une formation de 16 formateurs IRC a été organisée du 3 au 6 dé-cembre 2018 à N’Djaména sur l’écoute et le soutien en cas de diffi-cultés à la pratique de l’allaitement maternel pour les femmes des com-munautés soutenues. L’objectif était d’améliorer la qualité des programmes ANJE en renforçant l’efficience des groupes de soutien communautaires.

Cette formation est partie du constat que les échanges entre les agents de santé des structures sanitaires, for-més par les agents nutrition IRC, et les femmes qui viennent consulter dans les centres de santé, se résu-ment souvent à des séances de sensi-bilisation à l’aide de boîtes à images et non à des séances de soutien basé sur l’écoute empathique et la re-cherche de solution adaptées.

Afin d’améliorer la qualité de ce pro-gramme IRC, la formation des forma-teurs en écoute et soutien ANJE a été réalisée par Marie-Florence Astoin, animatrice de la Leche League France et coach professionnelle. Cette forma-tion à destination de 16 agents nutri-

tion/santé IRC comprenait d’une part une partie théorique les difficultés de l’allaitement maternel et sur l’écoute selon l’approche EVISA : E pour Ecouter d’une manière active et em-pathique, V pour Valoriser en souli-gnant ce que la mère a déjà fait et qui est positif pour elle, I pour Informer en

donnant une information officielle, S pour suggérer, à la différence de con-seiller, A pour Avec Authenticité et d’autre part une partie pratique avec une quarantaine de mamans dans plusieurs centres de santé d’N’Djamé-na.

16 formateurs IRC formés sur l’écoute et

l’accompagnement de l’allaitement maternel

NUTRITION

3 QUESTIONS A

Nestor Djimadoumnodji, Responsable Santé et Nutrition, région du Lac

Qu’est-ce que cette formation vous a apporté ?

J’ai appris comment développer mon écoute empathique et ma capacité à soutenir effi-cacement les mères à travers la méthode EVISA (Ecouter, Valoriser, Informer, Suggérer, avec Authenticité) ; j’ai bénéficié de connaissances clefs en matière de fonctionnement

de l’allaitement, des débuts, des principales difficultés et ai renforcé mes capacités pour former les facilita-trices ANJE sur l’écoute et l’accompagnement de l’allaitement.

Ce qui vous a le plus marqué?

Sans aucun doute la séance de pratique de deux jours dans les centres de santé de Sultan Kasser et de Diguel Nord-Est qui nous a permis de mener des entretiens individuels et de groupes avec les mamans. Je retiens également l’exemple des collègues: Elie qui a décidé d’être aux côtés de sa femme qui a accouché l’avant dernier jour de la formation pour l’accompagner dans l’allaitement maternel exclusif, Nadjita, un de nos chauffeurs, qui a emmené sa femme afin qu’elle bénéficie de conseils pour que l’allaitement de son nouveau-né se passe mieux et tant d’autres exemples touchants pendant les pratiques.

Le conseil le plus précieux que vous avez reçu?

Avoir l’humilité de se mettre au même niveau que les mamans pour les aider à faire elles-mêmes leur libre choix dans le respect de leur dignité et leur autonomisation. Les connaissances techniques seules ne suffi-sent pas. Il faut garder en tête que c’est la mère qui est l’experte de son bébé.

9

EVENEMENT

Deuxième formation à la réponse d’urgence

pour l’Equipe d’Urgence Pays

D

ans la continuité de l’ate-

lier de réponse d’urgence

organisé à N’Djaména en

novembre dernier au profit

de 35 collaborateurs issus des diffé-

rents départements et zones d’inter-

vention d’IRC Tchad (voir From Harm

To Home #4), un second atelier a été

tenu du 21 au 25 janvier 2018. L’ob-

jectif est resté le même: permettre à

l’Equipe d’Urgence Pays (Equipe

CET) de fournir une réponse d’ur-

gence efficace, en temps opportun et

orientée vers les meilleurs résultats.

Cette deuxième session a permis aux

membres de parfaire leurs compé-

tences sur le processus de transition

d’une situation normale vers une si-

tuation de réponse à une crise, la

planification efficace de la réponse,

les facteurs de réussite de la réponse

ainsi que les capacités d’ influence et

d’ action pour un meilleur impact en

cas de crise. Par-dessus tout, l’atelier

a permis de renforcer la confiance et

les compétences du CET en dévelop-

pant une compréhension claire et

partagée au sein de l’équipe. « Nous

travaillons à améliorer la connais-

sance de soi et la capacité d’écoute

de l’équipe CET. Par le biais de scé-

narios fictifs, de simulations, de jeux

de rôles, nous testons la résistance

au stress des participants. Nous n’hé-

sitons pas à les provoquer, respec-

tueusement bien- sûr, pour découvrir

leurs réactions instinctives et sub-

conscientes » explique Ben Emmens,

formateur consultant avant de propo-

ser aux participants le jeu du

« téléphone rétro ». Deux gobelets

sont reliés l’un à l’autre par une fi-

celle. Les participants sont regroupés

deux par deux. L’un doit transmettre

une consigne à l’autre via ce télé-

phone imaginaire. La salle

s’échauffe, les voix s’élèvent, les rires

fusent. Après 10 minutes, bilan du

jeu : la qualité d’écoute diminue lors-

qu’on essaie de faire autre chose. Il

faut rester concentrer et savoir don-

ner une consigne brève.

Identifier les changements

Le thème de la journée du 23 janvier

porte sur la communication. Un com-

muniqué basé sur l’actualité du der-

nier mois est arrivé, indiquant que

« suite aux derniers événements mili-

taires survenus au Nigeria le 26 dé-

cembre 2018 dans la zone de Baga-

Kawa, une nouvelle vague de réfu-

giés a été constatée à Ngouboua,

situé sur la rive Nord-Est du Lac

Tchad. » Les participants, divisés en

5 équipes, sont chargés de rédiger le

communiqué de presse, les Tweets,

les spots radiophoniques et télévisés,

informant le grand public des actions

d’IRC pour répondre à cette situation

de crise. « Le but de tous ces exer-

cices est de les entrainer à passer

efficacement des programmes régu-

liers à la réponse d’urgence. Ils doi-

vent identifier les changements qui

s’imposent en termes de vitesse, de

réactivité et de type de travail », dé-

taille Alberto Solaro del Borgo, For-

mateur, Coordonnateur régional IRC

de préparation d’urgence pour

l’Afrique de l’Ouest. Nul doute

qu’avec ces formations, les collabora-

teurs CET seront préparés au mieux.

ILS ONT DIT

Ben Emmens, Directeur de The Conscious Project, qui propose des services de conseils, de dé-veloppement du leadership aux organisations investies dans le changement social

« L’ambiance est très chaleureuse et vive. Les participants se dispu-tent, réfléchissent, considèrent les arguments des uns des autres, changent souvent leur manière de voir et d’agir. Le maître-mot ici est l’humilité. Il n’y a pas d’échelle de pouvoir, le leadership est redistri-bué. Tous se remettent en ques-tion et font en sorte de laisser la place aux autres.»

Alberto Solaro del Borgo, For-mateur, Coordonnateur régional IRC de préparation d’urgence pour l’Afrique de l’Ouest

« On capitalise sur les compé-tences des équipes. Chacun arrive avec un verre à moitié rempli. Notre rôle est de remplir l’autre partie du verre, tout en favorisant un partage de compétences. Nous les aidons à avoir confiance en leurs capacités, nous renforçons leurs connaissances et leur don-nons de nouveaux outils pour leur permettre d’élaborer rapidement un plan de réponse d’urgence. »

10

Depuis quand travaillez-vous au sein de l’IRC et qu’y faites-vous ?

J’ai intégré IRC Tchad en 2014, en tant qu’assistant du directeur du pro-gramme de Protection et d’Autonomi-sation des Femmes. Je travaillais alors au sud du pays. En 2017, IRC a fermé sa base du Sud et est venu s’installer dans la région du Lac. Après une interruption de deux mois et demis, j’ai été sélectionné pour être Responsable du Programme des Vio-lences basées sur le Genre (VBG).

Pourquoi avez-vous choisi de tra-vailler avec IRC Tchad?

Je suis arrivé dans le milieu humani-taire complètement par hasard. Je cherchais du travail et suis tombé sur une annonce de l’ONG HIAS pour travailler dans la défense des droits

des femmes et des enfants. Je n’avais jamais entendu parler jusque-là de VBG, je ne savais même pas ce que c’était, j’étais plutôt du genre miso-gyne. J’ai été embauché. Un monde nouveau s’est présenté à moi et j’ai pris conscience qu’il y avait un vrai combat à mener. Quand j’ai vu l’offre d’IRC pour le programme de protec-tion et d’autonomisation des femmes, j’ai postulé. Mon travail m’a transformé en profondeur au fil des années. Ma femme pourrait en témoigner !

Quels sont les plus grands défis auxquels font face les femmes au-jourd’hui au Tchad?

La place des femmes au Tchad est restée la même depuis des décennies. Les femmes et les filles sont margina-lisées et ne profitent pas des avan-

tages que l’Etat peut donner comme l’accès à la santé et l’éducation. Sur les bancs de l’école primaire, on trouve la même proportion de filles et de garçons. Puis au fur et à mesure que l’on monte dans les grandes classes, le nombre de filles diminue. Les filles sont contraintes d’abandon-ner leurs études souvent à cause de mariages précoces ou de grossesses non désirées.

Pourquoi ces défis existent-ils?

Les mariages précoces, l’excision des filles sont autant de pratiques socio-

culturelles qui constituent un véritable fléau pour la société. Au Tchad, le poids des traditions est lourd, les lois ne protègent pas les femmes et il faut s’armer de patience pour faire chan-ger les choses. Par exemple, il est de

ZOOM SUR NOS TALENTS

Dassou Guidaoussou

Responsable du Programme des Violences basées sur le Genre depuis

août 2017

Région du Lac

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coutume que la fille n’hérite de rien à la mort de ses parents. Elle ne peut pas prétendre à une parcelle de terre cultivable. Mon père était un homme honorable, profondément respectueux avec ma mère. Il n’avait qu’une seule femme et il n’aurait jamais levé la main sur elle. A son époque, cela était rare. Et pourtant seuls nous les gar-çons étions désignés comme ses héri-tiers. Comme si ma mère et mes sœurs ne comptaient pour rien. Dans certaines ethnies comme les Peuls, les hommes ne veulent pas que les femmes soient vues par les hommes, aussi restent-elles cloîtrées à la mai-son. D’autres, par orgueil, ne veulent pas que leurs femmes fassent des activités génératrices de revenus ou s’accaparent l’argent issu de ces acti-vités. Le rapt des filles, le gavage des filles pour les préparer à un mariage précoce, le sororat sont autant d’actes tolérés voire encouragés par les diffé-rentes traditions des peuples du Tchad. Les résolutions des différends à l’amiable devant les dignitaires tradi-tionnels et religieux sont toujours au désavantage des femmes et des filles. Par exemple, l’auteur d’un viol n’est jamais puni s’il accepte de prendre la victime comme épouse en versant la dot aux parents de la victime.

Quel genre de soutien vis-à-vis des violences basées sur le genre IRC Tchad apporte-t-il aux femmes ?

IRC Tchad agit selon deux axes prin-cipaux: la prévention des VBG par le biais de nombreuses sensibilisations et plaidoyers envers les chefs commu-nautaires et les communautés et la réponse apportée aux VBG. Les VBG regroupent six types de violences : le viol, l’agression sexuelle, l’agression physique, le mariage précoce forcé, les violences psychologiques, le déni de ressources, de services et d’oppor-tunité. Dans notre programme, la vio-lence conjugale physique et psycholo-gique est la plus récurrente. Des ser-vices de prise en charge psycho-

sociales et des assistantes psycho-

sociales sont chargés d’accueillir les « survivantes » des VBG, comme nous les appelons, suivant les prin-cipes directeurs de prise en charge que sont : le respect, la sécurité, la confidentialité et la non-discrimination. Nous assurons une gestion de cas axée sur la survivante en apportant des soutiens psychologiques et en référant les survivantes vers des ser-vices de prise en charge en fonction des besoins de celles-ci. . En outre, la violence se nourrissant de la pauvreté, les programmes IRC de relèvement

économique comme le transfert d’ar-gent contribuent également à diminuer les VBG.

Comment le programme de Protec-tion et d’Autonomisation des femmes est-il accepté par les com-munautés ?

Au début, les réfugiés, déplacés et communautés hôtes nous prenaient pour des théoriciens. Ils ne compre-naient pas notre action et n’en voyaient pas l’intérêt direct. Il faut dire que notre programme est souvent considéré à tort comme secondaire. Mais le changement des comporte-ments est palpable. A mon arrivée au Lac il y a un an et demi, les femmes étaient sales et crasseuses pour la plupart. Maintenant, elles compren-nent l’importance de l’hygiène corpo-relle, la fréquentation des centres de santé notamment la santé de la repro-duction. Les femmes et les filles ont trouvé aux centres des femmes un cadre de partage d’expériences. Chose qu’elles n’avaient pas aupara-vant même dans leur village d’origine. Une femme a témoigné que les hommes s’arrogent le droit d’avoir leur arbre à palabre où ils discutent des sujets communautaires en les ex-cluant. Désormais les femmes aussi ont leur lieu de socialisation et de dis-cussion.

Avez-vous des histoires à partager, qui vous ont particulièrement mar-qué ?

L’histoire de cet homme, Adam Kimé Digan, m’a vraiment marqué et je pense pouvoir affirmer qu’elle fait ré-fléchir bon nombre de nos bénéfi-ciaires du Lac. Adam Kimé Digan est un relai communautaire et nous ac-compagne dans nos activités de pré-vention des VBG. Après seulement quelques mois de travail avec nous, il a complètement changé sa façon de voir sa femme et sa famille. Le plus grand souhait de sa femme était de faire du maraîchage, mais il la forçait à rester chez eux toute la journée pour s’occuper de lui et des enfants. Peu à peu, il a compris que quand sa femme travaille, elle rapporte des ressources et qu’ensemble ils peuvent discuter de l’utilisation de cet argent. Aujourd’hui, il témoigne fièrement devant sa com-munauté qu’un homme peut de temps en temps laver les enfants ou préparer un repas quand sa femme est absente pour travailler. Il n’en sera pas moins homme. Même si Adam Kimé Digan n’est pas le seul homme à faire des taches soi-disant réservées aux femmes, il est le seul à l’exprimer ou-vertement et avec autant de fierté.

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IRC TCHAD EN IMAGE

Jeune fille sur le site de Dar El Kheir (région du Lac).

©Naomi Frérotte OCHA